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Le Retour au désert création

TEXTE bernard-marie Koltès AVEC MISE EN SCÈNE arnaud meunier Didier bezace ADRIEN ASSISTANTES À LA MISE EN SCÈNE louis bonnet PLANTIÈRES elsa imbert , émilie capliez émilie capliez MARIE ROZÉRIEULLES STAGIAIRE DRAMATURGE Vivien Hébert adama Diop LE GRAND PARACHUTISTE NOIR SCÉNOGRAPHIE Damien caille-perret elisabeth Doll MARTHE LUMIÈRES nicolas marie philippe Durand SABLON SON benjamin Jaussaud riad Gahmi SAÏFI VIDÉO pierre nouvel catherine Hiegel MATHILDE COSTUMES anne autran Kheireddine lardjam AZIZ COLLABORATION ARTISTIQUE DE Jean-charles Di Zazzo nathalie matter FATIMA POSTICHES la malle à perruques /patricia Debrosse stéphane piveteau BORNY MAQUILLAGE EFFETS SPÉCIAUX Delphine boyer isabelle sadoyan MAAME QUEULEU MAQUILLAGE ET COIFFURE Virginie mizzon rené turquois MATHIEU ACCESSOIRES Hubert blanchet cédric Veschambre ÉDOUARD DÉCOR ET COSTUMES ateliers de la comédie de saint-étienne DURÉE 2 H proDuction La Comédie de Saint-Étienne, Centre dramatique national coproDuction Célestins, Théâtre de Lyon – Théâtre de la Ville-Paris - Scène nationale d’Albi – Théâtre National Populaire, Villeurbanne

© Sonia Barcet

RELATIONS TROUBLES catherine Hiegel et Didier bezace dans l’écriture acérée et narquoise de Koltès.

De retour d’Algérie, au moment où le pays devient indépendant, Mathilde arrive chez son frère, propriétaire d’une usine. Et bernard-marie Koltès s’en donne à cœur joie dans le portrait acéré et narquois d’une bour - geoisie qui tire le rideau sur son passé colonialiste, refoule toute forme de culpabilité, revendique la bonne conscience comme un bien familial, au même titre que l’usine, le nom, la maison. Parce qu’il est lié à l’Algérie où il a fait de nombreux séjours, arnaud meunier est particulièrement attaché à cette pièce qui met en lumière « nos rela tions troubles avec notre ancien département » tout comme « notre relation à l’autre, aux étrangers, à l’immigration ». C’est dire si le temps est venu de la faire à nou veau entendre, portée par une troupe réunie autour de catherine Hiegel et Didier bezace . colette Godard

2 SOMMAIRE

comédie acide p. 4

présentation p. 5

le projet p. 6

note d’intention p. 7

note d’intention scénographique p. 9

recontextualisation de l’œuvre et de l’écriture p. 10

pistes pédagogiques p. 15

extraits des textes p. 17

bernard-marie Koltès p. 19

arnaud meunier p. 20

tournée i rencontres i librairie p. 26

3 COMÉDIE ACIDE

en réponse à l’inquiétude que suscite la montée du Front national, arnaud meunier reprend avec catherine Hiegel et Didier bezace, Le Retour au désert , une pièce de bernard-marie Koltès qui a pour toile de fond la France des années 1960, minée par la guerre d’algérie.

Le théâtre d’ arnaud meunier ? Un théâtre politique, Dans Le Retour au désert , pièce créée en 1988, une ancré dans notre société. Un théâtre qui s’attache à femme rentre chez elle (Mathilde, rôle écrit pour dépasser le vase clos d’un microcosme artistique Jacqueline Maillan, ici incarné par catherine uniforme. Cela, non seulement pour se faire le miroir Hiegel ), dans une petite ville française du début des des questionnements et des problématiques de son années 1960. Elle revient d’Algérie, avec ses deux époque, mais aussi pour rendre compte physique - enfants, pour reprendre ses droits sur la maison ment, concrètement, sur le plateau, de la réalité et la familiale qu’occupe son frère, un ponte de la bour - diversité du monde (rappelons-nous de sa mise en geoisie locale ( Didier bezace reprend ce rôle inter - scène de 11 septembre 2001 de Michel Vinaver, pré - prété à la création par Michel Piccoli). En retrouvant senté au Théâtre de la Ville avec quarante-cinq lycéen- la terre qui l’a vue naître, Mathilde fait face aux eaux ne-s de Seine-Saint-Denis). Ainsi, rien d’étonnant à troubles d’un pays submergé par des idées et des ce que l’actuel directeur du Centre dramatique agissements délétères. Un pays sur lequel plane des national de Saint-Etienne ait baptisé la compagnie zones d’ombre : les épurations sauvages de la libéra - qu’il a fondée en 1997 Compagnie de la Mauvaise tion, les attentats de l’OAS, la guerre d’Algérie, les Graine. Rien d’étonnant, non plus à ce qu’il inves - sentiments racistes que nourrit une part grandissante tisse aujourd’hui l’écriture de bernard-marie Koltès , de la population. Malgré tous ces fantômes, Bernard- auteur dont l’œuvre est traversée par les thèmes de Marie Koltès a conçu Le Retour au désert comme une la marge, de la différence, de l’exclusion… comédie. Une comédie acide, violente, cruelle, dont Arnaud Meunier s’empare pour répondre au danger que représente la montée actuelle du Front national. Une nouvelle fois, le metteur en scène fait du théâtre un lieu de réflexion citoyenne. Il place la France de 2015 face à elle-même. En interrogeant notre mé moire et la notion d’étranger. manuel piolat soleymat

4 PRÉSENTATION

MATHILDE - «… Où est-elle la terre sur laquelle je pourrais me coucher ? En Algérie, je suis une étrangère et je rêve de la France ; en France, je suis encore plus étrangère et je rêve d’Alger. Est-ce que la patrie, c’est l’endroit où l’on n’est pas ?… »

Dans cette étrange maison entourée de hauts murs, Mathilde Serpenoise débarque un beau matin des an nées 1960, avec enfants et bagages. Voici quinze ans qu’elle avait quitté ce lieu pour l’Algérie. Aujour d’hui, elle entend bien récupérer son dû. Mais, Adrien, son frère, ne l’entend pas ainsi. Un affrontement explosif reprend entre le frère et la sœur. Les deux camps se déchirent, tandis que des événements surprenants se produisent au dedans, comme au dehors, évoquant eux aussi la violence de cette guerre que nul n’accepte de nommer.

L’Histoire franco-algérienne est pleine de fantômes, Koltès leur donne vie. Son écriture puise dans les non- dits qui tissent l’incompréhension commune entre ces deux pays. Parce qu’il a la conviction que notre relation à l’immigration reste liée à ce passé occulté, arnaud meunier , depuis longtemps déjà, désirait aborder cet épisode de notre Histoire. Le Retour au désert lui offre cette opportunité, par le biais d’une formidable co mé - die. D’irrésistibles dialogues y côtoient des éléments fantastiques. Profondeur, poésie et ironie ne cessent d’y flirter ensemble… Pour incarner cet ovni théâtral, le metteur en scène retrouve plusieurs fidèles. À leurs cô tés, catherine Hiegel incarne Mathilde, Didier bezace , Adrien.

5 LE PROJET

une coméDie Féroce On y retrouve son sens du rythme et son goût pour les mécaniques implacables. Mais cette fois, le rire provo - Dans une petite ville de province du début des an nées qué chez le spectateur se veut jaune, incisif, grinçant. 1960, en apparence paisible, une femme rentre d’Al - C’est cela que je souhaite mettre en scène : cet humour gérie avec ses deux enfants pour s’installer dans la noir sur fond de revenants, de mémoire interdite et maison familiale où réside son frère. de bourgeoisie déliquescente pour mieux entrevoir Le caractère entier et sans compromis de Mathilde va les causes du mal. Car c’est bien la montée des popu - alors vite trancher avec l’évidente notabilité autori - lismes et notamment du vote FN en milieu rural qui taire d’Adrien, propriétaire d’usine. rend urgent et nécessaire de revisiter cette pièce, fina - Mathilde semble fuir ce qu’on appelle alors les évé - lement assez peu montée. nements d’Algérie et vient récupérer son dû : la moitié des biens familiaux détenus par son frère. Elle fera ra - un proJet De troupe pidement voler en éclat les faux-semblants d’ordre et de paix et va réveiller dans ce « désert » les secrets et Treize comédiens rythmeront cette étrange histoire, les non-dits de cette petite communauté provinciale. emmenés par le duo central que formeront catherine Hiegel (Mathilde) et Didier bezace (Adrien). Il s’agira un conte Fantastique de leur première rencontre au plateau. Deux monstres sacrés troubles et inquiétants pour incarner ce rapport Au-delà de la fable, Le Retour au désert est avant tout au passé, à notre amnésie organisée, à notre ambiguïté une convocation de notre mémoire coloniale et de ses face à l’Algérie. zones d’ombres. Une pièce sur notre culpabilité, sur Onze complices notamment issus de l’Ensemble artis - ce que l’on n’assume pas, sur ce que l’on voudrait tant tique de La Comédie de Saint-Etienne compléteront taire ou oublier. la distribution. Encore aujourd’hui, notre relation à l’Algérie est trou - arnaud meunier, juin 2014 ble, schizophrénique. Comme si c’était toujours dou - loureux, encore trop frais, impossible à résoudre. Koltès peuple la pièce de fantômes, comme celui de Marie, la femme défunte d’Adrien ; de désir d’envol et d’ailleurs ; de malédictions et d’extravagances.

6 NOTE D’INTENTION

« Il ne faut plus parler de l’Algérie. Y’a rien à en dire. Faut pas jeter de l’huile sur le feu. - Parce qu’y a le feu ? - Façon de parler. On pourrait avoir des problèmes. - Des problèmes ? Quels problèmes ? Avec qui ? - Faut éviter d’en parler. À quoi ça sert ? » Fabrice melquiot, page en construction, texte écrit pour Kheireddine lardjam

Il y a quelque chose qui ne passe pas. C’est une his - À Oran, j’étais frappé par l’attraction et la fascination toi re qu’on n’a pas réglée. Rien à faire. Plus de cin - que la France exerçait sur tous ces jeunes et en même quan te ans après l’indépendance de l’Algérie et trois temps par leur rancœur et leur amertume qu’ils ne générations plus tard, ça reste compliqué, tabou, dif - dissimulaient pas. Des reproches et des malenten - ficile à commémorer, à officialiser, à raconter. Des his - dus constamment. toires de harkis, de tortures par l’armée française, des volontés de faire reconnaître « le rôle positif de la Je n’avais pas dit à mon père que j’allais en Algérie. colonisation », des imbroglios diplomatiques : tout Le pays était encore considéré comme dangereux et ça sur fond d’intérêts économiques et stratégiques… je ne voulais pas l’inquiéter. Mais plus encore, je pense que je ne voulais pas réveiller ses souvenirs qui m’ont Mon père n’est pas né en Algérie mais il y a grandi. De toujours paru mélancoliques et douloureux. Ce n’est son enfance à Alger, il n’a jamais raconté grand chose que très récemment, par exemple, que j’ai compris mais nous avons toujours senti, mes frères et moi, qu’il qu’un de ses amis de longue date avait probablement y restait profondément attaché. Comme une carte été OAS. Un tatouage sur le bras montrant une tombe pos tale heureuse et nostalgique qu’il ne faudrait pas m’intriguait et m’effrayait quand j’étais enfant. Pressé abîmer. Un jardin secret. Quelque chose de très sen - par mes questions, mon père m’avouait, il y a peu de timental et d’affectif. temps et à demi-mots, qu’il « avait fait des conne - ries », qu’il « était jeune »… En 2002, année de l’Algérie en France, je suis parti travailler à Oran. Une toute jeune compagnie de thé - En 2010, je suis retourné en Algérie. En tournée avec âtre liée à la veuve du dramaturge algérien assassiné ma compagnie. Cette fois, j’allais à Alger, la ville d’en - pendant les années noires, faisait revivre avec géné - fance de mon père. Je lui ai proposé de venir. « Je rosité et enthousiasme les pièces phares d’Abdelkader n’en ai pas le courage », me dira t-il. Je prendrai des Alloula. Après un mois passé auprès d’eux, j’ai décidé photos pour lui montrer. « Ça n’a pas changé », me de jumeler ma compagnie à la leur. Ensemble nous répondra t-il. avons créé El Ajouad au Forum du Blanc-Mesnil, puis Kheireddine, le chef de troupe, est venu m’assister à Depuis longtemps, j’ai envie de mettre en scène cette la mise en scène sur Pylade de Pasolini. histoire de nos relations troubles avec notre « ancien département français ». Parce que je sens intimement, Je réalisais alors que près d’un tiers de ma compagnie qu’une bonne partie de notre histoire collective s’est avait une relation plus ou moins directe à l’Algérie. nouée là-bas. Que notre relation à l’autre, aux étran - J’étais stupéfait. L’un avait un père para pendant la gers, à l’immigration, reste liée à ce passé colonial sous guerre, une autre une demi-sœur mariée avec un al - silence. gérien, une autre encore une mère née là-bas… Nous n’en savions rien, nous n’en avions jamais parlé. Pour - En 2006, je faisais un pas de côté en montant Gens de quoi faire ? Séoul d’Oriza Hirata qui racontait le début de la colo - nisation japonaise en Corée. Mué par la conviction

7 qu’on ne pouvait pa s, de manière intéressante et per- Heiner Mul̈ ler pour son Q uartett. Deux « monstres sa - tinente, affronter notre histoire algérienne frontale- crés ». Chéreau avait Maillan et Piccoli ; Nichet, Boyer ment. Que toutes les pièces que je lisais sur le sujet et Chattot. J’ai rêvé au tandem Hiegel et Bezace. me paraissaient faibles et schématiques ; qu’il fallait plus creuser du côté de l’intime. J’admire Catherine depuis longtemps. Sa force, son intensité, sa ligne claire. Son goût pour la comédie De son côté, Kheireddine Lardjam mettait en scène aussi. Ensemble, nous avons réalisé une dramatique des auteurs algériens (Mustapha Benfodil, Maïssa Bey, pour France Culture sur un texte inédit de François Kateb Yacine, Rachid Boudjedra) qui parlaient tous Bégaudeau : Le Foie. de l’Algérie contemporaine et de son inextricable lien à la France… Didier Bezace a la carrure, la démesure même du rôle. Un « gorille ». Notre complicité s’est nouée à Auber - L’évidence du Retour au désert s’est faite à partir de là. villiers où il m’a invité deux fois comme metteur en En la relisant récemment, elle m’apparaissait comme scène, avec K ing de Michel Vinaver et plus récemment le trait d’union de ce que nous cherchions lui et moi avec Femme non-rééducable de Stefano Massini. – chacun de son côté – à raconter de nos deux pays, de notre histoire commune, aujourd’hui encore dés- À partir d’eux et avec eux, je veux imaginer un spec - espérément muette et peu traitée sur nos plateaux. tacle de troupe, où l’on retrouve mes complices. Une Kheireddine n’était-il pas devenu comme Aziz, un couil - comédie féroce comme un geste salutaire. Un sur - lon pas vraiment français et plus vraiment algérien ? saut par le plateau.

Koltès raconte la genèse de la pièce et la fait justement Au moment où le Front National arrive en tête des remonter à ses souvenirs d’enfance à Metz, ville de élections européennes et face à une Europe tout en - militaires : tière qui vit le retour des populismes et des nationa- « On peut éprouver des émotions à partir des événements lismes ; de la mesquinerie, du repli sur soi, j’ai l’im- qui se déroulent au dehors. En province, tout cela se pression que toutes les raisons intimes qui ont poussé passait quand même d’une manière étrange : l’Algérie Koltès à écrire L e Retour au désert sont miennes. Que semblait ne pas exister et pourtant les cafés explosaient son projet d’écriture coïncide parfaitement à ma néces - et on jetait les Arabes dans les fleuves. Il y avait cette sité de mise en scène. Que cette pièce doit être (re)vue violence-là, à laquelle un enfant est sensible et à la quel le et (ré)entendue, maintenant. il ne comprend rien. » Notre histoire franco-algérienne est pleine de fantô - Le Retour au désert part de là. D’une incompréhen- mes. Koltès leur donne vie. Ce sera un axe fort de ma sion, de secrets, de non-dits. D’une maison entourée mise en scène. Celui du fantastique. Il permettra de de hauts murs pour mieux se barricader ; d’un fils qui don ner toute sa place à l’humour noir et à la profondeur. rêve de partir ; d’un autre qui veut s’envoler ; d’une fem me disparue étrangement et qui vient hanter la Comme toujours chez Koltès, c’est par la langue – très maison familiale ; d’un parachutiste noir tombé du rythmique et très musicale, comme chez Stefano Mas - ciel qui enfantera mystérieusement. sini d’ailleurs – que se construisent les personnages et la dramaturgie. Ce rythme sera au cœur du spec- Le Retour au désert part aussi et paradoxalement, tacle et du plaisir du spectateur, que Koltès re cher che d’une admiration pour une actrice inhabituelle pour sans ambages. le Théâtre public : Jacqueline Maillan. Quand il écrit la pièce : c’est pour elle. Pour casser les codes d’un Plaisir, comédie, humour noir : comme chez Gogol, théâtre austère, rétif à la comédie, entre soi et déses - l’ironie sera alors une arme poétique, très puissante pérément blanc. Il voulait sortir d’un théâtre qui tour - et très stimulante. nait en rond. « Il ne faut pas prendre ma pièce au sérieux. Avant, il Le Retour au désert est donc un ovni théâtral : une vé - me semblait évident que j’étais ironique, mais on ne le ritable comédie sur un sujet délicat, douloureux et voyait pas, cela devenait pénible. Maintenant, avec Le intime. Et en cela, il est un défi passionnant pour la Retour au désert, il est impossible de faire quelque mise en scène. chose de tragique. » arnaud meunier, 8 octobre 2014 Il exige, à mon sens, un duo d’acteurs très particulier pour incarner Mathilde et Adrien. Comme l’imaginait

8 NOTE D’INTENTION SCÉNOGRAPHIQUE

La pièce se passe pour l’essentiel dans la maison des L’utilisation de ces deux espaces se fera de manière Serpenoise que Koltès situe dans l’est de la France, non restrictive et parfois sur le mode de la contami - dans les années 1960. Les scènes s’enchaînent, par - nation, du débordement. Par exemple : du mobilier fois rapidement, entre des intérieurs et des exté - du salon pourra être posé sur l’herbe avec lampe, rieurs. Les précisions – en trompe l’œil – qu’apporte fauteuil, table basse. Autre exemple, la chambre : le Koltès à ces lieux pourraient nous orienter vers une lit, là encore posé sur l’herbe, la lampe de chevet certaine forme de réalisme. Mais la lecture que nous arrivant des cintres, le rideau dans la maison, agité faisons de la pièce, et notamment celle des scènes du par le vent. Nous effectuerons ainsi des transversali - jardin, nous a amenée à explorer d’abord sa dimen - tés d’espaces, des migrations d’objets, comme un sion fantastique et onirique. collage surréaliste.

La scénographie comporte deux éléments principaux. Cette maison sera parfois masquée par un mur. Un mur qui protège, enferme. Un mur qu’on franchit, trans - Elle s’est construite autour de cette idée d’un jardin gresse. Une masse imposante qui annule le regard ou fantastique et mystérieux : un sol constitué d’une vé - l’oriente ailleurs. gétation non réaliste, poétique, très sombre, voire noire, mais qui peut révéler des parties lumineuses. La maison des Serpenoise est en soit un personnage L’escalier du début est remplacé par une butte. de la pièce. Elle a sa réalité, sa densité, son mystère ; et le travail de la scénographie aura pour intention Sur cette herbe est posée une construction architec - de créer immédiatement au regard du spectateur ce turale vitrée, moderne et simple, un bloc modulable décalage vers le poétique à partir d’éléments au bord pouvant changer d’aspect, de profondeur, occulté par - du réalisme. fois par un rideau et qui, grâce à la lumière, le son, les projections vidéos ou par exemple du vent pourra Pour ce travail, notre inspiration a beaucoup à devoir lui aussi revêtir un aspect fantastique. aux œuvres de Gregory Crewdson et David Lachapelle. Damien caille-perret, janvier 2015

9

RECONTEXTUALISATION DE L’ŒUVRE ET DE L’ÉCRITURE

J’étais à Metz en 1960. Mon père était officier, c’est à Comment la représentation peut-elle laisser entendre cette époque-là qu’il est rentré d’Algérie. En plus, le et voir davantage qu’une faible proportion des riches - collège Saint-Clément était au cœur du quartier ses vives que l’écriture recèle, elle qui est tenue d’avan - arabe. J’ai vécu l’arrivée du général Massu, les explo - cer, et de faire avancer le spectateur sans ralenti ni sions des cafés arabes, tout cela de loin, sans opi - retour en arrière ? La densité du texte est à la fois le nion, et il ne m’en est resté que des impressions – les stimulant et l’obstacle. Plus elle est forte, plus le met - opinions je les ai eues plus tard. J’ai tenu à ne pas teur en scène doit choisir et omettre, espérant néan - écrire une pièce sur la guerre d’Algérie, mais à mon - moins que quelque chose de ce qui n’est pas mis en trer comment, à douze ans, on peut éprouver des avant sera capté de façon diffuse et entrera dans l’in - émotions à partir des événements qui se déroulent contrôlable effet d’ensemble. au dehors. En province, tout cela se passait quand michel Vinaver, écrivain même d’une manière étrange : l’Algérie semblait ne in Alternatives théâtrales n°35-36 (septembre 1995), pas exister et pourtant les cafés explosaient et on texte Sur Koltès p. 10 jetait les Arabes dans les fleuves. Il y avait cette vio - lence-là, à laquelle un enfant est sensible et à la - Pour moi ce qu’il y a d’énorme, c’est ce mélange de quelle il ne comprend rien. Entre douze et treize ans, Rim baud et de Faulkner. Les personnages sont cons - les impressions sont décisives, je crois que c’est là truits et développés entièrement à partir du langage. que tout se décide. Tout. Moi, évidemment, en ce qui En même temps on trouve dans ces textes une struc - me concerne c’est probablement cela qui m’a amené ture moliéresque. Cette structure moliéresque, cette à m’intéresser davantage aux étrangers qu’aux Français. structure d’aria apparaît le plus nettement dans Le J’ai très vite compris que c’était eux le sang neuf de Retour au désert. Ce qui a sans doute aussi à voir avec la France, que si la France vivait sur le seul sang des le sujet : la famille française dans laquelle soudain quel- Français, cela deviendrait un cauchemar, quelque que chose d’étrange fait irruption. Ce que fait Koltès, chose comme la Suisse. La stérilité totale sur le plan c’est quelque chose de très rare dans l’écriture dram a - artistique et sur tous les plans. tique récente. Les pièces des autres auteurs n’ont bernard-marie Koltès, sou vent qu’une structure d’intrigue et l’intrigue est in Le Républicain Lorrain , 27 octobre 1988 ennuyeuse au théâtre. Il faut plutôt rendre obscure ou faire sauter cette structure d’intrigue. Chez Koltès par contre il y a une structure d’aria. Cela veut dire que À propos De KoltÈs l’auteur est plus ou moins directement présent dans ses textes, dans ses personnages. Je trouve ça très Ce qui se passe, dans la matière même du texte kolté - important, parce qu’en ce moment la tendance géné - sien vu au microscope, c’est un incessant phénomène rale est l’extinction de l’auteur, l’expulsion de l’auteur explosif, d’ordre poétique, par lequel l’action progresse du texte et aussi du théâtre. C’est ça qui m’a intéressé indépendamment de toute causalité. C’est dans l’agen - chez Koltès. Et là, je n’étais pas exempt de jalousie, cement d’une réplique à l’autre, et des phrases et des mots parce que ça a l’air tellement non-construit. On est à l’intérieur d’une même réplique, que se découvre, en présence de passages fluides d’un niveau de per - fond et forme ne faisant qu’un, un jeu tout à fait sin - ception à un autre. Ces passages sont absolument flu - gulier des passions et des idées, des pulsions fugitives ides et on ne peut pas les situer à des points précis. et des grands thèmes universels, à partir duquel une Et je trouve ça extraordinaire. Ainsi le tout a aussi histoire se raconte, des personnages se constituent, quelque chose de lyrique, quelque chose d’un poème, des espaces se délimitent et se croisent, des passés et mais c’est un courant de conscience. Ce ne sont pas des avenirs entrent en collision ou fusionnent. Une des plaques qui sont placées l’une à côté de l’autre. durée se catalyse à partir du passage des instants dis - Ce courant de conscience représente la force de ces séminés. Un présent s’impose, fait de toutes les situ - textes : Koltès fait avec le langage ce que le cinéma ations humaines et de tous les mouvements de l’âme. fait avec l’image. C’est le présent théâtral même, c’est le théâtre. Heiner müller, écrivain in Alternatives théâtrales n°35-36 (septembre 1995), entretien avec Heiner müller Aucun texte n’est à l’abri du théâtre , p. 12

10 note DramaturGique hauts murs de la maison familiale. Il semble régner raconter le monDe un climat permanent d’insécurité, où chacun vit l’au - À partir D’un enDroit intime tre comme une menace, et où l’extérieur est un espace de dangers non-identifiés, qui cherchent constamment l’intime et le commun à pénétrer l’enceinte de la maisonnée. Cet endroit du monde connaît également une crise des L’œuvre de Bernard-Marie Koltès est intimement poli - identités. Dans un monde où « les frontières bougent tique. Elle raconte quelque chose des relations humai - comme la crête des vagues », où les individus se vivent nes, des rapports de domination, de nos drames et de comme apatrides, les identités se dissolvent, et les nos espoirs. Pourtant, elle n’est pas politique au sens différentes assignations que les êtres reçoivent ne où Koltès chercherait à produire du didactique, ou font qu’entériner ce flou généralisé dans lequel ils qu’il construirait un dispositif qui chercherait à im - évoluent : « Le Front dit que je suis… », « Mon patron pacter son spectateur. C’est une œuvre nourrie de po - dit que je suis… ». litique sans être immédiatement militante. L’auteur À partir de ces quelques éléments particuliers, on préfère s’attarder sur ce qu’il désigne lui-même comme entrevoit ce que Koltès décrit du monde des années des « endroits du monde ». Ses pièces sont situées : 1960 avec entre autres le parachèvement des effon - à partir d’un espace géographique précis et de ses drements des empires coloniaux, les attentats de l’OAS protagonistes, il nous raconte des histoires d’hommes mais aussi de celui des années 1980. La première grosse qui font signe vers l’Histoire et vers le monde à leur montée du front national aux élections de 1988, la manière. première évocation de la question de l’identité natio - Se pencher sur l’intimité d’un lieu permet ainsi de pro - nale, le processus de dislocation définitive du bloc duire du politique, en proposant des pistes d’entrée vers com muniste, etc. On voit aussi comment l’on peut in - le monde commun. C’est précisément ce qu’il réalise terroger notre contexte contemporain à partir de ces dans Le Retour au désert . Il choisit un endroit : une mai - histoires intimes. Le « climat d’insécurité » ne s’est son bourgeoise de la province française, au début des jamais aussi bien porté, ou n’a jamais été autant années 1960. Il choisit aussi de construire la fable en médiatisé en France. Le « débat sur l’identité natio - s’appuyant des éléments qui lui sont personnels : il a nale » n’est donc pas nouveau, pour autant, il est au grandi à Metz au sein d’une famille de petite bour - coeur de l’actualité de ces dernières années… geoisie et la « rue Serpenoise » est une artère impor - tante de la ville de Metz. rire pour Dire ce que l’on ne peut Pour saisir le fonctionnement politique de l’œuvre et raconter autrement savoir ce que nous raconte la pièce, il est intéressant de s’interroger sur cette double-intimité et sur son une coméDie inattenDue articulation avec l’Histoire et le monde. Il faut aussi noter que la pièce est située au début des années 1960 Koltès trouvait que ses pièces étaient trop souvent – elle nous dit quelque chose de la guerre d’Algérie « prises au sérieux ». Pour celle-ci, il assume avoir et de cette période – mais qu’il l’écrit à la fin des années vraiment voulu que « le comique prédomine ». C’est à 1980 dans un second contexte, un autre état du monde. partir de Jacqueline Maillan, qui est première dans Cette pièce, portée aujourd’hui au plateau donne aussi le processus d’écriture, qu’il compose le personnage à interroger un troisième état du monde, celui du de Mathilde, en refusant malgré tout d’écrire un milieu des années 2010. « boulevard ». Pourtant, les sujets qu’il aborde sont loin d’être légers, des explosions de cafés arabes aux Dans la proVince Française Des années 1960, grossesses non désirées, avec comme contexte la une maison bourGeoise guerre d’Algérie en toile de fond. C’est d’ailleurs sou - vent les scènes les plus difficiles – quand Mathilde Caractériser « l’endroit du monde » le lieu où se dé - menace Plantières avec des ciseaux, ou quand les roule la pièce agit ainsi comme un puissant révélateur. notables préparent leur attentat – qui puisent le plus On peut ici en souligner rapidement quelques traits. dans les ressorts du comique. La pièce a lieu dans une petite ville provinciale et La fonction du genre, et son intrication avec des sujets met en scène la société « bourgeoise » des années 1960 difficiles à aborder, est un point névralgique à éluci - avec ses individus (des notables sûrs d’eux, fiers de leurs der. L’auteur affirme ne pas chercher à dénoncer. Il se traditions) et leurs sociabilités (entre-soi, arrange - « moque » autant qu’il défend tous ses personnages ments, etc). Mais, plus particulièrement, l’histoire se dans leur complexité. déroule presque en son intégralité à l’intérieur des

11 ce qui est DiFFicile À aFFronter métisser le sacré ?

On peut déjà avancer une hypothèse : le rire permet La pièce s’organise autour des prières qui rythment d’aborder de manière légère des thèmes qui ne pour - la journée du musulman. La dernière scène fait aussi raient peut-être pas être abordés frontalement. Ainsi référence à l’Islam puisque Koltès lui donne pour titre des rapports de domination : les personnages sont pour « Al-’îd aç-çaghir » (la « petite fête », celle de la fin la plupart extrêmement féroces, et les échanges tour - du jeûne du ramadan). D’autres références du même nent souvent à des joutes verbales. Les affrontements ordre, mais issues d’une liturgie différente, émaillent successifs entre la sœur et le frère sont de véritables le texte. Les deux sœurs qu’a épousé Adrien portent « combats de rues », mais Koltès préfère faire de son les noms de Marthe et Marie, comme les sœurs de texte une « pièce de bagarre » plutôt qu’un véritable Lazare que visite Jésus en Béthanie. C’est la première drame. Ce choix permet à la fois une grande finesse femme d’Adrien, à présent décédée, qui porte le nom de dans la description des rapports de domination, mais Marie. Dans la bible et aux yeux de Jésus, Marie est elle déplace surtout le rapport au spectateur. Plutôt celle qui a choisi « la meilleure part » (n’est-ce pas, d’ail - que de privilégier un rapport violent, il propose une leurs, ce que dit Mathilde à son propos : « De quoi se forme généreuse et divertissante qui, pourtant, ren - plaint-elle ? Elle est casée, elle. ») Dans l’acte d’écriture voie aux démons intimes de notre Histoire commune même ce « melting-pot » des religions va plus loin en - (les femmes rasées de la Libération, les relations pro - core, par exemple lorsqu’Adrien évoque le Bouddha. fondes et complexes de la France et de l’Algérie,…). Face à la crise des identités, à la montée des extrêmes, Le rire devient alors un outil capital pour aborder à la difficulté de raconter la complexité de notre une Histoire complexe et lourde en traumatismes… Histoire, et celle des individus, Koltès semble ne plus pouvoir se soumettre aux règles qui régissent les genres plonGer Dans l’étranGe et les catégories littéraires et théâtrales classiques. puisque nous sommes tous étranGers Comique, fantastique, intrigue, réalisme : autant de concepts à réinventer dans l’écriture. Ce qu’il pointe Des étranGers À l’étranGe plus précisément ici, c’est la résurgence d’une forme de sacré, bien qu’ici encore non-conventionnel : il réu - La crise des identités aboutit à un constat terrible : nifie liturgie musulmane, liturgie chrétienne et même nous sommes tous des étrangers. C’est, peut-être, une liturgie bouddhiste. Peut-être peut-on y lire une tenta - réponse directe à cette question de l’identité nationale tive de renouer avec un certain spirituel œcuménique, qui surgit en cette fin des années 1980. De manière débarrassé des dogmes, comme ultime moyen de sai - corrélée à ce constat, se construit tout au long de la sir un monde qui nous échappe. pièce une dramaturgie de l’étrange et de l’ambiguïté. En tous les cas, face à la crise des identités, aux replis En plus d’être un leitmotiv que reprennent la plupart ethniques et aux débats sur les « identités nationales », des personnages de la pièce – « Étrange ! » – l’étrange Koltès a la certitude que le salut ne peut venir que devient non seulement un thème central de la pièce d’un profond métissage. À propos du métissage, et (cette maison bourgeoise d’apparence tranquille ren - des « étrangers », il écrit en octobre 1988 : « J’ai très ferme en réalité de terribles secrets) et il aboutit même vite compris que c’était eux le sang neuf de la France ; à l’exploration d’un autre genre : celui du fantastique. que si la France vivait sur le seul sang des Français, L’ambiance nocturne – chère à Koltès – est omnipré - cela deviendrait un cauchemar, […] la stérilité totale sente dans la pièce ; et l’auteur va jusqu’à faire appa - sur le plan artistique et sur tous les plans .» raître le spectre de Marie, ancienne épouse assassi - Vivien Hébert née d’Adrien. Comme le comique, l’étrange permet d’aborder de manière déjouée certaines thématiques, et constitue un enjeu important de la mise au plateau. Cette dramaturgie de l’étrange est d’ailleurs plus qu’a - necdotique, puisqu’elle semble s’ancrer dans un mou - vement ample qui dicte la construction générale de la pièce : celui d’un refus des règles de « vraisemblan - ce », des apparats du réalisme, ou de la construction dramatique classique. Que ce soit du point de vue de l’es - pace comme des temporalités, Koltès s’affranchit lar - gement des contraintes du genre, peut-être libéré par la traduction récente du Conte d’hiver de Shakespeare ?

12 repÈres cHronoloGiques tentent de prendre le pouvoir à Alger. Deux et Historiques semaines sanglantes qui n’aboutiront pas pour les insurgés. Il s’agira du dernier sur - contexte De la piÈce : saut officiel des partisans de l’Algérie fran - la France et l’alGérie De 54 À 62 çaise. nuit Du 23 au 24 Juillet 1961 « Nuit des Paras » 1954 Création du FLN et début de la guerre d’Algérie. à Metz. Après une rixe qui a mal tourné, 300 parachutistes du 1 er RCP mettent les quartiers 1957 Bataille d’Alger. Le FLN est démantelé dans la arabes à sac. Plusieurs morts, des dizaines de ca pitale. Les méthodes du général Massu (notam - blessés. À la suite de ces événements, en sep - ment la torture) sont contestées. tembre, le général Massu est nommé à Metz. 17 octobre 1961 « Massacre de la Seine » à 1958 Bataille des frontières, à l’issue de laquelle l’armée Paris. Une manifestation de soutien au FLN française prend l’ascendance sur le conflit. Paral lè le - a lieu à Paris. En marge de la manifestation, ment, la crise politique en France bat son plein, et les forces de l’ordre tuent et jettent dans la l’opinion se dissocie peu à peu de l’armée française. Seine des manifestants, la plupart d’origine 13 mai 1958 Coup d’État à Alger, les insurgés maghrébine. Le nombre exact fait débat, mais demandent le retour du général De Gaulle il y aurait entre 50 et 100 morts. au pouvoir. 1er Juin 1958 L’Assemblée Nationale investit 18 mars 1962 Les accords d’Evian mettent officielle - le général De Gaulle, lui accorde de gouverner ment fin à la guerre. par ordonnance pour une durée de six mois, 8 aVril 1962 : Second référendum sur l’auto - et l’autorise à mener la réforme constitution - détermination de l’Algérie. L’indépendance nelle du pays. est votée. 28 septembre 1958 La Constitution pour une Ve République est approuvée par référendum. perspectiVes années 1962-1963 L’OAS est encore très active au cours de l’année 1962, mais sera progressi - 16 septembre 1959 De Gaulle, dans un discours radio - vement démantelée tout au long de 1963. Les pieds- télévisé, ouvre la voix au principe d’autodétermina - noirs commencent à rentrer d’Algérie au cours de tion pour l’Algérie. Les ultras d’une « Algérie fran - l’année 1962. Ce départ sera compliqué. Après l’indé - çaise » sont déçus de la politique que le général met pendance auront lieu un certain nombre de massa - en place. cres des membres de la communauté pieds-noirs, mais aussi juive, ainsi que parmi les musulmans ayant JanVier 1960 Le Général Massu, qui n’aurait pas res - pris le parti de l’Algérie française pendant les événe - pecté son devoir de réserve en s’exprimant sur la po - ments qui précédèrent. Ces derniers, dont un grand litique de De Gaulle dans une interview, est relevé de nombre avaient servis dans l’armée française (les har - ses fonctions et rappelé à Paris. S’ensuit la semaine kis, plus de 210 000) ont largement été abandonnés des barricades, où les partisans les plus virulents d’un e au moment de cette indépendance. Si certains ont Algérie française mènent une véritable insurrection pu venir s’installer en France, la grande majorité n’a qui sera fortement réprimée à Alger. pas pu traverser la Méditerranée (l’économie a joué, Le spectre de la guerre civile hante dès lors la France, mais de nombreux harkis n’ont pas été autorisés à jusqu’en métropole. franchir la frontière). Ils sont très nombreux, alors, à avoir été massacrés dans les années qui suivirent. Le 8 JanVier 1961 Premier référendum sur l’autodéter - terme « harki » en Algérie est très vite devenu syno - mination de l’Algérie. 75 % des électeurs s’expriment nyme de « collabo ». en faveur de l’autodétermination. 11 FéVrier 1961 : Création de l’Organisation Ar - contexte D’écriture mée Secrète (OAS). Elle regroupe, en France la France À la Fin Des années 1980 et en Algérie, les ultras de l’Algérie française, déçus de De Gaulle, et qui décident de bas - 1986 Élections législatives, le nouveau mode de scru - culer dans la clandestinité pour réaliser des tin permet au Front National d’entrer à l’Assemblée actions armées et des actes de terrorisme. Nationale, avec 35 députés. aVril 1961 « Putsch des Généraux »: Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André 24 aVril 1988 Au premier tour de l’élection présiden - Zeller, déçus de la politique de De Gaulle, tielle, Jean-Marie Le Pen réalise un score de 14,38 %.

13 1er mai 1988 Entre les deux tours de l’élection présiden - sistance. Il apparaît sur les murs d’Alger le 16 mars tielle, reprise par le RPR de thèmes d’extrême droite, 1961, et se répand ensuite en Algérie et en métropole, par exemple la question de l’identité nationale. Charles lié à divers slogans : « L’Algérie est française et le res - Pasqua écrit dans la presse : « Que les électeurs du FN tera », « OAS vaincra », « L’OAS frappe où elle veut et soient préoccupés par les risques qu’une immigration quand elle veut », etc. incontrôlée fait courir à l’ordre public et à l’identité Sur le plan pratique, il ne s’agit pas d’une organisation nationale me semble légitime, et nous partageons ces centralisée unifiée ; d’une façon très générale, elle est inquiétudes. » Koltès réagira plus tard à ces propos divisée en trois branches plus ou moins indépendantes, en écrivant : « Au moment où il y a eu le problème avec parfois rivales : l’« OAS Madrid », l’« OAS Alger » et Le Pen, je me disais : si Chirac est élu, moi, je pars. » l’« OAS Métro ». (entretien du 25 novembre 1988) qu’est-ce que le Fln ? qu’est-ce que l’oas ? Aziz évoque le « Front », dans la scène 15. Il fait réfé - Adrien, Borny, Plantières et Sablon font partis de l’« OAS » rence au Front de Libération Nationale. Le Front de Libération Nationale est un parti poli - L’Organisation Armée Secrète, ou Organisation de l’Ar - tique algérien, aujourd’hui présidé par le président mée Secrète, surtout connue à travers le sigle OAS, de la république Abdelaziz Bouteflika. Il a été créé en est une organisation politico-militaire clandestine fran - novembre 1954 pour obtenir de la France l’indépen - çaise, créée le 11 février 1961. Elle œuvre pour la dé - dance de l’Algérie, alors divisée en départements fran - fense de la présence française en Algérie par tous les çais d’Algérie. Le FLN et sa branche armée, l’Armée de moyens, y compris le terrorisme à grande échelle. Du Libération Nationale (ALN), commencent alors une point de vue des temporalités, donc, par rapport au lutte contre l’empire colonial français. Par la suite, le moment de la pièce, on est au tout début de la créa - mouvement s’organise et, en 1958, le FLN forme un tion de l’OAS. Il s’agit, d’ailleurs, probablement, de gouvernement provisoire, le GPRA. C’est avec le GPRA leur tout premier acte de terrorisme à Metz (ce qui que la France négocie en 1962 les accords d’Évian. explique les comportements de Borny, mais aussi À l’indépendance, le FLN prend ainsi le pouvoir « lé - d’Adrien, etc.). gitimement », et s’en assure l’exclusivité en instau - Alors que le gouvernement français souhaite manifes - rant le système de parti unique. Ce ne sera que dans les tement se désengager en Algérie, elle est créée à Madrid, années 1980 qu’une nouvelle constitution mettra en lors d’une rencontre entre deux activistes importants, place un multipartisme en Algérie. Le FLN demeure Jean-Jacques Susini et Pierre Lagaillarde, ralliant par aujourd’hui une figure importante du paysage poli - la suite des militaires de haut rang, notamment le tique, après avoir traversé une période difficile dans général Raoul Salan. Le sigle « OAS » fait volontai - les années 1990. rement référence à l’Armée Secrète (AS) de la Ré -

14 PISTES PÉDAGOGIQUES

À l’aide des différents éléments présents dans ce dossier (extraits de texte, note dramaturgique et repères chronologiques et historiques), voici quelques propo sitions de pistes pédagogiques pour aborder cette pièce avec les élèves.

aVant la représentation Cette pièce de Koltès, s’il l’écrit à partir de ses souvenirs d’enfance (il a grandi à Metz dans les années 1960), s’inscrit profondément dans la grande Histoire. L’action, en effet, est située historiquement, ce qui est un pro - cédé rare chez l’auteur. Cette situation précise a une importance, elle mériterait donc un certain travail pré - paratoire avec les élèves sur la « toile de fond » dans laquelle il situe l’action. La pièce – et le spectacle – ont cette grande force de pouvoir aborder avec le rire certains des passages difficiles de notre histoire.

piste 1 piste 2 approcHe Historique : autres approcHes Historiques la Guerre D’alGérie D’autres rappels vers la grande Histoire sont faits ; La question de la guerre d’Algérie, de manière globale, cer tains éléments de la Seconde Guerre mondiale, par du FLN (Aziz parle du « front »), de l’ALN, des pieds- exemp le, pourraient être abordés en amont du specta - noirs et des harkis. On pourra plus précisément s’in - cle. On pense notamment à la tonte des femmes au téresser à la fin de cette période (à partir de 1958), moment de la libération, destin qu’a connu Mathilde. alors que De Gaulle commence à ouvrir à la possibi - lité de l’autodétermination et de l’indépendance de l’Algérie. Cette dernière période est celle qui constitue vraiment le terreau de la pièce : la France est presque piste 3 au bord de la guerre civile (à voir, par exemple, les GénéaloGie Des personnaGes évènements du massacre de la Seine, ou de la Nuit des Paras qui a justement lieu à Metz [on comprend Il est possible de s’intéresser à la généalogie de la fa mil - mieux la scène du parachutiste]) ; les ultras d’une le Serpenoise (Cf. page 90, Le Retour au désert , Les Algérie française finissent par basculer dans la clan - Éditions de Minuit [1988]) afin de mieux appréhen - destinité et créent l’OAS (organisation à laquelle der les person nages et leurs liens dans la pièce. appartiennent Adrien et les notables dans la pièce).

15 aprÈs la représentation piste 1 piste 3 Débattre : la question politique au tHéâtre analyser une scénoGrapHie Le contexte de l’action est assez précis : celui de la guerre On peut également proposer aux élèves d’analyser la d’Algérie. Mais on peut également s’intéresser au scénographie et ses éléments divers. Certains éléments contexte du moment de l’écriture. Koltès écrit à une sont « réalistes », d’autres plus abstraits. La maison période particulière, peu avant la chute du mur de est représentée, avec l’intérieur et l’extérieur, mais il Berlin, au moment où la France connaît une poussée y a aussi une vraie dimension abstraite : on peut re - importante des scores du Front National, où, pour la présenter un intérieur même avec un lit dans le jar - première fois, la question de « l’identité nationale » din. On pourra aussi s’intéresser, plus largement aux s’inscrit dans les débats médiatiques. Les identités différents horizons référentiels des costumes comme sont en crise, et l’on connaît un premier temps de repli de la scénographie (années 1960, éléments plus mo - ethnique. Mettre en scène aujourd’hui Le Retour au dernes, etc.). désert n’est pas un acte innocent. On peut amener le s élèves à s’interroger sur les résonnances que le texte piste 4 peut avoir avec une certaine actualité (le climat d’in - analyser un reGistre : le comique sécurité que ressentent les personnages, par exem - ple). On pourra également les inviter à noter la solu - Le comique est omniprésent dans la pièce. On pourra tion qu’adopte Koltès face à ce problème proposer aux élèves d’analyser les différents types de des identités nationales et des replis ethniques : il comique de l’œuvre. On pourra également aborder la choisit de produire un texte fait de métissage. Il y a question du théâtre de boulevard, comme Koltès écrit des personnages blancs, arabes, noirs, et ils n’agis - à l’origine pour Jacqueline Maillan. L’élève peut aussi sent, pas forcément comme on pourrait s’y attendre être amené à s’interroger sur le sens du comique ici ; (c’est le personnage noir qui fait l’éloge de la coloni - comique qui dénonce ? Comique qui divertit (rend ainsi sation à la scène 11. Aziz se fiche de l’indépendance plus accessibles, moins effrayants ou rébarbatifs cer - de l’Algérie, le personnage qui s’appelle Fatima n’est tains thèmes) ? pas arabe, etc.). Les religions sont aussi métissées : les personnages de Marthe et Marie sont des allu - piste 5 sions à la Bible , Fatima a une apparition de Marie (là analyser une scÈne/ encore la Bible ), chacune des parties du spectacle est s’essayer À une mise au plateau associée à une prière arabe, il y a une mention de Bouddha… À partir de la première rencontre Mathilde/Adrien dans la scène 2. (extraits de textes), on pourra invi - piste 2 ter les élèves à une analyse textuelle et dramatur - réFlécHir À la notion De conVention gique. On pourra notamment les inviter à repérer les tHéâtrale sous-textes de l’œuvre qui pourraient être intéres - sants à travailler dans un exercice de jeu et de mise Le texte et la mise en scène jouent sur différents rap - au plateau. Mathilde revient d’Algérie, elle parle ports à la convention théâtrale. On peut amener les arabe, etc. tandis qu’Adrien est le riche industriel élèves à remarquer que si les personnages jouent der - blanc. Dans tous leurs discours, on peut retrouver rière un 4 e mur, celui-ci est parfois rompu. On peut les des éléments du colon s’adressant au colonisé. initier à différentes notions : celle de l’illusion thé âtrale Adrien est en haut de l’escalier, Mathilde en bas. (reprise ensuite largement par le cinéma) mais aussi Adrien lui dit de respecter cette maison qu’il a fait celle de la convention théâtrale, en les interro geant prospérer, tandis que Mathilde fait valoir que cette sur ce que rompre le 4 e mur peut produire (conni vence maison lui appartient, etc. avec le spectateur vers un effet comique, propos plus « politique » si le spectateur est interpellé directe - ment, etc.)

16 EXTRAITS DE TEXTES

matHilDe – Quelle patrie ai-je, moi ? Ma terre, à moi, où est-elle ? Où est-elle la terre sur laquelle je pourrais me coucher ? En Algérie, je suis une étrangère et je rêve de la France ; en France, je suis encore plus étran - gère et je rêve d’Alger. Est-ce que la patrie, c’est l’endroit où l’on n’est pas ? J’en ai marre de ne pas être à ma place et de ne pas savoir où est ma place. Mais les patries n’existent pas, nulle part, non. Le Retour au désert , les éditions de minuit (1988), extraits p.48

paracHutiste – (…) On me dit qu’une nation existe et puis n’existe plus, qu’un homme trouve sa place et puis la perd, que les noms des villes, et des domaines, et des maisons, et des gens dans les maisons changent dans le cours d’une vie, et alors tout est remis en un autre ordre et plus personne ne sait son nom, ni où est sa maison, ni son pays, ni ses frontières. Il ne sait plus ce qu’il doit garder. Il ne sait plus qui est l’étranger. Le Retour au désert , les éditions de minuit (1988), extraits p.57

Entre Adrien, en haut de l’escalier. aDrien — Tu as voulu fuir la guerre et, tout naturel - lement, tu es venue vers la maison où sont tes aDrien — Mathilde, ma sœur, te voici de nouveau racines ; tu as bien fait. La guerre sera bientôt finie dans notre bonne ville. Es-tu venue avec de bonnes et bientôt tu pourras retourner en Algérie, au bon intentions ? Car, maintenant que l’âge nous a calmés soleil de l’Algérie. Et ce temps d’incertitude dans un peu, on pourrait tâcher de ne pas nous chamail - laquelle nous sommes tous, tu l’auras traversé ici, ler, pendant le court temps de ton séjour. J’ai pris dans la sécurité de cette maison. l’habitude de ne plus me chamailler pendant les matHilDe — Mes racines ? Quelles racines ? Je ne suis quinze années de ton absence, et ce serait dur de s’y pas une salade ; j’ai des pieds et ils ne sont pas faits remettre. pour s’enfoncer dans le sol. Quant à cette guerre-là, matHilDe — Adrien, mon frère, mes intentions sont mon cher Adrien, je m’en fiche. Je ne fuis aucune excellentes. Et si l’âge t’a calmé, j’en suis très guerre ; je viens au contraire la porter ici, dans cette contente : les choses seront plus simples pour le très bonne ville, où j’ai quelques vieux comptes à régler. long temps que je compte passer ici. Car moi, l’âge, Et, si j’ai mis si longtemps à venir régler ici ces au lieu de me calmer, m’a beaucoup énervée ; et entre quelques comptes, c’est que trop de malheurs ton calme et mon énervement, tout devrait bien se m’avaient rendue douce ; tandis qu’après quinze passer. années sans malheur les souvenirs me sont revenus, et la rancune, et le visage de mes ennemis.

17 aDrien — Des ennemis, ma sœur ? Toi ? Dans cette matHilDe — Pourquoi voudrais-je saccager ma mai - bonne ville ? L’éloignement a dû fortifier encore ton son, puisque je veux l’habiter ? Je juge, à sa prospé - imagination, qui pourtant n’était pas faible ; et la rité, que ton usine doit être bien grasse, elle aussi, solitude et le soleil brûlant de l’Algérie te brouiller la rapporter de sérieux dividendes, et faire, de tes ban - cervelle. Mais si, comme je le crois, tu es venue ici quiers, les meilleurs amis qu’un homme ait jamais contempler ta part d’héritage pour repartir ensuite, eus. Tu aurais été pauvre que je t’aurais prié de faire eh bien, contemple, vois comme je m’en occupe bien, tes valises ; mais, puisque tu es riche, je ne te chasse - admire comme je l’ai embellie, cette maison, et, rai pas, je m’accommoderai de toi, de ton fils, et du lorsque tu l’auras bien regardée, touchée, évaluée, reste. Cependant, j’entends bien me souvenir que le nous préparerons ton départ. lit dans lequel je coucherai est à moi, que la table où matHilDe — Mais je ne suis pas venue pour repartir, je mangerai est ma table, et que l’ordre ou le désor - Adrien, mon petit frère. J’ai là mes bagages et mes dre que je mettrai dans les salons seront un ordre et enfants. Je suis revenue dans cette maison, tout un désordre justes et légitimes. Et puis, il était temps naturellement, parce que je la possède ; et, embellie que je rentre, car cette maison manque de femmes. ou enlaidie, je la possède toujours. Je veux, avant aDrien — Oh non, ma chère Mathilde, elle n’en toute chose, m’installer dans ce que je possède. manque pas, et il y en aura toujours trop. Cette mai - aDrien — Tu possèdes, ma chère Mathilde, tu pos - son est une maison d’hommes, et les femmes qui y sèdes : c’est très bien. Je t’ai payé un loyer, et j’ai passent n’y seront jamais qu’invitées et oubliées. considérablement donné du prix à cette masure. Notre père l’a bâtie, et qui garde le souvenir de sa Mais tu possèdes, d’accord. Ne commence pas à me femme ? Moi-même je l’ai continuée et qui, ma pau - mettre en colère, ne commence pas à chicaner. Mets, vre Mathilde, garde le souvenir de ton existence ? je te prie, un peu de bonne volonté. Recommençons Tiens-toi dans ta propre maison comme une invitée ; notre bonjour, car tout cela est mal parti. car, si tu crois retrouver ton lit comme un vieux meu - matHilDe — Recommençons, mon vieil Adrien, ble familier, il n’est pas sûr que ton lit te reconnaisse. recommençons. matHilDe — Et moi je sais, après quinze années, et aDrien — Ne crois pas, Mathilde, ma sœur, que je te dix années de plus, des années et des années à cou - laisserai prendre des airs de propriétaire et vagabon - cher ailleurs, je sais que j’entrerai dans ma chambre der dans les couloirs en touchant à tout comme une les yeux fermés, et je me coucherai dans mon lit maîtresse de maison. On ne peut pas abandonner un comme si j’y avais toujours couché, et mon lit me champ en friche, attendre à l’abri qu’un imbécile le reconnaîtra tout de suite. Et puis, s’il ne me recon - cultive, et revenir au moment de la récolte pour naît pas, je le secouerai jusqu’à ce qu’il le fasse. revendiquer son bien. Si la maison est à toi, sa pros - aDrien — Je le savais : tu viens ici pour faire du mal. périté est à moi, et, crois-moi, je n’abandonnerai pas Tu te venges de tes malheurs. Tu as toujours eu des cette part-là. Toi-même, tu as choisi ta part. Tu m’as malheurs pour pouvoir te venger ; tu attires le mal - laissé l’usine par impuissance, et tu as pris la maison heur, tu le cherches, tu cours derrière le malheur pour par paresse. Mais cette maison, tu l’as abandonnée le plaisir de la rancune. Tu es dure et tu as le cœur pour fuir je ne sais où je ne sais quoi ; et maintenant, sec. elle a pris ses habitudes sans toi ; elle a son odeur, matHilDe- Adrien, tu te fâches. Si tu ne m’as jamais elle a ses rites, elle a ses traditions, elle reconnaît ses fait de mal, pourquoi voudrais-je me venger de toi ? maîtres. Il ne faut pas la brusquer, et je la protégerai Adrien, nous ne nous sommes toujours pas dit bon - si tu veux la saccager. jour. Essayons encore. aDrien — Non, je ne veux plus essayer.

Il s’approche de Mathilde.

Le retour au désert , les éditions de minuit (1988), extraits p.12, partie 1 scène 2

18 BERNARD-MARIE KOLTÈS

1948 – Naissance à Metz. 1981 – La Comédie-Française commande une pièce « La belle province », dira Koltès. à Koltès (qui deviendra Quai Ouest). Mise en scène 1958 – Durant la guerre d’Algérie, il est élève-pen - de La Nuit à la Co médie-Française (Petit-Odéon) par sionnaire à l’école Saint-Clément de Metz. Son père, Jean-Luc Boutté avec Ri chard Fontana. officier, est absent. Le Général Massu devient, en 1983 – Le Théâtre Nanterre-Amandiers, dirigé par 1960, gouverneur de Metz. Patrice Ché reau, inaugure sa première saison par la « Mon collège était en plein au milieu du quartier création de Combat de nègre et de chiens (avec Michel arabe. Comme à l’époque on faisait sauter les cafés Piccoli et Philippe Léotard). Quai Ouest suivra en 1986 arabes, le quartier était fliqué jusqu’à l’os. » (avec Maria Casarès, Jean-Marc Thibault, Jean-Paul 1968 – Premier séjour à New York. « J’ai voyagé… Roussillon, Catherine Hiegel, Isaach De Bankolé…). Tout ce que j’ai accumulé [c’est] entre 18 et 25 ans. » 1985 – Écriture d’un scénario (encore inédit) : Nickel 1969 – À 20 ans, il fuit sa ville natale, et l’ennui, pour Stuff , inspiré par John Travolta. Stras bourg. Là, il assiste à une représentation de Médée 1987 – Dans la solitude des champs de coton est de Sénèque mis en scène par Jorge Lavelli avec Maria créée par Pa trice Chéreau (initialement avec Laurent Casarès. « Un coup de foudre ! Avec Casarès… S’il y Malet et Isaach De Ban kolé, puis reprise fin 1987- avait pas eu ça, j’aurais jamais fait de théâtre. » début 1988 avec Laurent Malet et Patrice Chéreau 1970 / 1973 – Écrit et monte ses premières pièces : dans le rôle du Dealer). Une nouvelle cré ation (troisième Les Amer tumes (d’après Enfance de Gorki), La Marche version) sera donnée en 1995-1996 avec Pascal Greg - (d’après Le Can tique des cantiques ), Procès Ivre go ry et Patrice Chéreau à la Manufacture des Œillets. (d’après Crime et Châtiment de Dostoïevski) ; ainsi que L’Héritage et Récits morts . 1988 – Après avoir traduit Le Conte d’hiver de Shakes - Parallèlement, il fonde sa troupe de théâtre (le Théâtre peare, Koltès écrit Le Retour au désert , pièce créée du Quai) et devient étudiant à l’école du Théâtre na- aussitôt par Pa trice Chéreau au théâtre du Rond- tional de Stras bourg que dirige Hubert Gignoux. Point à Paris (avec Jac que line Maillan et Michel 1973 / 1974 – Après un voyage en URSS, il s’inscrit Piccoli). Succès considérable. Koltès achève Roberto au Parti com muniste et suit les cours de l’école du Zucco . La pièce sera créée en 1990 par Peter Stein PCF. II se désengagera en 1979. à la Schaubu ̈hne de Berlin. Lors de la création fran- 1974 – II commence un roman, La Fuite à cheval très çaise, en 1991, au Théâtre national Populaire de Villeur - loin dans la ville . Métaphore pour évoquer la drogue banne, une po lémique naîtra. La pièce, mise en comme fuite. scène par Bruno Boëglin, sera interdite à Chambéry 1975 – Tentative de suicide. Drogue. Désinto xication. (le vrai Roberto Succo ayant, en avril 1987, tué un Koltès s’installe à Paris. agent de police originaire de cette ville). 1977 – Création à Lyon de Sallinger dans une mise en « C’est une histoire sublime. Sublime. Et c’est un tueur… scène de Bruno Boëglin. Création de La Nuit juste avant Quand on me dira que je fais l’éloge du meurtrier, ou les forêts au festival d’Avignon (off) dans une mise en des choses comme ça… Parce qu’on va me le dire ! scène de l’auteur, avec Yves Ferry. Moment char ni - Moi je dis que c’est un tueur… exemplaire ! » ère. Reniement de ses textes précédents. 1989 – Au retour d’un dernier voyage au Mexique et « Les anciennes pièces, je ne les aime plus, je n’ai plus au Gua temala, il rentre à l’hôpital Laennec (5 avril). envie de les voir monter. » Il meurt à Paris dix jours plus tard des suites du sida 1978 / 1979 – Voyage en Amérique latine, puis au Ni - (15 avril). À quarante et un ans. Il est enterré au ci- géria et l’an née suivante au Mali et en Côte d’Ivoire. metière Montmartre. 1979 – Rencontre le metteur en scène Patrice Chéreau « On meurt et on vit seul. C’est une banalité… Je dont il a admiré en 1976 La Dispute . Il souhaite que trouve que [la vie] est une petite chose minuscule… celui-ci monte ses pièces. À partir de 1983, Chéreau [C]’est la chose la créera au Théâtre Nan terre-Amandiers la plupart de plus futile ! » ses textes. Cette chronologie publiée dans le Magazine littéraire (n°395, février 2001), a été rédigée avec l’aide d’Anne- Françoise Ben hamou, Yan Ciret, Cyril Desclés, François Koltès et Rostom Mesli.

19 bernarD-marie KoltÈs biblioGrapHie (extraits) ARNAUD MEUNIER metteur en scÈne 2009 lettres nickel stuff

2008 récits morts . un rêve égaré En janvier 2011, arnaud meunier a pris la direction Des voix sourdes de La Comédie de Saint-Étienne, Centre dramatique national et de son École supérieure d’Art Dramatique. 2006 le Jour des meutres dans l’histoire Il y développe un nouveau projet où la création et la de Hamlet transmission sont intimement liées. Le dialogue des esthétiques et des générations, le renouvellement 2003 la marche des écritures scéniques, la découverte de nouveaux auteurs, la présence au quotidien des artistes, l’ou - 2001 procès ivre verture et le partage du Théâtre aux populations les plus larges et les plus variées sont les axes forts du 1999 lettres de saint-clément et d’ailleurs projet qu’il met en œuvre. Diplômé de Sciences Politiques, il commence une les années d’apprentissage de B-M Koltès formation de comédien, puis fonde en 1997 la Com pa- gnie de la Mauvaise Graine. Très vite repérée par la 1958-197 8 presse et les professionnels lors du festival d’Avignon une part de ma vie , Entretiens, 1983-1989 1998, sa compagnie est accueillie en résidence au Forum du Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis et soutenue 1998 l’Héritage par le Théâtre Gérard Philipe (sous la direction de les amertumes Stanislas Nordey). La compagnie y développe son travail de création 1995 sallinger sur des auteurs contemporains. Elle sera par la suite en résidence à la Maison de la Culture d’Amiens, puis 1991 prologue associée à la Comédie de Reims et au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines. Fidèle à son attachement 1988 roberto Zucco aux auteurs vivants, Arnaud Meunier poursuit un com - le retour au désert pagnonnage avec l’œuvre des auteurs qu’il affection - la nuit juste avant les forêts ne, montant plusieurs pièces de Pier Paolo Pasolini, Eddy Pallaro, Michel Vinaver, Oriza Hirata et Stefano 1987 Dans la solitude des champs de coton Massini. De ce dernier, Arnaud Meunier mettra notamment en 1985 quai ouest scène Chapitres de la chute , Saga des Lehman Bro - t hers , spectacle qui recevra le Grand prix du Syndicat 1984 la suite à cheval très loin dans la ville de la critique 2014, après sa nomination aux Molières. Parallèlement, il travaille également pour l’Opéra en 1983 la Famille des orties. tant que metteur en scène ou dramaturge. esquisses et croquis autour des paravents Trilingue (Français, Allemand, Anglais), il a travaillé de Jean Genet au Japon, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Algérie, en Italie, en Autriche, en Angleterre, en Norvège, au Maroc, aux Emirats arabes unis, en Chine et aux États-Unis.

20 tHéâtre opéra

2015 Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès 2014 Ali Baba Prochaine création à La Comédie de Saint-Étienne Charles Lecocq – Albert Vanloo et William Busnach, direction Jean-Pierre Haeck 2014 L’Émission de télévision de Michel Vinaver Création à l’Opéra-Comique Shangai Theatre Academy (Chine)

2012 L’Enfant et les sortilèges 2014 Femme non-rééducable de Stefano Massini Maurice Ravel – Colette, direction Didier Puntos Création au Théâtre de La Commune- Création au Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence et CDN d’, suivie d’une tournée tournée

2013 Chapitres de la chute de Stefano Massini 2008 Mélancholia Création à La Comédie de Saint-Étienne – Georg Friedrich Haas – Emilio Pomerico CDN, suivie d’une tournée Dramaturge et collaborateur artistique pour Stanislas Nordey 2011 11 septembre 2001 de Michel Vinaver Création mondiale à l’Opéra Garnier Spectacle joué en avant-première à La Comédie de SaintÉtienne et créé au Théâtre de la Ville 2007 Pelleas et Mélisande Claude Debussy – Simon Ratlle Le Problème de François Bégaudeau collaborateur artistique pour Stanislas Nordey Création au Théâtre du Nord à Lille Création au Festival de Pâques de Salzbourg (avril Coprod. Théâtre du Rond-Point et Théâtre de Marigny 2006) Reprise à Covent Garden (Londres mai 2007) 2009 Tori no tobu takasa Une adaptation japonaise d’Oriza Hirata de 2005 Le Cyclope Par-dessus bord de Michel Vinaver Opéra pour acteurs de Betsy Jolas d’après Euripide Création au Kyoto Arts Center (Japon) Le Forum de Blanc Mesnil Tournée en 2010 au Théâtre de la Ville à Paris

2003 Zeim re dei Geni 2008 King de Michel Vinaver Opéra-Théâtre de Carlo Argeli représenté Création au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines au « 28 e Cantiere Internazionale d’Arte de Reprise au Théâtre de la Commune Montepulciano » (Italie)

2007 En Quête de Bonheur 2000 Tri Sestri Oratorio poétique et philosophique Peter Eötvos – Ingo Metzmacher Création à la Comédie de Reims suivie d’une tournée Assistant à la mise en scène de Stanislas Nordey Reprise à la Maison de la poésie – Paris 2008 Création au Reisnational Opera (Pays-Bas 1999) Assure seul la 2006 Gens de Séoul d’Oriza Hirata reprise dans Création au Théâtre Nat. de Chaillot suivie d’une tournée une distribution modifiée pour le Staatsoper de La demande d’emploi de Michel Vinaver, Hambourg avec les comédiens des troupes Seinendan (Allemagne 2000) et Bungakuza, AGORA Théâtre, Tokyo Avec les Armes de la poésie à partir des poèmes de Pier Paolo Pasolini, Nâzim Hikmet et Yannis Ritsos. Maison de la Poésie- Paris

De 2001 à 2005, il a aussi créé plusieurs pièces de Pier Paolo Pasolini ( Pylade et Affabulazione ), d’Eddy Pallaro (Cent Vingt-trois et Hany Ramzy ), La vie est un rêve de Pedro Calderón de la Barca, El Ajouad (Les Généreux) d’Abdelkader Alloula

21 LES COMÉDIENS

misère du III e Reich de Bertolt Brecht ; Pereira pré - CATHERINE HIEGEL matHilDe tend d’après Antonio Tabucchi créé au Festival d’Avi - catherine Hiegel se forme auprès de Raymond Girard gnon en 1997. Ses dernières créations sont : Chère et Jacques Charon et entre au Conservatoire nation - Elena Sergueïevna de Ludmilla Razoumovskaïa, La al d’art dramatique en 1968, elle suit les classes de maman bohême suivie de Médée de Dario Fo et Jean Marchat, puis Lise Delamare. Elle entre à La Franca Rame qu’il a mis en scène avec Ariane As ca - Comédie-Française le 1 er février 1969 et devient so - ride, May d’après un scénario d’Hanif Kureishi, Elle ciétaire le 1 er janvier 1976 puis sociétaire honoraire est là de Nathalie Sarraute, Aden Arabie de Paul Nizan le 1 er janvier 2010. Elle a été dirigée par les plus grands et en 2010, les Fausses confidences de Marivaux, metteurs en scène, à La Comédie-Française et ailleurs, Un soir, une ville… trois pièces de Daniel Keene, Que notamment Jean-Luc Boutté, Jean Piat, Jean Meyer, la noce commence d’après un film d’Horatiu Ma- Jean-Paul Roussillon, Jorge Lavelli, Joël Jouanneau, laele et La Dernière Neige d’après le récit de Hubert Michel Fagadau, Patrice Chéreau et Patrice Kerbrat. Mingarelli, Conversations avec ma mère d’après un Elle obtient à deux reprises le Prix du Syndicat de la scénario de Santiago Carlos Ovés qu’il a interprété Critique de la meilleure comédienne en 1989 pour en 2008 aux côtés d’Isabelle Sadoyan. La Veillée de Lars Norén mise en scène Jorge Lavelli Au théâtre, sous la direction d’autres metteurs en et en 2006 pour J’étais dans ma maison et j’attendais scène, il a interprété de nombreux textes contempo - que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce, mise en rains et classiques notamment Les Fausses Confi den - scène Joël Jouanneau. En 2007, elle obtient le Mo - ces de Marivaux dans lesquelles il interprétait aux lière de la meilleure comédienne dans un second rôle côtés de Nathalie Baye le rôle de Dubois, ou plus pour Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès mise récemmen t Après la répétition de Bergman mise en en scène Muriel Mayette et en 2011, celui de la meil - scène par Laurent Laffargue. leure comédienne pour La Mère de Florian Zeller mise Au cinéma et à la télévision, il a travaillé entre autres, en scène Marcial Di Fonzo Bo. En janvier 2012, elle avec Claude Miller, Jean-Louis Benoit, Pascale Ferran, met en scène au Théâtre de la Porte Saint-Martin Le , André Téchiné, Marcel Bluwal, Delphi- Bourgeois Gentilhomme de Molière avec François ne De Vigan, , Caroline Huppert, etc. Morel. Didier Bezace a reçu en 2011 le prix SACD du théâtre. Au cinéma, elle a été dirigée notamment par Bruno Podalydès ( Adieu Berthe ou l’enterrement de Mé- mé , 2012), Bertrand Blier ( Les Côtelettes , 2002), Do- RENÉ TURQUOIS matHieu minique Cabrera ( L’Autre Côté de la mer , 1996), Jo si- ane Balasko ( Gazon maudit , 1994), Étienne Chatiliez Né en 1986 à Châtellerault dans la Vienne, rené turquois (La vie est un long fleuve tranquille , 1988). participe à diverses productions en parallèle de sa scolarité. En 2006, il rentre au conservatoire de Tours, où il travaille notamment avec Philippe Lebas, Chris- DIDIER BEZACE aDrien tine Joly, Cyril Casmèze, Vincent Dissez, Arnaud Pi- rault et Alain Bézu. Co-fondateur en 1970 du Théâtre de l’Aquarium à la En 2009, il intègre l’École de la Comédie de Saint- Cartoucherie, il a participé à tous les spectacles du Étienne, École supérieure d’Art dramatique, sous la Théâtre de l’Aquarium depuis sa création jusqu’en direction de Jean-Claude Berutti, puis d’Arnaud Meu - 1997 en tant qu’auteur, comédien ou metteur en scè - nier. Il y travaille entre autres avec Valérie Bezançon, ne. Il a été le directeur du Théâtre de la Commune Antoine Caubet, Delphine Gleize, Jean-Marie Villégier, d’Aubervilliers du 1 er juillet 1997 au 31 décembre 2013 Lev Dodine et Olivier Py. Durant sa formation, il joue et continue d’être acteur au cinéma et au théâtre. également sous la direction de Gwenaël Morin Ses réalisations les plus marquantes en tant qu’a - (Introspection de Peter Handke), Michel Raskine daptateur et metteur en scène sont Le Piège d’après (Don Juan revient de guerre d’Ödön von Horváth), ; Les Heures Blanches d’après La François Rancillac ( Lanceurs de graines de Jean Giono) Maladie Humaine de Ferdinando Camon ; La Noce et Robert Cantarella ( Un jeune se tue de Christophe chez les petits bourgeois suivie de Grand’peur et Honoré). Dès sa sortie en 2012, il rejoint l’équipe de

22 Valère Novarina pour la création de L’ Atelier Volant Il associe également mise en scène et scénogra phie au Théâtre du Rond-Point, à Paris. Sous la direction pour Le Songe d’une nuit d’été (création 2012 Co mé - d’Arnaud Meunier, il interprète Mayer « Bulbe » l’un die de SaintÉtienne), Jules, le petit garçon et l’allu - des frères Lehman dans Chapitres de la chute du mette de Sabine Revillet et Julien Rocha. jeune auteur florentin Stefano Massini . Cédric Veschambre est co-fondateur et co-directeur artistique de la Compagnie Le Souffleur de verre (compagnie associée à La Comédie de Saint-Éti - NATHALIE MATTER Fatima enne – CDN) et est membre de l’Ensemble artistique de La Comédie de Saint-Étienne. Issue des ateliers du Sapajou dirigés par Annie Noël, elle travaille avec Arnaud Meunier depuis la création de la Compagnie de la Mauvaise Graine et joue dans ELISABETH DOLL martHe la quasi totalité de ses spectacles, dont En quête de bonheur , Tori no tobu takasa , et 11 septembre 2001 . Formée à l’École du Théâtre des deux Rives à Rouen En 2003 et 2004, elle met en scène Couple à trois de avec Michel Bézu et Catherine Delattres, puis au Thé - Barry Hall et Histoire d’amour (dernier chapitre) de âtre Gérard Philippe avec Philippe Duclos, elle ren - Jean-Luc Lagarce, Teta Veleta d’après des écrits et contre Didier Georges Gabily dans son atelier/labo - poèmes de Pier Paolo Pasolini. ratoire et participe pendant quatre années aux spec - En 2007, elle assiste Laure Bonnet sur la création du tacles du Groupe T’Chang : Des cercueils de zinc , BFG d’après Roald Dahl. Depuis plus d’un an, elle Enfonçure et la trilogie Gibiers du temps . prête régulièrement sa voix aux différents projets de Ces dernières années, elle a travaillé pour Arnaud Gwenola Wagon et Stéphane Degoutin. Elle travaille Meu nier, Serge Tranvouez, Jean-Michel Rivinoff et également en Alsace avec la compagnie des Compa - Philippe Labaune. gnons de Daoloth, dirigée par Pierre-Étienne Vilbert. Depuis 15 ans, elle prend part aux créations et aux En 2013, elle joue au Théâtre Dijon Bourgogne au ateliers de Bruno Meyssat, en France comme à l’é - côté d’Emmanuel Vérité dans Qu’est ce que le théâ - tranger, soit en tant qu’actrice, soit en tant qu’assis - tre ? d’Hervé Blutsch et dans Fausse suivante 1.5 , tante : De la part du Ciel, Est-il vrai que je m’en deux spectacles mis en scène par Benoît Lambert. vais ?, Rondes de nuits , Beckett pièces courtes , Depuis 2011, elle est membre de l’Ensemble artis - Imentet , Forces 1915/2008 , Observer , 15 % et Apollo . tique de La Comédie de Saint-Étienne ISABELLE SADOYAN CÉDRIC VESCHAMBRE maame queuleu éDouarD Après des études au Conservatoire de Lyon, sa car - Entré au Conservatoire national de région de Clermont- rière commence avec sa rencontre avec Roger Plan - Ferrand puis à l’École supérieure d’Art dramatique chon. Avec lui et quelques comédiens lyonnais se crée de la Comédie de Saint-Étienne, cédric Veschambre donc à Lyon, le Théâtre de la Comédie qui présente se forme auprès de Christian Colin, Daniel Girard, des œuvres du répertoire classique mais privilégie les Eric Vignier, Anatoli Vassiliev, Lucien Marchal… auteurs contemporains. Ils sont les premiers à jouer Il multiplie les expériences de comédien auprès de Vinaver et montent aussi Brecht, Roger Vitrac, Ionesco, Louis Bonnet, Frédéric De Goldfiem, André Tardy, Arthur Adamov. Le Théâtre de la Comédie est ensuite Béatrice Courtois, Béatrice Bompas ( L’Oiseau bleu transféré à Villeurbanne sous le nom de Théâtre de de Maeterlinck, Funérailles d’hiver d’Anokh Levin), la Cité devenu par la suite le TNP (Théâtre National Julien Rocha (Angels in America – quatuor d’après Populaire). Tony Kushner, Candide ou le nigaud dans le jardin isabelle sadoyan quitte la troupe de Planchon en 1976 d’après Voltaire, Gulliver d’après Jonathan Swift, Le et s’installe à Paris où elle joue sous la direction de médecin malgré lui d’après Molière), Jérôme Wac - Jacques Rosner, Robert Gironès, Jacques Lassalle, quiez ( Oubliés de Jean-Rock Gaudreault). Gabriel Garran, Françoise Coupat, Jean-Pierre Vincent, Il lie mise en scène et jeu de comédien avec Les Alain Milianti, Gilles Chavassieux, Jacques Bioules, gens que j’aime de Sabine Revillet (création 2014 La Jorge Lavelli, Laurent Terzieff, Catherine Anne ou Comédie de Saint-Etienne), Le Roi Nu d’après Ev gué - encore Bruno Bayen et Didier Bezace. ni Schwartz (création 2013 Les Estivales de La Bâtie En 2010, elle est nommée pour le Molière de la meil- d’Urfé), Prior’s Band d’après Angels in America de Tony leure comédienne dans un second rôle pour Les Faus - Kushner. ses Confidences , mise en scène par Didier Bezace.

23 Elle travaille pour la télévision et beaucoup pour le Il participera aussi à des fictions radio sous la direction cinéma où elle tourne sous la direction entre autres de de Mariannick Bellot, Christine Bernard-Sugy, Angélique Claude Sautet, Luis Buñuel, , Claude Tibau, Amandine Casadamont, Juliette Heymann, Ilina Chabrol, , , Jean-Luc Godard, Navaro. , Krzysztof Kieslowski, Bertrand Taver - Il met en scène Le Masque Boiteux de Koffi Kwahulé nier, etc. et Homme pour Homme de Bertolt Brecht. Isabelle Sadoyan est Chevalier des Arts et des Lettres Actuellement, il fait partit de deux groupes musicaux et Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. « Sons Libres » et « Le Manège » en tant que per - cussionniste et chanteur.

KHEIREDDINE LARDJAM aZiZ RIAD GAHMI saïFi En 1998, il crée à Oran en Algérie la compagnie El Ajouad : titre d’une œuvre d’Abdelkader Alloula, pre - riad Gahmi est formé à l’École de La Comédie de mier artiste et dramaturge assassiné en Algérie en Saint-Étienne entre 2003 et 2006. En 2007, il emmé - 1994 par les islamistes, auteur déterminant dans le nage au Caire, en Égypte. Il y suit une formation à la parcours de Kheireddine lardjam qui s’engage à langue arabe, qu’il poursuit actuellement à l’ENS de défendre son œuvre. En 2009, il est en résidence au Lyon, et entame l’écriture d’une trilogie théâtrale for- Centre dramatique de Valence. En janvier 2011, il met tement marquée par le Moyen-Orient, son histoire en scène De la salive comme oxygène de Pauline coloniale, et ses relations conflictuelles avec le « monde Sales au Centre dramatique de Sartrouville. Il intègre occidental », dans leurs réalités concrètes et sym - le collectif d’artistes du Préau, Centre dramatique boliques. À son retour en France en 2009, il joue no- régional de Vire (saison 10/11). En 2012, il crée Le tamment sous la direction de Philippe Vincent, avec Poète comme boxeur de Kateb Yacine au théâtre qui il coécrit en 2011, la pièce Un arabe dans mon de Béjaia en Algérie et Les Borgnes de Mustapha miroir créée au Caire, puis à New-York. En 2012, Benfodil à l’ARC Scène nationale du Creusot. Riad Gahmi met en scène dans trois villes d’Israël, En 2013, il crée au Caire (Égypte) End/Igné de Mus - sa pièce Le jour est la nuit , consacrée au conflit tapha Benfodil présenté la même année au festival israélo-palestinien. Depuis 2013, il est auteur asso - d’Avignon. En Janvier 2015, il créera Page en cons - cié à la compagnie Scènes de Philippe Vincent, qui truction de Fabrice Melquiot à la Filature, Scène met en scène la même année sa pièce Où et quand nationale de Mulhouse. Un texte qu’il incarnera sur nous sommes morts ; comédie politique, sombre et scène avec trois musiciens pour raconter l’histoire de droite ; et depuis 2014, auteur associé à La Comédie commune entre l’Algérie et la France. de Saint-Étienne, en vue de la création de son nou - Il continue aujourd’hui d’exercer son métier à Oran. veau texte Gonzo, en partenariat avec le T.N.P. Il est l’un des rares metteurs en scène algérien dont les spectacles tournent en Algérie et également en France de façon régulière. LOUIS BONNET plantiÈres

Ancien élève de Jean Dasté, et membre permanent ADAMA DIOP de La Comédie de Saint-Étienne de 1975 à 2013, il le GranD paracHutiste noir conjugue les activités de comédien et de metteur en scène. Il a travaillé à de nombreuses reprises avec adama Diop est comédien, musicien et metteur en Daniel Benoin, alors directeur de La Comédie de scène. Né à Dakar au Sénégal en 1981, il vient en Saint-Étienne (George Dandin, Faust, Woyzeck, Les France en 2002 pour se former au Conservatoire na- Sept Portes, Maître Puntila et son valet Matti…). tional d’art dramatique de Montpellier. Après trois ri - Jean-Claude Drouot l’a dirigé dans Gengis Khan de ches années de rencontres, il décide de continuer Bauchau, Hans Peter Cloos dans Lulu de Wedekind. ses études. C’est ainsi qu’il intègre en 2005 le Con - Avec Jean-Claude Berutti, il joue La Chute , Beau - servatoire national supérieur d’art dramatique de Paris . coup de bruit pour rien , La Cantatrice chauve , La Dès sa sortie de l’école, il joue sous la direction de Gonfle , L’Envolée . Bernard Sobel, puis travaillera par la suite avec Yves Avec François Rancillac, il joue dans Biedermann et Beaunesne, Patrick Pineau, Christophe Perton, Marion les incendiaires . Dernièrement, il a joué dans Les En - Guerrero, Gilles Bouillon, Jean-Pierre Baro, Jean Boillot, fants du siècle de Musset, mis en scène par Benoît Cendre Chassanne… Lambert. Il a mis en scène Pérec, Pinter, Anouilh, Koltès

24 ou Beckett et plus récemment Denise Bonal. En 2013, En 2012, il a joué dans le spectacle Pour Louis de au Théâtres de la Ville de Luxembourg, il joue dans Funès de Valère Novarina mis en scène par Philip Pour une heure plus belle de Daniel Keene mis en Boulay. En 2014, dans Non-réconciliés mis en scène scène par Myriam Mu ller par Matthieu Cruciani. Il est membre de l’Ensemble ̈ artistique de La Comédie de Saint-Étienne.

STÉPHANE PIVETEAU borny

C’est à l’université Rennes 2 qu’il rencontre les gens auprès de qui il a choisi de se former. Au cours de travaux de recherches et de spectacles, il a travail - lé avec Denis Lebert et Nadia Vonderheyden, tous deux proches de Didier-Georges Gabily. Depuis, il privilégie les aventures collectives s’inscrivant dans la durée, notamment avec François Tizon ( Melan - cholia 1 , La Dernière partie de Jon Fosse), Cédric Gour- melon ( Premier Village de Vincent Guédon), Rachid Zanouda ( La Conquête du Pôle Sud de Manfred Karge), et avec les compagnies Théâtre à L’Envers (Là de Benoît Gasnier), ou Lumière d’Août ( Artémisia Vulgaris de Marine Bachelot). Lors de stages, il poursuit sa formation auprès de metteurs en scène tels Matthias Langhoff, Pierre Meunier, Christian Esnay. Sous la direction d’Arnaud Meunier, il a joué dans Gens de Séoul d’Oriza Hirata, Cent Vingt-Trois d’Eddy Pallaro, En quête de bonheur , 11 septembre 2001 et tout récemment dans Chapitres de la chute de Stefano Massini dans lequel il interprétait Herbert Lehman. Il est membre de l’Ensemble artistique de La Comédie de Saint-Étienne.

PHILIPPE DURAND sablon

Formé au cours Florent et aux Ateliers du Sapajou, philippe Durand travaille pour la télévision dans des films de Christiane Lehérissey, Elisabeth Rappeneau, Denis Maleval, Bruno Gantillon, Roger Kahane, Ro dol - phe Tissot ; mais également au cinéma avec HoLam, Sarah Leonor, Doug Liman (USA), Julien Leclercq, Jean-Jacques Jauffret, Guillaume Gallienne… Au théâtre, il participe à divers projets avec Khei - reddine Lardjam (Algérie) et avec Michel Vinaver dans À la renverse et Iphigénie hôtel . Depuis 2002, il participe à de nombreuses créations dirigées par Arnaud Meunier, dont : Rama, Pylade , Entrez dans le théâtre des oreilles , La vie est un rêve , Gens de Séoul d’Oriza Hirata, Avec les armes de la poésie (Victoire de Pier Paolo Pasolini e t Il neige dans la nuit de Nazim Hikmet), King, 11 septembre 2001 et tout récemment dans Chapitres de la chute de Stefano Massini dans lequel il interprétait Henry Lehman, pre - mier frère à immigrer en Alabama.

25 TOURNÉE 2015 I 2016

2 et 3 décembre La Faïencerie Théâtre de Creil - chambly

8 au 11 décembre Théâtre Dijon Bourgogne - CDN

15 et 16 décembre Théâtre de saint-quentin-en-yvelines , scène nationale

6 au 8 janvier Le Quartz - Scène nationale, brest

12 au 14 janvier La Coursive, Scène nationale de la rochelle

3 au 11 février Célestins, Théâtre de lyon , en collaboration avec le Théâtre National Populaire

24 et 25 février Comédie de caen - Centre dramatique national normand

29 février 2016 Les Scènes du Jura - Scène nationale

RENCONTRES

24 & 26 JanVier 2016 Représentation avec audiodescription Réalisation Accès Culture – Avec le soutien de la Fondation Étienne et Maria Raze

DimancHe 24 JanVier À L’ISSUE DE LA REPÉSENTATION en présence de l’équipe artistique

LIBRAIRIE • Toutes les pièces de Bernard-Marie Koltès sont éditées aux éditions de Minuit.

AUTOUR DE L’AUTEUR : • relire Koltès , sous la direction de Marie-Claude Hubert & Florence Bernard (Presses universitaires de Provence) • Koltès dramaturge , Anne-Françoise Benhamou (Solitaires intempestifs) • bernard-marie Koltès , Brigitte Salino (Stock)

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