LE CONTRÔLE DES CIRCULAIRES :

L’HEURE EST VENUE Mémoire soumis par Charles Montpetit (Propre.org) au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement – mai 2021

Sommaire : Présentation de l’auteur ...... 2 Résumé ...... 3 Ce que le présent document ne cherche pas à accomplir ...... 4 Contexte ...... 6 Proposition no 1 - Ne livrer les circulaires que là où c’est expressément autorisé ..... 8 Proposition no 2 - Éliminer les sacs de plastique utilisés pour les circulaires ...... 13 Proposition no 3 - Faire respecter les règles ...... 18 Réponses aux défenseurs des circulaires ...... 24 Annexe 1 - Correspondance avec TC Transcontinental ...... 31 Annexe 2 - Exemple de Règlement sur la propreté (RCA-65, Rosemont‒Petite-Patrie) .. 32 Annexe 3 - Lettre à TC, du maire d’arrondissement François Croteau ...... 33 Annexe 4 - Règlement no 2326, Ville de Mirabel ...... 34 Annexe 5 - Lettres d’appui ...... 35 Annexe 6 - 30 000 infractions relevées de janvier 2018 à mai 2021 ...... 48

2

Présentation de l’auteur

Auteur de quinze livres qui m’ont tour à tour valu un Prix du Gouverneur général, un Signet d’or et un White Raven de la Bibliothèque internationale pour la jeunesse, je lutte de longue date pour la protection de l’environnement et la défense de la liberté d’expression. Dans ce dernier domaine, j’ai remporté le Freedom to Read Award de la Writer’s Union et le titre de Champion de la libre expression attribué par le Book and Periodical Council.

Mon combat pour que les circulaires soient soumises à des contrôles plus stricts s’est étalé sur plus de trois ans :

■ Du 25 octobre 2017 au 13 janvier 2018, j’ai envoyé plusieurs plaintes1 à l’entreprise TC Transcontinental, propriétaire de Publisac, pour que celle-ci respecte les règlements municipaux encadrant la livraison d’articles publici- taires2. Mais même si on me promettait chaque fois une amélioration, les infractions n’ont pas cessé pour autant.

■ À partir du 29 janvier 2018, j’ai fait 155 interventions dans les médias3 et, avec l’aide d’une centaine d’autres citoyens, j’ai relevé 30 000 infractions aux règlements4 et soumis 120 plaintes5 à la Ville de Montréal pour la prier d’appliquer les amendes prévues dans de tels cas. De son côté, TC n’a rien changé dans ses agissements.

■ Le 18 juin 2018, appuyé par 13 grands groupes environnementaux6, j’ai proposé à la mairie de réformer les règles liées aux circulaires. Invité à réclamer une consultation publique, j’ai recueilli les 15 000 signatures requises en moins d’une semaine7. La consultation résultante a atteint un record de participation (3 octobre au 12 novembre 2019), et a abouti à des recommandations unanimes, essentiellement identiques aux propositions que j’avais faites8.

(Notons que, du 29 mars au 27 mai 2019, la Communauté métropolitaine de Montréal a tenu une consultation distincte sur son Plan directeur de gestion des matières résiduelles. Même si cette initiative traitait d’un thème plus large que la consultation susmentionnée, elle a abouti à des conclusions virtuellement identiques quant aux circulaires9.)

■ Le 14 juin 2019, j’ai déposé à l’Assemblée natio- nale une pétition prônant un meilleur contrôle des circulaires, signée par 8 252 citoyens10 et appuyée par des députés-clés des quatre grands partis (voir l’image ci-contre11; j’y reviendrai en page 5).

■ Le 24 août 2020, Montréal a adopté son Plan di- recteur de gestion des matières résiduelles, d’après l’échéancier duquel les deux premières mesures implantées seront l’interdiction des sacs de plasti- que et le contrôle des circulaires, « selon les re- commandations de la Commission »12.

On peut me rejoindre par l’intermédiaire du site www.propre.org (onglet « Nous joindre »).

1 Annexe 1 : Correspondance avec TC Transcontinental. Également en ligne ici sur www.propre.org, onglet « Documents ». Consulté le 13 mai 2021. 2 Annexe 2 : Règlement sur la propreté, Arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, 6 avril 2010. Chaque arrondissement a un règlement similaire. 3 Onglet « Médias », www.propre.org. Consulté le 13 mai 2021. 4 Onglet « Liste des infractions », www.propre.org. Consulté le 13 mai 2021. 5 « Correspondance avec la Ville de Montréal quant aux circulaires », www.propre.org, onglet « Documents ». Consulté le 13 mai 2021. 6 Annexe 5 : Lettres d’appui. Également en ligne ici sur www.propre.org, onglet « Documents » (consulté le 13 mai 2021). 7 Canadian Press, « Anti-Publisac Petition Gets 15,000 Signatures in a Week », CTV News, 20 mars 2019. Consulté le 9 mai 2021. 8 Recommandations adoptées, site de la Ville de Montréal, 6 décembre 2019. Consulté le 13 mai 2021. 9 Rapport de consultation publique de la Commission de l’environnement, juin 2019, pp. 24 (circulaires) et 25 (sacs de plastique). Consulté le 9 mai 2021. 10 Pétition : Réduction des nuisances liées aux circulaires, site de l’Assemblée nationale, 13 mars 2019. Consulté le 9 mai 2021. 11 Pages Facebook de Mathieu Lemay, président de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAQ, 10 juin 2019), de , porte-parole de l’opposition officielle en matière d’environnement et de lutte contre les changements climatiques (PLQ, 29 avril 2019), de , porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’environnement (QS, 13 avril 2019), de , porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière d’environnement et de lutte contre les changements climatiques (PQ, 24 mai 2019). Consultées le 9 mai 2021. 12 « Échéancier de réalisation », Montréal Zéro Déchet : Plan d’action du Plan directeur de gestion des matières résiduelles, mai 2020, p.6. Consulté le 9 mai 2021.

3

Résumé

Pour encadrer la distribution porte à porte d’article publicitaires au Québec quand aucun règlement municipal ne traite du sujet, la pétition Réduction des nuisances liées aux circulaires13 demande au gouvernement provincial :

1 - de préciser dans le chapitre VII de la Loi sur les compétences municipales qu’un article publicitaire peut uniquement être déposé sur une propriété privée si le/la propriétaire ou lʼoccupant-e indique quʼil/elle accepte de le recevoir au moyen dʼun pictogramme représentant une circulaire entourée dʼun cercle bleu;

2 - de déterminer dans un règlement relatif à l’article 53.28 de la Loi sur la qualité de l’environnement la nature de l’emballage contenant un ou plusieurs articles publicitaires afin qu’il soit moins dommageable pour l’environnement que le plastique et qu’il n’ait pas à être séparé de son contenu pour être recyclé ou composté14.

Ces recommandations sont appuyées15 par :

- Les Ami(e)s de la Terre - Équiterre - l’Association québécoise de lutte contre la - la Fondation David Suzuki pollution atmosphérique - Greenpeace Canada - l’Association québécoise pour la promotion de - Nature Québec l’éducation relative à l’environnement - le Projet Réalité climatique - la Coalition Climat Montréal - RAVEN - le Conseil des Canadiens - le Sierra Club - Environnement jeunesse

Par ailleurs, les propositions suivantes visent à améliorer les réponses offertes aux citoyens qui formulent des plaintes liées aux circulaires, vu que les autorités ne font presque rien pour l’instant (détails en pages 18 à 23) :

3.1 - Rappeler aux municipalités, aux services policiers et aux centres d’appels (311 et 911) que les livraisons indues constituent des infractions, et leur expliquer à qui les plaintes doivent être transmises.

3.2 - Ne plus se contenter de traiter les plaintes en les transférant à autrui ou en envoyant un simple accusé de réception, et assurer un suivi dans un délai raisonnable pour expliquer les gestes concrets qui ont été posés.

3.3 - Considérer que toute infraction est l’œuvre, non pas d’un camelot individuel, mais de l’entreprise qui l’a engagé, et tenir celle-ci responsable des fautes commises par ses employés dans l’exercice de leurs fonctions.

3.4 - Ne pas s’attendre à ce que les entreprises contrevenantes gèrent leurs propres infractions, et informer les services d’inspection que, par conséquent, ils ne doivent pas faire suivre les plaintes reçues à ces entreprises.

3.5 - Lorsqu’une plainte est déposée, vérifier si l’entreprise contrevenante a déjà eu droit à un avertissement par le passé (pour quelque adresse que ce soit), et si c’est le cas, établir un constat d’infraction sans plus tarder.

3.6 - Lorsque les livraisons indues affectent plusieurs adresses, ne pas limiter l’inspection à la résidence de la personne qui s’est plainte, et faire plusieurs constats distincts dans l’ensemble du quartier touché.

3.7 - Lorsque les infractions sont commises hors des heures normales de bureau, encourager les services d’inspection à adopter un horaire flexible pour prendre les entreprises contrevenantes en flagrant délit.

3.8 - Au besoin, accroître les effectifs des services d’inspection pendant une période suffisante pour montrer aux entreprises contrevenantes que les infractions commises lors des livraisons ne seront plus tolérées.

3.9 - Au besoin, hausser le montant des amendes pour couvrir les coûts afférents aux propositions 3.6 à 3.8, de façon à ce que le travail d’inspection s’autofinance plus rapidement qu’aux tarifs présentement en vigueur.

Pour éviter toute dérive, on trouvera en page 4 une liste de ce qui n’est pas réclamé dans le présent document (interdiction totale, abonnements, etc.). Nous fournissons aussi en pages 24 à 30 des réponses aux objections les plus souvent invoquées quant à nos propositions par les organismes qui se portent à la défense des circulaires.

Les changements proposés devraient aider à éliminer jusqu’à 11 % de tout ce qui transite dans les centres de tri du Québec (voir page 6). Vu l’urgence de la situation et les 82 % d’appuis exprimés à la fois par le public et les commerçants (voir page 25), nous recommandons que ces changements soient effectués sans tarder.

13 Réduction des nuisances liées aux circulaires, site de l’Assemblée nationale du Québec, 14 juin 2019. Consulté le 26 septembre 2019. 14 On trouvera ici et ici le texte actuel des deux lois mentionnées dans cette citation. 15 Annexe 5 : Lettres d'appui, op. cit.

4

Ce que le présent document ne cherche pas à accomplir

Pour éviter tout dérapage lié à la libre expression, nous nous contentons de réclamer que les circulaires soient livrées uniquement là où c’est expressément autorisé, et qu’on ne les emballe plus dans des sacs de plastique. Hélas, plusieurs déformations outrancières circulent quand même. Commençons par mettre ces erreurs au rancart.

Le présent document :

a) n’exige pas l’interdiction totale des circulaires – comme dans le cas des armes ou du tabac, toute mesure de contrôle est souvent caricaturée en tentative de suppression absolue (par exemple, selon TC Transcontinental, limiter la distribution équivaudrait à « demander la fin du publisac16 », ce qui est loin d’être prouvé);

b) ne cible pas le seul publisac ‒ même si ce dernier est souvent présenté comme l’unique objet de notre campagne (souvent par des journalistes en quête d’une sursimplification ou d’une image forte17), nous parlons en fait de tout matériel promotionnel distribué de porte à porte;

c) ne cherche pas à convertir le système actuel en abonnements nécessitant qu’on s’inscrive quelque part – une aussi lourde réforme forcerait chaque citoyen à appeler chaque distributeur, présent ou futur (encore là, pas seulement Publisac) et à lui fournir des renseignements personnels (un geste risqué, de nos jours);

d) ne lutte pas contre la publicité ou un parti politique – on combat ici un problème précis, sans partisanerie;

18 e) ne veut pas la « mort » des journaux livrés avec les circulaires – leur déclin n’a pas commencé avec notre intervention, ne s’arrêtera pas avec notre silence et ne doit donc pas être attribué aux contrôles (voir pages 28-29);

f) ne s’attaque pas aux camelots – nous ne voulons ni leur imposer des amendes personnelles, ni les priver d’un gagne-pain (c’est en fait TC qui menace sa propre main-d’œuvre, comme nous le montrons en pages 30-31);

g) ne réclame pas la lune afin d’obtenir une demi-mesure ‒ notre proposition n’est pas une approche radicale, mais constitue déjà un compromis qui permet la survie de toutes les parties en cause (il ne faut donc pas céder au réflexe automatique de chercher une position encore plus diluée).

Enfin, en dépit de ce que certains ont laissé entendre, nous ne sommes à la solde de personne, ni en « conflits d’intérêts avec les entreprises d’emballage19 ». Pour éviter toute accusation de ce genre, nous ne faisons ni levée de fonds ni alliance avec quelque commerce que ce soit. La seule récompense que nous envisageons est la perspective d’un monde meilleur, n’en déplaise aux sceptiques.

16 « Pertinence et valeur du Publisac » (communiqué), TC Transcontinental, 24 avril 2019. Consulté le 19 août 2019. 17 Un exemple parmi d’autres : Asselin, Christian, « Publisac : les hebdos du Québec prennent position », L'Éveil, 3 juillet 2019. Consulté le 19 août 2019. 18 Chartier, Benoit, « “Je vous annonce la mort de plusieurs journauxˮ » (entrevue), 98,5 FM, 26 juin 2019. Consulté le 19 août 2019. 19 Lortie, Marie-Claude, « Transcontinental à la défense de son publisac », La Presse, 18 mai 2019. Consulté le 19 août 2019.

5

Contexte

Avouons-le : ces jours-ci, plus d’une crise réclame notre attention, et les circulaires ne sont pas perçues comme un bien grave problème. Avec le temps, on s’y est habitué, et comme chacun de nous ne voit qu’un sac à la fois sur son perron, personne ne pousse de hauts cris. Mais on ne règle jamais rien si on se laisse constamment distraire par un sujet supposément plus pressant (certains pollueurs disent même qu’il faut s’occuper de tel ou tel fléau dans le seul but de détourner l’attention de leurs propres méfaits20). En fait, notre société peut très bien contrer plusieurs écueils de front en laissant divers groupes viser ce qui les interpelle le plus, quel qu’en soit l’ordre de grandeur.

Toujours est-il qu’aucun organisme environnemental ne s’attardait aux circulaires jusqu’au lancement de notre cam- pagne. Pourtant, contrairement à des cibles plus médiatisées (comme les pailles de plastique et les sacs d’épicerie), on parle ici d’un problème lié à une poignée de distributeurs, ce qui pourrait par conséquent être réglé plus faci- lement qu’un désastre auquel contribuent un très grand nombre d’intervenants. Nous gagnerions même à y voir sans tarder, car résoudre cette tâche aisée en premier lieu encouragera ensuite la résolution de défis plus complexes. Ce n’est pas négligeable à une époque où l’on se sent souvent découragé par l’ampleur des tâches à accomplir.

Cela dit, les circulaires méritent-elles l’attention du gouvernement provincial? Calculons l’étendue des dégâts.

À lui seul, Publisac distribue 3,5 millions de sacs par semaine au Québec21, dont 900 000 à Montréal22. Leur poids annuel atteint 100 100 tonnes (1 925 tonnes par semaine)23. Chaque année, ces sacs couvrent une surface

20 Voir par exemple notre couverture, où un vendeur d’eau en cannettes annonce sur des sacs de plastique qu’il faut lutter contre la pollution des rivières. 21 Publisac : Kit média, TC Transcontinental, 2018-2019, p. 2. Consulté le 22 août 2019. 22 « Autocollants pas de circulaires », Ville en vert / Éco-quartier, 2019. Consulté le 22 août 2019. 23 Calcul basé sur un poids de 0,55 kg par sac, une moyenne obtenue en pesant une dizaine de sacs différents.

6

équivalant à 497 stades olympiques24 et occupent le volume de 1 597 maisons shoebox25. Et surtout, les circulaires représentent 11 % de ce qui passe par les centres de tri26, soit un neuvième de tout ce qu’on cherche à recycler !

Il y a pire : notre système de recyclage au grand complet a été dénoncé comme un « échec27 ». Nos exportations de papier à recycler sont refusées à l’étranger parce que les ballots sont truffés de plastique et de verre28, ce qui force nombre de villes à enfouir ces rebuts29. Et même là, nous manquons d’espace pour cet enfouissement30!

D’où le besoin de voir la province agir, sans attendre qu’un geste fédéral ou municipal vienne régler la question. Oui, le gouvernement canadien s’est engagé à tenir les entreprises responsables de leurs rebuts et à bannir le plastique à usage unique en 202131. Oui, des municipalités comme Montréal, Mirabel et Ville Mont-Royal ont entrepris des démarches allant dans le même sens32. Mais ces initiatives ne doivent pas empêcher pas le Québec de faire sa part.

C’est pour cela que notre pétition provinciale33 a récolté des appuis au sein de chacun des quatre grands partis34, et que les partisans de la Coalition Avenir Québec ont massivement voté en faveur de « revoir la façon de distribuer le matériel publicitaire afin de réduire son empreinte environnementale » lors de leur conseil général en mai 201935. Au lieu de retarder la résolution du problème en la confiant à des centaines de municipalités36, cela uniformiserait les règlements et éviterait à bien des agglomérations d’attendre l’exemple d’autres villes avant de se prononcer37.

Tout cela aboutit à deux constats que les écologistes martèlent en boucle depuis longtemps : « La politique des petits pas, ça ne suffit pas38 », et « La réduction à la source est l’enjeu auquel le gouvernement devrait s’attaquer en priorité39 ». Alors, on fait quoi?

24 Calcul basé sur la surface officielle du stade, soit 59 309 m2, selon « Données et statistiques », Parc olympique, 6 juin 2017. Consulté le 22 août 2019. 25 Calcul basé sur une maison de 240 m3, ou 25' × 26' × 13' selon « Trois histoires de “shoe boxes” », La Presse, 19 novembre 2014. Consulté le 22 août 2019. 26 Consultation publique sur le contrôle des circulaires (document préparatoire), septembre 2019. Consulté le 19 septembre 2019. 27 Blais, Annabelle, « Gaspillage : l’échec du système de recyclage », Journal de Montréal, 21 septembre 2019. Consulté le jour même. 28 Presse canadienne, « Les villes canadiennes aux prises avec leurs matériaux recyclables », Radio-Canada, 8 janvier 2018. Consulté le 22 août 2019. 29 Robillard, Jean-Philippe, « Des tonnes de matières recyclables à l’enfouissement », Radio-Canada, 2 juillet 2019. Consulté le 22 août 2019. 30 Léveillé, Jean-Thomas, « La plus grosse poubelle du Québec bientôt pleine », La Presse, 6 juillet 2019. Consulté le 22 août 2019. 31 « Ottawa tiendra les entreprises responsables de leurs déchets de plastique », Radio-Canada, 10 juin 2019. Consulté le 22 août 2109. 32 Nous y reviendrons en page 10. 33 Réduction…, op. cit. 34 Aux députés déjà mentionnés dans la note 11 s’ajoutent (QS, 26 avril 2019), (QS, 26 avril 2019), (QS, 1er mai 2019), (QS, 6 mai 2019) et Émilise Lessard-Therrien (QS, 10 mai 2019). Consultés le 17 septembre 2019. 35 « Proposition 2.11 », Pour une économie verte : Conseil général, 25-26 mai 2019, p. 14. Consulté le 22 août 2019. 36 « Les municipalités du Québec disposent actuellement de la compétence et du pouvoir de régir la distribution d’imprimés sur la voie publique et les immeubles privés. Le gouvernement entend respecter la juridiction et l’autonomie des municipalités. » Extrait d’une lettre envoyée le 17 janvier 2020 par le ministre de l’Environnement, , au leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, en réponse à une question inscrite au feuilleton le 12 novembre 2019 par la députée de Mercier, Ruba Ghazal, qui demandait quelle était la position de la CAQ quant à notre pétition. Pourtant, il n’était pas question d’usurper les pouvoirs municipaux, mais bien d’appliquer par défaut une norme provinciale quand les villes n’en ont pas. 37 Voir entre autres ce courriel envoyé le 24 avril 2019 par Mathieu Fournier, chef d’équipe en Gestion des matières résiduelles, à une résidente de Québec prônant les mêmes idées que nous : « … nous suivons avec intérêt le résultat de l’initiative populaire lancée à Montréal et sommes ouverts à reconsidérer notre position une fois que les règlements envisagés auront subi le test de l’application et auront démontré un impact significatif sur l’objectif visé. » 38 Valérie Masson-Delmotte, citée dans « Changements climatiques : “Il n'y a pas de temps à perdreˮ », Métro, 8 octobre 2018. Consulté le 22 août 2019. 39 « La réforme de la collecte sélective : Un pansement à la crise du recyclage » (communiqué), Équiterre, 11 février 2020. Consulté le 12 mai 2021.

7

Proposition no 1 - Ne livrer les circulaires que là où c’est expressément autorisé

Depuis ses débuts, la livraison des circulaires a reposé sur une incongruité : on livre des documents en masse à tous les foyers de la province, et les gens qui n’en veulent pas sont ceux qui doivent faire l’effort d’y mettre fin, mais seulement pour eux-mêmes (« option négative », ou « opt-out »). Un grand nombre de citoyens sont ainsi forcés de prendre des mesures pour faire cesser un désagrément récurrent qui leur a été imposé en premier lieu.

La question qui vient à l’esprit, c’est « De quel droit? » Même si certaines personnes aiment un produit donné, ça n’autorise pas une distribution imposée à tout le monde. Par exemple, quand Apple a, à titre promotionnel, télé- chargé en 2014 l’album Songs of Innocence du groupe U2 sur tous les appareils de sa clientèle, une bonne part de celle-ci a protesté, comparant cela à une vedette qui entre chez eux par effraction pour mieux se faire écouter :

Apparemment, consentir et manifester son intérêt ne sont plus des prérequis pour posséder un album – la décision revient désormais aux entreprises. C’est extrêmement troublant, et ça laisse entrevoir un avenir terrifiant40.

Or, au Québec, ce genre de chose se produit chaque semaine avec les circulaires, même si, aux yeux de la loi, un commerce « ne peut présumer que le consommateur est d’accord41 » et même si certains « opt-out » sont qualifiés de « pratique de vente déloyale42 ». De plus, le fédéral interdit carrément la distribution de circulaires en ligne si les destinataires n’y ont pas d’abord consenti43. Qu’attend-on pour traiter les sacs de pub de la même façon?

40 Wade, Chris, « Apple Gave You U2’s New Album for Free. What Could Possibly Go Wrong with This Trend? », Slate, 10 septembre 2014. Consulté le 23 août 2019. 41 Pierre-Claude Lafond, cité dans Qui ne dit mot consent : l’opt-out à l’ère du numérique, Option consommateurs, juin 2018, p. 16. Consulté le 3 août 2019. 42 Émilie Conway, idem. 43 Loi canadienne anti-pourriel, Gouvernement du Canada, 2014. Consulté le 23 août 2019.

8

En passant, même si les circulaires n’étaient pas le sujet principal de la consultation tenue en mai 2019 par la Communauté métropolitaine de Montréal sur le Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles, voici ce que disait la toute première recommandation qui en a résulté, juste après une note soulignant l’urgence d’agir :

Que la gestion des circulaires soit faite selon l’approche d’une distribution volontaire plutôt que systématique. Les journaux locaux, une importante source d’information locale, ne devraient pas être touchés […]. Plutôt qu’un système « opt-out » que nous connaissons aujourd’hui, il est proposé que la distribution se fasse selon un système « opt-in ». Ainsi, seules les résidences qui disposent d’un autocollant signifiant qu’ils souhaitent recevoir les circulaires les recevraient44.

Le plus simple serait donc de ne presque rien changer : au lieu de demander aux camelots de s’arrêter à toutes les portes qui n’arborent pas autocollant de refus, comme c’est présentement le cas un peu partout dans la province (figure 1, ci-dessous), on leur demanderait de laisser leur matériel uniquement là où la distribution est autorisée par les résidents (figure 2).

Et pour ce faire, il suffirait de modifier le chapitre VII de la Loi sur les compétences municipales en précisant qu’en l’absence de tout règlement municipal traitant des circulaires, un article publicitaire peut uniquement être déposé sur une propriété privée si le/la propriétaire ou lʼoccupant-e indique quʼil/elle accepte de le recevoir au moyen dʼun pictogramme représentant une circulaire entourée dʼun cercle bleu45.

44 Rapport de consultation publique de la Commission de l’environnement, juin 2019, p. 24. 45 Le bleu est préféré au vert pour ne pas conférer une connotation écologique à la circulaire dépeinte.

9

Cela règlera du coup un autre problème, car en ce moment, le pictogramme de refus peut seulement être obtenu : a) auprès d’organismes comme les Éco-quartiers de Montréal ou la mairie de certaines municipalités (ce qui est bien peu pratique, car cela force le public à se rendre sur place durant les heures de bureau); ou b) en passant une commande à Publisac (mais comme l’utilisation des autocollants n’est pas à leur avantage, il ne faut pas s’étonner si bien des gens se plaignent d’un piètre service de ce côté46).

Il semble même que ces difficultés soient voulues : la presse régionale a poussé les hauts cris quand, à la suite de pressions populaires, l’hôtel de ville de Drummondville a offert les pictogrammes au comptoir de sa réception au lieu d’un bureau moins accessible47, ou quand des jeunes ont distribués des autocollants à Rouyn-Noranda48 :

Le fait de rendre facilement disponible l’autocollant interdisant le dépôt à domicile du Publisac, dans lequel se trouve le journal L’Express, est un recul pour l’information locale49.

On s’attaque au dernier revenu encore potentiel des journaux. Après cela, il ne restera plus rien. C’est la mort du journal50.

Autrement dit, l’autocollant de refus n’est toléré que s’il est rare. Au lieu d’agir à la source, on perpétue le mythe des ententes à l’amiable et on s’arrange pour qu’aucune décision individuelle n’ait un impact réel : quand une personne « élimine » un sac de sa cour, elle s’arrête là et ignore tous les autres sacs qui étouffent sa ville.

46 Témoignages multiples recueillis en ligne. 47 Communiqué, Drummondville, 7 mai 2019. Consulté le 24 août 2019. 48 « Rouyn-Noranda adopte des mesures pour diminuer la présence des publisacs », Radio-Canada, 26 juin 2019. Consulté le 24 août 2019. 49 Boivert, Jean-Pierre, « Un recul pour l’information locale », L'Express, 7 mai 2019. Consulté le 24 août 2019. Soulignement ajouté. 50 « Si tout le monde arrête de recevoir le publisac, ça signifie la fin du Citoyen », dixquatre.com, 28 juin 2019. Consulté le 24 août 2019.

10

Pour conclure cette section, rappelons qu’en plus de la Loi canadienne anti-pourriel, bien des précédents ont démontré que l’« opt-in » fonctionne. Depuis 2010, le plus proche équivalent des publisacs – le bottin des Pages Jaunes – est remis gratuitement aux gens qui en commandent un exemplaire en papier51, mais est essentiellement devenu un service en ligne. Et un bon nombre d’entreprises qui distribuaient jadis leur catalogue de façon systématique procèdent désormais de cette façon elles aussi (un exemple notoire étant Ikea, depuis août 201952).

Qui plus est, des villes ont déjà commencé à envisager une réglementation de type « opt-in » pour les circulaires. Outre Montréal, Ville Mont-Royal a en effet annoncé le 13 mai dernier son intention d’agir en ce sens53…

… et la ville de Mirabel a de son côté adopté un règlement similaire, entré en vigueur le 1er octobre 201954.

De peur que cette dernière initiative ouvre la porte à d’autres règlements municipaux du même genre au Québec, TC a depuis annoncé son intention de poursuivre Mirabel55, mais la Ville lui tient tête. Penchons-nous brièvement sur cette affaire pour nous faire une idée des objections de l’entreprise et de la façon dont on peut les contrer.

En premier lieu, notons que le règlement56 de Mirabel distingue les circulaires distribuées par la poste de tous les autres articles publicitaires. Vu que les nouvelles dispositions affectent seulement ces derniers (les règles liées

51 Schmouker, Olivier, « Fin du bottin résidentiel en papier des Pages Jaunes », 3 juin 2010. Consulté le 26 août 2019. 52 Massé, Isabelle, « Fini le catalogue Ikea à la porte », La Presse, 7 août 2019. Consulté le 26 août 2019. 53 « Mont-Royal va interdire le chauffage au mazout, contraindre encore plus le chauffage au bois, aménager l’un des plus grands toits verts de l’île et limiter la distribution des circulaires » (communiqué), Ville Mont-Royal, 13 mai 2019. Consulté le 26 août 2019. 54 « Mirabel veut offrir le choix aux citoyens de recevoir ou non des imprimés publicitaires », Mirabel vous informe, 22 août 2019. Consulté le 26 août 2019. 55 Brousseau-Pouliot, Vincent, « Distribution du publisac : Transcontinental poursuit Mirabel », La Presse, 10 septembre 2019, et McSween, Pierre-Yves, « Publicsacs [sic] : le droit de polluer », 98,5 FM, 10 septembre 2019. Consultés le jour même. 56 Annexe 4 : Règlement no 2326 relatif à la distribution d’imprimés publicitaires, Mirabel, 12 août 2019.

11 aux livraisons postales sont inchangées), Transcontinental a choisi d’y voir un type de « discrimination »57.

Pourtant, il n’est pas discriminatoire de réduire les dommages liés à une forme de pollution plus marquée qu’une autre. À l’échelle provinciale, par exemple, la Loi sur la qualité de l’environnement de 1972 s’applique de deux façons, selon qu’une émission reste sous un certain seuil ou dépasse ce seuil58. Il est donc légitime de réagir différemment quand un facteur place des circulaires sans sac dans un casier postal, et quand ces circulaires sont suspendus à des poignées de porte dans un emballage en plastique qui les rend non recyclables – voir page 14.

(De plus, le courrier relève d’une loi fédérale, et les circulaires, d’un règlement municipal. Mirabel n’a donc pu modifier que ce dernier, en laissant le gouvernement canadien agir ultérieurement – ce qui pourrait d’ailleurs se produire bientôt, vu qu’Ottawa vient tout juste d’inscrire les sacs de plastique sur la Liste des substances toxiques59.)

Et pour ce qui est de la libre expression, les arguments de Transcontinental semblent encore plus spécieux, car selon eux, Mirabel « viole » les articles suivants des chartes canadienne et québécoise :

Canada : 1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique60.

Québec : 9.1 Les libertés et droits fondamentaux s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l’exercice61.

Mais comme ces extraits le précisent eux-mêmes (et comme le guide d’accompagnement fédéral62 le souligne), la liberté d’expression n’est pas absolue, et peut effectivement être limitée si la situation le justifie – qu’on pense par exemple aux graffitis ou au tapage nocturne. Quand on traite d’un problème écologique important, il est donc tout à fait possible d’imposer des contrôles raisonnables. Vu que TC accepte depuis des années le principe des picto- grammes de refus (et va jusqu’à distribuer ces derniers), en quoi un autocollant d’autorisation serait-il inacceptable?

Bref, la réforme du système de distribution des circulaires n’est ni un saut dans le vide ni une question de courage politique. C’est simplement une idée qui tombe sous le coup du gros bon sens, qui aura un grand impact sur notre environnement, qui jouit d’une grande popularité, qui est facile à implanter et dont la voie est déjà pavée. Qu’est-ce que les politiciens les plus timides pourraient souhaiter de mieux pour poser un geste vert?

57 Pourvoi en contrôle judiciaire, TC c. Mirabel, 5 septembre 2019. 58 Article 31.0.11, Loi sur la qualité de l’environnement, LégisQuébec, mise à jour le 1er juin 2019. Consulté le 13 septembre 2019. 59 Décret d’inscription d’une substance toxique à l’annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) : DORS 2021-86, Gouvernement du Canada, 23 avril 2021. Consulté le 12 mai 2021. 60 Charte canadienne des droits et libertés, Gouvernement du Canada, mise à jour le 26 juillet 2019. Consulté le 13 septembre 2019. Soulignement ajouté. 61 Charte des droits et libertés de la personne, LégisQuébec, mise à jour le 1er juin 2019. Consulté le 13 septembre 2019. Soulignement ajouté. 62 « Guide sur la Charte canadienne des droits et libertés », Gouvernement du Canada, 18 juin 2019. Consulté le 13 septembre 2019.

12

Proposition no 2 - Éliminer les sacs de plastique utilisés pour les circulaires

(Rappel : ici encore, on ne parle pas seulement des publisacs, mais de l’emballage de tout article promotionnel.)

Limiter la distribution des circulaires, comme le propose la section précédente, n’est pas la seule mesure à prendre. Les sacs de plastique, eux, sont nuisibles peu importe leur quantité63. Montréal a d’ailleurs banni les sacs d’épicerie minces en 201864, puis annoncé l’interdiction imminente de tout sac d’emplettes65. D’autres villes ont alors emboîté le pas66,67,68,69,70,71,72,etc.… mais ces règlements autorisent en général les sacs de circulaires – et les municipalités qui ne font pas expressément une telle exception ne sévissent pas pour autant contre la distribution d’articles publicitaires.

C’est insensé (et « discriminatoire », comme dirait TC). Pourquoi cibler tous les commerces de détail, mais exempter l’entreprise qui produit le plus de sacs? La chaîne IGA aura beau se vanter d’avoir éliminé « 12 millions de sacs73 », peut-on vraiment s’en réjouir si un distributeur de circulaires continue de son côté à en livrer 182 millions par année?

N’abordons même pas l’absurdité de détruire l’écosystème pour annoncer des rabais, et sautons à l’essentiel : les sacs ne sont même pas nécessaires. Selon le règlement montréalais, par exemple, on doit insérer les circulaires

1º dans une boîte ou une fente à lettres; 2º dans un récipient prévu à cet effet; 3º sur un porte-journaux ou en le suspendant à celui-ci; 4º en le suspendant à la poignée d'une porte extérieure donnant accès à un seul logement, lorsqu'il n'y a sur cette propriété aucun des objets décrits aux paragraphes 1 à 374

Si un distributeur affirme que les sacs servent à « protéger les circulaires des intempéries75 » (alors que le courrier régulier ne requiert pas un tel emballage), c’est parce qu’il choisit d’enfreindre le règlement en jetant ces sacs par terre ou en les suspendant aux clôtures ou aux rampes, là où ils jouissent d’une plus grande visibilité. Pourtant, la « protection » offerte dans de tel cas est fort discutable. Lors d’un orage, laissez un sac à l’extérieur, pour voir!

D’autre part, les sacs sont-ils vraiment « 100 % recyclables76 », comme le répète constamment Transcontinental?

63 « Interdiction du plastique à usage unique : "Il était temps!" », La Presse, 11 juin 2019. Consulté le 29 août 2019. 64 « 2018 sonnera la fin des sacs de plastique minces à Montréal », Radio-Canada, 29 décembre 2017. Consulté le 26 août 2019. 65 « Montréal souhaite finalement bannir tous les sacs de plastique », Radio-Canada, 4 juin 2018. Consulté le 26 août 2019. 66 « Interdiction des sacs d’emplettes en plastique », Longueuil, 20 mars 2018. Consulté le 26 août 2019. 67 « Mascouche fait sa part! », Mascouche, 22 avril 2018. Consulté le 26 août 2019. 68 Bergeron, Joëlle, « Dix villes de la Rive-Sud bannissent les sacs à usage unique », Le Soleil de Châteauguay, 23 avril 2018. Consulté le 26 août 2019. 69 « Comment bannir les sacs », Communauté métropolitaine de Montréal, 12 juillet 2018. Consulté le 26 août 2019. 70 Guillet, Jean-François, « Vers une interdiction des sacs de plastique à Bromont », La Voix de l’Est, 28 mars 2019. Consulté le 26 août 2019. 71 « Sacs de plastique », Pincourt, 22 avril 2019. Consulté le 26 août 2019. 72 Nadeau, Jacynthe, « Le VSF bannit les sacs de plastique », La Tribune, 9 mai 2019. Consulté le 26 août 2019. [Et caetera.] 73 Duchaine, Hugo, « Fini les sacs en plastique chez IGA », Journal de Montréal, 31 juillet 2019. Consulté le 22 août 2019. 74 Annexe 2, article 33. Soulignement ajouté. 75 « Saviez-vous que », TC Transcontinental, 2019. Consulté le 28 août 2019. 76 « Une campagne publicitaire pour Publisac » (communiqué), TC Transcontinental, 25 avril 2019. Consulté le 28 août 2019.

13

D’abord, une précision : le terme « recyclable » traite d’une difficulté qu’on peut surmonter en théorie. Une surface « lavable » n’est pas autonettoyante. Un animal « domptable » n’est pas déjà domestiqué. Dans tous ces cas, le problème ne sera résolu que grâce à l’intervention d’autrui – ne confondons pas avec « biodégradable ».

Précision no 2 : tout comme on ne saute pas d’un plongeoir avant d’avoir vérifié si les responsables de la piscine ont rempli celle-ci, on ne doit pas distribuer un produit en présumant que les destinataires en disposeront d’une façon adéquate (à moins que ces derniers l’aient demandé, en quel cas ils en deviennent responsables).

On ne règle donc rien en invitant le public à recycler chaque sac (pas plus qu’on ne rend un poison inoffensif en le laissant sur 3 millions de portiques avec la consigne d’en disposer avec soin). La réalité ne peut être niée : selon Recyc-Québec, seulement 63 % de tout ce qui est recyclable est mis au bac, et pour ce qui est du plastique, à peine 18 % du lot est effectivement recyclé77, ce qui donne un taux de traitement véritable de 11 %. Et même là, la recyclabilité réelle du polyéthylène basse densité (le « plastique #4 des sacs de circulaires) est de 5 %78!

Pis encore, bien des gens jettent les sacs au bac sans les vider, incluant le personnel de Publisac79. Dans un tel contexte, les deux matières deviennent 0 % recyclables, sauf si le problème est corrigé dans les centres de tri – et ceux-ci sont trop débordés pour répondre à la demande, en plus de manquer d’espace pour l’entreposage80.

77 Shields, Alexandre, « Où va le contenu de votre bac de recyclage? », Le Devoir, 9 décembre 2017. Consulté le 29 août 2019. Notons que ces chiffres datent de 2015, et comme nous l’avons vu plus tôt, la situation a bien empiré depuis. Selon l’ex-conseiller municipal Luc Ferrandez, « il y a 7% du plastique qui est recyclé » (« “Demain, c’est la dernière fois que je recycleˮ ‒ Luc Ferrandez », 98,5 FM, 20 août 2019. Consulté le 15 septembre 2019). 78 « Know Your Plastic », Coda Plastics, 4 août 2017. Consulté le 12 mai 2021. 79 Voir par exemple en page 24, ainsi que les photos affichées sur www.facebook.com/antipublisac le 29 janvier 2020, le 10 mars 2020 et le 13 juillet 2020. 80 Shields, Alexandre, « Le recyclage au bord de la crise », Le Devoir, 30 octobre 2017. Consulté le 29 août 2019.

14

De plus, Publisac incite chaque annonceur à opter pour un sac séparé, ce qui multiplie la quantité de plastique81. Et un sac 17 % plus long est offert à tout commerçant qui désire des coupons détachables bien visibles82.

Il arrive aussi que des sacs accompagnés d’un journal local soient livrés dans un sac supplémentaire83. Et parfois, un sac fourni par un annonceur est lui-même ensaché et joint au publisac, ce qui donne trois sacs d’un coup84!

Rendons par contre son dû à César : depuis au moins deux ans, une jaquette en papier serait à l’étude pour remplacer certains sacs. Mais est-ce bien la solution attendue? Hélas, non : il est d’ores et déjà annoncé que cette option sera

81 Léveillé, Jean-Thomas, « Publisac double le plastique », La Presse, 20 janvier 2019. Consulté le 29 août 2019. 82 « Produits spécialisés : publicité sur le sac avec coupon détachable », TC Transcontinental, 2018. Consulté le 15 septembre 2019. 83 Envoi d’une lectrice, 6 avril 2019. 84 Envoi d’une lectrice, 16 février 2019.

15 réservée « pour la distribution de circulaires là où la pluie et la neige ne sont pas un problème85 ». Les jaquettes ne remplaceront donc pas les sacs; on y fera plutôt appel dans les endroits où aucun emballage n’est requis et où on aurait en fait pu se servir de distributrices à étagères, comme celles que Publisac a déjà installées dans divers complexes résidentiels (photo ci-contre)86. C’est donc le contraire d’un contrôle sur les circulaires, car on parle ici d’augmenter le gaspillage là où il aurait pu être évité.

(Faut-il s’étonner d’une telle approche? Pas du tout. Transcontinental est d’abord et avant tout une entreprise commerciale redevable à ses actionnaires, donc tenue de faire croître son chiffre d’affaires – et il ne faut pas s’attendre à ce qu’un imprimeur choisisse d’amoindrir ses propres profits. Cela explique aussi le minimalisme de la jaquette proposée : non pas une enveloppe en bonne et due forme, mais une simple feuille pliée en trois – c’est beaucoup moins cher à produire, même si les circulaires s’en échapperont si facilement qu’elles pourraient aussi bien ne pas être emballées.)

Cela soulève une question subsidiaire : tant qu’à écouler des circulaires sans sacs par l’entremise de points de dépôt intérieurs, un distributeur pourrait bien recourir à des boîtes distributrices comme celles que les hebdos Voir, Ici, Hour et The Mirror utilisaient un peu partout à Montréal de 1985 jusqu’à récemment (que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur). Ou comme celles que Les Libraires, Cult Mtl et La Scena Musicale utilisent encore. Ou comme celles que le groupe Viva Média a achetées au Washington Post pour diffuser La Voix régionale (photo ci-contre)87. En plus d’éliminer les sacs, de telles boîtes permettraient de réduire le gaspillage en ne s’adressant qu’aux personnes intéressées, ce qui résoudrait du coup une partie des problèmes énumérés dans la section précédente…

Ces boîtes éviteraient aussi à l’entreprise les frais récurrents liés à la fabrication des emballages, et réduiraient la somme qu’elle verse au gouvernement pour défrayer sa part du programme de recyclage. Cela lui coûterait donc moins cher à long terme que produire des sacs (et, en région rurale, des supports à sacs – photo ci-contre). Or, son objectif est beaucoup plus modeste. De 2019 à 2025, TC s’engage plutôt à :

atteindre un taux d’utilisation moyen, en poids, de 10 % de contenu recyclé postconsommation pour l’ensemble du plastique dans notre portefeuille de produits88. 85 86 87 88

85 Lortie, op. cit. 86 Par exemple dans la résidence pour retraités Elogia, au 5440, rue Sherbrooke Est (notre photo). 87 Desfossés, Félix B., « Publisacs : dilemme entre écologie et survie des hebdos locaux », Radio-Canada, 27 juin 2019. Consulté le 29 août 2019. 88 Vers une économie circulaire du plastique au Québec (mémoire), TC Transcontinental, 10 mai 2019, p. 27. Consulté le 30 août 2019.

16

Depuis, TC a remplacé son sac original « par un sac fait à 100 % de plastique recyclé89 ». Mais c’est, encore là, une façon de détourner l’attention du problème. Il importe peu que nos rues soient jonchées de plastique recyclé au lieu de plastique vierge. Redisons-le, le véritable problème est qu’un mélange plastique-papier est 0 % recyclable.

Ajoutons une cerise à ce dessert toxique : la population a beau être priée de regrouper tout ce qui est en plastique souple dans un seul sac avant de déposer celui-ci dans le bac vert, trop peu de gens le font encore, ce qui fait que

les sacs et autres pellicules de plastique recyclables sont un fléau dans les centres de tri. Plusieurs sont déposés dans les bacs de recyclage tel quel et ont tendance à se coincer dans les machines, causant ainsi des bris et des ralentissements90.

Face à une telle crise, il ne faut ni compter sur le lent processus de conscientisation du public, ni espérer que les distributeurs recourent à des changements significatifs. Le geste que la province doit poser est, ici encore, très simple : pour l’ensemble des articles publicitaires, il faut interdire tout emballage en plastique à usage unique, quitte à ce que celui-ci soit remplacé par un matériau plus écologique, qu’on n’aura pas à séparer des circulaires lors du recyclage. Sans limiter les options envisageables, il pourrait s’agir du même type d’enveloppe en papier recyclable que Fedex utilise pour ses livraisons – enveloppe qui résiste bien aux intempéries, faut-il le préciser. Et pour l’accrocher à une boîte à lettres ou une poignée de porte, on n’aurait qu’à la doter d’un trou ou d’une fente.

Soulignons enfin qu’en plus d’avoir recommandé le système « opt-in » que nous prônons (voir la section précé- dente), la Commission de l’environnement de la Communauté métropolitaine de Montréal a aussi fait écho à cette proposition-ci dans son rapport sur le Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles, en réponse au cri du cœur des citoyens qui se sont exprimés lors de la consultation organisée sur le sujet :

Que l’on bannisse la totalité des sacs de plastique91.

Point à la ligne. Pas d’épaisseur. Pas d’endroit. Pas de fonction. Pas d’exceptions.

89 Vers une économie…, op. cit., p. 3. 90 « Comment recycler le plastique souple », RécupEstrie, 2019. Consulté le 30 août 2019. 91 Rapport…, op. cit., p. 23.

17

Proposition no 3 - Faire respecter les règles

Il peut sembler étrange qu’on recoure à une consultation pour exiger le respect d’une loi ou d’un règlement, mais même si les deux mesures précédentes sont adoptées, elles n’auront aucun effet si on ne les fait pas respecter. En effet, à Montréal seulement, même si 30 000 photos de livraisons indues92 ont été jointes aux 120 plaintes remises aux autorités, rien n’a encore changé car aucune action concrète ne semble avoir été prise par la Ville.

D’emblée, les employés de la Ville de Montréal qui répondent aux citoyens savent mal comment traiter ces demandes. D’après leurs accusés de réception93, nos courriels ont été successivement transférés à :

la Division des permis; la Direction de l'aménagement urbain la Direction des travaux publics; et des services aux entreprises; la Division de la voirie; la Direction du cabinet; la Direction du greffe; la Direction de la mobilité et de la la Division de l’inspection; planification des déplacements; le Bureau des élus; la Direction performance; la Division des relations avec les citoyens; la Direction des services administratifs; la Direction du développement du territoire; la Sécurité publique…

… mais aucun de ces services ne nous ont par la suite fourni les suivis promis. Quelques inspecteurs nous ont bien annoncé qu’ils demanderaient à TC « pourquoi ces publisacs sont toujours distribués malgré l’apposition de l’autocollant de refus94 », mais aucun d’eux ne nous a confirmé avoir rédigé un seul constat d’infraction.

Personnellement, j’ai aussi tenté de faire bouger les choses par d’autres moyens. Quand le Téléjournal a couvert ma démarche95, le maire d’arrondissement François Croteau s’est excusé en ondes de ne « pas avoir pris assez au sérieux cette plainte » et a promis d’écrire « au président [de TC] pour lui demander de s’assurer de corriger les pratiques96 ». Éventuellement, un vice-président de l’entreprise lui a bien envoyé un accusé de réception :

nous pouvons vous confirmer qu’après vérification auprès de notre Service à la clientèle du Publisac – dont le numéro apparaît sur tous les sacs Publisac – que nous n’avons observé aucune recrudescence des requêtes liées à votre arrondissement97 … mais sa réponse traitait seulement des plaintes reçues par TC. Sur le terrain, par contre, le taux des infractions rele- vées a augmenté de 71 % les semaines suivantes, puis de 131 % en janvier, 292 % en février et 777 % en juin 2019.

92 Annexe 6 : 30 000 infractions relevées de janvier 2018 à mai 2021 (liste intégrale disponible au www.propre.org/liste-des-infractions et en PDF sous l’onglet « Documents »). On trouvera également la photo de chaque infraction en ligne, aux liens fournis au début de l’annexe 6 et du PDF. 93 Voir le résumé fourni en page 1 de notre Correspondance avec la Ville de Montréal quant aux circulaires, sur le site www.propre.org, onglet « Documents ». 94 Idem (voir le courriel du 4 mars 2018 11:21). 95 Téléjournal 18h, Radio-Canada, 29 août 2019. Pour une retranscription, voir le 30 avril 2018 dans le document Correspondance avec la Ville, op. cit. 96 Annexe 3 : Lettre à TC, du maire d’arrondissement François Croteau (PDF disponible ici sur le site www.propre.org, onglet « Documents »). 97 Réponse de Benoit Caron, vice-président aux opérations de TC, 11 juillet 2018 (PDF disponible ici sur le site www.propre.org, onglet « Documents »).

18

Par la suite, j’ai insisté à deux reprises lors de la période de questions du conseil de l’arrondissement. Et puisque les quatre avertissements98 de la Ville n’avaient rien donné, j’ai demandé à François Croteau s’il allait bientôt recourir aux amendes (comme il menaçait lui-même de le faire dans sa lettre à TC). Sa réponse m’a étonné :

… malheureusement, je suis obligé d’admettre que c’est probablement beaucoup plus rentable financièrement pour l’arrondissement de travailler de concert avec Transcontinental plutôt que de rentrer dans ce processus qui va nous prendre une éternité. Alors, on ne peut pas agir de la sorte à cause des lois, parce que ce n’est pas permis de le faire99.

Il est difficile de comprendre la logique de cette déclaration :

En quoi envoyer quatre avertissements en vain est-il plus « rentable » qu’infliger des amendes? (Même si on n’en perçoit qu’une seule, cette dernière n’est-elle pas, par définition, plus rentable que les avertissements?) Pourquoi prendrait-on « une éternité » pour relever des infractions? (On peut très bien se contenter d’un échantillonnage, comme on le fait pour tout autre règlement – par exemple celui sur le stationnement.) En quoi ne peut-on pas appliquer la loi parce que « ce n’est pas permis de le faire »? (À quoi bon avoir mis au point une procédure à suivre, si on invoque ensuite sa complexité pour justifier l’inaction de la Ville?) Et comment peut-on espérer que le règlement soit respecté quand on fait publiquement une telle déclaration?

(Ajoutons ici qu’un inspecteur peut très facilement prendre les contrevenants en flagrant délit – comme je l’ai souvent fait moi-même – puisqu’on sait d’avance où et quand les infractions ont lieu chaque semaine.)

98 Dans la lettre du 10 mai, deux avertissements antérieurs sont mentionnés, et le directeur de cabinet du maire d’arrondissement, Francis Côté, en a livré un troisième en personne à la fin de l’été 2018 (tel que mentionné lors de la période de questions de la séance du conseil du 2 octobre 2018). 99 Période de questions du 2 octobre 2018 (voir l’extrait vidéo pertinent ou la transcription incluse dans Correspondance avec la Ville, op. cit.

19

Autre surprise : deux des messages que j’ai envoyés à la Ville ont été transférés à Publisac, et c’est l’entreprise qui m’a répliqué par retour de courriel100. On pense ici à ce que disait Richard Desjardins au sujet des plaintes envoyées au gouvernement dans le film L’erreur boréale : « On a écrit au Bon Dieu, et le diable nous a répondu101. » Transcontinental recommande même à la Ville102 de procéder de cette même façon pour traiter toutes les plaintes des citoyens qui déplorent la pollution liée aux publisacs mal livrés!

Il va sans dire (du moins, ce devrait être le cas) que l’individu ou l’entreprise responsable d’un méfait ne devrait pas se voir confier la tâche de gérer ses propres méfaits, ne serait-ce que pour des raisons de conflit d’intérêts. C’est particulièrement vrai dans le cas de Publisac : en 43 ans, le distributeur n’est jamais parvenu à éliminer les infractions commises au fil des livraisons – et ce, même s’il a mis au point un système élaboré afin de répondre aux plaintes du public. Alors pourquoi devrait-on lui faire confiance une minute de plus?

Comme le vice-président Benoit Caron l’a laissé entendre dans sa lettre à François Croteau, le but réel du service à la clientèle est tout autre : aux yeux de TC, le nombre de plaintes reçues – quel qu’il soit – indiquera toujours que la majorité du public est satisfaite des publisacs, vu que les personnes ayant pris la peine de protester consti- tueront inévitablement une minuscule fraction… de la population du Québec tout entier103.

100 Voir les 9 et 19 mars 2018 dans le document Correspondance avec la Ville, op. cit. 101 Cité par Francœur, Louis-Gilles, « Richard Desjardins fait reculer une forestière », Le Devoir, 21 novembre 2002. Consulté le 30 août 2019. 102 Recommandation no 4, Vers une économie…, op. cit., p.6. 103 « …en se basant sur les occurrences qui nous sont rapportées, on parle d’un taux d’efficacité du respect du pictogramme de 99,5 % à 99,9 % » (Vers une économie…, op. cit., p. 23). Le même argument est invoqué, à 99,99 %, par François Olivier, PDG de Transcontinental, lors de la consultation publique sur le Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles le 17 mai 2019.

20

Outre les infractions elles-mêmes, ce raisonnement fallacieux est loin d’être la seule indication démontrant que l’entreprise est indigne de traiter les plaintes du public). En voici d’autres :

Nous l’avons dit plus tôt, le site de Transcontinental104 offre encore aujourd’hui des sacs exclusifs ou allongés aux annonceurs, même si TC prétend réduire son empreinte plastique. Mais ce n’est pas tout : cette page montre aussi un « accroche-porte » créé pour la chaîne McDonald’s de Montréal (ci-dessus à droite), à l’encontre du règlement de la Ville selon lequel un article ne peut être suspendu à une poignée quand une boîte à lettres est disponible105. Or, l’en-tête de la page montrait justement en 2019 un exemple enfreignant cette règle (ci-dessus à gauche)!

La formation des camelots laisse aussi à désirer. Les normes qu’on leur fournit106 (grande photo ci- contre) indiquent encore une fois qu’on peut laisser un sac « après la poignée de porte ». Même si une parenthèse ajoute que cela doit se faire « selon les règlements muni- cipaux », on peut douter qu’en l’absence de plus d’explications, chaque camelot fera ses propres études là-dessus (résultat : voir les trois petites photos ci-contre).

Et surtout, remarquons les lignes suivantes :

Dans le cas où aucune autre option n’est possible, le sac doit être déposé debout, par terre, du côté des pentures de la porte.

En fait, malgré la précision appa- rente de cette directive, le règle- ment ne prévoit rien de tel. S’il n’y a ni boîte à lettres, ni récep- tacle, ni crochet, ni poignée de porte, il ne faut pas laisser de sac du tout!

104 105 106

104 « Produits spécialisés », op. cit. (consulté le 15 septembre 2019; l’en-tête a été corrigée depuis, mais l’accroche-porte est toujours là en date du 13 mai 2021). 105 Annexe 2, article 33 (4). 106 Photo envoyée par un camelot qui désire conserver l’anonymat, 2019.

21

Malgré tout, il arrive que des amendes soient bel et bien infligées à TC Transcontinental – parfois jusqu’à 10 000 $ en un an, comme en témoignent certains de leurs rapports annuels de développement durable107.

À titre d’exemple : à St-Jean-sur-Richelieu, la citoyenne Josianne Arbour recevait des sacs malgré le pictogramme de refus apposé sur sa boîte à lettres. Après avoir contacté l’entreprise à quatorze reprises fois sans obtenir satisfaction, elle a appelé le 911 et des constats ont été rédigés lors des infractions suivantes. Publisac n’ayant pas contesté ces contraventions, trois amendes de 200 $ chacune ont été infligées par la Sûreté du Québec108.

(Ce n’est hélas pas la norme. J’ai moi-même appelé le poste de mon quartier pendant une distribution. On m’a d’abord répondu qu’une livraison indue n’est pas une infraction, et quand j’ai insisté, j’ai été redirigé vers le 911 vu qu’il s’agissait d’un incident en cours. Le préposé du 911, lui, m’a référé au 311 – et le dossier créé à cette occasion semble être resté sans suite109… comme les 119 autres plaintes émises auprès de la Ville de Montréal.)

Quoi qu’il en soit, tant que les amendes n’atteindront pas une masse critique, elles ne suffiront pas à générer un véritable changement chez l’entreprise110 – qui les a jusqu’ici intégré au cost of doing business, comme on dit. Un indice du montant qu’il faudra atteindre : au lieu de résoudre le problème, Transcontinental a trouvé plus abordable de s’offrir une campagne de relations publiques de plusieurs mois dans le métro, dans les abribus, sur les autobus, dans bien des journaux locaux (deux pages) et dans le publisac lui-même, le tout dans les « régions du Grand Montréal, de Gatineau, du Saguenay, de Québec, de Trois-Rivières et de Sherbrooke111 ».

Alors, est-il possible de décerner assez de contraventions pour susciter un revirement d’attitude? Voyons voir : les 30 000 infractions qu’une poignée de sympathisants et moi-même avons relevées sur le terrain ont exigé une centaine d’heures de notre part, la plupart du temps lors d’une promenade ou de commissions diverses; en heures/personne, c’est bien moins que le travail effectué en une seule semaine par tous les inspecteurs de la Ville. Si un récidiviste aussi impénitent que TC s’était attiré dans chaque cas l’amende maximale prévue par le règlement (4000 $), les autorités auraient perçu 120 000 000 $, soit 46 fois le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise112.

(Ce chiffre aurait même pu être bien plus élevé, car notre travail n’a rien eu d’exhaustif : nos relevés hebdoma- daires ont rarement couvert plus que 0,43 km2, soit 0,1 % de la surface de Montréal. Pour avoir une idée de ce que cela donne dans la province entière, considérons ceci : le 17 mars 2020, 122 infractions ont été repérées dans un quadrilatère où 269 résidences n’affichaient pas de pictogramme de refus113. Si on applique ce taux de délinquance de 45,4 % aux 3,5 millions de résidences desservies chaque semaine au Québec par Publisac, on aboutit à 82 628 000 infractions par année… ce qui engendrerait des pénalités de 330 512 000 000 $!)

De toute façon, on n’aurait pas eu à en arriver là avant d’obtenir des résultats, car si les distributeurs respectent aussi peu les règles, c’est parce qu’on les laisse agir en toute impunité, ou presque. Après une ou deux semaines d’amendes régulières, il va de soi qu’aucun d’eux n’attendra plus longtemps pour mettre fin à ses infractions…

107 « Report Card: Environment », Delivering on Our Commitment, TC Transcontinental, 2011, p. 3. Consulté le 31 août 2019 (v.f. inexistante). 108 Constats 18-32022, 18-32277 et 18-33015, Sûreté du Québec, 11 au 22 décembre 2018. 109 Voir le 25 avril 2019 dans Correspondance avec la Ville, op.cit. 110 « “Je m’en balance, des amendes!” – Le président de Transcontinental », www.facebook.com/antipublisac, 23 mai 2019. Consulté le 31 août 2019. 111 « Pertinence… », op. cit. 112 « Transcontinental inc. annonce ses résultats du premier trimestre de l’exercice financier 2021 (communiqué), TC Transcontinental, 25 février 2021. Consulté le 13 mai 2021 113 Relevé effectué sur la 8e, la 9e et la 10e Avenue entre le boulevard Rosemont et la rue Holt. Voir www.propre.org, onglet « Liste des infractions ».

22

Et comme la simple annonce de notre pétition semble avoir fait chuter la valeur des actions de TC114, ce type de pression devrait s’ajouter aux pénalités et permettre d’obtenir des résultats encore plus rapides.

Précisons-le à nouveau : nous avons beaucoup parlé de Publisac parce que c’est le seul distributeur de circulaires qui signe et date ses livraisons, mais une fois qu’on aura apprivoisé ce géant de la publicité à domicile, ses concurrents ne tarderont pas à suivre son exemple. D’ici là, que cela n’empêche pas les inspecteurs d’intervenir lorsqu’on leur signale une infraction commise par un autre contrevenant!

Pour régler les problèmes énumérés dans cette section, voici donc des recommandations qui permettraient aux autorités d’améliorer la qualité de leurs réponses lorsque des citoyens se plaignent de circulaires mal livrées :

3.1) Rappeler aux municipalités, aux services policiers et aux centres d’appels (311 et 911) que les livraisons indues constituent des infractions, et leur expliquer à qui les plaintes doivent être transmises.

3.2) Ne plus se contenter de traiter les plaintes en les transférant à autrui ou en envoyant un simple accusé de réception, et assurer un suivi dans un délai raisonnable pour expliquer les gestes concrets qui ont été posés.

3.3) Considérer que toute infraction est l’œuvre, non pas d’un camelot individuel, mais de l’entreprise qui l’a engagé, et tenir celle-ci responsable des fautes commises par ses employés dans l’exercice de leurs fonctions.

3.4) Ne pas s’attendre à ce que les entreprises contrevenantes gèrent leurs propres infractions, et informer les services d’inspection que, par conséquent, ils ne doivent pas faire suivre les plaintes reçues à ces entreprises.

3.5) Lorsqu’une plainte est déposée, vérifier si l’entreprise contrevenante a déjà eu droit à un avertissement par le passé (pour quelque adresse que ce soit), et si c’est le cas, établir un constat d’infraction sans plus tarder.

3.6) Lorsque les livraisons indues affectent plusieurs adresses, ne pas limiter l’inspection à la résidence de la personne qui s’est plainte, et faire plusieurs constats distincts dans l’ensemble du quartier touché.

3.7) Lorsque les infractions sont commises hors des heures normales de bureau, encourager les services d’inspection à adopter un horaire flexible pour prendre les entreprises contrevenantes en flagrant délit.

3.8) Au besoin, accroître les effectifs des services d’inspection pendant une période suffisante pour montrer aux entreprises contrevenantes que les infractions commises lors des livraisons ne seront plus tolérées.

3.9) Au besoin, hausser le montant des amendes pour couvrir les coûts afférents aux propositions 3.6 à 3.8, de façon à que le travail d’inspection s’autofinance plus rapidement qu’aux tarifs présentement en vigueur.

114 « Transcontinental Inc. », MSN Finances (Microsoft Actualités), 23 mai 2019. Consulté le 2 septembre 2019.

23

Réponses aux défenseurs des circulaires

Outre ce que nous avons déjà couvert dans les sections précédentes, voici quelques répliques supplémentaires à des arguments fréquemment soulevés à l’encontre des mesures que nous proposons. a) « Le publisac est un produit responsable115 »

Transcontinental tente souvent de verdir l’image de son produit-vedette en invoquant des faits sans rapport avec celui-ci. Ce peut être en annonçant que la présidente du conseil fait aussi partie du conseil de la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants116, ou encore en adhérant à l’Engagement mondial de la nouvelle économie des plastiques de la Fondation Ellen MacArthur (soulignons que, dans ce dernier cas, l’entreprise a attendu le lendemain du lancement de la pétition sur le contrôle des circulaires pour faire cette annonce117).

C’est bien joli, mais promettre une modeste amélioration d’ici 2025 à une fondation qui ne vérifiera pas nécessaire- ment si cet engagement est respecté, ça ne change rien aux problèmes d’aujourd’hui qui sont énumérés dans ce mé- moire. En plus de ce tout ce qui précède, c’est ici et maintenant que les circulaires sont répandues dans nos allées…

… C’est ici et maintenant qu’en apercevant toutes les circulaires empilées au pied d’une porte, les cambrioleurs peuvent déduire l’absence des occupants et considérer qu’ils ont champ libre pour piller les lieux…

115 Brousseau-Pouliot, Vincent, « Le publisac est un “produit responsable”, dit TC », La Presse, 30 novembre 2018. Consulté le 2 septembre 2019. 116 Vers une économie…, op. cit., p. 9. 117 « TC Transcontinental devient le premier manufacturier canadien à joindre l’Engagement mondial de la nouvelle économie des plastiques de la Fondation Ellen MacArthur » (communiqué), Transcontinental, 14 mars 2019. Consulté le 2 septembre 2019.

24

… C’est ici et maintenant que les faibles contrôles exercés par TC font qu’une bonne part de leur stock se perd dans la nature (n’oublions pas que c’est le tirage qui détermine les tarifs facturés aux annonceurs, et non la livraison réelle)…

… Et, comble de l’insulte, c’est ici et maintenant que les lanières enserrant les ballots de circulaires se retrouvent éparpillées par centaines sur la voie publique et les terrains privés, à l’encontre du règlement municipal118.

b) « Les circulaires imprimées sont encore une force119 »

Bien sûr, il faut prendre une telle affirmation avec un grain de sel, vu qu’elle provient d’un producteur de circulaires. Ce n’est un secret pour personne : le monde entier de l’impression est en crise120, et TC n’y échappe pas. Si l’entreprise était une telle force, elle ne laisserait pas entendre qu’un simple citoyen va lui faire fermer ses portes.

Même certains commerçants qui recourent encore aux sacs en déplorent l’impact écologique, mais se sentent à la remorque de ce qu’ils croient être l’opinion publique :

Malheureusement, le Publisac répond aux besoins de beaucoup de nos clients encore aujourd’hui. […] Si ça ne servait à rien et que 100 % de nos clients allaient voir nos produits [sur le web], on ferait autre chose121.

118 Par exemple, voir l’article 2 de l’annexe 2 (comme pour les circulaires, chaque arrondissement a sa propre réglementation en matière de propreté). 119 « Les circulaires imprimées sont encore une force », Transcontinental, 2018. Consulté le 31 août 2019. 120 « Mémoires déposés lors du mandat “Mandat d’initiative – Avenir des médias d’informationˮ », Assemblée nationale du Québec, 26-30 août 2019. Consulté le 31 août 2019. 121 Pierre-Alexandre Blouin, PDG de l’Association des détaillants en alimentation du Québec, cité par Brousseau-Pouliot, « Le publisac est un “produit responsable”, dit TC », op. cit. Soulignement ajouté.

25

Ce n’est pas là une « force », c’est de la stagnation, ou encore de l’inertie obstinée. On dit « J’ai à cœur l’aspect environnemental, mais...122 »… et de peur de perdre des clients aux mains d’un concurrent plus conservateur, on refuse le moindre changement tant que « 100 % » de la clientèle n’a pas déjà pris le virage. C’est navrant.

Des progrès sont malgré tout accomplis : un peu partout au Québec, des pharmacies123 deviennent de plus en plus écoresponsables ‒ en abandonnant les circulaires, entre autres mesures. Selon celles que nous avons contactées124, une telle décision permet de faire des économies considérables et les ventes croissent même par la suite. En effet, contrairement aux craintes citées plus haut, 25 % du public désire en fait encourager les commerces qui se montrent plus verts125. En uniformisant les règles partout au Québec, on égalise le terrain. c) « 87 % des gens qui reçoivent le publisac le consultent126 » / « 9 Québécois sur 10 consultent le publisac127 » Cette donnée semble être le Saint Graal aux yeux des gens de TC, tant ils citent le sondage dont elle est tirée – mais ils ne montrent jamais comment la question était formulée, et exigent qu’on les croie sur parole. Pourtant, le vice-président de la firme CROP, qui a réalisé le sondage en question, l’a ouvertement avoué lorsqu’il a participé à la consultation publique sur les circulaires que la Ville de Montréal a organisée à l’automne 2019 : seuls les gens «qui ont une utilisation du produit» ont été sondés – s'ils ne se servent pas des sacs, «on ne leur pose pas de questions», a-t-il ajouté128. Les « 9 Québécois sur 10 » qui consultent le publisac, selon la généralisa- tion outrancière de TC, sont donc en fait 9 usagers sur 10, ce qui est plutôt redondant !

De plus, « consulter » des circulaires ne devrait pas automatiquement être interprété comme une opposition à une distribution mieux ciblée. À preuve, trois médias montréalais ont fait leur propre sondage maison informel sur la popularité des sacs129, et à peine 5 % à 18 % des répondants en ont pris la défense. Mieux encore, en 2019, la Ville de Montréal a demandé à la firme Segma de mener un sondage professionnel130. Selon celui-ci, 82 % des citoyens et des commerces appuient nos propositions. Cette opinion est encore plus marquée chez « les répondants qui ont les plus faibles revenus (89,5 %) », même si c’est là le groupe qui a le plus besoin des circulaires, selon les alliés de TC131!

122 123 124 125 126 127 128 129 130 131

122 Andrew Mulé, vice-président de Métro Média, cité par Brousseau-Pouliot, « Le publisac est un “produit responsable”, dit TC », op. cit. Italiques ajoutés. 123 Voir par exemple « Une pharmacie sans publisacs », www.facebook.com/antipublisac, 9 juillet 2019.. Consulté le 31 août 2019. 124 Voir également « Pharmacie sans publisacs, prise 2 », www.facebook.com/antipublisac, 10 juillet 2019. Consulté le 31 août 2019. 125 Mailhot, Marc-André, Pharmacie écoresponsable, Maillon vert, 2013. Consulté le 31 août 2019. 126 François Olivier, cité par la Presse canadienne, « Publisacs : le patron de TC défend son produit », 98,5 FM, 12 décembre 2018. Consulté le 31 août 2019. 127 Votre circulaire de papier toujours aussi pertinente! (tract inséré dans les publisacs), TC Transcontinental, semaine du 1er février 2021. 128 Stéphane Gendron, vice-président de CROP, témoignage devant la Commission sur l’eau, l’environnement, le développement durable et les grands parcs, 7 novembre 2019. Consulté le 13 mai 2021. 129 « Le 15-18 », Radio-Canada, 5 novembre 2018; « Porte-monnaie », Journal de Montréal, 21 mars 2019; « Debout les comiques », CKOI 96,9 FM, 25 avril 2019. Sondages consultés le 15 septembre 2019. 130 Sondage d’opinion sur la distribution des circulaires sur le territoire de la Ville de Montréal, Segma, 5 août 2019, pp. 10 et 51. Consulté le 18 septembre 2019. 131 Wajsman, Beryl, « PubliSac: A Lifeline for So Many », The Suburban, 5 août 2020. Consulté le 13 mai 2021.

26

En fait, le nombre d’amateurs de circulaires n’est pas très pertinent, car on n’a ici ni un concours de popularité ni un référendum – le problème environnemental ne dis- paraîtra pas si le camp du « non » l’emporte! Publisac a beau recueillir les témoi- gnages de citoyens qui veulent « maintenir sa distribution », il est trompeur de leur avoir laissé croire que le seul autre choix était l’interdiction totale – voir l’invitation ci-contre. Le sondage Segma le démontre : les résultats sont très différents quand on sait qu’un pictogramme d’autorisation permettrait aux livraisons de continuer…

(Et même si encore plus de gens avaient pris la défense des circulaires, cela ne permettrait toujours pas aux partisans des sacs d’imposer cette décision au reste de la population. Et cela n’autoriserait certainement pas les distributeurs à enfreindre les règlements municipaux, ni à polluer l’entièreté de la province!)

Quoi qu’il en soit, la menace de fermer boutique est-elle crédible? Un tirage de 3,5 millions par semaine, ça dépasse celui de tous les hebdomadaires québécois réunis132. Or, en moyenne, chaque hebdo arrive à fonctionner avec 28 397 exemplaires133. Par conséquent, même si les contrôles réduisaient radicalement le tirage des circulaires, ce sera loin de condamner les sacs à disparaître. CQFD : la supposée nécessité de conserver le tirage actuel pour garder Publisac en vie – l’épouvantail sur lequel reposent tous les scénarios-catastrophe – est une pure invention! d) « Livrer le publisac uniquement à ceux qui le demandent serait “impossible à gérer”134 »

Quand on parle des contrôles, le « modèle d’affaires » de Transcontinental est présenté comme inchangeable. Pourtant, ce ne sera pas la première fois dans l’Histoire qu’une entreprise s’ajuste à une nouvelle réalité. Publisac a d’ailleurs montré sa propre capacité d’adaptation depuis longtemps en offrant une version en ligne de ses circulaires135.

La supposée impossibilité d’instaurer des livraisons limitées aux gens intéressés n’est jamais étayée par des faits. Et pour cause : nous l’avons vu en page 9, le nouveau système serait presque identique au modèle actuel. Si les chiffres de TC sont exacts, les camelots feraient le même trajet, mais au lieu d’éviter les 10 à 13 % de résidences où l’autocollant de refus est apposé, ils s’arrêteraient aux 87 à 90 % des foyers où un pictogramme d’autorisation est affiché par les amateurs de circulaires. Si ces derniers tiennent à ce que les livraisons continuent, eh bien, rien ne devrait changer.

C’est là que la confiance apparente de Transcontinental en ses fidèles semblent s’effriter. Affirmer que les contrôles sont « l’équivalent de demander la fin du publisac » (voir page 4), n’est-ce pas avouer que le 87 % est de la frime?

132 « Presse hebdomadaire » (tableau 1), Centre d’études sur les médias, 2019. Consulté le 3 septembre 2019. 133 « Presse hebdomadaire », op. cit. 134 Benoit Chartier, président d’Hebdos Québec, cité par Thibault, Michel, « Le publisac sur demande ferait mal aux journaux, dit Hebdos Québec », Le Courrier du Sud, 28 juin 2019. Consulté le 3 septembre 2019. 135 Publisac.ca, TC Media, 2019. Consulté le 3 septembre 2019.

27

Pour masquer cette incohérence, le camp pro-circulaire prétend qu’il est préférable de forcer 13 % de la population à afficher des autocollants de refus – « gérer l’exception136 » — au lieu de demander à 87 % des gens de recourir aux pictogrammes d’autorisation. Mais nous l’avons vu, TC gère extrêmement mal les refus exprimés (entre autres, parce que cela va à l’encontre de ses intérêts). Si l’entreprise croyait à la ferveur des amateurs de circulaires, elle pourrait très facilement pu leur distribuer lesdits pictogrammes d’autorisation dans les sacs mêmes, au lieu d’investir une somme faramineuse dans des campagnes de propagande opposées à tout changement.

Et quand l’argument « gérer l’exception » ne tient plus la route, on critique la réforme proposée en affirmant :

à cause de sa complexité et des coûts prohibitifs qu’il engendrerait [,] un système d’abonnement de plus de trois millions de portes au Québec ne permettrait pas le maintien du Publisac. Il n’y a d’ailleurs aucun endroit en Amérique du Nord où un modèle de distribution de circulaires et d’information locale gratuite fonctionne par abonnement137.

Alors, redisons-le encore : il n’est pas ici question d’abonnements, pas plus qu’un autocollant de refus n’est une interruption d’abonnement. Quand on trouve le système actuel praticable, on ne peut prétendre que l’autre ne l’est pas. e) « C’est une atteinte grave au droit du public à l’information et à la liberté de la presse138 »

D’abord, un rappel : dans les années 1970, La Presse du mercredi était énorme, car une dizaine de circulaires y étaient insérées. Un retour à cette façon de faire bénéficierait donc à toute publication qui a perdu les revenus liés à ce genre d’encarts lorsque Publisac a accaparé les circulaires en 1978.

136 Des solutions pour assurer l’avenir des médias fragilisés (mémoire), TC Transcontinental, 7 août 2019, p. 14. Consulté le 3 septembre 2019. 137 « Pétition à Montréal au sujet du publisac : réaction de TC Transcontinental » (communiqué), TC Transcontinental, 13 mars 2019. Consulté le 3 septembre 2019. Soulignement ajouté. 138 Benoit Chartier, cité dans « Hebdos Québec prend position », Nord-Info, 5 juillet 2019. Consulté le 3 septembre 2019.

28

Les hebdos l’admettent eux-mêmes :

Charles Montpetit : « Les compagnies, si elles n’avaient pas le publisac, annonceraient directement dans le journal. Est-ce que ça ne serait pas à votre avantage aussi? Benoit Chartier (président, Hebdos Québec) : Oui. Peut-être. Mais ça, il faudrait voir… Charles Montpetit : [Et] est-ce dans l’avantage des détaillants et des journaux locaux d’être associés à quelqu’un qui enfreint la loi? Il me semble que vous ne pouvez pas appuyer ça, n’est-ce pas? Benoit Chartier : Eh bien, assurément, ben, il y a… on ne peut pas appuyer quelqu’un qui enfreint la loi139.

Pourtant, les journaux voient encore TC comme une championne de la presse – même si cette entreprise s’est départie en 2017-2018 de 88 périodiques140, provoquant la fermeture de nombre d’entre eux et la mise à pied de bien des journalistes. On comprend donc mal pourquoi les hebdos volent aujourd’hui à sa rescousse, sous prétexte que les contrôles, ça « tue la seule plateforme qui leur donnait encore de l’argent141 ».

Corrigeons l’affirmation : Publisac ne donne pas d’argent, il en demande pour joindre ces reportages aux annonces (et il en tire un deuxième avantage, car les journaux légitiment les sacs qui, autrement, offriraient bien peu en matière d’actualité locale). C’est le monde à l’envers, mais bon, si les périodiques acceptent cela, libre à eux.

En réalité, pour un journal soucieux de maintenir ses dépenses au plus bas, l’argument-massue est tout autre :

Le Publisac se veut la solution de distribution la plus efficace et la moins dispendieuse : les alternatives de distribution, comme Postes Canada, coûteraient aux éditeurs jusqu’à trois fois plus cher, un coût qui ne pourrait pas être absorbé par la plupart de ces titres, selon notre expérience dans le domaine142.

Mais là encore, c’est trompeur, car un hebdo peut compenser les frais plus élevés des Postes en insérant des circulaires dans ses pages, comme La Presse le faisait jadis. Ainsi un journal comme Infos Laurentides est distribué pour moins de la moitié du tarif de Publisac, avec une visibilité accrue et en minimisant son empreinte environnementale143 :

COÛT DE LA DISTRIBUTION D’UN JOURNAL QUI TIRE À 49 000 EXEMPLAIRES

Publisac Postes Canada

51 g chacun 67 g chacun (inclut deux circulaires) avec d’autres publications, dans un sac en solo, sans sac de plastique

Tarif : 48,00 $ à 52,00 $ par 1 000 exemplaires Tarif : 128,47 $ par 1 000 exemplaires Supplément pour excès de poids : 533,12 $ Encartage : 1 617,00 $

Total : 8 445,15 $ MOINS : Revenu lié aux circulaires (75,00 $ / 1 000 ch.) : 7 350,00 $

Coût net : Coût net : 2 352,00 $ à 2 548,00 $ 1 095,15 $ (ou 22,35 $ par 1000 exemplaires)

Nous l’avons vu, il y a aussi d’autres solutions que les Postes. La Voix régionale recourt à des boîtes distributrices, le journal Métro de Saint-Laurent, à des points de dépôts, et le journaldesvoisins.com, à une diffusion en ligne combinée avec son propre système de livraisons mensuelles en porte-à-porte. Bref, il est faux d’affirmer que, de façon inévitable, une distribution de type opt-in « priverait ultimement les citoyens d’une information locale et régionale nécessaire à la démocratie et les annonceurs de leur clientèle de proximité144 ».

139 Émission Mise à jour, MaTV, Vidéotron, 30 janvier 2019, 24:06 à 27:09 (consulté le 7 septembre 2019). 140 « Presse hebdomadaire », op. cit.) 141 Marie-Ève Martel, auteure d'Extinction de voix, citée par Desfossés, op. cit. 142 Des solutions…, op. cit., p. 14. 143 Juteau, André (éditeur), communication personnelle, 26 juin 2019. 144 Benoit Chartier, cité dans « Hebdos Québec prend position », op. cit.

29 f) « Les entreprises […] assurent le financement des services de récupération, et non les municipalités145 »

C’est faux : toute ville défraie aussi le coût du recyclage146 (à Montréal, ce coût était de 31,7 millions de dollars en 2018, transport inclus147). Et la contribution de TC n’est pas volontaire – c’est la loi. D’ailleurs, l’entreprise lutte activement contre une telle obligation :

Recommandation de TC Media à la CCE : Exempter les éditeurs de journaux de payer la contribution en argent en vertu de la loi 88 qui les oblige à participer au financement des coûts nets des services de collecte sélective municipale148.

Et même si les entreprises assument une part des coûts de la collecte, c’est plutôt en vain si le plastique et le papier ne sont pas séparés et finissent par être enfouis. Par ailleurs, la contribution s’applique seulement à la portion du processus qui commence avec le bac vert. Cela n’élimine ni les sacs ni les autres rebuts qui se retrouvent éparpillés sur la voie publique (photo ci-dessus). Ce nettoyage-là, toutes les villes de la province le paient à 100 %. 145146147148 g) « Publisac procure 4500 emplois au Québec liés aux étapes de production, d’ensachage et de distribution149 »

C’est la plus grosse carte qu’un patron puisse jouer : chaque fois qu’un règlement lui coûte de l’argent, il menace de fermer boutique et attend que les politiciens reculent. La tactique est si éculée qu’elle n’a plus grand poids.

La seule surprise ici, c’est voir Transcontinental, dont le revenu annuel dépasse 2,6 milliards de dollars150, recourir à un tel chantage afin de contrer ce qui n’aurait pu être qu’un hoquet dans le cours de ses affaires : au lieu de se braquer, l’entreprise aurait pu admettre ses torts, payer les amendes et éliminer les problèmes de distribution. Mais non : tout de suite, elle menace de supprimer des jobs. Pour éviter des dépenses mineures.

Répétons derechef : le contrôle ne mettra fin ni aux circulaires, ni aux journaux, ni aux emplois. Si TC le fait, ce sera son choix – et comme sa cote est en déclin (voir page 23), cela se produira inévitablement, que le règlement soit amendé ou non. De plus, peu importe ce qu’on dit sur la dévotion des amateurs de circulaires, les emplois ne sont-ils pas « en péril » parce qu’on croit que peu de gens afficheront le pictogramme d’autorisation, même si on le leur remet littéralement entre les mains? Si c’est le cas, eh bien… à quoi bon garder les sacs sur le respirateur artificiel?

145 « Publisac : TC Transcontinental participera à la consultation publique de la Ville de Montréal » (communiqué), TC Transcontinental, 11 décembre 2018. Consulté le 3 septembre 2019. 146 « Régime de compensation pour les services municipaux fournis en vue d’assurer la récupération et la valorisation de matières résiduelles », Environnement et Lutte contre les changements climatiques, 2019. Consulté le 3 septembre 2019. 147 Consultation publique…, op. cit., p. 29. 148 Des solutions…, op. cit., p. 6. 149 « Pertinence… », op. cit. 150 Ibid.

30

Et parle-t-on d’un travail désirable? Sur les 4500 postes susmentionnés, moins de « 1000 emplois à temps plein sont liés à la production et à la distribution151 » (et ne disparaîtront pas si les publisacs continuent d’être publiés à tirage réduit). Le reste, c’est surtout l’ensachage et la livraison – des tâches si mal payées, compte tenu de l’effort exigé152, que même les gens démunis les abandonnent régulièrement, créant de constants changements de personnel.

153

Et avec l’avènement de nouvelles technologies, la menace de fermer une entreprise a de toute façon bien moins de poids que jadis, les emplois toxiques étant progressivement remplacés par du travail écoresponsable.

Mais en fin de compte, la question n’est pas là. Qu’on le veuille ou non, la crise écologique a d’ores et déjà changé la donne, et on ne peut plus se contenter de perpétuer les vieux modèles. Ce qu’il faut désormais se demander, c’est :

Doit-on laisser une entreprise détruire notre environnement, juste pour qu’elle préserve une poignée d’emplois? Doit-on prolonger la vie d’un produit néfaste, surtout si celui-ci interfère avec nos vies à nous? Si on n’agit pas dans un cas comme celui-ci, que faut-il pour qu’on se décide? Si on n’agit pas maintenant, quand le fera-t-on, au juste?

Espérons que les lecteurs du présent mémoire y trouveront les réponses qui s’imposent. Merci de votre attention.

151 « Bénéfices » (section « Emploi »), TC Transcontinental, 2019. Consulté le 3 septembre 2019. 152 Témoignage d’un aspirant-ensacheur sur www.facebook.com/antipublisac (25 juillet 2019) : « Je demande combien ça paye. La réponse : “3 $ le 1000.ˮ À l’époque, le salaire minimum était 6 $ de l’heure. Puisqu’il est le double aujourd’hui, alors doublons le salaire d’un remplisseur de sacs, de 3 $ à 6 $ le 1000 [pour se faire une idée de l’équivalent en 2019]. Les plus rapides font 1 sac aux 10 secondes. Donc 6 sacs la minute. 360 sacs de l’heure. À ce rythme, pour atteindre 1000 sacs, on mettra 2 heures et 28 minutes. 6 $ divisé par 2 heures et demie = 2,40 $ de l’heure. » Consulté le 15 septembre 2019. 153 Voir aussi « 6 jours à trier des cochonneries », Journal de Montréal, 21 septembre 2019. Consulté le jour même.

31

ANNEXE 1 - Correspondance avec TC Transcontinental

De : [email protected] [message reçu à la suite d’une plainte téléphonique émise le même jour] Reçu : 25 octobre 2017 13:55 Bonjour M. Montpetit, Nous avons bien pris en note le fait qu’il y a eu livraison à votre adresse, malgré votre autocollant. Ces informations seront transmises à notre département de la distribution afin que la situation soit corrigée […]. Morgane Sabary, Point de contact pour l’Estrie, Préposée service aux consommateurs - 1534540 - Montréal

Envoyé : 8 novembre 2017 12:07 Bonjour, Bien qu’il n’y ait pas eu (à ma connaissance) de livraison de sac la semaine dernière à la suite de ma plainte d’il y a deux semaines, je viens à l’instant (11h52) d’en voir un nouveau nous être livré, sans même que le livreur se soit suffisamment approché de notre boîte à lettres pour voir le pictogramme officiel interdisant de telles li- vraisons. Veuillez prendre les mesures qui s’imposent (sans pour autant me déranger autrement que par courriel). Charles Montpetit

De : [email protected] Reçu : 17 novembre 2017 16:50 Bonjour, Nous voudrions savoir si votre pictogramme a été respecté cette semaine. Merci de prendre le temps de nous informer à nouveau de cette situation. Le Superviseur responsable de votre secteur sera avisé de ce fait. […] 1539601

Envoyé : 29 décembre 2017 12:27 Bonjour, Ceci est ma troisième plainte en approximativement deux mois, concernant un sac nous a été livré malgré l’au- tocollant anti-sac de la Ville de Montréal sur notre boîte à lettres. (Je remarque d’ailleurs que, partout sur la rue, les sacs ont été ou bien lancés depuis le trottoir, ou bien laissés au pied des escaliers extérieurs qui mènent à l’é- tage, ce qui fait que, dans les deux cas, le livreur n’a pas vérifié s’il y avait des autocollants sur les boîtes à lettres.) Encore une fois, veuillez prendre les mesures qui s’imposent afin que le problème soit réglé pour de bon […]. Charles Montpetit

De : [email protected] Reçu : 6 janvier 2018 14:56 Bonjour, Est-ce que votre collant a été respecté cette semaine ? Merci Siko Ulrike, Préposée aux services consommateurs - Numéro de requête : 1559974

Envoyé : 13 janvier 2018 11:00 Bonjour, Pour la quatrième fois depuis ma plainte du 25 octobre (voir les courriels ci-dessous), un sac m’a été livré cette semaine malgré l’autocollant officiel apposé sur ma boîte à lettres. Vu que le problème n’est toujours pas résolu, j’ai profité de l’occasion pour faire un très bref survol de mon voisinage immédiat. En cinq minutes, j’ai repéré quatre autre infractions lors de la même livraison (photos ci-jointes). Étant à la retraite, j’ai beaucoup de temps disponible, et je commence à envisager la création d’un site web qui documente ces infractions et qui invite d’autres gens à en signaler. […] Charles Montpetit

De : [email protected] [cc : [email protected]] Reçu : 19 janvier 2018 15:04 Bonjour Monsieur Montpetit, Nous voudrions savoir si le pictogramme a été bien respecté cette semaine. […] Nathalie Lagarde, Préposée service aux consommateurs - Requête # 1 565 261

[Note : un nouveau sac a été indûment livré le 17 juillet 2018. J’ai alors conclu qu’il était inutile d’écrire à TC.]

32

ANNEXE 2 - Exemple de Règlement sur la propreté (RCA-65, Rosemont‒La Petite-Patrie) http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=3619,4034073&_dad=portal&_schema=PORTAL¶ms_recherche=http://ville.montreal.qc.ca/sel/sypre- consultation/recherchereglement?params=type_regl=999**critere=propret%E9**source=**type_recherche=0**total=0**crement=10**start_pos=1**acce s=0**langue=fr**instances=26**expression=propret%E9**etendue=titre**statut=1**no_reglement=RCA- 65**no_regl_cond=**applic_territ=26**bro_orderdate=2014-05-01**bro_endorderdate=2014-05-01**utilisateur=&has_been_there=1

[Note : Ceci est une adaptation presque identique de l’ancien Règlement sur la distribution d'articles publicitaires, adopté par la ville-centre le 4 octobre 1996. Chacun des arrondissements a adopté sa propre version lorsque la gestion des sujets qui suivent leur a été déléguée.]

VU l’article 59 de la Loi sur les compétences municipales (L.R.Q., chapitre C-47.1); VU l’article 136.1 de la Charte de la Ville de Montréal (L.R.Q., chapitre C-11.4); VU les articles 80 et 185.1 de l’annexe C de la Charte de la Ville de Montréal (L.R.Q., chapitre C-11.4);

À la séance du 6 avril 2010, le conseil de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie décrète :

[...] 2. Il est interdit de jeter, déposer ou enfouir une matière malpropre ou nuisible sur un terrain privé.

[...] 32. Le conseil peut, par ordonnance, assujettir la distribution d’articles publicitaires à l’obtention d’un permis. Le cas échéant, quiconque effectue la distribution d’articles publicitaires doit détenir le permis requis.

33. Sous réserve des articles 32 et 35, il est interdit de déposer ou de faire déposer un article publicitaire sur la propriété privée, sauf :

1º dans une boîte ou une fente à lettres; 2º dans un récipient prévu à cet effet; 3º sur un porte-journaux ou en le suspendant à celui-ci; 4º en le suspendant à la poignée d’une porte extérieure donnant accès à un seul logement, lorsqu’il n’y a sur cette propriété aucun des objets décrits aux paragraphes 1 à 3; 5º dans le vestibule d’un bâtiment, lorsque l’accès y est autorisé, sur une étagère ou dans un récipient prévu à cet effet, à condition de ne pas obstruer ni encombrer la voie d’issue.

Dans le cas où un article publicitaire est introduit dans une fente à lettres, le rabat de cette fente doit être complètement abaissé après le dépôt.

34. Quiconque effectue la distribution d’articles publicitaires doit emprunter les allées, trottoirs ou chemins menant aux bâtiments.

35. Il est interdit de déposer ou de faire déposer un article publicitaire sur une propriété privée si le propriétaire ou l’occupant indique, au moyen d’une affiche conforme à l’annexe A, qu’il refuse de le recevoir.

[...] 37. Quiconque contrevient au présent règlement ou à toute disposition d’une ordonnance adoptée conformément au présent règlement commet une infraction et est passible :

1º s’il s’agit d’une personne physique : a) pour une première infraction, d’une amende de 100 $ à 1 000 $; b) pour toute récidive, d’une amende de 300 $ à 2 000 $; 2º s’il s’agit d’une personne morale : a) pour une première infraction, d’une amende de 200 $ à 2 000 $; b) pour toute récidive, d’une amende de 600 $ à 4 000 $;

[...] ANNEXE A

L’autocollant indiquant le refus du propriétaire ou de l’occupant d’une propriété privée de recevoir des articles publicitaires doit mesurer au moins 3,5 cm sur 3,5 cm et au plus 6 cm sur 6 cm et être conforme à la figure [ci-contre].

33

ANNEXE 3 - Lettre à TC, du maire d’arrondissement François Croteau (Rosemont–Petite-Patrie, 10 mai 2018)

Monsieur Benoît Caron Vice-président aux opérations TC Transcontinental 8000, avenue Blaise-Pascal Montréal (Québec) H1E 2S7

Objet : Distribution non-conforme de circulaires par Publisac

Monsieur le Vice-président,

L’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie a reçu plusieurs plaintes concernant la distribution de circulaires par Publisac chez des citoyens ayant signifié, par un autocollant sur leur boîte aux lettres, qu’ils ne désiraient pas recevoir de circulaires.

Ce faisant, votre société et ses fournisseurs contreviennent à l’article 35 du règlement municipal sur la propreté (RCA-65) : « Il est interdit de déposer ou de faire déposer un article publicitaire sur une propriété privée si le propriétaire ou l’occupant indique, au moyen d’une affiche conforme, qu’il refuse de le recevoir.»

D’une part, nous savons que vous avez été mis au fait du problème, notamment lors d’une entrevue avec le journaliste Patrice Roy diffusée le lundi 30 avril au Téléjournal de 18 h à Radio-Canada.

D’autre part, sachez que précédemment, soit le 26 février dernier, notre inspecteur du domaine public avait constaté des infractions et que le 1er mars il avait contacté directement la société Publisac afin qu’elle se conforme au règlement. Le 25 avril, l’Arrondissement a également envoyé à Transcontinental un avis postal de non-conformité.

C’est pourquoi, par la présente, nous réitérons la demande afin que vous vous engagiez à faire respecter ce règlement par vos différents fournisseurs, et ce, dans les plus brefs délais. Un non-respect du règlement constitue une faute entraînant, pour une personne morale, des amendes de l’ordre de 200 $ à 2 000 $ pour une première infraction et de 600 $ à 4 000 $ pour toute récidive.

Nous comptons sur votre collaboration dans ce dossier.

Veuillez accepter, Monsieur le Vice-président, nos salutations les meilleures.

François William Croteau, MBA, Ph.D. Maire de Rosemont−La Petite-Patrie Membre du comité exécutif Responsable de la Ville intelligente, technologies de l’information, l’innovation et l’enseignement supérieur

34

ANNEXE 4 - Règlement no 2326 relatif à la distribution d’imprimés publicitaires (Ville de Mirabel)

[…] 1. La Ville met à la disposition des citoyens deux modèles Annexe « A » : de pictogramme, soit un pictogramme autorisant la distribution d’imprimés publicitaires et un, la refusant. Ces deux modèles sont illustrés à l’annexe « A ». Ces pictogrammes sont gratuits. 2. Le propriétaire ou l’occupant désirant ne pas recevoir les im- primés publicitaires distribués par Postes Canada doit apposer à l’intérieur de sa case postale ou encore sur sa boîte à lettres privée destinée à recevoir le courrier de Postes Canada le pictogramme refusant les imprimés publicitaires. 3. Le propriétaire ou l’occupant désirant recevoir les imprimés publicitaires distribués par une autre source que Postes Canada doit apposer sur sa porte d’entrée ou encore sur sa boîte aux lettres privés ou à tout autre endroit visible de l’extérieur le pictogramme autorisant les imprimés publicitaires. 3.1 Il est interdit de distribuer ou faire distribuer des imprimés publicitaires sur toute propriété privé, place d’affaires et autre établissement n’affichant pas un pictogramme autorisant la distribution de tels imprimés. 3.2 Il est interdit de déposer un imprimé publicitaire sur le domaine public. 3.3 Les imprimés publicitaires distribués dans les résidences privées doivent être déposés : a) dans une boîte ou une fente à lettres; ou b) dans un réceptacle prévu à cet effet; ou c) sur un porte-journaux; ou d) sur une poignée de porte. Dans le cas où un imprimé publicitaire est introduit dans une fente à lettres, le rabat de cette fente doit être complètement abaissé après le dépôt. En l’absence d’une boîte ou fente à lettres, d’un réceptacle, d’un porte- journaux ou d’une poignée de porte, les imprimés publicitaires distribués dans les résidences privées peuvent être déposés sur la galerie ou le perron au pied de la porte. 3.4 La distribution d’imprimés publicitaires doit se faire le jour entre 6 h et 21 h. Il est interdit de distribuer des imprimés publicitaires le soir et la nuit, entre 21 h et 6 h. 3.5 Le distributeur doit pouvoir fournir en tout temps, sur demande de la Ville, le nom de l’entreprise, le nom des préposés et leurs routes de distribution. 3.6 Dans le cas où plus d’un imprimé publicitaire est distribué en même temps, le distributeur doit distribuer les imprimés concernés dans un sac de plastique qui les contient entièrement ou les insérer à l’intérieur d’un journal ou enrouler autour de celui-ci. 3.7 Quiconque effectue la distribution d’imprimés publicitaires doit emprunter les allées, trottoirs ou chemins menant aux bâtiments. Il est interdit aux personnes qui effectuent la distribution de passer sur les gazons ou à travers les haies, plates-bandes ou jardins. Il est également interdit de lancer les imprimés publicitaires sur la propriété privée ou publique. 4. Tout fonctionnaire ou employé de la Ville est responsable de l’application du présent règlement. Tout fonctionnaire ou employé de la Ville peut émettre un constat d’infraction et intenter toute poursuite pénale au nom de la Ville et ce, pour toute infraction au présent règlement. 4.1 Quiconque contrevient à l’une ou l’autre des dispositions du présent règlement commet une infraction et est passible d’une amende d’un montant minimum de 300,00 $ et d’un montant maximum de 1 000,00 $ si le contrevenant est une personne physique et d’un montant maximum de 2 000,00 $ si le contrevenant est une personne morale. Si l’infraction est continue elle constitue pour chaque jour une infraction séparée et une amende peut être imposée pour chaque jour que dure l’infraction. 4.2 Le présent règlement entre en vigueur le 1er octobre 2019.

35

ANNEXE 5 - Lettres d’appui

36

37

38

39

40

41

42

43

44

45

46

47

48

ANNEXE 5 : 30 000 infractions relevées de janvier 2018 à mai 2021

On trouvera un PDF de la liste complète des infractions relevées sous l’onglet « Documents » de www.propre.org. Les photos de toutes ces infractions, elles, sont entreposées sur les trois sites suivants :

Pour les années 2018 et 2019 : https://app.box.com/s/yt2rd11nj9c1j40b7bwp6zst6wj6op1k Pour l’année 2020 : https://1drv.ms/u/s!ApcnsSgP2D1G6CZ5P9DKuFNZjr49?e=xbq2Bc Pour l’année 2021 : https://mega.nz/folder/RWRTAKKR#UDyKXVBggVgKgZIVKuDEgA

(± 90 pages*) (± 11,9 Go*)

* Chiffres approximatifs car sujets à de fréquentes mises à jour.

49

Note sur les illustrations

Chaque gazouillis qui illustre ce mémoire a une fonction essentiellement esthétique, et ne doit pas être considéré comme une reproduction exacte de la version que nous avons mise en ligne (certains ont été adaptés, entre autres pour des raisons d’actualité). Les versions originales peuvent être consultées sur Twitter.com.

La très grande majorité des photos, des montages et des dessins sont l’œuvre de l’auteur. Les autres illustrations sont soit des citations, soit des images utilisées avec l’autorisation de leur créateur.

Page 6 : Stéphan L. Page 12 (3) : Claude Truong-Ngoc (Wikimedia Commons). Page 15 (1) : Valéry R. Page 16 (3) : Kim B. Page 17 : Marcel G. Page 18 (6-13) : Marcel G., Mathieu F., Carl L., Jonathan L., Stefani I., Fanny R., Sandra J., Antoine R.D. Page 19 : Le Téléjournal 18h. Page 20 (2) : Natalia Merzlyakova, 123RF.com (+ retouche). Page 22 (1-3) : Bruno L., France G., Stéphan L. Page 24 (1-2) : Pier C., Mathieu D. Page 25 (1, 3) : André-Philippe C., Véro G. Page 30 (1) : Guillaume L. Page 31 (1) : Anonyme (repris par Radio-Canada). Page 31 (2) : Clic-action.com, Reebee.com, Flipp.com, Circulaires.ca, Circulaire-en-ligne.ca. Page 108 : Bureau d’information et de presse, Gouvernement indien (Wikimedia Commons + retouche).

Remerciements

Le présent mémoire n’est pas un projet solo, mais plutôt la somme des contributions d’un très grand nombre de sympathisants – à commencer par les 16 600 montréalais qui ont cosigné la demande ayant mené à la consultation publique sur le contrôle des circulaires à Montréal, ainsi que les 8251 citoyens qui ont appuyé la pétition provinciale sur le site de l’Assemblée nationale… et tous les gens qui ont participé au mouvement de quelque autre façon. Quand je dis « nous » dans ces pages, ce n’est pas un « nous » royal; je parle en leur nom collectif, et je leur suis extrêmement reconnaissant.

Je souligne cependant le travail acharné d’une personne bien précise, qui a fait plus d’efforts que tous les autres participants réunis, et qui a toléré mes excentricités et mes sautes d’humeur avec une patience exemplaire, du début à la fin : ma femme, Lise. Merci chérie. xx