Couverture : peinture de J.-C. Delautre d'. CAUCHY-À-LA-TOUR Des origines à 1945

CAUCHY-A-LA- TOUR Des origines à 1945

A Hervé, à Guillaume.

Préface C'est non sans une certaine fierté que je viens aujourd'hui introduire la préface du manuscrit écrit par M. Berrier sur l'histoire de notre commune Cauchy-à-la-Tour. Il existait déjà une édition très sommaire de M. Ratel, retraçant la vie de notre cité. Mais aujourd'hui avec cet ouvrage, vous aurez mes chers citoyens une idée beaucoup plus précise de Cauchy-à-la-Tour depuis ses origines à maintenant. Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à l'élaboration de ce livre, qui ont donné beaucoup de leur temps pour notre commune, commune de 3 000 habitants mais si riche en événements, vous vous en rendrez compte, à travers votre lecture, ne tombe pas un jour dans l'oubli. J'espère que toutes les générations: les anciens qui y puiseront certains souvenirs, les jeunes pour qui il constituera un ouvrage historique, y retrouveront la même émo- tion que j'ai ressentie en parcourant ce man'J"-':"]t. Eugène Fontaine, maire de Cauchy-à-la-Tour.

Préface Cauchy-à-la- Tour. 3 000 habitants. Arrondissement de Béthune. Patrie du maréchal Pétain voici une citation du dictionnaire Larousse. Cauchy appa- raît donc de façon répétée, de façon internationale grâce à un de ses enfants (outre l'abbé Cossart et André Delelis), incontesté jusqu'en 1940, mais condamné justement par la suite... Personnage sur qui on écrit chaque année encore beaucoup. Mais enfin cet ouvrage sans l'ignorer n'est pas une rétros- pective vichyste. Loin de là. Bien écrit, bien fait, il présente avec ses belles et riches illustrations, cartes postales, croquis, un remarquable panorama de ce vieux bourg, village, paroisse fidèle aux pourchiaux d'el Cauchie. Cette rétrospective picturale est sensationnelle quand on voit ces vieux mineurs d'un métier disparu récemment, et surtout cet ancien château qui occupait plus de la moitié du centre du village actuel. Animé donc, pointilleux, impartial, cet ouvrage plaira aux anciens, aux nouveaux Cauchois, aux habitants de la région d'Auchel, de l'arrondisse- ment, et du département. Il est donc un instrument de vulgarisation, un outil pédagogique pour nos écoles, un "pavé d'érudition". Car rien n'est ignoré: l'archéologie et ses découvertes inconnues du public dans les deux briquete- ries, les malheurs de 1709-1710, l'agriculture, les métiers, l'état-civil, le châ- teau, l'église, rues et lieux-dits, les vieilles familles, la Chaussée-Brunehaut et ses légendes, les seigneurs et les seigneuries, le terroir, la Révolution, les guerres et leurs tragédies, les occupations, les jeux, les sports, le syndicalis- me, les maires, la population. Enfin tout sur Cauchy, des assertions balayées, un ouvrage sérieux qui ne peut que plaire et qui plaira à tous. Un beau cadeau à Cauchy-à-la-Tour, à l'Artois et au Pas-de-, de belles pages d'érudi- tion et de vulgarisation. Jean-Pierre Roger, membre titulaire de la Commission d'histoire et d'archéologie du Pas-de-Calais.

Introduction À l'heure où je dépose le manuscrit de l'histoire de Cauchy-à-la-Tour, je comprends la nostalgie ressentie par ceux qui quittent des lieux et des êtres chers en sachant qu'ils ne retourneront pas sur leurs pas. L'homo érectus, vers 100 000 ans avant notre ère, le légionnaire romain traversant aux aubes de l'histoire notre pays morin, le serf moyenâgeux, les nobles familles, les "citoyens" de la Révolution, les Cossart, Dewimille, Flour, Pétain ont tous été mes compagnons de route. J'ai regardé comme eux notre paysage ondu- lant vers les collines de Pernes ou d'Epiquenehem, j'ai retrouvé l'horizon aux temps où il n'était pas barré par ces stériles montagnes noires extraites des entrailles de la terre. Je suis descendu comme eux dans ces carrières sou- terraines de la fin du siècle dernier, et j'ai tenté de dresser le tableau le plus fidèle du travail de la mine. J'ai refait à l'envers la vie de nos ancêtres ter- riens, rythmée par les saisons, et celle de nos grands-parents avec le cycle du travail houiller lorsque le jour se confond avec la nuit et où la subsistance journalière devient un cauchemar. J'ai voulu faire revivre l'aubergiste du Moyen Âge, le notable révolutionnaire et l'obscur galibot: ils ont tous contri- bué au devenir de notre village. Mais quel paradoxe que Cauchy-à-la-Tour ! A cheval entre deux grandes régions politiques, dites gauloises d'un côté, aux confins du Ternois et de la plaine de Flandre de l'autre où géographie et géologie s'opposent, notre village a toujours su tirer parti de ses ambiguïtés. L'exploitation charbonnière a défiguré des communes voisines. Auchel, Marles, Calonne, ces villages, devenus trop vite des villes, souffrent aujourd'hui de leur ancienne prospérité. Cauchy par contre a su sauvegarder un "cœur vert", le bétail s'ébat encore librement au centre du village, où des îlots de verdure entourent les deux cités ouvrières. Les "petite et grande" cités ont été réunies au vieux village par la construction d'une école commu- ne et le prolongement de voies anciennes. Cauchy a eu le privilège d'élire une des premières municipalités de gauche en , et pourtant c'est en son sein que naquit un des héros de la Grande Guerre "honni" après la secon- de guerre mondiale, et dont le souvenir même est lourd à évoquer. Au fil des pages, le lecteur retrouvera des noms connus, des personnes aujourd'hui oubliées au destin remarquable, mais aussi des gens ordinaires dont l'Histoi- re a gardé le souvenir de leur passage à Cauchy. J'ai donc voulu faire une "histoire vraie" où de petites anecdotes côtoient de riches faits divers, où le quotidien l'emporte sur le fait historique unique. Je me suis attaché à recréer aussi fidèlement que me le permettait le témoignage documentaire, les condi- tions de vie matérielles, morales et sociales d'une population villageoise devenue industrieuse. Cauchy n'a pas échappé en effet à la mutation écono- mique du siècle dernier, la mine a fait vivre ici plusieurs générations de tra- vailleurs. C'est malheureusement aussi dans notre village que les premières décisions de récession minière ont été prises. La lutte farouche des mineurs, enterrés volontaires durant de longues semaines, n'a pu faire fléchir les plans gouvernementaux. Le processus était engagé, mais la France entière s'est étonnée et a regardé et soutenu, émue, des hommes défendre leur "puits", leur avenir et celui de leurs enfants. Cauchy a engendré des hommes à l'éner- gie tenace: il est rare de consacrer dans une monographie sur une commune d'à peine 3 000 habitants, un chapitre entier sur des personnes illustres, au destin national. La stabilité politique du village et sa saine gestion économique font l'admi- ration du département. Il ne s'agit pas là d'un hasard, mais du résultat d'un héritage de plusieurs décennies lorsque quelques ouvriers mineurs ont décidé de prendre en main la gestion des affaires publiques et le devenir de la col- lectivité. Les élus suivants n'ont jamais failli à la règle établie par les anciens. Cauchy-à-la-Tour, où, nous l'avons démontré, il n'y eut jamais de "tour", village artésien où il fait bon vivre, a aujourd'hui son "Histoire". Je souhaite qu'au fil de ces pages, des souvenirs se réveillent et que les jeunes généra- tions puissent se reporter à cette mémoire collective en retrouvant les joies, les peines et les sacrifices de nos anciens. Ces lignes ne m'appartiennent plus: j'ai eu pour ma part l'immense plaisir de traverser les siècles en com- pagnie de Cauchois que j'ai fait revivre. Certains m'ont ému et peiné, d'autres m'ont fait rire et sourire, quelques uns m'ont indigné. J'espère fina- lement avec eux, que ce livre aura le succès escompté, afin que les actions de solidarité décidées par notre association historique et archéologique puissent se concrétiser. Remerciements Merci à Jean-Pierre Roger, A collaboré à cet ouvrage, mon ami Jean-Pierre Roger, membre titulaire de la Commission d'histoire et d'archéologie du Pas-de-Calais. Les cha- pitres sur la Révolution française, la noblesse de Cauchy en particulier ont été élaborés à partir de ses recherches personnelles et de ses notes qu'il a mises spontanément à ma disposition. De même, par les innom- brables détails ajoutés au manuscrit qu'il a relu et corrigé, Jean-Pierre a une nouvelle fois fait partager son érudition sans faille et, en toute modes- tie. Mon propos y a gagné en qualité et en crédibilité. Qu'il trouve ici le témoignage de ma reconnaissance et des mes remerciements. Qu'ils soient remerciés également, - M. Jean Ratel, historien local pour son Histoire de Cauchy-à-la-Tour. Les grandes lignes avaient été tracées, je n'ai fait que découvrir les che- mins de traverse ; - Daniel Mahieux de Bruay-la-Buissière, et Alain Ducrocq d'Auchel : ils ont mis à ma disposition, avec une infinie patience leurs talents de dessi- nateur et de photographe pour rendre accessibles des documents très anciens ; - M. Masclet, Directeur de la Soginorpa de Bruay-La Buissière et son personnel pour l'accueil et leur sollicitude à mon égard, mes demandes ont souvent nécessité de longues recherches dans les archives de ce servi- ce ; - Le personnel de la mairie de Cauchy-à-la-Tour, habitué durant de longs mois à ma présence dans leurs locaux où j'ai toujours été accueilli avec sourire et encouragement ; - Marie-Hélène, du Relais-Emmaüs de Bruay-la-Buissière et son ordina- teur que nous avons mis à rude épreuve ; - Les familles Lecocq, Quiénot et Foucault pour l'intérêt qu'ils ont porté à mes recherches ; - Bertrand Cocq et Guy Dubois pour leurs documents iconographiques ; - M. Fontaine, maire de Cauchy et M. Delelis, sénateur-maire de Lens, pour leur témoignage et leur attention ; - Henri Carton, mémoire vivante de Cauchy, qui m'a ouvert ses archives personnelles où j'ai découvert des documents inédits, que seul pouvait conserver un amoureux fidèle et inconditionnel de son village ; - Philippe Vincent, président de notre association et ami de longue date qui s'est chargé de la partie la plus ingrate du travail : la mise en œuvre de l'impression ; - Mme Yolande Ducrocq née Calin pour les nombreux contacts qu'elle nous a fournis dans son village natal ; - La Voix du Nord pour sa collaboration ; - M. Paul Van Wymeersch de La Buissière, pour ses dessins ; - Mon épouse et mes enfants pour leur infinie patience et leurs encoura- gements. CHAPITRE I

La formation du sol

Au temps où Cauchy n'existait pas Avant de pénétrer dans l'histoire de notre village, il convient d'en préciser le cadre naturel et les conditions de formation de son sol. Le sujet est d'importance si l'on veut comprendre ultérieurement toutes les subtilités du travail humain et des ressources naturelles, dans leur contexte originel. Tout promeneur aura remarqué que notre village est situé en hauteur: de Cam- blain-Châtelain, de Pernes, de , de , l'accès à Cauchy-à-la-Tour se fait en empruntant un anticlinal, ou plus simplement une "côte". En effet notre village est bâti sur le plateau artésien, et toute son histoire géologique suit la formation de l'Artois.

Représentation simplifiée du sous-sol de Cauchy. (Ph. Berrier). Il ne subsiste aucun témoignage des premiers temps géologiques à Cauchy. Tout au plus, près de nous à Pernes, les grès et les schistes bigarrés, rouges, blancs et verts, nous rappellent que toute notre région était envahie à l'ère primaire par une eau chaude et soumise à un climat tropical. Certains fossiles découverts dans la carrière de cette localité (algues et poissons cuirassés) datent du Dévonien inférieur, soit 400 MA (millions d'années). Cette invasion de la mer sur la terre se confirme à l'ère secondaire, mais par un puissant mouvement de terrain répété, elle est chassée à intervalles réguliers. La région se retrouve dans une immense zone de lagunes et sur ses bords des masses considérables de végétaux se déposent et se décomposent: elles formeront les gisements houillers. (300 MA). Ces végétaux croissent dans un climat très chaud et sont démesurés. Ceux-ci sont à leur tour recouverts par de nouveaux sédiments apportés par l'eau et par de puissants torrents côtiers qui véhiculent des sables, graviers et argiles continentaux. Fortement compressés, ces sols formeront des schistes et des grès; le nouveau socle émerge, et supporte bientôt une nouvelle végétation. Le cycle se perpétue, et les couches successives formeront les futures veines de charbon exploitées et intercalées entre les "morts-terrains". Les couches houillères pourront atteindre à certains endroits 2 000 m. A Cauchy elles seront rencontrées à 137 m de profondeur. Mais des déformations successives provoquées par des failles (de Pernes, de ) et des plissements et même des chevauchements vont perturber ces couches de houille; ces bouleversements seront encore amplifiés par l'élévation soudaine des montagnes hercyniennes : la faille 'la plus importante est celle du "midi", elle dessine déjà ce qui sera ultérieurement le haut et le bas pays d'Artois. Ces phénomènes géologiques ont rendu l'exploitation du charbon difficile et onéreuse dans les mines de l'ouest du bassin houiller et en particulier à Cauchy, Ferfay, Ligny... La région au secondaire est émergée, et érosion aidant, le terrain s'est considérablement aplani. Aucun vestige de cette époque (Trias), qui a quand même duré 85 MA n'est perceptible dans notre contrée. S'ensuit une nouvelle incursion marine, qui ne nous atteindra cependant pas : le Jurassique qui n'a laissé aucun vestige chez nous. Le Crétacé, par contre, qui a duré 50 MA est largement représenté dans notre sous-sol. Il repose donc directement sur les terrains houillers, et les formations successives se déposent: des sables, des argiles, des terrains marneux et enfin uniquement la craie. Le climat est très chaud, la mer est limpide, la faune et la flore aquatiques sont abondantes. La mer se retire lentement vers le nord : elle laisse une épaisseur de craie de quelques centaines de mètres (il faut à peu près 1 000 ans pour former 1,7 cm de craie!). Au Tertiaire, le socle de notre région est de nouveau bouleversé et bascule; le nord s'affaisse et le nouveau rivage épouse une ligne formée par les villes actuelles Calais, Béthune, . Des sables sont déposés; ils forment les carrières locales de , , , mais n'apparaissent pas à Cauchy sinon qu'épisodiquement, et par lambeaux. Jusque vers 2 MA, l'érosion, due à un brutal refroidissement du climat, accentuera les (légers) reliefs pour dessiner finalement le paysage que nous connaissons aujourd'hui. A l'ère quaternaire (dans laquelle nous évoluons), il n'y a pas de bouleversements physiques, mais une succession de changements climatiques, alternant les périodes froides avec les périodes de réchauffement (4 glaciations et 3 périodes chaudes). Du même coup, les faunes et flores se suivent, mais ne se ressemblent pas: le climat a été suffisamment chaud pour que des éléphants ou des hippopotames déambulent dans notre région, alors que quelques milliers d'années plus tard, des vents sibériens rencontrent des mammouths. Ce sont justement ces vents violents durant les périodes froides qui feront la richesse agricole actuelle de notre plateau. En effet, ils véhiculent de minuscules poussières, les lœss, qui se déposent et forment la couche apparente du sol. A Cauchy, ils atteignent plusieurs mètres d'épaisseur.

Pour une excursion géologique Après avoir passé en revue très schématiquement la formation des terrains composant notre sous-sol, dont certains auront une importance économique indéniable, essayons d'en retrouver les éléments constitutifs et d'en prélever quelques échantillons; nous allons pouvoir dresser un atlas de géologie locale, en identifiant les roches, cristaux et fossiles pouvant être ramassés à Cauchy.' Dans les" annales XLII de juillet 1913 de la Société géologique du Nord, voici comment l'éminent professeur Gosselet présentait Cauchy: Contre la chaussée romaine au NO du village, il y a une carrière souterraine et un four à chaux, le puits a 40 mètres. On exploite à 10 mètres la craie à gros silex et à nombreux micraster cor testu, inocérames. On fait de la chaux grasse. Sur la chaussée au SE du village, on ne voit que du limon sans silex. Dans le village, il y a beaucoup de gros grès landéniens. La marne sur la chaussée est à l'altitude 110 RN. C'est presque le point le plus élevé du territoire. Les puits ont environ 50 m. Sur la route près de Saint- Nicolas la compagnie des mines a creusé un puits pour l'alimentation de ses corons; il est à l'altitude de 111 m et des galeries sont établies à 70 m de profondeur, soit à l'altitude 41. Affinons un peu plus dans le détail ce travail, et commençons notre excursion par l'examen de l'unique terril implanté dans la commune. Nous pouvons y découvrir: Des schistes Il s'agit d'argiles transformées par métamorphisme (fortes pressions). Leur clivage en feuilles minces est caractéristique; ils renferment de merveilleux fossiles de la flore primaire. Les schistes peuvent aussi contenir des cristaux de pyrite: ces derniers s'échauffent par oxydation et entament un processus de combustion lente des matières charbonneuses les accompagnant. Ils M ariopteris sauveri (Carbonifère Supérieur : Westphalien). (Coll. Ph. Berrier. Cliché A. Ducrocq).

Sigillaria scutellata du Carbonifère Supérieur. (Westphalien). Empreinte de la surface d'un tronc avec les cicatrices foliaires disposées en rangées verticales. (Coll. Ph. Berrier. Cliché A. Ducrocq).

Sphenopteris striata (Carbonifère Supérieur, Westphalien). (Coll. Ph. Berrier. Cliché A. Ducrocq). forment alors des terres rouges, qui calibrées et exploitées, offrent depuis trottoirs...quelques années des carrières à ciel ouvert pour la création de routes, Le charbon Cette roche est trop connue chez nous pour nécessiter une description complète. Rappelons simplement qu'il en existe plusieurs types: le fusain ressemble au charbon de bois, le vitrain est brillant, le durain, mat et le clarain semi-brillant. Il se compose exclusivement de débris végétaux. Quelques "gaillettes" rejetées par mégarde à l'époque où les femmes employées à la mine triaient le charbon à la main, peuvent encore être trouvées à Cauchy. Les constituants du charbon déterminent aussi son type ; en fonction de sa en matières volatiles et de son indice de gonflement courtelorsqu'il flamme est chauffé: et flambants anthracites, secs. maigres, quart-gras, demi-gras, gras à La craie Elle a été exploitée comme pierre à bâtir dans des carrières souterraines à la sortie de Cauchy. Elle renferme également des fossiles caractéristiques, et se présente sous plusieurs aspects. La partie inférieure (Coniacien) renferme des silex disséminés ou disposés en lits. C'est dans cette craie que l'on récolte les micrasters décipiens (oursins fossiles), des empreintes de coquilles (inocérames involutus, latus ou insulensis) ou d'autres témoins de taille réduite (les térébratules). Les bancs inférieurs de cette craie, plus gris, plus résistants ont été exploités comme pierre à bâtir, nombre de maisons cauchoises ont été élevées avec ce matériau. La présence de cette craie souterraine est perceptible en surface. Très sensible à l'acidité des eaux d'infiltration, elle peut se dissoudre assez rapidement. Des excavations sont ainsi visibles, et ne correspondent pas toujours à l'effondrement des galeries utilisées pour l'exploitation ancienne. Nous verrons en effet dans le chapitre consacré aux carriers, que ces derniers avaient une méthode sûre pour éviter de tels accidents. Ce phénomène d'infiltration rapide crée les "vallées sèches", à Cauchy le ruisseau de Rimbert qui ne véhicule les eaux, qu'en cas de pluie très abondante. Cette craie a donc donné aux anciens Cauchois, carriers et mineurs avant l'heure, un travail et une source de revenus, dans une activité hivernale, lorsque les champs ne pouvaient subvenir totalement à l'emploi. Les silex Il s'agit de silice naturelle se présentant sous forme de rognons isolés aux formes insolites ou en lits continus dans la craie. Ils se sont formés après le dépôt des sédiments, par concentration de matière silicieuse contenue dans le test (ou corps) des micro-organismes. Certains fossiles d'oursins ou d'épongés peuvent (rarement) être mis au jour, dans cette roche crétacée. Micraster coranguinum du crétacé supérieur (Santonien de Cauchy). Longueur de 5,5 à Berner.6 cm. Sur Cliché la face A. Ducrocq). supérieure, se sont fixées des annélides du genre "Spirorhis". (Coll. Ph.

Les argiles Communes à Cauchy, elles sont en fait des loess d'époque Pléistocène -(etage géologique de l'ère quaternaire)... Ce limon argilo-sableux est une roche meuble à grain très fin. Elle est composée principalement de sable (10 à 15 %), de particules provenant de la destruction d'autres roches (de 60 à 80 %) et d'argile (10 à 30 %). Les proportions les composant, pouvant différer selon leur localisation, et leur donner ainsi des propriétés particulières dans leur utilisation. Véhiculés par des vents violents lors de l'ère quaternaire, ces loess sont dénommés "limons de plateau". Ils fournissent à Cauchy la matière première pour nos briquetiers, lorsqu'ils sont lessivés par les eaux de pluie jusqu'à perdre toute trace de calcaire: c'est la "terre à brique", brune et pure. L'ergeron, à sa base, est plus clair, renferme plus de sable et même des granules de craie. Lorsque "la craie à silex" a été complètement dissoute, l'argile brune renferme alors des silex entiers,est de faible épaisseur, et recouvre directement la craie plus ferme.

Les grès landéniens Le grès landénien est une roche fréquente sur les collines d'Artois: il est formé d'un mélange de quartz, feldspath et autres minéraux plus complexes comme la tourmaline et les grenats, d'argiles et micas, le tout cimenté par des effets géologiques divers dûs à la circulation de l'eau. Il forme alors une roche dure appelée "grès". Le grès landénien a été utilisé par nos ancêtres en Artois pour bâtir les monuments funéraires (dolmen de Fresnicourt), les soubassements des églises et des maisons anciennes. Taillé, on le rencontre dans les cours de ferme sous forme d'abreuvoir, ou dans les églises comme bénitier. Le grès landenien a été utilisé pour les soubassements d'habitations, le pavement des routes, mais aussi pour des abreuvoirs, et même des bénitiers ! Celui représenté ici serait celui de l'antique chapelle de Cauchy. (Coll. Henri Carton. Photo Ph. Vincent). Les cristaux Rares à Cauchy, on peut avec beaucoup de patience découvrir sur certains schistes des cristaux de pyrite, de forme cubique. La marcassite est plus fréquente : elle se forme dans la craie, elle est de couleur brune. Sa formule chimique est identique à la pyrite (FeS2), mais elle se cristallise dans un système différent. Elle se présente en effet sous forme de nodules à structure interne radiée. Ne cassez surtout pas vos échantillons de marcassite! Ils s'oxydent alors très vite et ils s'effritent lamentablement en libérant de l'acide sulfurique. Plus rares sont les quartz qui peuvent être rencontrés dans certaines formations gréseuses houillères. La forme la plus souvent observée est un prisme hexagonale terminé à ses deux extrémités par une pyramide à 6 pans.

Marcassite, sulfure de formule chimique (Co, Ni) Asj. Ces minéraux se rencontrent dans les couches immédiatement supérieures à la craie. (Coll. Ph. Berrier. Cliché A. Ducrocq). Notre milieu naturel L'observation de notre sol et sous-sol, de'ses composants étant parvenue à son terme, définissons notre milieu naturel : notre climat et le réseau aquifère. Les nappes aquifères À Cauchy-à-la-Tour, elles sont de deux types et de qualité opposée et très différente. L'eau qui stagne à la base des limons, au-dessus des terrains imperméables, est de très mauvaise qualité. De faible débit, elle a longtemps été puisée dans le village, où parfois elle stagnait sous forme de mares: le cadastre de 1831 en dénombre trois. Elles se situaient près de l'église, près du carrefour de la rue d'Auchel et de la Chaussée-Brunehaut, et place de la mairie. Elles étaient utilisées comme abreuvoirs pour les bestiaux. Cette mauvaise qualité des eaux a été reconnue formellement dans les années 1920, où un cas de typhus a même été signalé dans la commune. Cette insalubrité a nécessité un creusement d'un puits profond et l'adduction d'une eau potable dans le village entier. Cette eau remontée, canalisée, a desservi les fermes et les maisons du village par l'intermédiaire de bornes-fontaines initialement. Elle a été puisée dans la nappe de la craie, là où elle est reconnue la plus sai- ne et la plus abondante. Le débit peut atteindre 100 à 150 ml/h, mais sa quali- té est surveillée de près ; des agents extérieurs (pollution et emplois intensifs d'engrais phosphatés) compromettent dangereusement son utilisation naturel- le. Lors du fonçage du puits de mine à Saint-Nicolas, le niveau d'eau fut ren- contré à -52 m. Le climat Notre climat subit les mêmes influences que la grande partie du territoire français, cependant sa position au nord rend le temps plus instable ; le soleil luit moins longtemps et le nombre de jours de pluie est plus important, alors que le volume des précipitations est très moyen par rapport à d'autres régions. La douceur apportée par la mer toute proche est indéniable, mais il pleut souvent à Cauchy lorsque les vents sont au sud-ouest. Le verglas et la neige sont irréguliers et suivent les tendances générales. La particularité rési- derait plutôt dans les brouillards d'hiver et d'automne, tenaces et opaques, et les brumes de chaleur et de terre en été. Mais là encore, c'est le vent qui net- toie le ciel. CHAPITRE II

Les premiers hommes à Cauchy

À l'ère quaternaire, le Pléistocène qui a duré de 2,5 à 3 millions d'années a été suivi de l'Holocène, qui a débuté il y a 14 000 ans ; il s'agit de la période dans laquelle nous évoluons actuellement. Le Pléistocène fut la période la plus dramatique et la plus mouvementée de toute l'histoire de notre globe. C'est pourtant au cours de ces millions d'années que l'homme va lentement évoluer dans des conditions climatiques très variables, qui ont eu pour effet de modifier radicalement et périodiquement la flore et la faune. Ainsi toute la région du nord de l'Europe a connu une succession de périodes exceptionnel- lement froides, dites glaciaires et d'époques à climat plus tempéré nommées interglaciaires. Les périodes glaciaires sont généralement connues à partir de fleuves alpins qui leur ont donné leur nom: Günz, Mindel, Riss, et Würm. Pour les régions du nord, en 1970, ces glaciations ont été référencées à partir de fleuves plus septentrionaux: l'Elstérien, le Saalien, l'Éémien et le Weich- selien. Les terrains datés géologiquement de la glaciation saalienne, soit de - 200 000 à -100 000 ans av. J.-C. ont fourni des outils des ancêtres les plus lointains connus. La glaciation saalienne est la seule période glaciaire au cours de laquelle la calotte de glace recouvrit la partie nord des actuels Pays- Bas. Elle s'étendait sur une ligne joignant Haarlem (Hollande) à Düsseldorf (Allemagne). En raison des variations de l'intensité du froid, le paysage à cette époque avait tantôt les caractéristiques d'une toundra, tantôt celles d'une steppe. Cette maigre végétation nourrissait des mammouths (mammu- thus primigenius), des rhinocéros laineux (cœlodonta antiquatis), des rennes (rangifer tarendus), des bisons (bison priscus), de boeufs musqués (ovibos moschatus), d'antilopes saïgas (saïga tatarica), des bouquetins (capra ibex prisca), des renards polaires (alopex lagopus) et des loups. En 1971 et 1972, A. Tuffreau associé au CNRS et au musée des antiquités nationales de Saint- Germain-en-Laye, effectue quelques visites sur le chantier de la briqueterie des Croisettes. Cette briqueterie a son siège social à , mais son champ d'exploitation chevauche les deux communes: les extractions de matière première se font plus près du centre de Cauchy que de Floringhem. Il met au jour quelques silex taillés repérés en place, c'est-à-dire tels qu'ils ont été abandonnés il y a plus de 100 000 ans. La coupe stratigraphique qu 'il dresse nous fournit ainsi une datation très précise. Coupe de terrain effectué par A. Truffeau. La couche n° 12 contenait des outils préhistoriques. (Croquis A. Tuffreau dans Septentrion, Tome 5, 1975).

Sur un front d'exploitation de près de 5 m, il repère de haut en bas : 1 - de la terre végétale sur une épaisseur de 0,20 à 0,30 m ; 2 - du limon brun-jaunâtre, à structure prismatique non lité, argileux et non calcaire : épaisseur 0,80 m ; 3 - du limon brun-jaunâtre non lité sur 1 m; 4 - du limon brun-jaunâtre, argileux inclus dans un niveau de fentes de gel étirées et inclinées vers le nord-ouest, jalonnées par quelques silex anguleux; 5 - du limon jaune-brunâtre, finement lité (linéoles de quelques mm), présen- ce de petites fentes de gel et de phénomènes de cryoturbation (déplacement des particules du sol sous l'action du gel) sur 0,70 m à 0,80 m; 6 - sur une épaisseur maximum de quelques centimètres, un niveau continu de petites fentes de gel marqué par un cailloutis dont l'épaisseur s'accroit localement; 7 - un limon brun-jaunâtre légèrement lité, nombreuses fentes de gel et cryo- turbations sur 0,90 m; 8 - un cailloutis de silex, à matrice localement sableuse, ravinant la couche sous-jacente sur 5 cm; 9 - un limon brun-jaunâtre argileux à structure prismatique, affecté de nom- breuses tubulures, présence de points noirs sur 0,60 à 0,90 m; 10 - un limon brun-jaunâtre, panaché, non lité, à points noirs, la limite avec la couche sous-jacente est insensible, épaisseur 0,50 m; 11 - un limon argileux brun-jaunâtre à grisâtre, présence de quelques silex éclatés sur 0,15 à 0,25 m; 12 - un sable brun-rougeâtre raviné par un cailloutis continu de silex éclatés, nombreux fragments de grès. Pourquoi une si longue et fastidieuse énumération? Il fallait préciser et loca- liser la couche de terrain renfermant des outils préhistoriques d'une part, ensuite, il était judicieux de présenter les structures de ces terrains, commu- nément appelée "argiles",qui sous un aspect pratiquement uniforme,renfer- ment une richesse géologique insoupçonnable pour le profane. C'est la couche n012 qui a livré une série d'outils: un biface, 12 éclats à talon lisse et à angle d'éclatement très ouvert, ainsi qu'un nucleus Proto-Levallois. Le biface est de type lancéolé : la pointe a les bords sensiblement rectilignes, et l'arête vue de profil faiblement sinueuse. Il a été probablement taillé au per- cuteur doux (bois animal), sa base a été détruite volontairement pour aména- ger un plan de frappe, qui a été utilisé pour le débitage d'un éclat sur l'autre face (technique de débitage d'éclats dite levalloisienne). Ce biface mesure hors-tout 128 mm, 67 mm de large. En conclusion, A. Tuffreau désigne ces pièces comme pouvant appartenir, en raison de leur provenance stratigra- phique et de leurs caractéristiques à un acheuléen moyen évolué. L'Acheu- léen est l'industrie rencontrée principalement durant tout le Paléolithique inférieur, soit près d'un demi-million d'années. Il tire son nom de la commu- ne de Saint-Acheul (Somme) et son outil le plus typique est le "biface", fabriqué par taille directe au percuteur de pierre initialement. A la fin de l'Acheuléen ancien, le percuteur est plus doux: l'os, la corne, le bois de cer- vidé ou du bois dur sont utilisés. Parfois de petits outils, racloirs, grattoirs, perçoirs sont aménagés dans des éclats de taille. C'est à partir de l'Acheuléen moyen que la technique de débitage dite "Levallois" est utilisée, elle consiste à préparer soigneusement la surface supérieure du "nucléus", bloc de matière première, le plus souvent le silex, pour déterminer la forme de l'éclat. Ainsi le biface trouvé dans notre sol a été réutilisé comme matière première pour fournir des éclats aménagés en outils plus fins. Ces éclats sont encore obte- nus par percussion directe. Les carrières de "terres à briques" des Ets Quié- not-Crépin ont elles aussi livré deux beaux bifaces. L'un a été envoyé dans les années 60 au musée de l'Homme à Paris, l'autre a pu être conservé dans la famille. Il s'agit ici d'un magnifique biface de type lagéniforme, du latin lagéna, bouteille. Il est allongé, avec un talon épais et à bords subparallèles, se continuant par un "goulot" plus étroit, à bords également subparallèles et à extrémité arrondie. Un talon de débitage a également été préparé sur cette pièce. L'homme à qui sont attribués les bifaces acheuléens est l'homo-érectus arrivé en Europe vers 1,8 millions d'années, venant du continent africain. Cet homme n'a pas laissé d'ossements fossiles à Cauchy-à-la-Tour, ses restes Dessin du biface de l'acheuléen moyen trouvé à la Briqueterie des Croisettes. (Dessin J. Hurtrelle dans Septentrion, Tome 5, 1975). sont d'ailleurs très rares et n'ont pu être étudiés que sur des sites archéolo- giques assez éloignés: Tautavel (Pyrénées-Orientales), Terra Amata et le Lazaret (Alpes-Maritimes). A Terra Amata en particulier, un campement de chasse temporaire a été découvert. Quelques hommes se sont abrités sous une hutte de branchages de forme ovale, de 10 m2 environ de surface. À l'inté- rieur les traces de plusieurs petits foyers ont été repérés, ainsi que les restes de petit gibier. Cet homme a une calotte crânienne longue avec un bourrelet occipital important, le front est fuyant avec un autre bourrelet supraorbitaire très développé. Le volume du cerveau atteint déjà 1 000 cm3, voire 1 200. La station debout est parfaite, la taille est cependant modeste, 1,50 m à 1,60 m, et cette lignée annonce l'homme de Néanderthal qui lui succède. Cependant la représentation physique de notre ancêtre reste imprécise et très aléatoire. Cette espèce n'est pas isolée génétiquement, elle évolue sans cesse; décou- lant de l'homo habilis d'Afrique, elle génère l'homo sapiens, avec des rythmes évolutions différentes selon les régions européennes d'implantation. Les industries acheuléennes de la glaciation saalienne se rencontrent égale- ment prés de nous à Vaudricourt, Hesdigneul-lès-Béthune. Après l'homo érectus, notre région verra se succéder l'Homme de Néanderthal avec son industrie du Moustérien, repérée à Ferfay, et enfin l'Homme moderne, type Cro-Magnon, qui resta seul en lice à partir de -30 000 ans. Ses industries ont été découvertes dans la région de Boulogne et à près de Saint-Omer. Le biface de la Briqueterie Quiénot : à l'origine le talon se terminait par un arrondi. Il en a été mutilé pour aménager un plan de frappe. Débité, il aurait pu ainsi fournir des éclats utilisés alors comme racloirs, perçoirs ou grattoirs. (Coll. M. Quiénot. Cliché Ph. Vincent).

Briqueterie Quiénot : biface de l'acheuléen moyen, vu de profil. (Coll. M. Quiénot. Cliché Ph. Vincent).

Briqueterie Quiénot : le même biface vu de face. Le talon est épais, le cortex largement conservé. (Coll. M. Quiénot. Cliché Ph. Vincent). Front fuyant, épais bourrelet au-dessus des orbites (ou torus sus-orbitaire), écartement inter-orhitaire très large, orbites basses et rectangulait-es, face bombée, maxillaire projeté en avant du crâne cérébral (prognathisme). Capacité crânienne relativement faible : environ 1 050 cc. C'est un homme de ce type (ici le crâne de Tautavel) qui a laissé les traces de son passage dans notre sol. (Coll. Ph. Berrier). Le Néolithique La séquence paléolithique a été étudiée grâce à des trouvailles remarquables au plus près de nous, alors qu'elles sont assez rares par ailleurs. Par contre un "trou" de plus de 100 000 ans nous amène à l'ère chrétienne. Aucun témoignage archéologique n'est connu à Cauchy ou sa région proche pour le Paléolithique récent et le Néolithique. Terninck, chercheur éclairé du siècle dernier, mentionne cependant dans son "répertoire", une hache polie trouvée à Cauchy. Nous n'en avons trouvé aucune description ou localisation. Des découvertes de l'âge de la pierre polie ont cependant été faites à Floringhem en particulier; la présence de ces hommes des âges nouveaux (agriculture et élevage organisés) est donc attestée. La naissance de notre village Nous parvenons ainsi peu à peu aux temps dits historiques, où les documents écrits font leur apparition. Les âges des métaux n'ont laissé aucun souvenir dans notre sous-sol. Les vestiges des bâtisseurs des mégalithes et des Celtes si experts au travail du fer sont inconnus ici. Par contre, dès l'époque romaine et la conquête de la Gaule (53 av. J.-C.), les événements se bousculent dans notre coin d'Artois. Avant les Romains A l'arrivée des Romains, le nord de la France actuelle et la Belgique sont divisés en plusieurs nations celtes : les Atrébates avec Nemetocenna () comme oppidum, les Morins avec Tervanna ou Thérouanne comme place forte. Tervanna est le nom romanisé de la capitale de la Morinie, appelée Tarvos avant la conquête. D'autres nations forment la Belgica nommée par César; au nord les Ménapiens avec Cassel comme place forte, les Nerviens autour de Bavay (Bavaricum) et les Viromanduens (oppidum Vermand entre Saint-Quentin et Péronne) à l'est, enfin les Ambiens au sud (oppidum Samarobriva, devenu Amiens) s'opposent farouchement à la conquête romaine. Les Atrébates et les Morins sont séparés par une frontière naturelle: la rivière de la Clarence (Clarens aqua des Romains). Notre futur Cauchy se trouve donc en Morinie, en sa partie orientale. Mais à l'époque de la conquête romaine, l'actuelle chaussée Brunehaut, ancienne voie romaine n'existe pas. Les envahisseurs romains empruntent l'ancien chemin gaulois passant d'Arras au mont Saint-Éloi, Hersin-Coupigny, Labuissière, , Burbure et Norrent-Fontes pour se diriger ensuite vers la côte. Jules César avait nommé tous ces peuples les "Gallii" ou Gaulois. Mais la mosaïque de peuplades couvrant l'espace actuel de la France ne formait pas une véritable nation. D'ailleurs les "peuples" guerroyaient souvent entre eux, cette humeur chagrine fut largement exploitée par le conquérant romain. Ainsi les Morins, Extremi H ominum Morini étaient continuellement en guerre contre les Germains, leurs cousins, pour préserver l'intégrité de leur immense territoire. L'habitat morin était surtout groupé non loin de la côte ou dans les fertiles vallées fluviatiles, le centre de l'actuel département du Pas- de-Calais n'était occupé que par d'immenses marécages, les Morins étaient bien les plus lointains des hommes pour les Romains, et les plus difficiles à atteindre. Cauchy se trouvait donc exactement à la frontière des deux territoires: il s'agissait de la première occupation humaine rencontrée après le pays des Atrébates. Cette situation géographique est essentielle et explique l'origine même du nom de notre village, comme nous le développerons plus en détail. Que savons-nous des occupants du sol lors de la conquête romaine? La civilisation gauloise était faite de symboles, transmis oralement. Les écrits sont donc inexistants, par contre beaucoup de mots celtes sont arrivés jusqu 'à nous, il s'agit de termes rattachés à la nature, au sol ou au monde animal: abeille, miel, bouleau, if, chêne, bouc, alouette, saumon, glaner, javelle, claie, ruche, braie, chemise, char, charrette... En prenant pour référence le contingent morin mobilisé contre les soldats romains, la population totale a pu être estimée à 100 000 habitants à la veille de la conquête. Les Morins de l'intérieur des terres menaient une vie d'agriculteurs-éleveurs. Inventeurs de la charrue, des salaisons, ils étaient de très bons artisans: forgerons, bûcherons, apiculteurs, brasseurs et tisserands, mais aussi guerriers. Le "vicus" gaulois, l'ancêtre de notre village se composait de vastes demeures en bois et torchis abritant le chef de famille et toute sa suite composée des "clients" et des serviteurs, tenus dans un état d'esclavage. Ces maisons étaient à moitié enterrées, avec un sol battu, sans ouvertures pour éclairer l'intérieur, sinon que celle aménagée au milieu du toit de chaume pour évacuer la fumée du foyer installé au centre de la demeure. La conquête En 58 av. J.-C. , César arrive en Gaule. En 57 av J.-C., il mène campagne dans le nord de la Gaule. Il bat les Nerviens à Sabis, et les Morins lèvent une armée de 25 000 guerriers pour s'opposer à l'envahisseur romain. Poursui- vant son avancée, Jules César, qui a pour but final d'envahir la Britannia (la Grande-Bretagne actuelle), doit soumettre les Morins pour établir son port de guerre sur le littoral. Les légions romaines commandées par Q. Titurius Sabi- nus et L. Aurunculeius Cotta, traversent l'Artois et ont pour premier objectif Tarvos la place forte. Ils foulent le sol de Labuissière, Lozinghem (qui n'existe d'ailleurs pas encore) et passent près de nous à Burbure. Les incur- sions et les pillages sont violents d'autant que les Morins adoptent contre ces soldats aguerris une tactique de harcèlement continuel. Après chaque échauf- fourée, ils se réfugient dans les marécages. Cette campagne dure 2 ans, et finalement les Morins sont soumis par le légat Labiénus, qui rentrant de Bre- tagne, parvient à les disperser avec ses légions; le général romain a eu un allié inespéré: l'assèchement soudain des marais, les Morins ont alors dû combattre en terrain découvert. Un noble Atrébate Comm, leur est imposé : il ne gouvernera jamais efficacement ses voisins, et bientôt il fomente lui- même une rébellion contre ses protecteurs, ce qui lui vaudra un exil en Bre- tagne. En 52 av. J.-C., à l'appel de Vercingétorix, les Morins décimés ne peu- vent lever qu'un contingent de 5 000 hommes. La province de l'Artois est exsangue, finalement en 30 et 29 av. J.-C., la "pax romana" est effective. Les Morins sont domptés par le pro-consul C.A. Carrinas, la civilisation gallo- romaine est en marche. De 56 av. J.-C. (l'an 698 de Rome) à 29 av. J.-C., 27 ans de guerres incessantes, de pillages, de campagnes ravagées, d'incendies de bourgs et fermes ont préparé le renouveau d'une civilisation bientôt très prospère. L'an IV de notre ère : naissance de Cauchy Au début de notre ère, les Romains mettent en chantier dans notre région leur réseau routier, par souci stratégique. Il faut en effet relier très vite les chefs-lieux des diverses cités entre eux, pour permettre une prompte inter- vention en cas de révolte. L'empereur Auguste retenu pour mater le soulève- ment des Dalmates, charge Agrippa de la préparation d'une flotte de guerre, dans le dessein de poursuivre l'hégémonie romaine en Bretagne. Celui-ci effectue de grands travaux sur le littoral: port de l'actuelle Boulogne en par- ticulier et voies côtières. Un nommé Drusus poursuit les travaux engagés, et en l'an 4, Tibère le nouvel empereur vient les inspecter. Il repart alors pour la Germanie en empruntant, nous disent les textes anciens, la route stratégique de Thérouanne à Bavay, en passant donc à Cauchy-à-la-Tour. Compte tenu de l'origine romaine du nom de notre village,nous pouvons avancer qu'il date approximativement de cette époque. Claude, poursuit le rêve de ses pré- décesseurs, il fait passer à travers le pays 4 légions, des contingents auxi- liaires d'infanterie commandés par Aulus Plautius. La "Britannia" est enfin conquise et un arc de triomphe est élevé à l'endroit où l'empereur Claude embarqua: Gésioracum. Notre contrée retrouve la tranquillité jusqu'en 70. Vespasien et Vitellius se disputent l'empire, et durant cet affrontement, Civi- lis, un chef batave à la tête de ses Germains pille les pays morin et ménapien.

Cauchy-à-Ia-Tour : essai d'étymologie À ce stade de notre étude et pour respecter la chronologie historique, il convient de préciser l'origine du nom de notre village. "Cauchy-à-la-Tour" est formé de trois composantes : Cauchy-Tour et leur liaison "à la" qui a été trop négligée au cours des études successives. Les explications ont été nom- breuses, mais aucune n'est satisfaisante. La controverse sera certainement alimentée par des débats ou positions nouvelles, mais dans toute étymologie il existe un fond logique attesté le plus souvent par un repère physique ou géographique, ou d'une racine locale, qui résulte de dépôts, de vestiges lin- guistiques de périodes successives. Il sera donc plus question ici de topony- mie que de linguistique pure. Ainsi à Cauchy, deux voies romaines traversent notre village. La première est attestée de Mardyck à Cassel, puis cette liaison mer-continent passe par Thiennes, pour aboutir à Saint-Pol. Il s'agit plutôt d'une voie secondaire et tardive. La principale est celle qui nous inté- resse ici, nous en avons débattu longuement dans le chapitre précédent. Elle est mentionnée par les cartographes les plus anciens: itinéraire d'Antonin et carte de Peutinger. Partant d'Allemagne, elle relie Bavay, Cambrai, Arras, Thérouanne, puis elle se divise pour atteindre et Boulogne, ou Wis- sant en reprenant le tracé d'une voie gauloise. Sur ces voies les toponymes "Cauchy" sont nombreux : Estrée-Cauchy, la Cauchiette à , Auchy- au-Bois et d'une façon plus large Cauchie-Beaufort, du Loquin, Cauchie en , la Cauchy près du Mont-Bernenchon. Il existait en fait deux types de voie romaine: la via strata est une chaussée construite avec des fondations faites de moellons de grès, de craie et de sable ; elle est pavée en surface. Assez rare en Artois, sa présence est décelée à Estrée-Blanche ou Estrée-Cauchy (Estrée = Strata). La via calceata par contre est le type le plus répandu. Il s'agit d'une voie tracée à travers le paysage et aménagée grossiè- rement pour la rendre carrossable, elle est "chaussée", du latin "calceus" la chaussure. En 1058, Cauchy est dénommé Calceia, l'évolution linguistique transforme la racine en roman Cauch. Pour préciser en outre une occupation humaine, le suffixe "acum" est ajouté au mot. Ce suffixe provient d'ailleurs de la syntaxe gauloise: "acos" qui désigne un groupement d'habitations; cal- ceia devient donc calceiacum, le village sur la chaussée. Le suffixe "acum" est transformé, lui au cours des siècles suivants en une seule lettre "y". Cal- ceia-cum = Cauch-y. L'explication du deuxième terme "tour" est plus ardue. Elle nécessiterait en fait de longs développements linguistiques sur l'évolu- tion et les transformations des mots au cours des siècles. En tout premier lieu, il ne faut pas chercher l'existence d'une quelconque tour à Cauchy. Elle n'a jamais existé, l'histoire et l'archéologie n'en font pas mention. Il n'y a jamais eu à Cauchy de château féodal ou de tour de péage. De même, atta- cher la "tour" à l'évêque de la Tour d'Auvergne, qui aurait possédé des terres à Cauchy au siècle dernier est farfelu. En effet le nom de notre village est établi depuis plusieurs siècles : - 1207 : Cauchie dans un cartulaire du chapitre d'Arras; - 1662: la Cauchy-à-la-Tour; - 1664: Cauchi-à-la-Tour; - 1670: La Cauchie-à-le-Tour; - 1681 : La Cauchie-à-la-Tour; - 1689 : l'église de saint Pierre en Cauchie à le Tour secour dudit Auchel; - 1701 : le Cauchie-à-le-Tour; - 1708 et 1742: Cauchy-à-le-Tour. Harbaville dans son mémorial historique du Pas-de-Calais prétend que Tour est en fait le Turringahem in pago ternensi mentionné dans le cartulaire de saint Bertin en 877. Cette version est d'ailleurs reprise par J. Ratel dans son histoire de Cauchy de 1937. Cette proposition est invraisemblable , la localité mentionnée est en fait Tournehem près de Saint-Omer. D'ailleurs ces locali- tés devenues saxonnes à la chute de l'Empire romain n'ont gardé aucun sou- venir de leur appellation initiale, Cauchy n'aurait pas dérogé à la règle. Les localités voisines : Floringhem, Lozinghem, Quenehem peuvent en justifier. Nous avons vu que les appellations Cauchie étaient nombreuses sur les voies romaines. Les localités à résonance identique ont dû être distinguées, surtout par les actes de propriété foncière au temps des grandes abbayes, et de l'ins- tallation des premiers comtés. Notre Cauchy-à-la-Tour, était donc: Calceia- cum in pago ternensi, en clair Cauchy en Ternois. (Tarvos, devenu Tervenna - Thérouanne- a donné le Ternois). "Tour"est vraisemblablement une altération de ternensi, ou du moins une évolution divergente du mot initial. Enfin, la liaison "à la", ou "à le" correspond à la préposition "à" qui indique le lieu, l'attribution et aussi la provenance. Cette explication trouve également un fondement historique : Cauchy dépendit jusque la Révolution du comté de Saint-Pol, centre du Ternois, après la destruction de Thérouanne. Des Romains aux Francs La Morinie a été conquise par l'envahisseur romain dans le seul but d'atteindre la côte et d'établir un port de guerre. Aussi la civilisation gallo- romaine n'influence pas l'intérieur du pays. Le littoral qui accueille le com- merce maritime et la région proche de Thérouanne bénéficient seuls du nou- veau dynamisme. Les "vici" d'Aire, Mametz, prospèrent. Les petits ports de et ne sont pas encore supplantés par Bou- logne, et la plus ancienne voie connue, la Leulène le dessert encore. Les zones rurales, vite traversées, se trouvent en dehors des grands courants com- merciaux, ou des camps militaires, qui dynamisent ailleurs l'artisanat local. Près de Cauchy, Labuissière, Gosnay, , Hesdigneul, Vaudricourt et Vendin sur la Lawe ou sa vallée, Amettes sur la Nave, Bours, Pernes, Cam- blain-Châtelain et Marles-les-Mines sur la Clarence ont livré des vestiges gallo-romains. Les plus importants se situent à Labuissière, où une officine d'artisans-potiers diffuse sa production dans tout l'Empire romain. Sur les plateaux, la situation est toute autre, et l'habitat y est moins dense. A Rely- Ligny, des tessons de poterie du second siècle ont été trouvés près de la voie romaine, à Ferfay, des ruines ont été repérées. La preuve est faite cependant, qu'en dehors des vallées des rivières,l'implantation humaine existe. Ces petits groupements d'habitations s'articulent probablement autour d'une auberge ou d'un relais. Nous sommes ici à mi-chemin entre Thérouanne et le passage de la Clarence. A Cauchy, une activité de ce type devait se situer au carrefour des deux voies, lieu-dit actuel la guillotine. A la fin du IIe siècle, des troubles apparaissent: les invasions germaniques et les guerres civiles font régresser le pays et son économie. Des trésors sont enterrés à la hâte ( et Estrée-Cauchy), l'archéologie révèle pour cette période de nombreuse traces de destructions et d'incendies dans tout l'Artois. Les mêmes événements se renouvèlent au IIIe siècle: la région semble en outre être livrée au brigandage. Les villages conservent cependant leurs anciennes implantations et de nouvelles localités s'implantent cette fois sur les voies de communication, ou sur des zones déjà défrichées. L'archéologie n'a pas décelé sur notre plateau de traces de ces immenses villas gallo-romaines, Cauchy à cette époque n'est qu'un pauvre hameau aux traditions indigènes très tenaces. Ces populations sont encore considérées dans tout l'empire comme barbares, sans esprit et sans culture, remuants, instables et plus prompts à parler qu'à réfléchir (vie de saint Folquin). Selon le chanoine Coolen (dans sa Morinie ancienne), la Morinie intérieure devait avoir beau- coup plus de tas de fumiers que de monuments publics. L'influence romaine est balayée, de même que les balbutiements du christianisme (répandu chez nous par saint Victrice évêque de Rouen), par l'invasion germanique de 440, conduite par Clodion. En 486, les pays du Nord de l'actuelle France sont sous la totale domination franque. Les Francs saliens s'installent près de chez nous, et ils laissent leur empreinte définitive dans les localités qu'ils occupent: Floringhem, Lozinghem et Quenehem, du V' au VIe siècle. Cauchy garde son identité et reste ce petit hameau près de la nouvelle colonie franque. Mais peu à peu les mentalités, les us et même le langage se fondent. En 511, à la mort de Clovis, notre région va à Clotaire qui réside alors à Sois- sons (Austrasie). En 561, à la mort de celui-ci, elle est attribuée au royaume de Chilpéric par le traité d'Andelot, elle fait ainsi partie des états de Clotaire II, enfin en l'an 600 le roi d'Austrasie se fait céder le duché de Dentelin, dont dépendent entre autres les cités de Thérouanne et d'Arras. Sous Charle- magne, notre région est partie intégrante de la Neustrie et au traité de Verdun de 843, Charles le Chauve se voit attribuer la plus grande partie du Pas-de- Calais actuel. Enfin, dans le partage de 880 entre les fils de Louis le Bégue, l'ancienne part de Charles le Chauve, constitue le royaume de Louis III. Dès les premiers mérovingiens, les anciennes cités d'Arras, de Thérouanne, d'Amiens et de Cambrai sont divisées en "pagi" ou circonscriptions adminis- tratives. Elles sont dirigées par un "comes", fonctionnaire du roi qui donnera son nom à son territoire: Comitatus devenu comté. Les comtes vont s'impo- ser très vite comme seigneurs des lieux qu'ils sont sensés gérer et administrer pour autrui.

L'évangélisation du pays L'évangélisation de notre région a été l'œuvre de saint Victrice évêque de Rouen. Nous ne possédons pas de documents sur son passage éventuel autour de Cauchy. Par contre un épisode sanglant est resté dans la mémoire collective et a été rapporté par Erkembode, qui devint évêque de Thérouanne en 723. En 667, les colonies franques sont installées dans la région, et elles se sont toutes converties à la nouvelle religion. Les grandes abbayes se fon- dent sur tout le territoire actuel du Pas-de-Calais, mais les évêques et les moines s'adonnent vite à une vie de luxe et de débauche. Un renouveau de foi se propage et nous parvient d'un foyer religieux intense: l'Irlande. En 696, deux frères, Lugle et Luglien, moines de leur état, débarquent sur le lit- toral. Après divers prodiges ou miracles, ils parviennent dans la vallée de Scyrendael à la sortie de Ferfay, à la limite du terroir actuel de Cauchy. Dans cette profonde vallée, alimentée par un cours d'eau puissant à l'époque, le Rouillard, ils sont assaillis par trois frères, trois brigands: Bovon, originaire de Busnettes, Hesselin (ou Esleme) de Ferfay et Béranger de . Les deux frères sont massacrés et leurs corps sont emportés par le flot d'un puis- sant orage qui a grossi les eaux de la vallée. À l'endroit où leurs corps ont été retrouvés, une chapelle a été élevée (Hurionville). CHAPITRE III

Du Moyen Âge à la Révolution

Cauchy au temps des comtes de Saint-Pol. A la fin du XI' siècle, le Pagus Taruanensis ou Ternois comprend le diocèse de Thérouanne avec les doyennés d'Aire, , , , , , Lillers, Saint-Omer, Thérouanne et Saint-Pol. Cauchy-à-la- Tour dépend du comté de Saint-Pol.: cette localité est en effet devenue le chef-lieu du "Pagus", mais sur un territoire beaucoup plus restreint que la Civitas Morinorum. Formation du comté de Saint-Pol L'histoire ne donne pas de renseignement très précis sur la formation du comté de Saint-Pol. En 668, un certain Walbert fait de nombreuses donations à l'abbaye d'Arqués. À partir de 839, sous les Carolingiens, on trouve le nom d'Umroch mort en 853, laissant deux fils, Évrard de Frioul (qui épousa Gisè- le, la fille de Louis le Débonnaire), et Adélard qui devint abbé de Saint-Ber- tin en 844. Gérard succède à Umroch de 853 à 863, puis Witmar dirige le comté de 863 à 866. Après 866, Baudouin dit Bras de Fer se voit confier le comté. Curieux personnage que ce Baudouin: quadragénaire et veuf, il enlè- ve à Senlis, Judith, fille de Charles le Chauve et veuve à 20 ans de deux rois d'Angleterre (Éthelwold et Éthelbald, le père et le fils). Il meurt en 879 et il est enterré à Saint-Bertin. Il laisse deux enfants en bas âge: Baudouin et Raoul. C'est l'époque où les Normands envahissent et saccagent le pays d'Artois: Arras, Saint-Omer, et Thérouanne sont incendiées. La défense est organisée par Raoul, petit-fils d'Umroch, alors abbé de Saint-Vaast (Arras) et de Saint-Bertin (Saint-Omer), et sans doute aussi comte de Saint-Pol. Sous la dépendance du comte de Flandre Durant ces époques troublées, le jeune Baudouin s'est réfugié dans la région de Bruges. Adulte, il organise une armée, et il se crée habilement, en servant et en trahissant tour à tour ses alliés, une principauté allant de la Manche à l'Escaut: le comté de Flandre. En 892, à la mort du puissant abbé Raoul, il s'empare du Ternois et épouse la fille du roi d'Angleterre Alfred-le- Grand. Il meurt en 918. Ses deux fils Amould et Adolphe reçoivent l'un la Flandre et l'autre le Boulonnais et le Ternois. En 933, la mort d'Adolphe per- met à Arnould 1er de s'approprier les biens de son frère. Le règne d'Arnould 1er a fait les grandes heures de l'histoire des comtés de Flandre et du Ternois. Il guerroie contre les Normands, leur reprend Montreuil à deux reprises, il annexe le pays du Ponthieu. En 924, il fait assassiner à Picquigny le duc de Normandie, Guillaume Longue Épée. Il est de tous les complots. Il réforme les monastères et l'organisation administrative de ses états. En 932, à la mort d'Adalelme, il met la main sur le comté d'Artois. A la mort prématurée de son fils Baudouin III, il cède l'Artois au roi de France avec l'espoir d'assurer ainsi la succession du comté de Flandre à son petit-fils Arnould III. Il meurt en 964. Les comtés de Boulogne et du Ternois échouent en 962 à Arnould, qu'on croit être un fils d'Adolphe. Ces années troublées ont laissé peu de repères chronologiques, tout au plus sait-on que Arnould II mourut très jeune (vers 988 ?) laissant une veuve Suzanne. Celle-ci épouse Robert le Pieux, fils de Hugues-Capet, mais elle est répudiée en 992. Arnould 1er de Boulogne, apparaît alors dans divers actes ainsi qu'un de ses fils prénommé également Arnould, qui aurait été comte du Ternois. En 996 il intervient notamment à l'abbaye de Blangy-sur-Temoise. Un prénommé Eustache, succède au comte de Boulogne, il meurt en 1045. Quand les documents historiques font foi à nouveau le comté de Saint-Pol n'existe plus: toute la partie nord est ratta- chée à la Flandre et la partie sud-est est entre les mains d'un certain Roger qui, en 1031, est dit: Cornes de castro quod dicidur sancti paule, (comte du château nommé Saint-Pol). Il s'agit donc ici du premier comte attesté de Saint-Pol.

Les Campdavène Le comté de Saint-Pol, durant la période féodale comprend 8 châtellenies : Saint-Pol et les châtellenies secondaires de Camblain-Châtelain, Monchy- Cayeux, Frévent, , Orville, Pas, Erny-saint-Julien, Pernes; et la baronnie de Barlin. La châtellenie de Pernes a autorité sur , Florin- ghem, Sachin, la Ferté, et Cauchy. Dans ce comté, avec 31 autres localités, Cauchy-à-la-Tour est une pairie. Les seigneurs grands et petits ont usurpé les droits régaliens, ils construisent des châteaux, ménent des actions de brigandage et ils rançonnent les marchands, pélerins et voyageurs. La monnaie est propre au comté, l'insécurité est totale dans les campagnes. A Roger (vers 1030-1067) succède jusqu'en 1205, la famille des Campdavene dont: - Guy, héros de la bataille de Bachinchove (1071), il meurt en 1083; - Hugues II, (1083-1130). Chassé d'Albert où il voulait s'implanter et s'approprier l'atelier monétaire, il mène des représailles sanglantes contre le comte de Flandre, Baudouin à la Hâche. Ses exactions l'amènent en particu- lier dans la région de Lillers qu'il pille; - Hugues III (1130-1142), tristement célèbre pour avoir détruit l'abbatiale de Saint-Riquier lors de sa guerre contre le comte du Ponthieu. Condamné par l'église, il fonde l'abbaye de Cercamps près de Frévent où seront enterrés tous les comtes de Saint-Pol; - lui succédent: Enguerrand mort vers 1160 et son fils Anselme mort vers 1174; - Hugues IV dirige ensuite le comté de Saint-Pol de 1174 à 1205. Hugues IV, dit le Grand s'illustre en maintes occasions. En 1180, il a le privilège d'assister au mariage de Philippe-Auguste et au couronnement de la reine. En 1186, il provoque en combat singulier Robert de Béthune et deux ans plus tard il accompagne son souverain en Terre-Sainte. On lui doit la fondation de l'hôpital de Saint-Pol, et il reçoit du roi en récompense des services rendus trois villes sur l'Oise. Esprit éclairé, il accorde en mars 1202, une "commu- ne" aux bourgeois de sa ville, sur le modèle de celle de Saint-Quentin. En 1201, lors de la 4c croisade, il participe à la prise de Constantinople, et meurt finalement de la goutte en 1205. L'héritière du comté, sa fille Élisabeth, par son mariage en 1197, avec Gauthier de Châtillon, fait entrer son comté dans cette importante famille de Champagne. Les Châtillon Avec les Châtillon, l'influence française est à son apogée dans nos régions, ainsi Robert, comte d'Artois, reçoit en même temps l'hommage des comtés de Boulogne et de Saint-Pol. Gaucher ou Gauthier de Châtillon a accompa- gné Philippe-Auguste en croisade en 1189. En 1191, on le retrouve aux sièges d'Aire et de Saint-Omer. Nommé Sénéchal de Bourgogne en 1193, il aide Philippe-Auguste à conquérir la Normandie. En 1209, il participe à la croisade contre les Albigeois, il se couvre de gloire à Bouvines (1214) après avoir repris en 1211, les places d'Aire, de Saint-Omer, Tournai et Mortagne. Il conclue les trêves avec l'Angleterre à Chinon, en 1218 il acquiert le comté de Blois, et il meurt en 1219 au siège de Marmande. Guy II, son fils lui suc- cède et part lui aussi en croisade (1226). Devant Avignon, il est tué en allant reconnaître les machines de guerre des assiégés. C'est Hugues IV, le second fils d'Élisabeth (morte en 1240) qui hérite du comté en 1226. On lui doit pour Saint-Pol la reconstruction du donjon et des fortifications. En 1229, il défait le comte de Flandre devant Frévent, il prend part la même année à la révolte contre Blanche de Castille, mais il se soumet presqu'immédiatement. Il meurt le 9 avril 1248, en laissant une image d'homme lettré et cultivé; ennemi des clercs, contre lesquels il s'est ligué avec les autres barons, il avait accordé par exemple le suprême privilège aux bourgeois de Saint-Pol, le droit de couper du bois dans ses forêts. De ses fils, Jean, l'aîné hérite du comté de Blois et Guy III, le puîné, devient le nouveau comte de Saint-Pol, seigneur d'Encre (Albert dans la Somme); en outre, il acquiert en 1257 la Châtellenie de , en 1270 il suit saint Louis en croisade, et en 1272 il partage avec le comte d'Artois la seigneurie d'Aubigny. En 1276, il suit Philippe le Hardi en Aragon et en 1288 il prend part au combat des Quinze Cents à Woring en Brabant. Pour la petite histoire, retenons qu'il avait épou- sé Mahaut, veuve de Robert d'Artois. Il meurt en 1289, en laissant trois fils. Hugues l'aîné, prend la tête du comté, mais en 1292, devenu comte de Blois, il le laisse à son frère Guy. Guy IV prend possession du comté de Saint-Pol de 1292 à 1317. Ce comte est un grand voyageur et guerroie sans cesse: en 1296 il soutient le roi de France au siège de Lille, en 1297 il met en déroute les miliciens flamands, et il n'hésite pas à se rendre à Rome pour faire allian- ce avec l'empereur Albert 1er. En 1304, Guy IV sauve la vie du roi à Mons- en-Pévèle, en 1308, il assiste au mariage d 'Edouard III et d'Isabelle de Fran- ce et en 1310, le roi de Navarre lui octroie la place de Doullens. Une année avant sa mort, il est nommé exécuteur testamentaire de Louis le Hutin, en reconnaissance de sa fidélité à la couronne. En 1308 sa fille Mahaut avait épousé Charles de Valois, frère de Philippe le Bel. Leur fils est Philippe de Valois, futur roi de France. Cependant à la mort de Guy IV, c'est son fils Jean qui hérite du comté le 6 avril 1317. Jean 1er dirige le comté de 1317 à 1342, et son fils Guy V de 1342 à 1360. Il épouse Jeanne de Luxembourg, alors que sa sœur Mahaut convole en justes noces avec Guy de Luxembourg. En 1360, à la mort de Guy V, le comté de Saint-Pol entre dans la famille des Luxembourg.

Sceau et contre-sceau de Hugues de Châtillon. (Coll. Ph. Berrier). Les Luxembourg Les comtes successifs de Saint-Pol sont alors les suivants : - Guy VI de 1360 à 1371; - Waleran (fils de Guy VI) de 1372 à 1415 ; - Philippe (petit-fils de Waleran) de 1415 à 1430; - Jeanne (fille de Guy VI) de 1430 à 1431 ; - Pierre 1er (fils de Philippe) de 1431 à 1433; - Louis 1er (fils de Pierre) de 1433 à 1475 ; - Jean II (fils de Louis 1er) de 1475 à 1476; - Pierre II (fils de Louis 1er) de 1476 à 1482; - Marie lrc (fille de Pierre II) de 1482 à 1546 date à laquelle elle épouse François de Bourbon. Le souci de la précision historique nous oblige à cette fastidieuse énuméra- tion. L'on retiendra surtout qu'en 1237, l'Artois séparé de la Flandre est érigé en comté royal, et que les comtés de Saint-Pol et de Boulogne lui ont rendu "hommage". À partir du XVe siècle, le comté de Saint-Pol entre dans la famille des Luxembourg, alliés des ducs de Bourgogne eux-mêmes opposés aux Rois de France. Les Grands "Luxembourg" sont: Waleran (ou Walle- rand). Il épouse la sœur du roi d'Angleterre alors qu'il est son prisonnier. Capitaine de Paris, sous Jean sans Peur, il est "fait" connétable de France (chef des armées). Philippe, son petit-fils, comte de Saint-Pol est aussi duc de Brabant et du Limbourg. Enfin Louis de Luxembourg, le connétable de Saint-Pol esprit brillant et cultivé a la faveur de la Cour, moult bel et exquis il etoit. Personnage consi- dérable, il reçoit dans ses châteaux de Lucheux et de Saint Pol, les rois de France, d'Angleterre, les Ducs de Bourgogne. Chef des armées, les rivalités entre Louis XI , Charles le Téméraire et Edouard IV lui servent dans son ascension politique. Il parvient à agrandir ses possessions déjà importantes lors de la prise de Saint-Quentin en 1470. Mais la paix survient entre Louis XI et Charles le Téméraire, il tombe alors en disgrâce, et le roi le fait décapi- ter en place de Grève à Paris en 1475. Au XVIe siècle, le comté de Saint-Pol entre dans la famille des Bourbon-Vendôme, princes de sang, avec comme illustre représentant Fran- çois de Bourbon, ami d'enfance de François 1er, fait chevalier par Bayard à Marignan. Il est le grand' oncle d'Henri IV. Cauchy au Moyen Âge Si la terre de Cauchy appartient à des seigneurs locaux, le pays est soumis cependant à l'administration politique des comtes. Ils n'ont fait allégeance qu'aux comtes de Flandre, d'Artois puis aux rois de France successifs. Ils imposent par contre leur justice, leur monnaie ; les châtelains de Camblain et de Pernes les reçoivent et dévastent la campagne au cours de leurs parties de chasse. Ces petits seigneurs locaux sont tenus de les accompagner à la guerre et de les assister en tous lieux et en toutes circonstances. Leurs "manants", gens de la terre, versent à leur seigneur les impôts sur la terre (le cens), et paient les redevances seigneuriales (banalités) pour jouir du moulin par exemple. Alors que les bourgeois, par le jeu des Communes octroyées dès 1202, gèrent leur ville à la place du seigneur et s'enrichissent vite par le com- merce de la laine, du drap et du vin. À Pernes, où en période de troubles les Cauchois vont se réfugier à l'abri des remparts, les Echevins (conseil munici- pal du Moyen Âge) rendent la justice dans la ville et sa banlieue où pullulent les pauvres. Il n'y a pas d'église attestée à Cauchy au Moyen Âge, longtemps le village dépendit pour le spirituel de Floringhem et d'Auchel, selon la posi- tion de la chaumière d'un côté ou de l'autre de la Chaussée-Brunehaut. Cependant la religion régit et rythme la vie par l'angélus, les messes et les baptêmes. L'église lève pour son compte la dîme, impose la trêve de Dieu (guerres interdites du mercredi soir au lundi matin), et dans chaque hameau ou village, le prêtre prêche une religion où s'entremêlent Dieu, les diables, les saints, les pélerinages, les miracles et les appels à la croisade. À Cauchy au Moyen Âge, notre paysan cultive la terre qui n'est pas la sienne. Quelques chaumières s'élèvent au carrefour de la rue d'Auchel et de la Chaussée-Bru- nehaut actuelles. Elles ne sont pas nombreuses, tout au plus une quinzaine, et la forêt est toute proche. D'une part,le bois de Camblain s'étale encore large- ment sur le plateau, mais la sylve se trouve aussi de l'autre côté, vers Ferfay. Le bois de Rimbert n'en est qu'un vague souvenir. Notre village forme une trouée dans cette étendue verte ; en fait la forêt est largement utilisée et four- nit diverses ressources. Le bétail y est gardé, dans des herbages naturels. Les porcs, les bovins et les rares chevaux fournissent les produits laitiers, la vian- de et les forces de travail. La zone cultivée complète cette production: elle fournit le complément de nourriture tant pour la population que pour les bêtes. L'élevage ovin est important également: la ville de Pernes très proche écoule la laine sur place, les tisserands sont nombreux, même chez le paysan cultivateur qui possède souvent un métier rustique. Le paysan cauchois culti- ve les céréales traditionnelles d'Artois, le froment et l'avoine en premier lieu, et en moindre proportion l'orge, le seigle et l'épeautre. L'assolement à cette époque n'est pas encore entré dans la coutume agricole; seules les terres des riches sont laissées en jachère une année sur trois.

Les temps difficiles 1482-1659 Les faits de guerre: la guerre, toujours la guerre; les Français, et les maîtres successifs de l'Artois, Bourguignons, Impériaux et Espagnols, vont s'affronter sur notre sol pendant près de deux siècles. Au XIVe siècle déjà notre province subit les assauts des Flamands. En 1303 leur armée est près de nous, à Lillers qui est brûlée, avec Lens et 80 villages d'Artois. En 1315, la région est encore mise à sac par les mêmes Flamands et par les armées du Roi. Les Grandes Compagnies chevauchent à travers la campagne, les populations désertent leurs villages dans le milieu du XIVe siècle' mais c'est la guerre de Cent Ans (1338-1453) qui va désoler le pays. Jusqu'en 1415, l'Artois va être le terrain de bataille et l'enjeu de l'affronte- ment entre les rois de France et la Maison de Bourgogne. Charles VI sous l'influence du parti armagnac porte la guerre sur notre sol contre Jean sans Peur. Les campagnes sont ravagées, en 1415 le traité d'Arras met fin aux hostilités. Le 13 mars de la même année, Charles VI demande aux élus d'Artois de lever une "aide" pour financer sa guerre contre les Anglais. Jean sans Peur refuse cette levée exceptionnelle d'impôt: la conclusion de ce nou- vel affrontement sera la bataille d' le 25 octobre 1415. La chevale- rie française est décimée, Martel, seigneur de et Vitars, seigneur de Bours y trouvent la mort. Après l'assassinat de son père Jean sans Peur à Montereau le 10 septembre 1419, son fils Philippe Le Bon s'allie aux Anglais. Il s'installe d'ailleurs bientôt à Hesdin, et les escarmouches sont nombreuses. En 1433-1434, les Français ravagent de nouveau l'Artois. Mais notre région connaît sous les "Bourguignons" un repos et un renouveau agri- cole qui fera regretter les ducs de Bourgogne lorsque le pays retournera à la Couronne de France. En 1472 le nouveau duc de Bourgogne, le Téméraire visite ses états d'Artois. Les années suivantes en 1473 et 1475, les troupes françaises sous les ordres de l'amiral de France , bâtard de Bourbon, ravagent le sud de la Province. Le 5 janvier 1477, à la mort de Charles le Téméraire, Louis XI annexe la Bourgogne et envahit l'Artois. Cette occupation est très mal ressentie par les populations qui sont hostiles à l'envahisseur français. Dès le 29 septembre 1479, les hostilités reprennent: le comte de Romont, lieutenant-général de l'Archiduc prend Lillers, pille la ville et la brûle. Les "franchois" restent bloqués dans la forteresse de Malannoy (à ) et organisent des coups de main dans la campagne environnante pour pourvoir à leur ravitaillement. Le 30 août 1483, à la mort de Louis XI, son successeur Charles VIII ne sait pas garder les territoires conquis et l'empereur Maximi- lien reprend peu à peu l'Artois. Par le traité de Senlis du 23 mai 1493 Aire et Hesdin, encore françaises sont restituées à la Maison d'Autriche. Seule la vil- le de Thérouanne reste une enclave française, une régale, Charles VIII garde en outre sa suzeraineté sur la Province. En 1513 Maximilien d'Autriche s'allie avec Henri VIII d'Angleterre: il s'ensuit une période de guerres conti- nuelles, aggravées par la peste en 1519 et en 1522, et en 1523, le gel des blés qui anéantira les récoltes. L'Artois est ainsi disputé entre le roi de France et la Maison d'Autriche. Il convient de préciser ici, que c'est par le mariage de Marie de Bourgogne (fille de Charles le Téméraire) avec Maximilien que notre province passe sous la tutelle des empereurs d'Autriche (qui possèdent en outre les Pays-Bas et la Flandre). L'Artois passe ensuite à Philippe le Beau, devenu roi de Cas- tille, et à Charles-Quint en 1506. Ce dernier abandonne à son fils Philippe II la souveraineté des Pays-Bas dont l'Artois fait partie à l'époque. En effet, bien que notre Province soit restée jusqu'au traité de Madrid (1526) un fief de la couronne de France, elle passe à cette date sous la pleine souveraineté du roi d'Espagne, et ce n'est qu'en 1659, par le traité des Pyrénées qu'elle réintégrera en partie la Couronne de France. En 1521, la guerre continue entre Charles-Quint et François F'- Ce dernier dirige personnellement les opérations. Le 14 janvier 1526 le traité de Madrid séparant l'Artois du royaume de France régie provisoirement le problème. Mais l'accalmie est de courte durée: les hostilités reprennent en 1536 par le siège de Péronne par les Fran- çais. En mars 1537, François 1er envahit personnellement l'Artois. Le 10 avril il prend Hesdin, puis Saint-Pol qu' il fortifie. Il tient son camp à Pernes, non loin de la frontière avec la Flandre. Ses soudards jettent la terreur dans les petits villages : ils rançonnent, tuent et pillent. Les Français prennent Lillers et Saint-Venant fin avril et s'en retournent. Les incursions de la soldatesque - sont épouvantables pour la population locale. Nous n'avons pas de rensei- gnements précis pour Cauchy, mais certains villages aux alentours dépei- gnent la violence de ces exactions. A Burbure, sur 83 maisons, il ne reste que 30 habitations après le passage de l'armée française. Des paysans sont emmenés comme prisonniers; les autres s'enfuient à Béthune ou en Flandre. Charles-Quint se fait dresser des rapports précis sur la situation des villages sinistrés; le cas de près de nous, est l'exemple des souffrances endurée : Au mois d'août 1536, un ouragan épouvantable ravagea le territoire de Beugin et détruisit toutes les récoltes, non seulement dans ce village, mais encore à Bajus, Diéval, Magnicourt, Frévillers, etc... L'année suivante, les Français séjournant près de là à La comté vinrent enlever à Beugin tout ce qui s'y trouvait, chevaux, bestiaux, grains, fourrages, meubles, jusqu'aux lits des habitants, qui furent forcés d'abandonner leur village. Pendant leur absence qui dura bien 45 à 46 mois, c'est-à-dire jusqu'à la trève, plus de la moitié de leurs maisons furent brûlées, les autres détruites et les matériaux emportés au camp du roi. De 1536 à 1538, durant l'espace de trois ans, les terres restées en riez n'ont rien rapporté. Avant la guerre, on y récoltait chaque année 6 000 à 7 000 gerbes de garin. La moitié des pères de familles, 40 environ, moururent de misère et de maladies (Chronique de Flandre et d'Artois de Louis Brésin). Ainsi les soldats français ratissent les campagnes au plus près de leur camp, puis, la désolation s'installant, font des incursions plus larges. Notre village a certainement été atteint parmi les premiers, compte tenu de sa posi- tion géographique. Les Impériaux reprennent l'offensive et assiègent les Français à Saint-Pol qui sera prise; la plus grande partie de la population sera exterminée avec la garnison, le 20 juin 1537. À Lillers, la garnison française est livrée à elle-même. Le capitaine Martin du Bellay, avec 1 000 hommes de pied et 200 chevau-légers commandés par Pierre de Lalande, n'a pour seule ressource que de battre la campagne pour assurer son ravitaillement. Le 3 mai 1537, François 1er ordonne de détruire Lillers et ses environs. La trêve de Bomy suspend les hostilités dans une région exsangue. En 1542-1543, le duc de Vendôme fait une nouvelle incursion sur Lillers : il reprend Lillers et détruit ses fortifications. Il revient sur ses pas, pille et brûle les villages sur ses pas, dont Burbure. Charles-Quint ému de la misère de ces populations, les dispense des "aides", mais réagit violemment. En 1553, il prend Thé- rouanne, qu'il rase totalement, privant les Français de leur tête de pont dans ses états. Les malheurs de nos paysans ne sont pas terminés pour autant: en 1559, les États d'Artois se plaignent devant l'empereur du comportement des armées et des mercenaires cantonnés dans le pays. En 1556, une vague de protestantisme sème la panique parmi les populations rurales: les "brise- images" (parce qu'ils détruisaient les statues des saints), dévastent les régions de Béthune et Lillers. Au milieu du XVIIe siècle, l'Artois revient définitivement à la France, par le traité des Pyrénées, de 1659. (Sauf les Châ- tellenies de Aire et de Saint-Omer). La région est rattachée à l'intendance de Picardie, Saint-Pol devient le chef-lieu d'une sénéchaussée sous Louis XIV, les villages de l'Ouest sont rattachés au bailliage d'Hesdin et ceux de l'Est à la gouvernance d'Arras, (pour Cauchy en particulier). L'ordonnance du Roi confirme l'existence des États provinciaux composés d'une assemblée des trois états: clergé, noblesse et tiers-état. Notre province est exemptée de l'impôt sur le sel (la gabelle), la contrebande entre le littoral et le reste du pays (le faux-saunage) est active. Elle devait emprunter la route de Cauchy. Cette situation résulte de la guerre de 30 ans, marquée essentiellement dans notre région par la prise de Hesdin par Richelieu (29 juin 1639) et la bataille de Lens du 19 août 1648, qui concrétise le retour de l'Artois à la France. Notre coin d'Artois connaitra encore quelques années difficiles lors de la guerre de succession d'Espagne de 1701 à 1713. Les provinces du Hainaut, des Flandres et l'Artois sont au centre d'un nouveau conflit. Le fait majeur est la prise de Saint-Venant en 1710; les Anglais avec à leur tête le fameux Malborough campent à Bourecq: il y aura certes des incursions, mais elles n'auront pas les conséquences désastreuses des faits guerriers antérieurs. Les souffrances d'une population rurale sacrifiée Que de souffrances, de misères subies par nos villageois artésiens pendant trois siècles! l'essor démographique est interrompu, à la guerre s'ajoutent les famines et la peste. L'Artois panse ses plaies: les campagnes sont dépeu- plées, de nombreux sols, auparavant si fertiles sont en friche, même les héri- tages ne sont plus revendiqués. La population est continuellement en état d'alerte. Jean Juvenal des Ursins en 1433 présente la situation aux états de Blois : ... et pour abréger, les choses ont été tellement depuis trente ans, ou aultre long temps, que ce royaume en est détruit et dépopulé et n'ya pas la dixiesme partie du peuple qui souloit estre... nous veons les trés crueulx et merveilleux flayelz desquez Dieu nous punit en ce royaume, c'est assavoir guerre, famine, mortalité... Guerre, famine, mortalité: les trois calamités qui écorchent une population et dévastent son environnement. La relative prospérité de la période bourgui- gnonne panse difficilement les plaies et l'Artois, étant une zone frontière, la province est insécurisée. Les terres désertées sont envahies par des herbes folles et elles ne sont plus soignées, en 1400 un chroniqueur anonyme en est témoin : ... par la stérilité des terres et les grans gastemens (ravages) et dommages que les connins (lapins) y ont faits, comme par les fourdres du chiel, innun- dacion des yauez (eaux) qui aucunesfois y surviennent en grant abondance (Archives du Nord B. 1867). En 1407 les conditions climatiques sont rigoureuses, le sol reste gelé durant trois mois et les inondations surviennent ensuite. Le coût de la vie augmente à nouveau, si les sources d'alimentation sont rares, le Ternois ne connait pas encore la disette des autres régions. Les villes qui ont accueilli de nombreux réfugiés sans ressources en souffrent le plus. En 1437-1438 la famine s'installe cependant, et le prix des céréales va quadrupler. La peste fait également son apparition, la population ne comprend pas ce fléau et l'attribue le plus souvent à une punition de Dieu. L'hygiène est nulle, les eaux usées stagnent devant les chaumières. Elle apparaît chez nous à quatre reprises: en 1400, 1415, 1438 et 1450-1455, pendant les périodes de disette ou durant les guerres. Souvent elle est précédée de signes précurseurs, une grande mortalité en 1433 par exemple. Mais là aussi les villes sont plus touchées que la campagne. Malgré tous ces malheurs, les maîtres de l'Artois revendiquent le paiement des impôts. Les désastres des guerres successives ont contraint les collecteurs à effectuer des recensements de population pour chiffrer au mieux les sommes pouvant être imposées. Ainsi en 1414 et en 1469, deux états de dénombrement ont été établis dans nos villages. Chaque foyer est dénommé "feux", il comporte donc plusieurs personnes, et cet état ne peut nous fournir la population totale du village pour la période considérée. Précisons immé- diatement que le chiffre pour Cauchy de 1414 n'a pas été retrouvé. En effet une précieuse série de ces documents a été détruite lors de l'incendie des Archives en 1915 (série H, côte H845).

Nombre de feux recensés en 1469 assiette de l'aide en 1414 Lozinghem 3 13 7 livres Maries 9 21 10 livres Ecque 6 20 12 livres 15 sols (entre Maries et Lapugnoy) Labeuvrière 6 70 30 livres Aumerval — 45 14 livres Camblain — 45 12 livres Floringhem — 34 12 livres Pemes — 125 16 livres — 50 32 livres Auchel — 70 16 livres Calonne — 40 12 livres et 5 sols Cauchy — 23 7 livres À la lecture de ce tableau, et en comparaison avec les localités voisines, des renseignements précieux nous sont livrés. Notre village est un des plus petits du secteur (après Lozinghem), il comporte en effet 23 habitations, soit une population approximative d'une centaine d'individus. Leur revenus sont minces: leur imposition totale s'élève pour tout le village à 7 livres, la même somme que Lozinghem, pour une population moins nombreuse. Ce même village de Lozinghem avait à l'époque sollicité une dispense d'aide, en raison des graves dommages de guerre subis par ses paysans. D'autre part, on assis- te à un relèvement de la population entre 1414 et 1469, cela correspond à la période bourguignonne (1384-1477) qui a stabilisé la vie politique et écono- mique du comté de Saint Pol. En 1459-1460, une correction de cette assiette est entreprise. Elle est fixée à 6 sols et 3 deniers par foyer, mais augmentée de 10 sous si le paysan possè- de une charrue. Cette contribution varie de village en village, compte tenu de la richesse de ses sols. Le document pour Cauchy n'a pu être étudié pour les raisons invoquées ci-dessus. Seules les instructions ont été conservées: Advis des commissaires ordonnez par monseigneur le Duc de Bourgogne et de Brabant sur la réduction enqueste et information de l'enqueste des aydes ordinaires des pais et contés d'Artois, Boullogne et Saint-Pol, faite és années 1459 et 1460... Cauchy-à-la-Tour en 1605-1610 Entre 1590 et 1610, une équipe d'aquarellistes conduite par Adrien de Montigny sillonne les villages d'Artois et exécute pour le seigneur Charles de Croy les vues de ses possessions dans tous les terroirs. Les instructions pour notre région, sont précises: Item ung aultre (livre) contenant la descrip- tion des villaiges de la Comté de Sainct-Paul, avecq leurs pourtraictz tirez au naturel (art. 12). Ces vues ne sont pas cependant d'une exactitude absolue: les éléments sont dessinés séparément et regroupés approximativement de façon à tenir sur une seule image. Cela est certainement vrai pour les bourgs importants (Pemes, Saint-Pol) ou les abbayes, mais il est permis de penser que les villages de taille modeste ont été fidélement reproduits. Le but initial est de faire le recensement de toutes les propriétés du noble personnage, ce qui lui permet- tra de revendiquer au mieux les impositions. Cauchy se présente comme un petit groupement d'habitations, de part et d'autre d'un chemin emprunté par un cavalier suivi d'un piéton. Est-ce la Chaussée-Brunehaut? Cette voie coupe le village mais semble passer devant la petite église, qui n'a pas de clocher mais un simple campenard. Le paysage est fait de drèves, de bouquets d'arbres et de plaines dénudées. Nous n'aper- cevons pas de villages voisins. Les habitations sont modestes, une seule émerge du village, derrière l'église. Notre village est ortographié à l'époque "Cauchy à le Tour". L'on sait que les aquarellistes plaçaient parfois des per- sonnages sur ces vues, proportionnellement au nombre des habitants du lieu peint. Hormis les deux voyageurs (qui supposent donc une voie fréquentée), deux "manants" sont visibles près de la première chaumière. La population de Cauchy à l'époque ne devait pas être très importante. D'une façon générale, et en prenant nos références auprès des vues des vil- lages voisins, le paysage n'est pas tellement différent de celui de Cauchy. Le bourg le plus important est Pemes avec un beffroi, des forteresses sont enco- re debout: Malannoy, , , Lillers. À Cauchy, il n'y a pas de tour, par contre les châteaux de Bailleul-Iez-Perues, Bours et Camblain-Châ- telain sont bien représentés. Celui d'Amettes est en ruine, mais l'église de ce village possède une grosse tour alors que les autres villages plus pauvres ne disposent que d'un campenard à l'entrée de l'église au chœur plus bas que la nef. Le bois de Camblain a les mêmes dimensions qu'aujourd'hui, la cam- pagne cauchoise est bien ouverte aux cultures. On va à pied évidemment ou à cheval. Les transports se font par portage, les voitures attelées sont peu nom- breuses. Les sacs de blé, les paniers et les gluis (bottes de paille destinées à faire des liens ou du chaume) sont portés le plus souvent sur la tête. Cauchy-à-la-Tour en 1605-1610 (400 vues des villages d'Artois, Roger Berger et Raymond Dubois). Mémoires de la C.D.M.H. du Pas-de-Calais, Tome XL, 1960. (Photo Ph. Vincent). Edité par l'Association Historique et Archéologique Auchelloise

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