UNIVERSITÉ D’ANTANANARIVO

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

Département d’Études Culturelles

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme de

Maîtrise en Anthropologie Sociale et Culturelle

DE L’INTERPRÉTATION EMIQUE DU RITUEL DE

FAÑOKOARAÑA , LES SECONDES FUNÉRAILLES, CHEZ LES ZAFIRABAY D'ANDRANOFOTSY (DU FOND DE

L’ACTUEL BAIE DE MANGABE)

Présenté par :

Monsieur ANDRIAMBOLOLONA Eric Rabeony

Tél. (+261) 032 44 012 75 Courriel. [email protected]

Président du jury : Monsieur RAFOLO ANDRIANAIVOARIVONY, Professeur

Juge : Monsieur RAZAFIMAHEFA, Maître de Conférences

Rapporteur : Monsieur RAMAMBAZAFY RALAINONY Jacques, Professeur titulaire

Soutenu le 10 avril 2013

0

UNIVERSITÉ D’ANTANANARIVO

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

Département d’Études Culturelles

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme de

Maîtrise en Anthropologie Sociale et Culturelle

DE L’INTERPRÉTATION EMIQUE DU RITUEL DE

FAÑOKOARAÑA , LES SECONDES FUNÉRAILLES, CHEZ LES ZAFIRABAY D'ANDRANOFOTSY (DU FOND DE

L’ACTUEL BAIE DE MANGABE)

Présenté par :

Monsieur ANDRIAMBOLOLONA Eric Rabeony

Tél. (+261) 32 44 012 75 Courriel. [email protected]

Président du jury : Monsieur RAFOLO ANDRIANAIVOARIVONY, Professeur

Juge : Monsieur RAZAFIMAHEFA, Maître de Conférences

Rapporteur : Monsieur RAMAMBAZAFY RALAINONY Jacques, Professeur titulaire

Soutenu le 10 avril 2013

1

Dédicaces

A la mémoire de ma

mère, ce mémoire, elle

qui, sans cesse, gardait

toutes ces choses en son

cœur.

2

SOMMAIRE

SOMMAIRE ...... 1

REMERCIEMENT ...... 4

INTRODUCTION ...... 5

PARTIE I. METHODOLOGIE ET PRESENTATION HISTORIQUE DU TERRAIN ...... 11

INTRODUCTION ...... 11

Chapitre 1 : PRÉSENTATION HISTORIQUE DU TERRAIN ...... 12

I-1. LES ZAFIRABAY ET LA BAIE D'ANTONGIL ...... 12

I-1.1. Sur les origines des Zafirabay ...... 13

I-1.2. Sur l’identité des Zafirabay ...... 15

I-2. ORGANISATION SOCIALE DES ZAFIRABAY D’ANDRANOFÔTSY ...... 16

I-2.1. Mpiambinjiny : le maître de cérémonie ...... 16

I-2.2. Les instruments de musique ...... 18

I-2.3. Andrômahitso, le tombeau à recrutement indifférencié ...... 19

I-2.4. Les lieux sacrés ...... 21

Chapitre 2. METHODOLOGIE DE LA COLLECTE DES DONNÉES ...... 23

II-1. LE TERRAIN A PROPREMENT PARLER ...... 23

II-1. 1. De l’Anthropologie indigène ...... 23

II- 1.2. Entretiens libres ...... 26

II-1.3. Observation participante ...... 26

II-2. LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE ...... 27

II-2.1. La revue de la littérature ...... 27

II-2.2. Les sites web ...... 28

II-2.3. Restitution écrite du corpus ...... 28

CONCLUSION PARTIELLE ...... 29

PARTIE II. ETHNOGRAPHIE DU FAÑOKOARAÑA ...... 30

1

INTRIDUCTION ...... 30

Chapitre 3. LES PRÉPARATIFS OU FIKARAKARAÑA ...... 31

III-1. LES RÔLES DE LA FAMILLE ORGANISATRICE ...... 31

III-1. 1. Fañatoroaña ou l’invitation ...... 31

III-1. 2. Construction de hazovato « cercueil-en-pierre » ...... 32

III-2. LES TACHES COLLECTIVES ...... 33

III-2. 1. La collecte des bois à brûler ...... 34

III-2. 2. Décorticage du paddy ...... 35

III-2. 3. Fangariñana, la fabrication de betsa, boisson ancestrale ...... 37

Chapitre 4. LE RITUEL FAÑOKOARAÑA ...... 40

IV-1. LA RÉCEPTION ...... 40

IV-1. 1. La perception de tatibato, le don des hôtes ...... 40

IV-1. 2. Tsimandrimandry, la « veillée » festive ...... 41

IV-2. LE FAÑOKOARAÑA PROPREMENT DIT ...... 47

IV-2. 1. Abattage de zébus ...... 47

IV-2. 2. Le cortège vers « Andrômahitso » ...... 47

IV-2. 3. Le fitsimponaña, le ramassage des ossements...... 53

IV-3. LA PHASE FINALE ...... 55

IV-3. 1. Le banquet ou « mantera omañ’azy » ...... 55

IV-3. 2. Le remerciement pour la clôture ...... 57

Conclusion partielle ...... 59

Partie III. INTERPRÉTATIONS ET ANALYSES ...... 60

INTRODUCTION ...... 60

Chapitre 5. FAÑOKOARAÑA , LE RITUEL INTÉGRATEUR ET IDENTITAIRE ...... 61

V-1. INTÉGRATION DU DÉFUNT DANS LE MONDE DES ANCETRES ...... 61

V-1. 1. Du tsaboraha au fañokoaraña ...... 61

2

V-1.2. En quoi consiste le fañokoaraña ici ? ...... 64

V-2. FAÑOKOARAÑA , UN RITE IDENTITAIRE ...... 66

V-2. 1. Les biens identitaires ...... 66

Chapitre 6. FAÑOKOARAÑA , POUR SOCIALISER LES DIFFERENDS STRUCTURAUX ...... 73

VI-1. LES ENJEUX DES BIENS STRUCTURAUX ...... 73

VI-1. 1. La dyade vazaha/gasy « étranger/autochtone » ...... 73

VI-1. 2. Plaisanterie entre l’oncle maternel et nièce utérine...... 75

VI-2. L’INTERDICTION DE L’INCESTE ...... 76

VI-2. 1. Évitement entre rafozaña/vinanto ...... 77

VI-2. 2. Lo amböra, la levée de l’inceste ...... 79

CONCLUSION PARTIELLE ...... 80

CONCLUSION GÉNÉRALE...... 81

BIBLIOGRAPHIE ...... 85

RESUME ...... 90

MOTS-CLES ...... 90

FAMINTINANA ...... 91

TENY VOAFANTINA ...... 91

SUMMARY ...... 92

KEYS WORDS ...... 92

GLOSSAIRE ...... 93

TERMINOLOGIE DE PARENTE ZAFIRABAY ...... 95

ANNEXES ...... 99

TABLE DES MATIERES ...... 103

3

REMERCIEMENT

Ce travail ressemble à un fangariñam-bato « pressoir-en-rocher », une seule personne ne peut pas le faire rouler (tsy vavadik’ôlon-tôkaña) . En effet, j’adresse particulièrement mes vifs remerciements à :

 Mon rapporteur, Professeur RAMAMBAZAFY-RALAINONY Jacques,

puisqu’en dépit de ses multiples occupations, il a toujours manifesté sa

volonté de m’orienter jusqu’à l’achèvement de ce travail.

 Ces chercheurs de renom suivants, qui ont inoculé le virus de

l’Ethnologie et d’un travail scientifique à moi : Adolphe Rahamefy, Elie

Rajaonarison, Nöel Jacques Gueunier, Thomas Mouzard, Solo

Raharinjanahary. Leurs contributions sont exemptes des imperfections.

 Toutes les personnes qui ont répondu patiemment et généreusement à mes

questions en particulier : Les sœurs de Rolland ; Mr Besidy, le

Mpiambinjiny en exercice ; Tokilahy Jean François ; Mr Totomainty et

Cassam Aly.

 Au corps enseignant de l’UFR-Anthropologie sociale et culturelle du

Département des Études Culturelles (FLSH-Université d’Antananarivo).

 Mon épouse et mes enfants

4

INTRODUCTION

Objet de la recherche

Vers le milieu de la première moitié du XVIIIe siècle, dans la Baie d’Antongil 1 (l’actuel Baie de Mangabe), la plus grande échancrure de la côte orientale de , située au nord-est, on assistait à l’entrée triomphante d’un nouveau groupe de conquérants. Alors que les Sambarivo occupaient déjà les plaines alluvionnaires du fleuve d’Antaiñambalana ; les Antandovoko exploitaient celles du bas-Andranofôtsy, l’Ankiaka d’antan. Ces nouveaux conquérants n’étaient autres que les Zafirabay « Petits-fils-de- Rabay ». N’ayant pas pu résister aux luttes armées menées par les Zafirabay, des guerriers confirmés, les Sambarivo et les Antandovoka finissaient par céder respectivement les plaines alluvionnaires du fleuve d’Antaiñambalana, et celles du bas-Andranofôtsy. Arrivés au fond de la baie d’Antongil, ces guerriers venant de la partie du nord-ouest se segmentaient en deux. Il y avait un groupe qui occupait le long d’Antaiñambalana, dont le Filohabe « Grand-chef » résidait à Ambatomasina (qui deviendra plus tard Maroantsetra) et un autre allait résider dans la partie basse du fleuve Andranofôtsy.

C'est sur ces Zafirabay qui occupaient le bas-Andranofôtsy que cette présente étude va porter. En 2004, alors que j'assistais à la cérémonie de fañokoaraña célébrée pour Martin Malo 2, décédé en 1999, que l’envie de mener une étude sur ce rituel du fañokoaraña chez les Zafirabay d’Andranofôtsy est née. Martin Malo était le zama « oncle maternel » de ma propre mère. Par la suite, j'ai été admis en Unité de Formation et de Recherche (UFR) Anthropologie Sociale et Culturelle (Département d’Études Culturelles) au sein de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines d'Antananarivo en 2008, et l'occasion d'approfondir ce sujet s'est ainsi présentée.

Qui plus est, l’impératif de la discipline ne m’a pas accordé beaucoup d’options. Voici en substance cet impératif selon Cresswell et Godelier : « Il faut en parler la langue ( de la société étudiée) . Plus exactement, il faut comprendre et se faire comprendre […] En outre, la connaissance de la langue permet de mieux saisir, les tenants et aboutissants de la toile d’araignée dans laquelle est pris l’anthropologue » (1976 : 55). Pour emprunter l’expression d’Evans-Pritchard, « tout anthropologue digne de ce nom » doit s’astreindre à cela.

1En application de la loi du décret n° 2001-263 du 2 8/03/01 régissant la liste des noms normalisés à utiliser, la Baie d'Antongil devient « Helodrano'ny Mangabe » ou « Baie de Mangabe

2 Martin Malo était le cadet des trois enfants de Robert Malo (informateur de Petit, en 1967), et le petit frère de Marthe Tsiorina (ma grand-mère maternelle ou dady ) et de Marie Jeanne. Voir les détails de la généalogie de Rolland.

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Il s'est trouvé qu'une autre cérémonie du même genre a eu lieu dans la même famille en novembre 2008, en l’honneur de Rolland Benoît, décédé en 2001, le petit-fils de Martin Malo. C'est cette dernière cérémonie de fañokoaraña que j'ai observée et décrite dans ce mémoire.

Le rituel qui fait l'objet de notre étude est connu sous le nom de fañokoaraña , et en général dans la région de Marantsetry (Maroantsetra) et même plus largement dans le nord- est du pays (comme , ). Ce mot est le nom d'action correspondant au verbe mañôkatra qui signifie : « déterrer (quelque chose qu'on avait enterré), sortir de terre (quelque chose qu'on y avait mis) ». Le verbe peut être appliqué par exemple aux bananes qu'on a enterrées encore vertes pour les faire mûrir, et qu'on retire (au passif okoariñy ) du trou quand elles sont mûres. En un sens figuré, on l'applique aussi à la réapparition à la surface d'un matériel ou objet qui n'a pas été utilisé depuis longtemps. C'est ainsi qu’on dit mañôkatra angady « réutiliser une bêche », c'est-à-dire, la remettre de nouveau en état de marche, après quelque période d'inactivité. Niôkatra aussi désigne une embellie du point de vue économique d’un individu ou d’une famille. Appliqué au corps d'un défunt qu'on retire du tombeau, le nom fañokoaraña est donc exactement traduit par le français « exhumation ».

Les Antimaroa (les gens de Maroantsetra) utilisent indifféremment pour désigner le rituel de fañokoaraña les vocables suivants : famadihaña (transposition du rituel de famadihana en Imerina), fañamboaraña « réparation » ou « réhabilitation » et tsaboraha 1. Mais il y a lieu de nuancer que tsaboraha est un nom générique de tous les rituels des évènements heureux en l’honneur des ancêtres. Il peut être fañokoaraña, tsakafara ou rituel d’accomplissement des vœux…

Revue de la littérature

Les rites funéraires, en général, ont déjà fait couler beaucoup d’encre dans la littérature anthropologique. Parmi les travaux les plus remarquables, on ne peut pas se passer de la contribution d’un certain Arnold Van Gennep, selon lequel, il existe une incompatibilité entre le monde profane et le monde sacré. Ainsi « la vie individuelle, quel que soit le type de société, consiste à passer successivement d’un âge à un autre et d’une occupation à une autre » (1991 : 13). La mort n’est autre pour lui que le passage entre le monde profane vers un autre sacré. A proprement parler, les rites funéraires n’indiquent rien

1 Voir aussi NDROVA , Patrice, AUBERT , Jean-Marie : 1977. “Tsaboraha isan-karazany ao Fasina, faritanin'i Mananara Avaratra, tahirin-kevitra nangonin'i Ndrova Patrice ary atolotr'i Jean-Marie Aubert”, Aspects du Christianisme à Madagascar, 16 (5), 162 p.

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d’autres que la socialisation du passage d’un être humain à un être divino-ancestral. Du coup, ils comportent des rites de séparations, rites de marge et rites d’agrégation (p.14.)

A Madagascar, au crépuscule des années 1960, le sociologue malgache Rajaoson François a apporté une dimension sociologique au rituel de famadihana, les secondes funérailles dans les Hautes-Terres centrales de Madagascar. Sur l’essence du rite, Rajaoson a précisé que la « condition nécessaire et suffisante pour qu’une cérémonie puisse être appelée Famadihana, à savoir l’enveloppement des faty maina dans de nouveaux linceuls » (1969 : 28). Quant à la dimension économique de ce rituel, il a mentionné que cette pratique « est un frein dans l’évolution économique de la société » (p. 150) même si elle génère des emplois comme le tissage de lambamena . Ses arguments partent du coût du rituel qui « pèse dans le budget des ménages organisateurs » (p.147) jusqu’à l’ampleur du don offert par chacun des invités en passant par le « coût des journées chômées pendant le Famadihana » (p. 149).

Deux ans après le sociologue Rajaoson, un maillon issu de la lignée de Van Gennep a essayé de mener une étude dans un village d’Ambatomanohina (Antananarivo) “to examine the rites de passage in Imerina » (Bloch, 1971 : 138) . Il s’appelle Maurice Bloch. Il a pu constater que, chez les Merina du village d’Ambatomanohina, les funérailles se font en deux étapes: « The funeral which occurs very soon after death and the ceremony called famadihana , which occurs at least two years afterwards. » (p.138.). Selon les propos de cet anthropologue d’outre-Manche, le famadihana se conçoit comme des « secondes funérailles ». Les premières funérailles, « qui se font immédiatement après la mort » ne concernent que la communauté dans laquelle le défunt avait vécu. Quant aux secondes funérailles ou le famadihana (effectué deux ans après les premières) , elles convient les membres de famille dispersés, qui ont été parfois absents lors des premières funérailles. Une autre perspective s’offre donc à nous. Elle ne s’oppose pas forcément aux rites de passage. Van Gennep lui-même, l’avait reconnue en disant : « Je suis sans doute loin de prétendre que tous les rites de naissance, de l’initiation, du mariage, etc., ne sont que des rites de passage » (Van Gennep, 1991 : 15).

L’anthropologue et surtout philosophe Mangalaza (1998) a trouvé dans les secondes funérailles, famadihana, l’expression des Betsimisaraka du Nord (Manañara, Maroantsetra et Antalaha) de mener une vengeance contre l’imprévisibilité de la mort. Puisque l’Homme n’est que la « poule de Dieu » ( akôhon-jañahary). Il s’agit d’un adage betsimisaraka prononcé par Tsimanitrandro, vieux sage du village d’Antanetibe et reproduit par Mangalaza (1998) : Atsika ôlombeloño akôhon-jañahary : izy tômpiny foaña mahay ny andro hangalany azy.

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Mangalaza l’a traduit en « Nous les humains, nous sommes tous comme les poules de Dieu : lui seul sait le jour quand il viendra nous enlever les uns après les autres ».

De ce fait, l’Homme ne peut pas aller en l’encontre de la décision divine qui le somme de quitter les vivants, à l’image de la décision du propriétaire d’un poulailler de manger une de ces poules, contre le gré de cette dernière. En prenant l’Homme au dépourvu, la mort provoque des désordres au sein des parents vivants du défunt. Il s’agit de la « mort surprise ». Voulant engager une contre-offensive à « la mort surprise », la communauté des vivants, en général, et les parents du défunt, en particulier, font preuve d’une force vitale pour organiser « la mort reprise », les secondes funérailles. Si lors de la première mort, dans l’incapacité de l’infirmer, la famille pleure à chaudes larmes ; durant les secondes funérailles, la cérémonie sera transformée en festivité sans égale.

Problématique du travail

La précédente revue de la littérature anthropologique constitue la pierre angulaire de la problématique qui suit : Où est-ce que cette famille organisatrice compte récupérer ce qu’elle a perdu lors du fañokoaraña ? Pourquoi elle ne se sent jamais déficitaire en organisant ce rituel d’une telle envergure ? Bref, comment les Zafirabay d’Andranofôtsy apprécient-ils le fañokoaraña ? C’est en ces termes que la problématique va se poser. Comme Rajaoson, Bloch aussi a posé la même question: “ It is surprising how difficult it is to get a clear answer as to why a particular famadihana is being held. I was often told by people, who had spent huge sums (on a famadihana that they did not know why the ceremony was performed. More commonly, I was often told what amounts to much the same namely , that this was a custom of the ancestors and so it was right. For some kinds of famadihana, however, a clear answer is giving”. (Bloch, 1971: 161)

Nous chercherons à répondre à cette question selon les points de vue des Zafindrabay d’Andranofôtsy. Etant donné que le but final des chercheurs en Anthropologie « est de saisir le point de vue de l’indigène, ses rapports avec la vie, de comprendre sa vision de son monde » (Malinowski, 1963 : 81) . Pour ce faire alors, la présente approche sera centrée « sur des recueils de significations culturelles autochtones, liées au point de vue des acteurs » (Sardane, 2000 : 153 ). Il s’agit de l’approche émique à l’opposé des interprétations savantes dites etic lequel « repose sur des observations externes indépendantes des significations données, portées par des acteurs et relève d’une observation quasi éthologique des comportements humains » (Sardane, 2000 : 153). Mais les représentations émiques n’annulent, en aucun cas, les interprétations du chercheur. Puisque « l'anthropologue est donc tenu à une opération de traduction supplémentaire. Or, toute traduction est évidemment interprétation. Et il s'agit bien pour une part d'une

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interprétation ex post, d'une interprétation sur l'émique, sur des données discursives déjà produites et fixées » (Sardane, 2000 :164).

Théorie

Pour parfaire l’observation, le chercheur a besoin d’une théorie quelconque sinon il lui serait impossible de combiner des observations isolées et les faits resteraient inaperçus sous ses yeux. Ainsi, pour pouvoir découvrir le sens de fañokoaraña, chez les Zafirabay d’Andranofôtsy, j’ai adopté la théorie structuraliste, « une théorie selon laquelle l'être humain ne peut être appréhendé qu'à travers un réseau de relations symboliques qui sont autant de structures auxquelles il participe sans en être conscient »1. Plus précise encore, cette théorie explique la subordination de l’individu par rapport au groupe comme l’a annoncé Lévi- Strauss, son précurseur : « le groupe choisit les individus plutôt que le contraire » (Lévi- Strauss, 1984 : 223). C’est une rupture avec le credo en la liberté individuelle prôné par les philosophes tels Sartre, Levinas... Cette prééminence du groupe ordonne, à mon avis, l’individu en tant que membre d’un groupe précis, de se conformer à ses exigences pour pouvoir en jouir des droits qui en découlent. Dans le cas contraire, l’individu se fourvoie sans être frappé d’exclusion (tsy narian’ôlo fô nañary teña ), comme disent les Antimaroa.

Hypothèse de travail

D’une part, dans la conception des Zafirabay d’Andranofôtsy, toute vie qui marche à merveille est l’œuvre de l’assistance que les ancêtres accordent à leurs descendants respectifs. En effet, lorsqu’un membre de famille est décédé, les vivants les plus proches de lui (parents, enfants, frères et sœurs) tâchent de tout faire pour que celui-ci devienne un ancêtre qui veillera sur eux. Cela se réalise par le biais du rituel qui est le fañokoaraña ou secondes funérailles . Dès lors, l’ancêtre assurera, en contrepartie, la prospérité (santé, économie…) des siens. Par contre, une omission infligera aux parents proches des châtiments.

D’autre part, les vivants qui réalisent ce rituel auront donc droit à la part d’héritages léguée par cet ancêtre. Tout cela s’inscrit, donc, dans la perspective ancêtre-héritages (tombeau et terroirs) qui s’avère d’abord identitaire et, ensuite, économique. Compte tenu de ce que les terroirs comme le tombeau constituent une propriété identitaire, l’occupation étrangère y serait donc inadmissible. Cette transmission se fait, en principe, de génération en génération entre les descendants d’un ancêtre (si descendants il y a) qui se sont acquittés de leurs devoirs. L’accès au tombeau implique donc accès aux héritages. Dès son

1 Paoli, interviewé par le journal Le Monde , le 03 novembre 2009

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vivant, un individu Zafirabay cherche à s’affilier au minimum à un tombeau d’abord, et l’accès aux biens fonciers (et parfois au troupeau de zébus) s’ensuivra, car il est interdit d’hériter d’un vivant.

Plan

Le présent travail va ainsi évoluer en trois titres majeurs. En premier, il convient de détailler d’abord la méthodologie que j’ai adoptée pour réaliser ce travail. Dans la foulée, la présentation du groupe Zafirabay qui va faire l’objet de cette étude, car il s’agit d’une « région mal connue des ethnologues » comme l’a indiquée Mouzard dans son introduction (Mouzard, 2003). En second lieu, je vais entrer dans le vif du sujet où je tâcherai de décrire le fañokoaraña tel qu’il a été pratiqué en l’honneur de Rolland Benoît. Ainsi, le dernier va-t-il détailler les relations des vivants au cours de la réalisation du rituel. L’analyse, comme l’interprétation des jeux sociaux lors d’une telle cérémonie, constituera la clé de voûte de la relation que les Zafirabay d’Andranofôtsy entretiennent avec leurs ancêtres. À vrai dire, par le biais de l’analyse et interprétation des données ethnographiques récoltées à Andranofôtsy, je vais essayer d’extraire les soubassements économiques de ce rituel.

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PARTIE I. METHODOLOGIE ET PRESENTATION HISTORIQUE DU TERRAIN

Introduction

Par définition, le terrain d’étude définit le cadre spatial et humain dans lequel se déroule la collecte des données primaires. Dans cette occurrence, les Zafirabay d’Andranofôtsy constituent notre centre d’intérêt. Cette partie tâche dans un premier temps d’identifier les Zafindrabay d’Andranofôtsy de par leur passé et leur organisation sociale et les influences de leur territoire hospitalier sur leur organisation. Dans un second temps, elle apporte des indications sur les aspects méthodologiques nous permettant de concevoir et surtout de finaliser ce présent travail. Elle comporte, à juste titre, deux chapitres :

• Présentation historique du terrain

• Méthodologie de la collecte des données.

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Chapitre 1 : PRÉSENTATION HISTORIQUE DU TERRAIN

Dans ce travail, il ne s’agit pas de refaire l’histoire de la baie d’Antongil. Cette partie va plutôt consister à partir de ces temps anciens pour mieux comprendre le présent des Zafirabay d’Andranofôtsy. Les raisons en sont :

D’abord, puisque « c’est la structure même des faits sociaux qui me semblent produire les situations historiques,… » (Baré, 1980 : 4). Ensuite, « (…) d’une part, parce que les événements historiques sont souvent la cause d’une certaine érosion sociale qui explique des phénomènes de mutation ou de transformation des systèmes d’organisation ; d’autre part, parce que les formes actuelles des formes du pouvoir régional sont, sinon des transpositions des anciennes catégories politiques, tout au moins les produits d’une idéologie qui servit la cause du pouvoir souverain durant la période dynastique » (Sophie Goedefroit, 1998 : 22).

I-1. LES ZAFIRABAY ET LA BAIE D'ANTONGIL

Depuis l’aube du N XVIIe siècle, les Européens Antalaha # fréquentèrent déjà l’actuelle Maroantsetra Baie de Mangabe (à l’époque, # elle s’appelait encore Baie 0 250 500 Kilometers Mananara d’Antongil). Du point de vue # administratif, au fond de cette

Soanierana Ivongo baie, la ville de Maroansetra # ANTALAHA Fenoarivo Atsinanana (dénomination officielle ou # MAROANTSETRA

Marantsetry (toponyme local) Andranofotsy 0 25Kilometers Anjanazana Anjahana # Maroantsetra # # # # Mahalevona est le chef-lieu du District. À Ankofabe #

Voloina # # Ambanizana son état actuel, Maroantsetra Rantabe #

constitue le District le plus Anandrivola # Helodranon' septentrional de la région Antongil # Mari-bolana Manambolosy # Cap Masoala # Tanana # Faritra Analanjirofo Ambodiampana d’Añalanjirôfo. Marantsetry Mananara # Distrika # Imorona Kaominina manamorona ny Helodrano Cap Belona Helodranon'Antongil vient de deux mots : maro MANANARA AVARATRA (beaucoup, abondant) et Source : BD 500 FTM, CI, ANGAP, W CS Réalisation : W CS Antongil Bay Seascape Project 0 25 50Kilometers antsetry , selon Totomainty, Octobre 2008 ancienne appellation de sabôha « sagaie ». Source: WCS Makira . (Situation Géographique de Maroantsetra)

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D’après Abinal et Malzac, antsetra se traduit en « sagaie », « lance ». Marantsetry signifie littéralement donc « là-où-il-y-a-beaucoup-de-sagaies ». Les autochtones selon la description reprise par Grandidier : « …allant à la guerre, ayant un grand écu des bois auquel est en haut un trou cannelé afin de pouvoir librement voir par iceluy. C’est un peuple robuste et bien fermé. Leurs armes sont telles les javelines longues deux brasses, avec un large fer émoulu » (Grandidier, 1903 : 202). A fortiori, les sagaies formaient donc des armes portatives des Antimaroa à l’époque. Vers la deuxième moitié du 18e siècle, Mayeur témoigne « ils n’ont point quitté la sagaie pour l’arme à feu que nous avons apportée. Le fusil, disent-ils, est sujet à rater et l’humidité gâte la poudre » (Froberville, 1921 : 97).

Au milieu de la première moitié du XVIIIe siècle de notre ère, la baie d’Antongil vit entrer une puissance étrangère connue sous le nom des Zafirabay.

I-1-1. Sur les origines des Zafirabay

L’histoire commence avec Fanambony, fils d’Andriamandisoarivo. À la tête des guerriers essentiellement sakalava, il s’aventura pour traverser le massif montagneux de Makira, séparant Marantsetry et les pays Tsimihety où il amassa des esclaves essentiellement Tsimihety, pour atteindre la plaine de Marantsetry, sans y avoir mis le cap. Sur ce, l’archéologue Rafolo Andrianaivoarivony (1985) a expliqué la récente présence tsimihety à Maroantsetra par le fait que leurs ascendants y émigraient. Il est fort probable que cette servilité fût la première plus importante émigration tsimihety vers la Baie d’Antongil.

En ce qui concerne Fanambony, Besidy réitère que les Zafirabay maintiennent encore l’interdiction de « aomby bory » ( zébu sans cornes) en l’honneur de Fanambony. La tradition orale précise qu’il avait une dent dès sa naissance (nisy nify laitry mböla hely ). Ce que le devin interprète comme un mauvais augure. Le roi décrète alors sa mise à mort. Heureusement pour lui, car les sujets, ne voulant pas exécuter cet ordre, s’en prennent au « zébu sans cornes » ( aomby bory ). Ils souillèrent avec le sang de ce ruminant les vêtements de cet enfant. Ces vêtements souillés tiennent lieu de témoin de l’exécution du sacrifice. D’où cette interdiction alimentaire. C’est ainsi que Fanambony doit se séparer de ses parents tout en choisissant volontairement de partir sans laisser des traces.

A l’instar des Zafindrabay de la baie d’Antongil, des Antakarana d’Ambatoaranana et des Tsimihety d’, cette anomalie de dent, qui était considérée comme un mauvais augure, constitue le caractère distinctif des héros de ceux qui révendiquent l’appartenance aux Zafinifôtsy. Les légendes de ces trois groupes y trouvent leur motif commun. Selon les Antakarana, à partir des informations fournies par Cassam Aly lors de notre entretien direct, elle concerne Maniterakala, fils de Löza. Ce dernier étant le frère de Tsimanato. Quant aux

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Tsimihety d’Andapa () : « Les incisives de Rasangongo (un des quatre fils de Ndrianaina) poussaient en avant de celle des mâchoires inférieures », (ENGEL 2008 :63). Les trois groupes réclament d’ailleurs leur appartenance aux Zafinifôtsy.

Sur l’origine des Zafirabay, Petit (1967) a pu interroger des gens comme Robert Malo lequel avait précisé que le lieu de départ avait lieu dans le cours aval de Bemarivo, de la partie nord-ouest de l’Ile. Cette hypothèse selon laquelle les Zafirabay tirent leur origine de la partie nord-ouest de Madagascar s’avère plausible. Puisque Bemarivo puise sa source au massif montagneux de Tsaratanana (), pour se déverser dans le canal de Mozambique. Sur le versant est de ce massif, des affluents d’Antaiñambalana y prennent leur source. En remontant Bemarivo, les protecteurs de Fanambony auraient atteint un des affluents d’Antaiñambalana, qui les mènerait jusque dans la baie d’Antongil.

Vraisemblablement, la cavale avait duré quelques années voire même quelques décennies. Puisqu’à leur arrivée dans la baie d’Antongil, il devenait de plus en plus vieux. C’est ainsi qu’il confiait à son fils Rabay et à un certain Rabôndro, d’achèver la pacification du territoire nouvellement conquis (Petit, 1967). A vrai dire, Rabay fut à l’origine du groupe apical Zafirabay « Petits-fils-de-Rabay ». Il régna dans les vallées d’Antaiñambalana dont la capitale était Ambatomasina ; Rabôndro, quant à lui, alla former une autre dynastie à Andranofôtsy.

Les Zafirabay qui résident à Ambatomasina, prennent le nom de Mila tsara . Ils dominaient la vallée d’Antaiñambalana, d’Ambatomasina à Santaha. Les hameaux, longeant ce fleuve (Ankafy, Talañaro, Ankôfa…) avaient été fédérés en chefferies. Le Filohabe « Grand-Chef » résidait à Ambatomasina (actuel Marantsetry). Les plaines alluvionnaires de la basse Andranofôtsy étaient sous tutelle de l’autre branche des Zafirabay avec comme fief le village d’Andranofôtsy.

L’arrivée des soldats de Radama I en 1823 à Maroantsetra pour asseoir le Fanjakaña Merina (royauté merina), tel qu’il a été recommandé par Andrianampoinimerina, son père, a affaibli l’hégémonie des Zafindrabay. D’après Toto Tsiadino Chaplain, la dynastie de Zafindrabay d’Ambatomasina a contracté un pacte de sang à Radama I. Celle d’Andranofôtsy, néanmoins, a mené une résistance et fini par être dissoute (Toto, 2005). Mais, les Zafindrabay assistaient l’Administration merina avant l’arrivée des Français en 1896. En cette année, une nouvelle donne politique s’émerge. Le Fanjakaña merina fut contraint de céder le trône au Français.

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I-1-2. Sur l’identité des Zafirabay

Les Zafirabay occupent géographiquement le territoire Betsimisaraka, tout en revendiquant leur appartenance à la lignée des Zafinifôtsy .

I-1-2-1 Dans le territoire des Betsimisaraka

L’histoire officielle retient que le nom Betsimisaraka fut l’œuvre de Ratsimilaho dans son projet d’unification de la côte est pour devenir Ramaromanompo. Mais cette tentative ne dépasse pas le plan politique. Sur ce, Bloch avance : « le terme BETSIMISARAKA se réfère non à l’unité culturelle, à une ligne politique temporaire au 18e siècle » (Bloch, 2001 : 50). Ce qui n’était pas le cas des Merina et des Sakalava…À l’intérieur du territoire des Betsimisaraka, chaque groupe agit avec autonomie, tout en restant membre de la confédération. Marantsetry appartient à l’unité politique des Betsimisaraka. D’ailleurs, les Zafirabay n’ayant jamais nié leur appartenance au groupe appelé Betsimisaraka, le rappellent souvent lors de rassemblement d’ordre social, en disant que atsika ty betsimisaraka, tsy misara-draha mañano « nous sommes des betsimisaraka, nous ne nous séparons jamais en toute circonstance ». Ainsi, vers 1930, Pont, un Administrateur en chef des Colonies officiant à Maroantsetra, avait fait cette remarque : « en désignant une personne, les Zafirabay ne disent jamais « olona » en respect de la mémoire de Raholona ; ils l’appellent « Besaraka » et s’il s’agit d’un Européen, ils disent « Besaraka vazaha » (Pont 1930 : 187 ). Actuellement, ces expressions sont tombées en désuétude. Ceci étant, les Zafirabay sont des Betsimisaraka à part entière.

I-1-2-2 Revendication Zafinifôtsy « Petits-fils-de-Blanche »

Par ailleurs, les anciens des Zafirabay se rappellent d’un mythe selon lequel ils sont issus Andriambolafôtsy « Seigneur-de-l’Argent » (frère d’Andriambolamena « Seigneur-de-l’Or ») au même titre que les Antakarana d’Ambatoaranana (). Si légendaire soit cette histoire, cette appartenance aux « Petits-fils-de-l’Argent » (Zafimbolafôtsy), laisse des traces indélébiles chez les Zafirabay. La dénomination d’Andranofôtsy « A-l’eau-blanche » n’y était pas anodin.

La tradition orale retient qu’il fut un jour où une femme nommée Fôtsy « Blanche » se noya dans ce fleuve, alors que le village s’appelait encore Ankiaka. Un peu plus tard, le village acquierra le nom d’Andranofôtsy « A-l’eau-blanche». Il abritait le groupe des Zafirabay qui fera l’objet de cette étude.

Bref, en ce qui concerne les Zafimbölamena « Petits-fils-de-l’Or » (Zafinimena « Petits- fils-de-Rouge ») et les Zafimbölafotsy « Petits-fils-de-l’Argent » (Zafinifotsy « Petits-fils-de- Blanche), à Sophie Goedefroit d’expliquer : « Les enfants du roi régnant, nés de sa première

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épouse (valy be), sont appelés “seigneurs de l’or” (andriambola-mena). Ils appartiennent à la lignée des aînés dans laquelle se transmet par primogéniture et selon une forte idéologie agnatique, la charge suprême. Ils sont destinés à former un des chaînons généalogiques qui relie, par toute une série d’ancêtres mâles, le dernier souverain régnant à Dieu-Zanahary » (Goedefroit 1998 : 97). Alors que «…nés des épouses secondaires (valy masay ou valy kely) portent le titre de “seigneur de l’argent” (Andriambolafotsy) et ne peuvent, en théorie, prétendre au pouvoir » (Goedefroit, 1998 : 98).

I-2 ORGANISATION SOCIALE DES ZAFIRABAY D’ANDRANOFÔTSY

Les Zafirabay de la vallée d’Andranofôtsy sont réputés pour leur coutume funéraire cruelle d’antan. Lorsque le Filohabe « grand-chef » Raholo fut encore au trône à Andranofôtsy, la tradition orale laisse entendre que, quand un membre de la famille nobiliaire vint à mourir, une jeune esclave destinée à le servir dans l’au-delà fut jetée dans le marais du cimetière d’Amparihibe, infesté de crocodiles 1. Et la pirogue chargée de transporter les dépouilles mortelles de ce notable fut garnie du cadavre d’un autre esclave en guise de couche (Batsara, 2004)…Comment ce groupe de Zafirabay d’Andranofôtsy s’organise-t-il, actuellement?

I-2-1. Mpiambinjiny : le maître de cérémonie

Au moment où nous parlons, le Mpiambinjiny est le notable du premier plan du groupe des Zafindrabay d’Andranofôtsy en matière de cérémonie traditionnelle en relation avec le tombeau ancestral (fasan-drazaña).

I-2-1-1. Rôles

Est Mpiambinjiny celui qui garde, chez lui, la clé de la porte de la trañomanara « maison-à-l’abri-du-soleil », les matériels rituels du lignage, entre autres les deux hazolahy (deux tambourins à usage rituel chez les Zafirabay) et tandrokaka « corne-d’un-monstre ». Il préside tous les rituels réalisés au nom du groupe en relation avec tombeau unique. Bref, il est maître de la vie cérémonielle. Contrairement aux rôles affiliés (politico-religieux) au roi d’antan, il n’assume que la fonction rituelle. Les représentations politico-administratives sont attribuées au chef Fokontany ou au Maire. Le successeur d’Angijiro, Besidy prend le relai depuis 2001, en tant que Mpiambinjiny . Il n’est autre que fils du frère d’Angijiro, le précédant Mpiambinjiny .

1Crocodilus niloticus

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Par ailleurs, le mot jiny ne s’emploie dans le dialecte antimaroa que dans mpiambinjiny. Je suis obligé d’aller chercher son sens dans le dialecte masikoro. Le mot jiny y désigne les reliques, qui sont constituées des fragments du corps (dents, ongles et fragments d'ossements) des anciens rois. Les jiny se conservent chez les Masikoro. Le Mpanjaka qui détient le pouvoir royal s’appelle mpanjaka mitan-jiny « roi détenteur des reliques » pour le distinguer des autres membres de la famille royale. L’hypothèse selon laquelle les Zafirabay, comme tous les autres Zafinifôtsy , furent des brins détachés de la dynastie Maroseraña y retrouve une piste. En effet, selon le témoignage du Pasteur Loubiens, cité par Fagereng « les premiers rois maroseraña à Benge étaient les premiers à fabriquer des jiny, et coutume fut connue dans le Fihereña grâce à un Antifihereña (masikoro) qui avait vécu pendant quelques temps à chez les Sakalava » (Fagereng, 1971 : 27) . « Autrefois, les jiny était en quelque sorte le pallidium de la tribu et signe induscutable de la royauté chez celui qui possédait… » (Engelvin, 1937 : 52).

Bref, de ce qui précède, le substantif « Mpiambinjiny » peut être traduit en gardien des ossements. Parcontre nous posons de réserves quant à l’utilisation du mot « reliques », car il se réfère seulement à quelques objets du défunt comme chez les Masikoro, une partie des os ou encore des objets d’un saint dans l’Église catholique romaine (Ecar)… Chez les Zafirabay, la totalité des os imputrescibles sera gardée dans le hazovato « cercueil-en- pierre ». C’est donc le jiny.

I-2-1-2. Conditions d’éligibilité

Tout le monde ne peut pas devenir Mpiambinjiny. Ainsi, trois principales conditions s’imposent pour jouer ce rôle à savoir : le fait d’être zanaky ny lahy « enfants d’homme », le sexe masculin et l’ordre de primogéniture.

D’abord, chez les Zafirabay d’Andranofôtsy, même si tous les Mpiambinjiny sont de sexe masculin, tous les hommes ne peuvent pas prétendre à ce rôle. Il est à noter qu’aucun membre de sexe féminin ne pourra devenir Mpiambinjiny .

Ensuite, le fait d’être zanaky ny lahy « enfants d’homme », est primordial étant donné que le pouvoir de Mpiambinjiny se transmet donc d’une manière patrilinéaire. Mais la définition de la patrilinéarité ici s’avère compliquée. Ainsi pour déterminer les zanaky ny lahy « enfants d’homme », il faut remonter à Tompoindañitry « Seigneur-des-cieux » (le père de Raholo) et à sa sœur Fôtsiambalaveloño 1 [la mère de Lazaina (Voir généalogie)]. Désormais, les enfants de Tompoindañitry, tel Raholo sont les zanaky ny lahy « enfants d’homme ». Cela

1 Son mariage avec un petit-fils de Rabay (Ndampinana) donna naissance à Lazaina. Ce dernier fut élévé chez son grand-père maternel.

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s’étend à toute sa descendance. Alors que les enfants de Fôtsiambalaveloño, comme toute sa descendance, sont zanaky ny vavy « les enfants de femme ». Ce principe s’applique pour le Mpiambinjiny. A l’instar de Besidy, seuls les descendants de Tompoindañitry peuvent prétendre au poste de Mpiambinjiny. Autrement dit, les descendants de Fôtsiambalaveloño, tel Lazaina, son fils, sont appelés les zanaky ny vavy « enfants de femme », en matière de pouvoir. Les Malo en font partie. Du coup, ils ne peuvent, en aucun cas, assurer ce rôle. C’est de cette façon que la patrilinéarité, chez les Zafindrabay d’Andranofôtsy peut être comprise.

Enfin, étant donné le nombre des membres qui remplissent ces deux conditions , la règle de primogéniture entre en ligne de mire. La règle de primogéniture revêt une double forme.

Primo, le mode de recrutement repose surtout sur l’aînesse par rapport à la génération. En matière de pouvoir, une génération la plus ancienne prime sur les autres, pourvu que les personnes appartenant à cette génération soient du sexe masculin. Le pouvoir ne passe à la suivante que lorsqu’il n’y aura plus de vivant, de sexe masculin, pour l’assumer dans la génération précédente. Car il est défendu d’imiter les papayes qui se mettent au-dessus de leurs aînés 1.

Secundo, dès lors que l’autorité revient à une génération, la préséance sera accordée à l’aîné en son sein (ne concernant que ceux qui résident dans le village environnant Andranofôtsy). Dans cette situation, celui-ci ne pourra décliner cette responsabilité qu’en cas d’incapacité physique avérée (trop vieux ou maladif…) ou d’incompatibilité sociale des comportements (alcoolique, fou).

I-2-2. Les instruments de musique

Deux instruments spéciaux servent d’animation de leurs us et coutumes. Bien conservés et bien protégés par le Mpiambinjiny, ils sont utilisés lors des cérémonies de tout genre en l’occurrence des rites funéraires. Actuellement, ces deux instruments deviennent des signes distinctifs des Zafirabay à Andranofôtsy, par rapport aux autres groupes antimaroa (de Maroantsetra).

1 Tsy mañano vapaza, miritiky ambônin’ny maventy.

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I-2-2-1. Tandrokaka, la « corne d’animaux »

Il s’agit d’une trompe en corne d’animal dont mes informateurs ignorent le nom. Mais elle est plus longue que les cornes de zébus. Besidy affirme que cet animal ne provient pas de Madagascar et que la corne fut ramenée d'Afrique par quelques guerriers Zafirabay d’autrefois. A partir de la description fournie par Sachs (1938 : 66), un tel instrument pourrait être de « la corne d’antilope » de l’Afrique de l’Est.

Les Zafirabay l’utilisaient lors d’une incursion des soldats dans un territoire quelconque, aux fins de le conquérir pour menaçer ainsi les adversaires. C’est la raison pour laquelle qu’il fut qualifié de fañaimbalahy « qui fait fuir les hommes », par ces guerriers zafirabay. Actuellement, l’usage de cet instrument n’est permis qu’en l’honneur des ancêtres royaux des Zafirabay. Plus pratiquement, le faire sonner signifie le début d’une séquence lors d’une cérémonie, tel que le cortège vers le tombeau, avant le discours…

I-2-2-2 Les bingy tapaka « tambourins coupés »

Ces instruments portent deux noms chez les Zafirabay : bingy tapaka « tambourins coupés » et hazolahy « bois-mâles ». Les deux bingy tapaka des Zafirabay d’Andranofôtsy sont deux tambours confectionnés avec deux troncs d’arbre creux, de forme cylindrique, pour usage rituel. Les deux extrémités d’un hazolahy sont couvertes de peau séchée de zébu immolé en l’honneur des ancêtres lors l’accomplissement de vœu ( aombin-tsakafara ). L’une de ces deux extrémités est frappée avec la main, et l’autre, avec une baguette. Ces instruments de musique des Zafirabay sont mis sous la garde du Mpiambinjiny.

Il est à noter que les Betsileo d’Isandra, selon la description de Rahamefy, utilisent eux aussi ces deux instruments en toute circonstance (malheur ou bonheur). Seulement à la place de la « corne-de-monstre », les Betsileo utilisent la conque ( anjombaña chez les Zafirabay). Actuellement, comme l’a très bien dit Rahamefy, la conque constitue des « signes de souveraineté, accompagnent et alternant les chants » ; le hazolahy « bois- mâle » « se sert de chasser les mauvais esprits ». (RAHAMEFY, 1997 : 55),

I-2-3. Andrômahitso, le tombeau à recrutement indifférencié

Tôtomainty 1 m’a expliqué que Rabôndro (grand-père de Raholo), Tompoindañitry (père de Raholo) et Raholo lui-même avaient été inhumés à Ambodiampeno. Étant déjà gravement malade, Rabôndro était allé à la recherche de « charmes capables d'empêcher la mort » ( aody tsy mahafaty ) dans la partie de Masondrano (où se trouve Ambodiampeno), au

1Un des notables Zafirabay (d’Andranofôtsy), 74 ans, un fonctionnaire retraité (Adjoint d’Administration).

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niveau de Mahalevona. Et, justement il y mourut, ou que « le nuage fut tombé » ( nilatsaka ny zavoño ) sur lui. Les siens, pour simplifier la chose, furent obligés d’ériger un tombeau à Ambodiampeno. Ce fut le premier tombeau des Zafirabay d’Andranofôtsy. Par la suite, son fils Tompoindañitry et son petit-fils Raholo, eux aussi, à leur tour, y furent inhumés.

Plus tard, le défunt Raholo avait mis fin à l’histoire d’Ambodiampeno. Un jour, il envoya un message onirique à un membre de famille nobiliaire de l’époque, tout en indiquant l’endroit où il aimerait se reposer. Il prononça exactement le toponyme Andrômahitso, tout en le précisant. D’où le transfert de ses ossements d’Ambodiampeno vers Andrômahitso. Tôtomainty affirme que ce fut la première forme de fañokoaraña effectuée par les Zafirabay d’Andranofôtsy 1, comme changement de tombeau (findra fasaña ). C’est ainsi que le fasan- drazaña « tombeau ancestral » des Zafirabay d’Andranofôtsy a été déplacé à Andrômahitso.

Andrômahitso vu par Pont, Administrateur en chef de la Colonie à Maroantsetra, en 1930 (1930, pp 187-188). Ici les hazovato et des cercueils en bois sont tous posés à même le sol. Car les Zafindrabay n’enterrent pas leurs morts. Il y manquait encore de trañomanara.

Avant de devenir tombeau, Andrômahitso était le lieu de résidence du Filohabe « Grand-Chef » Raholo. Il portait le nom d’Ambodisaiñy puisque le « Grand-Chef » Raholo érigea un mât (saiñy ) à la place d’Andrômena actuel (séparée d’Andromahitso par une haie vive), sur un zébu enterré vivant ( nandiveñany aomby mena mböla veloño ) de robe rouge pour maudire les malintentionnés. D’ailleurs, Maurice Vial a pu recueillir des informations

1 Pour Pacaud, le famadihana en Imerina remonterait « à la fin du 19e siècle des guerres coloniales et du souhait de la volonté, voire de la contrainte (…) de rapatrier leurs morts dans des tombeaux familiaux situés sur leur territoire ancestral du groupe » (PACAUD, 2003 :18).

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chez les Antakaraña, selon lesquelles l’érection du mât royal avait été importée d’Andranofôtsy par Andriantsirotso à son retour de la Baie d’Antongil.

Lorsque Raholo partait en guerre, il portait la même couleur. C’est ainsi qu’il démeure couvert d’un tissu de couleur rouge dans le tombeau royal d’Andrômahitso, où j’ai pu observer la cérémonie faisant l’objet de cette étude : le rituel de fañokoaraña en l’honneur de Rolland Benoît.

En matière de recrutement, contrairement au mode de transmission du pouvoir royal, le fasaña Andrômahitso « tombeau Andrômahitso » recrute les descendants de Raholo et ceux de Lazaina. Autrement dit, Andrômahitso ne fait pas distinction entre les descendants d’homme et ceux de femme, à condition que le défunt, de son vivant, s’y soit identifié, en contribuant aux activités relatives à ce tombeau (débroussaillage annuel (ava fasaña), réparation de trañomanara… ). Le cas de Rolland Benoît en est l’illustration parfaite. Il est descendant de femme, par sa famille (les Malo : descendants de Lazaina) tout en étant zanaky ny vavy « enfant de femme » qui est en situation de matrilocalité, au sein de sa famille (fils de la fille de Martin Malo).

I-2-4. Les lieux sacrés

En dehors d’Ambodisainy qui deviendra plus tard Andrômahitso, Amparibe et Maevarano (deux lacs sacrés) formaient les deux autres hauts lieux des rituels, chez les Zafirabay d’Andranofôtsy d’antan.

I-2-4-1. Mevarano « Bonne-eau »

Ce qui suit est une légende, racontée par Besidy, qui narre l’origine du lac Mevarano 1 et des crocodiles ( voay ) habitant le lac d’Amparibe « Au-grand-lac » : « Il était une fois, une femme au pouvoir magique officiait auprès des guerriers Zafirabay lors de leur cavale. Elle accompagnait ces guerriers tout au long de leur trajet. Elle amenait avec elle en tant que charme protecteur, un antomby (un panier à mailles très espacées) contenant de l’eau où vit un petit de crocodiles depuis Mevarano, leur village d’origine. Tant que l’eau contenue dans cet antomby ne se déversa pas par terre 2 (tsy very), ils étaient toujours protégés. Tel fut le cas jusqu’à leur installation définitive dans la basse Andranofôtsy. En arrivant à Andranofôtsy, la légende laisse entendre que l’eau fut versée sur un périmètre de terre

1En outre, cette appellation reste en mémoire de l’ancien village de départ des Zafirabay : Mevarano , selon Besidy.

2 Le cas contraire constituait un mauvais présage.

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ferme pour devenir le lac de Mevarano. Quant au crocodile, il fut jeté à Amparihibe pour y être élevé ( nitarimiñy takao ) ».

Cassam Aly (comme Maurice Vial), un mémorialiste antakarana reconnait aussi cette magicienne originaire de la baie d’Antongil, connue sous le nom de Tsimatahodrafy, en tant qu’architecte du royaume Antakarana. Elle fut amenée par Andriatsirotso à son retour après s’être retranché "chez ses parents » de la Baie d’Antongil en la personne de Raholo (Andranofôtsy) et de Ratoro (Ambatomasina), pour fuir les invasions des Zafinimena. Elle deviendra, par la suite, sa femme.

En effet, Mevarano est devenu sacré où toute forme de souillures (femme en règle, plongeon avec bijoux…) demeure interdite jusqu’à ce jour (Batsara, 2004 : 39). Autrefois, c’était au bord de ce lac que les Zafirabay venaient demander la bénédiction des ancêtres par la voie de vœux. C’était aussi un lac privilégié pour prendre de l’eau servant à donner une bénédiction ( añamezaña jôro ), connue sous le nom de rano tsy dikam-bôroño « l’eau qui n’est pas traversée par des volailles ». Comme son nom l’indique, cette eau est puisée au petit matin, avant que les palmipèdes domestiques y pénètrent. Ce lac doit donc son nom par la décomposition de deux mots : meva signifie bien, belle, bonne et rano, eau ; mevarano veut dire donc, « bonne-eau ».

I-2-4-2. Amparihibe ou Amparibe, le lac du sacrifice humain

Artisan de la victoire des Zafirabay, lors de la conquête menant vers la baie d’Antongil, le crocodile était considéré comme esprit protecteur du groupe : animal totémique. Il était apprivoisé dans un autre lac plus grand dénommé Amparihibe « Au-grand- lac » ou Amparibe , pour s’y reproduire. En guise de témoignage, en 1930, Pont, Administrateur de la colonie, y trouva encore deux crocodiles vivants.

Par ailleurs, pendant que le roi Raholo était au trône, ce lac fut un haut lieu de sacrifice humain 1. Après un vœu exaucé, les Zafirabay procédaient au sacrifice d’une belle jeune fille plutôt la plus belle ( lay teña tsara ), bien habillée, issue des Sambarivo réduits en esclaves de guerre (Batsara, 2004). Donc, le rituel d’accomplissement de vœu ( fañalaña vava, « enlèvement du vœu ») se déroulait au lac d’Amparihibe.

1 Batsara Méthode (2004) a fait la description de ce rituel d’autrefois.

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Chapitre 2. METHODOLOGIE DE LA COLLECTE DES DONNÉES

Dans cette discipline, l’expérience du terrain est fondatrice. Elle apprend à recueillir les informations brutes. C’est ainsi que je me suis bien gardé d'essayer de séparer ces éléments en des registres différents (religion, économie, médecine), pour que je puisse étudier le phénomène social entier.

II-1. LE TERRAIN A PROPREMENT PARLER

Actuellement, Maroantsetra est à la fois le chef-lieu de ce District et celui de cette Commune urbaine. C’est le District le plus septentrional de la Région 1 Analanjirôfo 2. Il est délimité par : la baie d’Antongil (l’Océan Indien) à l’est ; la forêt primaire de Makira le sépare du District de Mandritsara, au sud-ouest et au nord-ouest ; la forêt de Masoala le limite du District d’Antalaha au nord ; le District de Mananara Nord, au sud. Il comprend dix-sept communes dont la Commune rurale d’Andranofôtsy, à 10 km à l’est de Maroantsetra.

II-1-1 De l’Anthropologie indigène

Ce travail s’inscrit dans le courant de l’Anthropologie indigène. Elle cherche à réagir contre l’influence grandissante de l’éthnocentrisme [Anthropologie étant définie comme une science des populations « sauvages ou primitives, celles qui ne connaissent ni l’écriture, ni la plupart des techniques modernes » (Cazeneuve 1967 : 4)] de l’occident dans les années 1970. L’appel d’un anthropologue coréen, Soon Choong KIM, cité par Mangalaza, à l’endroit des pays du Sud, a été déterminant. « Aujourd’hui l’anthropologue doit devenir une science humaine globale, faites par des anthopologues du monde entier »3. Telle est la teneur de cet appel. Epousant cette idée, Mangalaza soutient : « Avy an’draño ny jijy vao miboaka » (traduction littérale, « Ce n’est que [de l’intérieur] de la case que la parole prend son envol pour rayonner [de toute sa force] vers l’ailleurs), nous dit à ce sujet un proverbe malgache. Mais il ne faut pas interpréter ce proverbe uniquement dans le sens d’une affirmation identitaire teintée de communautarisme sectaire mais plutôt le placer dans ce souci d’oeuvrer pour une culture d’appartenance inclusive. Car, « un seul arbre ne fera jamais, à

1 La dernière révision de la Constitution de la IIIème République de Madagascar stipule dans son Article 138 que « les Collectivités territoriales décentralisées de la République sont les Régions et les Communes ». (Journal Officiel n° 3104 du 3 mai 2007, pages 2897-2923 )

2 Cette Région comprend six Districts : Fenoarivo-Atsinanana, Vavatenina, Soanierana Ivongo, Sainte Marie, Mananara- Avaratra et Maroantsetra.

3 Cours qui s’intitule Méthodologie de recherche en Master II, Année Universitaire 2011-2012 (consultable sur http://www.anthropomada.com)

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lui tout seul, la forêt » (hazo tokana tsy mba ala), nous rappelle un autre proverbe malgache, insistant toujours sur le fait que l’affirmation identitaire n’exclut en rien l’ouverture à l’autre »1.

Vu sous cet angle, ce travail se concentre sur le groupe d’appartenance du chercheur. Qu’en est-il du « regard éloigné » prôné par les mastodontes de cette discipline, comme Lévi- Strauss (1983)?

Pour la présente occurrence, il s’agit du groupe de la mère de ma mère (voir le tableau de généalogie). Car ma propre mère, bien que sa mère ait été Zafirabay, en vertu du principe de patrilocalité 2, n’a jamais résidé à Andranofôtsy (voir la généalogie de la page suivante). Qui plus est, dans les sciences exactes, on s'assure autant que possible que le phénomène qu'on étudie est indépendant de la présence ou de l'absence de l'observateur. On peut expérimenter, c'est-à-dire répéter indéfiniment le même événement qu'on observe, pour démontrer que le résultat est toujours le même. Mais, quand l'objet de l'étude est la société humaine, l'observateur fait lui-même partie de cet objet, il est donc impliqué dans sa propre étude. Une véritable objectivité est donc hors d'atteinte. C’est pourquoi, comme souvent aujourd'hui, beaucoup de chercheurs ne sont plus en fait des étrangers. En dépit de cela, ils doivent porter du regard étranger.

Par contre, étudier un groupe qui est familier à soi ne présente pas que des avantages. La familiarité avec le rituel risque de rendre anodins des faits qui pourraient être sa clé de voûte. Ces faits qui paraissent ordinaires, ne sont pourtant pas le fruit d’un hasard. C’est le cas du rituel de la bénédiction du zébu et lors de l’abbatage du zébu. Je me suis rendu compte que tardivement le manque cruel d’informations s’y rapportant, par exemple sur quel flanc l’animal est renversé, la teneur de la bénédiction qui a été prononcée à voix basse...

1 Ibidem

2 Selon ce principe, à la différence de zébus, l’homme est « fort » chez son père : Aomby mahery amin-dreniny ; ôlo mahery amin’ny babany « Le zébu est fort chez sa mère ; l’homme est “fort” chez son père »

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II-1-2. Entretiens libres

Les six semaines que j’ai passées à Andranofôtsy n’ont offert que la possibilité d'observer le rituel et d’assister à quelques activités. En effet, mon séjour sur le sol des Zafirabay m’a permis de me mettre en contact direct avec le chef traditionnel qui est Besidy, le Mpiambinjiny en exercice 1 et avec ses deux assistants Tokilahy Jean-François, Jobert et Totomainty qui l’assistent dans l’exercice de ses fonctions, et surtout avec la famille organisatrice. Mes approches ont été facilitées par le fait que je suis membre (élargi) de cette famille. Qui plus est, je n’ai pas eu besoin d’interprètes, car je comprends parfaitement le dialecte. J’ai pu ainsi engager un « dialogue n’est pas à trois » ( koraña tsy telo ), c’est-à-dire en toute confidentialité, en l’absence d’un témoin gênant. Et ce faisant, j’ai adopté un entretien libre pour que mes interlocuteurs puissent s’exprimer ouvertement. Cela ne m’a pas empêché de poser des questions au moment où il s’est avéré nécessaire d’interrompre leur intervention.

A cet effet, lorsque l’entretien a été préparé à l’avance, suite à une demande de rendez-vous au préalable, j’ai pris note sur mon cahier de notes et avec un dictaphone. J’ai mentionné avant tout entretien le nom de l’informateur devant moi.

II-1-3. Observation participante

Soutenue par les précurseurs de notre discipline (Malinowski, Evans-Pritchard), la notion de « l’observation participante » oblige tous les chercheurs à participer aux activités des « indigènes » et à observer. En ce qui me concerne, cette observation participante s’est présentée sous deux formes : la participation aux activités et l’observation à proprement parler. Dans le premier cas, j’ai été appelé à entrer en interaction directe avec les membres du groupe. Dans le second, je n’ai fait qu’observer, en tant que témoin.

Deux mobiles peuvent expliquer mes participations aux différentes activités. D’abord, il s’agit d’une affaire familiale (raharam-pianakaviaña). Tous les membres présents à la cérémonie doivent mettre leurs mains à la pâte. Sinon la personne est traitée de : tsy mitana ravin-deñy « qui ne tient jamais une feuille humide » pour désigner celui qui ne fait rien. Ensuite, l’exigence méthodologique de l’Anthropologie s’impose telle qu’Evans- Pritchard, a faite chez les Nuers, un peuple nomade du Soudan lorsqu’il s’est demandé « comment les vaches sont traites, comment la viande est cuite, etc. » (Evans-Pritchard, 1967 : 100).

1 Depuis août 2009, l’état de santé de Besidy ne lui a permis de continuer à assurer convenablement les rôles afférents en la qualité de Mpiambinjiny. Désormais il est assisté par ces trois personnes.

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En outre, je n’ai pas manqué de restituer quelques histoires et contes qui m’ont été racontés. La raison en est : « Porteurs de questions, les contes fournissent aussi des réponses, des tentatives de solutions. Dans les sociétés où la littérature orale est encore vivante, elle est le véhicule d’un savoir transmis de génération en génération et qui, bien au- delà des leçons de morales sociales évidentes et souvent simplistes, perpétue des modèles de vie et contribue à former la vision du monde propre aux individus appartenant à une culture donnée » a dit Geneviève Calame-Griaule citée par Fanony (2001 : 11).

II-2. LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE

D’après Evans-Pritchard, un chercheur dans la discipline de l’Anthropologie « doit posséder une connaissance sérieuse des diverses théories ainsi que de l'ethnographie de la région dans laquelle il va travailler » (Evans-Pritchard, 1967 : 101). Cela est le fruit d’un travail de documentation qui jalonne toutes les étapes de ce travail. La recherche bibliographque se divise en bibliographie (supports physiques) et en webbographie (supports numériques).

II-2. 1. La revue de la littérature

Il est évident que la recherche bibliographique est le garant de la scientificité d’un travail. Elle consiste à collecter divers écrits des curieux (comme les récits des voyageurs), les études scientifiques déjà réalisées sur le sujet à traiter. Pour ce faire alors, de prime abord, j’ai été obligé de m’inscrire aux principaux centres de documentations de la Capitale : Bibliothèque Universitaire (Ankatso) et celles de quelques Départements, Centre Culturel Albert Camus (Analakely), Archives Nationales (Tsaralalàna), Centre de documentation de l’Institut de Recherches pour le Développement (Ambatoroka), Bibliothèque de l’Institut Catholique de Madagascar (Ambatoroka), Fonds Grandidier (Tsimbazaza), Bibliothèque Nationale (Ampefiloha), Fondation Friedrich-Ebert (Tsiadana).

Pour constituer la liste de la bibliographie, j’ai essayé de classifier les ouvrages en généraux spécifiques. Il y a en outre les articles et la webographie. Les ouvrages généraux regroupent tous ceux qui rapportent les monographies des autres peuples en dehors de Madagascar, et surtout, ceux qui sont réputés comme des ouvrages des auteurs de référence en matière de théories anthropologiques (Lévi-Strauss, Evans-Pritchard, Malinowski…).

Quant aux ouvrages spécifiques, il s’agit d’abord des études menées sur des sous- groupes malgaches. Les uns traitent le même thème que le mien, mais dans des régions

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différentes, les autres permettent d’élargir l’horizon, dans le souci de la pluridisciplinarité du travail. Ce sont les ouvrages spécifiques sur Madagascar.

Il existe aussi des ouvrages spécifiques sur les Betsimisaraka qui mettent en évidence les écrits sur ce groupe notammentt, afin de l’examiner, de plus près, et de repèrer les ressemblances et les dissemblaces qui peuvent se produire à son sein, étant donné que le groupe étudié se trouve dans le territoire betsimisaraka.

II-2. 2. Les sites web

Il faut aussi reconnaître que le temps présent exige une nouvelle approche qui va s’adjoindre (mais elle ne le remplace pas) aux ouvrages aux supports physiques. Il s’agit de la bibliothèque numérique ou virtuelle ou encore la webographie. Sa bonne utilisation est bénéfique pour la recherche, en ce sens qu’elle autorise la disponibilité de certains documents que les bibliothèques « classiques » locales n’en possèdent pas. Néanmoins, incontournable dans les travaux de recherches actuellement, l’internet est un fourre-tout d’idées. La prudence y est de mise. C’est la raison pour laquelle, je me suis contenté de consulter un petit nombre de sites que je juge crédibles pour ne citer que celui de l’Université québécoise (http:// classiques.uqac.ca./classiques), le site de L’Homme, revue française d’anthropologie (http://lhomme.revue.org .)...

II-2. 3. Restitution écrite du corpus

La question de transcription des textes (contes, discours…) de dialecte antimaroa en français n’a pas été facile à gérer. Concernant le genre d’abord, je le définis par rapport au mot ou le début de l’expression utilisée que j’emploie dans la traduction littérale en langue de Molière. Quand le mot en français est au masculin, le mot malgache en dialecte antimaroa garde le genre (Exemple : le mot trañomanara est traduit littéralement « maison-à- l’abri-du-soleil » ou « maison froide » et deviendra la trañomanara ). Quant à la prononciation, j’essaie de la conserver autant que possible telle que les Antimaroa la prononcent. Pour transcrire le n vélaire, par exemple, je mets le n surmonté d’un tilde ñ (comme dans trañomanara ) ; le o comme dans m au vais en français, devient ô (fôtsy ) ; o comme dans h ôte en français s’écrit en ö (völa ). Comme en français, si les voyelles a et i se suivent, elles donnent le son è (l ai t), le dialecte antimaroa se prononce de la même façon ( madainga, mentir). Pour prononcer séparément le i des autres voyelles qui l’entourent, tel qu’en français, je le surmonte d’un tréma (ï) comme dans saïdy , un homme âgé de 45 à 55 ans environ ».

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Conclusion partielle

Tout compte fait, en dépit de leur présence sur sol betsimisaraka, les Zafirabay sont à la fois des Betsimisaraka et appartiennent à la grande famille des Zafinifôtsy. En la personne de Cassam Aly 1, les Antakarana (comme les Zafirabay) reconnaissent ce lien. Ci- après la teneur de notre entretien avec lui : « l’histoire des Zafirabay n’appartient qu’aux Zafirabay. Quelques-uns de nos éléments ont été importés de Zafirabay (entre autres le mât royal). Qui plus est, nous (Zafirabay et Antakaraña) sommes issus d’une même ascendance ». D’autant plus que la confédération Betsimisaraka n’a jamais dépassé le plan politique. Cette double appartenance entraîne des ressemblances et des dissemblances dans certains rituels, par rapport aux autres groupes antimaroa à l’instar durituel de fañokoaraña.

1 Gardien de la tradition Antakarana, pas moins un inspecteur d’impôt retraité, résident à Antsiranana .

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PARTIE II. ETHNOGRAPHIE DU FAÑOKOARAÑA

Introduction

L’ethnographie, qui est la partie descriptive de l’anthropologie, constitue l’objet principal de cette deuxième partie du travail.

Sur ce, chez les Antimaroa (les gens de Maroantsetra) en général, les Zafirabay d’Andranofôtsy en particulier, le fañokoaraña en tant que les secondes funérailles a lieu au bout de quatre à six ans selon que le défunt est un enfant ou un adulte, après les premières funérailles. L’idéal est de cinq ans. Mais le cas de Rolland sort de ce principe.En effet, décédé à Toamasina en juillet 2001, Rolland est rapatrié à Maroantsetra (Andranofôtsy) pour y être inhumé. C’est ainsi que la famille devait recourir, comme à l’accoutumée, à ce que l’on appelle formol 1. Compte tenu de cela, la famille a dû attendre sept ans pour entreprendre le fañokoaraña . C’est de la sorte que la décomposition du cadavre est permise.

Le fañokoaraña comporte trois moments : les préparatifs, le rituel proprement dit et le banquet.

1 Une solution aqueuse utilisée notamment comme désinfectant, insecticide, fongicide, désodorisant ou conservateur de tissus organiques. Le formol permet au cadavre de résister à la décomposition pendant un certain temps.

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Chapitre 3. LES PRÉPARATIFS OU FIKARAKARAÑA

Un an avant la tenue du fañokoaraña, les trois sœurs (Anna, Helena et Olga) du défunt préviennent leur oncle Tokilahy Jean François ( zamabe, l'oncle maternel aîné), pour consulter l’avis du Mpiambinjiny. Celui-ci fixe un jour pour les recevoir. Et ce jour venu, le Mpiambinjiny rappelle les interdits à respecter pour le choix de la date : cela ne pourra être un mardi talata gorôbaka « mardi, un gouffre », ni un mercredi (robia, mampibiabia « mercredi qui fait éparpiller »), ni un jeudi. Le mois n'est pas indifférent non plus : cela ne pourra être vôlampôsa « mois-de-civette » (qui correspond au mois de février), parce que ce mois est tsy vita « inachevé ». Pour réaliser quelque chose dans le tombeau Andrômahitso, la caution du Mpiambinjiny est indispensable. Sinon on va parler dans ce cas d’un acte de sorcellerie ( famosaviaña ) ou de kilôla , c’est-à-dire de violations de sépulture, qui sont devenues très fréquentes dans la région depuis environ 30 ans. Ce sont des agissements inacceptables et bannissables.

Sur ce, les actions de Dofotera le « Grand-Guérisseur » dans la région de Maroantsetra au début des années 1980 se résumaient en deux axes principaux : l’éradication de la sorcellerie, la levée des interdits. Elles sont en conséquence appréciées pour avoir éradiqué (temporairement) les vols d’ossements (Mouzard, 2003). Car les pilleurs de tombeaux sont réputés par la puissance de leurs charmes qui font fuir les razaña « ancêtres », leur permettant de soulever facilement la partie supérieure le hazovato « cercueil en pierre ».

Mais pour bien réussir la cérémonie, la famille organisatrice doit assurer quelques tâches spécifiques.

III-1. LES RÔLES DE LA FAMILLE ORGANISATRICE

La famille organisatrice joue des rôles importants pour la réalisation d’un tel rituel. Entre autres, on peut citer :

III-1. 1. Fañatoroaña ou l’invitation

Rolland, le défunt qui fera l’objet du rituel, à son vivant, était en situation de matrilocalité (lafan-dreniny ou fôkon-dreniny) , chez les Zafirabay d’Andranofôtsy. Il s’identifiait au groupe du père de sa mère et ne fréquentait pas le groupe d’appartenance de son père, depuis le divorce de son parent. Ce qui a exclu ses parents de sa branche

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paternelle (lafan-dreniny ou fôkon-dray), originaires de Brickaville, dans l’organisation de ce fañokoaraña. Sa parentèle était restreinte au groupe paternel et au groupe maternel de sa mère.

À l’issue de la réunion destinée aux invitations, chacun des représentants de taranaka (« descendance ») respectifs va devenir l’émissaire de la famille organisatrice et se chargera de faire du porte-à-porte pour formaliser les invitations orales, chez son réseau de parentèle. Le but, c’est d’atteindre le maximum de famille pour éviter ce que l’on appelle être « informé sans en être invité » ( nahareñy fa tsy nitoroaña ). C’est une expression utilisée par les proches parents, que l’on aurait dû inviter.

Ces invitations orales nécessitant des visites à domicile sont appelées communément fañatoroaña qui est à distinguer des faire-parts écrits que l’on reçoit (nahazo invitations). Ces dernières seront distribuées à des personnes socialement importantes (des fonctionnaires, des autorités admnistratives ou politiques…). Ce sont des faire-parts écrits sur un carton, en français et en malagasy. Les deux formes de l’invitation ( fañatoroaña et invitations) comportent la raison de l’invitation, le nom de razaña hamboariñy « l’ancêtre à réparer », la date et le lieu précis de la cérémonie, le jour de réception des hôtes (il y a des familles qui sont invitées dès le jeudi, il y a aussi celles qui ne sont invitées qu’au jour du samedi). À la différence des invitations, lors de fañatoroaña, les responsables peuvent inviter les jeunes de la famille qu’ils visitent à participer aux diverses tâches (qui seront détaillées plus loin). La participation à ces tâches concerne surtout les groupes dont la résidence est proche du lieu où se déroule le rituel. Les invitations comme le fañatoroaña se font, au plus tard, deux semaines avant la date du rituel.

III-1. 2. Construction de hazovato « cercueil-en-pierre »

Le rituel va consister à placer l'ancêtre dans un nouveau cercueil. C'est le hazovato « cercueil-en-pierre». Lors des premières funérailles, le cercueil est fait effectivement en bois, l'idéal étant le bois d' amböra 1. Mais pour le fañokoaraña, il sera en ciment, matériau désigné localement par le terme vato , littéralement « pierre » ( traño vato , « maison / bâtiment en dur »).

Bien avant la cérémonie (trois mois au plus tôt), la famille envoie des émissaires pour faire une commande à Anjahamarina. C’est un quartier de la ville de Marantsetry, au bord du fleuve d’Antaiñambalana, embarcadère pour rejoindre Andranofôtsy et quelques boutres ralliant Maroantsetra à Toamasina. Il y a une famille qui est spécialisée dans les

1 Tambourrissa.

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travaux de construction de hazovato « cercueil-en-pierre », dont Boniface est le membre le plus réputé (selon Ratovo Olivier, 2005). Le hazovato « cercueil-en-pierre» doit être prêt un mois au plus tard avant la tenue du fañokoaraña, pour éviter toute sorte de précipitation . Comme à l’accoutumée, avec le conseil du Mpiambinjiny et quelques notables, le samedi est le jour faste pour un rituel aussi important. Le hazovato « cercueil-en-pierre» fait donc son entrée dans la cour tombale à ce jour précis. L’épitaphe gravée contre le corps (vaviny « femelle ») du hazovato « cercueil-en-pierre» mentionne le nom complet de l’ancêtre, sa date de naissance et la date de son décès.

La structure du hazovato 1 « cercueil-en-pierre» se subdivise en deux : le lahiny « le mâle » et vaviny « femelle ». Ils sont superposés. Le lahiny « mâle » est la partie supérieure du hazovato « cercueil-en-pierre» qui lui sert du couvercle. C’est sa toiture. Sa forme triangulaire ressemble parfaitement celle du toit de la maison. La vaviny « femelle », est la partie inférieure. Elle constitue la cuve de cette maisonnette, à l’intérieur de laquelle seront placés les restes du défunt. Pour l’ouvrir, on soulève le lahiny ou la partie supérieure.

Pour le cas des Sakalava du Menabe lorsqu’il dit : « En association ou en opposition, le principe mâle/femelle est à la base de toute classification faisant intervenir la notion de parité ou de complémentarité. L’idée essentielle de couple est ainsi clairement exprimée à travers les êtres animés ou à travers les éléments d’un même objet. […] Il en est de même pour le cercueil qui est subdivisé en tamango lahy, partie mâle servant de couvercle, et en partie femelle , tamango vavy, celle qui reçoit le corps ».(Andrianetrazafy, 2010 : 20).

III-2. LES TACHES COLLECTIVES

Tous les manquements seront inoubliables pour la partie de l’assistance qui se sent allégée (victime). Ils sont passibles d’un tsiñy 2. Il s’agit d’un blâme qui est plutôt à caractère social (concernant tout le groupe) qu’individuel suite à une injure ou un allègement perpétré par un groupe (représenté par un individu) en l’encontre d’un autre. Ici, tsiñy s'applique à une notion abstraite. C'est l'équivalent (peut-être la transposition) de la notion de tsiny en merina et en malgache officiel, telle qu'elle a été étudiée par Andriamanjato (1957, 1982) et Ottino (1998). Et cela va nuire à la bonne réputation de la famille organisatrice.

1 La structure générale du hazovato ressemble à peu près aux sarcophages. Le mot provient du terme grec sarkophagos, signifiant « mangeur de chair ». L’emploi du sarcophage dans l’Égypte pharaonique ou les cultures anciennes de l’Extrême- Orient, que dans l’Amérique précolombienne est réservé pour la décomposition de la chair à la différence de celui des Zafindrabay.

2Il est à souligner que le mot tsiñy a ici un sens différent de celui qu'il avait dans le proverbe ( tsiñy tsy hamono mampañinôfy ). Dans ce proverbe, tsiñy désigne un être, un esprit, plus ou moins individualisé, supposé capable de vouloir la mort des vivants.

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Lors d’un fañokoaraña, il appartient à la famille organisatrice de mobiliser toute la parentèle pour la réalisation des tâches collectives. Par définition, « la parentèle est un groupe d’action temporaire » (Ghasarian : 1996 : 187). Les mains prêtées par les havaña sont en effet très sollicitées. Par des liens généalogiques (genealogical links), le terme havaña regroupe la consanguinité qui est désignée par l’expression vôtraka araiky « l’unicité-des-entrailles ». La notion de havaña , dans ce cas, concerne aussi bien la branche 1 (lafatra ) paternelle comme maternelle. Par extension, la notion de havana s’étend sur ceux qui partagent le même village que la famille organisatrice ou les havaña an-tanaña (common residence) , les collègues et surtout les alliés 2 (havaña am-panambadiaña) . Ce qui rejoint d’ailleurs la double définition de ce concept selon Bloch : « A Havana is a person with whom there are genealogical links and he is at the same time a trusted neighbour links which spring from common residence and agricultural cooperation” (Bloch, 1971: 60)

Ces tâches sont :

III-2. 1. La collecte des bois à brûler

Les hommes valides consacrent une demi-journée, voire même une journée entière, par semaine, à la collecte du bois à brûler ( ataiñy ) conformément au calendrier élaboré au moment du fañatoroana, au cours du dernier mois. On choisit pour cette activité un des jours interdits ou néfastes aux travaux des champs ( andro fady ). Ce sont généralement le mardi 3 (talata) et/ou le jeudi ( kamisy) et/ou le vendredi ( zoma ).

Il faut remarquer que le dimanche n’est pas un andro fady . Mais il s’agit d’un jour de repos hebdomadaire. Il est consacré à des activités extraordinaires ou aux loisirs ; la matinée, certains sont à l’Eglise, les pêcheurs réparent leurs filets, leurs pirogues, etc. Dans l’après-midi, par exemple, les femmes mariées ou non s’installent à l’ombre pour les séances de coiffure.

Il y a lieu de rappeler ici que Moasibe « Grand-Guérisseur » ou Dofotera, étudié par Mouzard, a œuvré parmi tant d’autres, pour « la levée des tabous ». Elle « est ressentie

1Ego doit être issu directement de deux lafatra « branches » dont lafan-dreny « la branche maternelle » et lafan-dray , la « branche paternelle ». Lafatra est synonyme de fôko chez les Antimaroa. On peut ainsi dire ampôkon-dreny « de la branche maternelle » ou ampôkon-dray « de la branche paternelle ». À la deuxième génération ascendante, chacune de ces branches (au niveau de G+1) va connaître une duplication et ainsi de suite .

2 …in the ideal system a man's affines are also his havana , since he should marry Havana ( Bloch, 1971: 58 ).

3 D’où l’adage miasa andro talata, « travailler le jour du mardi » qui signifie un travail fait en vain. On n’espère aucun rendement pour le travail du mardi. On note que, dans ce contexte, miasa « travailler » ne s'applique qu'au travail agricole. Ramasser du bois, ce n'est pas « travailler » ( asa ) ; c’est plutôt une « tâche » qui se fait quotidiennement (tabà).

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comme une libération » (Mouzard, 2003 : 86). Tout devient permis. Ce qui fait que, selon l’explication d’un Catéchiste à Ampafatra, les villageois travaillent à la rizière le jour de dimanche après le culte. C’est très courant actuellement aux alentours d’Andranofôtsy (Ankazomandroko, Takôly, Ambodivanio…). A ses yeux, il s’agit des « effets secondaires » des actions de Moasibe. « Io ndreky valan-draha tatoato. Laitry nandalovan’-dRadokon- draha iñy « Ce n’est qu’une pratique récente dont la source remonte au passage de Radoko ».

Donc, aux jours interdits, les « hommes valides » lalahy matanjaka mariés ou non, s’orientent vers le bord du fleuve (antsirañana) d’Andranofôtsy, où des barques accostent, en groupe de quatre ou cinq, haches et rames aux épaules, les grands couteaux en mains, habillés lamba matanjaka « habit fort » (se d’un habit que l’on porte lors qu’on va au champ) pour aller chercher le bois. À leur retour, ils rapportent des tas de bois destinés à être coupés en morceaux puis mis à sécher avant la cérémonie. Après cela, ils se sentent acquittés de leur adidy , « devoir » ou « obligation ». Au prochain andro fady, tandis que les plus jeunes sont partis chercher encore du bois ( nalaka ataiñy ), les plus vieux (efa saïdy 1 « déjà vieux »), commencent à les briser en morceaux ( mamaky ataiñy ), à la taille qui permet de les employer pour faire la cuisine collective.

III-2. 2. Décorticage du paddy

La gent féminine, quant à elle, suivant le même principe que le précédent (c'est-à- dire des jours fady ), s'occupe de piler le riz (mandisa vary). Les jeunes filles (gaom-bavy) , têtes couvertes de foulard, la partie inférieure à partir de la hanche habillée en pagnes simbo ou lambahoany, se mettent à trois (tsitelotelo ) autour d’un seul mortier (leño). Des femmes âgées, pendant ce temps, séparent le riz blanc du son ( mañaha-bary ) à l'aide du van (latsero ). Ensuite, elles mesurent le riz ainsi pilé, à l'aide de mesures en fer blanc appelé kapoaka 2.

Le simbo (ou kitamby lorsqu’il est habillé par un homme) « pagne » est un mode d’habillement traditionnel utilisé aussi par les Antimaroa allant de la hanche au-dessus de la cheville. On parle aussi de lambahoany pour emprunter le vocable utilisé sur les hautes- terres centrales de la Grande Ile . Chez les Antimaroa (comme dans toute la partie nord de Madagascar), le simbo a deux formes : lorsque les deux largeurs de ce pagne rectangulaire

1 Les hommes de la quarantaine, c’est-à-dire entre les jeunes et les vieux.

2 C’est un matériel de mesure de quantité fait en boîtes de lait concentré vide. 1kg du riz décortiqué ( riz blanc « riz blanc ») équivaut à 3,5 kapoaka ; 5 kp pour 1kg de paddy ; 7kp pour 1kg de clous de girofle desséchés, 4kp pour 1kg de café décortiqué.

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sont jointes par une couture, en créant une forme de tube (tube shape), c’est la vavantsimbo (littéralement « bouche-de-simbo ») ou salövaña ; dans sa version simplifiée, en rectangle, on l’appelle tout simplement simbo ou lambahoany. Il est à porter quotidiennement par les femmes surtout lorsqu’elles vont assister à des cérémonies traditionnelles telles le décès , tsaboraha de tout genre….

Cliché de Rebecca Green (2003).

La version simplifiée de simbo ou lambahoany, en forme rectangulaire. Les simbo ou lambahoany comportent dans la plupart des cas des proverbes ou des adages (maximes populaires) de type samy mandeha samy mitady « tout le monde va, tout le monde cherche ».

Il y a lieu de siganler que la voyageuse infatigable autrichienne, Ida Pfeiffer, en 1857, a déjà écrit ceci : « Les deux principaux vêtements dont se servent les Malgaches s’appellent sadik et simbou » (Pfeiffer, 1981 : 79). Des recherches récentes ont révélé d’autres utilisations de simbo. Entre autres, Green R. (2003), anthropologue étasunienne, a traduit le lamba hoany en « proverb clothes ». Il mesure approximativement 127cm x 165cm. Mais il est présent partout à Madagascar selon elle. Quant à Beck, anthropologue allemande, elle affirme qu’il est utilisé preque dans toute l’Afrique (Beck, 2000 : 104). Mais son nom varie d’un pays à un autre. On l’appelle leso à Mombasa et dans la partie nord de Kenya, kanga dans certains pays de la côte est de l’Afrique (Comores, Mozambique, Omam, Emirat Arabes Unis, Rwanda, Burindi)... Ces deux chercheuses ont trouvé en lambahoany, par l’intermédiaire des inscriptions de formes proverbiales qu’il porte, une façon de faire transmettre un message. C’est un moyen de communication. D’où la traduction de Green « proverb clothes ». De par sa polyvalence, le lambahoany a de nombreuses utilisations surtout pour protéger les habits pendant qu’on travaille.

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Une semaine avant la cérémonie, tous les besoins substantiels doivent être assurés. Sont à la charge de l’organisateur des quantités du riz (aux environs 1000 kapoaka soit 250 kg), de bois, d’alcool (200 litres soit 4 dames-jeannes de 50 litres) jugés suffisantes, et les zébus que l’on va immoler pour nourrir l’assistance.

Il faut emprunter les ustensiles de cuisine tels que des grosses marmites, des cuvettes, des seaux à l’Association des femmes du 8 mars. Cette association s’est dotée de ces ustensiles lors des propagandes électorales. Cette pratique devient monnaie courante dans l’univers politique à Madagascar lors des propagandes électorales. Comme on distribue des maillots et de ballons ronds à l’association sportive villageoise (qui regroupe très souvent les joueurs de football) ; on octroie des ustensiles de cuisine à l’association des femmes que l’on appelle généralement valo marsa « huit mars »1. Elle en fait la location. Celui (ou la famille) qui les emprunte sera astreint à remplacer le matériel perdu lors de son utilisation.

En outre, le jeudi qui précède le jour de fañokaraña (samedi) , un langara (du français « hangar »), avec une charpente de bambou (volo ), recouverte des tôles est construit.Tout cela s’inscrit dans la phase préparatoire. Mais comme, le jour le plus faste pour faire un fañokaraña est le samedi ( sabotsy ), l’accueil de ceux qui viennent de loin se fait dès le jeudi précédent.

III-2. 3. Fangariñana, la fabrication de betsa, boisson ancestrale

Le betsa est une boisson fermentée fabriquée de façon artisanale à partir du jus de canne à sucre mélangé avec de l'écorce d’arbre qu'on appelle bilahy , c’est-à-dire «beaucoup-de-mâle ». Sa fabrication nécessite d’une haute intensité de mains-d’œuvre (asa tanamaro). Le bilahy est l’élément lahiny (« le mâle ») de la boisson. Son goût amer facilite la fermentation qui dure à peu près deux semaines. Une bonne proportion de bilahy assure la qualité de boisson ( toaka masaka , littéralement « alcool cuit »). Plus grande est la quantité de bilahy versée dans le jus de canne à sucre, plus alcoolisée sera le betsa. On dit qu’il est fort ( mahery ). Il appartient alors aux hommes (toakan-dalahy). Par contre, lorsque le bilahy est insuffisant ou encore lorsque la boisson n’est pas encore à point (tsy mböla masaka tsarabe ), le betsa est moins fort, de goût douceâtre. Ceci est destiné aux femmes ( toakam- biavy ).

Le jus de cannes à sucre est un jus saccharifère. Il s’obtient à partir de l’extraction des tiges de cette plante herbacée. Ce procédé s’appelle fangariñana ou broyage en vue

1 La journée mondiale des femmes.

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d’extraire le jus . Ce nom désigne à la fois le procédé et le matériel utilisé pour extraire le jus. Il est précédé d’un famarañam-pary ou famarañana qui a pour racine faraña, est l’action de couper au ras du sol les tiges de cannes à sucre. Après avoir élagué les parties supérieures, on les empile sur le sol. Dans la foulée, on les ramasse sous forme de fagot aux fins de les transporter au fangariñana.

Quant au dispositif appelé fangariñana, il est composé de deux éléments : le lahiny, « mâle » est la partie supérieure qui presse les tiges découpées ; la partie inférieure, l’enclume, prend le nom de vaviny, « femelle ». La vaviny comporte deux petits canaux qui conduisent les jus extraits vers les récipients. Le lahiny est un rondin de bois à deux manches du fait qu’il nécessite deux hommes pour le faire rouler. Il sert à presser les tiges.

Photo du dispositif appelé fangariñana, modèle rustique. Cliché de mon ami Pascal (mai 2009).

Ici la partie inférieure qui s’appelle vaviny « femelle » comporte le conduit de jus de canne à sucre. Le jus se verse dans le seau. Au dessus de vaviny, le grand rondin transversal est le lahiny « mâle ». Il sert à presser les tiges de cannes à sucre contre la vaviny pour extraire le jus.

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Il est à noter qu’une telle boisson est toujours présente dans toutes les étapes de la cérémonie. C’est pourquoi, ceux qui font le discours c’est-à-dire le représentant de la famille organisatrice et celui qui répond au discours comme représentant de l’assistance, entament le betsa . Si dans un cas de force majeure (prescription médicale), l’une de ces deux personnes ne peut pas boire, il passe sa part à l’un de ses proches (plus généralement à un de ses fils).

D’après Mangalaza, ce représentant de la famille, en se faisant, s’assure que « la boisson servie (…) n’est pas à craindre (tsisy atahöraña) » (Mangalaza, 1998 : 192). Il s’agit certainement de la peur de la sorcellerie qui a connu, à tort ou à raison, une recrudescence ces derniers temps. Rappelons que la principale mission de Moasibe, dans la première moitié des années 1980 (Mouzard 2003), consistait, entre autres, à éradiquer avant tout la sorcellerie. Cette « la violence cachée » (selon l’expression de Mouzard) a depuis peu obligé tout un chacun à adopter une attitude de prudence, vis-à-vis de tout le monde à tout ce qu’il va mettre dans la bouche (la boisson alcoolique notamment). Rappelons que la sorcellerie est un antidote de havana, en dépit de l’existence de lien généalogique comme l’a très bien dit Bloch: “Really, a person who is not in any sense a havana is a potential witch and Merina to this day are terrified of having to eat in his house since the witches are poisoners” (1971: 60)

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Chapitre 4. LE RITUEL FAÑOKOARAÑA

Le rituel à proprement parler dure deux jours, conformément aux visites à domicile effectuées par les responsables de fañatoroaña . Et l’assistance est tenue à respecter scrupuleusement la date d’arrivée et la fin de la cérémonie.

IV-1. LA RÉCEPTION

La réception est réservée généralement aux hôtes venant de loin. Elle se fait le jeudi et surtout le vendredi avant le jour du rituel. Pour ce faire, ces derniers ne doivent se munir que des objets les plus utiles comme un habit de réserve,…et le don à offrir que l’on nomme tatibato 1.

IV.1.1. La perception de tatibato, le don des hôtes

Tous ceux qui vont assister au fañokoaraña doivent se munir de tatibato. Le tatibato, est une sorte de don, que l’on offre aux organisateurs des évènements heureux qui se rapportent aux ancêtres ou aux tombeaux. Le mot tatibato est composé de tatitry « transport » et vato « pierre(s) ». On pense à une contribution du donateur à la collecte des gravillons qui ont servi à la construction du hazovato « cercueil-en-pierre ». Dans d'autres circonstances, les dons coutumiers sont désignés par d'autres expressions métaphoriques : par exemple pour un enterrement, évènement triste, on parle de ranomaso « larmes » ; pour le mariage, c’est le tso-drano « la bénédiction ».

Dans une telle circonstance, quelques hommes d’âge mûrs et deux secrétaires sont présents autour de la table. Ces deux secrétaires ont deux cahiers de registres différents : le premier enregistre les aides venant de la famille, le second perçoit les dons de la part de fôkonôlo (la communauté en dehors de la famille élargie). J’ai reconstitué les adidy (dus en espèces et en nature) que les proches parents (fianakaviaña) doivent payer, selon qu’ils sont mariés (manambady) ou mitôvo (veu(f)ve, divorcé(e), célibataire) comme le suivant :

Désignation Couple Cavalier

1 L’équivalent de sôroñ’afo offert lors de rasa hariaña chez les Betsimisaraka du Bas-Maningory décrit par Ottino (1998 : 190).

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Ranom-pary (jus 5 litres 2,5 litres de canne à sucre)

Vary fotsy (riz 2kg ou 7 kapoaka 3,5 kapoaka blanc)

Völa (argent) 2000 Ariary 1000 Ar

Lorsque les hôtes sont venus en groupe pour représenter une corporation (une association, des collègues, etc.), la remise de tatibato doit être précédée des rasa vôlaña (discours de présentation, littéralement « partages de parole »). Il s’agit d’un discours interactif effectué, en signe de respect mutuel, entre les représentants de la famille, assis dans le hangar et les hôtes. Le contenu du rasa vôlaña consiste à annoncer ce qu'on va faire tout de suite après, et à en exposer les raisons. Dans la vie quotidienne, l'emploi le plus fréquent de cette expression se rapporte à la situation d'une personne qui annonce qu'elle va partir. On ne doit pas s'en aller sans faire cette annonce, ce serait un manque de savoir- vivre, ou une marque de colère.

En voici un exemple prononcé par Papan’i Sasoa, Mr Sandina ( i Ramose, c’est de cette façon qu’on l’appelle), un instituteur retraité, porte-parole du corps enseignant sur- place :

Ramose (debout): Manahoana aby andre Comment allez-vous, quant à nous, fao zahay ndre mbôla tsara? nous allons encore bien?

Jobert (assis): Zahay ndre mbôla tsara Nous allons encore bien, mais vous fao andre manao ahoana? allez comment ?

Ramose (debout): Ano mahivan-tsandry Qu’on soit en bonne santé, et béni par tahin’Andriamanitry. Dieu.

Jobert : ( assis) : Ano mahivan-tsandry Qu’on soit en bonne santé !

Jobert: Kabaron’andre aby, fao zahay ty Qu’en est-il de votre visite, quant à tsarabe? nous, nous allons bien?

Ramose: Tsisy kabaro aby fao zahay ty Rien de spéciale, mais juste une simple ôlo mamangimangy fao tsara be. visite, nous allons bien.

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Ia iô ! Sôsoko famangiana tsy Bon ! En plus de la visite qui ne peut pas mahatôkana, nahareñy sady nitoroaña aller seul, nous avons appris, et nous zahay tamin’ny fañambaraña avons reçu l'annonce que vous nous avez nataonandre amin’ny fañamboaraña adressée concernant la « mise-en-état » an’i Rolland. Ke avy zahay mañôtroño, [ou ancestralisation] de Rolland. Aussi mitôndra sisikeran’ambàtra, sira nous sommes venus vous assister, et fañampin’ahandro. apporter, du sel en appoint 1 pour la cuisine.

Rasaim-bôlaña bôka izy ity, Si peu que ce soit, nous en karaha be, tsy rasaim-bôlaña karaha faisons toujours un discours de tsy fo. présentation, sinon ce serait comme si nous ne voulions pas vous le donner de bon coeur.

Ke tsy ny abezany eky irasam- Aussi, ce n'est pas à cause de bôlaña azy fô, fômban-drazaña mböla son importance que nous faisons un tsy hita ny naharatsy azy izy ity. Kê discours de présentation, mais c'est qu'il atolotro amin-kafaliaña, lafiky vity aby s'agit d'une coutume des ancêtres, dont e ! on ne voit pas en quoi elle serait mauvaise. Aussi, nous vous l'offrons avec joie, vous que je lèche les plantes de pieds!

Réponse du représentant de la famille :

1 Le texte porte ambàtra , nom d'une espèce de poisson.

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Ia, reñy aby raha Certainement, nous avons nivolañinandre take iñy, fao izy ka tsy entendu tout ce que vous venez de vaheriñinay, tsy firaiñana azy fao pronocer ; mais dans le cas où nous ne faraora-bakonaña ny teny, izy tômpony pouvons pas le reproduire tel qu’il est, edy mahatapi-tety azy. ne prenez pas comme une négligence de notre part, étant donné que le discours ressemble à une toile d’araignée, seule sa propriétaire est capable de marcher dessus de bout en bout.

Tsy nitôndra talan-dôha Vous n'êtes pas venus avec ambônin’avay fô mböla nilanja, [seulement] vos crânes sur vos épaules, nivimbiñy, nitatao vôla amin-kariaña. vous avez encore apporté argent et richesses, sur les épaules, à bout de bras, et sur la tête.

Izy i tsy hely fô be. Mitomboa C’est loin d’être peu, c'est be ny tany nialany. important. Que la source où cela a été pris puisse augmenter grandement.

Tsy efan’izaiñy fô mböla tonga Ce n'est pas tout. Vous êtes andre nañôtroño. Mankasitraka venus pour nous assister. Nous vous mankateliñy andre tônga nañôtroño. remercions, nous vous en saurions gré. Manan-kavaña tatô zahay manaña En vous possédant, nous avons de vrais andre. parents.

C’est un discours qui présente la somme d'argent que les hôtes ont apportée. Cette somme est représentée métaphoriquement comme le « reste de ambatra », et le « sel en appoint ». Comme réponse à l’annonce faite par les émissaires, ou réponse à l’invitation écrite, les invités rappellent la cause de leur venue, qui est fañamboaraña « mise-en-état » ou « ancestralisation », du feu Rolland ; cette expression représente le travail que la famille doit effectuer pour que le défunt devienne un razaña vita « ancêtre accompli ».

La deuxième phrase est une phrase d'excuses : en faisant de longs discours, les hôtes craignent de se venter d’importance à leur contribution ; mais s'ils ne disaient rien, ils donneraient l'impression de ne pas donner de bonne volonté ; ils sont donc embarrassés. La coutume exige qu’il appartienne au donataire d’insister sur l’importance de cette contribution .

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Néanmoins, lorsque le donateur vient individuellement, c’est le cas le plus fréquent, pour représenter sa famille ( tôkan-traño « une maison unique ») , il ne fait que s’inscrire dans le cahier de registre de don en indiquant d’abord s’il est membre de famille ou nom. Il offre ensuite le don, citant le nom du chef de famille, sa résidence, et enfin en prononçant le taux ou la quantité de ce qu’il apporte.

Le don peut se faire en nature (riz blanc) ou en espèces selon le donateur. Et pour en faire acte, un des représentants de la famille enregistre le montant et/ou la quantité du don offert dans un cahier, et un autre l’encaisse selon sa nature : espèce dans un « tente en pailles » ( heli-penja ou tanty bazary ), le don en nature, souvent du riz blanc, est versé dans un helibe « grand panier » en pailles. Le don varie selon la situation économique du donateur (le plus souvent, une famille verse une somme de 1 000 ariary et 2 kapoaka du riz).

IV.1.2. Tsimandrimandry, la « veillée » festive

Le mot tsimandrimandry est le duplicatif de tsy mandry, « ne pas dormir », et désigne la soirée d’un événement heureux durant laquelle on ne dort presque pas. Lorsqu’il s’agit d’une veillée mortuaire, on parle de fiambesam-paty « le fait de veiller sur le cadavre » ou fiaretan-tory « le fait de résister expressement au sommeil » ou « veiller ». Comme l’a signalé Mangalaza, « l’expression fiambesam-paty renvoie finalement à l’idée de vigilance »

(Mangalaza, 1998 : 184). L’attention y est donc portée sur le défunt.

Dans l’introduction du Dictionnaire Malgache-Français des Pères Abinal et Malzac (Ed. 2000), lorsque les racines se dédoublent, « elles forment ainsi un nouveau mot en général plus usité et qui indique la même action avec moins d’intensité ». C’est ainsi que les Antimaroa désignent par in-draikiny fao ! « (Qu’on le prononce) une seule fois ! » pour marquer une authenticité, une intensité supérieure à la normale. Le duplicatif est donc une atténuation. .Aux dires de Mangalaza, c’est « le fait de s’amuser tout en veillant » (Mangalaza, 1998 :184) . Au cours de ces veillées festives, on danse, on joue, on conte, etc. Cela se fait généralement la nuit qui précède le jour de la cérémonie, c’est-à-dire la nuit du vendredi. Puisque la famille organisatrice est très catholique, la veillée a été entamée avec des chants catholiques, en alternant les cantiques et les psaumes. À partir de 21 heures, une immense foule investit le lieu. Ces nouveaux participants viennent de villages ou hameaux (lasy ) environnants (Ambodibaro, Ampafatra, Takôly, Ambodivoahangy…) et surtout d’Andranofôtsy même.

Le Mpiambinjiny, informé de cette venue massive, va s’approcher du hangar , accompagné de quelques notables de la famille, et après le retentissement du tandrokaka, il prononce le discours inaugural qui n’est autre que le rasa vôlaña : En voici le texte :

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Misaotra atsika jiaby tônga, Nous vous remercions tous nañôtroño, niala tôromaso. Ny avy d’être venus vous joindre à nous, et tañava noriky, ny avy tañanadray d’avoir quitté votre sommeil. Ceux, nivalaña andeha hamparesaka venus d’aval, sont remontés ; ceux tsaborahanay ity. venus d’amont sont descendus pour animer notre fête .

Efa hainandre fô ny fitsaboaña Vous savez que la raison pour an’i Rolland no antony mampivory laquelle nous sommes réunis si atsika maro be i. Ke tônga andre. nombreux, c'est la « mise-en-état » [ou « ancestralisation »] de Rolland. Et vous êtes venus.

Tsy hainay fianakaviaña ny Nous, la famille, ne pouvons hangiñy, tsy hankateliñy ny raha pas nous taire, nous ne pouvons pas ne nataonandre zahay ake i. pas vous manifetster notre gratitude envers vous et ce que vous avez fait pour nous.

Fañampin’izaiñy, itiô misy En plus de cela, voici quelques ranon-draha hely. Rasaim-bôlaña boissons. Si peu que ce soit, nous en karaha be, tsy rasaim-bôlaña karaha faisons toujours un discours de tsy fo. Tsy abezany eky irasam-bôlaña présentation, sinon ce serait comme si azy fô, fômban-drazaña izy ity. nous ne voulions pas vous le donner de bon coeur. Ce n'est pas à cause de son importance que nous faisons un tel discours de présentation, mais c'est qu'il s'agit d'une coutume des ancêtres.

Izy ka amin’ny hafaliaña Quant à notre joie concernant amin’ny fañotrôñanadre edy, tôkony votre assistance, on devrait vous barika navaringaringariñy, fô tsy ampy présenter des boissons en barriques ; tsy añono. Hafaliañan’ny tsy manaña cependant l’insuffisance est un vice. lafiky vity aby e, nify ka mivantriky efa C’est une joie à la manière des pauvres, mahavita azy. vous que je lèche les plantes des pieds, il suffit de faire montrer des dents [ou sourire].

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Mason-tsôkiny mason-tsôra, À la manière des yeux du lay hita hely entiny mihiratra. hérisson, et ceux de l’ antsôra 1, on regarde avec le peu qu’on a.

Lañiany tia mafaipaiky io misy Pour ceux qui aiment l’amer, hely, ranom-bilahy. voici un peu d’eau de bilahy.

Lay tia mafampana, io misy Ceux qui préfèrent l’alcool fort il fôtsy rano. Fô le mamo, mihôla, y a de « l’eau blanche ». Par contre, mandrava raha, ialanay tsiñy fô nous tenons à avertir celui qui serait soul hataonay tsy nahitaña ny lasaña e. et voudrait provoquer des troubles : vous nous excuserez, mais nous le considérerions comme à l’origine de la disparition du défunt.

Kê rasaim-bôlaña ! Qu’on l’annonce !

L’assistance représentée par trois hommes dont l’un prend la parole (c’est toujours Ramose Sandina), répond en rassurant sur la sécurité de la veillée. Et la fête commence.

Après le premier partage de boissons (tantaña) , une organisation artistique sur une scène circulaire se forme. Les danseurs gravitent autour du batteur du tambour ( mpamely bingy 2) et le mpamelon-kaïamba 3, le «sonneur de hochet ». Toujours dans le même hangar, à l’autre extrémité, en marge de la soirée dansante, ici les uns jouent aux cartes ; là, aux dominos. Des jeunes hommes courtisent des jeunes filles… Dans un autre coin du hangar, conte et légende ou korambe , récits historiques tantara ,… s’échangent jusqu’au petit matin.

IV.2. LE FAÑOKOARAÑA PROPREMENT DIT

Le samedi 1 er novembre 2009, le jour du fañokoaraña vient . Comme durant les trois jours consécutifs, la répartition des personnes en activité doit être coordonnée. Si les uns (la majorité) partent au tombeau, les autres préparent le repas au village.

1 Comme le hérisson, c’est une espèce de tenrecs. Pour les Antimaroa, ils se contentent de leurs minuscules yeux pour voir.

2 Bingy est un tambour fait en une caisse cylindrique (n’est pas en bois dur comme les bingy tapaka « tambours coupés ») à deux peaux de zébu. Il est joué à l’aide de deux baguettes. Il est plus populaire que le bingy tapaka.

3 Kaïamba , c’est un instrument de musique aérophone (hochet) fabriqué à partir d’une boîte de lait concentré vide ( kapoaka que l’on utilise aussi pour mesurer le riz, le café, etc.) à l’intérieur de laquelle on met des grains secs de balisier. On le joue en frappant du poing ou en frappant sur le genou.

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IV.2.1. Abattage de zébus

On est le samedi 1er novembre 2008, le lendemain de la tsimandrimandry et le jour du fañokoaraña . Le jour commence par l’abattage de zébus. Vers 6 heures du matin, une dizaine d’hommes traversent l’artère principale en face de la cour qui héberge la fête, pour chercher les deux zébus castrés ( vositry ) à immoler. On passe une corde à la base des cornes de chacun de ces deux animaux, et une autre corde est attachée à une de leurs pattes postérieures. Pour les terrasser un à un, les uns tirent la première corde dans un sens et les autres tiennent la seconde corde dans un sens opposé au premier. Très rapidement, les zébus sont garrottés et renversés un à un, têtes vers l’est, pattes au nord. C’est alors que le Mpiambinjiny, maître de cérémonie, allait officier.

Avant que le Mpambinjiny prononce le jôro « prière », un jeune homme, qui doit avoir ses deux parents vivants au jour de la cérémonie ( velon-dreny, velon-dray ), a versé un seau d’eau tour à tour les deux zébus depuis la tête jusqu’aux membres postérieurs.

Se tenant debout à l’ouest de l’animal terrassé, l’officiant va enfin prononcer à voix basse « des excuses conjuratoires à l’égard des zébus » (Batsara 2004 : 55). Tokilahy Jean François m’a précisé que le jôro doit se faire avant que le soleil se place au zénith ( miariñy ), de préférence, dès que « le soleil se présente » ( masôva miboaka ), c’est-à-dire dès l’aube (vers 6 heures).

Immédiatement après cela, un homme réputé tsara tañana, « ayant de bonnes mains », prend le relais. Être tsara tañana signifie avoir « de bonnes mains ». À ce titre, les zébus égorgés ne soufrent pas longtemps (tsy ela maty) avant de mourir ; la manducation de la viande de ces zébus ne provoquera jamais de maux de ventre. Toute maladie qui survient après l’avoir mangée est ainsi interprétée en termes d’ordalie. Cette réputation lui permet d’égorger, en premier, les zébus. Pour ce faire, le mufle et les cornes de ces sont immobilisés sur le sol, cet homme prend le couteau bien aiguisé ( marañitry ) pour faire gicler le sang. Et après lui, viennent ceux qui vont découper complètement les animaux en petits morceaux pour les cuire. Le partage se fera lors du repas collectif. Seule la tête est laissée entière pour être exposée à tout le monde, pour savoir le nombre et les visages (sôran’aomby ) des zébus immolés.

À cette heure, la cuisson du riz, qui a débuté dès 2 heures du matin, commence à prendre sa fin. Le but, c’est de commencer tôt (à 2 heures du matin). Il reste donc la cuisson de la viande.

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IV.2.2. Le cortège vers « Andrômahitso »

À 7 heures du matin, Le tandrokaka se fait entendre pour signaler le départ pour Andrômahitso, le tombeau royal, distant environ de 1,5 km à l’est du village. Le cortège composé de 300 individus part alors vers Andrômahitso.

Tandis que les cuisiniers continuent leur préparation du repas au village.

IV.2.2. 1. À la porte de la trañomanara

À l’intérieur de la cour tombale, il y a la trañomanara et un vieux manguier au pied duquel on jette les planches des cercueils usés.

Chez les Antimaroa en général, on laissait les végétations pousser pour couvrir les sentiers qui mènent vers le tombeau. Du fait que les rayons de soleil y pénètrent difficilement, la maison qui s’y trouve est dite manara. D’où la trañomanara. Au quotidien, ce terme se comprend, lorsqu’il fait très chaud, et les gens s’assoient à l’ombre d’un arbre, se mettent à l’abri du soleil. On dit alors qu’ils sont minaranara « se-mettent-à-l’abri-des-rayons- lumineuses », « se-mettent-à-l’abri-de-la-chaleur ». Le duplicatif minaranara a pour racine nara.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La recrudescence des vols des ossements somme les Antimaroa à placer la cour tombale, en permanence à la vue des passants (du public) étant donné que les broussailles qui y poussent, servent à cacher les pilleurs de tombeaux. Cela nécessite la séance de débrousaillage et de décapage périodiques. Cette séance annuelle s’appelle ava fasana « débroussaillage de la cour tombale ». Elle se fait soit à la fête des morts, soit au mois de décembre avant la période pluvieuse et cyclonique du janvier, à un jour convenu ou à l’appel radiodiffusé du Mpiambinjiny. Pour le cas d’Andrômahitso, elle a lieu à chaque samedi entre la Nativité et le Nouvel an.

Contrairement aux autres groupes Antimaroa qui réservent la trañomanara « maison-à-l’abri-du-soleil » aux razaña ayant déjà fait l’objet de fañokoaraña 1 ; chez les Zafirabay d’Andranofôtsy, une trañomanara « maison-à-l’abri-du-soleil » est la case 2 à l’intérieur de laquellr tous les cadavres, avant et après le fañokoaraña, sont posés dans leurs maisons individuelles au ras du sol. Il y a d’abord les faty leñy, « les cadavres humides ». Ce sont les cadavres déposés aussitôt après les décès. Ils sont mis dans un

1 Les faty leñy, « les cadavres humides » sont enterrés, en principe, dans la cour tombale, pour que les chairs périssables s’y détachent des os impétriscibles .

2 15 mètres de longueur et 4 mètres de largeur.

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cercueil ( sarke ) individuel en planche posé à même le sol. Il y a aussi les faty maiñy « cadavres dessechés » ou encore les os décharnés, c’est-à-dire les ossements recueillis après la réalisation du rituel fañokoaraña . Ils sont placés dans leurs hazovato « cercueil-en- pierre » respectifs, car ils ont déjà reçu les secondes funérailles. Ces hazovato « cercueil-en- pierre» aussi sont posés directement sur le sol.

Leur trañomanara « maison-à-l’abri-du-soleil » contient une pochette ( kombiny ) dans laquelle il y a des cadavres qui sont susceptibles d’être transférés à d’autres tombeaux suite à la demande d’une de ses lignées (maternelle lafan-dreniny ou lafan-drainy) paternelle, ou autre). Dans la plupart des cas, ce sont les enfants de femmes qu’on y pose provisoirement. Car en principe, ils doivent rejoindre leur lignée paternelle lafan-drainy après leur mort .

Comme m’a confié Tokilahy Jean François, les Zafirabay d’Andranofôtsy comptent réhabiliter cette maison funéraire collective (trañomanara « maison-à-l’abri-du-soleil »). Ils vont remplacer les murs qui sont actuellement en bois, en parpaings. Cela leur permet de faire une extension et d’ériger une série d’étagères superposées pour gagner beaucoup plus d’espace. En conséquence, ils cesseront, petit à petit, d’utiliser les hazovato « cercueil-en- pierre ». Et les faty leñy seront déposés à même le sol avec les hazovato qui ont été utilisés depuis. Néanmoins, les razaña voamboatra (ancêtres ayant déjà reçu les secondes funérailles) seront arrangés chacun dans des caisses en bois surélevées sur des étagères. À l’intérieur, les femmes seront d’un côté et les hommes de l’autre.

À la porte de trañomanara déjà ouverte , le représentant de la famille organisatrice s’adresse à la foule :

Miala tsiñy edy malôha izy ka Nous nous excusons d’abord de mitsangana eto alôhanandre eto. Tsy hoe nous mettre debout devant vous. Ce n’est lapan’ny fañahy. Fô araka ny ôhabôlaña pas en tant que palais de la sagesse. izaiñy. Teny azo mahasolanga ; teny tsy Mais comme l’a dit le proverbe : une azo mahajoko. Ke solanga namian-teny parole donnée permet de se présenter ; za io lafiky vity aby e ! parole non donnée, permet de se cacher. Je me présente actuellement parce qu’on m’a octroyé la parole, vous que je lèche les plantes des pieds!

Mböla hialaña tsiñy amin’andre Nous nous excusons encore fôkon’ôlo, izy ka mañantso andre ho auprès de vous l’assistance (communauté tonga aty am-pasaña amin’ny villageoise), si nous vous invitons à venir

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mason’andro iniany ity. Andro tsara au tombeau, ce jour ; un jour faste durant tôkony añanaovanandre tabà añy lequel vous devez faire vos tâches andrañonadre tsiaraikiaraiky añy izy ity. quotidiennes.

Kê mankasitraka mankateliñy Aussi, nous vous remercions andre, tonga, nantsôviñy tsy karaha énormément d’être venus suite à une aretiñy. Noho izaiñy tsy atao vono aomby annonce, non pas à la manière des tsy reñy hañitry izaiñy izy ity. Fô tsy maladies, venues sans être invitées. maintsy ambara ny antony Nous n’allons pas faire une immolation de nahañantsôvaña atsika. zébus dont l’odeur échappe à tout le monde. Nous sommes obligés de vous expliquer pourquoi nous sommes ici.

Maro ny ôlomaty ato aminay fô, Il y a tant de morts chez nous, Itompokolahy Rolland no avadi-pandriaña mais c’est Rolland que nous allons amin’ny mason’andro iniany ty. Kê andre retourner dans son lit mortuaire. Vous qui avy i, tsy hilazana lainga fô izaiñy lafiky êtes venus, on ne vous raconte pas de vity aby ny antony nañantsôvaña è! mensonge, vous que je je lèche les plantes des pieds !

Fañampin’izaiñy, io misy rano En outre, voici un peu d’eau, hely, atao handomenaña tenda amin’izay pour humecter le gosier, à départager à teky azy. Izy bôka rasaim-bôlagan karaha ceux qui peuvent le recevoir. Si peu que hely, tsy rasaim-bôlaña karaha tsy fo. Tsy ce soit, nous en faisons toujours un ny habezany eky irasam-bôlaña azy io fô discours de présentation, sinon ce serait fômba. Kê tsy maintsy rasaim-bôlaña comme si nous ne voulions pas vous le aminandre lafiky vity aby ! donner de bon coeur. Ce n'est pas à cause de son importance donc que nous

faisons un discours de présentation, mais c'est qu'il s'agit d'une coutume des ancêtres. Nous devons le dire à vous que je lèche les plantes de pieds !

Il a fait une libation à l’endroit de Raholo, le fondateur du tombeau d’une part ; d’autre part à Robert Malo et Martin Malo, d’où est issu Rolland. Et il boit. Quelques minutes

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plus tard, trois représentants de la communauté villageoise (fôkonôlo 1), enlèvent leurs chapeaux, se lèvent pour le répondre. Ramose prend encore la parole en hésitant un peu :

(Ehe izy, koa ifanolahaña ny teny (Si on hésite, ce n’est pas parce tsy hoe firaiñana azy, lafiky vity aby, fô ôlo qu’on sous-estime votre parole, vous que araiky fô mijery amin-dohaliky. Izy ka efa je lèche les plantes des pieds, c’est ôlo aro na telo efa misy hijiriaña edy.) seulement lorsqu’on est seul qu’on prend le conseil de tes genoux. Avec deux ou trois personnes, on a quelqu’un à demander conseil. )

Miala tsiñy edy malôha izy ka Nous nous excusons d’abord de mitsangana eto alôhanandre eto. Tsy hoe nous mettre debout devant vous. Ce n’est lapan’ny fañahy. Fô araka ny ôhabôlaña pas en tant que palais de la sagesse. izaiñy. Teny azo mahasolanga ; teny tsy Mais comme l’a dit le proverbe : une azo mahajoko. Ke solanga namian-teny parole donnée permet de se présenter ; za io lafiky vity aby e ! parole non donnée, permet de se cacher. Je me présente actuellement parce qu’on m’a octroyé la parole, vous que je lèche les plantes des pieds !

Tsy hañano vapaza izaiñy ; iritiky Ce n’est pas à la manière des ambônin’ny maventy. Fô atody akôho fruits de papayer ; les nouveaux se navadibadi-driaka izaiñy ke iraky ny positionnent au-dessus des anciens. maventy tsy manan-daiñy. C’est plutôt à la manière de l’œuf de poule entraîné par les vagues ; aux

ordres des supérieurs, on ne se montre pas paresseux.

Avy mô ny teñanandre nilaza fô Ensuite, vous avez dit (ici il (mañeriñy raha jiaby nivolañ’ilay ôlo reprend tout ce que le premier tamin’ny voalohany). interlocuteur a dit)

1 Ici, le fôkonôlo est la transposition du terme de malgache littéraire fokonolona. C’est une institution, composée de communautés villageoises, considérées comme la base de la société malgache, prônée par le Général Gabriel Ramanantsoa, devenu chef d’État suite à la démission du père de l’Indépendance, Philibert Tsiranana en 1972. L’emploi du fôko ici est à distinguer de fôko dans fôkon-dray (le côté paternel) .

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Ia iô, reñy aby jiaby iñy. Ny aiñy Eh bien oui, on a tout entendu. ano mahivaña. Izy koa tsy tapitety, tsy Qu’on soit en bonne santé. Lorsqu’on ne fireñana azy fô farôra-bakoño ny teny ke i parvient pas à reprendre telle qu’elle votre tômpony edy mahatapitety azy. parole, ce n’est pas une sous-estimation de notre part, c’est parce que le discours ressemble à la toile d’araignée : son propriétaire est le seul qui peut la traverser d’un bout à l’autre.

Misaotra andre nampandreñy D’abord, nous vous remercions malôha. Ny antony nahatangovanay de nous avoir informés. La raison de fôkonôlo tsy misy zavatra hafa fô, notre venue massive n’est autre que raharaha mahakasiky ny maty. l’affaire concernant le mort.

Fangariñam-bato izy io. Tsy Il ressemble au pressoir de voavadik’ôlon-tôkaña. Sady efa canne à sucre fait en bloc de pierre. Une fômbantsika betsimisaraka, tsy misara- seule personne ne peut pas le rouler. Il draha mañano izy ity. Ratsy raha est d’ailleurs de notre coutume iarahaña ; tsara raha itambaraña. Izaiñy betsimisaraka de « ne jamais nous ny antony nahatongavanay lafiky vity aby séparer ». Le pire, on l’affronte ensemble, e. Tsy maintsy korañiny. dans le meilleur, on s’unit. C’est pour cette raison que, pour vous que je lèche

les plantes des pieds, nous sommes venus ici. Il faut le dire.

Ambônin’izaiñy, ny mason’andro En plus de cela, ce jour iniany natao iarahaña. Mböla d’aujourd’hui, c’est une journée pour nous nampianandre ranondraha hely ndreky mettre ensemble. Et vous nous avez en hinomiñy. Tsy hely izy fô be. Izy i tsy plus donné quelque chose à boire. Ce nivoziñy tanteñany tañy fô, raha nialam- n’est pas petit ; c’est grand. On ne l’a pas bôla. Azonay ny fady. Ataonany lay raha puisé au fleuve d’Andranofôtsy. On l’a tôkony atao. Misaotra ! acheté. Nous avons reçu l’honneur Nous allons faire ce que nous devons faire. Merci !

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Bref, les Zafirabay d’Andranofôtsy n’enterrent pas leurs morts durant les premières funérailles. Rolland par conséquent n’a pas été enterré non plus. Il a été placé parmi ces grands-parents dans la trañomanara « maison-à-l’abri-du-soleil ». Il n’est donc pas le seul dans cette maison funéraire (trañomanara « maison-à-l’abri-du-soleil »). Pour l’identifier, sur son cercueil, il est inscrit : « Ato no misy an’i Rolland Benoît. Teraka tamin’ny …Maty tamin’ny (les dates deviennent illisibles et très difficiles à décrypter) 2001 »1. Cette inscription indique la tête, c’est-à-dire, au Nord. Car seuls les cadavres ont droit d’être allongés en direction du nord ( mañavara-dôha ). Il est en effet interdit aux vivants de placer les lits en direction du nord.

IV.2.2. 2. Le fitsimponaña, le ramassage des ossements

On entend par fitsimponaña « ramassage des ossements », l’action de prendre un par un les ossements selon sa structure originelle : depuis les os crâniens jusqu’aux phalanges pour former les orteils. Les ossements seront arrangés de la sorte après les avoir essuyés légèrement à l’aide d’un torchon (tapa-damba) fait du linceul qui va être utilisé pour envelopper (en première couche) les ossements .

Dans le cas où celui que l’on retourne (avadiky ) est de sexe masculin, ceux qui procèdent au ramassage, à l’essuyage des ossements le sont aussi. Vers 9heures 20 minutes, le cercueil de Rolland est sorti du tombeau familial ( trañomanara ). Aussitôt après, des pagnes (valambaña ou lambahoany… ) sont dressés dans la cour tombale afin de cacher sa nudité aux personnes de sexe opposé. Quatre hommes se mettent à l’arrangement et à l’enveloppement des ossements.

Lorsqu’ils ont fini d’essuyer et d’arranger un à un les ossements, ils les enveloppent dans un tissu de sogabe (linceuls) d’abord, et en deuxième couche interviennent les lambahoany , sur lesquels on met une chemise, un pantalon, un slip d’abord. Bien habillé, le nouvel ancêtre sera tenu entre les bras des proches parents tour à tour. Cela a duré à peu près une heure de temps. Parallèlement, les jijy (poèmes chantés), tökatöka chantés en ôsiky et les kôro (chœur des hommes) rythmés par les hazolahy ou bingy tapaka « tambour coupé » battent leur plein. Le betsa circule. Quant à Besidy et Tokilahy Jean François, ils circulent à l’intérieur de trañomanara et présentent aux intéressés (les membres de familles qui sont en diaspora) les ancêtres qui y reposent.

En Imerian, la pourriture complete des chairs, l’emballage du corps et l’emplacement du corps dans le tombeau familialconstituent les trois traits distinctifs du rituel de famadihana

1 Ci-gît Rolland Benoît. Né le…Décédé le…2001.

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selon Bloch. « There are a number of easily distinguishable ceremonies which go under this name, but all these ceremonies share a common basis. They all involve firstly the examination of the body if the near relative after the flesh as completely decayed , secondly, wrapping the corpse in very fine highly. Colored, decorated silk sheets called lamba mena , and thirdly rewrapping the corpse and placing in the family tomb” (Bloch, 1971: 145).

Il est 11 heures. C’est alors que le mpianbinjiny présente le nouvel ancêtre à l’assistance. Dans la foulée, Besidy va alors présenter le nouvel ancêtre à ses aïeux, avant de le faire entrer dans sa nouvelle demeure, le hazovato « cercueil-en-pierre », qui était déjà placé à l’intérieur de la trañomanara, en prononçant :

Iñy zafinandre ê ! Ka anara izy, Voici votre petit-fils ! Prévenez- toroa izy mbô tsy hañalokaloko ny le, avertissez-le, pour qu'il n'importune veloño. Ary anao Rolland, tônga pas les vivants. Et toi Rolland, tu es amin’ny fiankaviañanao anao, kê vita maintenant arrivé chez ta famille, et nous ny adidinay veloño. les vivants, notre devoir est accompli.

Manomboko iniany aza À partir d’aujourd’hui, ne mankarary. Aza mampañinôfy ratsy. provoque pas de maladies. N'envoie pas Ary aza miaroaro foringa aminay de mauvais rêves. Et ne mêle plus ton ôlombeloño. fumier avec le nôtre, à nous les personnes vivantes.

Après cela, ceux qui ont procédé à l’essuyage et l’enveloppement des ossements vont placer le nouvel ancêtre dans le hazovato portant le nom de Rolland Benoît. Les parents proches (sœurs, cousins…), munis des objets vestimentaires (slip, casquette, chemise, chaussette..) ; des paquets de cigarette, des pièces de monnaie…, viennent font la queue devant le hazovato.

Tout de suite après, Besidy, assisté par Tokilahy Jean François et Jobert, remercie les invités d’avoir assisté à la cérémonie tout en les invitant au grand festin donné au village qui porte le nom de : mantera omañ’azy , littéralement « asseyez-vous pour manger ». Ces trois personnes ne ferment pas la porte trañomanara tant que l’assistance ne déserte pas complètement la cour tombale.

Lors du retour au village, la foule avance aux petits pas en dansant. Les kôro et ôsiky se succèdent sans interruption. Le ôsiky est un chant dont le refrain, chanté en chœur (mpamaly ôsiky ) se répète incessamment en réponse d’une ligne chantée par le soliste, mpitôkatôka . Lorsque le soliste chante une strophe, on dit qu’il est mpijijy , « le récitant-de-

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litanie» . Quant au kôro, il s’agit d’un chœur d’hommes. On l’entend souvent lors des travaux exclusivement masculins tels que supporter un objet lourd comme le fait de supporter un hazovato, pour pouvoir le déplacer. En soulevant cet objet si lourd, ces hommes chantent en chœur. Mais on peut aussi l’entonner pour animer une veillée, comme tous les autres chants.

IV.3. LA PHASE FINALE

La phase finale du rituel va du banquet jusqu’au discours de remerciements de l’assissitance. Les invités ne quittent pas le lieu avant d’être informés sur la somme de leur contribution (en nature et en èspèce).

IV.3.1. Le banquet ou « mantera omañ’azy »

Le banquet, mantera omañ’azy , est un repas fastueux consécutif au fañokoaraña . Toute l’assistance est conviée à ce banquet. Ainsi, les cuisiniers étendent par terre des nattes en feuilles de via 1 (lambanaña) , très longues qui servent d’assiettes collectives. De part leur forme, on les appelle lambanan-dava . Cette lambanan-dava suit l’artère principale du village en trois colonnes dont chacune peut atteindre une centaine de mètres. Lors du repas, les gens s’accroupissent côte à côte.

Comme à l’accoutumée, l’assistance est répartie en quelques catégories très particulières. Les personnes de même catégorie partagent la même lambanaña : les femmes venant avec leurs enfants ( viavy mitaïza ), les enfants, les jeunes ( gaon-dahy et gaombavy), les ray aman-dreny (les vieux)… La lambanan-dava est destinée au commun des mortels. Ce sont des gens qui ont reçu verbalement l’annonce ( nitoroaña ) sans avoir reçu l’invitation. Les distributeurs des cuillères attendent à ce que les invités soient bien installés avant d’agir.

Les cuillères ( sôroko ) sont faites en feuilles de lingôza 2, pliées en deux dont la partie inférieure est mince (permettant le ramassage du riz sur la natte) et surmontées d’une manche. Ida Pfeiffer n’a pas manqué de signaler cette façon de restaurer des Betsimisaraka de Toamasina (1857). « Sur la natte, il y avait une grande feuille et tout autour plusieurs petites feuilles ; la première (ndlr : lambanaña) représentait le plat (…) En guise de cuillère, ils se servent d’une feuille qu’ils ploient très-adroitement, et au moyen de laquelle ils portent à leur bouche, non seulement le riz et le haricot, mais même des liquides qu’ils puisent dans des pots ». C’est en ces termes qu’elle a livré ses impressions sur l’utilisation de lambanaña et les sôroko. (Pfeiffer, 1981 : 83).

1Typhonodurum Lindleymann.

2Heolychium coronarium.

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Mais dans le hangar, il y a les tables des officiels. On dit qu’ils ont « reçu les invitations » nahazo invitation, c’est-à-dire qu’ils ont reçu l’annonce dans sa version imprimée sur papier bristol. En contrepartie, ceux qui reçoivent l’invitation sont obligés de verser un tatibato un peu plus élevé que les autres tel qu’il est mentionné dans l’invitation: un couple invité doit payer au minimum 5 000 Ariary (mpivady : 5 000 Ariary farany ambany) . Ils étaient aux environs de 50 personnes (des fonctionnaires locaux, autorités administratives et politiques, des autorités religieuses, les autorités traditionnelles des groupes environnants…).

Ce repas a été précédé d’une cuisine de grande envergure. J’ai pu observer que lors de la préparation culinaire d’une cérémonie de telle envergure, le rôle des acteurs est renversé par rapport à la vie quotidienne. Ici, il appartient généralement au sexe masculin de cuisiner. Les femmes ne s’occupent que du repas des officiels.

À 13 heures, le tandrokaka retentit . Un jeune homme lance, à haute voix, un appel à toute l’assistance, l’invitant à s’approcher de lambanan-dava . Le riz cuit (vary masaka) y est étalé. Et à chaque mètre, des ustenciles contenant des bouillons de viande de zébus sont déposés. Il répartit alors les invités selon la catégorisation évoquée ci-dessus. La majorité de l’assistance s’approche des feuilles de via (des lambanaña ) pour y restaurer . Le repas commence.

Simultanément, certains cuisiniers ( mpahandro ) partagent les portions de viande cuite (andrasa) aux invités l’un après l’autre. La part que l’on a reçue de cette viande s’appelle « andrasa ». Les mpirasa andrasa « distributeurs de viande », pour éviter toute sorte de favoritisme, doivent tirer la viande cuite d’un grand panier (helibe), au hasard. D’autres surveillent le partage. Ces surveillants décident si on ajoute la part d’une personne ou non.

Vers14 heures, le repas est fini. Les lambanana sont déjà désertées par la foule. Les invités cherchent de l’ombre en attendant le dernier discours : celui de remerciement.

IV.3.2. Le remerciement pour la clôture

Le rasa vôlaña , en guise de remerciement, va être prononcé. Quelques doyens, représentants de la famille organisatrice, se lèvent. Ils assistent ( mañotroño ) Besidy lors de sa prise de parole en guise de remerciement. Besidy a enlevé son chapeau de paille, et prononce un discours dont voici la traduction :

« Silence ! (Salañitry !) Si je demande du silence, ce n’est pas parce qu’il y a message venant du ciel. C’est qu’on commence à avoir quelque chose à annoncer (ampô ho

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hisy ny raha hivolañiny) . Nous nous excusons d’abord de nous mettre debout devant vous. Ce n’est pas en tant que palais de la sagesse. Mais comme d’après le proverbe (araky ny ôhabôlaña) : une parole donnée permet de se présenter, la parole non donnée oblige à se coucher (teny tsy azo mahajoko ; teny azo mahasolanga) . Je me présente actuellement parce qu’on m’a octroyé la parole, devant vous que je respecte le plus ! Nous qui nous levons devant vous, ne sommes pas la demeure de l’esprit ou le palais de la sagesse. Nous ressemblons à l’œuf de poule entraîné par des vagues ( atody akôho navarimbarin-driaka ). Ayant reçu l’ordre du supérieur, nous ne pouvons pas le refuser (iraky ny maventy tsy manan-daiñy) .

Nos premiers mots, à nous membres de la famille de Rolland, seront des mots de remerciements pour nous avoir assistés pendant ces trois derniers jours. Surtout ce jour de samedi. Vous quittez vos tâches, vos travaux pour vous joindre à nous. Ceux d’en amont descendent ; ceux d’en aval remontent ; ceux de l’au-delà de la montagne gravissent, ceux de l’autre rive traversent. Vous ne vous êtes pas demandé : qu’est-ce qu’ils font pour nous ? Au contraire, dès que vous avez été informés que nous comptons exhumer (hitsabo) Rolland, vous êtes venus. Les jeunes hommes valides ont extrait les cannes à sucre (nangariñy) , ont fait la cuisine (nahandro) , et davantage. Les jeunes femmes ont pilé le riz, puisé de l’eau…Personne ne s’est plaint des cloques sur ses mains (nitaraiñy taña- miempaka) . Vous avez fait autant que vous avez pu.

En plus de cela, il ne vous a pas suffi de quitter vos tâches pour nous prêter vos mains, vous êtes surtout venus avec de l’argent et des richesses. La charité se manifeste autant. A présent, nous allons demander à notre secrétaire, de se lever pour nous lire à haute voix le total de votre don.

Le secrétaire : Voilà le total de votre don, une somme de 1 156 400 Ariary et 310 kapoaka du riz blanc, jus de canne à sucre 120 litres. [Il est à noter que la copie (le double) du papier qui enregistre ce total, doit être mis à la disposition de celui qui va répondre le discours. Etant donné qu’il va relire ce qui est écrit dessus].

Le mpiambinjiny enchaîne : Enfin, ce qu’on a fait est arrivé à l’horizon (toditody lañy) . Rolland est déjà dans sa maison. De notre volonté, nous ne nous séparons plus et continuons notre discussion ici. Cependant, nos devoirs et responsabilités respectives ne vont pas accorder cela. C’est ainsi que ceux de nos alentours sont priés de rejoindre leurs foyers. Ce n’est pas une volonté de vous expulser. Loin de là. Parcontre, ceux des villages lointains, sont encore prier de patienter, juste pour cette nuit. Une maison qui a pu nous abriter hier, elle le peut encore aujourd’hui. Etant donné que, nous sommes déjà dans l’après-midi ; nous craignions

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qu’il fasse nuit pendant que vous êtes encore en route et que des accidents surviennent. Vous avez beaucoup fait. Il faut le dire. »

Un de trois hommes représentants de fôkonôlo qui se lèvent répond à ces remerciements. Il va répéter les formules précitées : miala tsiñy (s’excuser), reprendre ce qui a été dit à sa façon, accepter les ordres donnés par le premier interlocuteur (Besidy)... C’est ainsi que le rassemblement touche à sa fin.

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Conclusion partielle

Le lendemain, jour de dimanche, les parents proches procèdent au « fafalapa », c’est-à-dire le « nettoyage du palais». C’est le moment où les deux têtes de zébus sont préparées (mihinana lôhan’aomby). Etant donné que les organisateurs sont des zanaky ny vavy « enfants de femme » parmi les petits-fils de Robert Malo, dans la matinée, les zanaky ny lahy « enfants de l’homme » se chargent de faire les vaisselles, démenteler le hangar, balayer la cours, restituer les ustenciles de cuisines et les matériels empruntés…Quant aux zanaky ny vavy, ils achetent des boissons de toute sorte (bierre, betsa, rhum, limonade…) et servent leurs cousins croisés.

Dans l’après midi, c’est l’heure du bilan (financier, organisationnel) de ce tridium cérémoniel. C’est également le moment de régler les conflits éventuels ou d’élucider des questions. On peut citer en guise d’exemple le cas des enfants du nouvel ancêtre. Il a été rappelé par Anna, la grande sœur de Rolland, qu’elle adoptera le fils du nouvel ancêtre. Héléna, quant à elle, s’est vue confier le tutorat de l’orpheline.

Comment tout cela pourrait-il être traduit?

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Partie III. INTERPRÉTATIONS ET ANALYSES

INTRODUCTION

Rappelons-nous de Malinowski lorsqu’il dit : “J’estime que seules possèdent une valeur scientifique, les sources ethnographiques où il est loisible d’opérer un net départ entre d’un côté les résultats de l’étude directe, les données et interprétations fournies par l’indigène, et de l’autre les déductions de l’auteur” (Malinowski, 1963 : 59). La partie descriptive est donc à séparer de la partie interprétative pour bien faire la part des choses. Cette dernière partie tâchera de déterminer comment les Zafindrabay d’Andranofôtsy comprennent, en totalité, le rituel que je viens de décrire ? Quelle est la clé de voûte de ce rituel ?

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Chapitre 5. FAÑOKOARAÑA , LE RITUEL INTÉGRATEUR ET IDENTITAIRE

V.1. INTÉGRATION DU DÉFUNT DANS LE MONDE DES ANCETRES

De prime abord, le fañokoaraña se comprend comme un rituel qui assure la cohésion des endeuillés avec les autres membres de leur groupe social et qui manifeste la promotion du défunt au rang des ancêtres.

V.1.1. Du tsaboraha au fañokoaraña

Chez les Zafirabay, les secondes funérailles s'inscrivent dans le nom générique : tsaboraha , c'est-à-dire dans le registre des évènements heureux se rapportant aux ancêtres. C'est un mot composé: tsabo (action de faire) et raha (dans son acception actuelle, désigne toute chose dont le nom est inconnu ou oublié.

Le tsaboraha est un nom générique de tous les rituels des évènements heureux en l’honneur des ancêtres. La réalisation entraîne une bénédiction de la part des ancêtres (fañokoaraña ), ou résulte de la bénédiction de l’ancêtre (tsakafara) . Ainsi, tsabo, au sens propre, chez les Antimaroa, est un champ de culture à partir du quel est escompté un rendement. Le verbe mitsabo veut dire cultiver. Par extension, à l’instar de mitsabo tabà, « faire les tâches quotidiennes », mitsabo traño « construire une maison », mitsabo teña « se soigner », le mot acquiert diverses acceptions. A rappeler que cette dernière expression rejoint la définition de l’Abbé Lahady Pascal (1979 : 267) qui a défini le rituel comme « sacrifice ou rite public thérapeutique (raha= quelque chose ; tsabo= action de soigner). Comment pourrions-nous comprendre le mot tsaboraha ?

V.1.1. 1. Tsaboraha se traduit en la réussite de l’homme

Voici un conte 1 sur l'origine de tsaboraha que nous avons recueilli:

Taloha hono, nisy antendrovolo Il était une fois, les Antendrovolo (ôlo) nihaiñy tantanaña. Tañaty ala ndreky « aux crânes-chevelus » (hommes) nisy Raha (aomby). Raha io kaka vivaient au village. Et dans la forêt, il y maventy. Andro araiky, nisy Antendrovolo avait les Raha 2. Ils étaient des animaux

1 Raconté par Soavelo Gilbert, habitant de Sahajinja-Manambia.

2 D’après cette légende, c’est une ancienne appellation de zébu lorsqu’ on ignorait encore son nom. Actuellement, dans la vie quotidienne, on l’emploie pour remplacer quelque chose dont on ignore ou oublie le nom ou encore lorsqu’on ne veut pas prononcer le nom exact d’une chose. Par exemple, rahanao « ta chose » signifie ta partie intime .

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araiky nandeha nalaka ataiñy tañaty ala tañy. géants. Un jour un Antendrovolo alla chercher du bois de chauffedans la forêt.

Kê izy manapaka ataiñinazy iñy, En coupant ses bois, un Raha reñin’ny Raha i. Nañontañy i Raha i : l’entendit. Le Raha lui posa la question : "Ino mô rô raha ataonao izaiñy." Namaly i « qu’est-ce que tu es en train de faire ? » Antendrovolo i : «zaho malaka ataiñy". L’Antendrevolo lui rétorqua : « je prends Nañotany indraikiny ka i Raha i : « Anao mô du bois à brûler». Le Raha lui demanda rao afaka mañampy za ahita antendrovolo encore : « Veux-tu bien m’aider à trouver izaiñy ô ? » des Antendrovolo ? »

Namaly i Antendrovolo : « Ia L’Antendrovolo répliqua : rao ! Fô anao bôka dila « Volontiers ! Mais comme tu leur fais atahôran'Antendrovolo, kê anao ka peur, si tu acceptes que je te ligote mañeky abolingako amin'ny tady malôha, d’abord avant que j’aille les appeler, je le za avake mañantso zare, antsôviky edy ferai. En effet, une fois qu’ils arrivent ici, il zare. Zare ka bôka tonga ake iñy, te suffit de bouger une seule fois et la tsipahinao indraikiny fao io tady io, efa corde finira par être coupée. Alors vous tapaka edy. Anao avake mizaha zare pouvez les regardez comme il vous tsarabe!" plaira ! »

Nañeky edy i Raha i. Nitadian'io Le Raha accepta cette condition. ôlo io izy. Avy take nañantsôvan'i ôlo i L’Antendrovolo le ligota. Puis il alla Antendrovolo maro avy tan-tanaña. Zare appeler les Antendrovolo du village. Dès tônga take iñy, notsaboinjare qu’ils parvinrent à l’endroit, ils tuèrent (novonoinjare) i Raha io. l’animal.

Nanomboko take, hono, nahaizan’ôlo Dès lors, dit-on, les Hommes afizan’aomby i. Kë lay ôlo nahazo raha manjary avaient prirent goût à la viande de zébus. mitsabo raha; ilay ôlo voa Raha: "azon- Et les Hommes qui ont reçu des « choses draha" (valifaty ataon'i Raha io). merveilleuses » le célèbrent en tuant les zébus ; malheur aux« personnes prises

par le Raha », (il s’agit de la vengeance menée par ce Raha ).

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V.1.1. 2. Le zébu, « l’animal social total »

Par ailleurs, le tsaboraha marque la victoire de l’homme sur la puissance povenant de l’extérieur, représentée par le zébu. Sur cet ongulé à Armelle de Saint Sauveur (2007) de préciser : « le zébu malgache (Bos taurus indicus L., Bovidae), qui constitue l'essentiel du cheptel bovin de l'île, est un animal allochtone comme en témoignent la tradition orale et l'absence de fossiles. Cet animal a été introduit par l'homme à partir de l'Afrique, il y a environ 1 000 ans. Son nom malgache, aomby ou aombe, est dérivé du swahili « ngombe ». Telle qu’elle est comprise par les Zafirabay, éleveurs de zébus 1, son importance sociale et religieuse actuelle résulte de sa puissance physique, de sa taille. Il est l’animal le plus grand de par sa taille. Il leur a fallu donc l’apprivoiser.

Bref, il faut dire comme le Révérend Père Lahady que « le zébu est l’objet de prestige et d’honneur dont la symbolique de force et de puissance, de richesse et de grâce à quelque chose de sacré » (1979 : 82). Tout ceci constitue son importance et lui permet d’accéder au premier plan de la vie des Zafirabay comme la vie de bien de sociétés malagasy. Marcel Mauss aurait dit : « c’est un animal social total ».

Néanmoins, le zébu abattu lors d’un décès est lappellé « aomby ratsy », un « mauvais zébu ». C’est pourquoi, pour le choisir, il faut toujours écarter le zébu castré (vositry ) engraissé. Lequel est réservé uniquement à la cérémonie fastueuse qui est le tsaboraha au détriment de antibavin’aomby « vieilles vaches ». Un aomby ratsy n’est qu’un zébu maigre ( tsy mitsiao ), vieux, fragile que l’on craint qu’il ne puisse certainement pas résister à la fraîcheur de l’hiver (tsy mahatody ririñiny) . Lorsqu’un malheur survient, et que le troupeau de la famille n’en dispose pas, cette famille doit procéder aux échanges à un proche pour acquérir un zébu beaucoup plus maigre, et en faire un animal de deuil, aombin- dranomaso, « le zébu-de-larmes », ou aomby ratsy « mauvais-zébu » . Un tel animal est de mauvais augure pour la famille propriétaire. Du fait, lorsque le mal frappe à la porte, il commence par attaquer le troupeau. Cela se manifeste par la fragilité de cet individu du troupeau. En l’échangeant de la sorte, le propriétaire est tranquille, puisque tout le mal est censé expulser avec.

V.1.2. En quoi consiste le fañokoaraña ici ?

Il y a différents types de tsaboraha (Voir Ndrova Patrice) dont le tsakafara « franchir la limite » ou le rituel dela levée du vœu exhaussé, rasa hariaña « le partage de biens aux ancêtres ». Mais le plus pratiqué reste le fañokoaraña. En quoi consiste-t-il ?

1 Le service d’Élevage du District de Maroantsetra a recensé 31.347 têtes de zébus en 2007 dans la circonscription.

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V.1.2. 1. Redonner sens

Comme je l’ai signalé dès l’introduction, le mot fañokoaraña est le substantif du verbe "mañôkatra ". La décomposition de ce verbe donne la racine : ôkatra qui signifie une réapparition à la surface d'un matériel ou un objet non utilisé depuis longtemps. C’est ainsi qu’on dit :"nañôkatra angady ", c'est-à-dire, la remettre de nouveau en état de marche, après quelque période d’inactivité.

Cette dernière acception rejoint de plus près la conception Zafirabay sur le fañokoaraña. Étant donné que le fañokoaraña est un rite permettant de redonner un nouveau sens. Depuis son dernier souffle jusqu’au jour du fañokaraña, le défunt n’est pas encore en mesure de bien veiller sur les siens. Par contre, sa capacité à faire du mal est active. Par exemple, il est capable de taquiner, d’infliger des sanctions aux malintentionnés. Lorsque, par exemple, le défunt constate que ses proches usent des moyens dilatoires pour effectuer ce rituel en son honneur, il envoie ainsi un rêve prémonitoire pour prévenir ses proches. Ce rêve joue alors le rôle d’un avertissement, donné avant qu'il ne soit trop tard, selon le proverbe : Tsiñy tsy hamono mampañinôfy « Un esprit qui envoie un rêve [est un esprit qui] ne veut pas tuer ».

Concernant le rêve, s'agissant spécialement du fañokoaraña de Rolland, ses sœurs m'ont expliqué qu'aucune d’entre elles n’était encline au rêve ( zahay ty tsisy nañinôfy « de nous toutes, personne n'a rêvé »), parce qu’elles ont agi au moment opportun. Par l’intermédiaire de fañokoaraña , le statut d’un ancêtre qu’il acquiert lui confère de nouveaux rôles tels bénir et punir. Désormais, les siens compteront sur lui pour les aider dans leur vie quotidienne. Il est invoqué. Son assistance est sollicitée dans tout ce qu’on entreprend. Ce premier rôle (celui de bénir), le plus important, lui a été ôté durant la « mort surprise ». C’est la raison d’être du rituel.

De tout ce qui précède, il convient de dire que le fañokoaraña devient ainsi un adidy evers le défunt et l’ensemble des ancêtres d’une part ; avec les parents (havana) vivants d’autre côté, car il permet donc à l’organisateur de « renouer » le fihavanaña avec les siens. C’est cela l’enjeu des faire-parts (fañotoroaña). Les havaña n’ayant pas reçue des invitations (orales ou écrites) se sentent allégés. Ce qui devient une rouille qui nuit le fihavanaña. L’ancêtre est donc le garant de la continuité de fihavanaña comme l’a bien précisé l’Abbé Jaovelo-Dzao : « Raz est spécifiquement malgache. Äña provient de la Malaisie. Raz désigne l’essence humaine. Sa potentialité, grâce aux particules “r” et “ra”, est devenue une puissance à caractère attributif. Le “z” euphonique semble désigner une relation, un rapport de filiation. L’enquête étymologique révèle que razaña indique celui qui a la filiation. Ce résultat est confirmé par le vocable “anak” qui a donné le “zanaka”, fils enfant, progéniture-malgache . » (Jaovelo-Dzao, 1996 : 208)

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Les razaña veillent sur leurs descendants, ils corrigent les agissements non conformes par des messages oniriques. Ils bénissent (mañampy) les « bons » (ceux qui les respectent). Être razaña qui protègent et qui bénissent les leurs est le « ce vers quoi » de la vie des Zafirabay. Plus leurs descendants sont bénis et protégés ; plus ils sont prospères. Du coup, plus prestigieux sont les sacrifices ou les rituels qu’ils offrent à leurs ancêtres protecteurs. Cette fois-ci, le fañokoaraña devient un devoir des descendants pour solliciter l’intervention bénéfique de l’ancêtre concerné.

V.1.2. 2. Éviter les châtiments

Il m'a été cité en exemple l'histoire d'un jeune homme dont la mère, morte depuis plusieurs années (depuis plus de 10 ans), lui est souvent apparue en rêves pour se plaindre d’avoir froid. Il la voyait avec des vêtements tout déchirés. Mais le jeune homme, fils unique de sa mère, ne s'en est pas soucié ( tsy nivakin'ingahy lôha « le type ne s'est pas cassé la tête [pour cela] »). En effet, il s'était converti à la nouvelle religion Arapilazantsara (« Évangélique ») qui, par principe, « ne s'occupe pas » ( tsy mikarakara ) des morts 1. Le chef de sa famille avait beau le priver des biens appartenant à sa défunte mère, mais le verdict du tribunal en a décidé autrement. Finalement, mal lui en prit. Il est devenu fou ( lefaka nitefa- tany « fou au point de gifler la terre »). Et il l'est resté jusqu'à présent.

Le fañokoaraña donc est un moyen par lequel les descendants évitent alahelon- drazaña « la colère des ancêtres »2. Puisque en de telle circonstance, l’omission est un vice et mérite sanction. Dans la conception des Zafirabay, la sanction des ancêtres vise, de prime abord, l’ensemble de la famille (ou les aînés de la famille) avant d’atteindre le vrai fautif. C’est pourquoi, dans l’exemple que je viens de citer, le chef de famille avait carrément refusé le droit d’hériter à l’auteur du manquement. En agissant de la sorte, le chef de famille protège les autres membres de la famille (à commencer par lui-même) aux éventuelles sanctions et expose ainsi l’auteur face à sa peine.

Tout compte fait, le fañokoaraña marque la fin d’un processus d’ancestruation. Tout au long de ce processus, comme l’a dit Van Gennep, « le mort ayant à accomplir un voyage, les survivants ont soin de la munir de tous les objets nécessaires tant matériels (vêtements, aliments, armes, outils)… qui lui assureront, tout comme un voyageur vivant, une marche ou

1 Sans doute par souci d’appliquer à la lettre l'ordre de Jésus : « Suis-moi ». Celui-ci dit : « Permets-moi d’abord enterrer mon père. » Mais Jésus lui dit : « Laisse les morts enterrer leurs morts ; pour toi, va-t’en annoncer le Royaume de Dieu. » [SAINT LUC 9, 59] (cf. Bible de Jérusalem, Paris, Ed. du Cerf, 1998).

2 À l’instar du tody tel qu’il est définit par Ottino : « l’effet de retour qui vient frapper non seulement l’auteur du manquement, mais encore ses proches, voire ses descendants » (Ottino, 1998 :154), toute la malédiction des ancêtres ne concerne que l’auteur.

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une traversée, puis un accueil favorable » (Van Gennep, 1991 : 220) . Ce qui explique la dotation des matériels comme les tenues vestimentaires, des chapeaux, des boissons alcooliques, des pièces d’argent. Bienvenu dans le monde des ancêtres, l’ancêtre veille sur ces descendants. Les vivants s’estiment quittes envers aux ancêtres pour jouir de plein droit sur les biens matériels légués par ces aïeux.

Qui plus est, le fañokoaraña consiste en l’intégration d’un défunt dans le monde des ancêtres ou ancestruation. Meriot ajoute : « ainsi, les vivants seront-ils bien agrégés à leur monde, et les morts au leur. Le flou, l’indistinction, la non-catégorisation, ne sauraient être tolérés : chacun à sa place, et tout ira pour le mieux. Le passage d’un état à l’autre, inévitable sur le plan matériel, se fera toujours sous contrôle social » (1985 : 7).

V.2. FAÑOKOARAÑA , UN RITE IDENTITAIRE

Aux dires des notables Zafirabay, les Zafirabay Mila tsara d’Ambatomasina et les zafirabay d’Andranofôtsy partagent le même karazaña, mais de fehitry différents . C’est pourquoi les deux groupes échangent mutuellement des femmes, car chaque groupe a son propre tombeau: le tombeau de Zafirabay d’Ambatomasina se trouve à Varingohitry 1 à 5 km au sud de la ville de Maroantsetra et celui des Zafirabay d’Andranofôtsy est à Andrômahitso. Tels que les concepts sont définis par Ottino, « les karaza sont définis par rapport au razana taloha : un ancêtre d’autrefois. Les fehitry par rapport à un ancêtre proche » (Ottino 1998 :125) .

V.2.1. Les biens identitaires

L’appartenance à un fehitry va permettre l’accès aux biens foncierstout en accordant les droits de résidence à un individu et un statut identitaire qui, à son tour, autorise l’accès au tombeau ancestral. En outre, elle détermine la personne avec qui un membre ne pourra jamais épouser.

V.2.1 . 1. Le fasan-drazaña « tombeau ancestral »

Tel qu’il a été annoncé ci-dessus, les Zafirabay d’Andranofôtsy comme ceux d’Ambatomasina ont érigé leurs propres tombeaux ancestraux (fasan-drazaña) respectifs, comme l’a signalé notre informateur, Tokilahy Jean François. Comme il a été dit (Partie 1), en ce qui concerne les Zafirabay d’Andranofôtsy, le fameux Raholo était le fondateur de ce

1La légende laisse entendre que l’appellation Varingohitry viendrait de la parole d’admiration : « Very good ! », prononcée par un marin anglais, sûrement de la Compagnie Merchants of London, en y installant un système de poulies pour l’affrètement des bateaux . Incapables de le reproduire, les Malgaches qui y assistèrent modifiaient la prononciation. C’est ainsi que la colline bordant le fleuve et la mer a obtenu le nom de Varingohitry .

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tombeau royal d’Andrômahitso. Alors que la paternité du fehitry des Zafirabay d’Andranofôtsy est attribuée à Rabondro, le grand-père de Raholo inhumé à Ambodiampeno. Un tombeau correspond donc à un fehitry.

En théorie, un fehitry matérialisé par un tombeau peut comprendre les descendants, en règle vis-à-vis de leurs parents ou de la société, jusqu’à la huitième génération. Au terme de cette profondeur généalogique, on dit que les amböra 1 sont pourris ( lo). C’est le principe de lo amböra « pourriture de l’ amböra (cercueil) » que je vais aborder au paragraphe ultérieur . A partir de cette profondeur, le mariage sera accepté. Ceci étant, à l’intérieur d’un fehitry, l’exogamie est de mise. Il en est de même pour le tombeau. Deux personnes de même tombeau n’auront jamais la bénédiction du mariage de la part de leurs parents. Sinon, ils risquent d’être bannis. Le mariage à l’intérieur d’un même tombeau s’appelle inceste ou löza . Ici Löza a une double acception. Dans un premier temps, il désigne la pratique incestueuse. Ensuite, il désigne le malheur, le danger que cette pratique incombe. Cette deuxième acception n’est autre que la transposition de Loza en malgache officielle. Ainsi, dans le Dictionnaire d’éducation bilingue usuel, Malgache-Français, de Deverchin- Rakotozafy (2000), loza signifie danger, péril. Comme dans le rivodoza, « vent-du-malheur » pour désigner le cyclone, Löza est le malheur lui-même, le danger ou encore, c’est le présage d’un malheur, d’un danger. Ces deux acceptions rejoignent la « maison du malheur », chez les Luba (Kongo), étudiés par Heusch. Il s’agit d’une « hutte sans porte ni fenêtres,» à l’intérieur de laquelle « les relations incestueuses du roi avec sa mère et ses sœurs ont lieu ». Heusch ajoute : « Les enfants qui naîtraient de ces unions rituelles ne sauraient prétendre au pouvoir» (Heusch, 1958 : 44).

Bref, le tombeau est donc identitaire. Ne pas avoir une identité est très humiliant. C’est ce qu’on appelle tsisy fôtony 2 « sans source ». Car le fehitry auquel il appartient rest inconnu. On ignore son tombeau familial. Il sera confronté à l’absence d’héritage. C’est le comble de mourir loin de la famille tout en se trouvant dans l’impossibilité de rapatrier les dépouilles ( very faty ). Bloch aussi avait remarqué cette même anxiété chez les Merina. “The terror of being buried alone is a major obsession, and those few individually who fear this might be their fate are continually bringing the conversation back to this topic as if obsessed by the through . I often tried to push the point further and discover what specific unpleasantness awaited those buried in the family tomb”. (Bloch, 1971: 162)

1 Cette règle n’est pourtant pas strictement observée par les membres. Si d’autres unions vont au-delà de cette profondeur, certaines autres atteignent à peine la quatrième génération, surtout si les concernés ne partagent plus le même tombeau pour une raison ou pour une autre.

2 C’est le comble d’un homme « suiveur de femme » connu sous le nom de jalôko. Il est déraciné, coupé. Ses enfants appartiennent toujours, de ce fait, au groupe du père de sa femme.

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Pour mieux appréhender l’importance d’être inhumé dans son propre tombeau, chez les Betsimisaraka du Nord, souvenons-nous de l’histoire de Zamaniakôho, habitant d’Antanetibe (Mananara-Nord), exposé par Mangalaza (1998), qui était appelé pour renforcer la troupe de l’armée française, durant la colonisation. Avant son départ, il « a prononcé un vœu devant l’autel ancestral : dans ce tefa-bato “gifler-la-roche”, il a dit qu’il donnerait un nouveau linceul à tous les défunts s’il revenait sain et sauf de cette aventure militaire » (Mangalaza, 1998 : 162). Il existe dans ce cas la peur de la mort et surtout la peur de mourir loin de la famille et de savoir ainsi son cadavre perdu à jamais (very faty).

Par contre, ce tombeau est réservé exclusivement aux descendants naturels (biologiques) des membres comme pour l’ensemble des Betsimisaraka (mais à la différence des Merina). Athlabe, chez les Betsimisaraka du Sud (Betanimena), a, par exemple, reproduit le discours d’un oncle maternel d’une fille à l’époux de cette dernière : « Quoique gendre, tu restes un étranger, tu ne peux donc être enterré ici » (Athlabe, 1969 : 188). Les alliés sont donc priés de rentrer chez eux après la mort. Cette règle reste en vigueur chez les Zafirabay d’Andranofôtsy. Le mariage y ressemble aux lamban’akôho « habits de la poule », seule la mort sépare les deux époux (faty sarahana). Après avoir tué une poule, les plumes vont dans des ordures alors que la chaire sera cuisinée (volovolony mandeha am-poringa ; nôfony an-dakoziny ).

V.2.1 . 2. Le terroir

D’abord, il faut reconnaître que l’agriculture est la principale activité des Antimaroa en général, les habitants d’Andranofôtsy en particulier. Les terroirs sont des propriétés d’importance capitale. Les terres deviennent de plus en plus rares d’une manière inversement proportionnelle à l’accroissement démographique. Dans l’acception Zafirabay les terroirs (tany ) constituent leur principal héritage. Avant la colonisation française, elles s’obtenaient par la règle de primo-défricheurs à laquelle s’est greffée la loi du plus fort 1. En dépit des législations sur la notion de cadastre et le titre dans le domaine foncier 2, force est de constater que, actuellement encore, la forêt fournit des terres à celui qui la défriche en premier (suivi d’une mise en valeur).

1 Les Zafirabay avaient dû repousser les Antandovoka à Andranofôtsy pour pouvoir exploiter les plaines alluvionnaires du Bas- Andranofôtsy.

2Cette nouvelle disposition a causé des litiges fonciers importants dans la circonscription de Maroantsetra dans les années 1960 et 1970. En effet, les terres qui faisaient l’objet d’un emprunt (tany nampindramiñy) , en vertu de ce que l’on appelle dans le jargon juridique, prescription acquisitive, deviennent des propriétés exclusives de celui qui les emprunte. Les cas les plus illustres ont été le litige lignager Sahameloka et celui de Sahajinja (Manambia).

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Origine d’une propriété terrienne, la forêt n’est autre qu’un espace non investi par l’homme (n’est pas encore mis en valeur). C’est la résidence des génies de la nature qui peuplent les lieux sacrés (madio), non souillés par l’homme. Dans cette vision du monde, des relations symbiotiques animent le monde du vivant et le monde invisible où siègent, au sommet de l’échelle, les Zañahary , les Razaña dont on ne connaît plus les noms (Ottino) ainsi que les Razaña. Ici-bas « les génies de la nature », vivent. Comme l’a dit Andriamanjato, en plus des vivants, l’acception de la société, chez beaucoup de groupes malgaches, comprend « dieu, les morts, les esprits, les choses et les animaux mêmes, tout ce qui existe, visible ou invisible (…) » (Andriamanjato, 1957 : 16). En effet, le village, y compris les champs de culture est une zone humaine. Les forêts appartiennent à des esprits sylvestres. C’est pour cette raison que les tombeaux des Antimaroa sont tous distancés du village 1.Les sentiers qui y amènent, se trouvent rarement en bon état. Les herbacées y sont laissées pousser pour les couvrir 2. Car l’homme n’est maître qu’au village. À l’instar de l’homme, le plus fragile, le maître du village, chaque lieu a son tutélaire (lolo, l’esprit aquatique ; les esprits sylvestres (kalanôro, tsiñy) …).

Fort de ses limites par rapport aux autres puissances spirituelles, l’homme se doit du respect quand il veut sortir de son fief. Bref, les premiers tômpon-tany (tutélaires) sont les génies de la nature en tant que les premiers venus. Leurs propriétés démeurent intactes, masiñy « sacrées ». C’est pourquoi comme l’a signalé Mangalaza, les gens de la baie d’Antongil, présentent des offrandes (tabac à chiquer, alcool ou miel) aux puissances sylvestres, avant de faire la chasse dans le cœur de la forêt pour implorer leur bienveillance et leur générosité en prononçant : « Nous n’agissons pas à la manière du tromba d’un chien qui se présente sans qu’on l’ait invité ! Mais quelque chose nous pousse. Qu’est-ce qui nous pousse ? Les enfants ont “envie de viande” ; nos femmes finissent par râler à force de ne manger que des feuilles de manioc et de patate douce : alors, nous voici pour vous demander de la viande afin que nos enfants soient plus gais et nos femmes plus aimables. Voici le miel doux, le tabac fort que nous vous offrons en toute amitié. Nous n’en venons pas pour un acte de vandalisme ni pour vous intimider, mais en vous léchant la plante du pied. Ne cacher pas du gibier, ne le faites pas fuir pour que nous ne rentrions pas avec dix doigts, mais nous ayons un petit quelque chose à la main pour éviter qu’on nous fasse la moue ! » (Mangalaza 1998 : 117).

1 Bien attendu, cela est contraire de ce que l’on voit dans les régions centrales de Madagascar dont les tombeaux sont érigés à proximité du village, ou vice-versa des villages s’approchant des tombeaux.

2 La recrudescence des pillages de tombeaux a changé la donne.

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Ensuite, arrivé tard, l’homme n’est maître qu’au village. Quand il décide de mettre en valeur la forêt, il lui est impératif de demander l’autorisation de ces esprits tutélaires, puisqu’il cherche à souiller quelque chose de sacré. Et par la consultation de l’ ombiasy, devin ou par l’intermédiaire de la production onirique, l’homme reçoit les conditions imposées par ces esprits. Le respect de ces conditions par l’homme est impératif pour entretenir et socialiser la sacralité du périmètre cédé, matérialisée par les différents fady « interdits ». Mouzard a rendu compte de ce que le hasina , de par de sa fragilité, « nécessite un entretien, par l'observance des fady (tabou) et par des rituels positifs » (Mouzard, 2003 : 82 ).

C’est en ce sens que la notion de fadin-tany « interdits relatifs aux terres » (interdit de travailler le jeudi, le mardi …) peut être comprise . Il s’agit de la condition de cession de l’espace, imposée par les esprits tutélaires à l’homme. Le fady n’est autre que le gage de la cession. Désormais, les esprits octroient le périmètre à l’exploitant, sans l’avoir quitté d’une manière définitive. L’homme devient le nouveau tompon-tany dans toutes les significations de l’expression : propriétaire et non le moindre, le maître de ces terroirs. Ces derniers deviennent, quant à eux, des héritages (löva) pour les descendants du tompon-tany. A la mort de ce dernier, la distribution du löva s’exécute entre ses enfants naturels qu’il a reconnus et les enfants qu’il a adoptés (si adoption il y a). C’est pour cela qu’il est strictement interdit de vendre l’héritage (fadiaña mandafo löva). Puisque seuls les ascendants des actuels vivants avaient contracté avec les esprits tutélaires avant cette mise en valeur. Au cas où le nouvel occupant (après la vente de l’héritage), un étranger par rapport au groupe, ferait preuve d’un manquement aux interdits relatifs à ces terres (fadin- tany ), les descendants du contractant vont en subir les conséquences. Ils s’apprauvrissent (veta ).

V.2.1 . 3. Les femmes

Chez les Zafirabay, à l’intérieur d’un fehitry les femmes ne s’échangent point. Le karazaña, quant à lui, est beaucoup plus vaste que le fehitry. À l’intérieur de karazaña, contrairement au fehitry, de préférence les femmes circulent. Un mariage hypogamique (lorsque le conjoint a un statut inférieur à celui de la femme dans la hiérarchie sociale) était très mal vu. Cela tend à disparaître, au moment où nous parlons, au profit du mariage de l’achange généralisé.

Durant l’hégémonie des Zafirabay dans la baie d’Antongil, le mariage se contracte entre les fehitry de même karazaña. Tel est le cas du mariage de Ndampinana, un petit-fils de Rabay ( Filohabe d’Ambatomasina) et de Fôtsiambalaveloño (fille de Rabondro, Filohabe d’Andranofôtsy) qui donne naissance à Lazaina. Autrefois, l’endogamie à l’intérieur du

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karazaña était stricte. C’était un mariage isogamique. Par contre, les mariages avec les esclaves (boto ) et avec les Makoa , d’origine africaine étaient prohibés. C’est de la mésalliance. Même si, actuellement, les dernières générations essaient de passer outre cette mesure, la mésalliance reste latente surtout au niveau des parents lorsqu’il s’agit de mariage.

Concernant les Makoa, Le rapport du Capitaine Corzon, cité par Gueunier (2005 : 2) avait confirmé aussi que les Maquois, en servitude, « étaient en général employés dans les travaux de culture ». Tandis que Dina Jeanne (1982 : 68) avait relaté qu’ils étaient des milices des souverains, car « ils ont moins de scrupule à frapper ceux qui leur sont désignés par le roi ». Ce rapport de Corzon correspondait aux activités accordées aux Makoa dans la baie d’Antongil d’antan. La loi royale de 1877 émanant de Manjakamiadana (Ranavalona II), ordonne l’intégration de ces sujets amenés de l’Afrique de l’Est par la traite.

Après réconciliation entre les occupants antérieurs, ces derniers peuvent contracter un mariage avec les premiers. Seulement, il s’agit d’un mariage hypogamique ou hypergamique selon que la femme est du groupe des Zafirabay ou du groupe d'hommes libres. Dans le cas où l’échange est symétrique : le preneur est susceptible d’être le donneur, c’est-à-dire, de recevoir des femmes du groupe auquel Ego masculin donne de femmes. Ce schéma Zafirabay qui ressemble au mariage par échange des sœurs développé par Fox (1972 : 176) s’explique vraisemblablement par la théorie de l’anthropologue britannique Tylor, citée par Fox lui-même. Selon cette théorie, humanité a deux options : entre le mariage avec ceux du dehors ( marrying-out ) [alliance] ou l'extermination par ceux du dehors (being killed-out ) [hostilité].

Chez les Zafirabay, Ego est affilié à huit fehitry différents de ses grands-parents (4 du côté maternel, 4 du côté paternel). Cela veut dire encore qu’il peut résider et vivre en principe, s’il le désire à condition qu’il ait contribué à l’entretien des tombeaux, aux rituels organisés par les membres de ces tombeaux. Mais cela n’empêche pas que, dans le cas de réaffiliation maternelle, son statut ne sera identique à ce qu’il aurait, s’il était patrilocalisé (zanaky ny lahy ).

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Chapitre 6. FAÑOKOARAÑA , POUR SOCIALISER LES DIFFERENDS STRUCTURAUX

Ce rituel ouvre la porte à des biens matériels. Ils sont source de conflits entre les membres. Ils méritent donc une gestion en usant des plaisanteries.

VI. 1. LES ENJEUX DES BIENS STRUCTURAUX

Il a été dit que le tombeau, le terroir et les femmes constituent des biens structuraux. Ils comportent des enjeux majeurs étant donné que le terroir, par exemple, constitue donc l’ossature de la vie économique et de l’acquisition de richesse. Son étendue est source de revenu de la majorité des habitants (agriculteurs et éleveurs). Par contre, il fait l’objet d’une distribution incessante, de génération en génération. Les filles des tômpon-tany, en sachant pertinemment qu’elles vont résider chez leurs maris, auront, elles aussi, leurs parts d’héritage et seront déposées dans le même tombeau que leurs frères. Lors de fañokoaraña , tous les conflits (ouverts ou latents) se trouvent socialisés par des jeux sociaux.

VI.1.1. La dyade vazaha/gasy « étranger/autochtone »

J’ai pu constater que durant les trois jours de la cérémonie, la dichotomie vazaha/gasy est très activée. En effet, les vazaha « étrangers » sont les patrons, l’organisateur du fañokoaraña. Alors que les gasy « malgaches », leurs cousins croisés, sont au service de leurs patrons. Ce sont des autochtones, des ouvriers.

A priori, les enfants de femme sont vazaha pour deux raisons. Primo, en vertu de cette règle de patrilocalité, les zanaky ny lahy « enfants de l’homme » sont les membres résidents de fait dans le groupe paternel de la mère des zanaky ny vavy « enfants de femme ». Comme leur père, ils sont les gardiens de l’héritage attribué à leur angivavy 1 « père féminin », dans la mesure où cette dernière est censée mañara-bady « suivre son mari ». La femme est comprise comme « génératrice d’enfants dans les groupements étrangers » (Baré, 1980 : 205) en ce sens que la règle est la virilocalité. Force est de constater que, en aucune façon, cela ne met pas en cause sa qualité d’héritière de son père. En principe, la sœur du père léguera sa part d’héritage à ses enfants. Etant donné, que ces derniers sont absents, parce qu’ils sont encore chez le groupe de leur père, les zanaky ny lahy deviennent des usufruitiers. Ce qui veut dire qu’ils sont titulaires d’un droit leur donnant

1 Angivavy « père féminin » est la sœur du père. Il faut la distinguer de zaina, l’épouse du zama ou oncle maternel, frère de la mère. Voir en annexe « La terminologie de la parenté ».

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la capacité de se servir et de tirer profit des biens appartenant à leurs cousins croisés. Tout compte fait, les zanaky ny lahy sont au service de zanaky ny vavy, « enfants de femme ». Secundo, les zanaky ny vavy sont d’origine étrangère ( zanak’aomby hafa « les petits d’autres zébu ») par rapport au groupe du père de leur mère. Au sens propre, vazaha signifie étranger 1.

De ce qui précède, sont vazaha « étrangers », les zanaky ny vavy « enfants de femme » ; sont gasy « malgaches », « autochtones », les zanaky ny lahy « enfants de l’homme ».

Pourtant, pour considérer les différents paramètres ci-dessus, il convient tout de même de souligner que le groupe Zafirabay n’est pas fidèle à ce principe. Il existe des zanaky ny lahy « enfants de l’homme » qui résident à l’extérieur du groupe de leur père, comme il y a des zanaky ny vavy « enfants de femme » qui habitent chez le groupe de leur mère. Par conséquent, cette opposition catégorielle vazaha/gasy prend une allure de réciprocité selon que la cérémonie est organisée par les zanaky ny lahy ou par les zanaky ny vavy. Tel que l’a très bien souligné Goedefroit, « chaque individu se retrouve au centre d’un double système de filiation. Il est considéré comme “enfant de l’homme” par les membres de son lignage paternel dans l’unité résidentielle duquel, en situation normale, il vit » (Goedfroit, 1998 : 221) .

La situation de celui qui fait l’objet de fañokoaraña par rapport au groupe à qui appartient le tombeau, définit ce qui est vazaha et ce qui ne l’est pas. Lorsque le défunt est zanaky ny lahy « enfant de l’homme » dans ce tombeau, les zanaky ny lahy sont des vazaha lors du fañokoaraña . Rappelons encore que la résidence joue un rôle très important surtout, dans l’accès au tombeau ancestral, c’est-à-dire, l’accès au tombeau ancestral ne relève pas uniquement des zanaky ny lahy « enfants de l’homme ». Il peut être activé d’une manière indifférenciée. Le tombeau ouvre ses portes aussi bien aux zanaky lahy « enfants de l’homme » qu’aux zanaky ny vavy « enfants de femme ». A cet égard, être vazaha renvoie à l’organisateur du rituel fañokoaraña, dans ce cas précis . Comme nous avons pu l’apercevoir lors du fañokoaraña type, Rolland est zanaky vavy « enfant de femme » dans le groupe des Zafirabay d’Andranofôtsy. Lors de fañokoaraña organisé par ses sœurs à son endroit, tous les zanaky ny vavy de la même génération que Rolland dans ce tombeau d’Andrômahitso, deviennent des patrons . Tandis que les zanaky ny lahy sont réduits en gasy, des ouvriers. Ils ont la charge d’effectuer toutes les tâches, en assurant la bonne marche du fañokoaraña, telles que les ramasseurs d’ossements, les cuisiniers, etc.

1Il y a encore une décennie, lorsque le rencensement mentionnait encore le foko, celui de l’enfant est tranché à partir du foko du père.

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VI.1. 2. Plaisanterie entre l’oncle maternel et nièce utérine

Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître que, après le partage des biens légués par les ancêtres ( rasa löva ), des conflits peuvent surgir entre les « usufruitiers » qui sont les zanaky ny lahy, d’une part et d’autre part, les zanaky ny vavy qui sont les vrais propriétaires, non- résidents en principe. La règle de l’héritage exige que tous les enfants reconnus (et sans avoir commis un péché pouvant entraîner leur exclusion [tsy nariaña] tel le non- accomplissement de rituel en l’honneur des ancêtres, l’inceste, l’acte de sorcellerie en l’encontre de ses parents, vol des ossements…), héritent à parts égales des biens de leurs parents, sans distinction de sexe. C’est ainsi que les enfants de femme ont le même droit que leurs cousins croisés.

Une réclamation de la part des enfants de femme pourrait occasionner un conflit interne entre les enfants de l’oncle maternel ou « la mère masculine » (laimama , zama , mama ) et les enfants de sa sœur. Il relève de l’autorité de l’oncle maternel de gérer les biens de ses sœurs absentes quelque soit le motif. C’est en ce sens que lui et ses enfants deviennent des gardiens du patrimoine familial que cela soit légué par les ancêtres ou reçu à titre de compensation matrimoniale à la famille qui a donné une femme à un autre groupe 1. D’ailleurs par l’intermédiaire du mariage, une femme constitue aussi est une source de biens (zébu, maison…) pour sa famille.

Ceci étant, comme tout groupe est contraint de régler voire atténuer les conflits entre ses membres, cette « opposition catégorielle entre les descendants », selon les termes de Goedefroit, n’est qu’un moyen de socialiser ces différends latents. Parmi ces différends, on peut aussi citer l’éventuel différend entre laimama la « mère masculine » ou oncle maternel et ses nièces utérines. Ainsi, les nièces utérines (asidy vavy) sont conçues comme des « madamohely » (la maîtresse) de son oncle maternel. Tous les services rendus par l’oncle maternel en gérant la part d’héritage de la mère s’expliquent par des mains prêtées aux beaux-parents ( mandrafôzaña ). Il laboure la terre de ses beaux-parents (mandemy tany « rendre le sol mou » ou piétine). Comme si l’oncle travaillait pour le compte de sa maîtresse qui n’est autre que sa nièce.

Il en est de même lorsque les enfants de femme sont en situation de matrilocalité pour les raisons suivantes : L’une regroupe les enfants du couple séparé (décès du mari, ou divorce) obligeant ainsi l’épouse à emmener ses enfants (en bas âge généralement), chez le groupe de son père. C’est le cas de Rolland Benoît dont le rituel de secondes funérailles à

1 Chez les Antimaroa, lors de la cérémonie de la remise de la compensation matrimoniale, hôrom-bato , « assemblage-des- pierres » ou ôrim-bato « érection-de-pierre », l’argent est offert par le fiancé directement au frère de la fiancée, qui est son beau- frère.

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son honneur fera l’objet de cette étude. L’autre concerne les enfants de jalôko ou les mpañara-biavy « suiveurs des femmes ». Les jalôko servent à désigner les maris qui habitent chez le groupe de leur femme (en situation d’uxorilocalité). L’oncle maternel initie ses neveux aux activités masculines (construire une case, labourer la terre…). Il verse tout cela dans le compte de sa maîtresse. Il joue toujours le rôle de l’oncle maternel plutôt que celui du père. Du coup, ses neveux deviennent ses beaux-frères. En outre, puisque ses neveux effectuent les travaux des hommes dans la maison de leur mère, ils sont considérés par l’oncle maternel comme l’amant de sa sœur. De nouveau, ses neveux deviennent encore leurs beaux-frères.

En essayant d’occulter ces rôles de l’oncle maternel (utilisation des biens de sa soeur), chez le groupe du père de la mère, qu’un jalôko est très mal vu. Considéré comme coupé de ses souches (tsisy fôtony), il fait l’objet des railleries comme, chez les Tsimihety de Doany (Andapa) : Jaloko afa-bavy, mody mitondra tanam-polo ou « un jaloko désuni de sa femme, rentre chez lui seulement avec ses dix doigts » (Engel 2008 :38). Chez les Antimaroa, jalôko maty vady, Zañahary mañasa môdy « un jalôko en situation de veuvage, c’est le Dieu en personne qui l’oblige à rentrer chez lui ».. .

VI.2. L’INTERDICTION DE L’INCESTE

Étymologiquement, l’inceste vient du mot latin incestus , qui signifie « impur ». Si la prohibition de l’inceste est universelle comme le prétendait Lévi-Strauss, chaque société en définit de manière spécifique le champ d’application. Il relève donc de l’organisation de chaque groupe concerné de déterminer les différentes personnes qui font l’objet de cette interdiction 1. Car « la nature impose l’alliance sans la déterminer ; et la culture les reçoit pour en définir les modalités » (Lévi-strauss, 1949 : 552.) .

Pour le cas des Zafirabay d’Andranofôtsy, dans un premier temps, déjà le tombeau interdit l’union entre deux individus. En d’autres termes, il est prohibé aux membres potentiels (les fils de femme ou les enfants de l’homme en situation de matrilocalité) ou réels (les fils de l’homme) d’un même tombeau d’avoir une relation sexuelle, encore moins de se marier. Le contact sexuel entre ces membres s’appelle löza ou inceste 2. D’où les catégories

1 Art. 9. - Entre parents et alliés légitimes ou naturels, le mariage est prohibé : -en ligne directe à tous degrés et en ligne collatérale, entre frère et sœur, oncle et nièce, tante et neveu. Cf. LOI N° 2007-022 du 20 août 2007 relative au mariage et aux régimes matrimoniaux (Journal officiel. n° 3 163 du 28/01/08, p. 131).

2 D’après Andrianetrazafy chez les Sakalava de Menabe, « dans le cadre d’une parenté restreinte, une certaine tolérance est parfois manifestée pour l’union de cousins croisés, descendants d’un frère et d’une sœur, ou parallèles par les frères » (Andrianetrizafy, 2010 : 25),

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classificatoires des mpifady suivantes : frère/sœur 1 ; père/fille ; fils/mère. C’est la raison pour laquelle, lors du ramassage des ossements, il est impératif de dresser des pagnes (lambahoany) pour mettre en marge les essuyeurs qui sont à la fois arrangeurs et enveloppeurs d’ossements. Puisque, d’un côté, le simbo ou lambahoany (pagne) constitue le sikiñy , mode d’habillement par excellence surtout dans une telle cérémonie. En agissant de la sorte, les vivants pensent que le mort est censé vêtu d’une manière décente. D’autre côté, il faut surtout comprendre cette « mise en marge » comme une interdiction de l’inceste. En effet, à l’âge adulte, montrer la nudité n’est permis qu’entre deux époux ou en cas de force majeure (maladies…) et entre les personnes de même sexe. La décence est donc de mise.

Ceci étant, la perception de l’inceste ne se limite pas seulement aux potentialités d’échanges sexuels ou matrimoniaux entre les membres. Elle s’applique surtout à toute ambiance pouvant suggérer l’acte sexuel (nudité, plaisanteries à caractère sexuel 2…).

Par aileurs, d’après Gueunier, en Imerina on dit que, en matière sexuelle, « le Roi n'a pas d'interdit ». Contrairement aux autres membres de famille nobiliaire les mariages de cousins sont permis, moyennant un rituel de levée d'interdit, entre les enfants d'un frère et d'une soeur (cousins croisés), et aussi entre les enfants de deux frères (cousins parallèles patrilatéraux). Mais les enfants de deux soeurs sont dits “un-seul-ventre-n'a-pu-les-contenir”, et considérés donc comme équivalents à de véritables frères et soeurs. Entre eux, tout mariage, toute relation sexuelle, est absolument interdite. Pour le cas du Roi, il le fait impunément 3.

VI.2. 1. Évitement entre rafozaña/vinanto

Selon Ghasarian, la relation d’évitement « extrêmement cérémonieuse traduit le respect, la réserve, voire une certaine crainte » (Ghasarian, 1996 :190) . En s’intégrant dans le cadre des relations dyadiques avec les parents, elle se pratique à différents niveaux selon la société, c'est-à-dire, elle porte sur la dyade rafôzaña/ vinanto (beaux-parents/ gendre ou bru). Sont beaux parents, chez les Zafirabay d’Andranofôtsy, tous les ascendants du conjoint

1 Au pays des Zafirabay, on reproche les gens de Toamasina de coucher avec leurs cousins germains : « tsiroanaroanan’i (diminutif de roanadahy [ranadahy] ou roanabavy [ranabavy] ) Toamasina, aliñy fandriaña araiky ! ».

2On dit parfoisi, koraña tsy löza “les propos ne sont guère incestieux ».

3 N-J Gueunier in Cours qui s’intitule : Question de parenté, Institut d’Ethnologie à l’université de Strasbourg, 2010-11

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(ou de l’épouse) d’Ego, surtout ceux qui se situent à la première génération ascendante du conjoint d’Ego.

Comme à l’accoutumée, la vady sengisengy « épouse non sérieuse » peut être le commencement de toutes les unions sérieuses ultérieures. Le sengisengy constitue donc un rapport préconjugal, durant lequel les parents et les frères de la jeune fille sont censés ne rien considérer. En ce moment, le prétendant doit pratiquer le jalôko d’une manière provisoire. La racine joko signifie l’action de guetter, de surprendre ; le jalôko doit s’effectuer en cachette, en toute discrétion, d’habitude la nuit. Cette pratique élude à l’observation des parents de la jeune fille.

Lorsque le jalôko vient à être découvert par les parents (surtout le père et les frères), alors que celui qui l’a pratiqué n’est pas encore prêt à accomplir le mariage, il leur doit donc, à titre provisoire, un tampimaso « couvre-yeux ». Ce n’est qu’un geste symbolique (offrir une boisson alcoolisée est le plus fréquent). Le futur gendre est redevable envers le père et les frères de la fiancée, pour laquelle ils ont construit la case (kalabo ) de la demoiselle parvenue à son l’adolescence, à quelques mètres de la grande maison familiale (traño be). A défaut de geste, le prétendant va être passible d’un tsiñy , un blâme qu’il doit s’acquitter à titre de réparation du père et des frères de la jeune fille. Le tsiñy est compris ici tel qu’Ottino l’a défini : « une sorte de blâme communautaire causé par un acte inapproprié ou une conduite non admise dans le domaine des relations parentales et sociales » (Ottino 1998 :161).

Bref, en général, tous les alliés (gendre ou bru) de la première génération descendante adoptent ce comportement de crainte vis-à-vis de leurs beaux-parents, pour éviter l’inceste. Mais comme la bru est appelée à déménager chez le groupe de son mari, après la compensation matrimoniale en bonne et due forme, le ôrimbato ou ôrombato, « fondation-en-pierres ou assemblage-de-pierres » ; elle vient cohabiter avec ses beaux- parents. Les relations vont alors devenir au fur et à mesure de plus en plus détendues. Toujours est-il que la bru fait preuve d’un respect et de retenue vis-à-vis de leurs grands- parents. Elle ne peut pas, dans ce sens, les tutoyer (au lieu de anao « toi » ; elle dit toujours andre, « vous »), ni prononcer leurs noms… Elle est aussi obligée de faire montre d’un plus grand respect, voire de crainte 1 envers ses beaux-parents.

1 D’où l’expression tsy mataho-drafôzaña « n’a pas peur de ses beaux-parents » pour qualifier un gendre qui ose aborder sans façon ses beaux-parents ou oser leur raconter des choses amusantes.

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VI.2. 2. Lo amböra, la levée de l’inceste

Chez les Zafirabay d’Andranofôtsy, on appelle inceste où toute relation sexuelle, à plus forte raison tout mariage qui s’effectue à l’intérieur du fehitry, c'est-à-dire à une profondeur généalogique qui n’excède pas huit générations successives selon le principe de lo amböra restent interdits . Car les membres sont issus du même tombeau (fasaña araiky).

Voici l’explication de Fanony sur cette expression lo amböra : « traduction littérale = lo : pourri et amböra : nom de l’arbre. L’arbre amböra (Tambourrissa) pousse assez abondamment dans la forêt de la côte orientale malgache. […] Le cœur (teza) en est très apprécié pour la fabrication des cercueils, parce qu’il est facile à travailler quand il est vert, mais une fois sec, il a la réputation d’être très dur et de se conserver très longtemps. Le terme lo amböra est donc une manière de compter le temps chez les Betsimisaraka. Il signifie le temps qui correspond environ au neuvième degré de parenté (sivy zafy). Dans la pensée betsimisaraka, la disparition physique du cercueil de l’Ancêtre commun des futurs conjoints symbolise également la disparition de l’inceste » (Fanony, 1975 : 182. Note 1). Cette pourriture de l’ amböra indique le point d’intersection de la levée de l’inceste et du terme de havaña défini par le fehitry, c’est-à-dire la parenté réelle (biologique) . Cela va jusqu’à la neuvième génération. Tandis que l’accès au tombeau et à l’héritage ( lövan- drazaña ) doit être soumis à la bonne conduite vis-à-vis de ses parents (père et mère ou ancêtres). Il faut remarquer que cette interdiction peut être levée, un peu plus tôt, à condition qu’Ego ne réside pas dans le village et ne soit plus tard enterré dans le même tombeau. L’appartenance à un même tombeau ( fasan-draiky) constitue la première définition d’une union incestueuse.

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CONCLUSION PARTIELLE

Pour en conclure, la notion d’héritage trouve toute son importance lors de fañokoaraña. Elle est susceptible de provoquer des dissensions à l’intérieur du groupe. Chez les Zafirabay d’Andranofôtsy, le rituel de fañokoaraña n’est pas uniquement un moyen permettant au défunt d’accèder au statut d’ancêtre. Il s’agit aussi d’une opportunité pour les proches parents (les organisateurs) du défunt, qui deviendra le nouvel ancêtre, de socialiser les éventuels différents causés par la mauvaise gestion des biens matériels légués par les ancêtres.

En outre, il permet d’activer leur appartenance à un groupe quelconque. Ce qui leur permet de réaffirmer leur souche, l’ancêtre fondateur de leur fehitry . Car être déraciné ( tsisy fôtony ) est socialement blâmable. Qui plus est, en ce faisant, ils attendent du nouvel ancêtre prospérité et fécondités. Après avoir honoré de ce rituel, il va être désormais redevable aux siens. La contribution de l’ancêtre sera mesurée par la réussite, la prospérité de ses descendants vivants. Plus il bénit, plus il reçoit de la part de ses descendants en tant que sacrifices d’offrande après un vœu exaucé, des vêtements lors de fañateran-damba, des graisses de zébus (jabôra) ... En outre, il faut ajouter que le défunt laisse après lui une part d’héritage. Ceux qui ont initié le fañokoaraña en son honneur exerceront le plein droit à cet héritage. Ce rituel se conçoit donc à quitte ou double : le non-accomplissement entraîne une sanction et annule d’emblée tous les droits afférents au fehitry . Il renvoie l’auteur de l’omission de mains vides. Tandis que l’organisation permet de tout gagner.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

La première partie a permis de s’apercevoir que le groupe des Zafirabay, sont arrivés dans le fond de la Baie d’Antongil, dans la première moitié de XVIIIe siècle. Ils essayaient de garder leurs organisations sociales avec les empreintes des Maroseranana (même dans les vocabulaires comme le jiny ). Certes, l’hégémonie de la dynastie Zafirabay n’avait pas pu résister plus d’un siècle, victime des dominations étrangères successives (merina d’abord, puis française). Mais, les Zafirabay d’Andranofôtsy ont pu garder les essentiels en ce qui concerne les rituels funéraires surtout. En fait, tous les instruments de musique leur permettant d’animer les rituels sont encore préservés ; le mpiambinjiny , le chef traditionnel a cessé d’être un roi, mais il lui revient toujours de présider tous les rituels funéraires du groupe. Il détient la clé du tombeau ancestral.

Ensuite de la deuxième partie, il ressort que le fañokoaraña chez les Zafirabay d’Andranofôtsy n’est autre que les secondes funérailles. Il ressemble dans l’ensemble à ce que les Merina (du village d’Ambatomanohina étudié par Bloch ou les Merina, voire même les Hauts-Plateaux en général, étudiés par Rajaoson) appellent famadihana. J’ai, pour maintes fois, entendu parler de ce mot d’ailleurs pour désigner ce qu’est le fañokoaraña à Andranofôtsy. Mais à la différence de famadihana décrit par Bloch, Rajaoson et Pacaud, le fañokoaraña nécessite un changement de sépulture individuelle. Le cercueil utilisé lors de la « mort surprise » (pour reprendre l’expression de Mangalaza) va être obligatoirement remplacé par le hazovato « cercueil-en-pierre » à l’occasion de la « mort reprise ». Ce hazovato « cercueil-en-pierre» résiste mieux à l’usure temporelle. À la différence des autres groupes d’Antimaroa, les Zafirabay qui reposent à Andrômahitso ne sont pas enterrés. Le cercueil est posé à même le sol dans la maison funéraire. Les nouveaux morts (la mort surprise) s’y retrouvent sous le même toit que les ancêtres qui ont déjà reçu le rituel de fañokoaraña.

La troisième partie a révélé l’impératif qui s’impose aux membres les plus proches d’un défunt Zafirabay à s’acquitter, dans le meilleur délai, de leur devoir, c’est-à-dire d’organiser le fañokoaraña en l’honneur du défunt. Les raisons en sont multiples. En premier lieu, cela les prive des sanctions infligées par les ancêtres et le taquinage perpétré par le mort qui s’offusque pour « revendiquer son droit ». En second lieu, s’acquitter de ce devoir signifie qu’on est candidat aux bénédictions que l’ancêtre, ainsi honoré, accorde aux siens vivants. Beaucoup plus matériel encore, l’accomplissement de ce devoir ouvre une porte d’entrée aux droits à l’héritage légué par ce défunt devenu ancêtre. Ces héritages sont des terres, des zébus… Il constitue aussi un feu vert pour accéder au tombeau ancestral. Ce dernier joue un rôle prépondérant dans la mesure où il délimite l’impossibilité de mariage ou

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des relations sexuelles. Il est donc identitaire. En tant que tel, il est précieux aux yeux de ses membres. Very faty « cadavre égaré » désigne la situation d’un individu qui n’a pas pu se reposer dans le tombeau ancestral de son groupe. C’est plus qu’humiliant.

Du point de vue anthropologique, le groupe de deux Zafirabay (Andranofôtsy et Ambatomasina) s’identifient à ce qui est appellé clan. Selon Ghasarian le « mot clan vient du gaélique clann, signifiant “postérité ”. Les membres d’un clan savent qui est leur ancêtre mythique, mais ils ne peuvent pas véritablement retracer leur lien de parenté exact avec lui. La filiation commune est connue, mais elle ne peut pas être démontrée » (Ghasarian, 1996 : 84) . C’est exactement le cas lorsque les Zafirabay revendiquent leur appartenance aux descendants d’Andriambölafôtsy sans pouvoir retracer les liens généalogiques d’une manière explicite (stipulated descent) . Ce qui correspond donc à la notion de karazaña lequel se segmente en fehitry dont les membres se reconnaissent à partir du tombeau ancestral.

Dans un premier temps, le fañokoaraña revêt actuellement un rôle éminemment social. Il y a d’abord la nécessité de renforcer le lien de fihavanaña (rohim-pihavanaña ) entre les membres. Cela rejoint à la définition de Bloch concernant les secondes funérailles. Selon l’adage des Zafirabay, ce lien ressemble au feu du bois de chauffe en harôngana, après une dispersion des tisons pendant un laps de temps relativement long, le feu finit par s’éteintre. Et ce fihavanaña, relié par l’unicité des entrailles (vôtraka araiky), est assuré par l’unicité de tombeau (fasaña araiky). Ce dernier a une profondeur généalogique qui s’étend jusqu’à la huitième génération. On parle alors du « principe de lo amböra » qui régit le fehitry à l’intérieur duquel une pratique incestueuse est susceptible de conduire à l’exclusion du récalcitrant pour faute grave.

Par ailleurs, cette exclusion cause un désastre considérable au fautif tel le non- accès au tombeau ancestral, la privation de droit à l’héritage ancestral, le déracinement... Encore une fois, en ce qui concerne le non-accomplissement d’un fañokoaraña par un proche parent (père, mère, enfant, frère, sœur, grands-parents ou petits-enfants), il semble que celui-ci a intérêt à attribuer une existence lamentable au défunt, en faisant des entraves à son accession au monde des ancêtres. Pire encore, car cette omission prive son auteur et ses descendants des héritages légués par l’ancêtre. Si cet individu est un « ayant droit » dans les quatre fehitry de ses parents, il l’a perdu là où il a manqué d’accomplir ses devoirs envers un de ces quatre. Il s’expose alors à voir son champ économique réduit. C’est la dimension économique du rituel étant donné que la notion de capitale manifeste sa présence dans le fañokoaraña. Sur ce, Salisbury, cité par Godelier (1964 : 125), a donné les définitions suivantes au concept. Primo, le capital « est un argent utilisé pour faire du profit ». Secundo,

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ce sont des « choses qui s’accroissent d’elles-mêmes ». Pour les deux définitions, la notion d’investissement/revenu se trouve au centre. Il en est de même pour le fañokoaraña. Le revenu se présente sous diverses formes : santé, prospérité d’ordre économique, abondance des terres à cultiver et de rendements, considération de la part de leurs entourages ( mamy hoditry)... C’est donc une économie non-marchande. Dans cette vision du monde, la religion et l’économie se trouvent interdépendantes. La première favorise l’épanouissement de la seconde.

Ceci étant, le fañokoaraña, pour reprendre les termes de Marcel Mauss, est une « prestation sociale totale ». Car son soubassement est éminemment économique. Si ce n’était pas le cas, le rituel serait moribond, en sachant que le don de l’assistance (tatibato) ne couvre même pas la totalité des dépenses de la famille organisatrice. Cela va en l’encontre du résultat du point de vue économique avancé par Rajaoson François qui reproche à l’institution de famadihana en Imerina son antiproductivité : « on relève une perte d’épargne monétaire par le canal de biens dépensés dans une activité non productive, puis il y a aussi perte d’épargne travail provenant des journées chômées qui peuvent être consacrées à des travaux d’investissements » (Rajaoson, 1969 :149) .

Tout compte fait, contrairement à la morale chrétienne qui prône l’existence post mortem d’un monde paradisiaque, destiné aux hommes de bonne volonté sur terre, et d’un enfer réservé aux hommes malintentionnés d’ici-bas, la weltanschauung Zafirabay encourage les membres à accumuler des richesses matérielles dès leur vivant. Et après la mort, l’ancêtre ne fait qu’aider les vivants à mener à bien leur vie pour pouvoir recevoir. Plus prospères sont les descendants, plus fréquentes et plus prestigieuses sont les offrandes en l’honneur des ancêtres. Donc, la nécessité d’entretenir de bonnes relations avec les ancêtres dans la conception Zafirabay résulte de la croyance en la bénédiction des ancêtres. Létat de la trañomanara cristallise de la prosperité des membres de famille d’un ancêtre et fait montre de la bénédection de la part de leurs ancêtres. Sa vetusté culpabilise et l’ancêtre et les membres du fehitry en question.

Le domaine de l’ethnomédécine nécessite une autre exploration à Maroantsetra. Etant donné la recrudescence des actes de sorcellerie, trois décennies après le passage de Dofotera étudié par Thomas Mouzard. Il ne sera pas question de comparer l’efficacité d’une telle méthode par rapport à une autre. Cette entreprise visera dans un premier temps à décrire les relations des ces genres de la thérapie à Maroantsetra, c’est-à-dire ces types de la médecine sont-il en relation de complémentarité ou sont-ils parallèles ? Dans le second temps, il s’agit de spécifier, les rôles que les antimaroa attribuent à chaque catégorie de la thérapie, c’est-à-dire, dans quel type de maladie on consulte quel type de la thérapie ? Au

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moment où nous parlons, une sorte de possession collective envahit y les jeunes filles collégiennes. Elle se nomme njarinintsy. Elle mérite aussi une étude anthropologique sérieurse. A l’état actuel des choses, elle prend une envergure nationale ( ramanenjana faobe ).

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RESUME

Les secondes funérailles, à Madagascar comme ailleurs, ont déjà fait couler beaucoup d’encres ; soit pour des études scientifiques (sociologiques ou anthropologiques), soit de tendances christiannisantes. La présente recherche traite le même thème mais dans le fond de la baie de Mangabe. Cette baie est la plus grande échancrure de la côte est de Madagascar. Elle abrite le District de Maroansetra. L’ethnologue français Thomas Mouzard a rendu compte qu’il s’agit d’une « région mal connue » des anthropologues (2003).

Plus précisément, elle concerne les Zafindrabay d’Andranofôtsy (Maroantsetra) qui ont connu une hégémonie depuis la deuxième moitié de XVIII ème siècle jusque vers le milieu du XIX ème siècle. Maintenant encore, ce groupe continue de pratiquer leurs coutumes funéraires (même si elles subissent de modifications) et surtout les secondes funérailles connues localement sous les noms de fañokoaraña, famadihaña et par le nom générique de tsaboraha.

Ce genre de rituel, chez les Zafindrabay d’Andranofôtsy est d’importance capitale en ce sens qu’il met en exergue l’interdépendance entre la religion et l’économie. Par le biais de fañokoaraña, le défunt accède au rang d’un ancêtre. Dès lors, il sera habileté à bénir surtout ses parents vivants. En conséquence, ces derniers excellent dans leurs activités économiques tout en ayant une bonne santé. Le fañokoaraña a, de ce fait, une force coercitive contraignant les vivants à l’organiser. D’abord puisque tout le monde y aspire. Ensuite et surtout, l’omission s’avère délicate. Car elle expose l’auteur de ce manquement à des sanctions sévères, telle la folie... Plus encore, le coupable n’exercera pas le droit d’hériter le défunt. Il sera donc banni du groupe.

MOTS-CLEFS

Secondes funérailles, fañokoaraña, hazovato, trañomanara, Fitsimponaña, Andrômahitso, Baie de Mangabe, Zafindrabay, Mpiambinjiny ; Andranofôtsy, Maroantsetra, Añalanjirorôfo, Betsimisaraka, Fehitry, Zanaky ny lahy, Zanaky ny vavy.

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FAMINTINANA

Efa betsaka ny fanadihadihana mahakasika ny famadihana teto Madagasikara. Ao ireo fikarohana ara-tsiantifika (sosiôlojika sy anthropolojika); ao koa ireo izay manana firehana ho fitorianana Vaovao Mahafaly. Izany indrindra no hadihadin’ity asa fikarohana ity fa any amin’ny faritry ny Helodranon’i Antongil. Ilay banga be eo amin’ny morontsika atsinanan’I Madagasikara io ilay Helidrano. Ao no misy ny Distrikan’I Maroantsetra. Tsy dia fanatry ny antrôpôlôga loatra izy io, hoy i Thomas Mouzard (2003).

Ny Zafindrabay ao Andranofôtsy (Maroantsetra) no tena iompanan’ity fanadihadihadina ity. Nanajakazaka fatratra tokoa mantsy ity tarika ity fa indrindra nanomboka ny teo amin’ny tapany faharoan’ny taonjato faha XVIII ka hatramin’ny antsasaky ny taonjato faha XIX. Ankehitrio, mbola tsy lefy laza velively ny fomba fikararakarany faty (na dia nisy fiovany betsaka aza) fa indirindra ilay antsoiny hoe fañokoaraña, na famadihaña, izay azo atambantra amin’ilay hoe tsaboraha.

Mampibaribary ny fifampiankinan’ny fivavahana sy ny fihariana io riba io, hany ka misy dikany manokana eo imason’ireo Zafindrabay ao Andranofôtsy. Amin’ny alalany tokoa, ny izay nodimandry no lasa ho eo amin’ny fiambonian’ny razaña. Rehefa izay, dia afaka mitsodrano ireo havany mbola velona izy. Izay no mahatonga iretsy farany hahomby lalandava amin’ny fihariany, tsy farofy. Noho izany, ao lazaina fa manana hery afaka manery ny velona ny fañokoaraña . Satria, sazy henjana (hadalana) no miandry izay tsy miezaka amin’ny fikarakarana azy. Ary tsy mahazo misitraka an’ireo zon’ny mpandova izy. Sady ho voahilika tsy ho isan’ny tarika mihintsy koa.

TENY VOAFANTINA

Fañokoaraña, hazovato, trañomanara, Fitsimponaña, Andrômahitso, Helodranon’i Mangabe, Zafindrabay, Mpiambinjiny ; Andranofôtsy, Maroantsetra, Añalanjirorôfo, Betsimisaraka, Fehitry, Zanaky ny lahy, Zanaky ny vavy.

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SUMMARY

The reburial has caused a lot of ink to flow. It’s common throughout Madagascar. Whether, it may be for the scientific reasons or religious leanings. This research deals with the same topic in Mangabe Bay (Antongil Bay of long ago). It is in most important cove at the east coast of Madagascar. According to Thomas Mouzard (2003) who is an ethnologist french, it is a “region ill-known” by Anthropologist. As far as the research which occurs, it has to do with the Zafindrabay’ s group at Andranofôtsy village in Maroantsetra. This group has had at the height of one’s fame, from the second half of XVIII century to the half of the XIX century. Nowadays, this group continues doing his funerary rituals (with some modifications) and especially the reburial which is called locally fañokoaraña, famadihaña or tsaboraha.

It kind of ceremony is most important among the Andranofôtsy’s Zafindrabay. Because, it brings out the interdependence of the religion and the economical. Through this ritual, the dead rises to the ancestor. From then on, the ancestor is in the fit state to bless his family. Then, the member of his family will get prosperity and a good health. The fañokoaraña is able to compel the members. Firstly, because everybody aspires this ceremony. Secondly, the omission is delicate. The culprit will be severely punished (for example; the madness). The worst, he will not receive inheritance from this ancestor. So, he will banish.

KEYS-WORDS

Reburial, Fañokoaraña, hazovato, trañomanara, Fitsimponaña, Andrômahitso, Mangabe Bay, Zafindrabay, Mpiambinjiny ; Andranofôtsy, Maroantsetra, Añalanjirorôfo, Betsimisaraka, Fehitry, Zanaky ny lahy, Zanaky ny vavy.

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Glossaire

Fañoakoaraña : C’est un rituel qui consiste à changer le lit mortuaire d’un défunt. Par l’intermédiaire de ce rituel, le défunt se débarrasse de sa maison provisoire faite en bois (cercueil) et rejoint sa demeure définitive, le hazovato « cercueil en pierre ». Il se fait entre 5 à 8 ans.

Hazovato « cercueil en pierre » : C'est le hazovato « cercueil en pierre », terme que Ratovo (2005) propose à juste titre de le traduire par « cercueil en béton ». À l’intérieur de ce hazovato « cercueil en pierre» qu’on dépose les dépouilles mortelles de l’ancêtre après le rituel fañokoaraña. Sa structure se subdivise en deux : le lahiny « le mâle » et vaviny « femelle ». Ils sont superposés. Le lahiny ou le « mâle » est la partie supérieure du hazovato « cercueil en pierre ». C’est sa toiture. Car sa forme triangulaire simule parfaitement celle du toit de la maison. La vaviny , la « femelle », est la partie inférieure.

Lambanaña : il s’agit des nattes en des feuilles de via 1, installées par terre sur lesquelles on verse le riz préparé. Lors du repas, les gens s’assoient côte à côte.

Lôva : C’est l’ensemble des biens qui se transmettent par voie successorale. C’est l’équivalent du mot français « héritage ». Chez les Zafirabay d’Andranofôtsy, ce terme se réfère généralement à des terres (rizière, la cour…). Ces propriétés sont interdites de vente et se transmettent aux enfants reconnus par les parents.

Mpiambinjiny : est celui qui garde, chez lui, les matériels rituels du clan, entre autres le hazolahy et tandrokaka . Il garde, à ce titre, la clé de la porte de la trañomanara. Il préside tous les rituels réalisés au nom du groupe ou concernant le tombeau unique.

Tatibato : C’est une sorte de don, que l’on offre aux organisateurs des évènements heureux qui se rapportent aux ancêtres ou aux tombeaux. Le mot tatibato est composé de tatitry « transport » et vato « pierre(s) ». On pense à une contribution du donateur à la collecte des gravillons qui ont servi à la construction du cercueil de béton, hazovato « cercueil en pierre ».

Trañomanara : littéralement « Maison-a-l’abri-du-soleil » est la maison funéraire collective (trañomanara) appartenant à un fehitry précis. À l’intérieur de cette maison chez les Zafirabay d’Andranofôtsy, tous les morts sont déposés. Ceux qui ont déjà reçu les secondes

1Typhonodurum Lindleymann

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funérailles ( fañokoaraña), sont mis dans les hazovato « cercueil en pierre » ; ceux qui ne l’ont pas encore reçu sont dans le cercueil en bois. Chez les autres groupes comme les Antimarika de Sahajinja- Manambia, cette maison est réservée uniquement aux morts qui ont déjà reçu le fañokoaraña.

Tsaboraha : C’est un nom générique de tous les rituels des évènements heureux en l’honneur des ancêtres dont la réalisation entraîne une bénédiction de la part des ancêtres (fañokoaraña ), ou résulte de la bénédiction de l’ancêtre (tsakafara) . Tsabo, au sens propre chez les Antimaroa est un champ de culture. Il nécessite en fait de l’entretien. Par extension on a tsabo , la racine du verbe mitsabo : mitsabo tabà, « faire les tâches quotidiennes », mitsabo traño « construire une maison », mitsabo teña « se soigner ». Cette dernière expression rejoint la définition de l’Abbé Lahady Pascal (1979 : 267) qui l’a défini comme « sacrifice ou rite public thérapeutique (raha= quelque chose ; tsabo= action de soigner).

Tsimandrimandry : Le mot tsimandrimandry, c’est le duplicatif du “tsy mandry ” ou ne pas dormir . C’est donc soirée d’un événement heureux durant laquelle on ne dort presque pas. Il désigne une veillée festive . C'est une soirée durant laquelle on danse, on joue, on conte…Cela se fait généralement la nuit qui précède le jour de la cérémonie, c’est-à-dire la nuit du vendredi.

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Terminologie de parenté Zafirabay

[Revue à partir de la terminologie de parenté de Sakalava du Nord-ouest étudiée par Baré ( L’homme , vol. 14, numéro1 pp 5-41, 1974)]

Rahalahy (1) : Tout enfant masculin d’un géniteur d’Ego masculin.

Tout collatéral masculin de même génération qu’un Ego masculin.

Anadahy (2) : Idem pour un Ego féminin.

Tout conjoint des collatérales du mari d’Ego de même génération que lui.

Anabavy (3) : Tout enfant féminin d’un des géniteurs d’Ego masculin.

Tout collatéral féminin d’un Ego masculin de même génération que lui. Toutes les épouses des collatéraux masculins de la femme d’Ego, de même génération qu’elle.

Rahavavy (4) : Idem pour un Ego féminin.

Toutes les épouses des collatéraux masculins de la femme d’Ego, de même génération qu’elle.

Zoky (5) : Tout collatéral d’Ego de même génération que lui et plus âgé.

Zandry (6) Tout collatéral d’Ego de même génération que lui et moins âgé.

Dadilahy, Bailahy, Tout parent masculin d’Ego et tout collatéral masculin de ce parent de la Dadahy (7) : deuxième génération ascendante.

Tout le conjoint d’un parent dénoté par 8

Dady, Bay, (8) : Tout parent féminin d’Ego et tout collatéral féminin de ce parent, de la deuxième génération ascendante.

Tout conjoint dénoté par (7)

Zafy (9) : Tout parent d’Ego, tout collatéral de ce parent, de la deuxième génération.

Tout conjoint des parents et collatéraux d’Ego de la deuxième

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génération descendante.

Baba, Angy, Papa Père d’Ego (10) :

Papabe, Angibe, Les collatéraux masculins du père d’Ego, plus vieux que celui-ci, de la (11) : première génération ascendante.

Le conjoint de la mère d’Ego, plus vieux que son père.

Tout le conjoint des collatérales de la mère d’Ego, plus âgé que son père.

Babahely (12) Les collatéraux masculins du père d’Ego, plus jeune que celui-ci, de la première génération ascendante.

Le conjoint de la mère d’Ego, plus jeune que son père.

Tout le conjoint des collatérales de la mère d’Ego, moins âgé que son père.

Niny, Mama, Nindry Mère d’Ego de la première génération ascendante (13) :

Mamabe, Nindribe Collatérales de la mère d’Ego, plus vieilles qu’elle, de la première (14) : génération ascendante.

La conjointe du père d’Ego plus âgée que sa mère.

Toute la conjointe des collatéraux du père d’Ego, plus vieille que sa mère.

Mamahely Collatérales de la mère d’Ego, plus vieilles qu’elle de la première génération ascendante. Nindrihely (15) : La conjointe du père d’Ego, moins âgée que sa mère

Toute la conjointe des collatéraux du père d’Ego, plus vieille que sa mère.

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Zanaka (16) : Enfants d’Ego

Enfants des collatéraux de même sexe qu’Ego, de même génération

Enfants des collatéraux du conjoint d’Ego de même sexe et de même génération que celui-ci.

Angivavy, Angovavy, Collatérales du père d’Ego de même génération que lui. vavo, tantiny (17) :

Zêna, tantiny (18) : Épouses des collatéraux masculins de la mère d’Ego de la génération que celle-ci.

Zama, laimama, ton, Collatéraux masculins de la mère d’Ego et de même génération qu’elle. mama (19) : Conjoints des collatérales du père d’Ego de même génération que celui-ci.

Asidy (20) : Enfants des collatéraux (de sexe différent que Ego) d’Ego de même génération que lui.

Enfants des collatéraux du conjoint d’Ego de même génération que celui-ci et de sexe différent.

Valilahy (21) Conjoints des collatérales d’un Ego masculin de même génération que lui.

Collatéraux masculins de l’épouse d’un Ego masculin, de même génération qu’elle.

Par plaisanterie, il correspond au (20) de sexe masculin.

Rañao (22) Collatérales du conjoint de même génération que celui-ci (Ego féminin).

Épouses des collatéraux masculins d’Ego (masculin) de même génération que celui-ci.

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Vinanto (23) Conjoint(e)s des descendants d’Ego de la première génération descendante.

Conjoint(e)s des descendants de collatéraux d’Ego de la première descendante.

Rafôzaña (24) : Géniteurs et collatéraux des géniteurs du (de la) conjoint(e).

Vady (25) : Conjoint(e) d’Ego.

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ANNEXES

Annexe 1. Carte géographique de Maroantsetra

Source : Carte de Madagascar, F.T.M., Feuilles W 38 et X 38, 1974 et 1975 .

Situation du village d'Andranofôtsy par rapport à la ville de Maroantsetra.

Annexe 2 : Photo de lambahoany ou simbo

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Cliché de Rebecca GREEN

Les lambahoany comportent dans la plupart des cas des proverbes ou des adages (maximes populaires) de type samy mandeha samy mitady « tout le monde va, tout le monde cherche »…

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Annexe 5 : L’origine de deux branches de Zafirabay

Source : PETIT, 1967 : 25

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Annexe 6 : Descendance de Lazaina

Source : PETIT, 1967:41

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TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE ...... 1

REMERCIEMENT ...... 4

INTRODUCTION ...... 5

Objet de la recherche ...... 5

Revue de la littérature ...... 6

Problématique du travail ...... 8

Théorie...... 9

Hypothèse de travail ...... 9

Plan ...... 10

PARTIE I. METHODOLOGIE ET PRESENTATION HISTORIQUE DU TERRAIN ...... 11

INTRODUCTION ...... 11

Chapitre 1 : PRÉSENTATION HISTORIQUE DU TERRAIN ...... 12

I-1. LES ZAFIRABAY ET LA BAIE D'ANTONGIL ...... 12

I-1.1. Sur les origines des Zafirabay ...... 13

I-1.2. Sur l’identité des Zafirabay ...... 15

I-1.2.1. Dans le territoire des Betsimisaraka ...... 15

I-1.2.2. Revendication Zafinifôtsy « Petits-fils-de-Blanche » ...... 15

I-2. ORGANISATION SOCIALE DES ZAFIRABAY D’ANDRANOFÔTSY ...... 16

I-2.1. Mpiambinjiny : le maître de cérémonie ...... 16

I-2.1.1 . Rôles ...... 16

I-2.1. 2. Conditions d’éligibilité ...... 17

I-2.2. Les instruments de musique ...... 18

I-2.2. 1. Tandrokaka, la « corne d’animaux » ...... 19

I-2.2. 2. Les bingy tapaka « tambourins coupés » ...... 19

I-2.3. Andrômahitso, le tombeau à recrutement indifférencié ...... 19

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I-2.4. Les lieux sacrés ...... 21

I-2.4.1. Mevarano « Bonne-eau » ...... 21

I-2.4.2 . Amparihibe ou Amparibe, le lac du sacrifice humain ...... 22

Chapitre 2. METHODOLOGIE DE LA COLLECTE DES DONNÉES ...... 23

II-1. LE TERRAIN A PROPREMENT PARLER ...... 23

II-1. 1. De l’Anthropologie indigène ...... 23

II- 1.2. Entretiens libres ...... 26

II-1.3. Observation participante ...... 26

II-2. LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE ...... 27

II-2.1. La revue de la littérature ...... 27

II-2.2. Les sites web ...... 28

II-2.3. Restitution écrite du corpus ...... 28

CONCLUSION PARTIELLE ...... 29

PARTIE II. ETHNOGRAPHIE DU FAÑOKOARAÑA ...... 30

INTRIDUCTION ...... 30

Chapitre 3. LES PRÉPARATIFS OU FIKARAKARAÑA ...... 31

III-1. LES RÔLES DE LA FAMILLE ORGANISATRICE ...... 31

III-1. 1. Fañatoroaña ou l’invitation ...... 31

III-1. 2. Construction de hazovato « cercueil-en-pierre » ...... 32

III-2. LES TACHES COLLECTIVES ...... 33

III-2. 1. La collecte des bois à brûler ...... 34

III-2. 2. Décorticage du paddy ...... 35

III-2. 3. Fangariñana, la fabrication de betsa, boisson ancestrale ...... 37

Chapitre 4. LE RITUEL FAÑOKOARAÑA ...... 40

IV-1. LA RÉCEPTION ...... 40

IV-1. 1. La perception de tatibato, le don des hôtes ...... 40

102

IV-1. 2. Tsimandrimandry, la « veillée » festive ...... 41

IV-2. LE FAÑOKOARAÑA PROPREMENT DIT ...... 47

IV-2. 1. Abattage de zébus ...... 47

IV-2. 2. Le cortège vers « Andrômahitso » ...... 47

IV-2. 2.1. À la porte de la trañomanara ...... 48

IV-2. 3. Le fitsimponaña, le ramassage des ossements...... 53

IV-3. LA PHASE FINALE ...... 55

IV-3. 1. Le banquet ou « mantera omañ’azy » ...... 55

IV-3. 2. Le remerciement pour la clôture ...... 57

Conclusion partielle ...... 59

Partie III. INTERPRÉTATIONS ET ANALYSES ...... 60

INTRODUCTION ...... 60

Chapitre 5. FAÑOKOARAÑA , LE RITUEL INTÉGRATEUR ET IDENTITAIRE ...... 61

V-1. INTÉGRATION DU DÉFUNT DANS LE MONDE DES ANCETRES ...... 61

V-1. 1. Du tsaboraha au fañokoaraña ...... 61

V-1. 1. 1. Tsaboraha se traduit en la réussite de l’homme ...... 61

V-1. 1. 2. Le zébu, « l’animal social total » ...... 63

V-1.2. En quoi consiste le fañokoaraña ici ? ...... 64

V-1. 2.1. Redonner sens ...... 64

V-1. 2.2. Éviter les châtiments ...... 65

V-2. FAÑOKOARAÑA , UN RITE IDENTITAIRE ...... 66

V-2. 1. Les biens identitaires ...... 66

V-2. 1. 1. Le fasan-drazaña « tombeau ancestral » ...... 67

V-2. 1. 2. Le terroir ...... 68

V-2. 1. 3. Les femmes ...... 71

Chapitre 6. FAÑOKOARAÑA , POUR SOCIALISER LES DIFFERENDS STRUCTURAUX ...... 73

103

VI-1. LES ENJEUX DES BIENS STRUCTURAUX ...... 73

VI-1. 1. La dyade vazaha/gasy « étranger/autochtone » ...... 73

VI-1. 2. Plaisanterie entre l’oncle maternel et nièce utérine...... 75

VI-2. L’INTERDICTION DE L’INCESTE ...... 76

VI-2. 1. Évitement entre rafozaña/vinanto ...... 77

VI-2. 2. Lo amböra, la levée de l’inceste ...... 79

CONCLUSION PARTIELLE ...... 80

CONCLUSION GÉNÉRALE...... 81

BIBLIOGRAPHIE ...... 85

Ouvrages généraux...... 85

Ouvrages spécifiques sur Madagascar ...... 85

Ouvrages spécifiques sur les Betsimisaraka ...... 86

Articles ...... 87

Webographie ...... 88

RESUME ...... 90

MOTS-CLES ...... 90

FAMINTINANA ...... 91

TENY VOAFANTINA ...... 91

SUMMARY ...... 92

KEYS WORDS ...... 92

GLOSSAIRE ...... 93

TERMINOLOGIE DE PARENTE ZAFIRABAY ...... 95

ANNEXES ...... 99

104

Annexe 1 : Carte géographique de Maroantsetra ...... 99

Annexe 2 : Photo d’un Lambahoany ou simbo ...... 100

Annexe3 : L’origine de deux branches de Zafirabay ...... 101

Annexe 4 : Descendance de Lazaina ...... 102

TABLE DES MATIERES ...... 103

105

Zafindrabay Antimarika de En Imerina d’Andranofôtsy Sahajinja- selon Rajaoson Manambia et Bloch

Secondes 1. Sortie 1. 1. Sortie funérailles de la maison Déterrement de la tombe funéraire (okoariñy ) familiale

2. Essuyage, 2. Essuyage, arrangement arrangement des ossements des ossements

3. 3. 2. Enveloppement Enveloppement Enveloppement

4. Transfert 4. Transfert dans une dans une nouvelle nouvelle sépulture sépulture individuelle individuelle hazovato hazovato « cercueil-en- « cercueil-en- pierre » pierre

5. Retour dans 5. Première 3. Retour dans la même entrée dans la la même maison trañomanara tombe funéraire familiale. trañomanara