Revue archéologique du Centre de la

Tome 59 | 2020 Varia

Le souterrain médiéval de la Croix-Blanche à Sardon (Puy-de-Dôme) The medieval tunnel of the Croix-Blanche in Sardon (Puy-de-Dôme)

Frédéric Surmely, Alban Horry, Franck Loiseau, Étienne Bachelet et Stéphane Brouillaud

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/racf/4068 ISSN : 1951-6207

Éditeur Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du centre de la France (FERACF)

Référence électronique Frédéric Surmely, Alban Horry, Franck Loiseau, Étienne Bachelet et Stéphane Brouillaud, « Le souterrain médiéval de la Croix-Blanche à Sardon (Puy-de-Dôme) », Revue archéologique du Centre de la France [En ligne], Tome 59 | 2020, mis en ligne le 15 juillet 2020, consulté le 18 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/racf/4068

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Frédéric SURMELY1, Alban HORRY2, Franck LOISEAU3, Étienne BACHELET3 et Stéphane BROUILLAUD4 ______

Le souterrain médiéval de la Croix- Blanche à Sardon (Puy-de-Dôme)

THE MEDIEVAL TUNNEL OF THE CROIX-BLANCHE IN SARDON (PUY-DE-DÔME)

Mots-clés : Souterrain, Moyen Âge, , Limagne, silo.

Keywords: Tunnel, Middle Ages, Auvergne, Limagne, silo.

Résumé : Le souterrain de la Croix-Blanche a été découvert fortuitement par le propriétaire-exploitant de la parcelle. Un sondage a montré l’existence d’un système complexe, vraisemblablement lié au stockage, comprenant un silo de surface, une pièce excavée abritant deux silos et don- nant accès à trois galeries souterraines, dont le développement n’a pas pu être reconnu inté- gralement. Un examen au géoradar n’a pas permis de détecter ces conduits depuis la surface. Les datations de charbons de bois et de céramiques s’inscrivent entre le xie et la première moitié du xiiie s.

Abstract: The tunnel at la Croix-Blanche was accidentally discovered by the owner-operator of the plot. A sounding was conducted. It showed the existence of a complex system, presu- mably linked to storage, comprising a surface silo, an underground room housing two sto- rage pits and providing access to three underground galleries, whose development could not be fully recognized. A georadar investigation failed to detect these ducts from the sur- face. The dating of wood charcoal and ceramics is part of the period 11th-13th century.

______1. DRAC ARA, 4 rue Pascal 63000 Clermont-Ferrand et UMR 6042 2. Inrap ARA, 12 rue Maggiorini 69675 Bron et UMR 7041 3. Association Initiatives et Idées, 63460 4. Inrap ARA, 12 rue Maggiorini 69675 Bron

______Pour citer cet article, utiliser la référence électronique : F. Surmey et al. - Le souterrain médiéval de la Croix-Blanche à Sardon (Puy-de-Dôme), Revue Archéologique du Centre de la France [En ligne], Tome 59 | 2020, URL : https://journals.openedition.org/racf/4068 2 RACF 59, 2020

castrale. Sardon est proche de Thuret qui possédait 1. CONTEXTE ET HISTORIQUE une importance certaine au cours du Moyen Âge (viguerie carolingienne, romane, prieuré, motte, 2. TRAVAUX DE TERRAIN etc.). Dans un rayon de moins de 10 km, deux autres souterrains médiévaux sont recensés, l’un à Beaure- 3. DESCRIPTION DE LA STRUCTURE gard-Vendon (non sondé) et l’autre à Bas-et-Lezat 3.1. Morphologie (en cours de fouille préventive). Le souterrain a été découvert au printemps 2018, 3.2. Stratigraphie par le propriétaire-exploitant de la parcelle, lors de travaux agricoles. L’agriculteur a signalé que 4. MOBILIER ARCHÉOLOGIQUE d’autres affaissements du même type avaient été 4.1. Céramique observés à plus de 100 m à l’est et au sud de la struc- ture, indiquant l’existence très probable d’autres 4.2. Verre réseaux souterrains. 4.3. Tuiles gallo-romaines

4.4. Crapaudine 2. TRAVAUX DE TERRAIN 4.5. Essaim 5. DATATIONS RADIOCARBONES Le propriétaire n’ayant pas souhaité leur large ex- tension spatiale, les investigations ont dû être limi- 6. COMPARAISONS, INTERPRÉTATIONS tées à un nettoyage et à un sondage dans une zone ET PERSPECTIVES d’une cinquantaine de mètres carrés autour de la pièce excavée (Surmely 2019). Les galeries sou- BIBLIOGRAPHIE terraines n’ont été explorées que dans les portions accessibles, et aucun sondage n’a été réalisé dans leur comblement. À la fin de l’opération, le sondage a été rebouché, en prenant soin de ne pas détériorer les structures. La prospection au géo-radar, réalisée par Franck Donnadieu (Magma et Volcans, CNRS, Clermont-Ferrand), n’a pas décelé les galeries sou- terraines. 1. CONTEXTE ET HISTORIQUE

La commune de Sardon est située en pleine Li- 3. DESCRIPTION DE LA STRUCTURE magne d’Auvergne, à 330 m d’altitude (Fig. 1). Le substrat est formé de marno-calcaire, recouvert par des formations superficielles à forte composante 3.1. Morphologie organique, qui sont très fertiles. Le site est localisé à 400 m au nord du bourg ancien, près du cimetière actuel qui est une création récente. Le cadastre de La structure se présente sous la forme d’une salle 1826 ne montre aucune construction à cet endroit excavée, vraisemblablement dotée d’une couverture qui était déjà un espace voué à l’agriculture. reposant sur des poteaux en bois, comprenant deux Les renseignements d’ordre historique sur la silos et desservant trois galeries souterraines d’éten- commune sont peu nombreux, faute de recherches dues indéterminées (Fig. 2 et 3). Un troisième silo a antérieures. Une dizaine de sites de l’âge du Fer et été découvert à l’extérieur. de l’Antiquité ont été recensés aux abords du bourg. Un souterrain a été découvert au centre du bourg, il 3.1.1. La pièce excavée y a une cinquantaine d’années, mais a été rebouché sans investigations. Notons la présence d’un topo- nyme, à environ 600 m au sud-est, la Croix de la La salle a été creusée dans le substrat marno-cal- Mothe, qui pourrait indiquer la présence d’une motte caire, sur une profondeur de 1,90 m environ, avec Le souterrain médiéval de la Croix-Blanche à Sardon (Puy-de-Dôme) 3

Fig. 1 - Localisation du site (étoile rouge), sur la carte IGN au 1/25 000. des parois verticales. Elle forme un rectangle de le chambranle d’un système de fermeture. Un objet 5,50 m par 4 m, soit une surface intérieure d’en- en pierre, interprété comme une crapaudine, a été viron 22 m². Le sol est plat, sans ressaut ou rigole retrouvé à proximité immédiate du TP2. périphérique. Sur les bords, régulièrement espacés L’accès à la salle se faisait du côté nord, par un de deux mètres et placés en vis-à-vis, huit trous escalier droit, de moins d’un mètre de large, com- de poteau (TP 1, 17, 5, 7, 11, 14, 15, 3 et 13) ont posé de sept marches creusées dans le substrat. Ce été ouverts dans le sol. Il s’y ajoute le TP7, qui n’a dispositif se retrouve dans des très nombreux sou- pas de correspondance et le TP8 qui est en position terrains médiévaux d’Auvergne et d’ailleurs (Cla- centrale. Leur diamètre est de 30 cm environ. Leur vier 2015 ; Usse 1998 ; Surmely et Fournioux fonction est assurément de soutenir un dispositif de 2017). L’entrée était sans doute couverte et cer- couverture et/ou de maintien de cloisons formées tainement fermée, mais l’altération empêche d’en de planches horizontales empilées. Trois trous plus savoir plus. petits (20 cm) se font face sur les côtés gouttereaux. Un autre dispositif de fermeture existait au bas Leur présence pourrait être liée à un cloisonne- de l’escalier, par une porte en bois dont l’encadre- ment interne de la pièce. Le TP16 pourrait avoir un ment (chambranle) était tenu par les deux poteaux lien avec l’entrée de la galerie ST3, dont il est très TP1 et TP2. La porte devait donc être de type “ ti- proche, peut-être pour l’ancrage d’un dispositif lié rant ”, mais elle pouvait être fermée de l’intérieur au souterrain (treuil…). La fonction de TP4 et de comme de l’extérieur, au moyen d’une simple ser- TP18 reste énigmatique (calage de récipients ?). rure. Ses dimensions restent indéterminables, avec Les TP1 et TP2, situés de part et d’autre de l’accès un maximum de 1,40 m qui correspond à l’écart à la salle, étaient certainement destinés à recevoir entre les deux poteaux. Le choix d’un tel système, 4 RACF 59, 2020

Fig. 2 - Plan général de la structure (doc. F. Loiseau et F. Surmely).

à Sardon, semble s’expliquer par la nature du subs- 3.1.2. Les silos trat qui a une faible solidité et par l’absence de voûte en pierre. Ce sont ces mêmes raisons qui ont Deux silos s’ouvrent dans la salle, le premier (S1) conduit les constructeurs à utiliser une crapaudine contre la paroi orientale et l’autre (S2) à peu près au en pierre. centre. Un troisième silo (S3) a été creusé à l’exté- La question de la couverture de la salle reste rieur. Son remplissage n’a pas été fouillé. en suspens. L’hypothèse privilégiée est celle d’un Les structures fouillées ont des morphologies simple plafond en bois, reposant sur des poutres, semblables, avec un profil piriforme classique et elles-mêmes calées par des sablières hautes repo- une profondeur de 95 cm dans le cas de S2. sant sur les poteaux périphériques et/ou les bords de la structure. Ce plafond a pu être recouvert 3.1.3. Les galeries souterraines entièrement de sédiments, notamment pour dissi- muler la structure. Mais il est plus probable qu’il ait été surmonté d’une élévation, c’est-à-dire d’un La pièce excavée dessert trois galeries souterraines, étage aérien. dont les extensions restent largement inconnues du En dehors des galeries et des silos, aucun aména- fait de leur comblement par des déblais. Elles n’ont gement particulier n’a été reconnu. Toutefois, plu- pas fait l’objet d’investigation, car leur plafond était sieurs éléments appartenant à une plaque-foyère, jugé trop instable et leur ouverture non souhaitée. en position remaniée, ont été trouvés le long du Un étroit passage (goulot) a été percé dans la mur nord. La position originelle de cette plaque paroi est de la salle et donne accès à la branche reste indéterminée. ST1, un diverticule oblong, de quatre mètres de Les pesons antiques en terre cuite de Châteaubleau (Seine-et-Marne) et de sa région 5

Fig. 3 - Vue zénithale (après traitement) de la structure, à l’achèvement de l’opération de terrain (photo F. Surmely).

longueur environ, au plafond dégradé et au sol en- Le dispositif d’accès à la galerie ST3, s’ouvrant combré d’une épaisseur indéterminée de déblais. sur le côté sud de la pièce, est du même type que Cet espace ouvre lui-même sur une autre petite celui de ST2. À 20 cm en retrait de l’entrée, se salle. De là partent deux autres étroits boyaux dont trouve un petit trou de poteau isolé (TP16), qui l’extension n’a pu être reconnue. lui était peut-être lié. Le conduit n’a pu être ex- La galerie ST2, à l’ouest, est plus large, haute ploré que sur une longueur de deux mètres. d’un mètre et a une forme en plan de “ t ”. Elle est en bon état de conservation et vide de sédiment. Son accès se fait par une sorte de puits carré, d’un mètre 3.2. Stratigraphie de profondeur ne portant aucune trace de dispositif de fermeture, mais pouvant être clos par une trappe Cinq unités stratigraphiques ont pu être distin- de bois (Fig. 4). Ce dispositif rappelle celui amé- guées dans le comblement de la pièce. nagé sur le souterrain de Chauviat (Surmely et al. Le niveau de base (US50), peu épais, est à forte 2013). À l’entrée de la galerie, sur la paroi sud, a été composante organique et contenait la grande ma- aménagée une banquette (Fig. 5). L’excroissance jorité des vestiges mobiliers. Les trois horizons tournée vers le nord se prête également au stoc- sus-jacents étaient caractérisés par de forts ap- kage. Un petit boyau de 15 cm de diamètre, parais- ports détritiques empruntés au substrat et la pré- sant remontant, a été percé du côté sud. L’hypo- sence de quelques artefacts. Un niveau récent à thèse d’une aération, dispositif fréquent dans les dominance humifère scelle l’ensemble de la sé- souterrains médiévaux, nous semble à privilégier. quence. 6 RACF 59, 2020

4. MOBILIER ARCHÉOLOGIQUE

Les vestiges mobiliers découverts se composent de fragments de récipients en céramique et en verre, de restes organiques brûlés (charbons de bois, essaims), de deux fragments de tuile gallo-romaine et d’un objet en pierre (crapaudine). Tous les objets sont fragmentés. Il est possible que certains, voire tous, proviennent de l’hypothétique étage supérieur, après effondrement de la couverture de la salle.

4.1. Céramique

Le mobilier céramique est constitué de 98 tessons, au sein de deux groupes techniques (Fig. 6). Il provient essentiellement de l’US50. Il est identique dans les US 20 et 50. L’essentiel est constitué de céramiques à pâtes claires. L’US50 a livré deux grandes mar- mites à bord agrémenté d’une lèvre arrondie et munis d’anses larges. Les bords sont renforcés dans la partie externe d’une bande d’argile horizontale rapportée et imprimée au doigt. L’autre forme mise en évidence est un pichet à becs multiples qui se différencie des modèles communément observés. Ces éléments per- mettent d’envisager une chronologie dans le courant du xiie s. ou au tout début du xiiie s. et rappellent les assemblages découverts récemment sur la fouille de -Les Colis (Gaime 2016 : 289-306). Fig. 4 - Entrée de la galerie ST2, par une sorte de puits, probable- ment fermé par une trappe en bois (photo F. Surmely). 4.2. Verre

Le verre est peu courant dans les sites ruraux du Moyen Âge central (Charmoillaux et Gaime 2019). Le lot mis au jour compte 42 fragments (Fig. 7), parmi lesquels 7 lèvres et 35 parois (7 individus). Le matériau est en bon état, sans altération lamel- laire. L’absence de profil complet est un obstacle à l’identification des formes. Le registre des verres à boire et notamment celui des verres à tiges fait cepen- dant probablement partie de ce corpus. Quatre frag- ments présentent un décor moulé de spirales, décor notamment connu sur certains gobelets médiévaux (Foy 1988 ; Foy et Sennequier 1989). D’autres pro- fils proviennent certainement d’autres formes, peut- être de lampes.

4.3. Tuiles gallo-romaines

Fig. 5 - Vue de la galerie ST2, depuis l’intérieur. L’entrée est visible Deux fragments de tegula ont été recueillis dans à l’arrière-plan (photo F. Surmely). l’US50, en position remaniée et en association Les pesons antiques en terre cuite de Châteaubleau (Seine-et-Marne) et de sa région 7

Fig. 6 - Céramique (no 1 à 3 et verre (nos 4 et 5) (dessin E. Bayen, Inrap). 8 RACF 59, 2020

difficile à retrouver. Sur la base de la correspon- dance entre son diamètre et celui du trou de poteau, on pourrait émettre l’hypothèse qu’elle était placée au fond d’un trou de poteau, par exemple le TP2, mais, de l’avis des spécialistes, un tel positionne- ment est peu réaliste. Il semble plus probable que la pièce ait été posée, à même le sol, mais il est également possible qu’elle provienne de l’hypo- thétique étage supérieur.

4.5. Essaim

Un gros fragment d’essaim calciné et plusieurs petits morceaux ont été collectés dans l’US50.

5. DATATIONS RADIOCARBONES

Trois mesures d’âge par le radiocarbone ont été effectuées à ce jour, à partir de charbons de bois Fig. 7 - Éléments de verre provenant de l’US50 (photo F. Surmely). pris à la base de l’US 50, au contact même du sol de la salle excavée, en trois points éloignés les uns des autres. 918 ± 32 BP, soit 1029-1187 ap. J.-C. (D-AMS avec des dallettes de pierre, constituant une sole de 032984) foyer. Il s’agit indiscutablement de véritables tegu- 875 ± 30 BP, soit 1043-1225 ap. J.-C. (Lyon- lae et non de tuiles d’âge médiéval. L’utilisation de 16041) tegulae antiques pour l’aménagement d’une sole 950 + 30 BP, soit 1024-1155 ap. J.-C. (Lyon- de foyer a été observée sur d’autres sites médié- 16852) vaux de Limagne, comme celui des Noyeraies à Ces mesures d’âge sont en phase avec les data- (Caillet et Ferdinand 2017). tions radiocarbones obtenues sur la majeure par- tie des souterrains d’Auvergne (Fig. 8). 4.4. Crapaudine

L’objet a été taillé dans un calcaire silicifié, qui 6. COMPARAISONS, INTERPRÉTATIONS provient vraisemblablement des séries carbonatées ET PERSPECTIVES oligocènes de , à une dizaine de kilo- mètres au nord. La pièce se présente sous la forme Le site de Sardon, malgré le caractère réduit des d’un disque irrégulier épais, de 30 cm de diamètre, investigations, apparaît comme un ensemble par- avec des traces de fragmentation observables sur ticulièrement intéressant, qui comprend une pièce les deux faces. Il pourrait s’agir d’un réemploi excavée, équipée de deux silos, donnant accès à d’élément architectonique brisé. L’objet présente trois galeries souterraines. Un silo extérieur in- une cavité de 12 cm de diamètre sur une de ces dique que ces structures souterraines avaient un faces, avec un poli peu prononcé. La présence de lien avec une occupation qui se développait éga- ce trou exclut l’hypothèse d’un simple sabot de lement en surface. Aucun indice de réfection ou poteau, et semble indiquer qu’il s’agissait d’une de réaménagement n’a été décelé et tout porte crapaudine destinée à recevoir l’extrémité du pivot donc à croire que ces différents aménagements d’un arbre vertical, et plus précisément d’une porte ont été créés de façon synchrone, en lien avec une pivotante. Le diamètre de la mortaise laisse penser intention générale de conservation et de protec- que la pièce mobile était en bois et non en métal. tion des biens, voire des personnes. Les témoi- L’emplacement d’origine de la crapaudine reste gnages sont rares, mais la fonction du souterrain Les pesons antiques en terre cuite de Châteaubleau (Seine-et-Marne) et de sa région 9

Fig. 8 - Graphique des datations radiocarbones calibrées (à 2 β), réalisées sur les souterrains du Cantal et du Puy-de-Dôme, d’après F. Surmely pour les sites de Chauviat, , Sardon, Saint-Georges-de-Mons (Puy-de-Dôme) et Sainte-Eulalie et Mourjou (Cantal) et M. Carlier (Inrap) pour Laroquebrou (Cantal ; Carlier 2016). Mesures réalisées sur charbons de bois. comme de lieu de conservation de récoltes est portée à la période xe-xie s. Ces analogies entre bien attestée par quelques documents : “ En 1647, structures montrent leur caractère standardisé et les soldats logés à Domléger (Somme) pillèrent leur fonction utilitaire, et voire même l’existence le souterrain du village et s’emparèrent de tous d’artisans spécialisés itinérants. Dans le cas du les blés battus ” (cité dans Triolet 2002). Les site de Sardon, une datation un peu plus récente silos sont assez fréquemment associés aux souter- est probable, autour du xiie s. rains médiévaux (Gady 1989 ; Rousseau 2012 ; L’interprétation fonctionnelle reste toutefois Triolet 2002 et 2003 ; Conte 2020 ; Surmely délicate, à ce stade des recherches. On peut y voir et Fournioux 2017 ; Épaud et al. 2019, etc.). De un complexe de stockage permettant la conser- nombreux ouvrages intègrent même des espaces vation, dans des espaces diversifiés, de biens de différenciés de stockage (silo, niches de diverses types divers. Il est possible aussi que les espaces tailles, etc.), tel celui de Mourjou (Surmely et aient eu des usages différents, les silos et la pièce Chalin 2019). La structure composite de Sardon étant destinés à l’entreposage habituel et les ga- peut être rapprochée de celles fouillées sur le site leries à un stockage de réserves exceptionnelles de la Fontaine-de-Montfort à Monfort (49 ; Hu- pour un refuge épisodique pour les populations not 2011). Les similitudes sont particulièrement et leurs biens. La fonction d’espace de stabula- frappantes avec l’habitation no 1 de cet ensemble. tion animale, évoquée pour certains souterrains Un ouvrage du même type a été fouillé sur le (Triolet 2003) semble peu probable, et même site de Champ-Blanchard à Distré (49 ; Dubil- exclue dans les conduits. L’usage exact de la lot 2000). Dans les deux cas, la datation est rap- pièce excavée reste en suspens. Les nombreux 10 RACF 59, 2020

objets domestiques découverts dans les niveaux et Salamagne A. - Caves et celliers dans l’Europe médiévale de comblement indiquent l’existence d’une unité et moderne, PUF, Tours : 191-209. de vie domestique très proche. Mais nous ne pou- Foy 1988 vons déterminer si cette dernière se trouvait dans Foy D. - Le verre médiéval et son artisanat en France médi- terranéenne, CNRS Éditions, Paris, 467 p. la salle elle-même, au-dessus ou à côté. Dans les deux derniers cas, nous ne pouvons pas dire si la Foy et Sennequier 1989 pièce a servi de lieu d’entreposage exclusif, ou Foy D. et Sennequier G. - À travers le verre du Moyen Âge à la Renaissance, Catalogue de l’exposition du Musée des bien aussi d’espace de vie, de refuge épisodique, Antiquités de Seine-Maritime, Musées et monuments dépar- de siège d’activités autres… L’environnement tementaux de la Seine-Maritime, Rouen. large de la structure, l’extension exacte du réseau Gady 1989 souterrain, ainsi que la nature des biens ayant pu Gady S. - Les souterrains médiévaux du Limousin, Approche être stockés demeurent inconnus. méthodologique, MSH, Paris, 115 p. (Documents d’Archéo- La résolution de ces interrogations passe par logie Française ; 19). des investigations complémentaires sur le site. Gaime 2016 Gaime S. - Lezoux (Puy-de-Dôme) : Les Colis, route de Bil- lom. Genèse et transformations d’une occupation marginale sur le temps long, Rapport de fouilles, Inrap ARA. Remerciements Hunot 2011 Les auteurs tiennent à remercier Patrick Trillon, pro- Hunot J.-Y. - La Fontaine-de-Montfort : habitats et sou- terrains autour de l’An Mil, Rapport de fouille préventive, priétaire du site, Jean-Baptiste Chalin, Franck Don- Conseil général de Maine-et-Loire, 260 p. nadieu et les rapporteurs scientifiques de l’article. Rousseau 2012 Rousseau S. - Les souterrains historiques en Gironde, t. 2., Pessac, 298 p. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Surmely 2019 Caillet et Ferdinand 2017 Surmely F. - Le souterrain médiéval de la Croix-Blanche à Caillet M. et Ferdinand L. - Les Noyeraies Nord, rapport de Sardon (Puy-de-Dôme). Rapport de sondage archéologique, fouilles, Clermont-Ferrand, 3 vol. Clermont-Ferrand, DRAC ARA, 33 p., dact. Carlier 2016 Surmely et al. 2013 Carlier M. - Le souterrain annulaire de Laroquebrou (Can- Surmely F., Boudon P., Guyot S., Caillat P., Hablot L., tal). Subterranea, n° 179-180, p. 10-15. Charbonnier P. et Poiraud Th. - Le souterrain médiéval de Chauviat (commune de Charbonnières-les-Vieilles, Puy-de- Charmoillaux et Gaime 2019 Dôme). Revue Archéologique du Centre de la France, 52 : Charmoillaux J. et Gaime S. - Les formes de l’habitat ru- 401-414. ral au Moyen Âge en Limagne septentrionale et Sologne bourbonnaise, CNRS éditions, 455 p. Surmely et Chalin 2019 Surmely F. et Chalin J.-B. - 3D Laser Scanning Contribu- Clavier 2015 tions Toward Understanding and Preserving Medieval Tun- Clavier E. - Les souterrains médiévaux des Monts du Forez, nels of the French Massif Central, Language, literature and Groupe de Recherches Archéologiques de la Loire, Saint- Culture, 2, 2 : 73-80. Just Saint-Rambert, 119 p. Surmely et Fournioux 2017 Conte 2020 Surmely F. et Fournioux J.-P. - Le souterrain médiéval de Conte P. - Souterrains, silos et habitats médiévaux ; état de la Champsolier à Ceilloux (Puy-de-Dôme), Subterranea, 179 : question archéologique en Limousin et Périgord. 16-21. http://www.archea.net/index.php/articles-scientifiques/ archeologiques/generaux/souterrains-silos-et-habitats-me- Triolet 2002 dievaux Triolet J. et L. - Souterrains de Touraine, Blésois et Vendô- mois, Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire. Dubillot 2000 Dubillot X. - Le Champ-Blanchard (Distré), in : Valais A. Triolet 2003 (dir.) - L’habitat rural au Moyen Âge dans les Pays-de-la- Triolet J. et L. - Souterrains du Poitou, Sutton, Saint-Cyr- Loire, Projet collectif de Recherche, SRA des Pays-de-la- sur-Loire, 128 p. Loire, rapport n° 3 : 22-25. Usse 1998 Épaud et al. 2019 Usse J.-Ph. Et A. - Habitats troglodytiques, souterrains Épaud F., Gentili F. et Hunot J.-Y. et al. - Les espaces exca- médiévaux et galeries artificielles du Cantal, BARA, 7, vés et les souterrains au Moyen-Âge, in : Alix C, Gaugain L. 89 p.