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2015 20:00 12.09.Grand Auditorium Samedi / Samstag / Saturday Grands orchestres San Francisco Symphony Michael Tilson Thomas direction Yuja Wang piano Béla Bartók (1881–1945) Concerto pour piano et orchestre N° 2 Sz 95 (1930–1931) Allegro Adagio – Presto – Più adagio Allegro molto 28’ — Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840–1893) Symphonie N° 5 en mi mineur (e-moll) op. 64 (1888) Andante – Allegro con anima Andante cantabile, con alcuna licenza – Moderato con anima – Andante mosso – Allegro non troppo Valse: Allegro moderato Andante maestoso – Allegro vivace – Molto vivace – Moderato assai e molto maestoso – Presto 50’ Un concerto ‹léger›? Bartók: Concerto pour piano et orchestre N° 2 Christian Goubault Dans le journal Radio Lausanne du mois de février 1939 (N° 17), Bartók analysait son œuvre et révélait ses intentions. Après le Concerto N° 1 jugé trop compliqué techniquement pour l’orchestre (l’orchestre philharmonique de New York, qui devait donner la première, ne put la maîtriser à temps, et une autre œuvre lui fut substituée dans le programme) et d’une compréhension malaisée pour le public, il s’était résolu à en écrire un second d’accès plus direct, aux matériaux thématiques plus avenants. En effet, le Concerto N° 2 offre un contraste saisissant avec le pré- cédent, rude, exubérant et d’un abord difficile; il est l’une des compositions les plus accessibles et les plus légères du compo- siteur, à la fois dynamique, pleine de verve et spirituelle. Ce concerto fut joué un peu partout par le compositeur en Europe (Bâle le 6 février 1933; Budapest le 2 juin; Vienne le 7 juin; Stras- bourg le 9 août; Londres le 8 novembre; Winthertur, Zurich, Stockholm; Rotterdam, Luxembourg…); sa popularité fut mon- diale avant que sa notoriété ne soit disputée par le 3e et dernier Concerto pour piano et orchestre. Le Concerto N° 2 comprend trois mouvements: Allegro Adagio – Presto – Più adagio Allegro molto Bartók exploite la forme symétrique en arche initiée par les pièces d’En plein-air. Articulée en cinq parties et trois mouvements: 1er mouvement («Allegro», rapide); 2e mouvement («Adagio – 3 Bélà Bartók vers 1930 Presto – Più adagio», lent – rapide – lent), un scherzo précédé et suivi d’un adagio; 3e mouvement («Molto allegro», rapide). De plus, si l’Allegro initial suit le plan classique de la forme-sonate (exposition – développement – réexposition), le morceau termi- nal lui est lié car, dans cette variation libre sous forme de rondo du premier, les thèmes réapparaissent inversés («à l’écrevisse», «cancrisante», comme un crabe, c’est-à-dire par mouvement ré- trograde selon Bartók) dans la partie récapitulative du 1er et dans la partie correspondante du dernier. Ici, le musicien retrouve la virtuosité percussive de son style pianistique, bien conçu pour conclure brillamment une œuvre concertante. On remarquera que des instruments à vent et des percussions sont uniquement représentés dans le 1er mouvement, à l’instar du Concerto (1924) de Stravinsky, que les archets avec sourdines et les timbales sont employés dans l’Adagio, le scherzo central se contentant des cordes et d’un petit groupe de vents. Seul le 3e mouvement utilise tout l’orchestre. L’Adagio est lui-même divisé «en plusieurs sections alternantes et contrastantes». Il débute par un choral aux quintes superposées, une des musiques nocturnes les plus émouvantes et les plus mystérieuses du musi- cien; il s’enchaîne à une mélodie jouée à l’unisson par le piano colorée par les glissandi des timbales. Bartók insistait sur le fait qu’il s’agit bien d’un Concerto pour piano et orchestre et non d’une œuvre pour piano accompagnée ou suivie par un orchestre. Enfin, la métrique de l’Adagio est inhabituelle: il n’existe prati- 4 Bartók pianiste Bartók commença sa carrière comme pianiste, incroyablement doué. Il appréciait particulièrement de jouer Bach, Beethoven et Brahms. Ses deux parents étaient pianistes et sa mère lui donna des leçons. Il fit sa première apparition publique à l’âge de 11 ans, dans la Sonate Waldstein de Beethoven. Sa produc- tion pour piano comprend près de trois cent pièces. Pour com- poser son Concerto pour piano N° 2, il commença par en écrire une version pour deux pianos, réservant l’orchestration pour une étape ultérieure. Il composa ses deux premiers concer- tos pour les jouer lui-même et le troisième, comme cadeau d’anniversaire pour sa femme Ditta, également pianiste. Bartók commença son Concerto N° 2 en octobre 1930 et l’acheva le 9 octobre 1931. Il précisa que le deuxième concerto n’est «pas écrit pour piano suivi et accompagné par l’orchestre» mais «pour le piano et l’orchestre, comme pour des parties égales en importance». Le compositeur était le soliste lors de la création, le 23 janvier 1933, à Francfort-sur-le-Main. Bartók lui-même est apparu en soliste avec le Chicago Symphony Orchestra les 20 et 21 novembre 1941, sous la direction de Frederick Stock. quement pas deux mesures successives qui soient égales. Le Presto surprend encore par son aspect de toccata légèrement soutenue par les triples croches des cordes graves et les notes piquées des vents, ainsi que par son chromatisme alternant main gauche et main droite au piano. 5 Fatum et spiritualité Piotr Ilitch Tchaïkovski: Symphonie N° 5 André Lischke (2011) Bien qu’assez espacées dans le temps (1877, 1888, 1893), les trois dernières symphonies de Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840–1893), N° 4, N° 5 et N° 6, sont toutes unies par une idée de programme commune, celle de sa hantise du fatum, «cette épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus de notre tête et qui empêche l’abou- tissement de l’élan vers le bonheur». Angoisse perpétuelle devant la vie, attente de tout ce qui peut arriver de pire, sans que ceci ait de définition précise, conscience de la faiblesse de l’humain face aux verdicts de la destinée, tentatives désespérées de trouver des palliatifs: partant de tout cela, Tchaïkovski a réalisé des dramatur- gies musicales qui font de ces symphonies de véritables mises en scène de son univers intérieur. C’est au cours de l’année 1888 qu’a été conçue, écrite et exécu- tée la Symphonie N° 5 en mi mineur op. 64. Le 25 mars, Tchaïkovski annonce dans une lettre à son frère Modest: «Pendant l’été, je vais certainement écrire une nouvelle symphonie». Après quelques difficultés de mise en route, dont il est assez coutumier, le travail démarre vraiment à partir du mois de juin, et en août la partition est achevée. À son ancien élève Serge Taneïev, à qui il confie la réduction pour piano, il déclare: «Maintenant qu’elle touche à sa fin, je puis la considérer plus objectivement que pendant les efforts du travail, et je puis dire, Dieu merci, qu’elle n’est pas plus mauvaise que les autres». Il en assura lui-même la première exé- cution: il s’était mis à la direction d’orchestre depuis peu d’années, surmontant avec difficultés le trac qui l’envahissait avant de mon- ter sur scène. Les témoignages divergent quant à ses talents en la matière; tout en réussissant à obtenir ce qu’il voulait des musi- 6 Piotr Ilitch Tchaïkovski, 1888 (photographie Atelier Reutlinger) ciens, il n’avait manifestement pas l’étoffe d’un grand chef d’or- chestre. La symphonie suscita l’enthousiasme du public, mais fut plutôt mal jugée par la presse, ce qui ne manqua pas aussitôt de la faire baisser dans l’estime de son auteur, très vulnérable à la critique. «N’ai-je vraiment plus rien à dire? Est-ce vraiment le commencement de la fin? S’il en était ainsi, ce serait terrible» clame-t-il son angoisse dans une lettre (26 décembre) à Madame von Meck. Heureusement, l’affaire n’en resta pas là: si Tchaïkov- ski se laissait facilement démonter par des jugements négatifs, le succès lui redonnait tout aussi rapidement confiance en lui. Le 15 mars 1889, au cours d’une tournée en Allemagne, la sympho- nie fut chaleureusement accueillie à Hambourg, en présence de Brahms, resté spécialement pour l’entendre, et avec qui Tchaïkovski sympathisa en dépit des réticences qu’il avait toujours éprouvées envers sa musique. Y avait-il un programme prévu pour la Symphonie N° 5? Une in- tention de programme tout au moins a certainement existé, comme en attestent des annotations sur les premières esquisses: «Introd. Soumission totale devant le destin ou, ce qui est pareil, devant la prédestination inéluctable de la providence. 7 Allegro 1.) Murmures, doutes, plaintes, reproches à XXX. 2.) Ne vaut-il pas mieux se jeter à corps perdu dans la foi? Le programme est excellent, pourvu que j’arrive à le réaliser». Une autre note, concernant le second mouvement, fait état d’un contraste entre un thème désigné comme «consolateur» et «rayon de lumière», et une réponse aux instruments graves: «Non, point d’espoir». Cette mention de «se jeter à corps perdu dans la foi» correspond aux aspirations épisodiques de Tchaïkovski de trouver un récon- fort dans la religion, devenues particulièrement fortes en cette période de sa vie. Orthodoxe pratiquant par attachement esthé- tique et par tradition (on trouve dans ses lettres de belles pages sur les sentiments qu’il éprouve en assistant aux offices), il a ce- pendant toujours gardé du scepticisme envers les dogmes religieux et n’a jamais réussi à avoir de convictions suffisamment fortes pour pallier son mal-être. La Symphonie N° 5 est une œuvre intégralement cyclique, c’est-à- dire qu’un même thème, faisant office d’une véritable «idée fixe» dans le sens berliozien du terme, se retrouve à un moment ou à un autre dans les quatre mouvements.