Enquête publique dans le cadre du projet de restauration de la continuité écologique sur la partie aval de l’Arconce Note à l’intention de Monsieur Michel Goin, commissaire enquêteur Alain Desbrosse, Géographe (Université Lyon II) Ingénieur Ecologue (AFIE , CINOV TEN) - 71640 Barizey [email protected]

La consultation de l’étude préalable aux travaux d’aménagement sur 8 ouvrages et en particulier sur le Moulin de Vaux nous amène à porter à votre attention un certain nombre de remarques sur de très probables impacts induits par les travaux d’arasement du seuil de ce moulin.

Présence d’une ZNIEFF de type I

Tout d’abord, l’étude du bureau d’études Sinbio d’octobre 2013 ignore la publication de la ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique) de type I : Haute Vallée de l’Arconce (identifiant national : 260005574)

Référence : PROMONATURE,S.H.N.A. (BELLENFANT S., BALAY G.), .- 260005574, HAUTE VALLÉE DE L'ARCONCE.- INPN, SPN-MNHN Paris, 15P. https://inpn.mnhn.fr/zone/znieff/260005574.pdf

La fiche descriptive de la ZNIEFF liste les habitats et les espèces de faune et de flore protégés ou rares du lit majeur de l’Arconce à l’aval de , sur les communes de Sarry, Varenne-l’Arconce, Anzy- le-Duc, Saint-Didier-en-Brionnais, Nochise, Lugny-lès-Charolles, Charolles, sur une superficie totale de 1743 hectares.

Un habitat d’intérêt européen est constitué par les aulnaies-frênaies des berges de l’Arconce.

Plusieurs espèces protégées sont associées à la végétation des berges et des prairies les bordant : Pic épeichette, Faucon hobereau (nicheurs dans la ripisylve), Courlis cendré (prairies alluviales), Martin pêcheur et Campagnol amphibie (berges de l’Arconce) Rainette verte (mares), Pulicaire commune, astéracée des bancs de sable des rivières et des fleuves (plante en liste rouge de la flore menacée de France, protégée au niveau national), Orchis grenouille (orchidée protégée en Bourgogne, prairies fraîches riveraines).

L’Arconce héberge trois espèces patrimoniales de poissons : Lamproie de Planer, Bouvière, deux espèces listées d’intérêt européen (Directive Habitats-Faune-Flore, annexe II), Vandoise (protégée en France) et un mollusque bivalve d’intérêt européen, la Mulette épaisse. Cette espèce est associée au cycle reproductif de la Bouvière dont elle abrite les œufs et les jeunes alevins. Elle vit enfouie dans les sédiments meubles du fond de la rivière, son cycle larvaire comporte une phase de fixation sur les branchies de diverses espèces de poissons dont fait partie la Vandoise.

Tout document d’aménagement doit prendre en compte cet inventaire des milieux naturels.

Les travaux d’arasement du seuil du Moulin de Vaux vont se traduire par un abaissement d’environ 1,80 mètre de hauteur et déclencher, par érosion régressive, la mise en suspension des 15 à 30 000 m3 stockés depuis au moins le 14ème siècle (archives du Moulin de Vaux) en amont de l’ouvrage avec une influence sur au moins 1800 mètres de linéaire, soit au-delà du pont d’Orcilly.

Document d’incidence Natura 2000

Il n’est fait aucune mention dans le document Sinbio de la proximité du site aménagé avec deux périmètres Natura 2000

- L’un au Sud : Prairies, bocages, milieux tourbeux et landes sèches de la vallée de la Belaine (site 2600980 défini au titre de la Directive Habitats Faune Flore) - Le second à l’Ouest : Bords de entre Iguerande et Decize (site 26001017 défini au titre de la Directive Habitats Faune Flore). C’est la portion de Loire dans laquelle se jette l’Arconce.

Le dossier mis en enquête publique devrait à minima, présenter une notice d’incidences sur ces deux sites proches de quelques kilomètres, en particulier parce qu’ils font partie du même réseau hydrographique.

Objectif affiché des travaux : anguille et brochet

L’objectif centré sur ces deux espèces ignore la richesse piscicole globale de l’Arconce. Le dossier ne fait aucun état des justifications de réaliser des travaux pour ces deux seules espèces. Pourquoi les espèces cibles sur l’Arconce ne sont-elles pas le saumon, la grande alose et la lamproie marine (cette dernière connue sur l’Arconce jusqu’à hauteur d’Anzy-le-Duc) ?

L’anguille est connue pour ses capacités de franchissement importantes des obstacles. Le brochet est une espèce associée aux secteurs d’eau calme. Il a été favorisé dans le passé par les retenues d’eau en amont des moulins et par la présence de fosses le long du tracé de l’Arconce. Un abaissement de la ligne d’eau semble assez peu compatible avec la survie de cette espèce qui fraye dans les ceintures de végétation herbacée riveraines ou sur les prairies attenantes à la rivière si celles-ci sont suffisamment longtemps inondées.

Incidence écologique des travaux d’arasement du seuil du Moulin de Vaux

En page 97, l’étude conclut au fait que l’arasement soit le meilleur scénario sur le plan écologique : « Incidence écologique (continuité écologique globale : mobilité piscicole et transport solide et non solde) Le scénario d’effacement total d’un ouvrage est le meilleur scénario sur le plan écologique. La suppression complète de la chute et de manière plus large des obstacles va permettre de rétablir la mobilité piscicole en dévalaison et montaison quelles que soient les conditions de débits. Il en est de même pour le transport solide puisque plus aucun obstacle ne pourra entraver la mobilité sédimentaire qui est un paramètre déterminant pour l’équilibre de la rivière »

Un certain nombre d’impacts générés par ce scénario nous semblent passés sous silence : - Destruction des habitats et des espèces associées aux sédiments, espèces d’intérêt européen, en particulier pour les populations de Mulette épaisse, implantées dans les radiers de sable et graviers et qui seront soumises à un effet de chasse lors des crues. - L’étude prévoit une analyse des éventuels polluants contenus dans les sédiments (page 97), où sont les résultats de cette étude indispensable avant la mobilisation de 15 à 30 000 m3 ? - Enfoncement du lit néfaste à la ripisylve existante, habitat d’intérêt européen. Une consultation des photographies aériennes entre 2000 (PhotoExplorer) et 2014 (Géoportail) montre une dégradation significative de cet habitat sur les deux berges de l’Arconce en amont et en aval du Moulin de Vaux. Comment se fait-il que le programme de travaux ne prévoit pas l’indispensable mise en défend des berges par des clôtures afin que la ripisylve puisse se reconstituer ou soit volontairement replantée ? - Abaissement de la nappe phréatique amont, assèchement des zones humides prairiales - Non inondabilité des prairies à l’amont de l’ouvrage et à l’aval bénéficiant des pratiques d’irrigation hivernale, néfaste à l’objectif affiché des travaux à destination du brochet, espèce dont la reproduction s’effectue sur les prairies inondées au printemps

Autres impacts : - Inscription du Charolais-Brionnais au patrimoine mondial En tant que géographe-écologue membre du Comité Scientifique pour l’inscription du Charolais-Brionnais au patrimoine mondial de l’UNESCO (avis favorable du Comité National du 10 octobre dernier), je suis stupéfait de l’absence totale dans le dossier soumis à enquête publique, de prise en compte de l’intérêt architectural et hautement patrimonial que représente le bâtiment du Moulin de Vaux, moulin qui a fonctionné jusque dans les années 70 et pourrait être facilement remis en route, la machinerie interne étant toujours en place. Ce moulin possède un droit d’eau remontant au XIVème siècle avec des droits d’eau associés pour l’irrigation des prairies aval. Un important réseau de canaux d’irrigation dont la partie amont circule en souterrain, est encore parfaitement entretenu et bien visible dans les pâtures. Ce système d’irrigation est tout à fait spécifique du Charolais-Brionnais avec des pratiques d’irrigation hivernale permettant à la flore prairiale de bénéficier d’oligo-éléments apportés par les eaux. Les prairies recèlent ainsi une grande diversité floristique naturelle, en particulier en légumineuses dont la valeur fourragère (« prés violents » selon la terminologie locale) qui ont permis, au cours des siècles de sélectionner une race aujourd’hui connue de la planète entière. La destruction du seuil du moulin s’avère totalement incompatible avec la démarche d’inscription du Charolais-Brionnais au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Toutes proportions gardées, ce serait comme imaginer de replanter les Climats de Bourgogne en maïs !.... - Pont sur l’Arconce à Orcilly Notre expérience de géographe rompu à la prise en compte de l’ensemble des contraintes d’environnement dans le cadre des documents d’urbanisme nous amène à suspecter un risque de déstabilisation des fondations du pont d’Orcilly situé à 1500 mètres en amont du seuil du Moulin de Vaux. Un phénomène classique dit d’érosion régressive sera déclenché dès l’arasement du seuil dont les effets, compte tenu de la très faible pente de l’Arconce (4 mètres depuis Orcilly point coté 270 mètres jusqu’au Moulin de Vaux, 266 mètres), se feront sentir sur un très long linéaire.

Nos propositions : En conclusion, à la lecture du dossier mis en enquête publique, les deux scénarios d’arasement ou d’abaissement du seuil du Moulin de Vaux sont générateurs de nombreux impacts, tant biologiques que culturels. L’absence d’entretien de l’ouvrage par l’actuel propriétaire ne doit pas être un prétexte à destruction d’un seuil implanté depuis 600 ans mais plutôt l’occasion d’une belle restauration intégrant les enjeux du troisième millénaire : - Retrait immédiat de l’embâcle accumulée sur le vannage (une demie journée de travail par un bûcheron, coût négligeable par rapport au budget prévisionnel des travaux) - Restauration des pelles et crics du vannage. Que ce soit en régime de hautes eaux hivernales ou lors des épisodes de crue, le relevage des vannes permet la circulation des sédiments de l’amont à l’aval de l’ouvrage. Le propriétaire du Moulin de Vaux étant manifestement défaillant à ses obligations d’entretien de l’ouvrage, peut-être faudrait-il envisager un système de contrôle automatique permettant aux vannes de s’ouvrir en période de hautes eaux. - Aménagement d’un bief de contournement étudié pour la montaison et la dévalaison des différentes espèces de poissons, et en particulier des petites espèces protégées et/ou d’intérêt européen (scénario 3 de l’étude Sinbio) A ce propos, on doit s’interroger sur la présence de ces espèces mentionnées dans la fiche ZNIEFF, n’ayant jamais fait l’objet d’opération d’alevinage ou déversement de la part des pêcheurs et dont l’existence en ce début de 3ème millénaire tend à prouver que le seuil du Moulin de Vaux, implanté depuis le XIVème siècle ne constitue pas un obstacle totalement infranchissable. Il faut en effet réfléchir à la continuité écologique non pas sur un pas de temps annuel mais pluri décennal : lors des épisodes de crue, le seuil se trouve effacé, la connexion entre l’amont et l’aval se faisant par les prairies du lit majeur inondable en rive gauche de l’Arconce. - Equipement de l’ouvrage avec une turbine pour la production d’hydroélectricité dans le cadre de la transition énergétique. Quitte à mobiliser des fonds publics (plus de 400 000 euros pour un seul des 8 arasements à une époque de préoccupation sur l’envolée de la dette publique), que ces dépenses servent plutôt à décarboner notre économie qu’à favoriser, de manière tout à fait hypothétique, deux seules espèces cibles de poissons qui resteront par ailleurs bloquées à l’aval du premier ouvrage, celui du Moulin Gondras - Mise en défend des berges par pose de clôtures en amont du moulin pour stopper à la fois l’érosion des berges par le piétinement des troupeaux et permettre la reconstitution de la ripisylve montrant des signes de dégradation accélérée sur les 20 dernières années - Création de puits pour l’abreuvement du bétail à partir des eaux de la nappe de l’Arconce et non celles de la rivière, souillées par les troupeaux en amont

Barizey, le 20 février 2018