PALEO Revue d'archéologie préhistorique

17 | 2005 Varia

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/paleo/805 DOI : 10.4000/paleo.805 ISSN : 2101-0420

Éditeur SAMRA

Édition imprimée Date de publication : 1 décembre 2005 ISSN : 1145-3370

Référence électronique PALEO, 17 | 2005 [En ligne], mis en ligne le 23 avril 2010, consulté le 21 juillet 2020. URL : http:// journals.openedition.org/paleo/805 ; DOI : https://doi.org/10.4000/paleo.805

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SOMMAIRE

Le site aurignacien de plein-air de Combemenue à Brignac-la-Plaine (Corrèze) : apport de la géochéologie et de l’étude de l’industrie lithique à la compréhension des processus taphonomiques Pascal Bertran, Arnaud Lenoble, François Lacrampe, Michel Brenet, Catherine Cretin et F. Milor

Pratiques cynégétiques et exploitation des ressources animales dans les niveaux du magdalénien supérieur-final de El Horno (Ramales, Cantabrie, Espagne) Sandrine Costamagno et Miguel A. Fano

Alimentation humaine au cours du Magdalénien en Gironde d’après les teneurs en isotopes stables (13C, 15N) du collagène Dorothée G. Drucker, Dominique Henry-Gambier et Michel Lenoir

Le Cheval du gisement Pléistocène moyen de La Micoque (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne) : Equus mosbachensis micoquii nov. ssp. Anne Langlois

Réflexions méthodologiques sur les études de matières premières lithiques 1 – Des lithothèques au matériel archéologique Alain Turq

Nouvelles de la Préhistoire

Une figuration inédite de Léporidé dans la couche 3’ de l’abri Duruthy (Sorde-L’Abbaye, Landes, ) Morgane Dachary, Frédéric Plassard et Delphine Haro

Réflexions sur la fonction des microgravettes et la question de l’utilisation de l’arc au gravettien ancien Maureen Hays et Frédéric Surmely

Note sur les talons en éperon du Protomagdalénien Frédéric Surmely et Philippe Alix

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Le site aurignacien de plein-air de Combemenue à Brignac-la-Plaine (Corrèze) : apport de la géochéologie et de l’étude de l’industrie lithique à la compréhension des processus taphonomiques Taphonomy of the open air Aurignacian site of Combemenue at Brignac-la- Plaine (Corrèze, France)

Pascal Bertran, Arnaud Lenoble, François Lacrampe, Michel Brenet, Catherine Cretin et F. Milor

Nous remercions J.-P. Texier et deux relecteurs anonymes pour les corrections qu’ils ont apportées au manuscrit.

1 – Introduction

1 La physionomie des sites paléolithiques telle qu’on peut l’appréhender à l’occasion des fouilles résulte d’une conjonction de nombreux phénomènes, à la fois anthropiques (dépôt ou abandon d’objets à la surface du sol suite à des activités techniques, remaniement par des activités ultérieures) et naturels (processus sédimentaires qui ont conduit à l’enfouissement du site, transformation et altération au sein du sol). Selon les cas, et notamment en fonction du contexte géomorphologique, les processus naturels peuvent prendre une part considérable et de ce fait, les possibilités de reconstitution des comportements humains passés à partir de l’étude d’un site dépendent largement des conditions dans lesquelles il a été préservé. Ce constat, formalisé de manière claire

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par Butzer (1982) et Schiffer (1983), a justifié le développement au cours des dernières décennies de nombreuses méthodes destinées à apprécier au mieux l’impact des phénomènes naturels dans la formation des sites. La géoarchéologie, en particulier, contribue de manière substantielle à l’approche « taphonomique » des vestiges.

2 La fouille du site de Combemenue, localisé sur la commune de Brignac-la-Plaine à environ 2,5 km au nord de Terrasson (Corrèze), a permis d’étudier en détail une occupation du Paléolithique supérieur en plein air implantée sur une zone à peu près plane en sommet de versant. Ce site, découvert à l’occasion des prospections archéologiques systématiques sur le tracé de l’autoroute A89, a livré des vestiges rapportés au Paléolithique supérieur (Aurignacien récent) et au Paléolithique moyen (Brenet et al. 2004). Dans le cadre des fouilles préventives, une étude géoarchéologique a été entreprise ; celle-ci s’est principalement focalisée sur le niveau aurignacien qui s’est rapidement révélé être le mieux conservé. La surface fouillée atteint 1150 m2, dont 100 correspondant à la zone la plus dense du site ont fait l’objet d’une fouille manuelle. Au total, 1333 pièces lithiques, parmi lesquelles 1168 objets en silex, ont été cotées à l’aide d’un théodolite. La longueur des objets cotés est supérieure ou égale à 2 cm, à l’exception des lamelles et des chutes de burins pour lesquelles aucune limitation de taille n’a été fixée. A ces pièces, s’ajoutent 1076 petits éléments ramassés par sous- carrés. Les principales caractéristiques de l’assemblage récolté sont indiquées dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 1 – Principales catégories technologiques (exceptés les indéterminés et les fragments), d’après Cretin in Brenet et al. (2004). Table 1 – Main technological classes, from Cretin in Brenet et al. (2004).

Catégories technologiques Nombre Pourcentage

Eclats corticaux 112 12,5

Eclats non corticaux 200 22,3

Eclats laminaires corticaux 6 0,7

Eclats laminaires non corticaux 30 3,3

Lames corticales 11 1,2

Lames 177 19,7

Pièces technologiques laminaires 12 1,3

Lamelles corticales 1 0,1

Lamelles 48 5,3

Pièces technologiques de ravivage de nucléus 62 6,9

Eclats de retouche, chutes de burins et autres 194 21,6

Fragments d'outils 34 3,8

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Nucléus 12 1,3

Total 899 100,0

Tableau 2 – Décompte des principales catégories d’outils, d’après Cretin in Brenet et al. (2004). Table 2 – Tool composition, from Cretin in Brenet et al. (2004).

Outils « certains » Outils « incertains »

Supports Supports

Principales Nbre % Lame Eclat Chute ind. Nbre % Lame Eclat Chute ind. catégories de de d'outils burin burin

Grattoirs 17 19,8 14 3 4 17 3 1

dont Grattoirs 1 1,2 1 aurignaciens

Outils 5 5,8 4 1 1 4 1 composites

Burins 55 63,9 38 16 1 5 21 1 4

dont Burins 44 51,2 30 13 1 3 13 3 dièdres 23 26,7 19 4 Burins busqués 1 1,2 1 Burins carénés

Outils divers 4 4,6 1 3 5 21 3 2 (denticulé, pièce esquillée)

Outils non 6 7 3 3 3 13 1 2 déterminables (fragments, outils très endommagés et indétermination entre deux types d'outils)

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Divers (lames 6 24 2 2 2 ou éclats plus ou moins retouchés mais ne correspondant à aucun type reconnu)

Total 86 100,0 60 26 1 0 24 100 6 8 3 7

Figure 1 – Carte géologique simplifiée (d’après Guillot et al. 2001) et localisation du site. Figure 1 – Simplified geological map (from Guillot et al. 2001) and site location.

3 Après avoir caractérisé le contexte sédimentaire et identifié les mécanismes de perturbation possibles du niveau archéologique, une analyse taphonomique a été réalisée afin de tester l’hypothèse de transformations du site par les processus naturels. Dans ce but, différentes méthodes relevant tant de la géologie que de l’archéologie ont été confrontées, de manière à proposer un scénario qui rende compte au mieux de l’ensemble des observations réalisées sur le site. Elles comprennent l’étude de la distribution spatiale du matériel archéologique (analyse des plans de répartition des objets, méthode de l’Analyse Dimensionnelle de la Variance), de son état de surface (traces d’altération), de sa composition granulométrique (recherche de tris éventuels), de sa disposition (analyse des fabriques) et des remontages. La plupart de ces analyses sont d’un emploi désormais courant en archéologie préhistorique. L’Analyse Dimensionnelle de la Variance, basée sur les travaux de Whallon (1973), est en revanche relativement peu usitée et a nécessité un développement spécifique.

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2 – Contexte géomorphologique et stratigraphique

4 Le site est localisé à proximité du sommet d’une petite colline dans la zone d’interfluve entre les vallées de la Vézère et de la Logne (fig. 1). D’après les auteurs de la carte géologique 1/50 000 (Guillot et al. 2001), le substratum est constitué de grès permiens recouverts par des sables et des galets du Trias. Ces formations ont été retrouvées en sondage sur le site (fig. 2). Les grès ont été atteints entre 40 et 140 cm de profondeur selon les sondages ; ils sont recouverts de manière discontinue par des matériaux sablo- graveleux très altérés et argilisés qui correspondent vraisemblablement à des lambeaux d’alluvions triasiques. Ces formations anciennes sont surmontées par une couche de colluvions sablo-argileuses de quelques dizaines de centimètres à près d’un mètre d’épaisseur. Les niveaux archéologiques sont inclus dans cette couche. Des petites glosses (fentes) blanchies recoupent la couche de colluvions. En plan, ces glosses dessinent localement des polygones de maille semi-métrique. De tels polygones sont probablement les vestiges de phénomènes de cryodessiccation du sol en contexte périglaciaire (Van Vliet-Lanoë 1988).

Figure 2 – Stratigraphie schématique. Figure 2 – Schematic stratigraphy.

A – coupe en sommet de colline, B – coupe sur le versant. A – cross section at the hilltop, B – cross section along the slope.

5 Dans la partie haute du site, seul le niveau aurignacien a été reconnu ; il apparaît entre 25 et 30 cm de profondeur, sous la couche labourée superficielle. Les labours ont localement entamé le niveau archéologique puisque de nombreuses pièces ont été trouvées dans cette couche. Il semble d’ailleurs que la limite sud de la nappe de vestiges (fig. 3), située à l’amont, corresponde à une limite artificielle déterminée par les labours. Les projections verticales montrent en effet que la base de la couche perturbée rejoint dans ce secteur le niveau archéologique (fig. 4). Dans la zone fouillée manuellement, la nappe de vestiges a été à peu près épargnée par les labours ; les seuls

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indices de perturbation sont des raies équidistantes d’une cinquantaine de centimètres qui égratignent la partie supérieure du niveau archéologique, ainsi que des traces d’outils agricoles en fer sur les plus gros galets qui pointent au-dessus des autres vestiges. Plus à l’aval, sur les flancs de la colline, le niveau aurignacien reste proche de la surface, tandis qu’un niveau Paléolithique moyen moins dense a été rencontré entre 50 et 70 cm de profondeur. La carte topographique de la nappe de vestiges aurignaciens, établie à partir de l’altitude moyenne des objets par quart de mètre carré pour les secteurs les plus riches, ou par mètre carré pour les secteurs pauvres (moins de 40 objets par m2), indique que la pente est d’environ 1,8° dans la partie amont (fig. 3). Cette pente s’accroît rapidement vers le nord et atteint 4,2° dans le secteur aval.

3 – Méthodes

6 L’Analyse Dimensionnelle de la Variance (ADV) est une méthode statistique développée en archéologie par Whallon (1973, voir également Djindjian 1991) dans le but de tester la présence de concentrations spatiales d’objets au sein d’un niveau archéologique. Le plan de répartition des objets est découpé en surfaces élémentaires (dans la présente étude, en surfaces de 1/64e de m 2, soit 12,5 cm x 12,5 cm ). A chacune d’elles, est associée une valeur Ni correspondant au nombre d’objets qu’elle contient. Cette opération est répétée pour des surfaces élémentaires dont la taille est double, puis quadruple, etc…. Pour chaque taille de surface, on calcule ensuite la Variance qui exprime la dispersion des valeurs de Ni. Une tendance à la concentration des objets se traduit par une Variance élevée et n’apparaît que pour certaines tailles de surface précises. Le rapport Variance / Moyenne, noté ici R, a la propriété d’être égal à 0 si la répartition spatiale des objets est uniforme, c’est-à-dire si chaque surface élémentaire d’une taille donnée contient le même nombre d’objets, et égale à 1 si la répartition est aléatoire, c’est-à-dire si la distribution du contenu des surfaces élémentaires suit une loi de probabilité de type fonction de Poisson (Djindjian 1991). Une tendance à la concentration se traduit par un rapport Variance / Moyenne supérieur à 1. La significativité de cette tendance est testée à l’aide du Chi-carré. Sur un graphique R en fonction de la taille de la surface élémentaire, il est ainsi possible de reporter une zone de valeurs de l’indice pour lesquelles on ne peut rejeter l’hypothèse d’une distribution aléatoire du matériel archéologique (fig. 5). Les calculs ont été effectués grâce à un programme développé sous Datadesk (Lenoble et al. 2003). Peu de sites ont, à notre connaissance, fait l’objet d’une analyse spatiale à l’aide de l’Analyse Dimensionnelle de la Variance et peuvent donc servir de point de comparaison. L’hypothèse de base est que toute occupation produit des concentrations d’objets, séparées par des zones vides ou de moindre densité. Cette hypothèse, qui reste à valider de manière précise, est principalement fondée sur l’observation des plans de répartition des vestiges dans des sites provenant de contextes sédimentaires très favorables à une bonne préservation des niveaux d’occupation, tels qu’Etiolles (Pigeot 1987, 2004) ou Pincevent (Leroi- Gourhan et Brézillon 1972). En raison du manque de référentiel interprétatif, l’ADV est utilisée ici essentiellement comme un moyen de description de la distribution des vestiges.

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Figure 3 – Plan de répartition des vestiges et topographie du niveau aurignacien. Figure 3 – Distribution map of the artefacts and topography of the aurignacian level.

Figure 4 – Projections verticales des objets (niveau aurignacien). Figure 4 – Vertical projections of the artefacts (Aurignacian).

La localisation des coupes est donnée en encart. The location of the sections is given in the insert.

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7 L’orientation et l’inclinaison de l’axe d’allongement de 40 objets archéologiques (fabrique) ont été mesurées à l’aide d’une boussole et d’un inclinomètre au cours de la fouille. Les développements récents de l’étude des fabriques ont montré que ce critère permettait de mettre en évidence de nombreux phénomènes de perturbation des sites par des processus naturels (Bertran et Texier 1995 ; Bertran et Lenoble 2002). Ceux-ci s’accompagnent en effet soit d’un accroissement de l’isotropie de la fabrique (disposition des objets plus désordonnée), soit de l’apparition d’une orientation préférentielle des objets parallèle ou perpendiculaire à la pente. Les données sont traitées à l’aide du logiciel Stereo (McEchran 1990).

Figure 5 – Diagramme Variance / Moyenne en fonction de la surface de la maille et position des différents types de répartition spatiale des vestiges, d’après Whallon (1973) modifié. Figure 5 – Diagram of the ratio Variance / Mean as a function of the size of the grid unit and different types of artefact distributions, modified from Whallon (1973).

8 La distribution granulométrique du matériel archéologique a été analysée selon le protocole proposé par Lenoble (2003), en partie par tamisage, en partie en mesurant la largeur des objets à l’aide d’une règle pour ne pas endommager ceux qui présentaient un intérêt typologique ou technologique. En raison des contraintes de temps, le tamisage à l’eau n’a pas été réalisé de façon systématique sur la fouille, mais seulement sur deux mètres carrés utilisés comme test. La mise en évidence d’un tri des objets suppose que l’on connaisse la distribution granulométrique initiale des vestiges abandonnés par l’Homme sur le site. Celle-ci peut être estimée à partir des expériences effectuées par Hansen et Madsen (1983), Schick (1986, 1987), Patterson (1990) et Lenoble (2003). Ces auteurs ont en effet analysé la composition du matériel produit au cours d’expériences de taille de silex, selon des schémas de débitage paléolithique reconstitué et avec des matières premières variées. La courbe granulométrique moyenne obtenue par Schick est présentée sur la figure 6A. Elle montre que la

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proportion de fragments décroît rapidement des petites vers les grandes tailles, c’est-à- dire que le débitage d’un bloc produit énormément de petits débris et peu de grandes pièces. Les expérimentations menées n’ont pas trouvé de grandes différences en fonction des modes de débitage et des matières premières utilisées, hormis peut être en ce qui concerne l’abondance relative des produits de grande dimension (Patterson 1990). Cette courbe fait aussi apparaître un léger déficit d’éléments inférieurs à 1 cm par rapport à la classe 1-2 cm, qui est dû à une prise en compte incomplète des premiers, la plus petite maille de tamis utilisée étant de 0,5 cm . Ainsi, ce déficit disparaît sur la courbe de la figure 6B obtenue avec une maille de tamis de 1 mm. La distribution granulométrique pour un débitage laminaire expérimental de type aurignacien (Lenoble 2003) est également figurée en 6C. Elle est très similaire aux précédentes. En première approche, on peut considérer que tout assemblage lithique témoignant de débitage in situ et n’ayant pas subi de tri présente ce type de distribution. Comme précisé par Schick (1986), cela suppose que l’importation sur le site d’objets fabriqués ailleurs, ou à l’inverse, l’exportation d’objets aient été limitées. Si l’on double le nombre de pièces de plus de 5 cm de manière à simuler le fait que la moitié des objets de grande taille ont été importés, on s’aperçoit cependant que l’allure de la courbe granulométrique change peu. La distribution granulométrique constituerait donc un critère robuste. D’autres phénomènes, encore mal appréhendés, peuvent cependant introduire une plus grande complexité dans ce schéma. A Combemenue par exemple, l’analyse technologique a mis en évidence une chaîne opératoire complexe, intégrant un débitage laminaire incomplètement réalisé sur le site (faute de source de silex proche, celui-ci a été importé sous la forme de nucléus mis en forme, de nucléus en cours de débitage et de produits bruts ou déjà élaborés), avec lequel coexistent des productions de lamelles et d’éclats, ainsi que l’utilisation poussée d’éclats. Production lamellaire et réavivage d’outils ont probablement eu pour effet d’augmenter le pourcentage de petits éléments. Cette hypothèse reste cependant à documenter plus en détail.

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Figure 6 - Granulométrie de produits de débitage expérimentaux. Figure 6 - Grain-size of experimental debitage products.

A – histogramme établi sur 107 blocs débités, d’après Schick (1986). La plus petite maille de tamis utilisée est de 0,5 cm . Les barres verticales représentent l’intervalle de confiance à 95 % . B – distribution détaillée des produits issus d’un seul bloc, d’après Schick (1986). La plus petite maille de tamis utilisée est de 1 mm. C – distribution granulométrique obtenue par Lenoble (2003) selon un schéma de débitage laminaire de type aurignacien. La plus petite maille de tamis est de 2 mm. A – histogram made from 107 experiments, from Schick (1986). The smallest sieve mesh used is 0.5 cm . The vertical bars correspond to the 95 % confidence interval. B – grain-size distribution for a single knapped block, from Schick (1986). The smallest sieve mesh is 1 mm. C – grain-size distribution for an Aurignacian-type laminar core (Lenoble, 2003). The smallest sieve mesh is 2 mm.

9 L’appréciation de l’état de surface des pièces a été effectuée de manière systématique au cours de l’étude technologique du matériel, à l’œil nu ou à l’aide d’une loupe binoculaire lorsque cela le nécessitait. Plusieurs plans de répartition des vestiges ont été réalisés en fonction de différents critères (matières premières, classes typo- technologiques…) afin de rechercher une éventuelle organisation spatiale du niveau archéologique. Des remontages ont également été effectués sur les vestiges de taille pluri-centimétrique.

4 – Résultats

4.1 – Observations de terrain

10 Les vestiges sont inclus dans un sédiment sablo-argileux massif, interprété comme des colluvions provenant de l’érosion du sommet de la colline. En raison de sa position topographique (partie haute du versant), le site a fonctionné en zone d’accumulation- transit des sédiments colluviaux. Le bilan sédimentaire y a été faiblement positif. Il

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n’est pas exclu que des apports limoneux aient atteint le site pendant les grandes phases de sédimentation éolienne en Europe, soit entre 30 et 14 ka BP (Antoine et al. 2001). Au niveau régional, des apports loessiques substantiels n’ont cependant été signalés qu’en périphérie des sables des Landes (Legigan 1979). En Dordogne, la contribution éolienne dans les sols reste faible bien que souvent détectable (cf. Guichard et Guichard 1989 ; Bertran et Texier 1990). En ce qui concerne Combemenue, ces apports sont supposés avoir été négligeables en raison de l’éloignement des principales zones, sources de particules éoliennes et de l’altitude (environ 300 m NGF). D’un point de vue archéologique, un tel contexte géomorphologique suppose que les niveaux d’occupation n’ont jamais été enfouis profondément et sont restés exposés aux agents naturels à la surface du sol ou en subsurface pendant de longues périodes. Des perturbations significatives du site par ces agents peuvent donc être suspectées.

11 En raison des transformations pédologiques importantes du sédiment (horizon BTg de luvisol), une caractérisation précise des processus sédimentaires responsables de l’enfouissement du niveau archéologique s’avère impossible à effectuer. D’après le contexte géomorphologique, des phénomènes tels que la reptation du sol en contexte périglaciaire et le ruissellement peuvent être envisagés. D’autres processus comme l’activité biologique ont également pu contribuer à l’enfouissement. L’activité des organismes fouisseurs engendre, à l’échelle de plusieurs siècles, un brassage de la couche superficielle (Hole 1981 ; Bocek 1992). L’impact des vers de terre, qui jouent souvent un rôle prépondérant dans la formation de l’horizon supérieur du sol, est connu depuis les travaux de Darwin (1881), complétés par Wood et Johnson (1978), Stein (1983), Johnson (2002) et Van Nest (2002). Les observations faites par ces auteurs indiquent que certains vers rejettent à la surface sous forme de déjection des quantités importantes de terre prélevée en profondeur. Dans la mesure où ces rejets sont essentiellement composés de particules fines, les graviers et les sables grossiers tendent à être progressivement enfouis et à se concentrer en profondeur. Ce mécanisme est ainsi supposé être à l’origine des « stone lines » que l’on observe dans certains sols. Il peut rendre compte de la position stratigraphique du matériel archéologique dans la partie amont du site (fig. 7).

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Figure 7 – Distribution verticale du matériel archéologique. Figure 7 – Vertical distribution of the artefacts.

4.2 – Étude spatiale, Analyse Dimensionnelle de la Variance

12 Le plan de répartition du matériel archéologique (fig. 3) fait apparaître une zone riche en vestiges dans la partie amont du site, qui correspond également à la partie la moins pentue (<2°). Cette zone, au contour diffus, ne présente pas de concentration d’objets clairement individualisée. Dans la partie aval plus pentue (>4°), les vestiges sont sensiblement moins abondants. La limite entre les deux zones correspond approximativement à la rupture de pente restituée à partir de l’altitude moyenne des objets. Les résultats de l’Analyse Dimensionnelle de la Variance sont présentés sur la figure 8. Pour Combemenue, le diagramme Variance / Moyenne en fonction de la taille de la maille ne fait apparaître aucune concentration significative des objets. R ne dépasse jamais 1 ; des valeurs un peu plus élevées que la moyenne apparaissent pour des surfaces inférieures à 1/32e de m2 (soit environ 0,03 m2) ainsi que pour des surfaces entre 4 et 8 m2. Ces dernières traduisent la différence entre le centre du site et la zone périphérique pauvre en matériel archéologique. Néanmoins, aucune des valeurs obtenues ne permet de rejeter d’un point de vue statistique l’hypothèse d’une distribution aléatoire des objets sur la surface fouillée.

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Figure 8 – Plan de répartition des vestiges sur le site de Combemenue et variogramme correspondant. Figure 8 – Distribution map of the artefacts at Combemenue and corresponding variogram.

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Figure 9 – Plan de répartition des vestiges sur le site de Croix-de-Canard, secteur 3 (d’après L. Detrain, données inédites) et variogramme correspondant. Figure 9 – Distribution map of the artefacts at Croix-de-Canard, sector 3 (from Detrain et al., unpublished data) and corresponding variogram.

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Figure 10 – Plan de répartition des vestiges sur le site de Croix-de-Canard, secteur 2, locus 3 (d’après L. Detrain, données inédites) et variogramme correspondant. Figure 10 – Distribution map of the artefacts at Croix-de-Canard, sector 2 (from Detrain et al., unpublished data) and corresponding variogram.

Figure 11 – Plan de répartition des différents types d’outils en silex. Figure 11 – Distribution map of the different kinds of tools.

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Figure 12 – Plan de répartition des lamelles et chutes de burin. Figure 12 – Distribution map of bladelets and burin spalls.

13 Le diagramme de Combemenue peut être comparé avec profit à ceux obtenus pour deux niveaux Paléolithique moyen provenant du site de Croix-de-Canard dans la région de Périgueux (fouilles inédites L. Detrain, INRAP) (fig. 9, 10), pour lesquels une étude taphonomique détaillée a été effectuée (Bertran et Lenoble 2002). Le niveau dénommé ‘Secteur 3’ a été trouvé à environ 4 m de profondeur dans des argiles palustres ; le contexte géologique ainsi que les données archéologiques convergent pour indiquer que ce niveau a subi peu de remaniements post-dépositionnels. A l’inverse, le niveau dénommé ‘Secteur 2, locus 3’, qui a été trouvé à 0,6 m de profondeur dans des colluvions argilo-sableuses, a été fortement affecté par des processus naturels après son abandon par l’Homme. L’étude de la fabrique indique qu’il s’agit vraisemblablement de phénomènes de solifluxion en milieu périglaciaire. Dans le premier cas, des concentrations d’objets très significatives apparaissent pour des surfaces élémentaires comprises entre 1/32e et 1/4 de m 2. D’un point de vue archéologique, ces concentrations correspondent à des amas de taille de silex bien préservés. Dans le cas du second niveau (Secteur 2, locus 3), le diagramme est relativement similaire à celui obtenu à Combemenue, si ce n’est l’absence totale de fluctuation de R pour des mailles supérieures à 1 m2. L’interprétation retenue à la lumière des autres données disponibles est que la distribution spatiale des vestiges reflète la dispersion sur de grandes surfaces, par des processus post-dépositionnels, de concentrations initialement mieux délimitées (Bertran et Lenoble 2002).

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Figure 13 – Fabrique du niveau Paléolithique supérieur. Stéréogramme de Schmidt, hémisphère inférieur, 40 objets mesurés. Figure 13 – Fabric of the Upper level. Schmidt stereogram, lower hemisphere, 40 measured artefacts.

14 L’étude statistique de la distribution spatiale du matériel archéologique à Combemenue par la méthode de l’ADV permet de conclure qu’à l’intérieur du site, la distribution des vestiges ne présente pas de concentration bien définie. L’observation des plans de répartition des objets par catégories (outils, chutes de burins, lamelles, silex brûlés) indique que cette absence de concentration ne caractérise pas seulement les vestiges pris dans leur ensemble, mais aussi les différents types d’objets (fig. 11, 12). Comme le montre le cas du niveau supérieur de Croix-de-Canard, une telle organisation peut résulter d’une modification du site par des processus naturels. Une cause anthropique peut également être envisagée, par exemple liée à un type particulier d’activité ou à un piétinement intense du site. D’autres critères permettant d’apprécier l’état de préservation du niveau archéologique ont donc été recherchés ; ils concernent les fabriques et la présence de tris granulométriques du matériel archéologique.

4.3 – Fabriques

15 La disposition de l’axe d’allongement de 40 objets provenant des carrés 54 et 55 a été mesurée et reportée sur un stéréogramme (fig. 13). Celui-ci met en évidence une disposition dominante à plat des objets, sans orientation préférentielle mais avec une proportion significative d’éléments redressés. Sur un diagramme de Benn (1994) (fig. 14), le point représentatif de la fabrique obtenu par la méthode des Valeurs Propres (Woodcock 1977) s’écarte sensiblement des valeurs connues pour les sites non perturbés (incluant les sites expérimentaux soumis à du piétinement) et se place dans le champ des sites affectés par le ruissellement et/ou la bioturbation (Bertran et

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Lenoble 2002). Compte tenu du contexte géomorphologique, l’action de ces deux processus sur la distribution des artefacts paraît hautement probable (cf. Rolfsen 1980).

Figure 14 – Fabriques rencontrées dans les sites paléolithiques, d’après Bertran et Lenoble (2002), avec indication des principaux types de perturbation. Figure 14 – Fabric of palaeolithic sites, from Bertran and Lenoble (2002), with indication of the main types of perturbation.

L’aire hachurée correspondant aux fabriques de sites “ non perturbés ” proposée par Bertran et Lenoble (2002) a été légèrement modifiée pour tenir compte de nouvelles données expérimentales. The hatched area corresponds to the fabrics of “non-perturbated” sites as proposed by Bertran and Lenoble (2002) with slight modification to take into account new experimental data.

4.4 – Tris granulométriques

16 Un éventuel tri granulométrique du matériel archéologique lié à des phénomènes naturels a été recherché. Tous les objets récoltés à la fouille dans 3 carrés de 1 m2 choisis au hasard ont été mesurés, soit au total 82 pièces auxquelles s’ajoutent 91 pièces provenant de 2 carrés test ayant fait l’objet d’un tamisage à l’eau (maille de 2 mm). Etant donné l’absence d’organisation spatiale identifiable à partir des plans de répartition des objets, ces échantillons sont jugés représentatifs de la composition du matériel sur l’ensemble du site. La distribution granulométrique de ces échantillons (fig. 15) montre : 1. une grande similitude entre les histogrammes des séries tamisées et non tamisées, ce qui valide a posteriori le fait qu’un tamisage n’ait pas été pratiqué de manière systématique sur le site ; 2. une distribution “ en cloche ” avec un déficit très marqué non seulement en éléments grossiers, ce qui est conforme aux résultats des expériences de Schick (1986) et Lenoble (2003), mais aussi en éléments fins, le mode étant situé dans la classe 4-5 mm.

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17 Dans la mesure où il paraît peu vraisemblable que les éléments les plus abondants, de largeur comprise entre 4 et 5 mm, aient été importés (il s’agit pour une bonne partie de déchets de débitage), le déficit observé pour les débris de plus petite taille ne peut s’expliquer que par un appauvrissement secondaire du site par des processus naturels. Dans le contexte local, le seul processus susceptible d’avoir occasionné ce tri est le ruissellement. La bioturbation, évoquée plus haut comme facteur d’enfouissement des vestiges, peut également avoir joué un certain rôle. En effet, alors que les éléments grossiers tendent à migrer vers la base des horizons bioturbés, les petits éléments sont dispersés dans l’ensemble du volume affecté par la bioturbation, ce qui conduit à un appauvrissement relatif du niveau archéologique matérialisé par les gros objets. Cependant, d’après Van Nest (2002), cela n’affecte que les artefacts de taille submillimétrique (microartefacts), c’est-à-dire d’une taille bien inférieure à celle concernée par le tri à Combemenue.

Figure 15 – Distribution granulométrique des artefacts de Combemenue. Figure 15 – Grain-size distribution of the artefacts of Combemenue.

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Figure 16 - Diagramme des classes dimensionnelles (CD) des vestiges. Figure 16 - Triangular diagram of artefact grain-size.

A – composition des échantillons de Combemenue, B – aires correspondant à la composition granulométrique d’assemblages expérimentaux soumis au ruissellement, d’après Lenoble (2003). A- composition of Combemenue samples. B – experimental assemblages modified by overland flow, from Lenoble (2003).

18 Les proportions relatives des différentes classes dimensionnelles d’objets ont été reportées sur le diagramme CD (diagramme des Classes Dimensionnelles) proposé par Lenoble (2003) (fig. 16). Ce diagramme montre que la composition du matériel de Combemenue s’écarte sensiblement de celle obtenue dans les expériences de débitage. La comparaison avec les aires correspondant à la composition d’assemblages lithiques expérimentaux affectés par le ruissellement suggère que le matériel de Combemenue a été transporté par des écoulements de faible compétence dans des petites rigoles ou par la reptation pluviale dans les zones inter-rigoles.

4.5 – Etats de surface des pièces

19 Le matériel apparaît relativement fragmenté (tableau 3). Parmi les 1168 pièces en silex, 242 (soit 21 % de l’ensemble) portent des traces de modification postérieures à leur débitage, leur façonnage ou leur utilisation. La plus grande partie de celles-ci, soit 42 % (9 % de l’ensemble), sont des traces de transformation thermique due au feu. Les autres stigmates sont : 1. des traces de gélivation (1 à 2 % de l’ensemble), 2. des ébréchures (3 % ), des retouches ou encoches (1 % ), ou des fractures et des traces de chocs importants (5,4 % ).

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20 La distribution des pièces abîmées (ébréchures, retouches, fractures) semble aléatoire, tant en plan que verticalement. Ceci indique en particulier que ces altérations ne sont pas liées aux activités agricoles.

Tableau 3 – Décompte des types d’altération physique des pièces, d’après Cretin in Brenet et al. (2004). Table 3 – Types of physical alteration of the artefacts, from Cretin in Brenet et al. (2004).

Etat du matériel Nombre Pourcentage du total Pourcentage des pièces des pièces abîmées

Chocs et fractures plus ou moins 63 5,4 26,1 importantes

Ebréchures 37 3,2 15,3

Retouches et encoches modernes 13 1,1 5,4

Chauffe 101 8,6 41,7

Chauffe ou gel 11 0,9 4,5

Gel 13 1,1 5,4

Indéterminé 4 0,3 1,6

Total 242 20,6 100,0

4.6 – Remontages

21 Peu de remontages et de raccords ont été effectués au sein des pièces récoltées. Le nombre de pièces impliquées dans les remontages ou raccords (A) n’est en effet que de 34 sur un nombre total d’objets (B) atteignant 1168. Le taux de remontage (rapport A/B) n’est donc que de 2,8 % (1 % si l’on exclut les raccords). Plusieurs explications peuvent être proposées pour rendre compte d’un taux si faible : 1. le temps consacré à cette étude a été relativement réduit ; il n’est pas certain que les remontages soient exhaustifs ; 2. la forte transformation des supports rend les remontages difficiles. Le pourcentage d’outils atteint en effet 8 % de l’assemblage (10 % si l’on inclut les outils incertains, cassés ou brûlés). S’ajoutent également les difficultés liées à la fragmentation thermique de nombreuses pièces (9 % de l’ensemble du matériel) ; 3. les phases de débitage de lames et d’éclats n’ont été que partiellement réalisées sur le site. En effet, en ce qui concerne le matériel en silex gris et brun du Sénonien, les éclats de mise en forme des nucléus représentent 21 % du matériel (14 % de lames et éclats corticaux, 7 % d’éclats de réavivage) et aucun éclat d’entame n’est présent. Ceci indique que les nucléus ont pu être introduits déjà configurés ; 4. de nombreux objets ont été exportés hors du site par les Aurignaciens, pour répondre à des besoins techniques anticipés ;

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5. le matériel récolté ne représente qu’une partie des vestiges lithiques initialement présents sur le site, soit parce qu’une autre partie du matériel a été soustraite de la zone fouillée par des processus naturels postérieurs à l’occupation et les labours, soit parce que la surface de la zone fouillée ne représente qu’une fraction de celle du site originel.

22 Le rôle respectif de tous ces facteurs est difficile à apprécier et continue de faire l’objet de discussion entre les auteurs de cet article. Pour les géoarchéologues (P.B., A.L.), les quatre premiers points (remontages incomplets à cause du temps insuffisant accordé à ce travail, de la forte transformation des supports et de leur fragmentation, chaînes de débitage incomplètement réalisées sur le site, exportation d’objets par les Aurignaciens) ne paraissent pas de nature à expliquer à eux seuls le faible taux de remontage. Des difficultés identiques ont en effet été rencontrées dans d’autres sites, pour lesquels le taux de remontage reste élevé (plus de 20 % ). Pour les technologues (M.B. et C.C.), les facteurs anthropiques (points 3 et 4) sont privilégiés, des réserves étant émises sur la pertinence de l’utilisation du taux de remontage comme critère d’évaluation taphonomique.

5 – Discussion

23 La confrontation des différentes méthodes d’investigation met en évidence les points suivants :

24 1) avant son enfouissement complet, le site a subi l’action du ruissellement, qui a entraîné un appauvrissement sélectif de l’assemblage initial en éléments inférieurs à 0,5 cm de largeur. En l’absence d’un long versant à l’amont et du fait de la pente quasi- nulle (le site est localisé sur une petite éminence), seule l’action du ruissellement diffus et du splash, c’est-à-dire des mouvements provoqués par l’impact et le rejaillissement des gouttes de pluie, peut être invoquée. Ces processus ont une capacité d’érosion relativement limitée. Ils affectent sélectivement les particules fines et favorisent l’apparition de pavages à la surface du sol (Poesen 1987). Les éléments grossiers, centimétriques, subissent néanmoins une reptation lente provoquée par le choc des gouttes de pluie et par l’érosion du sédiment fin sur lesquels ils reposent (De Ploey et Moeyersons 1975). D’après les mesures effectuées par Kirkby et Kirkby (1974), Kwaad (1977), Poesen (1987) et Sala (1988), les particules de diamètre inférieur à 0,5 cm progressent par saltation sous l’effet du splash, tandis que les éléments de 1 à 5 cm se déplacent par reptation. Les déplacements enregistrés sont de l’ordre de quelques dizaines de centimètres au cours d’une pluie pour des particules de taille millimétrique et de quelques centimètres au maximum pour des fragments de taille centimétrique. Ces données indiquent donc que l’appauvrissement en éléments fins va nécessairement de pair avec un déplacement des éléments plus grossiers. Sur une pente négligeable, les mouvements de reptation restent limités et non directionnels, c’est-à-dire qu’ils s’effectuent au hasard dans n’importe quelle direction. Il en résulte un phénomène de diffusion des concentrations d’objets. En revanche, dans la zone périphérique du site et notamment dans sa partie nord, la pente s’accroît et dépasse 4°. Dans ce secteur, l’influence de la pente sur les déplacements ne peut plus être considérée comme négligeable. L’accroissement de la vitesse de déplacement et l’orientation vers l’aval des mouvements ont probablement induit un étirement de la nappe de vestiges. La diminution importante de la densité d’objets sur le site dès que la rupture de pente est franchie peut résulter de ce phénomène. Dans ce cadre, les contours de la zone la plus

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riche en vestiges ne correspondent pas nécessairement à ceux que le site avait initialement au moment de son abandon, mais ils délimitent la zone la moins perturbée par les processus naturels ; 2) la présence de modifications de l’état initial est également suggérée par l’analyse des fabriques. La disposition plus désordonnée des objets que celle qui caractérise les sites non perturbés suppose en effet que le site ait subi des transformations secondaires. Le type de fabrique est compatible avec l’action du ruissellement et de la bioturbation ; 3) la distribution spatiale du matériel archéologique pris dans son ensemble aussi bien que celle des différentes catégories d’objets ne fait pas apparaître de concentration claire à l’intérieur du site. A la lumière des arguments précédents, ce type de distribution peut être imputé à une homogénéisation de la répartition des vestiges par des processus post-dépositionnels. Un phénomène de diffusion par reptation peut notamment rendre compte de cette répartition ; 4) De nombreux facteurs peuvent expliquer le faible taux de remontage. Comme cela a été évoqué plus haut, les technologues considèrent que la composition de la série lithique relève de facteurs anthropiques comportementaux complexes, que l’on ne peut assimiler aux seules activités de taille. Le taux de remontage, qui dépend également du temps consacré à cette tâche, doit donc être utilisé avec une extrême prudence dans l’interprétation de l’assemblage lithique et de sa mise en place. Pour les géoarchéologues, il est probable que le faible taux de remontage soit en partie lié au fait que le matériel récolté ne représente qu’une fraction de celui qui était originellement présent sur le site. Dans de nombreux sites, l’analyse spatiale des remontages indique que ceux-ci se font majoritairement sur de courtes distances, au sein de zones d’activités particulières (Cziesla 1987). Les remontages sur des distances supérieures à 2 m, qui relient des aires d’activité, ne comptent en revanche que pour une faible part du total. Pour cette raison, la taille de la zone fouillée n’a qu’une faible influence sur le taux de remontage. Dans le contexte du site, la disparition d’une partie du matériel grossier par les phénomènes naturels, notamment la reptation, permettrait de rendre compte des observations ; 5) les déplacements n’ont pas entraîné une altération physique importante des vestiges lithiques. Le pourcentage de pièces présentant des ébréchures, des retouches ou des encoches naturelles reste faible (environ 4 % du matériel). La reptation n’implique en effet que des mouvements de faible ampleur, mais qui se répètent pendant une longue durée.

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Figure 17 – Evolution de la répartition spatiale d’un amas au cours d’une expérience de diffusion simulée d’après les données de Bowers et al. (1983) et variogrammes correspondants. Figure 17 – Evolution of the pattern of a knapping spot during a simulated diffusion, and associated variograms. The displacement data have been taken from Bowers et al.(1983).

25 Un mécanisme de diffusion dû à des perturbations post-dépositionnelles, probablement assez comparable à celui qui est suggéré ici pour la partie amont du site, a été décrit par Bowers et al. (1983) à partir des données de déplacement mesurées sur un site expérimental installé en Alaska. L’expérience, qui a duré 3 ans, a montré que les objets disposés sur un replat au sommet d’une colline avaient subi un déplacement moyen d’environ 4 cm /an dans toutes les directions, principalement sous l’influence des pipkrakes, c’est-à-dire de la glace en aiguilles qui se forme à la surface du sol au cours des périodes de baisse rapide des températures sous 0°C. Les simulations réalisées indiquent que, si on laisse agir les mêmes processus sur une durée d’un siècle ou plus, on obtient une diffusion progressive de la concentration de départ, qui se traduit par un étalement des vestiges, par une diminution de leur nombre par unité de surface, et par un affaiblissement de la netteté des contours de la concentration. Dans le cadre de l’étude du site de Combemenue, ces simulations ont été reprises en prenant en compte toute la variabilité des déplacements mesurés par Bowers et al. (1983) (et non pas seulement la valeur moyenne) et l’évolution de la distribution spatiale d’un amas a été suivie par l’Analyse Dimensionnelle de la Variance. Les résultats sont indiqués sur la figure 17. Celle-ci montre que très rapidement, la densité des objets s’affaiblit au point que l’on ne peut plus distinguer la distribution du matériel d’une répartition aléatoire. Au bout de 100 ans dans les conditions de l’expérience, le rapport Variance / Moyenne reste quasiment identique quelle que soit la surface considérée. On constate en suivant les différents stades de la simulation que les “ pics ” du rapport R subissent de manière concomitante un effacement progressif et une translation vers des mailles de plus en plus grandes, en relation avec la dispersion du matériel. Bien que les mécanismes

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sédimentaires en jeu puissent être en partie différents de ceux invoqués pour le site de Combemenue, l’expérience de Bowers et al. (1983) donne sans doute une bonne idée des transformations qui se sont produites sur ce site, parce qu’elle rend compte des modifications provoquées par de petits déplacements répétés des objets à la surface du sol, sans influence significative de la pente.

26 Les conclusions de l’étude taphonomique ont deux implications importantes d’un point de vue archéologique : 1. en raison des processus post-dépositionnels, une partie de l’information archéologique a été perdue. Cela concerne en particulier l’organisation spatiale du site. Démêler de manière précise ce qui revient aux facteurs anthropiques et naturels dans la distribution du matériel est probablement impossible à effectuer ; 2. l’assemblage lithique a été tronqué par les phénomènes de remaniement. Cela affecte surtout les éléments de petite dimension (< 0,5 cm de largeur) et n’a pas de répercussion majeure sur la lecture technologique et typologique du matériel, hormis peut être en ce qui concerne la proportion de lamelles. Sur ce point, l’analyse du matériel lithique indique une production spécifique éventuelle de lamelles à partir de burins busqués. Cette production est encore difficile à cerner, dans la mesure où les lamelles retouchées, lamelles Dufour ou lamelles Caminade (Bordes et Lenoble, 2002) sont absentes de la série. Si ce déficit flagrant résulte pour une grande part d’une exportation des produits obtenus par les Aurignaciens, il est possible que les phénomènes taphonomiques aient également joué un rôle non négligeable.

6 – Conclusion

27 Le site de Combemenue est sans doute représentatif d’un grand nombre de sites paléolithiques français localisés dans un environnement géomorphologique peu favorable à un enfouissement rapide. Comme le met clairement en évidence l’étude taphonomique, une partie de l’information archéologique a été perdue en raison des perturbations provoquées par les agents naturels, notamment le ruissellement, après l’abandon du site par l’Homme. En ce qui concerne le secteur à pente négligeable, ces perturbations restent faibles et n’ont que partiellement oblitéré la physionomie initiale du niveau archéologique. Elles semblent correspondre pour l’essentiel à une diffusion des vestiges, entraînant un affaiblissement des concentrations d’objets. La validité des données issues de l’étude techno-économique du matériel (reconstitution des chaînes de production, analyse économique du débitage et des matières premières utilisées…) reste entière. En revanche, dans les secteurs plus pentus situés en périphérie de la zone riche en vestiges, les perturbations ont probablement été plus importantes.

28 L’Analyse Dimensionnelle de la Variance comme méthode permettant de différencier des types de distribution spatiale des objets s’avère être très prometteuse et constitue un nouvel outil disponible pour l’analyse taphonomique d’un site. La multiplication des études comparables tant sur des sites archéologiques qu’expérimentaux devrait conduire à affiner de façon significative les interprétations que l’on peut en tirer. Cette étude souligne également l’intérêt de confronter les arguments tirés de différentes analyses, qui utilisées isolément, n’apportent souvent que des résultats ambigus.

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RÉSUMÉS

Le site paléolithique de Combemenue en Corrèze a livré un niveau d’occupation d’Aurignacien récent enfoui à faible profondeur, sur un replat près du sommet d’un versant. Le contexte de faible enfouissement laissant suspecter des perturbations significatives du niveau archéologique dues à une longue exposition aux agents naturels en surface ou en subsurface du sol, une étude taphonomique détaillée a été entreprise. Différents points ont été examinés : la distribution spatiale du matériel, la disposition des objets (fabrique), leur granulométrie, leur état de surface ainsi que les remontages. Les résultats obtenus ont été confrontés de manière à proposer un scénario qui rende compte au mieux de l’ensemble des observations faites sur le site. Cette étude indique que l’assemblage lithique originel a subi un appauvrissement sélectif en petits éléments sous l’action du ruissellement. Simultanément, il est possible qu’une partie du matériel de plus grande taille initialement présent ait été soustrait du site par les mécanismes sédimentaires. Ces modifications ont eu des répercussions sur la distribution spatiale des vestiges. Celle-ci se caractérise par une absence de concentration claire, tant lorsqu’on considère la répartition de l’ensemble du matériel que celle de catégories particulières d’objets. Une diffusion progressive des vestiges par le ruissellement ou les phénomènes périglaciaires rend bien compte des transformations observées. En revanche, les déplacements n’ont pas entraîné d’altération physique importante des pièces, dont la majorité ne porte pas de stigmate postérieur à sa production ou son utilisation par les Aurignaciens. Les transformations décrites ici pour le site de Combemenue sont probablement représentatives de celles subies par un grand nombre de sites paléolithiques localisés sur une pente négligeable dans un contexte géomorphologique peu favorable à un enfouissement rapide.

An Upper Aurignacian level located on a hilltop flat surface has been found at Combemenue (Brignac-la-Plaine, Corrèze, France) during field surveys along the A89 highway. Geomorphological evidence, and particularly the shallow depth of the level, strongly suggests that it has undergone significant perturbation due to a long-lasting exposure to sedimentary and pedological processes at the soil surface or subsurface. Therefore, a detailed taphonomic study has been made to evaluate the impact of natural processes in site patterning. It involves examination of the spatial distribution of the artefacts, their orientation and dip (fabric), their size distribution, their alteration and refits. The results have been compared to the data derived from the techno-economical analysis. This study indicates that the lithic assemblage has undergone a selective impoverishment in small-sized artefacts as the result of surface wash. A part of the coarser artefacts may have been also removed from the site by the same processes. The lack of any clear artefact concentration indicates that the spatial distribution has been modified significantly. This can be adequately described by a model of progressive diffusion of the artefacts by surface wash or periglacial processes. By contrast, the movements did not provoke strong physical alteration of the pieces. The Combemenue site is thought to be

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representative of a number of Palaeolithic sites located in similar geomorphological contexts, which are characterized by low sedimentation rates.

INDEX

Keywords : Aurignacian, Corrèze, fabric, France, grain-size sorting, spatial analysis, taphonomy Mots-clés : analyse spatiale, Aurignacien, Corrèze, fabrique, taphonomie, tri granulométrique

AUTEURS

PASCAL BERTRAN Université de Bordeaux I, PACEA / I.P.G.Q., bâtiment de géologie, avenue des facultés, 33405 Talence, France. INRAP Grand Sud-Ouest, Centre d’activité Les Echoppes, 156 avenue Jean Jaurès, 33600 Pessac, France.

ARNAUD LENOBLE Université de Bordeaux I, PACEA / I.P.G.Q., bâtiment de géologie, avenue des facultés, 33405 Talence, France. INRAP Grand Sud-Ouest, Centre d’activité Les Echoppes, 156 avenue Jean Jaurès, 33600 Pessac, France.

FRANÇOIS LACRAMPE Université de Bordeaux I, PACEA / I.P.G.Q., bâtiment de géologie, avenue des facultés, 33405 Talence, France.

MICHEL BRENET Université de Bordeaux I, PACEA / I.P.G.Q., bâtiment de géologie, avenue des facultés, 33405 Talence, France. INRAP Grand Sud-Ouest, Centre d’activité Les Echoppes, 156 avenue Jean Jaurès, 33600 Pessac, France.

CATHERINE CRETIN INRAP Grand Sud-Ouest, Centre d’activité Les Echoppes, 156 avenue Jean Jaurès, 33600 Pessac, France. Service Régional de l’Archéologie du Languedoc-Roussillon, 5 rue de la salle l’Evêque, 34967 Montpellier cedex 2.

F. MILOR INRAP Grand Sud-Ouest, Centre d’activité Les Echoppes, 156 avenue Jean Jaurès, 33600 Pessac, France.

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Pratiques cynégétiques et exploitation des ressources animales dans les niveaux du magdalénien supérieur-final de El Horno (Ramales, Cantabrie, Espagne) Hunting strategies and exploitation of animal resources in Upper-Late layers of El Horno (Ramales, province of Cantabria, ) Prácticas cinegéticas y explotación de los recursos animales en los niveles del Magdaleniense superior-final de El Horno (Ramales, Cantabria, España)

Sandrine Costamagno et Miguel A. Fano

Les travaux de fouille de El Horno ont été subventionnés par le Conseil Général de Cantabrie et par le projet El Mirón, et ont toujours disposé du soutien de Joaquín Eguizábal (“Pencho”), guide de la grotte de Covalanas. Les nouvelles données sur El Horno sont le fruit, en grande partie, de l’effort d’un bon nombre de licenciés et d’étudiants d’Histoire provenant des Universités de Cantabrie, Salamanque, Saint Jacques de Compostelle, Deusto, Porto et de l’université Complutense de Madrid, qui ont collaboré aux travaux de fouille et/ou de laboratoire. Nous tenons à remercier Philippe Fosse, Véronique Laroulandie et un relecteur anonyme pour leurs commentaires. Merci également à François Bon pour ses conseils avisés et à César González Sainz et Ana Mateos Cachorro pour les informations qu’ils nous ont founies sur certains sites magdaléniens de la Région cantabrique. Actuellement, M.A. Fanoréalise le projet présenté grâce à une bourse d’incorporation de docteurs à la C.A.P.V. financée par le Département d’Éducation, Universités et Investigation du Gouvernement Basque. Enfin, nous souhaitons également remercier la Fondation Fyssen pour son soutien financier lors de l’étude de la faune.

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Présentation du gisement

1 La grotte de El Horno est située dans l’est de la Cantabrie, dans le haut-Asón, près du village de Ramales de la Victoria (fig. 1). C’est dans cette région riche en gisements préhistoriques qu’ont été réalisées quelques-unes des premières découvertes d’art rupestre paléolithique de la région cantabrique. C’est le cas notamment des grottes de Covalanas et la Haza, explorées en 1903 (Alcalde del Río 1906 ; Sierra 1909 ; Alcalde del Río et al. 1911) et situées, tout comme El Horno, sur le Mont Pando. Si, dans cette zone, l’intérêt pour l’art pariétal ne s’est jamais démenti, il faut attendre le milieu des années 90, avec le début de la fouille de la grotte de El Mirón, pour voir se développer des programmes de recherche visant à identifier les modalités d’implantation des groupes dans la région et leurs modes de vie (Straus et al. 2002).

2 Le site de El Horno s’ouvre aux dépens d’une falaise calcaire imposante, connue sous le nom de « paroi de l’Echo » et située sur la face sud-ouest du Mont Pando, à quelque 200 m d’altitude et 20 km à vol d’oiseau de la côte actuelle. Plusieurs cavités situées à la base de cette paroi ont été signalées dans l’ouvrage « Les Cavernes de la Région Cantabrique » (Alcalde del Río et al. 1911), mais les premières mentions du gisement archéologique de El Horno sont très récentes et ont trait à la découverte de matériel céramique de surface (Smith et Muñoz 1984 ; Muñoz et al. 1987 ; Ruiz Cobo 1992).

3 Les premières « fouilles » ont été réalisées dans le fond de la grotte au milieu des années 80 par des membres de l’Association Spéléologique Ramaliega (A.E.R.) afin de désobstruer le passage donnant accès au réseau karstique. Postérieurement, des fouilles clandestines ont entre autres affecté cette zone. Parmi le matériel recueilli lors des premières « fouilles » et déposé au Musée Régional de Préhistoire et d’Archéologie de Cantabrie (Santander), la découverte d’un fragment distal de harpon bilatéral à section plane en bois de Cervidé, de filiation à l’évidence azilienne, a conduit l’un d’entre nous (M.A.F.), en 1999, à procéder à une campagne de fouille pour évaluer le potentiel archéologique de la grotte (fig. 2). Ces travaux de terrain ont permis de mettre en évidence une importante occupation correspondant, pour l’essentiel, au Magdalénien supérieur-final (daté dans la région cantabrique entre 13000 et 11500 BP non calibré, González Sainz 1989, 1995).

4 Malgré la surface réduite de la fouille (cf. infra), l’abondance du matériel osseux et son excellente conservation nous ont incités à mener une étude archéozoologique détaillée sur les vestiges de grands mammifères. Cette analyse qui vise à évaluer les modalités d’acquisition et de traitement des carcasses présentes sur le site apporte un nouveau jalon à la connaissance du mode de vie des Magdaléniens de la Région cantabrique. A terme, l’objectif final du programme de recherche en cours est de générer un modèle sur la dynamique du peuplement du bassin de la rivière Asón pendant le Magdalénien supérieur-final (fig.1) (Fano sous presse a).

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Figure 1 – Carte de répartition des gisements magdaléniens de la Région cantabrique pris en compte dans la discussion. Figure 1 – Magdalenian sites in Cantabrian Spain considered with regard to faunal comparisons. Figura 1 – Mapa de la región cantábrica que incluye los yacimientos magdalenienses considerados en la discusión.

Figure 2 – Topographie de la grotte de El Horno montrant la localisation des fouilles illicites et des fouilles menées par Fano de 1999 à 2001 et séquence stratigraphique (modifié d’après Fano et al. sous presse). Figure 2 – Topography of El Horno with location of illicit excavation and 1999-2001 Fano´s excavation and stratigraphic section (modified after Fano et al. in press). Figura 2 – Topografía de la cueva de El Horno con indicación de las áreas afectadas por excavaciones ilegales y de la superficie excavada por Fano entre 1999 y 2001, y secuencia estratigráfica (modificado a partir de Fano et al., en prensa).

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Méthodes de fouille et stratigraphie

5 Les fouilles menées durant trois campagnes (1999 à 2001) ont concerné une surface réduite située dans le fond de la grotte à proximité de la zone de désobstruction des spéléologues et ce, afin de profiter des coupes déjà disponibles. Au total, 3 m2 ont été ouverts : N33 et N32 dans leur totalité et une partie de N34 et M33. Dans les trois carrés où le substrat a été atteint (N32, N33 et M33), l’épaisseur des dépôts est de 125 cm.

6 A l’exception d’une partie du niveau 2 (2base) qui, par erreur, a été tamisé uniquement à une maille de 4 mm, l’ensemble des sédiments a été tamisé à l’eau sous des mailles de 4 et 2 mm. Durant la campagne de 2001, le matériel organique provenant des niveaux intacts a été recueilli par flottation, autorisant ainsi la mise en œuvre d’analyses anthracologiques et carpologiques.

7 Après la dernière campagne de fouille, la coupe Ouest du carré N32 fait apparaître la succession stratigraphique suivante (fig. 2) : 1. Niveau 3 : de faible puissance (5 cm), composé d’un dépôt jaunâtre de texture sablonneuse, pauvre en matériel archéologique ; 2. Niveau 2 : de 23 cm d’épaisseur, dépôt de couleur brune, très riche en matière organique, matériel archéologique abondant. Un échantillon d’ossements provenant de la partie supérieure du niveau a donné une date radiocarbone de 12250 ± 190 BP (12378 ± 462 cal BC)1 - GX-27456 ; 3. Niveau 1 : composé d’un dépôt jaunâtre de texture compacte d’une épaisseur de 22 cm. Une date radiocarbone effectuée à partir d’un échantillon d’ossements provenant de la partie supérieure du niveau est disponible : 12530 ± 190 BP (12741 ± 468 cal BC) - GX-27457. L’apparente inversion stratigraphique entre ces deux datations radiocarbones ne peut être utilisée comme un argument en faveur d’une possible altération du sédiment. En effet, selon le test du Khi-2, la différence entre les deux dates n’est pas statistiquement significative ; 4. Niveau 0 : épaisseur variable de 50 à 70 cm, mélange de matériel archéologique de diverses périodes. En 1999, avant la mise en évidence du caractère pertubé de la couche, un échantillon d’os avait fourni une date radiocarbone de 11630 ± 170 BP (11472 ± 199 cal BC) - GX-26410 ; 5. Niveau superficiel : 10 cm d’épaisseur en moyenne, mélange de matériaux modernes et préhistoriques, il correspond aux déblais des spéléologues et des fouilleurs clandestins.

8 L’ensemble des niveaux décrits ci-dessus n’a été identifié que dans le carré N32. En N34, les niveaux en place n’ont pas encore été atteints. Dans les carrés M33 et N33, seule la base du niveau 2 a été clairement identifiée : le matériel sus-jacent a été attribué au niveau 1-2 sans distinction. De même, au cours de la campagne 2001, dans le carré N32, du matériel provenant de la zone de contact des niveaux 1 et 0 a été attribué au niveau 0-1.

Attribution culturelle des dépôts archéologiques de El Horno

9 Les dépôts préservés de El Horno sont attribuables au Magdalénien supérieur-final comme l’attestent le matériel archéologique et les dates radiocarbones obtenues. Malgré la pauvreté archéologique du niveau 3, la présence de grattoirs unguiformes,

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d’outillage microlaminaire et d’éléments de parure permet de rattacher ce niveau à cette phase chronoculturelle.

10 Le niveau 2 a livré une industrie osseuse particulièrement diagnostique. C’est le cas notamment de deux harpons décorés sur bois de Cervidé (Fano et al. 2005) qui correspondent au type de harpons, peu variable morphologiquement, commun dans la région cantabrique à partir de 13000 BP (González Sainz 1995). Dans ce niveau, d’autres pièces décorées ont été mises au jour comme un bâton percé orné de traits non figuratifs et une côte de Cheval décorée de nombreuses gravures larges et profondes. Le matériel lithique retouché relativement peu abondant et composé de grattoirs, burins et d’outillage microlaminaire est cohérent avec le reste de l’information disponible (Fano sous presse b : pl. 1 ; Fano et al. en préparation).

11 Le niveau 1 n’a pas livré d’industrie osseuse diagnostique mais la composition de l’outillage lithique, constitué principalement de grattoirs, burins, outils composites et d’outillage microlaminaire (Fano sous presse a : fig. 2), est en cohérence avec la datation radiocarbone obtenue (cf. supra).

12 En ce qui concerne le niveau 1-2, l’étude de l’outillage lithique et osseux montre qu’une grande partie du matériel est également attribuable au Magdalénien supérieur-final. Dans cet horizon, la proportion de matériel lithique retouché est intermédiaire de celles retrouvées dans les niveaux 1 et 2 ; la découverte d’une sagaie avec décoration « lineal-geométrica » (Corchón 1986) est un autre argument en faveur de cette hypothèse (Fano 2005 ; Fano et al. 2005).

13 L’assemblage lithique issu du niveau 0-1 est constitué de grattoirs mais surtout d’un nombre très important d’outillage microlaminaire, ce qui pourrait indiquer un ensemble archéologique différent des assemblages sous-jacents. L’outillage osseux faiblement représenté étant similaire à celui mis au jour dans les niveaux du Magdalénien supérieur-final, de nouveaux travaux sont nécessaires afin de mieux appréhender la chronologie de ce niveau.

14 Comme nous l’avons signalé, le niveau 0 a livré du matériel archéologique de diverses périodes. Ainsi, une vingtaine de fragments de céramique correspondant à la Préhistoire récente a été découverte ainsi que deux pièces indubitablement magdaléniennes : un ciseau décoré de deux représentations schématiques de bouquetins en vision frontale et une base perforée de harpon (Fano 2004 ; Fano et al. 2005). Enfin, il est probable que le harpon de type azilien identifié au sein du matériel recueilli lors de la désobstruction de la cavité par les spéléologues et décrit précédemment provienne de ce niveau. L’étude de l’outillage lithique de cet ensemble montre que la cavité pourrait également avoir été occupée durant l’Azilien. En effet, de nombreux grattoirs unguiformes et des pointes à dos, certaines d’entre elles étant aziliennes ont été découvertes (Fano et al. en préparation).

15 Pour la faune mammalienne qui fait plus particulièrement l’objet de cette étude, tout comme pour le reste des analyses interdisciplinaires en cours, seul le matériel issu des niveaux en place (1, 2 et 3) a été considéré, représentant un volume fouillé d’environ 400 dm3.

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Méthodes d’étude des ensembles osseux

16 Les unités 2base et 2 traitées de façon simultanée ont été regroupées sous l’appellation « niveau 2 ». L’ensemble des pièces osseuses récoltées a fait l’objet de déterminations taxonomiques et anatomiques les plus précises possibles. Les observations taphonomiques et archéozoologiques détaillées ont porté exclusivement sur les pièces supérieures à 2 cm qui ont été observées sous une loupe (grossissement 12) afin d’y déceler d’éventuelles traces d’origine naturelles (traces de dent, de weathering, de concrétionnement, d’abrasion, etc.) et/ou anthropiques (stries de boucherie, traces de percussion, de feu, etc.). En ce qui concerne les fragments inférieurs à 2 cm non déterminables, seuls cinq attributs ont été notés : la couche, le type de reste (Bois, crâne, dent, vertèbre, côte, cartilage costal, fragment diaphysaire, tissu spongieux, reste non identifié), la longueur (classes : 0-10 et 10-20 mm), la présence de traces de feu et l’intensité de la combustion [0 : non brûlé, 1 : traces de feu ponctuelles, 2 : os carbonisé (majoritairement noir), 3 : os majoritairement gris et 4 : os calciné (majoritairement blanc)].

17 Les spectres fauniques ont été exprimés à la fois en nombre de restes (NISP) et en nombre minimum d’individus de combinaison (MNIc) (White 1953). Afin de déterminer la diversité taxonomique des ensembles, l’indice de Simpson2 a été calculé sur les seuls restes d’ongulés (Grayson 1984). En ce qui concerne les éléments squelettiques, pour le crâne et la mandibule, les nombres minimums d’éléments (MNE) ont été décomptés à partir des parties osseuses et non des restes dentaires (Stiner 1994). Ainsi, les nombres minimums d’individus utilisés pour le calcul des %MAU (Binford 1984) sont obtenus à partir du matériel osseux. Ils sont donc différents de ceux retenus pour l’étude de la composition taxonomique qui tiennent compte des éléments squelettiques les plus abondants qui, à El Horno, sont les restes dentaires.

18 En ce qui concerne l’âge des animaux abattus, les estimations ont porté sur les restes dentaires qui fournissent les plus forts nombres minimums d’individus pour les deux taxons dominants. Que ce soit pour le Bouquetin ou le Cerf, les méthodes employées reposent essentiellement sur les stades d’éruption et de remplacement dentaires (Couturier 1962 ; Varin 1979 ; Delpech et Le Gall 1983 ; Vigal et Machordom 1985).

19 Afin de quantifier les stries de boucherie, deux indices ont été calculés : le pourcentage de stries de boucherie et leur intensité. Le premier indice correspond au pourcentage du nombre de restes portant des stries sur le nombre de restes observables (% cutNISP/ NISPo). Ce pourcentage peut porter sur l’ensemble osseux dans son entier, une espèce particulière ou bien encore un élément ou une portion squelettique donné. Le second indice correspond au nombre de stries par élément ou portion squelettique (cuts/MNE).

20 En ce qui concerne la fragmentation, le completeness index (Marean 1991) a été calculé pour les carpiens et les tarsiens. Le pourcentage d’os complets (Lyman 1994a) a également été calculé pour certains éléments squelettiques afin de documenter le degré de fragmentation des ensembles osseux. L’impact anthropique sur la fracturation des ossements a été évalué en calculant le pourcentage d’ossements portant des traces de percussion par rapport à leur nombre total (% impactNISP/NISP). Afin de faciliter la lecture, les abréviations ainsi que les unités quantitatives utilisées sont résumées dans le tableau 1.

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Tableau 1 – Définition et références bibliographiques des unités de quantification utilisées. Table 1 – Definition and bibliographic references of quantitative units used. Tabla 1 – Definición y referencias bibliográficas de las unidades de cuantificación utilizadas.

Unité Définition

Completeness (Marean 1991) Index

cuts Nombre de stries (Bartram 1993a)

cuts/MNE Intensité de la boucherie (Bartram 1993a)

cutNISP Nombre de fragments déterminés portant des stries de boucherie (Bartram 1993a)

% cutNISP/NISPo Nombre de fragments déterminés observables portant des stries de boucherie (Bartram 1993a)

impactNISP Nombre de restes déterminés portant des points d'impact

% impactNISP/ Pourcentage de restes déterminés portant des traces des points d'impact NISP

MAU Unités animales minimum (Binford 1984)

% MAU (Binford 1984)

MNE Nombre minimum d'éléments ou de portions squelettiques (Bunn 1986)

MNI Nombre minimum d'individus (Casteel 1977)

NISP Nombre de restes déterminés (Payne 1975)

NISP/NRT Taux de détermination

NRT Nombre de restes total (déterminés + indéterminés)

Présentation générale des ensembles osseux

21 Près de 10 000 vestiges osseux ont été étudiés (tabl. 2). Les niveaux 1 et 2 ont livré un nombre comparable de pièces alors que le niveau 3 apparaît nettement moins riche en restes fauniques. Quel que soit le niveau considéré, le Bouquetin est l’espèce dominante (tabl. 3).

Tableau 2 – Nombre de restes et taux de détermination par niveau. Table 2 – Number of specimens and determination ratio by level. Tabla 2 – Número de restos y tasa de determinación por nivel.

Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 M/N33 (c.2base) N32 (c.2) Total

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NRT 4233 4690 287 1978 2712 9210

NRobservés 1306 2619 60 – – 3985

NISP 290 844 13 642 226 1147

Taux de détermination 6,9 18,0 4,5 32,5 8,3 12,5

Tableau 3 – Fréquence relative des taxons par couche (en NISP et MNI). Table 3 – Relative frequency of taxa by level (in NISP and MNI). Tabla 3 – Frecuencia relativa de los taxones por nivel (en NISP y NMI).

Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3

NISP %NISP MNI NISP %NISP MNI NISP

Carnivore 0 0 0 4 0,5 1 0

Sanglier 0 0 0 1 0,1 1 0

Cheval 2 0,7 1 5 0,6 1 0

Cerf 37 12,8 2 162 19,2 4 0

Chevreuil 0 0 0 2 0,2 1 0

Bouquetin 246 84,8 4 661 78,3 12 13

Chamois 1 0,3 1 3 0,4 1 0

Léporidés 4 1,4 1 6 0,7 1 0

Total 290 100 9 844 100 22 13

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Figure 3 – Répartition de la taille des fragments osseux par couche. Figure 3 – Relative frequency of bone size fragments by level. Figura 3 – Distribución del tamaño de los fragmentos óseos por nivel.

Figure 4 – Répartition de la taille des fragments osseux dans les carrés M/N33 couche 2base et N32 couche 2. Figure 4 – Relative frequency of bone size fragments in squares M/N33 level 2base and N32 level 2. Figura 4 – Distribución del tamaño de los fragmentos óseos en los cuadros M/N33 (nivel 2base) y N32 (nivel 2).

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22 Bien que relativement faible dans l’ensemble des couches, le taux de détermination du niveau 2 apparaît plus élevé que celui des deux autres niveaux. L’abondance des pièces inférieures à 2 cm dans les ensembles osseux des niveaux 1 et 3 explique leur taux de détermination particulièrement bas (fig. 3). On peut s’interroger sur le ou les facteurs responsable(s) de la sous-représentation des vestiges de moins de 2 cm dans la couche 2. Au cours des différentes campagnes de fouille, l’ensemble des sédiments a été tamisé à des mailles de 4 et 2 mm, seule exception, le niveau 2base des carrés M/N33 passé à une maille de 4 mm seulement. La sous-représentation des vestiges de moins de 1 cm dans la couche 2 pourrait donc être liée à des méthodes de fouille et de tamisage différentes entre le niveau 2 et les niveaux 1 et 3. Afin de tester cette hypothèse, nous avons comparé l’histogramme des longueurs des fragments osseux de la zone M/N33 couche 2base au carré N32 couche 2 tamisé selon un protocole identique à celui employé dans les niveaux 1 et 3. En procédant de la sorte, il apparaît une nette dichotomie entre ces deux secteurs de fouille : au niveau de la zone M/N33, la fréquence des vestiges inférieurs à 1 cm est en nette diminution (1,7 % contre 14,4 dans le niveau 2 dans sa totalité) alors que dans le carré N32, la proportion de ces mêmes vestiges devient comparable à celle obtenue dans les deux autres niveaux fouillés (19,9 % contre 22,2 dans le niveau 1) (fig. 4). Si la sous-représentation des pièces inférieures à 1 cm semble résulter du protocole de tamisage, en revanche, la faible proportion de vestiges compris entre 1 et 2 cm dans la zone M/N33 pourrait être liée à une fragmentation différentielle des ossements à laquelle il est difficile, dans l’état actuel des données, d’attribuer à un facteur taphonomique précis.

Histoire taphonomique des ensembles osseux

23 En dehors de l’Homme, les agents taphonomiques ayant modifié les ensembles osseux sont particulièrement discrets. Les carnivores qui n’ont livré des restes que dans le niveau 2 ont eu un impact négligeable sur l’ensemble des assemblages osseux : moins de 1 % des restes dont la surface a été observée porte des traces de dents. Ces marques de carnivores ont été retrouvées sur quelques restes de Bouquetin et de Cerf. L’action des autres agents biologiques susceptibles de modifier les ensembles est également limitée (tabl. 4).

Tableau 4 – Impact des processus taphonomiques non anthropiques sur les ossements exprimés en pourcentage. Table 4 – Impact of natural taphonomic processes on the bones. Tabla 4 – Impacto de los procesos tafonómicos no antrópicos sobre el conjunto óseo expresado en porcentajes.

Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3

Desquamation 6,0 8,2 3,3

Concrétion 2,5 5,8 1,7

Abrasion 19,5 41,0 11,7

Dissolution 6,4 13,8 1,7

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Dissolution noire 3,5 1,9 5,0

Racines 0,2 0,4 0

Corrosion 0,4 0,4 0

Fissures longitudinales 6,0 7,3 3,3

Pelures 0,1 1,2 0

Rongeurs 0,1 0 0

Carnivores 0,8 1,0 0

Nombre de restes observés 1306 2619 60

24 Plusieurs types de modifications liées à l’action d’agents naturels non biologiques ont été enregistrés sur les ossements (tabl. 4). Malgré la multiplication des approches expérimentales et/ou actualistes sur les modifications naturelles des ossements (par exemple Miller 1975 ; Behrensmeyer 1978 ; Andrews et Cook 1985 ; Morel 1986 ; Shipman et Rose 1988 ; Guadelli et Ozouf 1994 ; Andrews 1995), le lien entre la trace et l’agent à son origine reste ténu : des agents taphonomiques différents peuvent créer des marques de morphologie semblable. A El Horno où les traces naturelles représentent une faible part des modifications osseuses, il est particulièrement difficile d’aller au-delà d’un simple inventaire. Les traces de desquamation et les fissures longitudinales pourraient être liées à l’action des agents atmosphériques sur les ossements. Un faible degré de « weathering » est généralement considéré comme le signe d’un enfouissement relativement rapide des ossements (Behrensmeyer 1978). Des études actualistes ont montré qu’en milieu tempéré les altérations de surface sont beaucoup plus lentes qu’en milieu aride (Andrews et Cook 1985 ; Andrews et Armour- Chelu 1998). En grotte, les ossements sont également moins soumis aux agents atmosphériques. Dans ces conditions, les restes osseux récoltés à El Horno ont pu rester en surface quelques années avant leur enfouissement sans que, pour autant, ne se développent d’intenses altérations. Un certain nombre de traces relevées sur les ossements sont liées aux circulations d’eau (concrétionnement, dissolution, corrosion) qui, dans l’ensemble, ont peu modifié les ensembles osseux. La répartition spatiale des vestiges semble responsable de l’abondance des traces de dissolution relevées sur les ossements de la couche 2 (tabl. 4). En effet, si l’on ne prend en compte que le carré N32, cette fréquence est alors comparable à celle du niveau 1 (tabl. 5). Le processus taphonomique le plus fréquemment relevé sur les vestiges osseux est l’abrasion en particulier au sein de la couche 2 où près de la moitié des pièces présente des traces d’émoussé. Bien que les stigmates d’abrasion soient plus abondants dans le secteur M/ N33 que dans le carré N32, la couche 2 dans son ensemble a livré des ossements plus fréquemment émoussés que les deux autres niveaux étudiés. Cette abrasion qui se limite au pourtour des vestiges reste somme toute relativement peu intense, suggérant les déplacements limités des pièces osseuses dans le sédiment. Cette hypothèse est confirmée par plusieurs remontages (restitutions articulaires et remontages d’os fracturés frais) réalisés au sein d’un même sous-carré (N32b et N32d).

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Tableau 5 – Comparaison de la fréquence d’os présentant des traces d’abrasion et de dissolution dans les carrés M/N33 et N32. Table 5 – Relative frequency of bone with abrasion and dissolution in squares M/N33 and N32. Tabla 5 – Comparación de la frecuencia de restos óseos afectados por abrasión y disolución en los cuadros M/N33 y N32.

M/N33 (c.2base) N32 (c.2)

Dissolution 16,4 8,2

Abrasion 45,6 33,2

25 L’intense fragmentation des ossements peut être possiblement liée à des phénomènes post-dépositionnels en relation notamment avec la compaction des sédiments (Klein et Cruz-Uribe 1984). Afin de quantifier cette destruction potentielle, le completeness index a été calculé sur les carpiens dans leur ensemble, les calcanéums, les talus et le reste des tarsiens. Une première remarque s’impose, quel que soit le niveau considéré, les carpiens et tarsiens, à l’exception du calcanéum, sont majoritairement complets (tabl. 6). Pour le calcul de l’indice, certaines pièces incomplètes ont été écartées. C’est le cas notamment des vestiges carbonisés dont la fragmentation peut être liée aux processus taphonomiques de la combustion (Théry-Parisot et al. 2004 ; Costamagno et al. 2005), des os avec des traces de percussion ainsi que des pièces dont la surface de fracture présente une légère combustion montrant que la fragmentation est intervenue avant l’enfouissement. De manière générale, les indices sont faibles, indiquant une fragmentation post-dépositionnelle limitée qui, d’après nos observations, pourrait même être plus restreinte que cela (tabl. 6). En effet, ces os, exception faite du calcanéum, montrent pour la plupart des bords de fracture rectilignes qui sont caractéristiques des formes de cassure obtenues lors de la fracturation anthropique de carpiens et de tarsiens (Costamagno et al. 1999). L’intense fragmentation des calcanéums pourrait également résulter de l’exploitation de la moelle plutôt que de l’action de processus post-dépositionnels : certaines pièces exclues pour le calcul de l’indice présentent en effet des points de percussion. Le faible impact des processus post-dépositionnels sur la fragmentation des ossements semble être confirmé par les sésamoïdes. En effet, d’après leur morphologie, le completeness index devrait être proche de celui des carpiens, or l’ensemble des sésamoïdes récoltés à El Horno est complet. Un autre argument en faveur de cette hypothèse est la rareté des fragments diaphysaires d’os longs témoignant d’une fragmentation sur os sec (tabl. 7). Au contraire, près de deux tiers des bords d’os longs présentent des fractures spirales d’aspect lisse caractéristiques d’une fragmentation sur os frais (Villa et Mahieu 1991).

Tableau 6 – Pourcentage de carpiens et tarsiens complets et completeness index dans les niveaux 1 et 2. Table 6 – Percent whole and completeness index for carpals and tarsals in levels 1 and 2. Tabla 6 – Porcentaje de huesos carpianos y del tarso completos y completeness index en los niveles 1 y 2.

Niveau 1 Niveau 2

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NISP % os Completeness NISP % os Completeness complet index complet index

Carpiens 9 55,6 0,8 12 75,0 1

Calcanéums 5 0 0,2 7 50,0 0,5

Talus 1 100 1 6 71,4 0,6

Autres 8 83,3 1 5 100 1 tarsiens

Tableau 7 – Type de fragmentation. Table 7 – Type of fracturation. Tabla 7 – Tipo de fractura.

Niveau 1 Niveau 2

Frais 63,9 66,5

Feu 3,5 2,3

Sec 7,4 9,0

Récent 3,9 8,1

Indet. 21,3 14,2

Composition taxonomique

26 Bien que quelques restes de poissons (travaux O. Le Gall) et d’oiseaux (travaux V. Laroulandie) aient été récoltés, les assemblages osseux apparaissent largement dominés par les restes de grands mammifères. Au sein de ces derniers, le Bouquetin constitue l’espèce prépondérante suivie par le Cerf (tabl. 3). Les autres taxons documentés (Léporidés, Cheval, Carnivores, etc) n’ont livré qu’un très faible nombre de restes osseux quelle que soit la couche considérée. La comparaison de l’ordre des rangs des différents taxons de grands mammifères indique une corrélation hautement

significative entre les niveaux 1 et 2 (rs=0,927). La richesse taxonomique plus faible de la couche 1 pourrait être liée à la faible taille de l’échantillon récolté (Grayson 1984). Les indices de Simpson relativement faibles (respectivement de 1,321 et 1,501 dans les couches 1 et 2) sont caractéristiques de spectres fauniques peu diversifiés.

Âge des animaux abattus et sex-ratio

27 En raison d’effectifs limités (tabl. 3), seules quelques remarques peuvent être formulées.

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28 Dans le niveau 1, les restes récoltés proviennent de deux cerfs : un jeune et un adulte. La crache perforée attribuée selon la méthode de F. d’Errico et M. Vanhaeren (2002) à une biche d’environ 4 ans (Vanhaeren et al. 2005) pourrait provenir de ce dernier individu. Pour le Bouquetin, quatre individus sont documentés : trois adultes et un jeune de moins de deux ans. Dans le niveau 2, le Cerf est représenté par quatre individus dont deux jeunes entre 9 et 10 mois. D’après les hauteurs de couronne, un jeune adulte est également présent dans ce niveau ainsi qu’un vieil individu. L’incisive usée utilisée comme support de pendeloque pourrait provenir de cet animal tandis que les deux craches perforées pourraient appartenir au jeune adulte (Vanhaeren et al. 2005). Pour le Bouquetin, douze carcasses ont été décomptées (tabl. 8). Les animaux abattus sont majoritairement des individus adultes dans la force de l’âge (NMI=7). Quatre animaux immatures ont également été identifiés ainsi qu’un vieil individu.

Tableau 8 - Nombre de bouquetins par classe d’âge dans la couche 2. Table 8 - Number of Ibex by age classes in level 2. Tabla 8 - Número de cabras por clases de edad en el nivel 2.

Classe d'âge MNI

7-9 mois 1

18-22 mois 3

>22 mois 8

Tableau 9 – % MAU des éléments osseux ou portions squelettiques de Cerf et de Bouquetin dans la couche 1. Table 9 – % MAU of skeletal elements of Red deer and Ibex in level 1. Tabla 9 – % MAU de elementos óseos o porciones esqueléticas de ciervo y cabra en el nivel 1.

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Tableau 10 – % MAU des éléments osseux ou portions squelettiques de Cerf et de Bouquetin dans la couche 2. Table 10 – % MAU of skeletal elements of Red deer and Ibex in level 2. Tabla 10 – % MAU de elementos óseos o porciones esqueléticas de ciervo y cabra en el nivel 2.

29 Les données sur le sexe des animaux abattus sont encore plus restreintes que celles relatives à leur âge. A la faiblesse des échantillons analysés viennent s’ajouter la rareté des extrémités articulaires d’os longs et leur forte fragmentation qui empêchent toute étude ostéométrique détaillée. Pour le Cerf, aucune donnée n’est disponible. En revanche, pour le Bouquetin, d’après la taille des carpiens et des tarsiens, mâles et femelles semblent avoir été abattus par les Magdaléniens de El Horno.

Saison d’abattage

30 Les données relatives aux saisons d’abattage sont également très sporadiques. Dans le niveau 2, que ce soit pour le Bouquetin ou le Cerf, le degré d’usure des dents déciduales semble indiquer des périodes d’abattage relativement limitées dans le temps. Pour le Bouquetin, les individus tués dans leur première année ont entre 7 et 9 mois tandis que ceux abattus au cours de leur deuxième année sont âgés de 18 à 22 mois. Ces animaux ont donc été tués durant la même période de l’année. Les naissances se déroulant généralement de la fin du mois de mai au début du mois de juin (Couturier 1962), la chasse au Bouquetin devait donc se dérouler de janvier à avril, c’est-à-dire au cours de la mauvaise saison et au tout début de la bonne. Pour le Cerf, deux individus immatures ont entre 9 et 10 mois, ce qui indique que des chasses ont également été menées au début du printemps. La présence d’os de fœtus (non déterminés d’un point de vue taxonomique) semble confirmer cette attribution saisonnière (Vigal et Fandos 1989).

Profils squelettiques

31 L’étude des profils squelettiques permet d’évaluer les stratégies de transport des carcasses mises en œuvre par les chasseurs après abattage du gibier. Cependant comme l’ont montré de nombreux auteurs (Brain 1976 ; Grayson 1989 ; Lyman 1991 ; Marean et

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Frey 1997 ; Bartram et Marean 1999 ; Ioannidou 2003 ; Costamagno 2004b), la représentation différentielle des éléments squelettiques est tributaire de nombreux autres processus taphonomiques (agents d’accumulation autres que l’Homme, destruction différentielle, méthodes de fouille et d’études) dont il est important d’évaluer l’impact avant de conclure à un transport différentiel des carcasses par les hommes.

Figure 5 – Nombre minimal d’os longs provenant du niveau 2 par portion squelettique. Figure 5 – Minimum animal units of limb bones in level 2. Figura 5 – Número mínimo de huesos largos procedentes del nivel 2 por porción esquelética.

a- Cerf, b- Bouquetin a- Red deer, b- Ibex a- Ciervo, b- Cabra

Tableau 11 – Nombre de fragments de vertèbres, de côtes et de tissu spongieux dans les niveaux 1 et 2. Table 11 – Number of vertebrae, ribs and cancellous fragments in levels 1 and 2. Tabla 11 – Número de fragmentos de vértebra, de costilla y de tejido esponjoso en los niveles 1 y 2.

Couche 1 Couche 2

Cerf + Taxon non Cerf + Taxon non Bouquetin identifié Bouquetin identifié

Vertèbres 28 111 117 103

Côtes 12 717 17 609

Restes spongieux – 686 – 534 indéterminés

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Tableau 12 – % MAU des côtes en fonction du taux de fragmentation retenu. Table 12 – % MAU of ribs according to the intensity of fragmentation. Tabla 12 – % MAU de costillas en función de la tasa de fragmentación deducida.

N fragments Couche 1 Couche 2

NME côtes NMI %MAU NME côtes NMI %MAU

8 91,1 3,5 87,6 78,3 3,0 37,6

16 45,6 1,8 43,8 39,1 1,5 18,8

30 24,3 0,9 23,4 20,9 0,8 10,0

32 Que ce soit pour le Cerf ou le Bouquetin, on observe une nette sous-représentation des éléments squelettiques de faible densité : vertèbres, carpiens et tarsiens (tabl. 9 et 10). L’action limitée des processus taphonomiques non anthropiques ainsi que la bonne conservation des ossements plaident en faveur d’une attaque chimique ou mécanique naturelle réduite, excluant de fait un problème de conservation de ces parties squelettiques.

33 En étudiant plus particulièrement les os longs, les portions spongieuses des extrémités articulaires apparaissent en net déficit par rapport aux portions diaphysaires (fig. 5). Dans ce cas précis, les portions absentes et les portions bien représentées provenant d’éléments squelettiques identiques, il est difficile d’envisager une introduction différentielle de ces segments. Une intense fragmentation d’origine anthropique qui rendrait difficile la détermination de ces pièces apparaît donc comme l’hypothèse la plus probable. Si l’on admet que des processus similaires ont agi sur l’ensemble des os du squelette, la sous-représentation du squelette axial post-crânien et des os courts pourrait être liée à ce facteur.

34 Pour les ossements des massifs carpiens et tarsiens, cette hypothèse est confirmée. En effet, ces os légers et peu encombrants ont peu de chance d’être entièrement désarticulés sur le site de boucherie initiale. Si une désarticulation s’opère, ces massifs vont rester liés soit à l’os long proximal (radius ou tibia) soit à l’os long distal (métacarpe ou métatarse). Donc, théoriquement, l’abondance de ces os compacts doit être proche de celle au moins d’un os adjacent. Comme on peut le voir dans les tableaux 9 et 10, l’abondance des carpiens et des tarsiens est nettement plus faible que celle des os mitoyens, impliquant de fait une fracturation différentielle de ces ossements.

35 Pour le squelette axial post-crânien, il est plus difficile de trancher. La prise en compte des fragments de vertèbres taxonomiquement indéterminés augmente le nombre de restes qui passe respectivement dans les niveaux 1 et 2 de 28 à 139 et de 117 à 220 (tabl. 11). Il est probable qu’une partie des fragments spongieux non identifiés anatomiquement soient des vertèbres. Ainsi, si l’on considère que tous ces fragments sont des restes de vertèbres, on aboutit à, respectivement, 825 et 754 pièces. En considérant une moyenne de dix fragments 3 par vertèbre, il est possible à partir des MNI de Cerf et de Bouquetin de connaître le nombre minimum d’individus représenté par ces fragments de vertèbres. Ces vestiges pourraient représenter 3,1 individus contre 4 décomptés dans le niveau 1 et 2,8 individus contre 8 décomptés dans le niveau 2 ce qui implique des %MAU respectivement de 77,5 % et de 35 %. En ce qui concerne les

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côtes, la prise en compte des restes non identifiés taxonomiquement augmente de manière significative le nombre de leurs fragments. En procédant de la même façon qu’avec les vertèbres, il est possible de se faire une idée du %MAU des côtes. En fonction du degré de fragmentation retenu, ce pourcentage varie de 87,6 à 23,4 % dans le niveau 1 et de 37,6 à 10 % dans le niveau 2 (tabl. 12). En tenant compte des pièces indéterminées, la représentation des côtes et des vertèbres augmente plus significativement dans le niveau 1 que dans le niveau 2, montrant que le taux de fragmentation (et donc la facilité d’identification) joue un rôle non négligeable dans la sous-représentation du squelette axial post-crânien de la couche 1. Pour autant, il ne permet pas d’expliquer la totalité des déficits mis en évidence. Dans les deux niveaux, le transport pourrait être en partie responsable de la sous-représentation de ces segments squelettiques.

36 En résumé, les carcasses de Cerf ou de Bouquetin semblent avoir été introduites, dans la majorité des cas, sous forme de quartiers. Les membres ont été préférentiellement transportés sur le site. Dans le niveau 1, les plats de côtes étaient également introduits sur le gisement tandis que les colonnes vertébrales étaient plus souvent abandonnées sur le site d’abattage. Dans le niveau 2, c’est le tronc dans son ensemble qui semble fréquemment avoir été délaissé par les Magdaléniens.

37 Enfin, pour les autres espèces, peu de données sont disponibles. Dans la couche 1, un crâne et un fémur de Cheval ont au moins été introduits sur le site ; dans le niveau 2, seuls des éléments crâniens sont relevés. C’est le cas également des Léporidés qui sont représentés essentiellement par des fragments crâniens dans la couche 2 alors que vertèbres et os longs sont présents dans le niveau 1. Pour le Chamois et le Chevreuil, quelques restes dentaires et des os des extrémités des pattes sont les seules pièces identifiées.

Modifications anthropiques des ossements

38 Les traces anthropiques présentes sur les ossements permettent de reconstituer les schémas d’exploitation des carcasses et par conséquent d’identifier les ressources recherchées par les groupes humains. On peut distinguer deux grandes phases d’exploitation, d’une part la boucherie qui permet de segmenter et modifier les carcasses animales en pièces consommables (Lyman 1987) et d’autre part, la cuisson et la consommation des aliments. Les stries de boucherie tout comme les traces de percussion ou les traces de feu peuvent théoriquement nous renseigner sur les pratiques bouchères et culinaires. Cependant, bien que ces dernières influent largement sur l’ensemble de la chaîne opératoire d’exploitation des carcasses, peu d’études ont directement porté sur cette seconde phase (Bunn et al. 1988 ; Gifford- Gonzalez 1989, 1993 ; Oliver 1993 ; Montón Subías 2002).

Stries de boucherie

39 Des traces de boucherie sont présentes sur 35 % des restes observables du niveau 1 et 39 % de ceux du niveau 2 (pl. 1 a à e). A l’exception du Sanglier dont le seul reste identifié ne porte pas de stries anthropiques, l’ensemble des taxons présents montre des traces de découpe. Dans la couche 1, la présence de stries sur un fragment diaphysaire de fémur de Cheval atteste le décharnement de cet os tandis que les stries

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relevées sur un os hyoïde indique le prélèvement de la langue. Dans la couche 2, les traces identifiées sur la branche horizontale d’une mandibule d’Equidé pourraient être le signe de l’écorchement du crâne. Dans ce niveau, les stries transverses relevées sur un métatarse de Chevreuil et un métacarpe de Chamois semblent relatives à des activités de dépouillement. Les traces mises en évidence sur les restes de Léporidés de la couche 2 pourraient indiquer le décharnement des carcasses. En raison du nombre limité de restes et de la surface fouillée, ces hypothèses sont cependant à prendre avec précaution.

40 En ce qui concerne les deux espèces les plus abondantes, des analyses tant qualitatives que quantitatives peuvent être menées. Dans le niveau 1, les restes de Cerf portent plus fréquemment des traces de boucherie que les restes de Bouquetin alors que, dans la couche 2, les proportions sont similaires (tabl. 13).

Tableau 13 - Fréquence relative des stries de boucherie sur les os de Bouquetin et de Cerf dans les niveaux 1 et 2. Table 13 - Relative frequency of cutmarks in levels 1 and 2. Tabla 13 - Frecuencia relativa de las marcas de corte sobre los huesos de cabra y de ciervo en los niveles 1 y 2.

Couche 1 Couche 2

cutNISP NISPo %cutNISP/NISPo cutNISP NISPo %cutNISP/NISPo

Bouquetin 77 229 33,6 199 527 37,8

Cerf 16 36 44,4 59 144 41,0

41 Il est difficile de reconstituer les séquences de désarticulation en raison notamment de la sous-représentation des extrémités articulaires d’os longs. Quoi qu’il en soit, des traces de désarticulation au niveau des vertèbres atteste d’une segmentation de la colonne vertébrale. Dans la couche 1, des stries sur la tubérosité du radius indique la désarticulation des coudes sur au moins une des trois carcasses de bouquetins. Pour le Bouquetin, dans ce niveau, les autres stries de désarticulation n’ont été observées qu’au niveau des extrémités des pattes. Ces traces relevées à différents niveaux (tarsiens, métatarsiens, premières, deuxièmes et troisièmes phalanges) indiquent soit des techniques bouchères différentes selon les carcasses, soit une désarticulation de chaque ossement des extrémités. Des stries de désarticulation dans le niveau 1 n’ont été observées que sur deux restes de cerfs : une première phalange et une vertèbre cervicale. L’absence d’extrémités articulaires d’os longs de cerfs (un seul fragment d’extrémité distale de tibia a été identifié) interdit toute analyse des séquences de désarticulation. Dans le niveau 2, la même remarque s’impose. En effet, si la présence de traces au niveau de l’acetabulum d’un os coxal et de l’extrémité distale d’un tibia de Cerf atteste respectivement d’une désarticulation de la hanche et de la cheville, l’absence d’extrémité des os longs supérieurs des membres antérieurs ne permet pas de savoir si ces derniers étaient désarticulés au niveau de l’épaule et/ou du coude. Pour le Bouquetin, en dehors de la désarticulation des extrémités des pattes, les stries relevées ne documentent que la désarticulation du coude et de l’omoplate.

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42 Les stries de découpe sont essentiellement présentes sur les os des ceintures et les portions diaphysaires des os longs (tabl. 14). Les os longs des parties charnues portent, de manière générale, plus fréquemment des stries que les métapodes (tabl. 15). Les stries relevées sur ces derniers pourraient être liées au prélèvement de tendons ou bien encore au nettoyage de l’os en vue de sa fracturation ou de la confection d’outillage osseux. Sur les os longs des membres supérieurs, l’hypothèse de stries en relation avec le décharnement des éléments squelettiques semble confirmée par l’intensité des stries de découpe. Par ailleurs, si l’on examine plus particulièrement les os longs des parties charnues, il apparaît une nette dichotomie entre le fémur et les autres ossements (humérus, radius et tibia), le premier étant plus intensément strié (tabl. 15).

Tableau 14 - Fréquence relative des stries en fonction des segments squelettiques dans les niveaux 1 et 2. Table 14 - Relative frequency of cutmarks by skeletal segments in levels 1 and 2. Tabla 14 - Frecuencia relativa de las marcas de corte por partes esqueléticas en los niveles 1 y 2.

I : crâne, II: vertèbres, III : côtes, IV : os des ceintures, V : os longs charnus, VI : os longs dépourvus de chair, VII : os courts I : skull, II: vertebra, III : ribs, IV : pelvis and scapula, V : upper long bones, VI : lower long bones, VII : compact bones I: cráneos, II: vértebras, III: costillas, IV: huesos de la cintura (pelvis y escápula), V: huesos largos ricos en carne, VI: huesos largos pobres en carne, VII: huesos cortos

Tableau 15 - Intensité des stries de boucherie pour le Cerf et le Bouquetin dans les couches 1 et 2. Table 15 - Cutmarks intensity for Red deer and Ibex in level 1 and 2. Tabla 15 - Intensidad de las marcas de corte en los restos de ciervo y de cabra de los niveles 1 y 2.

V : os longs charnus, VI : os longs dépourvus de chair V : upper long bones, VI : lower long bones V: huesos largos ricos en carne, VI: huesos largos pobres en carne

Fracturation des ossements et traces de percussion

43 Les ensembles osseux de El Horno sont intensément fragmentés. Tous les os longs en dehors d’os de fœtus sont présents sous forme de fragments. Cette fragmentation est liée majoritairement aux activités humaines comme le montrent la forme des bords de

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fracture (cf. supra) et les traces de percussion présentes sur près de 28 % des restes d’os longs des niveaux 1 et 2 (pl. 1 f à h). De telles pratiques attestent d’une exploitation de la moelle osseuse par les groupes magdaléniens de El Horno. Des points d’impact relevés sur des fragments mandibulaires indiquent que cette graisse était particulièrement recherchée. Les premières et deuxièmes phalanges qui contiennent pourtant une faible quantité de moelle ont également fait l’objet d’une exploitation quasi-exhaustive (tabl. 16 et pl. 1i). Comme nous l’avons montré précédemment, la fragmentation d’origine post-dépositionnelle est limitée. La fracturation des ossements pourrait donc, en grande partie, être liée aux techniques de boucherie utilisées par les groupes humains ayant occupé El Horno. La présence de traces de percussion sur des fragments de vertèbres, de carpiens et de tarsiens confirme cette hypothèse.

Tableau 16 – Pourcentage de phalanges complètes dans les couches 1 et 2 et impacts de percussion. Table 16 – Percent whole of phalanges in levels 1 and 2. Tabla 16 – Porcentaje de falanges completas en los niveles 1 y 2 y de impactos por percusión.

Niveau 1 Niveau 2

% os complets % impactNISP/NISP % os complets % impactNISP/NISP

Phalange 1 0 15,6 1,9 28,8

Phalange 2 4,3 34,8 15,6 25

Traces de combustion

44 Dans les deux niveaux, les traces de combustion sont particulièrement abondantes : 71,1 % des restes sont brûlés dans la couche 1 et 44,6 % dans la couche 2. La plupart de ces pièces (95 %) présente des traces de combustion très ponctuelles qui se caractérisent par des auréoles de couleur brune (pl. 1 j à l). Les dents sont nettement moins affectées par le phénomène que les restes osseux, indiquant, de fait, que ces brûlures ne sont pas toutes accidentelles mais sont liées, pour certaines, à des activités humaines précises (tabl. 17).

Tableau 17 - Fréquence relative d’os et de dents portant des traces de combustion dans les couches 1 et 2. Table 17 - Relative frequency of burned bones and teeth in levels 1 and 2. Tabla 17 - Frecuencia relativa de huesos y dientes afectados por fuego en los niveles 1 y 2.

Ossements Dents

Restes brûlés Total % Restes brûlés Total %

Niveau 1 211 289 71,1 1 14 7,1

Niveau 2 373 744 50,1 14 124 11,3

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45 La faible intensité de combustion exclut une utilisation de l’os comme combustible (Costamagno 1999 ; Villa et al. 2002). Les traces de feu peuvent donc être mises en relation avec des pratiques culinaires telles le rôtissage de la viande. La présence de traces de combustion sur la majorité des os des extrémités des pattes -os dépourvus de viande donc plus aptes à porter des stigmates de cuisson- semble indiquer que ce type de cuisson était largement usité par les Magdaléniens de El Horno (Vigne et Marinval 1983). Pour autant, la totalité des brûlures ne peut être imputée au rôtissage. En effet, de nombreux fragments présentent des signes de combustion à des emplacements comportant une grande quantité de viande donc peu susceptibles de porter ce type de traces. Certains ossements pourraient donc avoir été déposés une fois décharnés à proximité du foyer. Les raisons sous-tendant cette pratique sont dans l’état actuel des connaissances difficiles à mettre en évidence en raison de la rareté des études sur le sujet. La moelle en se réchauffant se liquéfie ce qui pourrait faciliter sa libération lors de la fragmentation des ossements. Outre l’aspect pratique, on peut également imaginer des raisons gustatives à ce choix. La présence de brûlures à l’intérieur de la cavité médullaire de quelques fragments montre que ces pièces étaient déjà fracturées avant leur dépôt dans le foyer, excluant, dans ces cas précis, des raisons pratiques et favorisant l’hypothèse d’un réchauffement des fragments osseux en vue d’une consommation de la graisse résiduelle attenant aux surfaces osseuses.

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Planche 1 Plate 1 Lámina 1

a à e – stries de boucherie ; f à h – traces de percussion ; i – deuxièmes phalanges fracturées ; j – talus avec traces de combustion ponctuelles ; k et l – troisièmes phalanges avec traces de combustion sur la face plantaire (le trait blanc représente 1 cm). a à e – cut marks; f à h – percussion marks; i – fragmented second phalanges; j – schorched astragalus; k et l – third phalanges with burning surfaces (the white line equal to 1cm). a-e – marcas de corte; f-h –huellas de percusión; i – segundas falanges fracturadas; j – astrágalo con huellas puntuales de combustión; k y l – terceras falanges afectadas por fuego en la cara plantar (la linea blanca representa 1 cm).

Discussion

46 La discussion est menée selon deux échelles distinctes. L’échelle macrorégionale permet d’évaluer l’intégration du site au sein des modèles de subsistance proposés pour le Magdalénien de la corniche cantabrique. Des comparaisons plus précises sur les gisements du Magdalénien supérieur/final du centre de la Région cantabrique autorisent une discussion sur une éventuelle complémentarité de certains de ces sites au sein d’un territoire relativement restreint.

Stratégies de chasse et exploitation des carcasses

47 Dans les deux niveaux, la présence de traces anthropiques sur l’ensemble des taxons identifiés et la rareté des traces de carnivores montrent que les accumulations osseuses sont d’origine humaine. Les espèces exploitées par les Magdaléniens sont comparables d’une couche à l’autre. En effet, l’augmentation de la richesse taxonomique observée du niveau 1 au niveau 2 est en relation avec la taille des échantillons (les taxons les plus faiblement représentés dans la couche 2 (Chevreuil et Sanglier) n’ont pas été identifiés

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dans la couche 1) et non avec un spectre de chasse plus diversifié. Dans les deux niveaux, la proie la plus fréquemment chassée est le Bouquetin suivi du Cerf, présent dans des proportions nettement moindres (tabl. 3).

48 Dans la corniche cantabrique, de nombreux gisements se caractérisent par des spectres fauniques comparables à ceux de El Horno. C’est le cas de Bolinkoba c.III (Castaños 1983), Ekain c.VI (Altuna et Mariezkurrena 1984), Ermittia c. magd. (Altuna 1972), Erralla c.V (Altuna et Mariezkurrena 1985), Piélago II c.6 (López Berges et Valle 1985) et Rascaño c.5-3 et 2 (Altuna 1981). A El Horno comme dans les autres gisements, l’abondance du Bouquetin est à mettre en relation avec l’environnement montagnard de ces grottes (Altuna et Mariezkurrena 1996). De manière générale, dans la région cantabrique, la plupart des sites magdaléniens se caractérise par une faible représentation du Chamois. Il est difficile de savoir si la rareté du Chamois, espèce qui affectionne pourtant des biotopes similaires à ceux du Bouquetin, est due à sa faible présence dans l’environnement local ou à un choix anthropique en faveur du Bouquetin (Altuna et Mariezkurrena 1996). Quelques gisements répartis sur toute la corniche [Aitzbitarte IV c. magd. (Altuna 1970), Las Caldas c.II (Corchón Rodríguez et Mateos Cachorro 2003), Erralla c.III-II (Altuna et Mariezkurrena 1985), Piélago II c.5 (López Berges et Valle 1985)] ont, cependant, livré plus d’un quart de restes provenant de cette espèce (Costamagno et Mateos Cachorro sous presse). Sa rareté dans les autres sites pourrait indiquer que ce taxon, bien que présent dans l’environnement, était souvent délaissé par les magdaléniens au profit du Bouquetin.

49 Au sein de la corniche cantabrique, la très faible diversité des spectres fauniques a conduit de nombreux auteurs à émettre l’hypothèse d’une véritable spécialisation de la chasse par les Magdaléniens de cette zone soit sur le Bouquetin pour les sites d’altitude (cf. supra), soit sur le Cerf dans les gisements de fonds de vallée ou de plaines [par exemple Juyo c.4 (Klein et Cruz-Uribe 1987) ; Paloma c.8, 6 et 4 (Castaños 1980) ; El Pendo c.II (Fuentes 1980) ; La Riera c.18-20 et 21-23 (Straus et al. 1981 ; Altuna 1986)] (e.g. Altuna 1990 ; Gonzalez-Sainz 1992 ; Straus 1992 ; Altuna et Mariezkurrena 1996 ; Straus 1996 ; Yravedra Sainz de los Terreros 2002). Nous ne reviendrons pas sur les discussions relatives à la notion de spécialisation de la chasse au Magdalénien (cf. Costamagno 2003, 2004a), mais il est clair que, comparativement aux sites magdaléniens du versant nord-pyrénéen, les spectres de chasse des gisements de la corniche vasco-cantabrique sont nettement spécialisés, en particulier dans les Asturies et la Cantabrie (Costamagno et Mateos Cachorro sous presse). Ainsi sur le versant nord, seul le site des Eglises montre une nette spécialisation sur le Bouquetin (Delpech et Le Gall 1983) alors qu’au niveau de la corniche cantabrique, une dizaine de gisements – El Horno compris – se caractérise par des cortèges fauniques largement dominés par ce gibier.

50 Le comportement des ongulés variant tout au long de l’année, la saison d’abattage peut donc avoir des répercussions non négligeables sur les stratégies de chasse mises en œuvre, sur le choix du recrutement des individus mais également sur le traitement et l’exploitation des carcasses. Dans les sites d’altitude de la zone cantabrique, les bouquetins semblent avoir été chassés durant la bonne saison [Erralla c.V (Altuna et Mariezkurrena 1985) ; Ekain c.VII et VI (Altuna et Mariezkurrena 1984)]. Ce qui ne paraît pas être le cas de El Horno qui se caractérise, pour la couche 2, par des chasses de fin d’hiver et de début de printemps. Au regard de la surface fouillée, ces hypothèses sont à prendre avec précaution mais il est intéressant de s’interroger sur les raisons

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d’un tel choix. Si les bouquetins comme les cerfs, sont dans leur plus mauvaise condition physique durant le printemps, c’est à cette saison, en revanche, que le Bouquetin occupe les zones les plus basses ; c’est également à cette période de l’année qu’il est le moins sauvage (Couturier 1962). Au printemps, la chasse au Bouquetin apparaît donc plus aisée qu’à d’autres périodes, ce qui pourrait expliquer d’une part, l’installation des Magdaléniens dans ce biotope propice à l’espèce et d’autre part, son exploitation privilégiée en cette saison. Quoi qu’il en soit, dans l’état actuel des données, les proies semblent avoir été chassées durant une période restreinte de l’année, attestant d’occupations de durée relativement courte comme c’est le cas à Erralla c.V (Altuna et Mariezkurrena 1985), Ekain c.VII et VI (Altuna et Mariezkurrena 1984), Paloma c.8 (Castaños 1980), Riera c.21-23 (Altuna 1986).

51 En dehors de la période de rut (automne), les hardes mixtes sont rares. La présence simultanée de mâles, de femelles et de chevreaux au sein des ensembles osseux de El Horno pourrait donc indiquer des chasses menées à la fois sur des hardes de mâles célibataires et des chevrées. Etant donné le degré de résolution des assemblages, il est difficile de savoir si ces différentes hardes étaient exploitées durant la même phase d’occupation, d’autant que des études éthologiques montrent que les bouquetins peuvent se réunir, au début du printemps, en hardes mixtes (Couturier 1962). Dans la couche 2, sur la base des restes dentaires et si l’on exclut des problèmes de conservation différentielle (Munson et Garniewicz 2003 , Guadelli et Ozouf à paraître), les bouquetins adultes semblent avoir été préférentiellement chassés. Un comportement identique a été observé à Rascaño c.5-3 (Altuna 1981), Ermittia c. Magd. (Altuna 1972) et Ekain c.VI (Altuna et Mariezkurrena 1984). En choisissant des bouquetins adultes, les groupes humains ont donc sélectionné les animaux les plus rentables d’un point de vue nutritif. La présence de mâles qui, au sortir de l’hiver, sont dans des conditions physiques nettement moindres que les femelles indique que cette logique de rentabilité n’a pas été poursuivie jusqu’à son extrême puisque des femelles dans la force de l’âge auraient dû alors être préférentiellement exploitées. Selon le principe d’optimisation (Winterhalder 1981), les bouquetins mâles devaient donc être suffisamment rentables par rapport aux autres individus disponibles pour avoir fait l’objet d’une exploitation.

52 En ce qui concerne le transport des carcasses de Bouquetin et de Cerf, les résultats sont également à prendre avec précaution en raison du volume limité de fouille. La rareté des éléments squelettiques de faible densité pourrait être mise en relation avec leur introduction et/ou leur fragmentation différentielles. Ainsi, la sous-représentation des carpiens et des tarsiens serait due à un traitement anthropique. En revanche, si le manque de vertèbres ou de côtes est, en partie, imputable à leur intense fragmentation, l’abandon de squelettes axiaux sur les sites d’abattage est probablement le facteur clé dans cette sous-représentation. La rareté des bois de Cerf est également à signaler. Les carcasses de Bouquetin et de Cerf semblent donc avoir été introduites sous forme de quartiers sur le site après boucherie initiale (Lyman 1987) au niveau du site d’abattage ou à proximité. L’abondance des os longs des membres indique une sélection préférentielle de ces unités. Comment peut-on expliquer ces choix ? A la fin de l’hiver et au début du printemps, les animaux sont dans leur plus mauvaise condition physique : leur viande est particulièrement maigre et les os des extrémités des pattes (métapodes et phalanges) ainsi que les mandibules restent les seuls éléments squelettiques à contenir une quantité non négligeable de graisse (Speth 1983 ; Speth et Spielmann 1983). Sur la base de contingences purement nutritives, la mobilisation de la

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graisse est probablement responsable de l’abandon du squelette axial post-crânien. En effet, plus de viande maigre est ingérée, plus les besoins en graisse sont accrus (Speth 1983). Or, la séquence de mobilisation de la graisse débute par la graisse du dos (Sinclair et Duncan 1972). D’après cette même séquence, on explique mal l’abandon, sur le site d’abattage, d’une partie des phalanges qui sont parmi les derniers éléments à perdre leur réserve. La moelle des phalanges pourrait avoir été consommée sur le site de boucherie initiale par les chasseurs, expliquant, de fait, leur abandon. Des études ethnologiques sur les Hadzas (Bunn et al. 1988) et les Kuas (Bartram 1993) documentent de telles pratiques chez les chasseurs-cueilleurs actuels. Une seconde hypothèse qui ne relève pas de contingences nutritives est envisageable : les phalanges restant souvent incluses à la peau (Binford 1981 ; Bunn et al. 1988), l’absence de ces éléments pourrait indiquer que les peaux de cerfs et de bouquetins étaient tannées sur le site de El Horno puis transportées d’un camp à l’autre. Des études tracéologiques sur l’outillage lithique pourraient permettre de tester cette hypothèse, les stries relevant du dépouillage étant particulièrement difficile à mettre en évidence sur les ossements.

53 Le traitement des carcasses est également tributaire de la condition physique des proies abattues. Ainsi, à El Horno, si l’abondance des traces de décarnisation atteste du désossement des parties charnues, en revanche, la saison de chasse permet d’exclure l’hypothèse d’un stockage de la viande trop maigre à cette époque pour permettre la constitution de réserves. Le décharnement des os longs est donc à mettre en relation avec l’exploitation de la moelle. Outre la fracturation systématique des os longs, les besoins accrus en graisse durant cette saison pourraient expliquer la fracturation quasi-systématique de premières et deuxièmes phalanges ramenées au campement. Cette hypothèse est, cependant, à prendre avec précautions puisque, quelle que soit la saison considérée et, par conséquent, quelle que soit la condition physique des animaux abattus, l’exploitation de la graisse contenue dans les phalanges apparaît comme une constante au Magdalénien (Mateos Cachorro 1999a, 2005 ; Costamagno 2003). Cette pratique est d’ailleurs signalée dans de nombreux sites de la zone cantabrique [par exempleEkain c.VII et VI (Altuna et Mariezkurrena 1984) ; Erralla c.V (Altuna et Mariezkurrena 1985) ; La Riera c.18-20 et 21-23 (Altuna 1986) ; Las Caldas c.XII et VIII (Mateos Cachorro 1999b, 2000/2001)]. La rareté des extrémités d’os longs et des carpiens/tarsiens ainsi que des indices de fracturation sur certains de ces éléments sont des arguments forts en faveur de la confection de bouillon pour l’obtention de la graisse contenue dans les portions spongieuses (Delpech et Rigaud 1974 ; Vehik 1977 ; Binford 1981 ; Outram, 2001 ; Church et Lyman 2003). Seuls quelques sites documentent ce geste boucher : La Riera (Straus et al. 1981) et Las Caldas c.VIII (Mateos Cachorro 2005). Enfin, le rôtissage de la viande de même que le chauffage des os longs à proximité des foyers pour des raisons culinaires et éventuellement techniques sont avérés.

54 En résumé, les carcasses ont donc été exploitées d’un point de vue essentiellement alimentaire. D’après les données disponibles, les seules sources non alimentaires utilisées par les Magdaléniens de El Horno pourraient avoir été la peau. En effet, la rareté des bois de cerf tout comme celle des déchets de fabrication de l’outillage osseux semblent indiquer que cette activité était peu pratiquée au niveau du gisement. A moins que, étant donné la surface fouillée, elle ne soit restreinte à une autre zone de la grotte.

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55 Par de nombreux aspects, les stratégies de chasse et les modalités de traitement des carcasses mises en évidence à El Horno s’inscrivent pleinement dans les modèles de subsistance proposés pour le Magdalénien cantabrique.

Comparaison avec des sites du Magdalénien supérieur-final du centre de la Région Cantabrique

56 Pour le Magdalénien supérieur-final du centre de la Région cantabrique, le nombre de gisements livrant des données sur les restes fauniques est relativement limité et ce d’autant plus que les données quantitatives sur les taxons présents ne sont pas toujours disponibles (tabl. 18 et fig. 1). Ainsi, sur les dix gisements répertoriés, seuls six (La Fragua, El Valle, El Pendo, Rascaño, Piélago II et Morín) fournissent une information. En outre, les analyses archéozoologiques étant le plus souvent très succinctes, les comparaisons sont de fait très limitées.

57 En ce qui concerne les taxons chassés, les espèces exploitées sont relativement similaires d’un site à l’autre : le Cerf est signalé sur la totalité des niveaux répertoriés, le Bouquetin et le Chamois sur les trois quarts ; les autres taxons (Cheval, Sanglier, Chevreuil et grands Bovidés), en dehors du Renne identifié dans la couche 2 de Morín, les niveaux 7 et 6 de El Castillo et la couche C de El Valle4, sont présents dans la moitié des couches environ. Ces cortèges fauniques ne diffèrent en rien de ceux documentés sur l’ensemble des Asturies et du Pays Basque (Costamagno et Mateos Cachorro sous presse).

Tableau 18 – Sites du Magdalénien supérieur-final pris en compte dans la discussion et références bibliographiques (les données archéozoologiques disponibles sont notées en noir). Table 18 – Upper-Late Magdalenian sites taking into account in the discussion and references (in black, zooarchaeological analysis available). Tabla 18 – Yacimientos del Magdaleniense superior-final considerados en la discusión y referencias bibliográficas (se indica en negro la información arqueozoológica disponible en cada caso).

58 Dans la zone considérée, trois types de spectres fauniques peuvent être mis en évidence : le premier est largement dominé par le Bouquetin, le deuxième par le Cerf, le troisième enfin dénote une exploitation plus équilibrée des ongulés (indice de Simpson > 1,6) (fig. 6). El Horno tout comme Rascaño appartiennent à la première catégorie de gisements. Par leur indice de diversité, ces sites ne se distinguent pas des ensembles osseux largement dominés par le Cerf mais, en revanche, les espèces secondaires chassées y apparaissent nettement moins nombreuses, la richesse taxonomique étant nettement plus faible sur les sites dominés par le Bouquetin que sur ceux dominés par le Cerf. Si les assemblages ayant livré des cortèges fauniques plus diversifiés (La Fragua, Piélago II) se caractérisent tous par la prépondérance du Bouquetin, les espèces complémentaires varient d’un ensemble à l’autre. Ainsi, dans la couche 4 de La Fragua, le Cerf offre, avec 35 % des restes, la majeure partie des ressources alimentaires non

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fournies par le Bouquetin (Marín Arroyo 2004a) ; dans la couche 5a de Piélago II, c’est le Chamois qui joue ce rôle tandis que dans les niveaux 6 et 5b de ce même gisement, Chamois et Cerf se partagent cette seconde place (Lopez-Berges et Valle 1985).

59 Comme à El Horno, une acquisition privilégiée des proies adultes ainsi que, pour les bouquetins, un abattage des mâles et des femelles sont documentées dans la plupart des gisements fournissant ce type d’informations (Rascaño, El Pendo, La Fragua), attestant de pratiques cynégétiques comparables sur l’ensemble de ces sites. El Valle se distingue de ces gisements puisque les mâles sub-adultes semblent avoir été préférentiellement abattus.

Figure 6 - Histogrammes de fréquence des espèces d’herbivores représentées dans les spectres fauniques de Cantabrie au Magdalénien supérieur-final et indice de Simpson correspondant. Figure 6 - Histograms of ungulate species in Upper-Late Magdalenian bone assemblages from the province of Cantabria and Simpson Index. Figura 6 - Histogramas de frecuencia de las especies de ungulados representadas en los espectros faunísticos de los yacimientos del Magdaleniense superior-final de Cantabria, e índice de Simpson correspondiente.

Hor1 : El Horno c.1 ; Hor2 : El horno c.2 ; Rasc-2 : Rascaño c.2 ; Mor-2 : Morín c.2 ; P-IIcd : El Pendo c.IIcd, P-IIab : El Pendo c.IIab, P-II : El Pendo c.II, V-CI : El Valle sondage C c.1 ; V-II7-8 : El Valle sondage GIC2/2, c.II7-8, Pié-6 : Piélago c.6 ; Pié-5b : Piélago c.5b ; Pié-5a : Piélago c.5b ; Frag-4 : La Fragua c.4 (cf. tabl. 18 pour les références bibliographiques). Hor1 : El Horno c.1 ; Hor2 : El Horno c.2 ; Rasc-2 : Rascaño c.2 ; Mor-2 : Morín c.2 ; P-IIcd : El Pendo c.IIcd, P- IIab : El Pendo c.IIab, P-II : El Pendo c.II, V-CI : El Valle sondeo C c.1 ; V-II7-8 : El Valle sondeo GIC2/2, c.II7-8, Pié-6 : Piélago c.6 ; Pié-5b : Piélago c.5b ; Pié-5a : Piélago c.5a ; Frag-4 : La Fragua c.4 (las referencias bibliográficas están recogidas en la tabla 18).

60 En ce qui concerne le transport et le traitement des carcasses d’ongulés, là-encore de nombreuses similarités se dégagent. A l’exception des carcasses de Bouquetin de la couche 4 de La Fragua et de Cerf de El Valle qui semblent avoir été introduites complètes, sur les autres gisements, les proies ont été transportées sous forme de portions, les crânes et les membres étant les parties préférentiellement introduites sur les sites (Rascaño, El Pendo). Cependant, en l’absence d’études taphonomiques détaillées sur ces gisements, cette hypothèse est à prendre avec précaution, la sous- représentation du squelette axial post-crânien pouvant être liée à un problème de conservation et non à un transport différentiel. La fracturation des ossements en relation avec l’exploitation de la moelle est systématique sur les gisements documentés même si, à El Pendo, l’intensité de la fragmentation apparaît plus faible que sur les

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autres gisements (Fuentes 1980). Comme à El Horno, l’exploitation de la moelle contenue dans les phalanges est signalée à Morín (Altuna 1971), El Valle (García- Gelabert et Costa Talavera 2004) et La Fragua (Marín Arroyo 2004a) ; les autres études ne fournissent pas cette information. L’hypothèse d’une utilisation de la graisse contenue dans les portions spongieuses n’est avancée que pour El Horno. Cependant, si à El Pendo elle est clairement rejetée, sur les autres gisements, aucune analyse ne fait référence à ce type d’activité. Dans la couche 2 de Morín, la sous-représentation des extrémités articulaires des os longs pourrait attester de cette pratique. Seule l’étude archéozoologique menée à La Fragua fournit des éléments de comparaison quant à la fréquence des stries de boucherie sur les carcasses qui apparaît nettement plus forte à El Horno que ce soit pour le Cerf ou le Bouquetin. Ces différences restent cependant difficiles à interpréter.

61 Enfin, en ce qui concerne les saisons de chasse, à El Horno, les bouquetins semblent avoir été abattus à la fin de l’hiver et au début du printemps tandis qu’à Rascaño ils ont été chassés à la fin du printemps (Altuna 1981), dénotant dans les deux cas des occupations ciblées dans l’année. A La Fragua, la chasse au Bouquetin semble s’être déroulée durant l’automne ; deux cerfs documentent également la période estivale. Dans l’état actuel des recherches, il est extrêmement délicat d’inférer un statut particulier à chacun de ces sites. Rascaño, selon J. Altuna (1981), pourrait être assimilé à un site spécialisé dans la chasse au Bouquetin. Mais comme l’ont souligné plusieurs chercheurs, il est difficile, sur la seule base de la spécialisation du spectre faunique et, dans une moindre mesure, de la durée d’occupation des sites, de conclure à des sites spécialisés de chasse sans avoir, au préalable, documenté, sur ces gisements, tous les autres aspects de la subsistance (acquisition des matières premières, fabrication de l’outillage, etc.) (Mateos et al. 2004 ; Costamagno et Mateos Cachorro sous presse).

62 Concernant notre objectif global qui est de générer un modèle de la dynamique de peuplement du bassin de la rivière Asón durant le Magdalénien supérieur-final (Fano sous presse a), le travail doit s’effectuer à deux échelles distinctes (échelle du gisement fouillé et échelle régionale), en raison notamment de la forte mobilité des sociétés de chasseurs-cueilleurs. Si nous disposons, dans le bassin de l’Asón, d’un nombre relativement important de gisements archéologiques renfermant des occupations du Magdalénien supérieur-final (Fano sous presse a, fig. 1), les données sont encore trop limitées pour proposer un véritable modèle. Selon A.B. Marín Arroyo (2004a, 2004b),La Fragua aurait été temporairement occupé par des groupes vivant à l’intérieur des terres venus s’installer provisoirement à proximité des côtes. La relation des groupes du Haut-Asón avec le milieu côtier semble d’ores et déjà certaine comme l’atteste, à El Horno, la présence de parure en coquillage marin (Turritella sp., Trivia sp.,etc.) (Vanhaeren et al. 2005). Ainsi, La Fragua, El Perro ou d’autres sites côtiers aujourd’hui submergés –produits de la transgression flandrienne– auraient pu être occupés par les mêmes groupes de chasseurs-cueilleurs qui, à d’autres périodes de l’année, auraient exploité les biotopes du Haut et Moyen-Asón. Il est en ce sens spécialement frappant d’observer comment les saisons d’abattage à La Fragua ou à El Horno paraissent complémentaires.

63 Afin de mieux appréhender les modes d’occupation du bassin de l’Asón, une analyse comparative poussée entre les différents gisements est nécessaire. Pour identifier les types d’activités réalisées sur les sites, elle doit s’occuper, en premier lieu, de la typologie, de la technologie et de la fonctionnalité de l’outillage lithique et osseux

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documenté dans les différents gisements. Le suivi des zones d’acquisition des matières premières est tout autant primordial. L’étude comparative des animaux chassés et des modalités d’exploitation des ressources alimentaires doit également être menée de même qu’une analyse comparative des matériaux particulièrement significatifs d’un point de vue culturel (pièces d’art mobilier et objets destinés à la parure personnelle). Enfin, le développement du modèle requiert un suivi des conditions d’habitabilité des gisements.En évaluant d’une manière objective les caractéristiques des espaces occupés, les hypothèses concernant le rôle joué par les différents gisements dans leur contexte régional s’avèreront ainsi plus pertinentes.

64 La poursuite des études pluridisciplinaires sur les sites récemment fouillés ou la reprise des analyses sur les sites plus anciennement découverts permettra de disposer, à moyen terme, d’une information archéologique de qualité à partir de laquelle il sera possible de développer, dans les termes signalés, un modèle sur la dynamique de peuplement du bassin de l’Asón pendant le Magdalénien supérieur-final.

Conclusion

65 L’étude de la faune fournit des informations importantes pour la reconnaissance de la nature des occupations magdaléniennes de El Horno. Le Bouquetin qui domine très nettement les spectres fauniques semble avoir été chassé durant une période restreinte de l’année (fin de l’hiver et début du printemps). Les profils squelettiques révèlent que le travail de boucherie initial a été effectué sur le lieu de chasse ou dans ses alentours, d’où ont été prélevés les membres afin d’être introduits sur le gisement. Les stries de boucherie et l’intense fragmentation des ossements indiquent une exploitation quasi- exhaustive des ressources alimentaires fournies par les parties squelettiques ramenées au campement. En revanche, tout paraît indiquer que les os ont été peu utilisés, tout au moins sur le site, pour l’élaboration de l’outillage osseux. Curieusement, deux des trois os gravés recueillis à la fouille correspondent à deux côtes droites de Cheval, un taxon très rare dans l’ensemble osseux de El Horno (<1 %) (Fano et al. 2005). Même si le bois de Cervidés semble avoir été davantage utilisé que l’os pour la confection d’outils, la rareté des restes de bois et le petit nombre de déchets de fabrication suggèrent que cette activité n’a pas non plus été très intense dans le gisement.

66 Les résultats de l’étude fonctionnelle de l’outillage lithique, actuellement en cours, permettront de compléter et/ou de nuancer quelques-unes des conclusions de l’étude archézoologique (travail de boucherie, traitement de la peau…) ; ils augmenteront probablement la liste des activités menées sur ou à partir du site. Selon les données déjà disponibles, une de ces activités semble avoir été la pêche en rivière comme le laissent supposer les harpons trouvés dans le niveau 2 et les restes de truites et de saumons identifiés par O. Le Gall dans son étude préliminaire. Déterminer les périodes de la capture des Salmonidés par les Magdaléniens de El Horno permettra probablement de mieux comprendre le rôle joué par ce site au sein de son contexte régional. Enfin, la faune d’origine marine récoltée sur le site met en évidence les liens plus ou moins intenses des Magdaléniens de El Horno avec la côte qui ne semble cependant avoir pas été exploitée depuis le gisement.

67 Les premières campagnes de fouilles de El Horno ont révélé l’importance des occupations de la fin du Magdalénien. Ces niveaux sont essentiels pour le développement du modèle sur la dynamique de peuplement du bassin de l’Asón

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pendant le Magdalénien supérieur-final, et ce d’autant plus que la grotte de El Mirón qui correspond au gisement le plus riche du Haut-Asón n’a livré que des occupations magdaléniennes supérieur-final limitées (Straus et González Morales 2000 ; Straus et al. 2002). Les études en cours permettront, à court terme, une intégration des données qui facilitera une première approche sur la nature des occupations magdaléniennes documentées sur le site. Cependant, dans l’immédiat, les dimensions réduites de la surface fouillée rendent difficiles une compréhension optimale des occupations magdaléniennes. C’est pourquoi, en septembre 2004, l’un d’entre nous (M.A.F.) a commencé une seconde phase d’excavations ayant pour objectif la fouille des niveaux magdaléniens sur de grandes surfaces. Il ne s’agit pas seulement d’augmenter le volume d’informations, mais aussi d’analyser ces occupations sur un plan synchronique. A terme, le but est de documenter des sols d’occupation susceptibles de fournir des informations sur des structures et des aires d’activités. Ceci permettra un progrès qualitatif dans la compréhension de la nature des occupations magdaléniennes de El Horno.

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NOTES

1. Calibrage selon la courbe CalPal2004_SFCP (http://www.calpal-online.de). 2 2. Indice de Simpson : 1/Σpi avec pi = NISPi / NISP et i représente un taxon donné. 3. Si l’on admet que les restes spongieux sont des fragments de vertèbres indéterminables, ceci implique un taux et une intensité de fragmentation très importants. Dix restes par vertèbre sont pris comme une limite minimale de fracturation en deçà de laquelle les fragments restent anatomiquement identifiables. 4. La présence du Renne est signalée dans la publication de Cheynier et González 1964 mais dans le matériel osseux provenant des nouveaux sondages, il n’est jamais fait mention de restes de rennes (García-Gelabert et Talavera Costa 2004).

RÉSUMÉS

Le site de El Horno a livré de nombreux vestiges archéologiques attribués au Magdalénien supérieur parmi lesquels les restes osseux sont bien conservés. L’étude taphonomique montre que les ensembles osseux sont d’origine essentiellement anthropique. Le Bouquetin domine très nettement les spectres fauniques qui apparaissent largement spécialisés. Des proies adultes chassées probablement à la fin de l’hiver et au début du printemps ont été majoritairement abattues par les Magdaléniens. Les carcasses de Bouquetin et de Cerf semblent avoir été introduites sous forme de quartiers après boucherie initiale au niveau du site d’abattage. L’étude des traces de boucherie et du degré de fragmentation des assemblages atteste une exploitation exhaustive des ressources alimentaires fournies par les carcasses animales. La comparaison menée sur les ensembles osseux du Magdalénien supérieur-finaldu centre de la Région Cantabrique montre que, au niveau des tableaux de chasse, El Horno est très proche de la couche 2 de Rascaño. En revanche, que ce soit pour le transport ou le traitement des carcasses, les pratiques apparaissent largement similaires sur l’ensemble des sites pris en compte.

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El Horno has produced rich faunal assemblages associated with magdalenian lithic and bone tools. Taphonomic analysis strongly suggests a human origin for the fauna. The faunal spectra which appear to be widely specialized are very clearly dominated by the Ibex. Adult prey probably hunted at the end of winter and in early spring were mainly killed by the from El Horno. Ibex and red deer carcasses seem to have been introduced in the form of segments after initial butchery at the killsite. The study of butchery traces and the degree of fragmentation of assemblages suggest an exhaustive exploitation of food resources provided by the animal carcasses. The comparison made on the Upper-Late Magdalenian bone assemblages from the centre of the Cantabrian Region shows that, on animal species representation, El Horno is very close to layer 2 of Rascaño. On the other hand, practices seem to be very similar on all of the sites studied whether it is for carcasses transport or processing.

Los niveles in situ de El Horno han proporcionado una rica colección de fauna asociada a utillaje lítico y óseo del final del Magdaleniense. El análisis tafonómico ha determinado que el conjunto óseo recuperado es esencialmente de origen antrópico. Las observaciones de orden taxonómico han revelado un espectro faunístico especializado, con predominio neto de la cabra. Los ocupantes de El Horno abatieron principalmente presas adultas, probablemente al final del invierno y al comienzo de la primavera. Las carcasas de cabras y ciervos parecen haber sido introducidas en forma de cuartos tras el trabajo de carnicería inicial en el lugar de captura. El estudio de las marcas de corte y el grado de fragmentación del conjunto óseo sugieren un aprovechamiento exhaustivo del alimento proporcionado por las carcasas. La comparación con otras colecciones de fauna del mismo periodo, recuperadas en asentamientos del centro de la región cantábrica revela que, a nivel taxonómico, la colección de El Horno es muy parecida a la del nivel 2 de El Rascaño. En cambio, tanto por lo que respecta al transporte como al tratamiento de las carcasas, los comportamientos parecen haber sido muy similares en el conjunto de sitios considerado en la comparación.

INDEX

Keywords : El Horno, Large Mammals, Magdalenian, North of Spain, subsistence, taphonomy, zooarchaeology Mots-clés : archéozoologie, économie de subsistance, El Horno, grands Mammifères, Magdalénien, nord de l’Espagne, taphonomie Palabras claves : arqueozoología, El Horno, Macromamíferos, Magdaleniense, región Cantábrica, subsistencia, tafonomía

AUTEURS

SANDRINE COSTAMAGNO UMR 5608 du CNRS, UTAH, Université Toulouse Le Mirail, Maison de la Recherche, 5 allées Antonio Machado, 31058 Toulouse cedex 9 France. Tel. +33(0)5-61-50-36-42 costamag@univ- tlse2.fr

MIGUEL A. FANO Departamiento de Historia, Facultad de Filosofía y Letras, Universidad de Deusto. Apartado 1, 48080 Bilbao. [email protected]

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Alimentation humaine au cours du Magdalénien en Gironde d’après les teneurs en isotopes stables (13C, 15N) du collagène Human diet during Magdalenian in Gironde using stable isotopes (13C, 15N) in collagen

Dorothée G. Drucker, Dominique Henry-Gambier et Michel Lenoir

Nous tenons à remercier Jean-Jacques Cleyet-Merle, conservateur du Musée national de Préhistoire et son équipe pour nous avoir permis de réaliser les prélèvements pour les analyses isotopiques. La sélection des échantillons de faune a été réalisée en collaboration avec Stéphane Madelaine (Musée national de Préhistoire, Les Eyzies-de-Tayac), Françoise Delpech, Sandrine Costamagno et Véronique Laroulandie (Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire, Talence). Nous avons pu étudier des échantillons récents d’Antilope saïga grâce à l’aimable collaboration de Marina Kholodova (Institut d’Ecologie et d’Evolution Svertsov, Moscou, Russie). Les analyses isotopiques ont été effectuées au laboratoire de Biogéochimie Isotopique de l’université Paris 6, particulièrement grâce à l’aide de Daniel Billiou. Ce travail a également bénéficié du soutien financier du programme CNRS « Paléoenvironnement, Evolution des Hominidés » et de l’association « Naturalia et Biologia ».

Introduction

1 Les reconstitutions des régimes alimentaires humains par l’analyse des isotopes stables se sont développées depuis les années 1970. Elles reposent sur un principe simple qui est que les teneurs en isotopes des tissus des êtres vivants reflètent les teneurs de ces mêmes isotopes présents dans leur nourriture. Dans le cas des chaînes alimentaires en contexte archéologique, le collagène, protéine majoritaire de l’os, est la molécule la plus souvent étudiée pour ses teneurs en isotopes stables du carbone (13C) et de l’azote (15N). Les teneurs en 13C du collagène des herbivores permettent de distinguer les

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milieux de prélèvement (milieu terrestre ou aquatique, milieu tropical ou tempéré) et

le type des plantes consommées (plantes à photosynthèse en C3 comme les graminées et

les feuilles d’arbre, plantes à photosynthèse en C4 comme certaines plantes tropicales). Les teneurs en 15N du collagène des herbivores reflètent les conditions environnementales telles que l’aridité et la température (voir Bocherens et Drucker 2005). Chez un prédateur comme l’Homme, les teneurs en 13C reflètent le milieu source des protéines de l’alimentation, et les teneurs en 15N le niveau occupé par l’individu dans la chaîne alimentaire (voir Bocherens et Drucker 2005).

2 Quelques-unes des contributions de la mesure des isotopes stables du collagène à la connaissance des régimes alimentaires humains ont concerné la consommation de maïs par les populations paléo-indiennes (ex : van der Merwe et Vogel 1978 ; Larsen et al. 1992), la dépendance des populations archéologiques envers les ressources marines (ex : Tauber 1981 ; Lubell et al. 1994), l’alimentation carnée des Néandertaliens (ex : Bocherens et al. 1991, 2005 ; Bocherens et Drucker 2003) et l’intégration des Australopithèques dans l’écosystème de savane (ex : Lee-Thorp et al. 1994 ; Sponheimer et Lee-Thorp 1999). Depuis les premières applications, des progrès considérables ont été apportés dans les domaines techniques (spectromètre de masse à flux continu, analyse de micro-quantités, évaluation de la conservation du collagène) et méthodologiques (investigation en laboratoire des fractionnements isotopiques, acquisition de référentiels actuels, modélisation mathématique des réseaux trophiques).

3 A partir de cette approche isotopique dont les fondements sont à présent solidement établis, nous avons abordé l’alimentation humaine au cours du Magdalénien en Gironde en nous basant sur un contexte archéologique le plus fiable possible et révisé par des synthèses récentes. Ainsi, dans le cadre d’une réflexion commune archéologique, anthropologique et géochimique, nous avons sélectionné les vestiges humains des sites girondins de Saint-Germain-la-Rivière, de Moulin-Neuf et de l’abri Faustin pour étudier leur alimentation par les isotopes stables du collagène. Des estimations quantitatives des ressources alimentaires protéiques des sujets étudiés sont fournies grâce à l’étude associée d’un échantillonnage faunistique aussi représentatif que possible et basé sur les données paléontologiques et archéozoologiques dont les sites ont pu être l’objet.

Présentation des sites (fig. 1, tabl. 1)

Le site de Saint-Germain-la-Rivière (Saint-Germain-la-Rivière, Pille- Bourse)

4 Le gisement de Saint-Germain-la-Rivière a été découvert en 1929 par H. Mirande qui y entreprit des fouilles avec R. Lépront. Ce site se présente sous la forme d’un ensemble complexe comportant plusieurs loci : un grand abri effondré, un talus à forte pente qui le prolonge en direction de la vallée de la Dordogne, et un petit abri supérieur latéral très effondré dont le plancher rocheux forme une terrasse. Le grand abri-sous-roche, dont le remplissage archéologique a été vidé, est creusé dans une haute falaise de calcaire à Astéries d’âge stampien.

5 Sur la terrasse du petit abri supérieur (dite terrasse supérieure), fut découvert un premier squelette en 1930 tombé en poussière et qui n’est plus connu que par quelques fragments crâniens. Les fouilles intensives reprises à partir de 1933 par R. Blanchard,

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quelques mètres plus à l’est sur la terrasse supérieure, mirent au jour la fameuse structure d’une sépulture couvrant le squelette quasi complet d’une femme adulte (Blanchard et al. 1972). Des études récentes ont confirmé qu’il s’agissait d’un jeune adulte de sexe féminin datant du Paléolithique supérieur (tabl. 1 ; Gambier et al. 2000 ; Henry-Gambier et al. 2002).

6 Les anciens fouilleurs signalèrent une couche archéologique unique sur la terrasse supérieure séparée du grand abri par « un magma » de grands ossements. L’industrie lithique associée, attribuée au Magdalénien III par D. Peyrony, est laminaire et comporte des burins, des grattoirs, des perçoirs, des outils composites, des lamelles à dos épais parfois tronquées et de très rares lamelles scalènes (Blanchard et al. 1972). L’industrie osseuse est peu abondante et a livré notamment une sorte de proto-harpon. Par ailleurs, des éléments de parure (dents de cerf et coquillages percés) accompagnaient le squelette de la sépulture. En plus du caractère unique de celle-ci qui n’a pas d’équivalent contemporain dans la région, l’étude de Vanhaeren et d’Errico (2003) insiste sur le caractère prestigieux du mobilier funéraire de la femme de Saint- Germain-la-Rivière qui marquerait son appartenance à un rang social élevé (Vanhaeren et d’Errico 2003).

Figure 1 – Localisation géographique des sites d’Aquitaine considérés dans cette étude. Les sites de Gironde sont signalés par un figuré gris foncé. Figure 1 – Geographical location of the Aquitaine sites considered in this study. The Gironde sites are indicated by solid circles.

7 Les fouilles entreprises dans les années 60 par G. Trécolle dans le talus du gisement ont concerné quatre couches archéologiques riches en vestiges lithiques et osseux. Deux grands ensembles archéologiques ont été distingués et ont livré des niveaux datés par la méthode du 14C en SMA (tabl. 1 ; Lenoir 1983). L’ensemble inférieur (couches C4, C3, C2), a livré une industrie peu laminaire, à débitage d’éclats épais, pour la plupart

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corticaux, dont beaucoup ont servi de supports d’outils ou ont été exploités en nucléus à lamelles, avec tous les intermédiaires entre des pièces carénées et des burins transversaux épais. Les lamelles sont de petites dimensions et pour la plupart ont été transformées en lamelles à dos mince d’un type particulier, à tranchant naturel convexe et à profil incurvé. Par ailleurs, l’outillage commun est peu diversifié. Cette industrie très particulière ne montre pas les caractéristiques habituelles du Badegoulien ou du Magdalénien. Il s’agit peut-être d’un faciès particulier de Magdalénien ancien riche en lamelles à dos. Il est à noter que la couche C2 résulte probablement d’un mélange des couches sous et sus-jacentes. Les industries de l’ensemble supérieur (couches C, C1) sont comparables aux industries du Magdalénien moyen d’autres sites girondins. Leur débitage est laminaire avec des lames de bonne facture détachées de nucléus prismatiques, des grattoirs sur lames retouchées, des burins dièdres et des burins sur troncature retouchée, des outils composites et une composante microlithique. Cette dernière est constituée de lamelles à dos épais, de lamelles scalènes, de lamelles scalènes denticulées et de lamelles à dos denticulées. L’approvisionnement en matière première est majoritairement d’origine locale. L’industrie osseuse, identique dans les deux ensembles, comporte des sagaies de section ovalaire ou quadrangulaire, parfois à rainure, des baguettes et des aiguilles à chas.

8 La faune, au sein de laquelle prédomine l’Antilope saïga en nombre de restes devant le Renne, le Cheval et les Bovinés, change peu d’un niveau à l’autre. De très rares restes de poissons sont signalés et seule une vertèbre de Salmonidé a pu être déterminée (Ouzrit 1986). L’étude archéozoologique récente des faunes recueillies par G. Trécolle dans le talus a permis à S. Costamagno (Costamagno 1999 et 2001) de préciser des aspects de la stratégie de subsistance des chasseurs qui ont occupé le site. Les carcasses des herbivores, ont été exploitées à leur maximum (fracturation importante des ossements). Les antilopes saïga ont été chassées essentiellement pendant la belle saison selon les études cémentochronologiques (Costamagno op. cit.). Cette chasse opportuniste et intensive aurait été relayée par l’abattage d’autres Ongulés pendant l’hiver, en raison de l’absence des antilopes saïga dans la région pendant cette période (Costamagno op. cit.). En dépit de cette diversification des ressources, l’Antilope saïga constituerait la principale source carnée de l’alimentation humaine à Saint-Germain-la- Rivière (Costamagno op. cit.).

Tableau 1 – Récapitulatif des dates obtenues pour les sites de Gironde étudiés dans cet article. Table 1 – Summary of the dates measured on the Gironde sites studied in this paper.

Les calibrations des dates au radiocarbone ont été réalisées d’après le programme CALIB rev.4.3 © (Stuiver et Reimer 1993 ; Stuiver et al. 1998). Radiocarbon date calibration was performed using the programme CALIB rev.4.3© (Stuiver and Reimer 1993 ; Stuiver et al. 1998).

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Le site de Moulin-Neuf (Saint-Quentin-de-Baron)

9 Découvert en 1939 par R. Cousté, le gisement de Moulin-Neuf se situe dans un petit vallon de l’Entre-deux-Mers girondin, à la limite des communes d’Espiet et de Saint Quentin-de-Baron. Le site comporte plusieurs gisements contigus, au pied d’une falaise calcaire à Astéries d’âge stampien exposée au sud-est. Le gisement principal consiste en un abri-sous-roche (abri 1) assez vaste, large d’une quinzaine de mètres en façade et profond au maximum d’une dizaine de mètres pour sa partie non effondrée. Son plancher forme une terrasse rocheuse qui domine de quelques mètres le fond du vallon voisin. L’abri 1, en grande partie occupé par une épaisse dalle calcaire tombée à l’aplomb de la falaise actuelle, est parsemé de gros blocs. Des fouilles y furent effectuées par l’inventeur dans la partie abritée de la cavité, suivies de celles plus limitées de H. Péquart et de travaux récents (Lenoir 1983) qui ont principalement concerné la terrasse extérieure. Dans cette terrasse extérieure, deux grands ensembles sédimentaires ont été distingués : l’un holocène (couche 1), l’autre pléistocène (couche 2) (Lenoir op. cit. ; Lenoir et Paquereau 1986). La couche 1 comporte des éléments néolithiques et paléolithiques très remaniés. La plupart du matériel archéogique provient de la couche 2, subdivisée stratigraphiquement en C2a, C2b et C2c, et par endroits en C3, C4 et C5. Les couches C2a et C2b ont fait l’objet de datations sur os (tabl. 1).

10 L’industrie lithique et osseuse de la couche 2 est homogène et peut être attribuée au Magdalénien moyen (Lenoir op. cit.). L’industrie lithique est laminaire et lamellaire, riche en grattoirs sur lames et en burins parmi lesquels dominent les burins dièdres (Lenoir op. cit.). Sont aussi présents des outils composites, des perçoirs et des becs, des lames tronquées, des lames retouchées pour la plupart fragmentaires. Les microlithes sont abondants et surtout représentés par des lamelles à dos épais. L’état d’exploitation des nucléus témoigne d’un souci d’économie de la matière première qui est d’origine locale. L’industrie osseuse, également fragmentaire, est abondante et diversifiée. Elle comporte des sagaies de section subovalaire ou subtriangulaire, des poinçons et des aiguilles en os, des plaquettes d’os polis, raclés ou sciés. On note l’absence de harpon et d’armatures caractéristiques du Magdalénien final. L’art mobilier est peu représenté dans ce gisement à l’exception d’un contour découpé en os (Lenoir op. cit.), de fragments d’os d’oiseau gravés de traits et d’une plaquette calcaire gravée (carré H26, niveau C2b).

11 Les vestiges humains proviennent de la couche 2 de la terrasse extérieure. Ils sont donc associés à de l’industrie attribuable au Magdalénien moyen. Il s’agit de dents et d’une phalange de pouce (Gambier et Lenoir 1991).

12 La faune de la couche 2 est dominée par les restes de Cheval et d’Antilope saïga, accompagnés de restes de grand Boviné et de rares ossements de Renne, de Renard, de Loup, d’oiseaux et de poissons (Lenoir op. cit.). Des traces d’action anthropique sont avérées pour la Saïga, le Cheval, le Renne, le Boviné et le Loup (Costamagno 1999, 2000). L’exploitation des carcasses était intense puisque les ensembles sont très fragmentés, sans doute suite à l’extraction de la moëlle et de la graisse (Costamagno op. cit.). Les profils de mortalité font conclure à la pratique d’une chasse opportuniste sur des hardes mixtes d’antilopes saïga dont les carcasses ont été rapportées entières sur le site, comme dans le cas de Saint-Germain-la-Rivière. Les chevaux chassés, dont les crânes et les extrémités distales n’ont pas été rapportés sur le site, sont des individus

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matures prélevés sur des harems (Costamagno op. cit.). Les études squelettochronologiques de Burke (1993) concluent à un abattage des chevaux tout au long de l’année. Toutefois, le site de Moulin-Neuf serait un camp d’occupation temporaire consacré au traitement et à la la consommation des proies selon les conclusions de Costamagno (op. cit.). D’après les éléments archéozoologiques, l’alimentation humaine paraît diversifiée avec un apport carné provenant principalement du Cheval et, secondairement, de l’Antilope saïga (Costamagno op. cit.).

Le site de l’abri Faustin (Cessac, Barreaux)

13 Découvert en 1949 par S. Terraza, l’abri Faustin se situe au lieu-dit «Barreaux», commune de Cessac en Gironde dans l’Entre-deux-Mers, dans un petit vallon qui rejoint l’Engranne, affluent de la rive gauche de la basse vallée de la Dordogne. Cet abri, presque complètement effondré, s’ouvre dans une petite falaise de calcaire à Astéries, exposée au midi, largement recoupée par d’anciennes carrières. Le fond de l’abri comporte une niche large d’environ quatre mètres et profonde de moins de deux mètres où subsiste un mince lambeau de remplissage. Suite à l’érosion, le plancher et une partie du plafond de l’abri se sont effondrés ultérieurement au dépôt archéologique, ce qui a entraîné d’importants remaniements.

14 Dans les années 1950, des fouilles peu étendues furent effectuées par S. Terraza et M. Grousset au pied de la falaise, dans des dépôts remaniés livrant des vestiges lithiques et osseux. Après l’évacuation d’apports récents (déblais de carrière, rejets de champignonnière) et l’ouverture d’un sondage perpendiculaire à la falaise, trois campagnes de fouille de 1975 à 1977 furent effectuées par M. Lenoir et S. Terraza.

15 Le matériel lithique recueilli au cours des différentes campagnes de fouille montre un caractère homogène tant pour l’industrie lithique que pour l’industrie osseuse. Ces deux industries sont clairement attribuables au Magdalénien supérieur, voire même final. L’industrie lithique, réalisée à partir de silex du Sénonien d’origine locale, se caractérise par un débitage laminaire et un débitage lamellaire parfaitement maîtrisés. Dans l’outillage, les armatures microlithiques, surtout des lamelles à dos épais, dominent. Les burins, en majorité dièdres et sur lames dominent de peu les grattoirs pour la plupart simples en bout de lame. Ces outils sont associés à des perçoirs et des becs, des lames retouchées fragmentaires, des lames tronquées, des lames appointées, des outils composites (surtout des grattoirs-burins), des pointes aziliennes, des pointes à cran magdalénienne (du type de la Madeleine), des pointes de Laugerie-Basse, de rares triangles scalènes. On note la présence d’un probable burin bec de perroquet cassé. La présence de pointes dites aziliennes, de pointes à cran magdaléniennes et de pointes de Laugerie-Basse, du burin bec de perroquet probable et celle de harpons à double rang de barbelures rend cette industrie comparable à celle du gisement du Morin et de certains niveaux de la grotte de Fontarnaud.

16 L’industrie en os comporte des sagaies, pour la plupart fragmentaires avec des exemplaires à double biseau, de section ovalaire et quadrangulaire, des ciseaux, des baguettes dont certaines peuvent appartenir à des déchets de fabrication de sagaies, des poinçons en os ou en bois de renne, plusieurs aiguilles en os et un petit polissoir à aiguilles en grès. On remarque également la présence de harpons à double rang de barbelures, fragmentaires pour la plupart. Le tout est associé à quelques os gravés dont

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un porte une double représentation féminine (Lenoir 1983, 1995) ainsi qu’à des éléments de parure : coquilles de Cyprées et de Glycimeris perforées.

17 Les vestiges humains retrouvés dans ce site sont très fragmentaires (Gambier et Lenoir 1991). Malgré la position secondaire des dépôts archéologiques, ces restes humains sont attribuables au Magdalénien supérieur final en raison de l’absence d’autres industries dans le site (Lenoir 1983 ; Gambier et Lenoir 1991).

18 La faune provenant des campagnes de fouilles menées par M. Lenoir et S. Terraza montre la nette prédominance des restes de Cheval associés à des restes de Bovinés, de Harfang, de Renne, un peu de Cerf, du Renard tandis que l’Antilope saïga est absente (Lenoir 1983). Ont été retrouvées quelques vertèbres de poissons appartenant à des Cyprinidés (Le Gall 1992). Seule une étude paléontologique a été menée par Delpech (1983) sur un lot de faune peu homogène provenant des premières fouilles. Il n’existe donc à ce jour aucune conclusion sur l’alimentation humaine basée sur les spectres fauniques pour l’abri Faustin.

19 Les datations des sites précédemment décrits sont récapitulées dans le tableau 1. Ces dates confirment que le dépôt des couches stratigraphiques des couches C, C1, C2 de Saint-Germain-la-Rivière et de la couche 2 de Moulin-Neuf a été contemporain du Dryas ancien, comme le laissait entendre les résultats palynologiques (Lenoir et Paquereau 1986). La date 14C mesurée par spectrométrie de masse par accélérateur sur le squelette de la femme de Saint-Germain-la-Rivière (Gambier et al. 2000) place ce fossile dans une position contemporaine de la couche C1 attribuée au Magdalénien moyen. La date obtenue pour l’abri Faustin indique un âge compatible avec la période du Bölling/ Alleröd, en accord avec les caractéristiques du matériel archéologique du site.

Matériel et méthode

20 Les extractions et les analyses isotopiques du collagène ont porté sur les restes osseux humains et fauniques associés des sites de Saint-Germain-la-Rivière (fouilles R. Blanchard 1933-1935, G. Trécolle 1963-1969 et M. Lenoir 1996) de Moulin-Neuf (fouilles M. Lenoir 1975-1980) et de l’abri Faustin (fouilles M. Lenoir et S. Terraza 1975-1977). Les résultats ont été complétés des données acquises sur la faune de grands mammifères des sites de Laugerie-Haute Est, Le Flageolet II pour la période du Magdalénien moyen et du site de Pont d’Ambon (couches 4 et 5) pour le Magdalénien supérieur final (tabl. 3 dans Drucker et Henry-Gambier 2005 ; fig. 1, tabl. 2 et 3).

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Tableau 2 – Résultats des analyses isotopiques du collagène pour les individus humains considérés dans cet article. Les résultats des sujets de Gough’s Cave et Sun Hole Cave sont issus de Richards et al. (2000). Table 2 – Results of collagen isotopic analyses for collagen of human individuals considered in this paper. The results of the Gough’s Cave and Sun Hole Cave spcimens are from Richards et al. (2000).

* indique les dates au radiocarbone directement mesurées sur les restes humains. Ant. et MA signifient respectivement Antiquité et Moyen-Age. * indicates radiocarbon dates directly measured on human remains. Ant. and MA mean Antiquity and Middle Ages, respectively.

Tableau 3 – Résultats des analyses isotopiques du collagène pour les grands ongulés et les poissons du Magdalénien supérieur final de l’abri Faustin (Gironde) et de Pont d’Ambon (Dordogne). Table 3 – Results of collagen isotopic analyses for collagen of final Upper Magdalenian large ungulates and fish from abri Faustin (Gironde) and Pont d’Ambon (Dordogne).

21 Pour la reconstitution du réseau trophique, nous avons sélectionné les données isotopiques mesurées sur des ossements d’individus matures. Les dents, qui enregistrent les teneurs isotopiques sur des durées courtes sans remodelage ultérieur, ont été évitées, sauf dans le cas du cheval dont les dents hypsodontes sont à croissance prolongée et fournissent ainsi des informations isotopiques équivalentes à celles des os (Fizet et al. 1995). Pour les vestiges humains, l’échantillonnage a porté sur des pièces anatomiquement identifiées d’individus adultes ayant fait l’objet d’un inventaire critique récent (Gambier et Lenoir 1991). Chez un individu mature, le taux moyen de renouvellement du collagène dans le squelette est d’au moins 5 ans (Parfitt 2002). Ainsi,

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F0 13 F0 15 les valeurs de 64 Ccoll et 64 Ncoll mesurées sur les os humains reflètent la moyenne protéique de l’alimentation sur plusieurs années avant la mort des individus.

22 Les collagènes ont été extraits selon la méthode décrite dans Bocherens et al. (1997). La composition élémentaire en carbone et en azote des collagènes extraits a été mesurée sur un analyseur élémentaire CHN (Carlo-Erba NA 15000). Les analyses isotopiques ont été effectuées sur un spectromètre de masse isotopique en flux continu (VG-Optima) à la suite de la combustion des échantillons de collagène dans l’analyseur élémentaire.

Les concentrations en éléments carbone et azote du collagène (Ccoll et N coll) sont exprimées en pourcentages massiques. Les rapports C/N atomiques du collagène (C/

Ncoll) permettent de vérifier la fiabilité de l’analyse isotopique. Ainsi, un C/Ncoll compris entre 2,9 et 3,6 assure que les teneurs isotopiques mesurées correspondent à celles enregistrées lors des dernières années de la vie de l’individu considéré (DeNiro 1985). Les teneurs en isotopes stables du carbone (13C) et de l’azote (15N) du collagène sont F0 13 F0 15 exprimées en valeurs relatives ( 64 Ccoll et 64 Ncoll) par rapport à des standards

internationaux (V-PDB pour le carbone et N2 atmosphérique pour l’azote).

Résultats et discussion

Reconstitution de l’alimentation humaine au Magdalénien moyen en Gironde

23 L’alimentation de la femme de Saint-Germain-la-Rivière (SGR) à partir des teneurs en isotopes stables du collagène a fait l’objet d’une reconstitution détaillée utilisant un modèle mathématique d’équation de mélange linéaire qui a été adapté aux contraintes imposées par le matériel archéologique (Drucker et Henry-Gambier 2005). Nous n’en rappellerons ici que les conclusions principales.

24 La signature isotopique du collagène extrait d’une côte du squelette de SGR comparée aux signatures isotopiques des collagènes de la faune contemporaine est compatible avec une alimentation humaine basée sur les seuls herbivores terrestres. L’application du modèle mathématique d’équation de mélange linaire de Phillips et Koch (2002), selon les modalités précisées dans Drucker et Henry-Gambier (2005), a mis en évidence la part modeste de l’Antilope saïga dans le bilan protéique alimentaire de la femme de SGR par rapport à la viande de grand Bovidé (Bison priscus probablement). Testée par le même modèle mathématique, la contribution potentielle de saumon se révèle très limitée.

25 L’estimation quantitative de la contribution de telle ou telle espèce d’herbivore dans l’alimentation de la femme de SGR a été rendue possible par la distinction significative F0 13 F0 15 des valeurs de 64 Ccoll et de 64 Ncoll entre les taxons, mis à part pour les antilopes saïga et les rennes. En effet, non seulement les signatures isotopiques en 13C et en 15N des antilopes saïga et des rennes sont similaires entre les sites de Gironde et les sites de Dordogne, tout comme celles des autres taxons, mais elles sont également comparables F0 13 F0 15 entre elles (fig. 2). La similitude des valeurs de 64 Ccoll et 64 Ncoll des herbivores terrestres entre la Gironde et la Dordogne nous a permis de considérer ces deux régions comme un seul et même écosystème. L’identité des signatures isotopiques de l’Antilope saïga et du Renne nous ont fait regrouper ces deux espèces en un unique pôle de ressource protéique.

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F0 13 F0 15 64 64 Figure 2 – Valeurs de Ccoll et de Ncoll des rennes et des antilopes saïga du Magdalénien moyen des sites de Gironde (Saint-Germain-la-Rivière et Moulin-Neuf) et de Dordogne (Laugerie-Haute Est et Le Flageolet II). F0 13 F0 15 64 64 Figure 2 – Ccoll and Ncoll values of and saiga antelopes from Middle Magdalenian Gironde sites (Saint-Germain-la-Rivière and Moulin-Neuf) and Dordogne (Laugerie-Haute Est and Le Flageolet II).

26 L’équivalence entre Antilope saïga et Renne en terme de teneurs en 13C et en 15N du F0 13 collagène indique un même type d’alimentation. Les valeurs de 64 Ccoll particulièrement hautes pour ces deux espèces, comparées aux autres herbivores, ont été attribuées pour le Renne à une consommation significative de lichen (Fizet et al. 1995 ; Drucker et al. 2000, 2003). Or, le lichen entre également dans l’alimentation des antilopes saïga actuelles (Bannikov 1963). Ainsi, l’Antilope saïga et le Renne du Paléolithique supérieur du Sud-Ouest de la France auraient été en compétition alimentaire, comme le suggèrent par ailleurs les aires de répartition de ces deux espèces reconstituées par Delpech (1990) d’après les restes de faune chassée. Si l’abondance des restes trouvés en contexte anthropique reflètent bien les abondances naturelles des espèces, alors l’Antilope saïga abondait là où le Renne était rare et réciproquement.

27 Au vu des écosystèmes actuellement fréquentés par les deux taxons, il apparaît aujourd’hui difficile de voir associés dans le même environnement l’Antilope saïga et le Renne. Pourtant, cet environnement du Paléolithique supérieur, sans réel équivalent actuel, offrait une diversité végétale suffisante pour supporter une tout aussi grande diversité animale (Guthrie 1982). De plus, les antilopes saïga du Paléolithique supérieur du Sud-Ouest de la France diffèrent écologiquement de leurs homologues actuels d’Asie F0 13 Centrale comme l’illustre la différence très significative de leurs valeurs de 64 Ccoll et de F0 15 F0 13 64 Ncoll (fig. 3). Les valeurs de 64 Ccoll moins négatives des saïgas actuelles par rapport

aux préhistoriques reflètent la consommation de plantes en C4, absentes du contexte du F0 15 Paléolithique supérieur européen (Collatz et al. 1998). Les valeurs de 64 Ncoll plus élevées pour les saïgas actuelles que pour les saïgas paléolithiques rendent compte de l’aridité, plus importante dans les steppes d’Asie Centrale que dans la steppe-toundra du Dryas ancien en Europe.

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F0 13 F0 15 64 64 Figure 3 – Valeurs de Ccoll et de Ncoll d’antilopes saïga actuelles du Kazakhstan et d’antilopes saïga du Paléolithique supérieur (Magdalénien, 18 500 à 13 000 ans BP environ ; Drucker 2001). F0 13 F0 15 F0 13 F0 15 64 64 64 64 Figure 3 – Ccoll and Ncoll values of modern saiga antelope from Kazakstan and Ccoll and Ncoll values of Upper Palaeolithic saiga antelope (Magdalenian, from ca. 18,500 to 13,000 years BP; Drucker 2001).

Les données isotopiques des saïgas actuelles ont été obtenues sur des échantillons de poils. Elles ont F0 13 2 été corrigées de l’effet de l’évolution du 64 C du CO atmosphérique et du fractionnement entre poil et collagène pour cette comparaison avec les antilopes saïga préhistoriques. The isotopic data of modern saigas were obtained on hair samples. They have been corrected from the F0 13 2 shifts of 64 C of atmospheric CO and from the fractionation factor between hair and collagen and thus can be compared to the prehistoric saiga antelope.

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F0 13 F0 15 64 64 Figure 4 – Valeurs de Ccoll et de Ncoll des vestiges humains de Saint-Germain-la-Rivière (SGR)

F0 13 F0 15 64 64 et de Moulin-Neuf (MN) comparées aux valeurs de Ccoll et Ncoll de la faune d’ongulés contemporains d’Aquitaine et de restes humains du début de l’Holocène d’autres régions de France. F0 13 F0 15 64 64 Figure 4 – Ccoll and Ncoll values of human remains from Saint-Germain-la-Rivière (SGR) and Moulin-

F0 13 F0 15 F0 13 F0 64 64 64 64 Neuf (MN), compared to the Ccoll and Ncoll values of contemporary ungulates and to the Ccoll and 15 Ncoll values of early Holocen human remains from other French regions.

28 Par rapport à la femme de Saint-Germain-la-Rivière (SGR), l’individu de Moulin-Neuf

F0 13 F0 15 (MN) présente des valeurs de 64 Ccoll et de 64 Ncoll significativement plus basses (fig. 4). Cette différence isotopique nous mènerait à conclure à une différence significative du régime alimentaire entre les deux sujets du Dryas ancien. Une ressource protéique appauvrie en 13C et en 15N interviendrait plus significativement pour l’individu de MN par rapport à la femme de SGR. Le cheval apparaîtrait alors comme un bon candidat pour une telle ressource alimentaire. Toutefois, lors du réexamen de la localisation de la phalange humaine de MN dans le site, il est apparu que cette pièce provenait d’un carré (J40) où ont également été retrouvés des tessons de poteries néolithiques (Lenoir, comm. perso 2001). L’appartenance du reste humain analysé à une période plus récente que le Paléolithique supérieur ne peut donc être écartée. Cette diachronie possible entre l’individu de MN et celui de SGR pourrait-elle expliquer la différence isotopique trouvée ? Pour répondre à cette question, nous avons considéré les teneurs en 13C et en 15N du collagène de sujets humains datant de façon avérée de l’Holocène ancien et provenant de Charente (Les Perrats, Mésolithique), de la région Centre (Néolithique) et de Dordogne (La Rochette, fin de l’Antiquité-début du Moyen-Age) (fig. 4, tabl. 2). Les F0 13 F0 15 valeurs de 64 Ccoll et de 64 Ncoll s’avèrent effectivement plus proches de l’individu de MN que de la femme de SGR, élément qui ajoute au doute sur l’appartenance chronologique de la phalange humaine de MN. Il serait évidemment trop hasardeux de conclure sur l’ancienneté du sujet de MN sur la seule base des teneurs en isotopes stables. Seule une datation directe permettrait de trancher la question. Malheureusement, la quantité de

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collagène extrait pour les isotopes stables n’a pas permis de réaliser une telle investigation et un nouvel échantillonnage de la pièce d’origine risque d’entraîner sa complète destruction. Dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons que retirer, provisoirement peut-être, les résultats isotopiques de l’individu de MN des conclusions sur l’alimentation humaine au cours du Magdalénien moyen en Gironde.

Reconstitution de l’alimentation humaine au Magdalénien supérieur final en Gironde

F0 13 F0 15 29 64 64 Les valeurs de Ccoll et de Ncoll du Renne, du Cerf et du Cheval marquent une légère baisse à la fin du Magdalénien en Aquitaine (≥1 ‰ en moyenne pour chaque espèce). Cette évolution des signatures isotopiques est sans doute en rapport avec l’amélioration climatique qui marque le Bölling/Alleröd dans lequel s’inscrit le Magdalénien supérieur F0 13 final. La diminution la plus significative des valeurs de 64 Ccoll est observée chez le renne dont l’aire de répartition se morcelle dans le Sud-Ouest de la France avant sa disparition de la région au cours de l’Alleröd (Delpech 1992). L’évolution des teneurs isotopiques du renne peut être reliée à la diminution de consommation de lichen, plante défavorisée par le réchauffement climatique (Drucker 2001 ; Drucker et Célérier 2001). Dans la compétition alimentaire avec le Renne, le Cerf viendrait alors se substituer à l’Antilope saïga qui se raréfie en Aquitaine lors du Bölling/Alleröd (Delpech 1992). En plus d’une diminution des moyennes, l’étendue des teneurs isotopiques au sein des herbivores terrestres analysés (la différence entre la teneur la plus haute et la teneur la plus basse) diminue au Magdalénien supérieur final par rapport à la période précédente. Le resserrement des valeurs isotopiques coïncide avec la diminution de la biomasse des ongulés décrite par Delpech (1999) autour de 12 500 ans BP. Les données isotopiques et paléontologiques convergent donc pour conclure à une diminution des ressources disponibles pour la subsistance des grands herbivores. Dans ce contexte devenu moins favorable aux grands herbivores terrestres, quelle a pu être la réponse humaine en terme d’alimentation ?

30 Les teneurs isotopiques de l’individu de l’abri Faustin (AF) se distinguent de la moyenne F0 13 F0 de celles des herbivores terrestres du même écosystème par une valeur de 64 Ccoll de 64 15 Ncoll plus hautes de 1,8 ‰ et 8,6 ‰ respectivement. Ces chiffres sont bien supérieurs à ceux attendus pour un saut trophique entre le collagène d’un prédateur et la moyenne F0 13 des collagènes des proies qu’ils consomment (0,8 à 1,3 ‰ pour le 64 Ccoll, 3 à 5 ‰ pour F0 15 le 64 Ncoll ; Bocherens et Drucker 2003). Une source de protéines autre que la viande des grands Ongulés est donc intervenue dans le régime alimentaire de l’individu de l’AF. La pêche est souvent évoquée comme activité de subsistance complémentaire de la chasse pendant le Paléolithique supérieur dans le Sud-Ouest de la France (voir Jochim 1983). Un développement des captures de poisson a été signalé en Aquitaine à partir du Magdalénien moyen sur le Saumon et sur les Cyprinidés (Le Gall 1992). Ce sont d’ailleurs des restes de poisson d’eau douce qui ont été retrouvés à l’Abri Faustin (Lenoir 1983 ; Le Gall 1992). Nous avons donc testé la consommation possible de poisson par l’individu de l’AF en nous référant aux valeurs isotopiques de l’ichtyofaune des couches 4 et 5 du Magdalénien supérieur final de Pont d’Ambon. Nous avons appliqué le modèle mathématique décrit dans Drucker et Henry-Gambier (2005) en considérant les trois pôles alimentaires suivants : grand Ongulé, Cyprinidé et Saumon (fig. 5). Le modèle mathématique fournit des estimations chiffrées qui résument les extrêmes

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mathématiques possibles qui expliquent l’intersection entre le rectangle de la moyenne des collagènes des proies consommées par le sujet humain et le triangle de mélange défini par les trois pôles alimentaires testés. Les résultats de ces estimations sont donnés dans le schéma synthétique du bilan alimentaire protéique de l’individu de l’AF (fig. 6). Les chiffres affichés sont donnés à titre indicatif. Les grands ongulés interviennent ainsi dans une proportion possible ne dépassant pas les 35 % du bilan des protéines de l’alimentation humaine. La consommation obligatoire de poisson est attestée pour expliquer les teneurs isotopiques humaines. L’apport de la chair de Saumon est d’au moins 15 % environ, mais ne dépasse pas les 30 % du bilan protéique. Les poissons d’eau douce fournissent entre 40 % et 80 % environ des protéines de l’alimentation de l’individu de l’AF. En résumé, l’individu de l’AF a mangé plus de chair de poisson que de viande d’ongulé et sa consommation d’icthyofaune a porté principalement sur les poissons d’eau douce.

Figure 5 – Application du modèle mathématique d’équation de mélange linéaire adapté de Phillips et Koch (2002) par Drucker et Henry-Gambier (2005) à l’abri Faustin. Figure 5 – Use of the linear mixing mathematical model modified from Phillips and Koch (2002) according to Drucker and Henry-Gambier (2005) in the case of abri Faustin.

Les triangles représentent les valeurs isotopiques possibles du mélange des trois pôles (grand Ongulé, Cyprinidé, Saumon). Le pôle grand Ongulé a été déterminé à partir de la moyenne des valeurs 13 15 de δ Ccoll et de δ Ncoll mesurées sur les grands ongulés du Magdalénien supérieur final de l’abri Faustin et de Pont d’Ambon (voir tabl. 3). Le rectangle représente la gamme des valeurs isotopiques possibles de la moyenne des collagènes des proies consommées par le sujet humain. Cette gamme 13 15 est définie d’après les valeurs de δ Ccoll et de δ Ncoll de l’individu de l’abri Faustin et des valeurs de fractionnement du saut trophique (d’après Bocherens et Drucker 2003). Triangles stand for the possible isotopic values of the mixture of three poles (large ungulate, Cyprinid, 13 15 Salmon). The large ungulate pole was determined from the average δ Ccoll and δ Ncoll values measured on final Upper Magdalenian large ungulates from abri Faustin and Pont d’Ambon (see tabl. 3). The rectangle stands for the range of possible isotopic values for the average of collagen of prey consumed by the human 13 15 specimen. This range is defined from the δ Ccoll and δ Ncoll values of the individual from abri Faustin and from the fractionation values of the trophic step (from Bocherens and Drucker 2003).

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Figure 6 – Gammes calculées des proportions des proies consommées par l’individu de l’abri Faustin d’après le modèle mathématique d’équation de mélange linéaire adapté de Phillips et Koch (2002) par Drucker et Henry-Gambier (2005). Figure 6 – Calculated ranges for the proportions of prey consumed by the Abri Faustin individual according to the linear mixing mathematical model modified from Phillips and Koch (2002) according to Drucker and Henry-Gambier (2005).

31 La prédilection de l’individu de l’Abri Faustin pour les poissons en général et les Cyprinidés en particulier marque un changement significatif par rapport à l’alimentation de la femme de SGR, basée majoritairement sur les produits de la chasse. Cette orientation alimentaire peut avoir été une réponse à des conditions d’acquisition de grands herbivores terrestres rendues plus difficiles par leur baisse d’effectif lors du Bölling/Alleröd (voir Le Gall 1992 ; Delpech 1999). Le bilan alimentaire de l’individu de l’AF tend à relativiser l’importance du Saumon pourtant accessible lors de la remontée des rivières au moment du frai. La consommation de poisson est à l’avantage des Cyprinidés dont la capture préférentielle n’était jusqu’à présent notée qu’avec le développement de la culture azilienne (Le Gall 1992).

32 La consommation préférentielle de poisson indiquée par les teneurs isotopiques de l’individu de l’AF serait-elle généralisable à l’Europe du nord-ouest à la même époque ? Un élément de réponse peut être apporté avec les teneurs isotopiques du collagène mesurées par Richards et al. (2000) sur des vestiges humains des sites creswelliens de Gough’s Cave et Sun Hole Cave du Sud de l’Angleterre (tabl. 2). En tout, cinq individus datés d’environ 12 400 à 11 700 ans BP ont été analysés. Quelques échantillons de faune associés ont été étudiés mais leur faible nombre ne permet pas une restitution satisfaisante du réseau trophique (tabl. 4). Il est tout de même possible de comparer les signatures isotopiques du Cerf et du Cheval entre le Creswellien d’Angleterre et le Magdalénien supérieur final de Gironde. Nous avons également confronté les signatures isotopiques du Renard polaire de Gough’s Cave à celles de la Chouette harfang de l’abri Faustin (tabl. 4) puisque ces deux espèces occupent le même niveau trophique de prédateur de petits mammifères terrestres.

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Tableau 4 – Résultats des analyses isotopiques du collagène pour la faune de Gough’s Cave (Richards et al. 2000) et les Chouettes Harfang de l’abri Faustin. n.p. signifie non précisé. Table 4 – Results of collagen isotopic analyses for collagen of Gough’s Cave fauna (Richards et al. 2000) and snowy owls from abri Faustin. n.p. means not specified.

F0 13 33 64 Les valeurs de Ccoll de la faune terrestre d’Angleterre sont un peu plus élevées (1 ‰ en moyenne) que celles de la faune terrestre d’Aquitaine (fig. 7). Le milieu du Sud de l’Angleterre au Bölling/Alleröd est caractérisé par un paysage ouvert (Smith 1992). La différence des teneurs en 13C peut être liée à la présence d’un milieu de toundra plus F0 15 marqué en Angleterre qu’en Aquitaine. Les valeurs de 64 Ncoll de la faune sont proches entre les deux régions, sauf pour le Cheval dont les teneurs en 15N du collagène sont nettement plus basses de 3,1 ‰ à Gough’s Cave par rapport à l’abri Faustin (fig. 7). Peu avant le Bölling/Alleröd, l’environnement de l’Angleterre était encore soumis à la présence de glacier. Or, après le retrait d’un glacier, la végétation de reconquête est caractérisée par des teneurs en 15N basses (Hobbie et al. 1998). Ces faibles teneurs en 15N ont pu concerner tout particulièrement les végétaux consommés spécifiquement par les chevaux. Ainsi, les différences isotopiques entre les faunes terrestres du Sud de l’Angleterre et du Sud-Ouest de la France reflètent les différences environnementales entre les deux régions au cours du Bölling/Alleröd.

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F0 13 F0 15 Figure 7 – Comparaison des valeurs de 64 Ccoll et de 64 Ncoll entre l’individu de l’abri Faustin et la faune associée du Sud-Ouest de la France d’une part et les individus de Gough’s Cave et Sun Hole Cave et leur faune associée du Sud de l’Angleterre d’autre part. F0 13 F0 15 Figure 7 – Comparison of the 64 Ccoll and 64 Ncoll values between the Abri Faustin specimen and the F0 13 F0 15 associated fauna from south-western France and comparison of the 64 Ccoll and 64 Ncoll values between humans from Gough’s Cave and Sun Hole Cave and the associated fauna from southern England.

34 Les individus d’Angleterre ne montrent pas la même tendance isotopique que leur F0 13 faune associée. Par rapport à l’individu de l’AF, la moyenne de leurs valeurs de 64 Ccoll F0 15 est très proche, tandis que la moyenne de leurs valeurs de 64 Ncoll est significativement plus basse d’environ 5 ‰ (fig. 7). Ce résultat laisse à penser que les sujets de Gough’s Cave et Sun Hole Cave ont eu un apport plus important d’une ressource pauvre en 15N dans leur alimentation moyenne par rapport à l’individu de l’AF. Si nous reconsidérons les trois pôles alimentaires précédemment définis, cette ressource correspondrait vraisemblablement à celui des grands Ongulés. Ce schéma alimentaire serait en accord avec l’exploitation importante par l’Homme du Cheval et du Cerf suggérée par les études archéozoologiques du site de Gough’s Cave. Au Sud de l’Angleterre, dans un paysage plus marqué par la toundra qu’en Aquitaine, l’alimentation humaine au cours du Bölling/Alleröd reste inféodée à l’exploitation des ressources terrestres.

Conclusion

35 Cette étude isotopique des sites de Saint-Germain-la-Rivière, de Moulin-Neuf et de l’abri Faustin met en exergue des aspects méthodologiques importants pour la reconstitution alimentaire, à partir des isotopes stables du collagène. Tout d’abord, l’étude isotopique conjointe de la faune associée pour l’établissement du réseau trophique s’avère indispensable, en raison des variations chronologiques et géographiques dont peuvent faire l’objet les signatures isotopiques de cette faune. De

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plus, l’étude isotopique systématisée de la faune permet de cerner des caractéristiques paléobiologiques et paléoenvironnementales intéressantes, telles que la compétition alimentaire entre espèces et l’évolution des paysages végétaux. Le cas de l’individu de Moulin-Neuf souligne l’importance de la fiabilité du cadre chrono-archéologique considéré, qui nécessite souvent le recours à des datations directes des restes humains eux-mêmes.

36 Dans le cadre de la reconstitution de l’alimentation humaine, nous avons synthétisé les éléments archéologiques, archéozoologiques et isotopiques à notre disposition pour les sites girondins de cette étude (tabl. 5). L’activité humaine qui se manifeste dans les sites considérés se situe à une échelle locale d’après l’approvisionnement lithique. La présence de restes de poisson n’est significative que pour l’abri Faustin qui se distingue également des deux autres sites girondins par l’absence d’Antilope saïga. Si l’analyse archéozoologique et l’analyse isotopique suggèrent les ressources d’origine terrestre comme majoritaires pour l’alimentation humaine à Saint-Germain-la-Rivière et à Moulin-Neuf, le taxon avancé comme contribution carnée principale diffère. Dans le cas de l’abri Faustin, l’analyse isotopique du collagène apporte à ce jour la seule indication alimentaire précise. Elle peut cependant être replacée dans le cadre plus large de la région Aquitaine où la consommation significative de poisson d’eau douce au détriment des Salmonidés marins, comme c’est le cas à l’abri Faustin, serait plutôt reliée à l’Azilien d’après les études ichtyologiques (Le Gall 1992).

Tableau 5 – Synthèse des éléments archéologiques, archéozoologiques et isotopiques disponibles pour les sites girondins de Saint-Germain-la-Rivière, de Moulin-Neuf et de l’abri Faustin. Table 5 – Synthesys of the archaeological, zooarchaeological and isotopic data available for the Gironde sites of Saint-Germain-la-Rivière, Moulin-Neuf and abri Faustin.

L’abréviation NR signifie nombre de restes. NR means number of identified remains.

37 Faut-il voir dans les divergences entre reconstitutions archéozoologiques et isotopiques de l’alimentation humaine une contradiction ? Il ne nous paraît ni juste, ni justifié d’opposer ces deux approches. Tout d’abord, l’échelle d’analyse est bien différente. Les études archéozoologiques rendent compte du résultat de l’activité de subsistance d’un groupe d’individus plus ou moins nombreux sur une durée pouvant aller de plusieurs mois de l’année à plusieurs générations de chasseurs. L’analyse isotopique du collagène reflète l’alimentation moyenne d’un seul et même individu humain (celui qui est analysé) sur plusieurs années de son existence. Par ailleurs, les proportions de ressources protéiques reconstituées par l’étude isotopique correspondent à des quantités de viande consommée et non à des nombres de restes ou d’individus d’une espèce faunique sur lesquels se basent généralement les études archéozoologiques. Il

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serait donc plus judicieux d’établir les comparaisons entre étude des isotopes et étude de la faune sur la base des poids de viande (voir Drucker et Henry-Gambier 2005). Dans pareil cas, l’alimentation de l’individu analysé isotopiquement peut être comparée à l’activité de subsistance du groupe auquel il a pu être associé. Des problématiques telles que le partage des ressources alimentaires au sein d’un groupe peuvent alors être abordées. Même s’il n’est pas toujours possible de pousser l’étude aussi loin, la reconstitution de l’alimentation par l’analyse isotopique du collagène reste un moyen formidable d’accéder à l’intimité alimentaire de nos ancêtres. L’élargissement de l’analyse isotopique à un maximum de restes humains apportera en plus une vision unique sur la variabilité alimentaire inter-individuelle des Hommes du passé.

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RÉSUMÉS

Nous proposons une étude de l’alimentation humaine au cours du Magdalénien en Gironde qui intègre les derniers développements méthodologiques des reconstitutions basées sur les teneurs en isotopes stables (13C, 15N) du collagène. Lors d’un précédent travail (Drucker et Henry-Gambier 2005), la reconstitution isotopique du régime alimentaire de la femme de Saint-Germain-la- Rivière (Gironde) a bénéficié de l’application d’un modèle mathématique d’équation de mélange linéaire (Phillips et Koch 2002) adapté aux contraintes d’un contexte ancien. Une quantification des sources protéiques de l’alimentation a ainsi été rendue possible. Il en ressort que la femme de Saint-Germain-la-Rivière consommait surtout de la viande d’herbivores terrestres, majoritairement de Boviné. Dans cette étude, nous avons considéré d’autres sujets humains du Magdalénien de Gironde provenant des sites de Moulin-Neuf (Magdalénien moyen) et de l’abri Faustin (Magdalénien supérieur final). L’alimentation protéique de l’individu de Moulin-Neuf paraît essentiellement tournée vers les herbivores terrestres et plus spécifiquement le Cheval. Toutefois, dans le contexte de ce site, une certaine prudence s’impose par rapport à l’attribution de ce fossile humain au Paléolithique supérieur en l’absence actuelle de datation directe. L’individu magdalénien supérieur final de l’abri Faustin s’avère très significativement dépendant des ressources aquatiques avec une part plus importante des Cyprinidés par rapport au Saumon. Les teneurs en 15C et en 15N du collagène de vestiges humains Creswellien du Sud de l’Angleterre (Richards et al. 2000) n’indiquent pas une telle contribution des ressources d’eau douce dans leur alimentation. En comparaison avec les données de l’abri Faustin, l’alimentation humaine au Bölling/Alleröd en Angleterre reste inféodée aux ressources terrestres dans un contexte environnemental de toundra plus marqué que dans le Sud-Ouest de la France.

We present a study of the human diet during the Magdalenian in Gironde which uses last methodological approaches of reconstruction based on collagen stable isotopes (13C, 15N). In Drucker and Henry-Gambier (2005), a linear mixing model (Phillips et Koch 2002) was applied taking into account constraints of ancient contexts. Quantification of diet protein sources was thus performed. The woman of Saint-Germain-la-Rivière appeared to consume essentially the meat of terrestrial herbivores, especially from large Bovid. In this paper, we considered other human individuals from the Magdalenian of Gironde from Moulin-Neuf (Middle Magdalenian) and abri Faustin (Final Magdalenian). The proteic part of the diet of Moulin-Neuf specimen seems to be essentially based on terrestrial herbivores and specifically Horse. However, in this site, the attribution of the human fossil to the Upper Palaeolithic period is not secured as there is no direct datation. The diet of the individual from the Final Magdalenian of abri Faustin includes a significant proportion of aquatic sources, with more Cyprinids than Salmon. The 13C and 15N amounts of collagen from Creswellian human remains from southern England (Richards et al.

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2000) do not indicate a significant input of freshwater ressources in their diet. In comparison with the data of abri Faustin, the human diet during the Bölling/Alleröd in England depends on terrestrial ressources in a more toundric environment than in southwestern France.

INDEX

Keywords : 13C, 15N, collagen, diet, fish, Gironde, human remains, large Ungulates, Magdalenian Mots-clés : 13C, 15N, alimentation, collagène, Gironde, grands Ongulés, Magdalénien, poisson, restes humains

AUTEURS

DOROTHÉE G. DRUCKER Équipe d’Archéologie environnementale, ArScAn-UMR 7041, Maison de l’Archéologie et de l’Ethnologie René Ginouvès, 21 allée de l’Université, case courrier 05, 92023 Nanterre Cedex, [email protected]

DOMINIQUE HENRY-GAMBIER Laboratoire d’Anthropologie des Populations du Passé, PACEA-UMR 5199, Avenue des Facultés, 33405 Talence, [email protected]

MICHEL LENOIR Université Bordeaux I, Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire, PACEA-UMR 5199, 33405 Talence cedex, [email protected]

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Le Cheval du gisement Pléistocène moyen de La Micoque (Les Eyzies- de-Tayac, Dordogne) : Equus mosbachensis micoquii nov. ssp. The Horse from the Middle Pleistocene archaeological site of "La Micoque" (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne): Equus mosbachensis micoquii nov. ssp.

Anne Langlois

Je voudrais tout d’abord remercier F. Delpech et J.-L. Guadelli pour m’avoir dirigée dans le cadre de ma thèse et ainsi m’avoir permis de mener à bien cette recherche. Je remercie également le Conservateur en chef du Musée National des Eyzies, Jean-Jacques Cleyet-Merle, pour m’avoir confié, pour étude, le matériel du site de La Micoque ainsi que A. Debénath et J.-P. Rigaud qui ont exhumé les vestiges étudiés. Merci également à toutes les personnes qui m’ont aidée au cours de mes années de thèse. Mes derniers remerciements vont aux trois personnes du comité de lecture qui ont relu et corrigé cet article, M.-F. Bonifay, F. Delpech et P. Fernandez.

1 – Problématique

1 Dès les premières études paléontologiques, le Cheval de La Micoque fut déterminé comme appartenant à « une grande race d’Equus caballus » (Hauser 1907, p.11). Il serait proche « des lourds chevaux de la période interglaciaire des steppes en Allemagne et se rattache aux dépôts plus anciens de la grotte de Lunel-Viel » (Hauser 1907, p.12). Lors des études récentes de la faune, le Cheval de La Micoque a été attribué à une forme proche d’Equus mosbachensis, notamment par la robustesse de ses molaires. F. Prat précise que ces dents « présentent (…) quelques dispositions archaïques » (Prat 1968, p. 249). Toutefois, le degré d’évolution de ce Cheval au sein du groupe Equus mosbachensis restait à définir. Outre la meilleure connaissance de ce taxon, ce travail devait permettre, grâce à une étude biostratigraphique, d’ancrer le gisement de La Micoque dans la chronologie du Pléistocène moyen.

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Rappel de systématique : qu’est-ce que l’espèce Equus mosbachensis ?

2 Ce que l’on a coutume d’appeler dans la littérature « chevaux » rassemble les caballins et les sténoniens. Au sein des caballins, différentes formes ont été distinguées. A l’origine, elles avaient été décrites comme des sous-espèces d’Equus caballus (Prat 1968 ; Guadelli 1987) comme par exemple en France Equus caballus mosbachensis, Equus caballus piveteaui, Equus caballus germanicus, Equus caballus gallicus puis comme des espèces distinctes (Guérin 1996) notamment Equus mosbachensis. Adhérer à l’un ou à l’autre de ces points de vue est délicat. Actuellement, la variabilité spécifique comme la variabilité sous-spécifique est encore incomplètement documentée chez les chevaux fossiles (Guadelli 1987). Comme M.-F. Bonifay (1980), V. Eisenmann et al. (1985) et J.-L. Guadelli et F. Prat (1995), nous pensons, que certaines formes ont droit au rang spécifique et plus particulièrement le groupe des chevaux de type mosbachensis qui s’oppose au groupe caballus plus récent par de nombreux caractères (Langlois 2004).

3 Equus mosbachensis apparaît au début du Pléistocène moyen, c’est le premier caballin (sensu lato) européen. Il fut découvert dans le gisement de Mosbach en Allemagne, et décrit par W. von Reichenau en 1915 qui le nomme E. caballus mosbachensis car il possédait des caractères morphologiques dentaires propres à l’espèce E. caballus. Ses dimensions crâniennes sont très grandes et son museau long (Eisenmann et al. 1985). Sa taille au garrot a été estimée à environ 1,70 m (Gromova 1949a). Il garde, cependant, des particularités sténoniennes à savoir un front relativement étroit, des dents jugales petites et les os des extrémités assez étroits (Gromova 1949a et 1949b). Les restes ayant servi à sa diagnose proviennent de niveaux archéologiques qui correspondraient à une période tempérée, datant d’un peu moins de 700 000 ans (Brüning 1974, 1978). L’extension géographique de ce « Cheval » de Mosbach couvrait l’ensemble de l’Europe, de la France à la Russie (Prat 1968).

4 La quantité de gisements ayant livré des restes attribuables à Equus mosbachensis ainsi que leur présence sur une période relativement longue (Pléistocène moyen) ont favorisé la création de nombreux taxons : Equus caballus mosbachensis tautavelensis Crégut, 1980 : ce Cheval a été découvert à la Caune de l’Arago (Tautavel, Pyrénées Orientales). Ces restes sont issus des couches archéologiques du sol G, dont l’âge a été longuement discuté (M.A. et H. de Lumley 1971 ; Crégut 1979 ; Eisenmann et al. 1985). Récemment, des datations radiométriques montrent que les niveaux les plus anciens de ce gisement se seraient formés pendant ou avant le stade isotopique 9, soit vers 300 - 350 ka (Falguères et al. 2004). Nous savons également que ces restes sont associés à une faune de climat froid (Bellai 1995). La morphologie dentaire et certaines dimensions de cet Équidé sont celles d’une forme assez évoluée d’Equus mosbachensis. Toutefois, E. Crégut a noté des caractères propres à ce Cheval comme par exemple les « proportions des phalanges antérieures [qui] sont bien différentes de celles d’Equus mosbachensis, comme d’ailleurs de celles des autres Equidae européens connus jusqu’à ce jour » (Crégut 1980, p.124). En 1985, V. Eisenmann et al considèrent que le Cheval de Tautavel est différent d’Equus mosbachensis ; d’après ces auteurs, ce Cheval possède des caractères qui le rapprocheraient de l’espèce Equus chosaricus.

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Equus mosbachensis palustris Bonifay, 1980 : défini à Lunel-Viel (Hérault), dans les ensembles supérieur et inférieur, cet Équidé est représenté par un nombre important de restes. La présence simultanée d’espèces archaïques et évoluées au sein des niveaux archéologiques suggère, pour le gisement, un âge proche de la fin du Pléistocène moyen, autour de 350 ka (Fosse 1994). Cet Équidé a pour caractéristique un crâne de taille moyenne avec une gouttière nasale visible, ce qui est un caractère ancien. Ses dents possèdent des caractères caballins : les molaires supérieures présentent un pli caballin fréquent mais persistent des caractères ancestraux comme, par exemple, « un protocône assez allongé (…) et la brièveté des dernières molaires par rapport à la longueur des molaires » (Bonifay 1980, p.261). La dentition est attribuable à un caballin (sensu lato). Son crâne est toutefois plus petit que celui du Cheval de Mosbach et encore plus que celui trouvé à l’Arago (Eisenmann et al. 1985). Pour M.-F. Bonifay (1980), le Cheval de Lunel-Viel se rapproche de la forme mosbachensis mais il possède des caractères spécifiques qui peuvent être interprétés comme une adaptation particulière à un milieu tempéré et à une zone humide et marécageuse. M.-F. Bonifay (1980) met en parallèle la Camargue actuelle et la zone de Lunel-Viel au cours de l’interglaciaire Mindel-Riss. Elle justifie ainsi le terme de « palustris » choisi pour nommer la nouvelle sous-espèce. Cependant, les reconstitutions du crâne faites par V. Eisenmann et al. (1985) montreraient des ressemblances morphologiques et biométriques entre ce crâne et ceux du Cheval de Przewalski actuel et serait donc à rapprocher de l’espèce Equus przewalskii. Il faut toutefois rappeler que les vestiges crâniens sur lesquels sont fondées les diagnoses ne représentent que quelques crânes fragmentaires dont un seul est complet. Les différences entre Equus mosbachensis et les deux formes du Sud de la France précédemment citées, portent essentiellement sur la longueur des museaux, il faut savoir que ce caractère n’est pas diagnosique de l’espèce (Eisenmann et al. 1985 p.163 -164).

5 Equus mosbachensis campdepeyri Guadelli et Prat, 1995 : cette nouvelle sous-espèce fut décrite en 1976, dans le site de Camp-de-Peyre (Sauveterre-la-Lémance, Lot-et- Garonne). Ces restes sont associés à une faune qui vivait dans un milieu ouvert, sous un climat froid lors d’une période antérieure à l’interglaciaire Mindel / Riss (Delpech et al. 1978). Les fouilles ont fourni des os de chevaux pour la plupart entiers et une tête osseuse endommagée (calvarium, prémaxillaire avec les séries incisivales et la canine gauche, mandibule sans les régions angulaires). Après étude, J.-L. Guadelli et F. Prat (1995) indiquent que ces fragments de crâne ont des dimensions un peu plus faibles que celles du crâne retrouvé à Mosbach mais un peu plus grandes que celui de Lunel-Viel. Par rapport à ce dernier, le museau est plus court et plus large, il s’agit toutefois d’un individu assez jeune (5 ans). L’examen des restes dentaires et osseux montre qu’il s’agit d’un caballin au sens large, dont la hauteur au garrot est de 1,50 m minimum. Ce Cheval est différent des Équidés datant du Pléistocène moyen par sa taille. Ses mensurations incitent les auteurs à penser qu’il s’agit d’un Equus du Pléistocène moyen de moindre stature, « moins grand que certains chevaux rissiens et mindéliens » mais « sûrement plus élancé que l’Équidé de Lunel-Viel (interglaciaire Mindel / Riss) » (Guadelli et Prat 1995, p.95). Des caractères archaïques ont également été distingués. Le fait que cet Équidé possède un museau relativement court et une face haute est interprété comme une adaptation à un climat froid. « Le Cheval de Camp-de-Peyre (…) semble différer sensiblement de celui de Lunel-Viel, moins grand, aux formes lourdes, au museau

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modérément long et étroit qui, selon M.-F. Bonifay (1980), évoluait dans un milieu tempéré et humide » (Guadelli et Prat 1995 p.97).

6 De nombreux auteurs, comme Cl. Guérin (1996), M.-F. Bonifay (1980), V. Eisenmann et al. (1985) et J.-L. Guadelli et F. Prat (1995), font d’Equus mosbachensis une espèce à part entière qui comprendrait de nombreuses sous-espèces comme par exemple Equus mosbachensis campdepeyri, Equus mosbachensis palustris et Equus mosbachensis tautavelensis (cf. supra). Il nous paraît fortement probable qu’au sein de la lignée mosbachensis, qui a duré près de 500 ka, des sous-espèces soient apparues dans différentes régions. En effet, les Chevaux de la Caune de l’Arago, de Lunel-Viel et de Camp-de-Peyre possèdent des caractères morphologiques et biométriques relativement proches tout en ayant des particularités. C’est pourquoi nous pensons que ces Chevaux appartiennent à une même lignée : la lignée mosbachensis.

7 Lors de notre étude paléontologique, nous avons comparé les restes fauniques du Cheval de La Micoque à différents individus appartenant à l’espèce Equus mosbachensis mais également à d’autres chevaux plus récents appartenant à l’espèce caballus sensu stricto comme :

8 Equus caballus piveteaui David et Prat, 1962 : Equidé décrit à partir de fossiles mis au jour à l’Abri Suard en Charente. Il possède des caractères nettement caballins (David et Prat 1962) en ayant, cependant, gardé quelques caractères archaïques sur certaines mâchelières (Prat 1968). Cet Équidé, plus petit qu’Equus mosbachensis, présenterait des affinités avec ce dernier et serait d’une taille supérieure à celle d’Equus caballus germanicus (David et Prat 1962). Equus caballus piveteaui serait un descendant des grands chevaux apparentés à Equus mosbachensis tout en possédant des caractères qui lui sont spécifiques (David et Prat 1962 ; Prat 1968). Les gisements d’où sont issus les ossements attribués à cet Équidé ont été datés du « Riss III » (Bordes et Prat 1965). Ce Cheval a aussi été reconnu à Combe-Grenal et Creyssac (Dordogne) ainsi qu’à l’Abri Suard (Charente) (Guadelli 1987).

9 Equus caballus germanicus Nehring, 1884 : sur le site de Remagen en Allemagne, A. Nehring découvre en 1884, dans des niveaux datant de la dernière glaciation, des restes de chevaux qu’il attribue à une nouvelle sous-espèce : Equus caballus germanicus (in Prat 1968). Sa stature, ses pattes massives et ses larges sabots indiquent qu’il habitait dans « la bande préglaciaire froide et humide de l’Europe occidentale » (Gromova 1949a, p. 126). Il possède en effet des os des extrémités d’une grande robustesse et A. Nehring (in Gromova 1949a) évalue sa hauteur au garrot à environ 1,55 m. Les restes de cet Équidé sont souvent associés à des faunes plus ou moins froides. Ce Cheval avait une aire de répartition qui s’étendait sur une grande partie de l’Europe occidentale. Dans le Sud- Ouest de la France, nous pouvons citer de nombreux gisements dont La Chaise et en Charente, Combe-Grenal et le Pech-de-l’Azé en Dordogne et Pair-non-Pair en Gironde (Guadelli 1987 ; Prat 1968). Il est probablement présent dans le gisement d’Atapuerca (Espagne), où des restes de chevaux ont été attribués à Equus caballus cf. germanicus (Carbonell Roura et al. 1999). En France, Equus caballus germanicus est présent « durant une bonne partie du Paléolithique moyen et le début du Paléolithique supérieur » (Prat 1968 p.406). Il a été reconnu « dans les stations moustériennes du Würm II » (Prat op. cit. p.407) ainsi qu’au « début du Würm III » à La Chaise et à . Son extension chronologique est sans doute comprise entre le stade isotopique 5d et le stade isotopique 3.

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10 Equus caballus gallicus Prat, 1968 : Un siècle après leur découverte, F. Prat étudie les restes d’un Équidé trouvés à Solutré (Saône-et-Loire) par A. Arcelin dès 1866 (Arcelin 1890). Il définit une nouvelle forme d’Équidé : Equus caballus gallicus (Prat 1968). D’une taille inférieure à celle d’Equus caballus germanicus (il ne mesurerait au garrot en moyenne que 1,35 à 1,38 m), ce Cheval possédait une morphologie différente avec des caractères caballins mieux affirmés sur sa denture. Déjà en 1949, V. Gromova décrit le Cheval de Solutré comme un petit Équidé dont les dimensions des os sont proches de celles des Chevaux sauvages : Tarpan et Cheval de Przewalski. Cet Équidé apparaîtrait dès la fin de l’interstade Würm ancien / Würm récent, vers 35 000 ans BP et perdurerait au moins jusqu’à 23 ou 24 000 ans BP en Saône-et-Loire (Guadelli 1989). Equus caballus gallicus serait, d’après F. Prat (1968) et J.-L. Guadelli (1987), un descendant direct de Equus caballus germanicus. V. Eisenmann (1982) n’approuve pas totalement cette proposition et en 1991, elle rejette cette hypothèse et attribue tous les restes concernés à Equus caballus germanicus (Eisenmann 1991 p.752).

11 Equus caballus arcelini Guadelli, 1986 : F. Prat (1968) pensait qu’un seul Cheval était présent à Solutré (Saône-et-Loire), mais dans les niveaux magdaléniens datés de 12 500 ans BP, J.-L. Guadelli (1989) décrit un petit équidé possédant des jugales à très grand protocône. Cette forme est présente dans d’autres gisements du Würm supérieur : Le Queroy (Charente), Chasse-sur-Rhône (Isère) (Eisenmann 1991 ; Guadelli 1987 ; Guérin 1996). Ce Cheval possède des proportions à peu près identiques à celles d’Equus caballus gallicus, seule sa taille est plus faible (1,38 m pour arcelini et 1,41 m pour gallicus) (Guadelli 1989). Cette forme descendrait probablement d’Equus caballus gallicus. Ainsi le remplacement d’Equus caballus germanicus par Equus caballus gallicus puis par Equus caballus arcelini s’accompagnerait d’un changement de taille. D’après V. Eisenmann (1991), ce changement pourrait être le résultat d’une migration ou d’une évolution locale. Pour N. Spassov et N. Iliev (1997), il pourrait s’agir de migrations de chevaux, au cours de la glaciation würmienne, qui se seraient produites de l’Est de l’Europe vers l’Ouest.

12 A la suite de ces données, la lignée caballine peut être schématisée comme il est présenté dans le tableau 1. Le Cheval, animal très souvent rencontré dans les faunes préhistoriques, a fait l’objet de nombreuses études qui ont abouti à diverses propositions systématiques. F. Prat (1968) a été le premier à proposer une classification des Caballins en se fondant sur les variations de caractères évolutifs. D’autres arbres phylétiques ont également été proposés (cf. in Langlois 2004) comme par exemple celui d’A. Azzaroli (1982) ou la classification typologique de V. Eisenmann (1991). Ces classifications paraissent trop floues ou compliquent encore plus la lignée des chevaux. En effet, pour certaines filiations de l’arbre phylétique d’A. Azzaroli (1982), il manque des données et V. Eisenmann (1991), dans le sien, regroupe des espèces n’ayant aucun lien phylétique entre elles. L’arbre phylétique établi d’après les travaux de F. Prat en 1968 complété par des informations tirées de travaux ultérieurs (Prat 1969 ; Guadelli et Prat 1995) servira de base à nos réflexions (tabl. 1).

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Tableau 1 – Évolution de quelques Équidés européens depuis 700 ka. Table 1 – Evolution of some European Equids since 700 ky.

2 – Présentation du gisement

13 Le gisement de La Micoque (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne), fut découvert fortuitement il y a plus d’un siècle (fig.1). C’est en effet en 1895 que, lors d’un défrichement précédant la plantation d’une vigne, des ouvriers mirent au jour le site préhistorique. En 1896, G. Chauvet et R. Rivière entreprirent les premières fouilles (Chauvet et Rivière 1896, 1897). Au cours des années suivantes, de nombreux chercheurs se succédèrent, notamment D. Peyrony qui fouilla de 1929 à 1932 et identifia 15 couches et 6 niveaux archéologiques. Ce sont A. Debénath et J.-Ph. Rigaud, qui de 1983 à 1996, dirigèrent les dernières fouilles et exhumèrent le matériel sur lequel se fonde cet article (Rigaud 1984 ; Debénath et Rigaud 1986).

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Figure 1a – Localisation géographique du gisement de La Micoque (Dordogne). Figure 1a – Geographical localization of La Micoque (Dordogne).

Figure 1b – Localisation géographique du gisement de La Micoque (Dordogne). Figure 1b – Geographical localization of La Micoque (Dordogne).

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14 Très rapidement le gisement de La Micoque apparut d’une très grande importance, surtout en raison du développement de sa stratigraphie et de la richesse de plusieurs de ses niveaux en vestiges lithiques. Plusieurs strates livrèrent, en effet, des industries apparemment différentes de toutes celles reconnues jusqu’alors (niveaux archéologiques 2, 3, 4, 5, 5’ et 6 des fouilles Peyrony correspondant respectivement aux couches C, E, H, J, L et N) (fig.2).

Figure 2 – Stratigraphie du gisement de La Micoque (in Laville et Rigaud 1976). Figure 2 – Stratigraphy of the site of La Micoque (in Laville and Rigaud 1976).

Les couches E, H, J et L sont les couches fossilifères étudiées, la couche A n’est plus visible et la couche N a disparu. Levels E, H, J and L are the fossiliferous levels studied, level A is not apparent and level N disappeared.

15 Dès 1916, le gisement de La Micoque devient site éponyme du « » (Hauser 1916 in Leroi-Gourhan 1997). O. Hauser propose ce terme pour identifier au sein de la couche sommitale aujourd’hui disparue (niveau archéologique 6, couche N de la stratigraphie établie par D. Peyrony, 1938), une industrie composée de bifaces pointus et d’éclats préparés. Ce terme fut repris par H. Breuil en 1932.

16 Une deuxième industrie a été identifiée au sein des niveaux supérieurs par ce dernier auteur. Il s’agit des niveaux 4 et 5 qui correspondent aux couches H et J de la stratigraphie de H. Laville et J.-Ph. Rigaud (1976, fig.2). Cette industrie à débitage de type clactonien est associée à des racloirs et des denticulés « d’aspect très moustérien » à laquelle H. Breuil attribua le terme de « Tayacien ». Des analyses récentes du matériel lithique ont montré que « les couches 3 et 4 de La Micoque peuvent être considérées comme moustériennes d’après leur outillage alors que la technologie du débitage et des bifaces les rapprocherait des industries de l’Acheuléen méridional » (Delpech et al. 1995, p.155). Les industries des couches 5, 5’ et 6 ont des « caractères acheuléens plus marqués » (Delpech et al. 1995, p.156).

17 En ce qui concerne les datations radiométriques, les études de H. P. Schwarcz et R. Grün en 1988 et celles de C. Falguères et ses collaborateurs en 1997 ont montré que les couches fossilifères E à L2/3 ont un âge compris entre 300 et 350 ka (le niveau L2/3 est

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daté à 288 ± 10 ka par H. P. Schwarcz et R. Grün en 1988 et en 1997, C. Falguères et ses collaborateurs datent le même niveau à 284 ± 20 ka), elles se seraient déposées lors d’une même période semi-aride froide, au cours du stade isotopique 10 (Texier et Bertran 1993).

18 Au cours des différentes campagnes de fouilles, l’originalité de ces techno-complexes a soulevé de nombreuses questions liées à la signification, en terme de culture, des techno-complexes eux-mêmes, à leur succession dans le temps et à leur répartition dans l’espace.

19 Avec le Pech-de-l’Azé II (Carsac, Dordogne), La Micoque constituait le deuxième gisement archéologique du Périgord comportant une longue séquence stratigraphique du Pléistocène moyen (Peyrony 1938). Bien que, lors des dernières décennies, soit venu s’ajouter un troisième site : la grotte XV de la falaise du Conte (Dordogne), dite grotte Vaufrey (Fouilles J.-Ph. Rigaud 1988), les sites du Pléistocène moyen restent peu nombreux par rapport à ceux du Pléistocène supérieur.

20 Enfin, le gisement de La Micoque est original car son spectre faunique (tabl. 2-annexe) est dominé par un taxon : le Cheval (plus de 88 % du matériel déterminé), alors que les gisements voisins dont nous venons de parler (Vaufrey, Pech-de-l’Azé II) livrent une faune beaucoup plus variée (tabl. 3 et 4-annexe).

21 Les niveaux archéologiques sont regroupés d’un point de vue litho-stratigraphique dans les ensembles F4 (couches D, F, G, I à K) et DP3 (couches E, H et L) (fig.2 et 3). L’ensemble F4 d’origine fluviatile, s’oppose à DP3 dont les sédiments proviennent essentiellement du versant (Texier et Bertran 1993).

Figure 3 – Litho-stratigraphie du site de La Micoque (d’après Texier et Bertran 1993). Figure 3 – Litho-stratigraphy of La Micoque (after Texier & Bertran 1993).

Ensemble inférieur (F1, F2, DP1) stérile ; Ensemble moyen (F3, F4, DP3) regroupe les couche A à N de D. Peyrony ; Ensemble supérieur (DP4) a livré quelques silex à sa base, non décrit précédemment. Lower unit (F1, F2, DP1) sterile; middle unit (F3, F4, DP3) including the layers A to N of D. Peyrony; Upper unit (DP4) displaying in its lower part, some silex, not previously described.

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3 – Étude paléontologique

3.1 – Présentation du matériel

22 Les restes de Chevaux sur lesquels s’est appuyée notre étude sont au nombre de 1446. Ils proviennent des couches D à L. Dans le tableau 5 (annexe) qui fait état de la répartition de ce matériel dans la stratigraphie, les couches les plus riches sont E, H et J.

23 Au cours de notre étude, nous avons utilisé comme référence les données appartenant à des chevaux de différents sites, à savoir : Mosbach (Prat 1968), la Caune de l’Arago (Crégut 1979), Camp-de-Peyre (Guadelli et Prat 1995), Lunel-Viel (Bonifay 1980), Montoussé (Prat 1968), Achenheim (Prat 1968), Biache-Saint-Vaast (Auguste 1995), le Bau de l’Aubesier (Fernandez 2001), l’Abri Suard (Prat 1968), Taubach (Musil 1977), Combe-Grenal (Guadelli 1987), Pair-non-Pair (Prat 1968), Camiac (Guadelli 1987), Jaurens (Mourer-Chauviré 1980), Saint-Germain-la-Rivière (Prat 1968), Solutré (Guadelli 1987). Toutefois, certaines données n’étant pas publiées, nous avons calculé les valeurs manquantes, elles ont été signalées par une astérisque dans les tableaux de mesures.

24 Les différents gisements pré-cités sont présentés dans notre mémoire de thèse (Langlois 2004) qui est consultable sur le site de l’Université de Bordeaux I.

3.2 – Étude du matériel faunique

25 Bien que les restes de chevaux paraissaient appartenir à un même taxon, il était nécessaire, avant tout regroupement, de montrer qu’ils ne présentaient pas de différences significatives entre les différentes couches. Ceci a été testé sur les échantillons que composent les dents pour chaque couche. Les travaux comparatifs et les tests effectués (Langlois 2004 Annexes 15 et 16) ont montré qu’il n’y avait pas de différences biométriques significatives. Nous considérons que les vestiges d’Équidés des couches D à L correspondent à une même population.

3.2.1 – Les restes dentaires

26 Morphologiquement, ces dents présentent des caractères caballins. Sur les jugales supérieures, on note : des faces vestibulaires du paracône et du métacône très concaves, un protocône bilobé possédant un sillon médial plus ou moins marqué, un mésostyle dédoublé et assez large sur les prémolaires et molaires, un parastyle souvent dédoublé sur les prémolaires. Sur les jugales inférieures : une double boucle dissymétrique, un métastylide triangulaire et un métaconide pédonculé et globuleux, un sillon lingual profond et en forme de U, un sillon vestibulaire peu profond. A partir de l’étude morphologique des dents, nous pouvons dire que le Cheval présent à La Micoque appartient au groupe des « vrais » chevaux : les Caballins.

P2 supérieures

27 Les deuxièmes prémolaires supérieures (P2/) du Cheval de La Micoque ne s’individualisent pas de celles des autres Chevaux (fig.4) (Langlois 2004, tabl. 22).

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Figure 4 – P2 supérieures de différents gisements. Figure 4 – Upper P2 from various sites.

Diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual moyens occlusaux et leurs intervalles de confiance à 95%. Average mesio-distal and vestibulo-lingual occlusal diameters and their reliable intervals up to 95 %.

28 Le diamètre mésio-distal (DMD)1 du protocône de ces P2/ (tabl. 6-annexe) est peu différent de celui des chevaux de Biache-Saint-Vaast (Pas-de-Calais), du Bau de l’Aubesier (Vaucluse) et même de Combe-Grenal et de Camiac. Toutefois, relativement au diamètre mésio-distal occlusal de la dent, il est beaucoup plus court que chez ces derniers (fig.5).

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Figure 5 – P2 supérieures. Diamètre mésio-distal moyen occlusal du protocône en fonction du diamètre mésio-distal moyen occlusal de la dent. Figure 5 – Upper P2. Average mesio-distal occlusal diameter of protocone in terms of average mesio- distal diameter of teeth.

29 Les deuxièmes prémolaires supérieures du Cheval de La Micoque sont donc parmi les plus petites mesurées. En cela, elles sont proches de celles d’Equus mosbachensis de Biache-Saint-Vaast, Bau de l’Aubesier mais également proche de celles d’Equus caballus germanicus de Combe-Grenal et d’Equus caballus gallicus de Camiac.

P3-4 supérieures

30 Les Chevaux des sites de Mosbach, de la Caune de l’Arago et de Camp-de-Peyre possèdent des troisièmes et quatrièmes prémolaires supérieures dont la surface occlusale est très vaste (Langlois 2004, tabl. 23). En revanche, les P3-4 des Chevaux de Biache-Saint-Vaast, du Bau de l’Aubesier et de Taubach (Allemagne) ainsi qu’à Combe- Grenal et Camiac présentent des diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual courts. Ces dimensions sont comparables à celles des prémolaires 3 et 4 du Cheval de La Micoque (tabl. 7- annexe, fig.6).

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Figure 6 – P3-4 supérieures de différents gisements. Diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual moyens occlusaux et leurs intervalles de confiance à 95 %. Figure 6 – Upper P3-4 from various sites. Average mesio-distal and vestibulo-lingual occlusal diameters and their reliable intervals up to 95 %.

31 Mis à part le Cheval de Lunel-Viel qui a un protocône très court, le Cheval de La Micoque, comme tous les autres chevaux auxquels on le compare, présente des prémolaires avec un diamètre mésio-distal (DMD) du protocône relativement important par rapport au diamètre mésio-distal de la dent (fig.7).

Figure 7 – P3-4 supérieures. Diamètre mésio-distal moyen occlusal du protocône en fonction du diamètre mésio-distal moyen occlusal de la dent. Figure 7 – Upper P3-4. Average mesio-distal occlusal diameter of protrocone in terms of average mesio- distal occlusal diameter of teeth.

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32 L’étude biométrique des restes dentaires permet de montrer que les prémolaires supérieures des Chevaux de La Micoque ont des dimensions relativement petites (tabl. 7-annexe) comme chez les chevaux de Biache-Saint-Vaast et du Bau de l’Aubesier.

M1-2 supérieures

33 Les M1-2 supérieures du Cheval de La Micoque présentent également des particularités d’un point de vue dimensionnel : leur diamètre vestibulo-lingual (DVL) est faible relativement à leur diamètre mésio-distal (tabl. 8-annexe) (Langlois 2004, tabl. 24). Ainsi, si du point de vue de leur longueur elles se rapprochent des grands chevaux de Camp-de-Peyre et de la Caune de l’Arago, elles sont cependant beaucoup plus étroites. De part ces caractères, les M1-2 supérieures du Cheval de La Micoque se rapprochent beaucoup de celles du Cheval de Taubach (fig.8).

Figure 8 – M1-2 supérieures de différents gisements. Figure 8 – Upper M1-2 from various sites.

Diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual moyens occlusaux et leurs intervalles de confiance à 95 %.Average mesio-distal and vestibulo-lingual occlusal diameter and their reliable intervals up to 95 %.

34 Le diamètre mésio-distal (DMD) du protocône de ces molaires est relativement court par rapport à ce qu’on peut voir chez les « grands chevaux », en cela le Cheval de La Micoque est proche du Cheval de Lunel-Viel. On remarque que le protocône de ses M1-2 supérieures n’est pas plus long que celui des M1-2 supérieures du Cheval de Camiac dont la longueur des molaires (DMD) est pourtant beaucoup plus faible (fig.9).

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Figure 9 – M1-2 supérieures de différents gisements. Figure 9 – Upper M1-2 from various sites.

Diamètre mésio-distal moyen occlusal du protocône en fonction du diamètre mésio-distal moyen occlusal de la dent. Average mesio-distal occlusal diameter of protocone in terms of average mesio-distal occlusal diameter of teeth.

M3 supérieures

35 Les troisièmes molaires supérieures des chevaux de La Micoque possèdent des dimensions comparables à celles des Equus mosbachensis (fig.10) (Langlois 2004, tabl. 25). Elles sont massives avec un protocône très court (tabl. 9-annexe). C’est également le cas chez l’Equus caballus gallicus de Camiac (fig.11), de même que sur les M3 supérieures du Cheval de Biache-Saint-Vaast.

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Figure 10 – M3 supérieures de différents gisements. Figure 10 – Upper M3 from various sites.

Diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual moyens occlusaux et leurs intervalles de confiance à 95 %. Average mesio-distal and vestibulo-lingual occlusal diameters and their reliable intervals up to 95 %.

Figure 11 – M3 supérieures de différents gisements. Figure 11 – Upper M3 from various sites.

Diamètre mésio-distal moyen occlusal du protocône en fonction du diamètre mésio-distal moyen de la dent. Average mesio-distal occlusal diameter of protocone in terms of average mesio-distal occlusal diameter of teeth.

36 En définitive, le Cheval de La Micoque possède des prémolaires de petite taille, des première et deuxième molaires aussi longues (diamètre mésio-distal) que celles des plus grands chevaux mais beaucoup plus étroites (diamètre vestibulo-lingual) alors que la troisième molaire ne diffère pas de celle des plus grands Equus mosbachensis. Quant au

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protocône, il ne présente pas de particularités sur les prémolaires mais il est très court sur les molaires (tabl. 10-annexe).

Évolution de l’indice protoconique au sein de la série des dents jugales supérieures

37 Pour rappel, l’indice protoconique représente, pour chaque dent, la longueur du diamètre mésio-distal du protocône relativement à celle du diamètre mésio-distal occlusal, le tout multiplié par 100. Cette évolution serait différente chez les chevaux de type mosbachensis et chez ceux du type caballus : l’indice augmenterait de la P2/ à la M3/ chez les premiers et chute au niveau de la M3/ chez les seconds. Cette particularité a été démontrée par V. Eisenmann en 1980 et nous la retrouvons pour les différents Équidés utilisés ici comme référents. Les figures 12 et 13 montrent clairement que : 1. pour Camp-de-Peyre et la Caune de l’Arago, l’indice protoconique présente une élévation régulière de M1 à M3 ; 2. pour Lunel-Viel et le Bau de l’Aubesier, l’élévation est forte au niveau des M1-2 puis plus faible pour M3 ; 3. pour La Micoque, l’augmentation est régulière mais faible ; 4. pour Biache-Saint-Vaast, Taubach et Combe-Grenal, l’indice protoconique diminue légèrement de M1-2 vers M3 ; 5. pour l’Abri Suard et Camiac, la baisse de l’indice protoconique au niveau des M3 est forte. Il existe une distinction nette entre le groupe des « grands » chevaux de type mosbachensis (auxquels on peut ajouter Equus taubachensis) et celui des chevaux plus récents : Equus caballus piveteaui, Equus caballus germanicus et Equus caballus gallicus. L’évolution de l’indice protoconique des dents jugales du Cheval de La Micoque rapproche celui-ci des formes « anciennes » du Pléistocène moyen.

Figure 12 – Indice protoconique moyen des jugales supérieures de Equus mosbachensis et de Equus taubachensis comparé à celui des jugales supérieures du Cheval de La Micoque. Figure 12 – Average protoconic coefficient of Equus mosbachensisand Equus taubachensis upper cheek-teeth compared to the protoconic coefficient of the Horse of La Micoque upper cheek-teeth.

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Figure 13 – Indice protoconique des jugales supérieures des Équidés de type piveteaui, germanicus et gallicus comparé à celui des jugales supérieures du Cheval de La Micoque. Figure 13 – Protoconic coefficient of upper cheek-teeth of E. caballus piveteaui, E. caballus germanicus and E. caballus gallicus compared to the protoconic coefficient of the Horse of La Micoque upper cheek-teeth.

38 Le diamètre mésio-distal des dents serait lié au type de végétation dont les individus tirent leur nourriture. V. Gromova (1949a) et de nombreux autres auteurs (Guadelli et Prat 1995 ; Eisenmann 1982) s’accordent à dire que l’allongement du protocône (et l’accroissement de l’hypsodontie) des dents correspondraient à une végétation de type steppique. Le Cheval de La Micoque présente des jugales supérieures dont les diamètres mésio-distaux des protocônes sont relativement assez courts par rapport à ceux de la Caune de l’Arago, Camp-de-Peyre et Mosbach. Les chevaux de La Micoque, Lunel-Viel (fig.9) et Camiac (fig.11), devaient vivre dans un environnement moins steppique que les chevaux cités précédemment (Bonifay 1980 ; Guadelli 1987).

P2 inférieures

39 Les deuxièmes prémolaires inférieures présentent toutes un diamètre vestibulo-lingual (DVL) relativement faible (Langlois 2004, tabl. 27). Les dents du Cheval de La Micoque se distinguent par un diamètre mésio-distal relativement élevé (fig.14 - tabl. 11-annexe). Seuls, les Chevaux de la Caune de l’Arago possèdent des dents de très grandes dimensions. Le Cheval de La Micoque, par la taille de ces P/2, se situe entre ceux de Camp-de-Peyre et Mosbach d’une part et de ceux du Bau de l’Aubesier et de Combe- Grenal d’autre part.

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Figure 14 – P2 inférieures de différents gisements. Figure 14 – Lower P2 from various sites.

Diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual moyens occlusaux et intervalles de confiance à 95 %. Average mesio-distal and vestibulo-lingual occlusal diameters and their reliable intervals up to 95 %.

P3-4 inférieures

40 Les P3-4 inférieures ont toutes un diamètre vestibulo-lingual relativement faible (tabl. 12 - annexe) (Langlois 2004, tabl. 28), seuls les Chevaux de Caune de l’Arago et Camp-de-Peyre présentent des prémolaires dont les diamètres vestibulo-lingual et mésio-distal sont élevés (fig.15). Le Cheval de La Micoque possède des prémolaires de longueur intermédiaire entre d’une part les chevaux de la Caune de l’Arago, Camp-de- Peyre et Mosbach et d’autre part les chevaux du Bau de l’Aubesier et de Taubach. Toutefois, les variations de dimensions du diamètre vestibulo-lingual ne sont pas très importantes entre les Chevaux de Combe-Grenal et ceux de La Micoque.

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Figure 15 – P3-4 inférieures de différents gisements. Figure 15 – Lower P3-4 from various sites.

Diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual moyens occlusaux et intervalles de confiance à 95 %. Average mesio-distal and vestibulo-lingual occlusal diameters and their reliable intervals up to 95 %.

M1-2 inférieures

41 Les premières et deuxièmes molaires inférieures du Cheval de La Micoque sont encore plus étroites (tabl. 13-annexe) (Langlois 2004, tabl. 29) que chez Equus caballus germanicus (Combe-Grenal) (fig.16). Leur diamètre mésio-distal (DMD) est toutefois comparable à ceux des Equus mosbachensis.

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Figure 16 – M1-2 inférieures de différents gisements. Figure 16 – Lower M1-2 from various sites.

Diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual moyens occlusaux et leur intervalle de confiance à 95 %. Average mesio-distal and vestibulo-lingual occlusal diameters and their reliable intervals up to 95 %.

M3 inférieures

42 Les troisièmes molaires inférieures du Cheval de La Micoque sont relativement étroites, comme les autres jugales inférieures (tabl. 14-annexe) (Langlois 2004, tabl. 30). En cela il est proche des Chevaux du Bau de l’Aubesier et de Combe-Grenal (fig.17). Le diamètre mésio-distal (DMD) est intermédiaire entre ceux des chevaux de Mosbach et de la Caune de l’Arago d’une part et de Jaurens et Camiac d’autre part.

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Figure 17 – M3 inférieures de différents gisements. Figure 17 – Lower M3 from various sites.

Diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual moyens occlusaux et leur intervalle de confiance à 95 %. Average mesio-distal and vestibulo-lingual occlusal diameters and their reliable intervals up to 95 %.

43 Le Cheval de La Micoque appartient bien au groupe des Chevaux de type mosbachensis avec cependant quelques particularités, à savoir : des jugales supérieures et inférieures assez longues (diamètre mésio-distal grand) mais le plus souvent très peu épaisses (diamètre vestibulo-lingual faible) ; un protocône court sur les molaires. Le Cheval de La Micoque se rapproche ainsi des formes plus récentes de Biache-Saint-Vaast, du Bau de l’Aubesier voire même d’Equus caballus germanicus.

3.2.2 – Squelette crânien et post-crânien : caractéristiques morphologiques

44 Les fragments crâniens déterminables sont peu nombreux, seuls quelques fragments de rochers ont été identifiés. Deux fragments relativement complets ont permis une étude morphologique détaillée (Mic88, N27-1135, c. Eb ; Mic84, P28-66, c.L2/3). L’étude de ces fragments a été rendue possible grâce à l’aide précieuse de J.-L. Guadelli (en préparation). Ces deux rochers ont une morphologie relativement comparable à celle des rochers des Equus caballus. Toutefois, quelques particularités également notées sur la portion pétreuse du temporal chez le Cheval de Camp-de-Peyre sont à relever : 1. caudalement au méat auditif, on trouve une faible dépression semi-circulaire limitée du côté rostro-dorsal par un court relief haut et étroit d’orientation ventro-rostral/dorso-caudal, contrairement à ce qu’on peut voir chez Equus caballus (fig.18-a). L’orifice de l’aqueduc du vestibule (Apertura externa aquaeductus vestibuli) est étroit et débouche à une grande distance du bord de la face médiale (fig.18-b), or chez Equus caballus, il débouche près de ce bord ; 2. la moitié dorsale du bord caudal de la face médiale est à peu près rectiligne et peu oblique et se développe du côté médial (fig.18-c), chez Equus caballus, elle est plus ou moins irrégulière et très oblique et à tendance à se développer du côté caudal ; 3. la face caudale (Facies caudalis partis petrosae), qui est soudée à l’os occipital, est irrégulière, vaste, peu oblique en vue ventrale et se développe du côté médial (fig.19). Chez Equus

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caballus, elle est vaste, plus ou moins plane et oblique en vue ventrale et se développe du côté médio-caudal voire caudale.

Figure 18 – La Micoque. Rocher droit, face médiale (N27/88, c. Eb, n° 1135). Figure 18 – La Micoque. Right petrosal bone, medial side (N27/88, level Eb, n° 1135).

Figure 19 – La Micoque. Rocher droit, face caudale (P28/84, c. L2/3, n° 66). Figure 19 – La Micoque. Right petrosal bone, caudal view (P28/84, level L2/3, n° 66).

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45 Cependant par manque de matériel de comparaison et malgré les caractères cités ci- dessus, nous ne pouvons pas, à partir des rochers, distinguer le Cheval présent à La Micoque des autres caballins.

46 L’étude morphologique des os du squelette post-crânien apporte des informations complémentaires à l’étude biométrique. Cette étude permet de dire que le Cheval de La Micoque présente à la fois des caractères ancestraux et des caractères évolués.

47 Sur les quelques radio-ulnas assez bien conservés, nous avons pu remarquer, sur la face médiale de l’extrémité proximale, une gouttière tendineuse qui n’est plus visible sur ce même os chez les chevaux plus récents (fig.20). Cette caractéristique est visible chez le Chevaux de Camp-de-Peyre (Guadelli et Prat 1995). Cette coulisse est surmontée d’une tubérosité bicipitale très large et massive, ceci est visible sur plusieurs fragments retrouvés à La Micoque. Ces différents caractères sont assez proches de ceux qu’on peut voir chez Equus mosbachensis campdepeyri. Ils évoquent la présence de tendons relativement plus robustes et plus puissants que chez des chevaux plus récents, nous pouvons donc dire qu’il s’agit de caractères archaïques.

Figure 20 – La Micoque. Extrémité proximale d’un radius gauche présentant une coulisse tendineuse bien marquée, face médiale (N24/93, c. E., n° 848). Figure 20 – La Micoque. Proximal extremity of a left radius showing a pronounced tendinous groove, medial side (N24/93, level E, n° 848).

48 Certains os du carpe ainsi que des os du métapode peuvent présenter des facettes articulaires supplémentaires. Ce phénomène est visible sur les trapézoïdes et les grands os (capitatums) (fig.21, 22). D’après M.-F. Bonifay (1980), l’apparition de ces petites facettes est la conséquence de la mise en place de la monodactylie. Il s’agirait de caractères évolués.

49 De plus, certains unciformes présentent une courbure assez marquée de leur « processus palmaire », caractères dont nous devons rechercher la signification et la fréquence sur les chevaux de type mosbachensis (fig.23).

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Figure 21a –La Micoque. Capitatum et trapézoïde droits appartenant à un même individu, face distale (O23/93, c. ?, n° 433). Figure 21a – La Micoque. Right capitatum and trapezoide belonging to a same individual, distal side (O23/93, level ?, n° 433).

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Figure 21b – La Micoque. Capitatum droit (même os que a) avec deux facettes articulaires pour le trapézoïde, face palmaire. Figure 21b – La Micoque. Right capitatum with two articular facets for the trapezoide, palmar side.

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Figure 21c – La Micoque. Trapézoïde droit (même os que a) avec deux petites facettes pour le capitatum et une plus grande pour le métacarpien III, face latérale. Figure 21c – La Micoque. Right trapezoide with two small facets for the capitatum and one larger facet for the metacarpal III, lateral side.

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Figure 22 – La Micoque. Trapézoïde droit (Q28/ ?, c. J) avec une seule facette articulaire pour le capitatum et aucune pour le métacarpien III, face latérale. Figure 22 – La Micoque. Right trapezoide (Q28/ ?, level J) with only one articular facet for the capitatum and none for the metacarpal III, lateral side.

Figure 23 – La Micoque. Unciformes dont le « processus palmaire » est plus ou moins courbe, face latérale : à gauche, deux unciformes gauches (P28/91, c. J et O28/89, c. J, n° 1713) et à droite, deux unciformes droits (Q28/ ?, c. J et O28/86, c. ?, n° 318). Figure 23 – La Micoque. Unciformes, whose "palmar processus" is more or less curved, lateral side: on the left, two left unciformes (P28/91, level J and O28/89, level J, n° 1713) and on the right, two right unciformes (Q28/ ?, level J and O28/86, level ?, n° 318).

50 Les premières phalanges antérieures et postérieures possèdent une face palmaire très peu proéminente comme c’est le cas avec les Chevaux de Camp-de-Peyre.

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3.2.3 – Squelette post-crânien : caractéristiques biométriques

51 En ce qui concerne les os du squelette post-crânien, l’étude biométrique montre que les restes de chevaux trouvés à La Micoque appartiennent à des individus faisant partie des grands Chevaux de type mosbachensis.

52 Les fragments de vertèbres (une caudale, une thoracique et une lombaire de juvénile) n’ont fourni aucune donnée biométrique et morphologique permettant de faire la distinction entre le Cheval de La Micoque et les autres chevaux.

53 Les scapulas sont représentées par cinq cavités glénoïdes (tabl. 15-annexe) (Langlois 2004, tabl. 35 et 36), leur diamètre antéro-postérieur (DAP) n’est pas différent de celui des chevaux des gisements de la Caune de l’Arago et de Lunel-Viel. Toutefois, le diamètre antéro-postérieur des cavités glénoïdes du Cheval de La Micoque est relativement grand par rapport à Equus caballus gallicus et les chevaux sauvages actuels : Equus przewalskii.

54 Les humérus sont fragmentés c’est pourquoi peu de mesures ont été prises (tabl. 16- annexe) (Langlois 2004, tabl. 38 et 39). Le diamètre transversal (DT) de l’articulation distale et le diamètre antéro-postérieur (DAP) minimum de la trochlée sont comparables aux mêmes mesures chez les chevaux de La Caune de l’Arago et de l’Abri Suard.

55 Le radio-ulna possède des extrémités dont les mesures (tabl. 17-annexe) sont comparables à celles du même os chez Equus caballus germanicus mais les diamètres transversaux des condyles distaux sont très proches de ce qu’on peut observer chez Equus mosbachensis du Bau de l’Aubesier et de Biache-Saint-Vaast (Langlois 2004, Annexe 17).

56 Les os du carpe ont, pour la plupart, des dimensions (tabl. 18 à 20-annexe) se rapprochant des mêmes valeurs observables chez le Cheval de l’Arago et Equus caballus piveteaui (Langlois 2004, tabl. 42 à 54).

57 Le deuxième métacarpien du Cheval de La Micoque montre un diamètre antéro- postérieur (DAP) plus important que ceux des « grands » chevaux des sites de Biache- Saint-Vaast, Bau de l’Aubesier et Lunel-Viel (tabl. 21-annexe) (Langlois 2004, Annexe 18).

58 Pour le quatrième métacarpien, aucune différence significative n’est visible entre les Chevaux de La Micoque (tabl. 21-annexe) (Langlois 2004, tabl. 56 et Annexe 18) et les chevaux de référence.

59 A partir des dimensions des extrémités proximale et distale du troisième métacarpien (tabl. 22-annexe), nous pouvons faire la distinction entre plusieurs groupes. Pour les extrémités proximales (tabl. 22-annexe, fig.24), trois groupes se démarquent : le premier groupe rassemble les chevaux dont les extrémités sont très petites comme Equus caballus gallicus de Saint-Germain-la-Rivière et Solutré ; le deuxième groupe est composé des chevaux d’Achenheim et de Caune de l’Arago, appartenant à l’espèce mosbachensis, qui présentent des extrémités proximales très grandes ; le troisième regroupe les chevaux de La Micoque, de Camp-de-Peyre et de Biache-Saint-Vaast mais également Equus caballus germanicus de Combe-Grenal qui présentent des dimensions intermédiaires. Pour les extrémités distales (tabl. 22-annexe, fig.25), il est possible de distinguer un premier groupe composé d’Equus caballus germanicus du site de Combe- Grenal et d’Equus caballus gallicus des sites de Saint-Germain-la-Rivière, Solutré et

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Camiac. Ces Équidés présentent des extrémités distales relativement petites. Les grands chevaux, quant à eux, constituent le deuxième groupe, avec toutefois, des chevaux à extrémités distales très grandes comme les chevaux de Caune de l’Arago et d’Achenheim et des chevaux à extrémités moins robustes comme les chevaux de Lunel- Viel et de La Micoque ou encore comme Equus caballus germanicus de Pair-non-Pair.

Figure 24 – Dimensions des extrémités distales des métacarpiens III des différents chevaux de référence. Figure 24 – Strength of proximal extremities of metacarpals III of different horses.

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Figure 25 – Dimensions de l’extrémité distale des métatarsiens III des différents chevaux de référence. Figure 25 – Measurements of distal extremities of metacarpals III of different horses.

60 L’étude biométrique des phalanges (tabl. 23-annexe) ne permet pas de faire une distinction entre les différents chevaux de référence (Langlois 2004, Annexes 21, 22).

61 Les os coxaux ne sont représentés que par quelques fragments qui n’ont pas pu être mesurés. De plus, il existe très peu de références métriques relatives aux différents groupes d’Équidés.

62 Seuls quatre fragments de têtes fémorales ont été retrouvés à La Micoque (tabl. 24- annexe). Le diamètre antéro-postérieur (DAP) de cette articulation semble relativement proche des mêmes valeurs mesurées pour les chevaux de la Caune de l’Arago (Langlois 2004, chapitre 2-IV.2.2.).

63 La patella n’est représentée que par un seul exemplaire. Ses dimensions (tabl. 25- annexe) correspondent aux valeurs les plus faibles des patella des chevaux de Caune de l’Arago (Langlois 2004, tabl. 59). Les extrémités distales de tibia des Chevaux de La Micoque montrent un diamètre antéro-postérieur (DAP) plus faible (tabl. 26-annexe) que chez les chevaux de type mosbachensis des sites de Mosbach, Montoussé et Achenheim mais il est semblable à celui des tibias des chevaux de la Caune de l’Arago et de ceux d’Equus caballus piveteaui (Abri Suard). Pour le diamètre transversal (DT), les valeurs trouvées chez les différents chevaux sont semblables (Langlois 2004, tabl. 60).

64 Pour les os du tarse, le talus (tabl. 27-annexe) présente un diamètre transversal (DT) de la lèvre interne de la trochlée plus faible chez le Cheval de La Micoque que chez les chevaux du groupe mosbachensis des sites d’Achenheim, Caune de l’Arago, Lunel-Viel (Langlois 2004, Annexe 23). Equus caballus piveteaui, quant à lui, possède un talus de dimensions plus grandes dans son ensemble comparé à celui du Cheval de La Micoque. Le calcaneus, en faible nombre, est assez court (tabl. 28-annexe), sa longueur est semblable à la longueur des calcanéums appartenant au Cheval de Przewalski (Gromova 1949b). Il est également étroit comme M.-F. Bonifay le remarque pour l’Équidé de Lunel-Viel (Bonifay 1980). Le diamètre antéro-postérieur (DAP) du bec est faible,

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comparable à ce qui a été décrit pour Equus caballus germanicus ou Equus caballus gallicus (Langlois 2004, Annexe 24).

65 Les naviculaires trouvés à La Micoque (tabl. 29-annexe) sont à rapprocher des mêmes os des grands chevaux tels que ceux de Caune de l’Arago, ceux de Lunel-Viel et Equus caballus piveteaui de l’Abri Suard. Les naviculaires d’Equus caballus germanicus et Equus caballus gallicus sont plus petits (Langlois 2004, tabl. 64).

66 Pour les cuboïdes, nous n’avons aucune valeur pour Equus mosbachensis. Cependant leurs diamètres transversaux sont proches des valeurs données pour Equus caballus germanicus et Equus caballus gallicus (tabl. 29-annexe) (Langlois 2004, tabl. 66).

67 Les grands cunéiformes du Cheval de Lunel-Viel et Equus caballus piveteaui sont semblables à ceux découverts à La Micoque (tabl. 30-annexe ; Langlois 2004, tabl. 68).

68 Les petits cunéiformes sont relativement courts (tabl. 30-annexe), comme chez Equus caballus gallicus tandis que leurs diamètres transversaux se rapprochent de ceux visibles chez le Cheval de Caune de l’Arago et Equus caballus gallicus de Solutré (Langlois 2004, tabl. 70).

69 Les métatarsiens accessoires (II et IV) sont représentés par leur extrémité proximale (tabl. 31-annexe). Leurs dimensions sont données à titre comparatif car ils sont trop peu nombreux dans les autres gisements de référence (Langlois 2004, tabl. 72 et 73).

70 Pour le métatarsien III, l’étude biométrique (tabl. 32-annexe) (Langlois 2004, Annexes 25 et 26) nous permet de distinguer plusieurs groupes parmi les Équidés de référence. On remarque que 3 groupes se distinguent (fig.26) : le premier est composé d’Equus caballus gallicus des sites de Camiac, Solutré et St Germain-la-Rivière, l’extrémité distale des métatarsiens III de ces Équidés est petite ; le second rassemble les chevaux des sites d’Achenheim et de Biache-Saint-Vaast attribués à l’espèce mosbachensis mais également Equus caballus piveteaui de l’Abri Suard, ces chevaux possèdent des métatarsiens III dont l’extrémité distale est grande. Entre ces deux groupes, nous individualisons un troisième ensemble comprenant les chevaux de La Micoque, de Caune de l’Arago et de Camp-de-Peyre. L’équidé de Lunel-Viel possède des métatarsiens dont le diamètre transversal (DT) de l’extrémité distale est comparable à celui des Equus caballus gallicus mais le diamètre antéro-postérieur (DAP) est proche de celui des chevaux de La Micoque, de Camp-de-Peyre et de la Caune de l’Arago. Fautes de données, la comparaison avec des chevaux plus anciens tels que le Cheval de Mosbach n’a pu être faite. En définitive il apparaît, comme pour les métacarpiens III, que le Cheval de La Micoque possède des métatarsiens III dont les dimensions de l’extrémité distale sont comparables à celles des chevaux de type mosbachensis.

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Figure 26 – Dimensions de l’extrémité distale des métatarsiens III des différents chevaux de référence. Figure 26 – Measurements of distal extremity of metatarsals III of different horses.

71 Nous venons de voir que les chevaux des différents sites peuvent se répartir en fonction des dimensions de l’extrémité distale de leurs os canons. Cette répartition s’avère identique si l’on considère le troisième métacarpien ou le troisième métatarsien. Il est important de noter que les chevaux appartenant aux espèces germanicus et gallicus possèdent des os canons dont l’extrémité distale est petite, il en est de même pour le Cheval de Lunel-Viel. Chez les Chevaux des sites d’Achenheim et de Biache-Saint-Vaast, ces mêmes os présentent des extrémités distales grandes voire très grandes. Chez le Cheval de l’Arago, le troisième métacarpien possède des extrémités proximale et distale relativement grandes alors que le troisième métatarsien montre une extrémité distale plutôt petite. Le Cheval de La Micoque, quant à lui, possède des os canons dont les extrémités distale et proximale ont des dimensions plus importantes que chez les chevaux de l’espèce Equus caballus mais plus petites que chez les chevaux de Biache- Saint-Vaast et Achenheim.

72 Enfin, les phalanges postérieures ne présentent pas de mensurations significativement différentes des phalanges des autres Équidés (tabl. 33-annexe) (Langlois 2004, Annexes 27 et 28). Les deux premières phalanges, malgré un échantillon restreint, paraissent toutefois plus graciles que celles des chevaux de Biache-Saint-Vaast et de Mosbach.

73 L’étude biométrique des os du squelette montre que le Cheval de La Micoque appartient sans aucun doute à l’espèce Equus mosbachensis. Cependant, certains os possèdent des dimensions qui peuvent rapprocher le Cheval de La Micoque de chevaux tels que Equus caballus piveteaui (dimensions de l’extrémité distale des humérus, des os du carpe et de quelques os du tarse) ainsi que Equus caballus germanicus (dimensions des extrémités des radio-ulnas, de l’extrémité distale des métacarpiens III, ou de quelques os du tarse). Nous pouvons noter également que les os canons présentent des extrémités dont la taille est intermédiaire entre celle rencontrée chez les grands chevaux appartenant à l’espèce mosbachensis et celles des chevaux plus récents comme Equus caballus germanicus et Equus caballus gallicus.

3.3 – Attribution taxonomique du cheval de La Micoque

74 A ce stade des études biométriques et morphologiques sur le matériel osseux et dentaire, il est possible de confirmer l’attribution du Cheval de La Micoque à l’espèce

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Equus mosbachensis. Ce Cheval paraît être à un stade d’évolution intermédiaire entre d’une part les Equus mosbachensis trouvés à Mosbach, Camp-de-Peyre, Lunel-Viel et Caune de l’Arago et d’autre part Equus caballus piveteaui, plus proche cependant d’un point de vue évolutif du second que du premier. Cette position ne va pas à l’encontre des âges radiométriques : le stade isotopique 10 (Falguères et al. 1997) et géologiques (Texier et Bertran 1993) proposés pour le gisement de La Micoque. L’attribution taxonomique du Cheval de La Micoque confirme les études précédentes qui rapprochaient ce Cheval de l’espèce Equus mosbachensis du Pléistocène moyen. L’étude approfondie des restes de ce Cheval nous permet, en effet, de confirmer que cet Équidé correspond aux chevaux de type mosbachensis mais il présente suffisamment de particularités pour justifier, nous semble-t-il, la création d’une sous-espèce. Celle-ci, que nous proposons d’appeler Equus mosbachensis micoquii, possède des caractères biométriques et morphologiques particuliers au sein de la lignée des Chevaux du Pléistocène moyen.

75 Equusmosbachensismicoquii nov. ssp. Holotype : série inférieure droite : P2-P3-P4-M1 notée Mic 85, O 25, c. L2/3, n° 479 (fig. 27) Paratype : tout le matériel dentaire et osseux attribué au Cheval issu des fouilles de A. Debénath et J.-Ph. Rigaud entre 1983 et 1996 Localité-type : La Micoque aux Eyzies-de-Tayac Niveau type : Ensemble moyen, ensemble stratigraphique F4 (couches D, F, G, I à K) et ensemble stratigraphique DP3 (couches E, H, J et L).

76 Diagnose : 1. Denture : Morphologie typiquement caballine (sensu lato), à protocône relativement court sur les M1/-2/ et les M3/. Les M1/-2/ et toutes les jugales inférieures ont un diamètre vestibulo- lingual faible voire très faible. 2. Squelette post-crânien : Région proximale du radius : le bord dorsal de la cavité glénoïdale médiale est oblique ; la coulisse tendineuse du muscle brachial antérieur, bien marquée, est surmontée d’une tubérosité bicipitale très large et massive. Os du carpe : Trapézoïde : il présente 1 ou 2 facettes articulaires supplémentaires pour le grand os et/ou le métacarpien III. Grand os : il possède une facette articulaire supplémentaire pour le trapézoïde. L’unciforme présente un processus palmaire très courbe. Métacarpien III : la facette articulaire répondant au trapézoïde est très réduite, celle répondant à l’unciforme est vaste ; l’angulation entre les facettes articulaires correspondant à l’unciforme et au grand os est peu marquée. Insertion musculaire latérale et médiale au niveau de l’extrémité distale très marquée et saillante. Os du tarse : le calcanéum est relativement court. Métatarsien III : la facette articulaire correspondant au cuboïde est très petite. Phalanges antérieures et postérieures : insertion ligamenteuse très peu proéminente sur les faces palmaires et plantaires.

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Figure 27a – Equus mosbachensis micoquii nov.ssp. Holotype : Fragment de mandibule inférieure droite avec P/2, P/3, P/4 et M/1 (Mic 85, O25, couche L2/3, n° 479) Figure 27a – Equus mosbachensis micoquii nov. ssp. Holotype : Fragment of right lower mandible with P/2, P/3, P/4 and M/1 (Mic 85, O25, level L2/3, n° 479)

Vue occlusale de la série (P2 à M1 de droite à gauche). Occlusal view of the series (P2 to M1 from right to left).

Figure 27b – Equus mosbachensis micoquii nov.ssp. Holotype : Fragment de mandibule inférieure droite avec P/2, P/3, P/4 et M/1 (Mic 85, O25, couche L2/3, n° 479) Figure 27b – Equus mosbachensis micoquii nov. ssp. Holotype : Fragment of right lower mandible with P/2, P/3, P/4 and M/1 (Mic 85, O25, level L2/3, n° 479)

Vue occlusale de P4 et M1. Occlusal view of P4 and M1.

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Figure 27c – Equus mosbachensis micoquii nov.ssp. Holotype : Fragment de mandibule inférieure droite avec P/2, P/3, P/4 et M/1 (Mic 85, O25, couche L2/3, n° 479) Figure 27c – Equus mosbachensis micoquii nov. ssp. Holotype : Fragment of right lower mandible with P/2, P/3, P/4 and M/1 (Mic 85, O25, level L2/3, n° 479)

Vue occlusale de P3 et P2.Occlusal view of P3 and P2.

4 – Biostratigraphie : position du gisement de La Micoque par rapport aux autres sites du Pléistocène moyen d’Aquitaine

77 Le Cheval est un taxon bien représenté dans les gisements archéologiques depuis le milieu du Pléistocène inférieur. De plus, la morphologie osseuse et dentaire a permis aux chercheurs de mettre en évidence au moins une lignée évolutive conduisant du Cheval de Mosbach (datant du Pléistocène inférieur) au petit Cheval de Solutré (Equus caballus arcelini, datant de la fin du Pléistocène supérieur). Le genre Equus est donc de première importance pour la datation relative des sites dans lesquels il est présent.

78 Au cours de nos études morphologiques et biométriques, il est apparu que de nombreux caractères du Cheval de La Micoque correspondaient à ceux d’ Equus mosbachensis, à savoir des jugales supérieures dont l’indice protoconique ne cesse d’augmenter de la P2 à la M3, des jugales inférieures relativement étroites (DVL peu élevé), une gouttière tendineuse présente sur la face médiale de l’extrémité proximale du radio-ulna ; une extrémité distale des métacarpiens et métatarsiens principaux dont les tubercules sus- articulaires sont assez développés. Quelques particularités, notamment pour les dents et les os courts, suggèrent qu’il se positionne très près des chevaux de Biache-Saint- Vaast et du Bau de l’Aubesier voire même d’Equus caballus germanicus. Parmi les caractères considérés comme « évolués », rappelons notamment : 1. la petite taille des P2 et des P3-4 supérieures ; 2. la faible épaisseur des premières et deuxièmes molaires supérieures et inférieures ; 3. le faible développement relatif du protocône des M1-2 et M3 supérieures.

79 Si l’on considère ces caractères comme des caractères évolutifs, les caballins se seraient ainsi succédés, du plus ancien au plus récent (tabl. 34-annexe).

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80 Dans ce tableau, nous avons placé les chevaux de type mosbachensis au sein d’une même espèce. Comme nous l’avons dit précédemment, de nombreux auteurs font d’Equus mosbachensis une espèce distincte. D’après les études morphologiques et biométriques, notamment des jugales supérieures, nous adhérons totalement à l’hypothèse d’une espèce regroupant les grands chevaux de type mosbachensis en y distinguant des sous espèces comme à Lunel-Viel, Caune de l’Arago2, Camp-de-Peyre et La Micoque.

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ANNEXES

Tableau 2 – La Micoque. Répartition stratigraphique des restes osseux déterminés (in Delpech 1995). Table 2 – La Micoque. Stratigraphical distribution of determined bone remains (Delpech report 1995).

*: Nombre de pièces pour lesquelles la détermination taxonomique est vraisemblable mais non certaine. *: Number of items, whose taxonomic determination is probable but not ascertained.

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Tableau 3 – Grotte Vaufrey. Répartition stratigraphique des restes déterminés. Table 3 – Grotte Vaufrey. Stratigraphical distribution of determined remains.

Les couches XV à IV datent du Pléistocène moyen (d’après Delpech 1999). The layers XV to IV dated from middle Pleistocene (after Delpech 1999).

Tableau 4 – Pech-de-l’Azé II. Répartition des restes fauniques au sein des couches rissiennes (d’après Prat 1968). Table 4 – Pech de l’Azé II. Distribution of faunal remains within rissien layers (after Prat 1968).

Couches 9 à 6 = stade isotopique 6 (Grün et al. 1991). Layers 9 to 6 = OIS 6 (Grün et al. 1991).

Tableau 5 – Répartition stratigraphique des restes de chevaux exhumés lors des dernières fouilles (couche inconnue ou vestiges remaniés) (détermination année 2004). Table 5 – Stratigraphical distribution of determined faunal remains of horses found during the latest excavations. (unidentified layer or rehandled remains) (date of determinations: 2004).

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Tableau 6 – P2 supérieures. Dimensions occlusales et indice protoconique (note 2). Table 6 – Upper P2. Occlusal measurements and protoconic coefficient (note 2).

Tableau 7 – P3-4 supérieures. Dimensions occlusales et indice protoconique. Table 7 – Upper P3-4. Occlusal measurements and protoconic coefficient.

Tableau 8 – M1-2 supérieures. Dimensions occlusales et indice protoconique. Table 8 – Upper M1-2. Occlusal measurements and protoconic coefficient.

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Tableau 9 – M3 supérieures. Dimensions occlusales et indice protoconique. Table 9 – Upper M3. Occlusal measurements and protoconic coefficient.

Tableau 10 – Longueur du protocône et taille de la dent des Chevaux de La Micoque par rapport à différents Équidés pléistocènes. Table 10 – Length of protocone and tooth size of Horses of La Micoque in comparison with various Equids from Pleistocene.

Tableau 11 – P2 inférieures. Dimensions occlusales et indice fléxidique. Table 11 – Lower P2. Occlusal measurements and flexidic coefficient.

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Tableau 12 – P3-4 inférieures. Dimensions occlusales et indice fléxidique. Table 12 – Lower P3-4. Occlusal measurements and flexidic coefficient.

Tabeau 13 – M1-2 inférieures. Dimensions occlusales et indice fléxidique. Table 13 – Lower M1-2. Occlusal measurements and flexidic coefficient.

Tableau 14 – M3 inférieures. Dimensions occlusales et indice fléxidique. Table 14 – Lower M3. Occlusal measurements and flexidic coefficient.

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Tabeau 15 – Scapula. Diamètres antéro-postérieur et transversal de la cavité glénoïde des différents chevaux de type mosbachensis et caballus. Table 15 – Scapula. Antero-posterior and transversal diameter of glenoidal cavity of different horses of mosbachensis and caballus types.

Tableau 16 – Humérus. Diamètre antéro-postérieur minimum de la trochlée et diamètre transversal articulaire distal chez les « grands » chevaux. Table 16 – Humerus. Antero-posterior minimal diameter of trochlea and distal articular transversal diameter among the "large" horses.

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Tableau 17 – Dimensions des extrémités des radio-ulnas du Cheval de La Micoque, d’Equus mosbachensis et d’Equus caballus germanicus. Table 17 – Measurements of the extremities of the radio-ulna of the Horse of La Micoque, Equus mosbachensis and Equus caballus germanicus.

Tableau 18 – Dimensions des Scaphoïde et Trapézoïde. Table 18 – Measurements of Scaphoide and Trapezoide.

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Tableau 19 – Dimensions des Semi-lunaire et Capitatum. Table 19 – Measurements of Semi-lunar and Capitatum.

Tableau 20 – Dimensions du Pyramidal, Unciforme et Pisiforme. Table 20 – Measurements of Pyramidal, Unciforme and Pisiforme.

Tableau 21 – Dimensions des extrémités proximales des métacarpiens accessoires du Cheval de La Micoque et de quelques Équidés du Pléistocène. Table 21 – Measurements of proximal extremities of secondary metacarpials of the Horse of La Micoque and of some Equids from Pleistocene.

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Tableau 22 – Dimensions des extrémités des métacarpiens III du Cheval de La Micoque, d’Equus mosbachensis et d’Equus caballus. Table 22 – Measurements of metacarpals III extremities of the Horse of La Micoque, of Equus mosbachensis and Equus caballus.

Tableau 23 – Dimension des première et deuxième phalanges antérieures du Cheval de La Micoque. Table 23 – Measurements of first and second anterior phalanxes of the Horse of La Micoque.

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Tableau 24 – Fémur. Diamètre antéro-postérieur de la tête fémorale des Chevaux de La Micoque et de Caune de l’Arago. Table 24 – Femur. Antero-posterior diameter of femoral head of Horses of La Micoque and Caune de l’Arago.

Tableau 25 – Patella. Diamètre transversal et hauteur. Table 25 – Patella. Transversal diameter and height.

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Tableau 26 – Tibia. Diamètres antéro-postérieur et transversal de l’extrémité distale. Table 26 – Tibia. Antero-posterior and transversal diameters of distal extremity.

Tableau 27 – Dimensions des talus du Cheval de La Micoque, d’Equus mosbachensis et d’Equus caballus piveteaui. Table 27 – Measurements of talus of the Horse of La Micoque, of Equus mosbachensis and Equus caballus piveteaui.

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Tableau 28 – Dimensions des calcaneus des Chevaux de La Micoque et de Lunel-Viel et d’Equus caballus. Table 28 – Measurements of calcaneus of Horses of La Micoque and Lunel-Viel and of Equus caballus.

Tableau 29 – Dimensions des naviculaires et cuboïdes du Cheval de La Micoque, d’Equus mosbachensis et d’Equus caballus. Table 29 – Measurements of naviculaires and cuboides of the Horse of La Micoque, of Equus mosbachensis and Equus caballus.

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Tableau 30 – Dimensions des cunéiformes du Cheval de La Micoque et de différents Équidés du Pléistocène. Table 30 – Measurements of cuneiformes of the Horse of La Micoque and various Equids from Pleistocene.

Tableau 31 – Dimensions des extrémités proximales des métatarsiens accessoires du Cheval de La Micoque. Table 31 – Measurements of proximal extremities of secondary metatarsals of the Horse of La Micoque.

Tableau 32 – Dimensions des métatarsiens III du Cheval de La Micoque et des différents Équidés du Pléistocène. Table 32 – Measurements of metatarsals III of the Horse of La Micoque and of various Equids from Pleistocene.

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Tableau 33 – Dimensions des phalanges postérieures du Cheval de La Micoque et d’Equus mosbachensis. Table 33 – Measurements of posterior phalanges of the Horse of La Micoque and Equus mosbachensis.

Tableau 34 – Succession des différentes espèces de chevaux de type caballin pléistocènes. Table 34 - Lineage of different Equids species of caballin type during the Pleistocene.

NOTES

1. Pour chacune des variables contenues dans les tableaux sont indiqués : le nombre de restes, l’intervalle de variation, la moyenne avec son intervalle de confiance à 95 % et l’écart type. Les * correspondent à des valeurs calculées par nous même à partir des données publiées.

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2. En ce qui concerne les chevaux de Lunel-Viel et de Caune de l’Arago et compte tenu des caractéristiques morphologiques et biométriques des éléments du squelette, nous pensons que ces chevaux font partie du groupe des grands chevaux de type mosbachensis.

RÉSUMÉS

Le gisement de La Micoque (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne), dès sa découverte à la fin du XIXe siècle, a intéressé de très nombreux fouilleurs et spécialistes. Il présente une longue stratigraphie qui a livré plusieurs assemblages lithiques et osseux originaux. Cependant, de nombreux points restaient encore à préciser comme le degré d’évolution du Cheval (taxon dominant) et la biostratigraphie du gisement. L’étude paléontologique a permis de mettre en évidence la présence d’un Cheval de l’espèce Equus mosbachensis présentant des caractères particuliers justifiant la création d’une sous-espèce : Equus mosbachensis micoquii et de positionner chronologiquement le site de La Micoque entre les sites de Lunel-Viel (Hérault) et Biache-Saint- Vaast (Pas-de-Calais).

Since its discovery in the late 19 th century, many archaeologists have been concerned by the site of "La Micoque" (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne). As a matter of fact this site shows a long stratigraphy which provided several lithic assemblages and many bone remains, presenting particular characteristics. However various points had to be specified such as the degree of evolution of the Horse (main taxon) and the biostratigraphical position of this site. Our palaeontological study allowed us to ascertain the existence of a horse belonging to the species Equus mosbachensis that justify the creation of a particular subspecies: Equus mosbachensis micoquii and allowed us to determine this site – from a chronological point of view – between the sites of Lunel-Viel (Hérault) and Biache-Saint-Vaast (Pas-de-Calais).

INDEX

Keywords : biostratigraphy, Equids, Equus mosbachensis micoquii, La Micoque, middle Pleistocene, palaeontology Mots-clés : biostratigraphie, Equidés, Equus mosbachensis micoquii, La Micoque, paléontologie, Pléistocène moyen

AUTEUR

ANNE LANGLOIS Université Bordeaux I, PACEA, UMR 5199, IPGQ, Bâtiment de Géologie (B18), Avenue des Facultés, 33405 Talence Cedex

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Réflexions méthodologiques sur les études de matières premières lithiques 1 – Des lithothèques au matériel archéologique Methodological considerations about lithic studies. 1 - from lithotheques to archaeological samples

Alain Turq

1 L’origine des matériaux utilisés par les hommes préhistoriques intéresse, depuis longtemps, les archéologues (Lartet et Christy 1869 ; Combes 1888 ; Boule 1892 ; Saint- Perrier 1930). A partir des années cinquante elle sera une préoccupation récurrente (Coulonges et Sonneville-Bordes 1953 ; Bordes et Sonneville-Bordes 1954 ; Monméjean et al. 1964 ; Valensi 1960 ; Lorblanchet 1964 ; Lumley Brandi 1969 ; Fitte 1970 ; Demars 1974 ; Bricker 1975 ; Seronie-Vivien et Le Tensorer 1977 ; Turq 1977a, 1977b ; Le Tensorer 1979).

2 Dans les années quatre-vingt les bases méthodologiques sont posées et l’étude lithologique devient un véritable sujet de recherche (Morala 1979, 1980,1983, 1989 ; Demars 1980 ; Duchadeau-Kervazo 1982 ; Rigaud 1982 ; Larrick 1983 ; Chadelle 1983 ; Geneste 1985 ; Seronie-Vivien 1987 ; Le Brun Ricalens 1988)1.

3 A partir des années quatre-vingt-dix, le succès de l’approche est tel que pratiquement toutes les études traitant d’un ensemble lithique sont accompagnées d’une étude de l’origine des matériaux utilisés.

4 Devant l’importance prise par les études lithologiques et les résultats qu’elles gênèrent, il nous est apparu aujourd’hui nécessaire de mener une réflexion sur les limites et la fiabilité de l’outil de travail, domaine qui a fait l’objet de peu de travaux (Geneste 1985, Seronie Vivien 1987, Turq 1992, 2003). Ce travail, qui se veut de portée générale, repose sur une longue expérience acquise dans l’approvisionnement en matières premières lithiques des chasseurs-cueilleurs (depuis le début du Paléolithique initial jusqu’à la fin du Mésolithique) principalement du Nord-Est aquitain. Dans cette première partie2,

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nous traiterons des travaux de terrain (cartographie, estimation des gîtes), de la caractérisation des échantillons bruts issus des affleurements actuels, des outils ainsi constitués que sont les lithothèques, des difficultés de passer de l’évaluation des ressources actuelles à l’estimation des ressources passées et des échantillons de références aux objets archéologiques.

1 – Caractérisation des matériaux

5 Elle a comme objectif de définir les caractères propres des matériaux puis, de les classer par groupes plus ou moins homogènes voire spécifiques.

1.1 – Les méthodes de caractérisation

6 Au début, deux approches se sont opposées : celle des pratriciens de terrain (Demars 1980, 1982a et 1982b ; Morala 1980 ; Torti 1983) et celle des analystes (Masson 1981 et 1982). Chacune avait ses avantages et ses inconvénients. Les premiers, avec une démarche rapide et empirique, se sont contentés d’une approche macroscopique pour identifier les types de silex régionaux. Souvent, cette méthode n’a pas permis de reconnaître les matériaux extérieurs à la zone étudiée. Les seconds (analystes, micropaléontologues, pétrographes), insistaient sur une caractérisation avant tout géologique. Cette méthode plus scientifique, mais aussi plus coûteuse en temps, nécessitant parfois des interventions lourdes (lames minces, analyses), n’aurait pu s’avérer efficace que si elle avait reposé sur une bonne connaissance du terrain. Un consensus s’est mis rapidement en place. L’étude macroscopique avec l’aide d’une loupe binoculaire, la prise en compte des données micropaléontologiques et de la structure de la silicification se sont avérées performantes (Mauger 1985). Aujourd’hui, la majeure partie des chercheurs a adopté la proposition faite par M. et M.-R. Séronie-Vivien (1987) pour la description de la structure du silex et l’emploi du langage utilisé pour la description des microfaciès carbonatés (Dunham 1962), bien adapté à la pétrotexture de ces matériaux (Bonvin-Borer, Masserrey 1981). Le type d’organisation des éléments constitutifs, la distinction entre la matrice (fond) et les éléments figurés (grains) correspondant aux fossiles, minéraux et pellets permettent de définir plusieurs types de structures : packstone, wackestone, mudstone, grainstone (fig. 1). De plus, la généralisation de l’analyse micropaléontologique par examen macroscopique ainsi que le recours plus systématique à des lames minces permettent la détermination des microorganismes, bioclastes, l’observation des micro-structures de la roche (souvent caractéristiques), la présence d’hydroxydes, de minéraux opaques, de fantômes de minéraux ou de restes recristallisés. L’examen au microscope électronique à balayage (M.E.B) donne accès à la nanostructure de la roche et apporte des renseignements sur le contenu siliceux de l’échantillon et sur les types de silice représentés. Par exemple, quatre types morphologiques de silice ont été décrits dans les silex du sud-est de la France (Rio et Chalamet 1980). Ces différentes formes de silice et leur quantification dans un échantillon s’avèrent être, dans certains cas, de bons éléments distinctifs entre plusieurs silex (Grégoire 2000 et 2001).

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Figure 1 – Principaux types de microfaciés des silex (d’après Seronie-Vivien M. et M.-R. 1987) Figure 1 – Principal types of microfacies of flint (after Seronie-Vivien M. and M.-R. 1987).

A, Texture grainstone, SVX. 38 -X 35. Jaspe jaune moutarde, Chantrezac (Charente) Lias inférieur (Sinémurien) (cliché du bas) (pl. 5) ; B, Texture packstone, SVX. 201 - X 17. Silex du Bergeracois, Lanquais (Dordogne), Maestrichien (pl. 35) ; C, Texture wackestone, SVX. 177 - X 20. Silex blond du Sénonien, Saint-Félix-de-Reillac-et-Mortemart (Dordogne), Campanien (pl. 31) ; D, Texture mudstone, SVX. 197 - X 18. Silex du Fumélois, Duravel (Lot), Turonien (pl. 23). A, Texture grainstone, SVX. 38 -X 35. Jasper yellow, Chantrezac (Charente) Lower Lias (Sinemurian) (bottom view) (pl. 5) ; B, Texture packstone, SVX. 201 - X 17. Bergerac flint, Lanquais (Dordogne), Maestrichian (pl. 35) ; C, Texture wackestone, SVX. 177 - X 20. beige senonian flint, Saint-Félix-de-Reillac-et-Mortemart (Dordogne), Campanian (pl. 31) ; D, Texture mudstone, SVX. 197 - X 18. Fumel flint, Duravel (Lot), Turonian (pl. 23).

7 Plusieurs types de caractérisations physico-chimiques sont également à notre disposition: Activation Neutronique (Horan 1977 ; Luedtke 1978, 1979) ; Particle-Induced X- ray Emission (Consigny 1996) ; Laser Ablation Inductivly Coupled Plasma Mass Spectrometry (Morisset 1996 ; Blet 1999); Inductivly Coupled Plasma coupled with Atomic Emission Spectrometry (Bressy 1998, 2002 ; Bressy et al. 1998, 1999). Destructives ou non, elles permettent de détecter les éléments chimiques présents dont la répartition quantitative est directement induite par le milieu et les conditions de formation de la roche siliceuse (Rio 1982). Bien qu’ayant donné ponctuellement des résultats, elles présentent deux inconvénients majeurs : leur coût qui réduit le nombre d’échantillons pouvant être traités et le faible taux de résultats positifs. Tous les objets ne pouvant être analysés, l’essentiel de la détermination repose essentiellement sur une comparaison macroscopique entre les échantillons analysés et le reste des pièces archéologiques.

1.2 – Une typologie

8 L’indispensable mise en place d’une typologie s’est d’abord faite de manière individuelle avant que les discussions de la réunion des Eyzies aient autorisé les premières corrélations entre les appellations proposées par chacun des chercheurs et permis de jeter les bases d’un vocabulaire vernaculaire commun publié par J.-M. Geneste (1985). Ainsi, la classe 3 de P.-Y. Demars (1980), le type 1 de R. Larrick (1983),

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M.P.1 de J.-P. Chadelle (1983), le type X de A. Morala (1980) s’appellent désormais « silex gris et noir du Sénonien ».

9 La classification préconisée est calquée sur le cheminement de l’analyse. Les pièces sont d’abord attribuées à des groupes larges que nous qualifions de génériques : silex gris ou noirs du Sénonien, meulières et silex lacustre... et silex des altérites. Ce dernier groupe se définit par les modifications physico-chimiques qui ont profondément modifié leur structure (zonation, recristallisation, encroûtements ferralitiques) et qui, très souvent, ont amélioré considérablement leur qualité mécanique (Bergeracois, Grand- Pressigny...). La poursuite de l’analyse permet d’attribuer une partie d’entre eux à des types plus précis qualifiés de marqueurs lithologiques (tabl. 1) alors caractéristique de zones géographiques plus ou moins précises en raison de leurs spécificités pétrographiques (silex à pyrite du Sarladais) et par leur contenu paléontologique (silex de Belvès). En ce qui concerne le vocabulaire, la préférence a été donnée aux termes vernaculaires, « silex du Fumélois » ou du « Bergeracois ». Ce système présente l’avantage d’être compris par tous les chercheurs au moins régionaux et ne nécessite pas un retour à la publication princeps pour savoir quel type se cache derrière un code. En outre ce principe facilite la prise en compte de l’évolution de nos connaissances sans bousculer la nomenclature existante.

Tableau 1 – Classification des types de silex du nord-est du Bassin aquitain en groupes peu spécifiques et types particuliers ou marqueurs lithologiques. Table 1 – Classification of flint types from North east Aquitain Basin in groups: less specific ones and specific types or lithological markers.

Groupes génériques Types spécifiques ou marqueurs lithologiques

Silex gris et noirs du - silex de Belvès (Campanien inférieur à Subalveolina Dordonica major) Sénonien - silex à pyrite du Sarladais

Silex beige du Sénonien - silex de Belvès (Campanien inférieur à Subalveolina Dordonica major) - silex de Gavaudun (Coniacien du Haut-Agenais) - silex à Lepidorbitoides sp. des formations sénoniennes du sud de la Garonne

Meulières et silex lacustres Silex lacustres tertiaires de la bordure du Massif central

Silex zonés du Sénonien Silex du Bergeracois à Orbitoïdes media

Silex jaspoïdes Silex jaspoïde de l'Hettangien (oolithes)

Silex du Turonien Silex du Fumélois

1.3 – Principales difficultés d’identification

10 Les principales difficultés concernent la rareté des éléments caractéristiques et les altérations subies par les objets archéologiques qu’elles soient d’origine naturelle ou anthropique.

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Rareté des éléments caractéristiques

11 La description pétrographique des échantillons tant naturels qu’archéologiques a pour but de mettre en évidence les éléments caractéristiques d’un étage géologique, d’une formation ou d’un faciès. Elle doit être comparée avec des modèles sédimentaires et les données paléogéographiques régionales (Seronie-Vivien 1972 ; Platel 1989). Très souvent l’attribution repose sur la présence d’un fossile particulier. Dans ce cas, même si cet organisme est abondant dans la formation géologique, sa présence est aléatoire dans le volume des objets que nous étudions. Prenons comme exemple, orbitoides media fossile marqueur du Campanien supérieur du nord-est du Bassin aquitain. Si, exceptionnellement, on peut observer 4 ou 5 spécimens sur 10 cm2, il n’est pas rare non plus de ne pas trouver un seul fossile sur des surfaces 20 à 30 fois plus importantes.

Altérations

12 Après leur abandon ou leur perte par l’homme préhistorique, les silex sont soumis à des modifications liées soit à l’anthropisation soit à des phénomènes naturels qui peuvent rendre difficile, voire impossible, leur identification lithologique. Nous n’évoquerons ici que deux des phénomènes les plus gênants : l’action du feu et celle de la patine. Le premier, provoque de nombreux changements de couleur et de structure qui le plus souvent interdisent toute identification (Séronie Vivien 1995). Le second a des effets révélateurs, gênants ou mutilants. Dans un premier exemple, le silex que R. Simonnet (1999) appelle grain de mil ne prend son aspect caractéristique que lorsqu’il est patiné (fig. 2-3). A l’état frais, c’est un matériau blond uniforme (fig. 2-3 en haut)3, couleur que gardera par la suite la « pâte » alors que les nombreux débris qu’il contient blanchiront (fig. 2-3 en bas). Dans un second exemple, nous avons à faire à un simple voile qui peut oblitérer en partie la structure mais aussi mettre en évidence les fossiles en raison d’une modification différentielle des composantes du silex. Enfin si l’altération est trop forte, elle peut interdire toute analyse ce qui est souvent le cas pour des séries anciennes de surface ou trouvés en stratigraphie (La Micoque) où les objets sont devenus de couleur jaune clair uniforme très poreux et légers.

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Figure 2 Figure 2

Le facteur humain

13 C’est un sujet délicat que nous ne pouvons pas passer sous silence. A partir des années quatre-vingt-dix, pour accompagner leur étude de séries archéologiques d’une approche lithologique, des étudiants ou des chercheurs ont travaillé seuls. Sans formation et parfois sans recherche bibliographique sérieuse, les résultats obtenus sont faussés, (par exemple Bongni 1994). Ces données qui risquent d’être considérées comme acquises, peuvent être reprises dans d’autres travaux. Si l’on ne dispose ni du temps ni de la volonté de se former, il convient de confier cette étude à un spécialiste ou la faire avec lui. L’idéal serait un travail d’équipe où le premier tri serait fait par une personne qui connaît bien les ressources locales et fera appel à d’autres pour confirmer son classement des matières premières apparemment allochtones ou inhabituelles et leur en confiera l’analyse.

1.4 – Fiabilité et limites de l’approche actuelle

14 Si l’on reprend la classification proposée (Turq 1992, 1999 et tabl. 1), pour 75 à 85 % des pièces, l’étude s’arrêtera à l’attribution à une zone géographique large. La présence d’un fossile caractéristique, d’une texture et d’une organisation très particulière permet d’extraire des groupes précédents 10 à 15 % des objets et de leur attribuer des caractères lithologiques et paléontologiques qui, le plus souvent, correspondent à un étage géologique. Une localisation plus précise, comme la présence d’un élément attribuable à un espace géographique restreint, est encore plus rare : exemple Subalveolina dordonica pour le Campanien inférieur du sud et centre du Périgord.

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1.5 – Conclusion

15 L’identification de l’origine des matières premières lithiques comporte un certain nombre de difficultés et d’incertitudes. Elle dépend essentiellement de la connaissance des affleurements, de leur contenu, de la maille de l’échantillonnage, de la connaissance des conditions de dépôt et de formation des accidents siliceux, de l’évolution des silicifications et du cortège micropaléontologique. L’état d’avancement des recherches ne permet encore que de percevoir, dans les grandes lignes, leur origine. Dans de telles conditions, lorsque l’on passe à l’interprétation des données, nous ne pouvons formuler que des probabilités plus ou moins fortes.

2 – Les lithothèques : l’outil de base de toute étude lithologique

16 Avant toute étude lithologique de séries archéologiques, il convient de recenser, caractériser et classer les sources de matières premières lithiques actuelles, c’est-à-dire de créer une lithothèque. Ainsi, dans le nord-est du Bassin aquitain, chaque chercheur (Valensi 1960 ; Demars 1980 ; Morala 1980 ; Rigaud 1982 ; Chadelle 1983 ; Geneste 1985 ; Séronie Vivien 1987 ; Le Brun Ricalens 1988 ; Turq 1988c, 1992 ; Célérier 1993) a, dans son travail, utilisé son propre référentiel. Ces outils d’analyse sont hétérogènes puisque, outre leur spécificité géographique, ils reflètent les préoccupations de leur auteur.

2.1 – Bilan des pratiques actuelles

17 Trois aspects peuvent être distingués : les travaux de terrain, leur représentation graphique et les fiches d’inventaire. Avant même d’aller plus loin, rappelons que tout inventaire doit prendre en considération tous les types de lieux dans lesquels les hommes préhistoriques étaient susceptibles de trouver le silex. Ces lieux communément appelés gîtes (Demars 1980 : p. 46) correspondent à différentes étapes de leur transport, depuis la position en place dans la roche mère jusqu’aux formations alluviales ou cordons littoraux (fig. 3).

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Figure 3 – Bloc diagramme synthétique des différents types de gîtes à silex. Figure 3 – Synthetic block diagram of the different types of flint sources.

1, autochtone primaire ou in situ (en place dans la roche mère) ; 2, autochtone secondaire (dans un dépôt de pente) ; 3, sub-allochtone ou résiduel (altérites ou colluvions « sidérolithique ») ; 4, allochtone (ayant parcouru de longues distances dans des formations alluviales). 1, primary source or in situ (in locations with parent rock) ; 2, secondary source (in a slope deposit) ; 3, residual context (weathered and decayed rock or colluvium "sidérolithique") ; 4, exotic (transported long distances to the alluvial deposit).

Les travaux de terrain (l’inventaire des gîtes)

18 Dans la plupart des travaux, l’ensemble des types de gîtes n’est pas pris en compte. Certains auteurs n’ont traité que les silex in situ (Séronie-Vivien 1987), d’autres y ont ajouté les silicifications des altérites et des dépôts de pente dérivés (Demars 1980 ; Morala 1980 ; Geneste 1985 ; Turq 1992). Quant aux alluvions, le plus souvent, elles ne sont qu’évoquées. L’objectif premier qui est de donner l’image la plus fidèle des ressources actuelles n’est donc pas atteint. De plus, l’échelle de prospection et de prélèvement diffère beaucoup d’un individu à l’autre. Certains ont cherché à avoir une vision générale et la maille est lâche. Pour d’autres ayant des préoccupations micro- régionales, elle est plus serrée. Même dans le Nord-Est aquitain qui est étudié depuis plus 25 ans, il reste beaucoup à faire. Quelques exemples permettent de s’en rendre compte.

A – Gîtes primaires

19 Pour les silicifications en place dans la roche mère, dont les positions stratigraphiques sont bien connues4 et les plus faciles à répertorier puisque nécessitant un simple suivi des affleurements dont les principaux sont connus. Dès que nous passons à l’échelle

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micro-régionale (celle qui nous intéresse dans le cadre de l’étude d’un gisement archéologique), les lacunes apparaissent : 1. des rides anticlinales comme celle du Pech-de-l’Azé qui mettent à l’affleurement des niveaux à silex et ont favorisé le développement de cavités karstiques utilisées par l’Homme sont passées inaperçues (Turq et al. 1999). Sur la rive droite de la vallée de la Dordogne, la cartographie des niveaux à silex de la base du Coniacien s’arrête là où s’interrompt la cartographie de ces formations sur la carte géologique. En fait, ils affleurent encore plusieurs kilomètres vers l’est. 2. par ailleurs, dans toutes les formations à silex du Sénonien, outre les silicifications classiques, il existe dans tous les étages des nodules de silex calcédonieux (certains de plusieurs kilogrammes) qui sont le plus souvent passés inaperçus. Les objets fabriqués dans ces matériaux ont fréquemment été considérés comme provenant de l’exploitation de silex tertiaires (fig. 4).

Figure 4 – Silex de type calcédonieux. Géode de calcédoine mamelonnée formée dans un nodule de silex santonien, altérite de la région de Tamniès (Dordogne), (Récolte A. Turq, cliché Ph. Jugie, M.N.P.). Figure 4 – Calcedonic flint in a geode containing mamillated chalcedony formed within a santonian flint nodule, weathered and decayed rock, Tamniès region (Dordogne), (Collected by A. Turq, photographed by Ph. Jugie, M.N.P.).

B – Gîtes inclus dans les altérites

20 En ce qui concerne les gîtes des altérites, l’importance du couvert végétal a considérablement gêné leur cartographie. Aussi, nous ne connaissons qu’une part infime de leur potentiel, alors que ces formations renferment des silicifications particulièrement importantes dont des silcrètes. Les phénomènes physico-chimiques subis dans ces milieux par les blocs ne sont pas homogènes et donnent une diversité de caractères qui sont susceptibles d’aboutir à des matériaux spécifiques (voire caractéristiques) et/ou, au contraire, à des types très comparables avec d’autres connus dans d’autres contextes stratigraphiques, géographiques ou géologiques. L’une de leurs caractéristiques est d’ordre colorimétrique : ils présentent une grande diversité de

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couleurs vives (fig. 5) et souvent des zonations. L’un des types assez fréquent, dit à zone sous-corticale rouge, présent dans les altérites du Santonien du bassin hydrographique de la Lémance (silex de la Séguine, Turq 1977a) mais aussi du nord-est de Périgueux (Demars 1980) peut d’abord être confondu avec du Bergeracois. D’autres à périphérie rouge brique ou lie de vin, ont parfois un cœur de couleur moutarde moucheté de noir qui rappelle alors certains jaspes de la région de Brive (Turq 1979b : p. 224).

Figure 5 – Silex des altérites du Santonien du Haut-Agenais. On note les couleurs vives acquises dans les altérites très riches en fer (récoltes A. Turq, cliché Ph. Jugie, M.N.P.). Figure 5 – Santonian flint in sediments derived from parent rock at Haut-Agenais : Note : Vibrant colours can be observed on flint found in iron-rich sediments (Collected by A. Turq, photographed by Ph. Jugie, M.N.P.).

C – Gîtes alluvionnaires

21 Les gîtes des alluvions (tout comme ceux des cordons littoraux)5 n’ont pas fait l’objet de travaux spécifiques et, tout au plus, ont-ils été pris en compte d’un point de vue cartographique (Turq 1992). De fait, ils ont donc, le plus souvent, été oubliés ou sous- estimés lors des phases interprétatives. Par exemple, dans la vallée de la Dordogne, la méconnaissance de leur contenu a donné lieu à des interprétations discutables : les jaspes de l’Hettangien et les silex lacustres de type bordure du Massif central (Turq 1992) « type bassin d’Aurillac » proviennent des affleurements primaires (Rigaud 1982 ; Soressi 2002 pour les premiers, Chiotti et al. 2003 ; Lucas 2000 pour les seconds) alors que ces silicifications se trouvent dans les alluvions de la Dordogne. Les silex des Pré- Pyrénées et des anticlinaux du sud du Bassin aquitain caractérisés par la présence de Lepidorbitoides sp. issus des formations recoupées et draînées par les affluents de la rive gauche de la Garonne proviendraient-ils toujours du pied de la chaîne ou des anticlinaux de Chalosse (Lenoir et al. 1998 ; Séronie-Vivien 2003 ; Le Brun Ricalens et Séronie-Vivien 2004) alors que des galets ont été trouvés dans la Baïse et existent donc, au moins potentiellement, en aval dans les alluvions de la Garonne ?

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22 La méconnaissance du potentiel des alluvions de la Vézère a permis d’envisager l’épuisement de ce type de gîte (Demars 1990, 1994) alors que celui-ci n’est pas concevable pour au moins deux raisons : leur richesse en silex (100 000 rognons à l’hectare) et leur renouvellement lors des crues (reprises de galets sous-jacents et de ceux situés en amont).

D – Extensions géologiques maximales

23 Enfin, notons que les géologues (Platel 1983 ; Kafa 1988 ; Astruc 1988, 1990 ; Simon- Coinçon et Astruc 1991) ont signalé qu’à l’origine, les formations sédimentaires du Bassin aquitain avaient une extension bien plus importante vers l’est. Ceci est confirmé par la présence de silex crétacés dans les alluvions de hautes terrasses du Lot bien en amont des affleurements actuels (Séronie-Vivien 1987 ; Turq 1992)6. Pour certains auteurs (Séronie-Vivien. 1995), il peut rester ponctuellement des formations relictuelles avec des silex comme par exemple le silex du Fumélois. Ce point essentiel qui a évidemment des incidences sur l’interprétation technologique voire socio- économique des ensembles archéologiques, doit également être pris en compte. Par précaution et avant que des travaux longs et fastidieux ne permettent de préciser l’importance de ce phénomène. Il serait bon de garder en mémoire ces possibilités d’extension géographiques lors de la cartographie des ressources potentielles en silex (Turq 1992).

La cartographie

24 Elle doit considérer l’ensemble des ressources actuelles, c’est à dire tous les types de gîtes. Si tel n’est pas le cas, il peut y avoir des distorsions importantes (fig. 6). Dès 1992, il nous est apparu important d’ajouter les alluvions qui se sont révélées être parmi les gîtes les plus fréquentés par les hommes paléolithiques, mais aussi de signaler, par précaution, la possibilité de présence de formations relictuelles.

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Figure 6 – Cartographie des silicifications du Santonien. Figure 6 – Map showing the distribution of Santonian flint.

En trait plein les affleurements in situ (d’après M.R. Séronie-Vivien 1987) ; les points correspondent aux gîtes des altérites (d’après Geneste 1985 et Turq 1992) ; la zone en grisé à la zone d’extension maximum supposée de cette formation (Turq 1992). Unbroken line represents in situ flint (after M.R. Séronie-Vivien 1987) ; dots show the location of sources in altered formations (after J.-M. Geneste 1985 et A. Turq 1992) ; the grey zone represents the estimated maximum extent of this formation (A.Turq 1992).

Les fiches d’inventaire

25 Très tôt, des fiches de recensement des gîtes potentiels de matières premières lithiques ont vu le jour (Malissen 1977). Toute une série d’autres paramètres, qui différent selon les auteurs, ont été retenus : données cartographiques, bibliographiques, informations concernant les gîtes, les silicifications (quantité, qualité, dimensions, morphologie…), la présence ou l’absence de traces d’exploitation. Ces documents souvent fastidieux à compléter et lourds à gérer n’ont pas été exploités ou alors très partiellement.

2.2 – Des propositions pour une meilleure estimation des ressources

26 Des méthodes simples permettent d’obtenir des données mieux adaptées aux besoins des études litho-technologiques. Outre une cartographie plus fine des gîtes, il convient de mieux estimer qualitativement et quantitativement les ressources.

27 Pour atteindre cet objectif, trois critères doivent être retenus : les dimensions, la morphologie et l’aptitude à la taille. Pour ce denier point, nous avons opté pour une méthode simple permettant de donner les premiers éléments d’une estimation raisonnée de l’aptitude à la taille. Connaissant les difficultés à mettre en évidence des

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caractères objectifs de caractérisation et sachant que la solution du problème passe par une nécessaire étude collective faite par des expérimentateurs, nous nous sommes engagé dans un système simple et transitoire. Les tests systématiques ont été faits au percuteur dur. Trois groupes ont été individualisés : 1. les mauvais silex qui sont très hétérogènes (vacuolaires ou saccharoïdes), fracturés, clivés. Ils sont pratiquement impropres à la taille, toutefois on ne peut exclure la possibilité de la production de quelques éclats ; 2. les silex de bonne qualité sont plus homogènes. Ils permettent des productions d’éclats en série et le façonnage de bifaces. Leur qualité ne permet pas, à coup sûr, la production systématique de supports Levallois, de lames ou le façonnage de feuilles de laurier ; 3. la catégorie des très bons matériaux permet toutes les méthodes de production de supports et de façonnage par percussion et probablement la retouche par pression7.

28 Deux exemples montrent tout l’intérêt de cette démarche.

Estimation des gîtes des altérites

29 Dans les cartographies actuelles, tous les gîtes présents dans les altérites du Santonien de la vallée de la Vézère sont matérialisés de façon identique. Si nous savions globalement que les silicifications sont de meilleure qualité dans le secteur de Tamniès que vers Rouffignac (Demars 1980 ; Geneste 1985), il était nécessaire de préciser les différences. Deux gîtes des plateaux dominant la Vézère ont été choisis (fig. 7) pour montrer l’ampleur et l’implication des différences observables dans les altérites d’une même formation : l’un est situé sur la commune de Fleurac (A) et l’autre sur celle de Tamniés (B). Tous deux livrent des rognons principalement oblongs ainsi que des plaquettes. Sur chacun d’eux une centaine de nodules ont été recueillis, mesurés et testés.

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Figure 7 – Situation géographique des gîtes étudiés. Figure 7 – Geographic location of the studied sources.

Les carrés correspondent aux prélèvements dans le lit de la Dordogne et de la Vézère ; les cercles montrent l’emplacement des villages et des villes. Squares represent studied samples from gravels above the high water mark in the Dordogne and Vézère Rivers; circles show the location of villages and cities.

30 La figure 8 montre que le gîte A livre principalement des silex impropres à la taille et le gîte B un matériau de bonne qualité. D’un point de vue morphométrique (fig. 9), le gîte A contient surtout des silex de dimension petite à moyenne (entre 10 et 25 centimètres) alors que le gîte de Tamniès possède des blocs de dimension grande pour le Périgord (entre 20 et 30 centimètres).

31 L’examen des vestiges archéologiques attribuables au Paléolithique inférieur ou moyen, récoltés sur chacun d’eux, confirme les possibilités estimées actuellement. A Fleurac, seules quelques pièces et de rares éclats ont été retrouvés. A Tamniès, les vestiges sont très nombreux et des débitages tout à fait exceptionnels pour le Périgord sont représentés : un large éventail de méthodes Levallois avec notamment des grands nucléus à éclats préférentiels, à pointes et plusieurs débitages laminaires. Cet exemple montre que la cartographie généralement pratiquée n’est pas ou peu représentative de la réalité des ressources actuelles. Les expérimentateurs le savent puisque, par souci d’efficacité, ils ne s’approvisionnent que sur un nombre limité de gîtes, ceux qui livrent les matériaux les mieux adaptés à leur besoin. Ne peut-on pas penser qu’il en était de même pour l’Homme préhistorique ?

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Figure 8 – Données qualitatives concernant les gîtes des altérites de Tamniés et de Fleurac. Figure 8 – Differences in the quality of altered flints from deposits at Tamniés and Fleurac.

103 blocs ont été testés sur le premier et 93 sur le second. 103 blocks tested at the first and 93 blocks at the second

Figure 9 – Données dimensionnelles concernant les gîtes des altérites de Tamniés et de Fleurac. Figure 9 – Differences in the dimensions of altered flints from deposits at Tamniés and Fleurac.

103 blocs ont été mesurés sur le premier et 93 sur le second. En abscisse, les mesures déterminant les classes sont exprimées en centimètres. 103 blocks tested at the first and 93 blocks at the second. Horizontal axis shows the size classes in centimètres.

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Estimation du potentiel des alluvions récentes de la Dordogne et de la Vézère

32 Nous avons travaillé pendant plusieurs années sur les alluvions actuelles de la Vézère (entre Montignac et Limeuil) et de la Dordogne (entre Grolejac et Limeuil) (fig. 7). Des comptages de galets supérieurs à 4 cm ont systématiquement été faits sur des surfaces de 1 m2 prises au hasard sur les plages de galets. Ils ont permis de connaître la composition lithologique globale des alluvions grossières et de tester tous les silex présents. Un second prélèvement, effectué autour du premier, a consisté en la récolte systématique de tous les rognons de silex durant 15 mn, temps de parcours répété sur chaque plage pour affiner la première observation. Dans cet ensemble plus conséquent, les dimensions, la morphologie, le type et l’aptitude à la taille ont été enregistrés.

33 Outre l’origine respective des deux rivières qui transparaît à travers la composition de leurs alluvions. Les alluvions de fond de vallée de la Vézère actuelle comportent 4 fois plus de silex que ceux de la Dordogne (tabl. 2). Les cortèges de silicifications sont globalement comparables (tabl. 3) mis à part la présence dans la seule vallée de la Dordogne de silicifications tertiaires provenant du Massif central ou de sa bordure. Pour ce qui est de l’aptitude à la taille, les galets de silex sont majoritairement de bonne à très bonne qualité pour la Vézère et de mauvaise qualité pour la Dordogne (tabl. 4).

Tableau 2 – Composition lithologique globale des alluvions actuelles. Table 2 – Total lithic composition of present gravels.

Quartz Calcaire Silex Roches éruptives Nombre de galets examinés

Dordogne 7 – 9 % 1 – 3 % 0 – 5 % 75 – 88,7 % 2524

Vézère 43 – 75 % 0 – 6 % 4 – 20 % 11 – 39 % 1852

Les deux chiffres correspondent aux pourcentages minimum ou maximum rencontrés dans l’ensemble des prélèvements effectués sur chacune des rivières.

Tableau 3 – Origine géologique des silex. Table 3 – Geological origine of flints.

Sénonien Jurassique Tertiaire Tertiaire du Massif central Indét. (chaille) Jaspe

Dordogne 65 % 0,6 % 17 % 1,7 % 19 % 0,6 %

Vézère 99,1 % 0,6 % 1 % 0 % 0,1 % 0,1 %

Tableau 4 – Aptitude à la taille des blocs. Table 4 – Knapping ability of blocks.

Mauvaise Bonne Très bonne

Dordogne 64 % 25 % 11 %

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Vézère 34 % 36 % 30 %

34 Pour la vallée de la Vézère, particulièrement riche en galets de silex, nous avons analysé plus en détail 1100 nodules de silex du Sénonien. Les gris ou noirs et les blonds sont en proportions presque identiques, (respectivement 51,5 % contre 48,5 %)8.

35 Pour ce qui est de la morphologie des blocs ont été retenues en dehors des artefacts toujours présents, les plaquettes, les formes contournées, oblongues, globuleuses ou « patatoïdes » et les branchues. Comme le montre la figure 10 il n’y a pas de grandes différences entre les deux grands types.

Figure 10 – Alluvions du lit mineur de la Vézère. Figure 10 – Gravels above the low flow channel of the Vézère River.

Morphologie des silex gris ou noirs du Sénonien et des silex Blonds du Sénonien (731 blocs). Horizontal axis shows variations in the morphology of beige and grey and/or black Senonian flint (731 blocks studied).

36 Les dimensions sont principalement comprises entre 9 et 16 cm (fig. 11), ce qui n’exclut pas que quelques blocs puissent dépasser les 40 centimètres9.

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Figure 11 – Alluvions du lit mineur de la Vézère. Figure 11 – Gravels above the low flow channel of the Vézère River.

Dimensions respectives des silex gris ou noirs du Sénonien et des silex Blonds du Sénonien (731 blocs). Horizontal axis shows the size classes in centimetres for beige and grey and/or black Senonian flint (731 blocks studied).

37 En terme d’aptitude à la taille, les galets de silex gris et noirs sont bien meilleurs que les blonds (fig. 12), quelles que soient leur morphologie et leur dimension. Ces données sont le reflet fidèle des observations faites dans les gîtes du bassin hydrographique. Les silex gris ou noirs provenant surtout des gîtes in situ sont de meilleure qualité que les silex blonds issus principalement des altérites du Santonien qui, comme nous l’avons vu précédemment, sont très hétérogènes.

Figure 12 – Qualité respective des silex gris ou noirs du Sénonien et des silex blonds du Sénonien (731 blocs), dans les alluvions du lit mineur de la Vézère. Figure 12 – Differences in the quality of beige and grey and/or black Senonian flint from gravels above the low flow channel of the Vézère River (731 blocks tested).

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38 Cette première synthèse des observations souligne les précautions qu’il convient de prendre pour se faire une idée précise des ressources. Les résultats obtenus en un seul lieu sont trop ponctuels pour être significatifs.

39 Ces recherches sur les alluvions actuelles de la Dordogne et de la Vézère ont mis en évidence des distorsions importantes entre les données recueillies, les attentes issues de l’observation du bassin versant et les résultats des études archéologiques : 1. dans la vallée de la Vézère, les prélèvements faits dans les alluvions ne reflètent pas la totalité du potentiel du bassin versant. On note une sous-représentation des silex des altérites de la rive droite (localisées autour de Thenon, Rouffignac, Mauzens, Miremont), en particulier des silex zonés ou à zone sous-corticale rouge et le silex de type Sainte-Foy, caractéristique de la base du Campanien (Turq 1992). 2. pour la Dordogne, les gîtes actuels sont d’un faible d’intérêt archéologique, ce qui est incompatible avec les données archéologiques issues du gisement de Combe-Grenal (Bordes F. 1972.). Aujourd’hui, dans ce secteur, les plages fournissent un à deux rognons de silex sénoniens à l’hectare, alors que dans certaines couches de ce gisement les mêmes silex, à cortex fluviatile, représentent des pourcentages significatifs (plus de 50 %). Il existe donc une différence importante entre les ressources actuelles et celles du Würm ancien. Ces distorsions observées confirment une nouvelle fois que les données recueillies sur les ressources lithiques actuelles ne sont pas directement transposables et exploitables dans des études traitant de sites paléolithiques.

2.3 – Conclusion

40 Les lithothèques qui se veulent et doivent être le reflet le plus exact possible du potentiel actuel ont encore des progrès à faire pour atteindre leur objectif premier, caractériser les matières premières disponibles et estimer le potentiel lithique de chaque territoire. Lorsque celui-ci sera atteint, seule la première étape de la recherche sera franchie. En effet, « ... tout inventaire de gîtes, aussi exhaustif soit-il, ne sera qu’une image déformée des possibilités d’approvisionnement paléolithiques » (Chadelle 1983, p. 28). La seconde phase indispensable sera d’essayer d’estimer les ressources au moment de l’occupation préhistorique étudiée. C’est seulement ensuite que l’analyse de l’origine des matières premières utilisées dans un ensemble archéologique deviendra plus fiable.

3 – De l’échantillon de la lithothèque au matériel archéologique

41 Chaque série analysée a ses propres particularités en terme d’état de conservation et d’âge estimé. Avant donc de passer à l’interprétation, il convient de prendre en compte ces deux éléments. Le matériel archéologique plus ou moins altéré extérieurement doit être comparé avec l’échantillon frais.

3.1 – Du silex frais au matériel archéologique

42 Comme nous l’avons vu précédemment, des altérations anthropiques ou naturelles affectent généralement le matériel lithique. Les altérations anthropiques, la chauffe accidentelle ou volontaire, peut être totalement absente ou affecter une partie du matériel dès le Moustérien avec 4 % dans la couche B du Pech de Bourre (Turq inédit),

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11 % dans la couche de base du Pech de l’Azé IV (Dibble, MacPherron 2001), 19,3 % dans la couche III du Roc de Marsal (Thiébaut 2003) et atteindre 50 % au Mésolithique (Séronie Vivien 2001). Elle amène une modification au moins de la couleur (zone bleutée ou blanchâtre) et parfois de la structure (apparition d’un réseau de fissures, de craquelures ou de cupules thermiques).

43 Les altérations naturelles post-dépositionnelles sont aussi très fréquentes. Il peut s’agir de lustrage ou de concassage mais, le plus souvent, de patine pouvant aller du simple voile gênant l’approche à une attaque profonde qui peut empêcher toute étude.

44 Pour tenter de pallier ces difficultés, il convient de compléter la lithothèque de référence des matériaux frais par : 1. des échantillons traités thermiquement10 ; 2. des objets patinés. L’idéal serait de trouver des objets patinés sur une seule face comme on l’observe souvent dans certains sites de plein air. A défaut, on peut prendre des objets dont toute la surface est altérée et les casser pour aboutir à une identification sur la partie non altérée. La multiplication de ces échantillons permet d’analyser l’altération d’un type de silex et éventuellement mettre en évidences des critères d’identification : uniformité de l’altération, modification de seulement quelques éléments... Il y a déjà plus de vingt ans que, comme d’autres chercheurs, nous avons recours à cette démarche.

3.2 – De l’évaluation des ressources actuelles à l’estimation des ressources passées

45 Le résultat de notre travail sur les ressources actuelles aboutit in fine à une cartographie qui, une fois publiée, est un document figé. Chaque analyse lithologique nous amène à estimer les ressources telles qu’elles pouvaient se présenter au moment de l’occupation étudiée. Ceci nécessite la prise en compte de l’évolution géologique régionale et une bonne connaissance des conditions climatiques qui prévalaient au moment de l’occupation considérée.

46 Plus nous remontons dans le temps, plus le transfert des données concernant les ressources actuelles est difficile. Voici quelques exemples pour illustrer le propos.

47 Sur le site du Roc-Allan (Coulonges 1935,1963 ; Le Tensorer 1979 ; Turq 1987-1988), un changement dans l’approvisionnement en matières premières lithiques entre les occupations magdaléniennes, aziliennes d’une part et celles du Sauveterrien et du Néolithique ancien d’autre part, a été constaté (Turq et al. 1996). Les premiers utilisent surtout les silex des dépôts de versant carbonatés et des alluvions, les second ceux des altérites des plateaux environnants. Cette modification de comportement correspondant aussi à un changement culturel, il est important de savoir si l’observation faite est à mettre en relation avec un changement lié à l’Homme ou à des problèmes d’accessibilité aux gîtes.

48 Les données recueillies permettent de retenir la seconde solution. Les dépôts de pente carbonatés anciennement fréquentés sont recouverts et scellés par la végétation (entre autre le noisetier) et ceux des terrasses alluviales recouverts par un remplissage détritico-organique lié à une modification de l’écoulement des cours d’eau (Turq et al. 2000). Quant aux gîtes des altérites, malgré le couvert végétal, ils restent partiellement accessibles sans doute à la faveur de coulées boueuses, ravines, chablis et autres.

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49 Le principe de fonctionnement mis en évidence ici a été retrouvé dans d’autre sites synchrones comme La Borie del Rey (Coulonges 1963), Le Martinet (Coulonges 1935) et le Pont d’Ambon (Célérier 1998), tous implantés dans des vallées secondaires des terrains sénoniens du nord-est du Bassin aquitain. En outre, l’apparition et le développement du Castor dans la faune de ces sites viennent confirmer le remblaiement des fonds de vallées et la fin de l’accessibilité des gîtes situées dans les alluvions des vallées secondaires.

50 Si dans un laps de temps relativement court, à l’échelle de la Préhistoire (10 000 ans) l’accessibilité de certains gîtes s’est autant modifié on comprend qu’il est encore plus délicat d’estimer les ressources pour des périodes beaucoup plus anciennes. Prenons comme exemple la découverte, sur le tracé de l’autoroute A20 (Jarry et al. 2001), du site des Bosses (commune de Lamagdeleine) daté d’environ 300 000 ans. Ce gisement implanté sur la rive droite du Lot, à la surface de la moyenne terrasse, a livré une industrie réalisée majoritairement en métaquartzite comprenant néanmoins près de 400 objets en silex. Si la patine rend non identifiable l’origine de 14 % d’entre eux, les autres comprennent (Chalard, Turq 2001) des silex tertiaires 84 %, des silex jurassiques (11 %), des silex crétacés (3 %) et des silex jaspoïdes (1 %). Si pour la majorité d’entre eux, l’origine fluviatile ne fait aucun doute, la question se pose pour quelques pièces en silex tertiaire et crétacé ne présentant pas de néo cortex. D’où viennent ces matières premières ? Des lambeaux des hauts niveaux fluviatiles du Lot, du corps de la terrasse sous-jacente, de lambeaux de formations disparues ou des affleurements actuels ? Si, d’un point de vue numérique la réponse ne modifie que faiblement la diagnose (approvisionnement local), la présence ou l’absence de silex importés sur plusieurs dizaines de kilomètres est plus importante car elle identifie ou non un territoire d’acquisition développé vers le Périgord et le Haut-Agenais. La solution passe forcément par la prise en compte de formations sédimentaires aujourd’hui disparues mais repérables par leurs éléments retrouvés dans les formations alluviales (cf. supra) et par l’étude détaillée du contenu lithologique de chacun des niveaux des terrasses. Des silex crétacés existent dans les niveaux de haute terrasse près du site.

Figure 13 – Cartographie des affleurements actuels des formations crétacées (hachures), localisation des hautes terrasses ayant livré des silex crétacés (toutes celles en aval du confluent avec le Célé). Figure 13 – Map showing the actual distribution of Cretaceous formation (delimited by the broken line in the upper left), black areas show the location of high terraces where cretaceous flint can be found (always down stream from the junction of the Célé and Lot Rivers).

Le carré matérialise le site des Bosses. The square is the site of Bosses.

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51 Ces observations confirment une nouvelle fois que la cartographie actuelle des ressources n’est pas directement utilisable. Les sources de matières premières lithiques accessibles ont changé en fonction de l’évolution géomorphologique régionale : disparition par érosion de certains affleurements d’altérites, apparition de nouveaux horizons à silex mis à nu par l’incision des vallées... Dans l’attente de longs travaux de géomorphologie (étude détaillée de l’évolution des paysages), les premières approches peuvent s’appuyer sur la prise en compte de l’évolution du réseau hydrographique : le système de terrasses étagées peut servir de base morpho-chronologique globale. L’approche repose sur le croisement des données théoriques (ressources du bassin versant) et les grandes lignes de l’évolution du modelé des versants déduites de l’incision des cours d’eau et du contenu des différentes nappes de terrasses. Les ressources du bassin versant correspondent aux gîtes autochtones (primaires) et sub- allochtones (secondaires) actuels recensés. Pour ce qui est de l’évolution, elle peut être estimée à partir des facteurs susceptibles de faire varier ces ressources. L’accès aux gîtes autochtones ou primaires dépendent principalement de l’incision de l’affleurement par le réseau hydrographique. En effet, lorsqu’il s’agit d’affleurements continus sur plusieurs kilomètres, il est difficilement concevable que les dépôts de versant puissent en interdire totalement l’accès. Du fait d’un encaissant généralement massif, l’érosion n’a que peu d’emprise sur eux. Les gîtes sub-allochtones ou secondaire proche sont plus fragiles : le remplacement de la roche-mère par du sable ou de l’argile les rend vulnérables. D’une part, les blocs sont davantage soumis à des agressions physiques (chocs thermiques, mécaniques) ou chimiques (remobilisation de la silice, imprégnations...) et d’autre part, l’affleurement évolue rapidement au gré des changements de climat et/ou de la présence ou l’absence d’un couvert végétal (cf. supra), facteurs capables de pouvoir rapidement le réduire ou le détruire. Les gîtes allochtones ou secondaires éloignés sont, quant à eux, tributaires des facteurs influents sur les précédents mais aussi des capacités de transport des affluents temporaires ou permanents, et durant le dépôt des alluvions, de la compétence de la rivière. L’essai de synthèse des données (tabl. 5) montre combien, en dehors des gîtes autochtones, les propositions sont fragiles. Leur fiabilité diminue au fur et à mesure que l’on remonte dans le temps : 1. pour l’Holocène, l’évolution des fonds de vallées qui implique le recouvrement des alluvions grossières à galets de silex est le phénomène marquant (Texier 1982 ; Turq et al. 2000) ; 2. pour le Pléistocène supérieur, les grands changements climatiques sont abordables tant en milieu côtier (variations du niveau de la mer, Monnier 1980, 1988) que continental (Morala et Turq 1990). Pour ce dernier, nous avons pu constater (op. cit.) que certains silex n’affleurant qu’en place dans la roche mère (silex dit de Gavaudun et du Fumélois) ne sont intensément utilisés que lors des phases froides. On peut envisager que le recul des falaises et l’évolution rapide des versants, sous couvert végétal réduit, soient favorables à la régénérescence de ces types de gîtes. 3. pour le Pléistocène ancien et moyen, les modifications du paysage sont telles que la prise en compte des gîtes aujourd’hui disparus est indispensable (cf. supra).

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Tableau 5 – Stabilité des gîtes et fiabilité de l’estimation des types de gîtes en fonction de l’évolution géomorphologique. Table 5 – Stability of the different deposits and reliability of their valuation according to the geomorphological evolution.

Type de Stabilité Variations liées à Estimation dépendante Fiabilité de gîte11 de l’estimation

autochtone maximum – l’incision du réseau – gîte actuel bonne hydrographique – du niveau des terrasses alluviales

sub- moyenne – l’érosion – du gîte actuel aléatoire allochtone – le climat – du contenu des – le couvert vétégal terrasses alluviales

allochtone faible – l’incision du réseau – du contenu des médiocre hydrographique terrasses alluviales – l’érosion – le climat – le couvert vétégal – les apports des affluents

52 Dans ce domaine beaucoup reste à faire. Si nous voulons essayer de faire la part entre les choix humains et les contraintes naturelles, dans l’approvisionnement en matières premières lithiques, le développement de cet axe de recherche est primordial. L’embryon de réflexion menée ici doit, dans les années à venir, servir de base à un travail d’équipe réunissant géologues, géomorphologues et préhistoriens.

53 Un autre point important est l’impact climatique sur l’accessibilité aux gîtes. Les années quatre-vingt ont vu les premières études mettant en relation les changements dans les modes d’approvisionnement, les grandes phases climatiques et donc l’accessibilité aux gîtes. Durant les phases froides, il a été observé l’utilisation du silex dans le Paléolithique inférieur et moyen de Bretagne (Monnier 1980 et 1988) et en Haut-Agenais, le rôle accru joué par les silex in situ ou issus des dépôts de pente carbonatés, silex dit de Gavaudun et du Fumélois (Turq 1988a : p. 105 ; 1989a : p. 186-187 ; Morala et Turq 1990). Cet axe de recherche est encore aujourd’hui sous-exploré et mériterait un effort particulier.

4 – Conclusions et perspectives

54 La lecture des remarques présentées ci-dessus peut paraître décourageante. Elle ne doit pas être perçue comme telle, mais plutôt comme une prise de conscience des difficultés et des limites actuelles. L’approche lithologique, en donnant une dimension spatiale, sociale et économique à l’étude du matériel lithique, a ouvert de nouvelles perspectives pour la compréhension du comportement humain préhistorique. Les méthodes utilisées, les outils mis en place demandent, en permanence à être critiqués et

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améliorés. La prise de conscience des problèmes et des limites de notre outil de travail doit être mise à profit pour progresser.

55 Comme nous l’avons vu, il faut encore et encore améliorer le référentiel des ressources actuelles ainsi que les méthodes de caractérisation pour avoir enfin à disposition l’inventaire « exhaustif » recherché. A la lithothèque des échantillons frais, il convient d’adjoindre des pièces altérées ce qui facilitera les comparaisons et réduira les risques d’erreurs lors du diagnostic.

56 Une nouvelle étape capitale reste à franchir : mettre en place les outils permettant de passer de l’inventaire des ressources actuelles à l’estimation des ressources dont disposaient les préhistoriques lors de l’occupation du site étudié. Ici, nous n’avons pu aborder que quelques pistes. Le chemin sera long et difficile. Il devra passer par un travail interdisciplinaire avec une meilleure prise en compte des données paléoclimatiques et géomorphologiques. Devant l’ampleur de la tâche et pour ne pas perdre de temps, nous souhaitons proposer des modèles théoriques construits à partir des résultats obtenus lors de l’étude de cas et de les tester pour d’autres sites en essayant de faire varier un ou plusieurs paramètres.

57 Notre principal axe de recherche restera l’accessibilité aux gîtes et plus particulièrement, l’étude des relations entre variations du contexte paléo-climatique et types de gîte exploités. Les résultats des recherches systématiques de deux matériaux (silex dit du Fumélois et silex dit de Gavaudun, non connus dans des gîtes d’altérites) dans l’ensemble des sites du Haut Agenais et du Périgord (donc dans des milieux physiques différents) et la prise en compte des données climatiques a permis d’avancer une hypothèse : l’exploitation préférentielle des gîtes autres que les altérites durant les périodes froides. Aujourd’hui, il nous paraît important de vérifier cette hypothèse dans un site présentant deux spécificités : 1. une longue séquence stratigraphique et des occupations dans des phases climatiques bien caractérisées par des données palynologiques, sédimentologiques et paléontologiques12 ; 2. un environnement immédiat ou proche dans lequel des ressources minérales nombreuses, diversifiées, facilement identifiables, proviennent de plusieurs types de gîtes13. Le site retenu pour ce travail est Combe-Grenal.

58 Les changements observés dans l’approvisionnement en matières premières lithiques à la charnière OS2/OS1 d’abord au Roc Allan tous implantés dans des vallées secondaires a permis de constater que dans ce contexte l’amélioration climatique a impliqué un changement dans l’accessibilité aux gîtes : les alluvions et les dépôts de pente carbonatés ne sont plus accessibles lors du réchauffement. Il convient de voir si fréquentés lors de changements climatiques de même ordre mais plus anciens (charnière OS6/OS5 ou peut être OS4/OS3), les mêmes phénomènes se répètent. L’ensemble des sites du Pech de l’Azé devrait permettre d’entreprendre ce travail.

59 Enfin, il conviendra dans le futur d’aller plus loin que la simple identification de l’origine des matériaux en essayant d’estimer le nombre de blocs utilisés dans le site. Ceci est possible pour les silex des altérites où les blocs ont très souvent des caractéristiques colorimétriques spécifiques (silex du Bergeracois notamment). Cette démarche permettra de dépasser l’approche globalisante actuelle. La signification n’est pas la même si dix pièces en silex exogène sont issues d’un même bloc ou de dix blocs différents ou si cinq éclats de retouche proviennent du même bloc que le seul racloir

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présent. Ainsi une nouvelle étape sera franchie dans la compréhension du comportement humain qui reste la finalité de nos recherches.

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TURQ A., ANTIGNAC G., ROUSSEL P. 1999 – Les silicifications coniaciennes du Sarladais et du Gourdonnais : inventaire et implications archéologiques. Paléo 11, 1999, p. 145-160.

TURQ A., DETRAIN L., VIGIER S. 2000 – L’importance de l’accessibilité des gîtes dans l’étude de l’approvisionnement en matières premières lithiques : l’exemple du Haut-Agenais (Lot-et- Garonne). In : Les derniers chasseurs-cueilleurs d’Europe occidentale, Actes du colloque international de Besançon, octobre 1998. Besançon, Presses Universitaires Franc-Comtoises : (Annales Littéraires, 699 ; Série « Environnement, sociétés et archéologie », 1), p. 267-276.

VALENSI L. 1960 – De l’origine des silex protomagdaléniens de l’abri Pataud, les Eyzies. Bulletin de la Société Préhistorique Française, t. 56, n° 1-2, p. 80-84.

NOTES

1. Nous regrettons que les discussions et échanges fructueux sur la terminologie qui ont eu lieu lors de la réunion des Eyzies les 6 et 7 juillet 1982 et à laquelle participaient G. Célerier, J.-P. Chadelle, P.-Y. Demars, J.-M. Geneste, R. Larrick, A. Morala, J.-Ph. Rigaud, M.-R. Séronie-Vivien, R. Séronie-Vivien, J. Tixier et nous-mêmes n’aient jamais été publiés dans leur intégralité. 2. Un bilan similaire sur l’interprétation des résultats et le commentaire des faits archéologiques sont en cours de préparation. 3. Notons toutefois qu’un examen en lumière rasante permet de déceler une série d’ondulations très nettes non observables sur d’autres matériaux. 4. On bénéficie de plus d’un siècle de cartes géologiques et de nombreuses synthèses sur les formations carbonatées (Séronie-Vivien M. 1972 ; Platel 1989). 5. Une exception, la Bretagne où les cordons littoraux ont fait l’objet d’études détaillées (Monnier 1980 et 1988). 6. Les recherches menées sur la vallée de la Vézère ont permis de mettre en évidence le même phénomène : présence de silex crétacés en amont des affleurements actuels. Une étude géomorphologique régionale serait utile pour savoir si ce phénomène est local ou plus vraisemblablement présent dans tout le Bassin aquitain. 7. Ce que semblent confirmer les rares essais sur les échantillons récoltés. 8. Sur les 23 lieux de prélèvements, les silex gris et noirs dominent 11 fois, les blonds 10 fois et dans trois cas ils sont à égalité. Des prélèvements effectués trois années de suite sur quatre sites ont montré pour trois d’entre eux des inversions de pourcentage. 9. N’oublions pas que la dimension des blocs retrouvés dans les formations dépend d’une part, des dimensions des nodules dans l’environnement et d’autre part, de la compétence de la rivière. Aujourd’hui celle-ci est bien moindre qu’en période glaciaire. 10. Ce type d’approche a été fait dès les années 1980 par J.-P. Raynal. 11. Voir figure 2 12. Rappelons que ce n’est pas le résultat d’une seule approche qui doit être pris en compte mais l’ensemble des données. 13. Tous les sites ne sont pas sur un même pied d’égalité devant l’étude des matières premières lithiques. Les gisements implantés dans des zones où les matériaux disponibles sont peu caractéristiques et proviennent du même gîte ou de gîtes proches de grandes zones, comme par exemple le Périgord avec ses silex blonds et gris noirs du Sénonien, sont peu favorables à l’analyse lithologique.

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RÉSUMÉS

Vingt cinq ans d’expérience en études lithologiques nous ont paru suffisants pour mener à bien une réflexion sur la caractérisation des matières premières lithiques et l’identification de leurs origines. Dans ce travail, sont abordés la prospection et l’inventaire des gîtes, la cartographie, les méthodes d’identification. L’analyse critique des données nous permet de mettre en évidence les principales difficultés rencontrées et ainsi de fixer les limites des recherches menées. Pour les domaines qui nous ont semblé être essentiels, des propositions concrètes sont faites pour tenter de dépasser les points de blocage. Pour améliorer nos connaissances des ressources actuelles, notamment celles des alluvions (l’une des sources les plus fréquemment utilisées par les hommes préhistoriques mais parmi les plus mal connues), une approche est proposée et des résultats présentés. Cette méthode prend en compte la morphologie et la qualité des matériaux. L’accent est également mis sur le problème majeur qui est le transfert des données du référentiel actualiste (lithothèque) au matériel archéologique : comment, à partir des ressources actuelles, peut-on envisager celles dont disposaient le ou les fabricants des objets archéologiques étudiés. Quelques exemples archéologiques servent à aborder les problèmes d’accessibilité aux gîtes et à indiquer quelques axes de recherche.

Twenty-five years of experience in lithologic studies seem sufficient to be able to characterize lithic raw material and to identify their origins. In this study, prospection and inventory of the deposits, their location and their description are considered. The critical analysis of data allows to underline the main difficulties and also to set up the limits of the present research concerning the main topics. In essential fields, concrete suggestions are made to improve our knowledge about ressources and especially alluvial deposits (one of the most frequent lithic supply for prehistorical men but also the less known). A method with its applications is presented, taking into account the morphology and the quality of lithic raw material. A major problem is introduced : the transfer of the related data (lithotheque) to the archaeological material. How can we know from today’s ressources what were the real ones available for the prehistoric toolmaker knapper ? Some archeological examples are used to approach the questions of deposits accessibility and to give some research issues.

INDEX

Keywords : accessibility, flint, flint sites, knapping ability, material origin Mots-clés : accessibilité, aptitude à la taille, gîte à silex, origines des matériaux, silex

AUTEUR

ALAIN TURQ Musée national de Préhistoire, 24620 les Eyzies de Tayac (Dordogne), UMR PACEA (n° 5199) du CNRS. Université Bordeaux I, Avenue des Facultés, 33405 Talence Cedex.

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Nouvelles de la Préhistoire

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Une figuration inédite de Léporidé dans la couche 3’ de l’abri Duruthy (Sorde-L’Abbaye, Landes, France) Unpublished picture of Leporid from the layer 3’ in the Duruthy shelter

Morgane Dachary, Frédéric Plassard et Delphine Haro

Nous remercions sincèrement Monsieur Philippe Camin, Conservateur des Musées des Landes, qui nous a autorisés à étudier la baguette demi-ronde de Duruthy, ainsi que Messieurs Alain Roussot et Francesco d’Errico pour leurs conseils au cours de l’étude de cette pièce.

Introduction

1 La réorganisation du nouveau Musée du Centre du Patrimoine de l’Abbaye d’Arthous dans les Landes a été l’occasion d’un réexamen sommaire des collections collectées par R. Arambourou à Duruthy. Pour étoffer les vitrines, il était en effet souhaitable d’extraire des réserves quelques pièces exceptionnelles. L’examen d’une des baguettes demi-rondes nous a alors permis de distinguer un motif figuratif inhabituel. Ici, cet objet est décrit puis replacé dans son contexte archéologique et mis en perspective avec les autres exemples de figurations du même thème dans l’art paléolithique.

Le site de Duruthy

2 L’abri Duruthy, ouvert vers le sud-ouest, est creusé dans la falaise du Pastou. Appuyée sur un coteau calcaire orienté au sud-sud-ouest, cette dernière constitue l’ultime avancée du relief qui sépare le Gave de Pau du Gave d’Oloron dont la confluence se trouve à 5 km plus à l’ouest. Au pied de cette falaise, quatre abris sous roche sont alignés sur une longueur d’un peu plus de 250 mètres. D’ouest en est, il s’agit de Duruthy, du Grand et du Petit Pastou et de Dufaure (fig. 1). Tous les quatre sont situés sur la commune de Sorde-L’Abbaye dans les Landes. Ils sont entourés d’un relief plain, de faible altitude et surmontés d’un point haut, 127 mètres, qui domine la plaine

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alluviale des Gaves. De cette hauteur, et dans une moindre mesure du pied de la falaise, la chaîne des Pyrénées est parfaitement visible ainsi que les sommets au relief moutonné du piémont qui séparent les sites de la montagne, distante d’une quarantaine de kilomètres vers le sud.

Figure 1 – Vue d’ensemble de la falaise du Pastou, d’après Lartet et Chaplain-Duparc 1874. Figure 1 – The Pastou cliff after Lartet et Chaplain-Duparc 1874.

3 L’abri Duruthy n’a pas plus de deux mètres de profondeur et se développe sur une dizaine de mètres de long. Encadré par deux cônes d’éboulis alimentés depuis le coteau, le gisement se poursuit en avant de l’abri, sur le talus. Il est partagé en trois gradins ou terrasses (fig. 2).

Figure 2 - Plan de masse du gisement de Duruthy et coupe sagittale le long de la bande A (Dachary 2002, Pl 15) d’après (Arambourou et Thibault 1973 ; Arambourou 1978). Figure 2 - Map of Duruhty excavation et sagital section following A band. (Dachary 2002, Pl 15) after (Arambourou et Thibault 1973 ; Arambourou 1978).

Remarque : Le changement du point de référence du carroyage n’est pas répercuté : les carrés des terrasses moyenne et supérieure fouillés après 1974 sont mentionnés suivant leur nomenclature antérieure.

4 En 1873, R. Pottier, accompagné de L. Lartet, détecte le site de Duruthy où il effectue un sondage. En 1874, L. Lartet y poursuit les travaux avec H. Chaplain-Duparc (Lartet et Chaplain-Duparc 1874). Ils entament la terrasse supérieure, ne laissant que quelques placages le long des parois. Ils éliminent les dépôts chalcolithiques et mettent au jour les traces d’occupations paléolithiques proches des parois. Le gisement est alors

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délaissé jusqu’à la reprise des fouilles par R. Arambourou. De 1957 à 1986, celui-ci fouille les maigres restes de la terrasse supérieure, atteint la terrasse moyenne et réalise une tranchée perpendiculaire à l’axe de l’abri (Arambourou et al. 1978).

5 La stratigraphie du gisement varie entre la partie haute et la partie basse du site. Cinq mètres en avant de la falaise, les dépôts sont particulièrement épais pour les périodes récentes. De haut en bas, il s’agit : 1. d’une couche chalcolithique (c. 1) contenant une véritable nécropole ; 2. d’une couche azilienne (c. 2), encadrée par des niveaux à Hélix (?) ; 3. d’une couche « Magdalénien VI » (c. 3) surmontée d’un éboulis. 4. Enfin, de deux niveaux stériles très fins, qui doivent correspondre aux couches 3’ et 4 ; 5. puis le substrat rocheux.

6 Par contre, vingt mètres en avant de la falaise, un sondage effectué en 1973-74 a rencontré un niveau remanié, des couches attribuées au Magdalénien (« VI » : c. 3, « V » : c. 3’, « IV » : c. 4 et « III » : c. 5), puis diverses strates attribuées au Paléolithique supérieur et enfin la terrasse alluviale à six mètres de profondeur environ (Arambourou et al. 1978).

La baguette demi-ronde

Le support

7 Il s’agit d’un fragment de baguette demi-ronde en bois de Cervidé, d’une longueur de 142 mm pour une largeur maximale de 14,6 mm et une épaisseur maximale de 7,6 mm (fig. 3). Une extrémité est appointée (pointe mousse) selon un profil ogival et conserve une section plano-convexe, l’autre porte les stigmates d’une cassure par flexion.

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Figure 3 – La baguette demi-ronde. Figure 3 – The half round rod.

Les motifs de la face dorsale sont simplement situés sur la baguette. Leur relevé détaillé se trouve sur la figure 4. The detailed reading of the pictures is in the figure 4.

8 La face dorsale est fortement convexe mais ne présente pas d’aménagement hormis le décor décrit plus loin. La face ventrale est plane et marquée de stries obliques ascendantes de la droite vers la gauche. La section du fût est plano-convexe.

9 Par comparaison avec l’échantillon étudié par V. Féruglio (Féruglio 1992), cette baguette est tout à fait « classique ». Par sa section, l’aménagement de son extrémité, les stries de la face ventrale, elle correspond aux types les plus couramment rencontrés.

10 Le calcul de l’indice d’aplatissement (largeur maximale par rapport à l’épaisseur maximale) donne 1,92, ce qui indique une baguette plutôt épaisse.

11 La pièce est constituée de deux fragments sans doute recollés par R. Arambourou au moment de la fouille ; elle est couverte d’un vernis brillant assez épais sous lequel la surface est parfois desquamée.

Le décor (fig. 4)

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Figure 4 – Relevé (déroulé) du décor de la face dorsale de la baguette. Figure 4 – Reading of decoration on the rod dorsal part.

12 Hormis les 35 mm de l’extrémité appointée, l’essentiel de la face dorsale (dans son état actuel de conservation) est décoré. Trois motifs, déjà décrits par R. Arambourou, s’y succèdent : « une baguette demi-ronde (…) portant gravées deux flèches empennées et croisées en croix de Saint-André, au-dessous, une gravure ovale, peut-être un signe vulvaire et, dans la partie inférieure de la baguette, un oiseau à gros bec avec une aigrette sur la tête et l’aile déployée. Cet oiseau semblait perché sans qu’il soit possible de distinguer sur quoi, par suite de la corrosion de la gravure et de taches noires » (Arambourou et al. 1978 p. 45). A notre tour, nous décrivons ce décor depuis la pointe vers l’extrémité cassée.

Motif 1 : le motif en X

13 Il s’agit d’un signe cruciforme, allongé sur 32 mm suivant l’axe de la baguette et dont trois des quatre extrémités sont bifides. La gravure en est particulièrement appuyée.

Motif 2: indéterminé

14 Sa forme générale est en amande. Les bords sont hérissés de traits courts, d’égale longueur, parallèles entre eux et uniformément répartis. Environ deux tiers de la surface interne sont marqués par de très fines lignes obliques parallèles. Deux traits parallèles, de part et d’autre de son grand axe le complètent.

15 Nous ne connaissons aucun équivalent à ce motif dans l’art paléolithique franco- cantabrique. Quelques liens ténus existent avec certaines figurations de poissons ou de serpents, voire de mammifères marins (Voir Breuil et Saint-Périer 1927 ; Cleyet-Merle 1990). Cependant, les ressemblances sont trop lointaines pour qu’on puisse conclure. Il nous semble même présomptueux de trancher entre une représentation animale et une figure abstraite. Nous ne retiendrons donc ce sujet que comme un motif indéterminé. Longueur : 25 mm.

Motif 3 : le Léporidé

16 En orientant la pièce horizontalement, pointe à gauche, la lecture d’un animal en profil gauche n’est pas contestable. La tête est courte, le museau légèrement concave, et le

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front bombé est surmonté d’une oreille très développée orientée vers l’arrière. L’œil manque, ou plutôt l’état de surface de l’objet ne permet pas d’affirmer son existence, même s’il peut apparaître sous certains éclairages. La lèvre supérieure est visible mais il n’est pas fait mention de la moustache, à moins qu’il faille interpréter ainsi les deux traits obliques qui barrent la joue et ont été réalisés antérieurement à la ligne du dessous de la tête. Deux pattes antérieures légèrement fléchies sont nettes, bien que la seconde ne soit évoquée que par un trait. La première est marquée d’une série de courtes hachures qui ne débordent pas le contour. Le ventre est également indiqué par de discrètes hachures. Les pattes postérieures ne sont pas figurées. La queue n’est pas visible mais la ligne de dos et la fesse ne forment qu’un trait régulièrement courbe. Le sujet mesure 32 mm de long.

17 L’allure ramassée de la silhouette, la brièveté de la tête, la dimension de l’oreille, la position semi-fléchie des membres antérieurs nous conduisent à interpréter cette figuration comme celle d’un Léporidé. Si cette lecture nous semble assez sûre, l’identification du genre, voire de l’espèce représentée, est délicate. Les formes susceptibles d’avoir été représentées par les artistes magdaléniens du sud-ouest de la France sont le Lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus), le Lièvre variable (Lepus timidus) et peut-être le Lièvre européen (Lepus europaeus) (Cochard 2004). L’allure particulièrement ramassée de la silhouette oriente plutôt vers le Lapin, mais le Lièvre variable peut prendre aussi cette posture. La dimension des oreilles ne constitue pas ici un facteur déterminant.

18 Entre l’arrière-train du Léporidé et l’extrémité cassée de la pièce, d’autres traits parfois assez appuyés apparaissent. Aucune lecture n’est possible, peut-être parce qu’une partie du motif se trouvait sur le fragment manquant de la baguette.

Les Léporidés dans l’art paléolithique

19 Les Léporidés sont suffisamment exceptionnels dans l’art paléolithique pour que l’identification d’un nouvel exemplaire soit discutée. Au-delà de la description que l’on peut en faire, sa comparaison avec les autres spécimens apporte des éléments de discussion. Deux grandes catégories de figurations de lièvres ou de lapins peuvent être distinguées : l’une réunit les œuvres pariétales, l’autre, les exemples mobiliers.

20 Dans l’art pariétal (fig. 5), seule une figuration de la grotte de Gabillou (Dordogne) est certaine (fig. 5a). Elle concerne sans doute un lièvre (Gaussen 1964). Dans le même site, une autre réduite à la tête est plus douteuse (fig. 5b). Une représentation d’Altxerri (Guipuzcoa, Espagne) fait également débat (fig. 5c). Interprétée comme un renard par J.-M. Barandiaran puis A. Beltran, elle est décrite comme un possible lièvre par J. Altuna et J.-M. Apellaniz (Altuna et Apellaniz 1976). Un dernier cas doit être signalé à la grotte du Castillo (Cantabres, Espagne). Une gravure de la première salle est décrite par Breuil (Alcade del Rio, Breuil et Sierra 1911) comme une biche alors que J.-M. Ceballos y voit plutôt un lièvre (com. pers.). Cette lecture nous semble d’ailleurs recevable. Au total, pour l’ensemble de l’art pariétal paléolithique, nous ne connaissons donc que quatre représentations de Léporidés dont une, seulement, est assurée.

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Figure 5 – Les Léporidés de l’art pariétal paléolithique. Figure 5 – Leporids in the palaeolithic cave art.

(a) et (b) : Gabillou d’après Gaussen 1964 (c) Altxerri d’après Altuna et Apellaniz 1976. (a) et (b) : Gabillou after Gaussen 1964 (c) Altxerri after Altuna & Apellaniz 1976.

21 L’art mobilier offre des exemples un peu plus nombreux (fig. 6). La seule sculpture provient de Laugerie-Basse (Dordogne). Il s’agit, d’un bois de renne sculpté, très incomplet et difficile à interpréter (fig. 6a). En revanche, la représentation gravée sur une lame d’os (fig. 6b), découverte au Mas-d’Azil et figurant la tête, la naissance d’un membre antérieur et une partie du corps, est plus convaincante et évoque un lièvre (Piette 1907 ; Chollot 1964). Outre l’exemplaire inédit de Duruthy, une dernière représentation sur os provient de la grotte de Polesini (Ligurie, Italie). Elle figure la tête d’un animal au front bombé, au museau court, doté de très grandes oreilles dressées sur la tête et légèrement pointées en avant (fig. 6c). L’interprétation comme Lièvre est vraisemblable (Radmilli 1974 ; Palma di Cesnola 1993).

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Figure 6 – Les Léporidés dans l’art mobilier paléolithique. Figure 6 – Leporids in the palaeolithic portable art.

(a) : Laugerie-Basse d’après Zervos 1959. (b) : Le Mas-d’Azil d’après Piette 1907. (c) : Polesini d’après Radmilli 1974 cité par Palma di Cesnola 1990, sans échelle. (d) : Isturitz d’après Passemard 1920. (e), (f), (g) : d’après Pales et Tassin de Saint-Péreuse 1989. (h) : La Marche d’après Airvaux 2001. (a) : Laugerie-Basse after Zervos 1959. (b) : Le Mas-d’Azil after Piette 1907. (c) : Polesini after Radmilli 1974 in Palma di Cesnola 1990, without scale. (d) : Isturitz after Passemard 1920. (e), (f), (g) : La Marche after Pales & Tassin de Saint-Péreuse 1989. (h) : La Marche after Airvaux 2001.

22 Les gravures sur plaquettes montrant des lièvres ou des lapins sont souvent plus explicites. Une plaquette gravée, en grès, provient d’Isturitz (Pyrénées-Atlantiques) et fut découverte par E. Passemard qui en donna un relevé (Passemard 1920). Il s’agit d’un lièvre, sans discussion (fig. 6d). Le seul site à fournir plusieurs figurations de Léporidés est la grotte de La Marche (Vienne). Trois représentations furent publiées par le Docteur L. Pales (Pales et Tassin de Saint-Pereuse 1989) et une quatrième par J. Airvaux (Airvaux 2001). Deux de ces plaquettes présentent des lapins complets dont l’identification est sûre (fig. 6e et f). La troisième, plus fragmentaire, figure sans doute un autre sujet de la même espèce (fig. 6g). La quatrième, publiée par J. Airvaux est une tête de Lièvre en profil droit (fig. 6h). Les similitudes avec la plaquette d’Isturitz sont frappantes.

23 Au total, ce ne sont donc que treize figurations de Léporidés qui sont recensées dans l’art paléolithique. Quatre sont indiscutablement des lièvres sans que l’espèce puisse être précisée. Deux sont des lapins certains et quatre sont des Léporidés indéterminés. Enfin, trois sont discutables (tabl. 1). Parmi les Léporidés indéterminés, se trouve le Lagomorphe de Duruthy. En effet, les comparaisons avec les autres représentations ne nous ont pas permis de préciser l’espèce figurée. Du point de vue de la chronologie, ces figures sont pour la plupart rapportées au Magdalénien et plus particulièrement à sa phase moyenne. Toutefois, hormis pour La Marche, les attributions sont souvent

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sujettes à caution parce qu’il s’agit d’art pariétal sans datation radiométrique, ou bien de pièces issues de fouilles anciennes (Laugerie-Basse, Mas-d’Azil, Isturitz).

Tableau 1 – Les figurations de Léporidés de l’art paléolithique et leur attribution chronologique. Ces dernières sont reprises suivant la terminologie des auteurs cités en référence. Table 1 – Leporids pictures in palaeolithic art and their chronological attribution. These indications are directly from the authors indicated in reference.

Site Support Détermination Attribution chronologique donnée par les inventeurs

Altxerri Pariétal Léporidé ? Magdalénien supérieur à final (Altuna & (Guipuzcoa) Apellaniz, 1976)

Castillo Pariétal Léporidé ? (Cantabrie)

Gabillou Pariétal Lièvre Magdalénien III (Gaussen, 1964) (Dordogne)

Gabillou Pariétal Léporidé ? (Dordogne)

Isturitz (Pyr. Plaquette Lièvre Solutréen ou Magdalénien (Passemard, 1944) Atlant.)

La Marche Plaquette Lapin (Vienne)

La Marche Plaquette Lapin Magdalénien moyen (Airvaux, 2001) (Vienne)

La Marche Plaquette Lapin ? (Vienne)

La Marche Plaquette Lièvre (Vienne)

Mas-d’Azil Os Lièvre ? Magdalénien V ? (Chollot, 1964) (Ariège)

Polesini (Ligurie) Os Lièvre Epigravettien évolué à final (Palma di Cesnola, 1993)

Duruthy (Landes) Bois de Léporidé Magdalénien V (Arambourou et al., 1978) Cervidé

Laugerie-basse Bois de Léporidé ? Magdalénien IV (Zervos, 1959) Cervidé

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La baguette dans son contexte archéologique

24 Elle porte le numéro d’inventaire « S A VII – I – d 2 – 24 I 59 ». Cette codification indique une découverte à Duruthy (S), dans le carré A VII. La fin du marquage est caractéristique des premières opérations de terrain, en 1957-59 : une numérotation de couche archéologique qui évoluera par la suite (I – d2, voir pour plus de détails, Dachary 2002 p. 208) et surtout la mention de sa date de découverte (24 janvier 1959). L’absence de numéro d’ordre est plus inattendue, bien que cohérente avec les archives de fouilles puisque les seules pièces de ce carré positionnées dans l’espace appartiennent aux couches 4 et 5, fouillées plus de 10 années plus tard. Si l’on ajoute l’absence de journaux de fouilles, hormis pour les années 1970 à 1975, il devient évident qu’il est exclu de connaître très précisément les conditions de mise au jour de cet objet et surtout son contexte archéologique.

25 Cependant, R. Arambourou donne quelques détails dans la monographie de 1978, lors de la description de cette pièce parmi les objets de la couche 3’ : « Dans les premières années de nos recherches, un peu en avant de la terrasse supérieure et vers la base des éboulis séparant les couches 3 et 4 il a été recueilli une baguette demi-ronde cassée en deux morceaux (…) » (Arambourou et al. 1978 p. 45).

26 Cette attribution à la couche 3’ est-elle digne de foi ? Lors des toutes premières campagnes, le travail de R. Arambourou a consisté en un nettoyage du site, suivi de l’enlèvement systématique des déblais des fouilles anciennes, de la réalisation de sondages sommaires et d’un repérage des limites des fouilles anciennes, parfois de leurs coupes effondrées. Sur la coupe longitudinale des fouilles anciennes (fig. 2), on perçoit que le carré de découverte de cette baguette est très proche des limites des travaux du XIXe siècle. La baguette a-t-elle été découverte au cours du nettoyage ? L’absence de pièces cotées dans la couche 3, pour ce carré mais aussi pour ses voisins (A V, A VI), indique-t-elle une destruction localisée des niveaux superficiels ? Ou faut-il comprendre que la rareté du matériel archéologique de la couche 3’ n’a pas permis son individualisation pendant la fouille mais seulement sa reconstitution a posteriori, au moment de son dégagement sur la terrasse moyenne (en 1973, R. Arambourou indique « nous connaissons encore trop peu [la couche] pour pouvoir l’individualiser par son industrie et par sa faune ») ? L’absence de positionnement strict dans l’espace n’est donc pas nécessairement un argument suffisant pour remettre en cause l’attribution de cette pièce à la couche 3’.

27 Se pose alors la question de l’attribution chronologique du matériel de ce niveau. Les couches qui encadrent 3’ ne posent aucun problème puisque nous disposons d’analyses environnementales et d’un matériel lithique et osseux (voire de vestiges artistiques) abondants. Ainsi, la couche 4 est considérée comme Magdalénien moyen (Arambourou et Thibault 1968, 1970) pendant que la couche 3, de loin la plus riche à ce jour, est qualifiée de « Magdalénien VI » (ibid. 1968 et 1973), même si certains éléments de l’outillage lithique ont d’abord conduit R. Arambourou à parler de Magdalénien final (Arambourou 1961). La couche 3’ est plus équivoque : déduite de sa position stratigraphique, son attribution au « Magdalénien V » est étayée par les analyses paléoenvironnementales (Arambourou et Thibault 1970, 1972, 1973) mais pas par un matériel archéologique suffisamment diagnostique (Clottes 1989, 1996). G. Marsan a récemment examiné cette collection et penche plutôt pour une attribution au Magdalénien moyen (com. pers.). Notons toutefois que si l’existence de connexions

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anatomiques dans des secteurs plus proches de la falaise témoigne probablement d’une bonne conservation de ce niveau, la description sédimentaire de la terrasse inférieure mentionne « deux lobes divergents d’environ 10 cm d’épaisseur qui vont d’ailleurs en s’amenuisant vers le sud » (Arambourou et al. 1978 p. 44), ce qui évoque plutôt un mauvais état de conservation. Rendue vigilante par ces remarques, l’une d’entre nous (M. D.) a été amenée à tester l’homogénéité de l’industrie lithique de Duruthy en fonction de son lieu de découverte (Dachary 2002). Il s’avère que seul le matériel issu de la terrasse supérieure et d’une partie de la terrasse moyenne est suffisamment homogène : une attribution qui tient compte de la globalité du matériel de la couche 3’ risque d’être biaisée par des mélanges indiscutables au sein du matériel de la terrasse inférieure.

Conclusion

28 Les baguettes demi-rondes sont particulièrement nombreuses au Magdalénien moyen mais sont aussi connues à d’autres périodes. De plus, les caractéristiques de la baguette portant le Léporidé en font une pièce relativement peu diagnostique d’une phase particulière du Magdalénien ; elles ne permettent pas de trancher entre Magdalénien moyen et supérieur. Le décor n’apporte pas non plus d’information déterminante puisque le motif cruciforme est ubiquiste tandis qu’au contraire, le motif indéterminé du milieu de la baguette est original et interdit tout rapprochement avec d’autres vestiges. Enfin, la figuration de Léporidé ne permet aucune attribution chronologique fine. Les autres représentations de ce thème dans l’art paléolithique ne sont pas toutes attribuables à la même période et le style de la représentation n’autorise aucune conclusion. Néanmoins, dans l’avenir, une étude technologique du décor permettra peut-être d’affiner l’analyse.

29 Quoi qu’il en soit, l’existence d’une représentation de Léporidé est suffisamment originale pour faire de cette baguette une pièce exceptionnelle.

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RÉSUMÉS

Dans le cadre de la réorganisation du Musée de l’Abbaye d’Arthous (Landes), le réexamen rapide des collections issues des fouilles de R. Arambourou à l’abri Duruthy (Sorde-L’Abbaye, Landes, France) a été l’occasion de découvrir une figuration de Léporidé sur une baguette demi-ronde. À titre de comparaison, les figurations de ce thème dans l’art paléolithique sont recensées. L’attribution chronologique et culturelle de la couche 3’, niveau de provenance de cette pièce, est ensuite discutée mais il demeure difficile de trancher entre Magdalénien moyen et supérieur.

As part of the Arthous abbey museum new organization and after a new short story of the archeological remains from R. Arambourou excavation in the Duruhty shelter (Sorde-L’Abbaye, Landes, France), a Leporid picture has been discovered on a half-round rod from the layer 3’. In this paper, the Leporid pictures of cave art are listed and the chronological and cultural attribution of layer 3’ is studied but the attribution is difficult between Middle and Upper Magdalenian.

INDEX

Keywords : Duruthy, half-round rod, Leporids, Magdalenian, palaeolithic art, Pastou cliff Mots-clés : art paléolithique, baguette demi-ronde, Duruthy, falaise du Pastou, Léporidé, Magdalénien

AUTEURS

MORGANE DACHARY UMR 5608 UTAH, Équipe de Préhistoire, Université de Toulouse Le Mirail, 5 allée Antonio Machado, 31058 Toulouse. [email protected]

FRÉDÉRIC PLASSARD UMR 5199 PACEA IPGQ, Université Bordeaux 1, 33400 Talence. [email protected]

DELPHINE HARO Centre départemental du Patrimoine, Abbaye d’Arthous, Centre départemental du Patrimoine, 40300 Hastingues. [email protected]

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Réflexions sur la fonction des microgravettes et la question de l’utilisation de l’arc au gravettien ancien Comments on the function of microgravettes and on the problem of the use of the bow in Early Gravettian times

Maureen Hays et Frédéric Surmely

NOTE DE L’ÉDITEUR

La traduction du rapport d’analyse de M. Hays a été faite par C. Surmely.

Nous adressons nos chaleureux remerciements, pour les facilités données à cette étude, à Ph. Alix, J. Tournadre, A. Roubille, à la mairie de Mirefleurs, ainsi qu’à G. Marchesseau (musée du Périgord) et au personnel scientifique du musée d’histoire naturelle de La Rochelle. La fouille du gisement est financée par la DRAC Auvergne et la communauté de communes de Gergovie-Val- d’Allier.

Introduction

1 Il y a bien longtemps que les archéologues s’intéressent à la fonction des microlithes. Pour les périodes de l’Épipaléolithique et du Mésolithique, des découvertes dans les sites du nord de l’Europe ont permis de montrer qu’il s’agissait d’éléments de flèches. Pour les périodes antérieures, les choses sont plus complexes, du fait de l’absence de témoins organiques, alors même que les microlithes sont très abondants dans la majorité des cultures du Paléolithique supérieur. Les progrès récents des techniques de fouilles, notamment par la mise en œuvre d’un tamisage à l’eau exhaustif des sédiments avec une maille fine, ont permis de constater l’importance quantitative des microlithes.

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2 Depuis maintenant cinq ans, nous avons entrepris l’étude d’un gisement de plein air, situé au lieu-dit Le Sire, sur la commune de Mirefleurs (département du Puy-de-Dôme). A ce stade des recherches, le site présente deux niveaux du Gravettien ancien, datés d’environ 30 000 BP (Surmely et al. 2003 et soumis). L’industrie lithique se caractérise par une très forte proportion de microlithes et de pointes à dos (43 % du total des outils), parmi lesquelles les pointes à dos de petite taille et les microgravettes figurent au premier rang. Nous nous sommes donc légitimement interrogés sur le type d’utilisation de ces outils. Pour ce faire, nous avons choisi, dans un premier temps, de prendre les mesures exactes des armatures. Ensuite, un examen tracéologique a été réalisé sur une sélection de pièces. Enfin, nous avons choisi, dans une perspective comparative, de faire une étude de flèches issues de collections ethnographiques provenant de différents continents, conservées dans deux musées français.

Le gisement du Sire et les microgravettes

3 Le Sire est un gisement de plein air qui se situe en Auvergne, dans la plaine de Limagne, sur le flanc d’une petite colline dominant la vallée de l’Allier. Le site offre une large vue sur la vallée, grand axe reliant l’Auvergne au Bassin Parisien, à proximité immédiate de gîtes riches en silex tertiaire. Les investigations archéologiques, qui ont débuté en 2000, ont révélé l’existence d’un campement très étendu, marqué par une abondance exceptionnelle de restes de chevaux (Surmely et al. 2003) et présentant au moins deux niveaux d’occupation. Les caractéristiques de l’industrie lithique et les datations 14 C s’accordent pour placer l’occupation humaine durant le Gravettien ancien, période jusqu’à lors inconnue en Auvergne. L’outillage est constitué pour une large part de microlithes et de pointes (43 % de l’ensemble des outils) (fig. 1). Il est à noter que l’industrie osseuse est totalement absente et que les objets de parure se limitent à quelques pièces.

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Figure 1 – Microgravettes du Sire. Figure 1 – Microgravettes from the Sire site.

Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix.

4 L’industrie lithique est majoritairement façonnée dans le silex tertiaire local. Mais une partie des pièces est issue de silex marins du Secondaire, dont l’origine est lointaine (150 à 250 km de distance selon les types utilisés ; Surmely et Pasty 2003 ; Surmely et al. 2003), avec notamment un silex blond de la craie et un silex de l’Infralias, provenant vraisemblablement du secteur de Saint-Jeanvrin (Cher).

5 La définition typologique de la microgravette est variable d’un auteur à l’autre, ce qui est une gêne certaine pour les comparaisons (Digan 2001). L’acception traditionnelle (Sonneville-Bordes et Perrot 1956 ; Demars et Laurent 1989) est celle d’une pointe à dos rectiligne, aménagée sur une lamelle ou petite lame et portant une retouche, partielle ou continue, directe ou inverse, sur le bord opposé. Cette classification porte donc l’accent sur un caractère, la présence d’une retouche sur le bord opposé, mais laisse très flou le paramètre dimensionnel. Comme d’autres chercheurs (Digan 2001 ; O’Farrell 2004), nous avons préféré adopter une définition plus précise, en réservant l’emploi du terme de microgravette aux pièces aménagées sur lamelle, avec une largeur maximale de 8 mm (d’autres auteurs ont retenu la limite de 6 mm, comme Nespoulet 1996). Les exemplaires de largeur supérieure, aménagés sur lame, ont été comptés parmi les pointes de La Gravette. Ceux qui sont dépourvus de retouche sur le bord opposé, comme pointes à dos. Enfin les pièces dépourvues de pointes ont été rangées dans la catégorie des lamelles à dos.

6 Il est à noter que nous avons retrouvé également un nombre important de fragments mésiaux d’armatures microlithiques qui correspondent vraisemblablement à des

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microgravettes. Mais, par précaution et par souci de rigueur, nous avons choisi de les classer parmi le groupe des « fragments d’armatures indéterminées ».

7 Avec ces critères typologiques, notre échantillon de 93 pièces se décompose en 32 microgravettes, 20 pointes à dos microlithiques, 6 pointes de la Gravette, 1 lamelle à dos et 34 armatures indéterminées.

8 Les microgravettes sont presque toutes brisées et ne se prêtent donc pas à la mesure de la longueur. Par contre, la mesure de la largeur est possible. Celle-ci s’échelonne entre 2,5 et 8 mm, avec une moyenne de 4,9 mm (fig. 2). Cette valeur doit être considérée comme légèrement inférieure1 à la largeur réelle des pièces, compte tenu du fait que la mesure a été prise majoritairement sur des extrémités distales. Elle correspond aux valeurs relevées sur d’autres sites gravettiens plus récents, comme ceux de Rabier (Soriano 1998), de la Vigne Brun (Digan 2001) et du niveau 3 de l’abri Pataud (Nespoulet 1996).

Figure 2 – Distribution des largeurs des microgravettes et pointes de la Gravette du gisement du Sire (Mirefleurs, 63). Figure 2 – Distribution of the microgravettes and gravette points from the Sire site (Mirefleurs 63) according to their width.

9 La petite taille de ces pièces et leur relative standardisation les rapprochent des armatures microlithiques du Mésolithique moyen (Surmely 2003) et traduit « incontestablement un registre fonctionnel très ciblé » (Soriano 1998). L’aménagement soigneux de la pointe, par des retouches directes ou croisées, révèle l’intention d’en faire des pointes acérées. Les pièces sont très majoritairement rectilignes. L’ensemble de ces caractéristiques permet de supposer qu’il s’agit de pointes de projectiles, comme l’avaient déjà suggéré de nombreux chercheurs (Praslov 1982 ; Praslov et Rogachev 1982 ; Cattelain 1994 et 1997 ; Soriano 1998 ; Digan 2001 ; Morala 2003).

10 Cette hypothèse a été soumise à l’analyse tracéologique.

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L’étude tracéologique

11 Paradoxalement l’emploi comme élément de projectile ne favorise pas la formation des traces d’utilisation. Celles-ci, que ce soit sous la forme de micro-fractures, de stries ou de zones polies, sont le résultat d’un contact intense et prolongé entre deux matériaux (Plisson et Geneste 1989 ; Fischer et al. 1984 ; Geneste et Plisson 1993). Mais l’usure de la pointe, c’est à dire de la partie en contact avec la proie, est souvent infime, à cause de l’absence de mouvement répétitif (il y a un seul impact avec la proie et un seul mouvement inverse lors de l’extraction). D’autre part le processus de fabrication de l’arme ne permet pas la formation de microtraces. L’usure, jusqu’à la partie emmanchée de l’objet, est le résultat combiné de l’impact, du mouvement du manche lui-même et, dans le cas d’outils composites, du mouvement d’extraction de ce manche, à des fins de réutilisation. Si un outil lithique est bien construit, il doit y avoir peu de mouvements du manche lui-même, donc peu de traces d’utilisation (Hays et Lucas 2001 ; Juel Jensen 1988 ; Moss 1983 ; Moss et Newcomer 1982 ; Shea 1988).

12 Il faut aussi considérer la question du lieu de découverte. Le site où le projectile a été trouvé est souvent le lieu où il a été recyclé. D’une manière générale, on a utilisé l’objet pour la première fois loin de l’endroit où il a été abandonné. Des pointes ou des microlithes ont pu être utilisés comme armes de chasse, mais ces mêmes pièces ont pu être rapportées jusqu’au site, pour y être recyclées sous forme d’outils à trancher (Ibanez-Estevez et Gonzalez-Uruijo 1996 ; Keeley 1988 ; Kimball 1989 ; Moss 1983). Ces utilisations multiples et ces recyclages rendent complexes la structure de l’objet et son identification. Quand un objet est recyclé sous forme de couteau, les mouvements de coupe éliminent les traces qui avaient été produites auparavant.

Généralités

13 Nous avons étudié 37 pièces provenant du site du Sire, à la recherche de microtraces qui déterminent leur fonction. Parmi ces 37 objets, 26 ont été identifiés comme des microgravettes, 6 comme des pointes à dos microlithiques, 3 comme une Gravette et 2 comme des fragments de microlithes de type indéterminé. On considère que ces objets ont été utilisés comme projectiles (Bordes 1952) mais, dans un deuxième temps, beaucoup ont pu servir de couteau (Donahue 1988 ; Harrold 1993 ; Kimball 1989). Quant aux microgravettes, elles ont pu appartenir à des outils composites ou avoir été emmanchées isolément.

14 Jusqu’ici très peu de pointes de la Gravette ont été l’objet d’une étude tracéologique. Dans sa thèse, Kimball (1989) a étudié du matériel provenant du niveau 7 du Périgordien supérieur du Flageolet 1. Il a analysé 32 gravettes et microgravettes et découvert que certaines avaient servi de projectile, puis, après cassure, de couteau, tandis que d’autres apparemment n’avaient été utilisées que pour la découpe de la viande.

15 L’étude de Donahue, faite en 1988 sur le site gravettien de (Italie), concernait des pointes à dos, plus petites que des pointes de La Gravette (peut-être de la taille de microgravettes). Et pourtant cette étude a montré que les pointes les plus petites ont servi d’extrémité de projectile et que les plus grosses ont été utilisées pour la découpe de matière carnée. Récemment, O’Farrell (2004) a confirmé l’utilisation de la

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majorité des Gravettes du site de Corbiac comme projectile, et ce à partir d’observations de cassures.

Méthodes

16 Pour ce travail nous avons utilisé les deux méthodes d’analyse tracéologique : le fort grossissement (50x à 500x) (Keeley 1980) et le faible grossissement (10x à 50x) (Odell 1977 ; Tringham et al. 1974). La méthode mise en œuvre avec faible grossissement convient à l’observation des micro et macrofractures, tandis que le fort grossissement est utilisé pour identifier et interpréter les stries et les polis.

17 Tout d’abord, nous avons scanné les deux faces de chacune des 17 pièces. Ensuite, nous avons imprimé ces images de telle sorte que la localisation des traces d’utilisation soit enregistrée directement dessus. Avant de passer aux analyses, tous les objets ont été plongés dans une solution nettoyante douce contenant une faible concentration de NaOH. Cela a permis d’éliminer en douceur les résidus minéraux et organiques.

18 Après nettoyage, nous avons utilisé un microscope stéréo avec un zoom 10x à 50x permettant d’observer les macro-cassures et les micro-éraillures. Les traces d’utilisation ont été photographiées. Ensuite nous avons utilisé un microscope métallographique Olympus BH-2, avec un appareil à lumière incidente et des possibilités de grossissement de 50, 100, 200 et 500 fois, permettant de faire apparaître les zones polies ou striées. En général, on observe d’abord la surface de chaque pièce, grossie 50 ou 100 fois, pour localiser les traces, avant de grossir 200 fois pour les interpréter. Nous avons fait cette identification en prenant pour référence un protocole expérimental établi par nous, et nous avons cherché des compléments ailleurs (Hays 1998 ; Hays et Lucas 2001).

Microtraces caractéristiques associées à la technologie des projectiles

19 Plusieurs sortes de traces sont associées aux projectiles. Certaines sont le résultat d’un impact, d’autres proviennent de l’opération d’emmanchement. Toutes ont des caractéristiques propres. A ce jour, de nombreux travaux expérimentaux convergent sur un fait : le type de cassure est ce qu’il y a de plus significatif pour affirmer qu’un objet a été utilisé comme pointe de projectile (par exemple Barton et Bergman 1982 ; Fischer et al. 1984 ; Albarello 1986 ; Nuzhnij 1989 ; Odell et Cowan 1986 ; Shea 1993 ; Cattelain et Perpère 1993 ; Cattelain 1994 ; Soriano 1998 ; O’Farrell 2004). Mais, à l’exception de O’Farrell, Soriano et Cattelain, aucune de ces études expérimentales ne pose spécifiquement le problème de l’utilisation des pointes de La Gravette et microgravettes.

20 Les pointes peuvent se briser dans des circonstances très variées mais certaines cassures causées par un impact se différencient de toutes les autres. Il semble qu’il y ait quatre sortes de cassures dues à l’impact d’un projectile : par flexion, en forme de burin, latérale, et par écrasement. Les cassures latérales et les écrasements peuvent être la conséquence de plusieurs autres utilisations, de phénomènes technologiques ou de phénomènes postérieurs au dépôt. Une cassure en flexion est caractéristique d’un impact de projectile quand elle a une longueur de 2 mm ou davantage. Elle commence à l’extrémité, au point d’impact, et se termine en cassure à « cran » ou à « charnière ».

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Ces fractures enlèvent de la matière sur les deux faces de la pièce. Il existe aussi des cassures en « vrille », plus petites. Ce sont des cassures en « cône », provenant de l’énergie cinétique résiduelle (Fischer et al. 1984). Les fractures en « burin » commencent à la pointe et continuent parallèlement à l’un des bords, se terminant par un angle de 90°. Ce qui en résulte a l’apparence d’une chute de burin (Fischer et al. 1984 ; Albarello 1986 ; Geneste et Plisson 1993 ; O’Farrell 2004 ; Plisson et Geneste 1989). Cela étant dit, on a remarqué que les extrémités de pointes ne se cassent pas toujours sous le choc. Des expériences ont montré que des pièces ont pu recevoir plusieurs chocs avant de se briser (Kimbal 1992).

21 Lors d’un tir, se produisent des stries et des polis tout à fait caractéristiques (Fischer et al. 1984 ; Geneste et Plisson 1993 ; Plisson et Geneste 1989). Nous avons dit précédemment que polis et stries se forment par contact direct et prolongé entre deux matériaux. Ce n’est pas le cas en ce qui concerne les projectiles car il y a seulement un impact et un mouvement pour retirer le projectile. Il peut aussi y avoir un mouvement pendant que la pointe est enfoncée dans la proie. Le poli qui se forme ainsi est atypique. Ce n’est pas le même que celui qui se forme quand un outil est utilisé pour couper ou gratter.

22 S’il y a un poli d’os, de peau ou de chair, il est discontinu. Ces types de polis sont rares. Le plus souvent, les polis ou les stries apparaissent sous la forme de bandes étroites et claires, parallèles à l’axe longitudinal de la pièce car la force de l’impact produit de petites esquilles de silex ou d’os qui ensuite sont traînées sur la surface de l’objet. On a observé expérimentalement que ces éclats adhèrent à la surface du silex (Fischer et al. 1984).

23 Bien évidemment, comme le souligne Albarello (1986), la nature et l’importance des traces sont fonction de plusieurs paramètres qui tiennent à la vitesse du projectile, à sa présentation sur l’impact, à la forme de l’armature, à l’homogénéité de l’assemblage formant l’ensemble du trait et surtout à la nature du corps atteint par le projectile. Les corps durs et semi-durs (os, tendons, peau épaisse) sont les plus propices à la formation de microtraces. Plusieurs auteurs soulignent que la simple rencontre avec des tissus tendres (muscles) n’est pas de nature à laisser des traces identifiables.

24 Les dommages causés par l’emmanchement sont aussi problématiques. « Il n’existe pas de type d’usure, simple et discrète, qu’on pourrait appeler usure du manche de l’outil. Ces traces révèlent seulement une usure de l’outil et ont peu de signification en tant que traces d’utilisation, et elles ne correspondent pas à ce qu’on peut attendre d’un frottement d’un outil contre son manche » (Cahen et al. 1979). On peut trouver à la base de la pointe des micro-fractures à cran et des polis résultant de l’emmanchement.

Résultats

25 L’ensemble que nous avons étudié comprend 37 pièces. Six sont entières et les 31 autres sont des fragments, majoritairement distaux (25 sur 31)2. Sur seulement cinq des 37 pièces on peut observer des traces d’utilisation, vingt ne présentant aucune trace et douze étant trop patinées pour permettre une observation. Ces cinq pièces sont toutes considérées comme des microgravettes. Deux d’entre elles ne sont pas fragmentées et les trois autres, classées comme fragments distaux, ont de petites cassures à l’extrémité. Deux pièces ont des cassures en flexion à l’extrémité distale et une a un

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poli linéaire. Les descriptions des traces d’utilisation sont conformes à la nomenclature proposée par Fischer et al. (1984).

26 Les matières premières utilisées pour les trois fragments distaux (aux extrémités cassées) sont le silex blond crétacé (2 ex.) et le silex tertiaire local (1 ex). Leur longueur est d’environ 15 mm, leur largeur est d’environ 4 mm. A leur extrémité distale même, il y a une cassure en flexion, d’une longueur supérieure à 2 mm. L’une se termine par un « cran », l’autre par une « charnière ». Dans deux cas, en plus de ces cassures en flexion, il y a des cassures en vrille. L’une des pièces a aussi un poli à l’extrémité de la cassure (fig. 3). Nous croyons pouvoir affirmer que ces deux cassures proviennent d’un choc dû à une projection.

Figure 3 – Fragment de microgravette, montrant une fracture terminale (A) et un poli d’impact (B). Figure 3 – Microgravette fragment showing a terminal break (A) and an impact polish (B).

Photo M. Hays. Photo M. Hays.

27 La première pièce entière, en silex tertiaire local, bipointe, mesure 40 mm de long, 6,3 de large, et porte une retouche directe sur le bord opposé au bord abattu aux deux extrémités.

28 La seconde, en silex de l’Infralias de Saint-Jeanvrin, mesure 41 mm de long et 8 mm de large. C’est elle qui a les microtraces d’utilisation les plus caractéristiques. Elle possède une bande linéaire de poli assez brillant, commençant juste sous l’extrémité distale. Cette bande polie est parallèle à l’axe longitudinal de la pièce. Elle se trouve sur sa face inférieure (fig. 4) et correspond à ce qu’on observe lors de l’impact d’un projectile.

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Figure 4 – Microgravette entière en silex de l’Infralias, avec poli linéaire orienté parallèlement à l’axe longitudinal de la pièce. Figure 4 – Complete microgravette made from Infralias flint, with linear polish along the longitudinal axis of the piece.

Photo M. Hays. Photo M. Hays.

Interprétations

29 Bien que le nombre de pièces étudiées soit réduit et qu’il y ait une proportion importante de fragments distaux, on peut tirer plusieurs conclusions de l’analyse des pointes du gisement du Sire.

30 On peut d’abord évoquer l’hypothèse selon laquelle ces objets aient eu des utilisations multiples et aient été recyclés comme outils tranchants. Les travaux d’Harrold (1993) et de Keeley (1988) ont montré que certaines gravettes ont servi de couteaux, d’autres de pointes et quelques-unes ont eu les deux usages. Bien qu’ils n’aient pas séparé nettement les catégories morphofonctionnelles, il semble que les plus petites pièces aient surtout servi de pointes et les plus grosses de couteaux. Si c’est le cas, un recyclage supplémentaire pour en faire des outils tranchants peut dissimuler les traces provoquées par une projection. Mais est-ce le cas pour les microgravettes du Sire ?

31 Au Sire, le recyclage des microgravettes est improbable, essentiellement en raison de leur forme. Les microgravettes ne peuvent pas avoir servi de couteaux car elles sont bien trop petites pour être utilisées seules, même munies d’un manche. Si elles avaient été les éléments d’un outil composite, elles n’auraient pas besoin d’être pointues.

32 C’est là qu’il est intéressant de considérer également le problème de la fragmentation. Quand une pointe est projetée et se brise lors d’un impact, en général la partie apicale

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est perdue et la base est rapportée au site pour y être réparée ou destinée à un usage secondaire. Plusieurs raisons pourraient expliquer la présence des fragments apicaux de microgravettes. A cause de la retouche de l’extrémité, on pourrait conclure en toute logique qu’ils ont été cassés lors de la fabrication et n’ont donc jamais servi. Cela pourrait être confirmé par l’absence de traces d’utilisation sur ces pièces. Elles ont pu avoir d’autres fonctions (graver, couper) et ont pu être cassées en cours d’utilisation. Au Sire, cette hypothèse ne tient pas car il n’y a pas de preuves sous la forme de fractures, stries ou polis qui pourraient donner à penser qu’il s’agit d’outils emmanchés servant à trancher. Enfin, Leroi-Gourhan (1983), puis Geneste et Plisson (1993) ont suggéré que les fragments apicaux ont pu être transportés dans le corps de l’animal après sa mise à mort. Dans le cas de deux fragments distaux, il y a des traces d’utilisation.

33 L’étude tracéologique confirme donc l’idée initiale. Toutes les traces retrouvées sur les pièces correspondent à une utilisation comme pointe de projectile. Aucun indice n’a pu être trouvé en faveur d’un usage comme barbelure latérale ou bien comme couteau, ce qui est logique, vu l’appointement et la petite taille de ces éléments. Les outils présentant des traces forment un pourcentage assez faible du corpus étudié (5 sur 37, soit moins de 15 %). Mais il ne faut pas oublier que 12 pièces étaient trop patinées pour permettre une analyse. Une proportion importante des pièces (55 %) ne montre pas de traces, ce qui est la règle générale pour tous les corpus étudiés3 (Philibert 2000). Mais, comme nous l’avons vu plus haut, ceci n’est pas incompatible avec leur statut de pointe axiale, bien au contraire. On peut penser que certaines n’ont pas été utilisées. D’autres enfin ont pu servir mais la simple rencontre fugace de tissus mous n’a pas laissé de traces apparentes sur l’élément en silex.

Arc ou propulseur ?

34 Beaucoup d’études ont été consacrées à la question de l’identification du mode de propulsion (Cattelain 1994 et 1997 ; Geneste et Plisson 1993 ; Lansac 2004). Des études antérieures, menées sur des pointes de plus grandes dimensions et de poids nettement supérieur (pointes de la Gravette ou pointes à cran solutréennes), ont montré la possibilité d’utilisation de deux modes de propulsion impliquant deux types de projectiles : flèche d’arc et sagaie lancée au propulseur ou à la main, sans qu’il soit possible de trancher entre les deux choix (Plisson et Geneste 1989 ; Carrère 1990 ; Cattelain et Perpère 1993)4.

35 Dans le cas des microgravettes et petites pointes à dos, le problème est bien différent. En effet, ces armatures sont de taille et de poids bien inférieurs à ceux des grosses armatures citées plus haut. La possibilité de leur emploi sur une sagaie classique paraît fort improbable.

36 Les mesures effectuées par P. Cattelain sur des propulseurs ethnographiques montrent en effet que la largeur des hampes n’est jamais inférieure à 15 mm et que le poids des projectiles n’est jamais inférieur à 5 g (Cattelain 1994).

37 Pour tenter de progresser dans la voie de la discrimination entre les deux types de projectiles, nous avons réalisé l’étude d’un échantillon d’environ 600 flèches provenant des collections ethnographiques de deux musées : le musée du Périgord à Périgueux (Dordogne) et le musée d’histoire naturelle de La Rochelle (Charente-Maritime) (fig. 5). Ces flèches proviennent de trois continents : Amérique du Nord et du Sud, Asie du Sud-

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Est et Afrique. Cent quatre vingt dix-neuf pièces ont fait l’objet d’une fiche détaillée, avec les mesures de leur longueur, de leur poids, du diamètre de la hampe, de la nature des composants utilisés, etc. On décompte 151 pointes en fer, 30 en bois et épines, 5 en dents, 4 en coquillage, 4 en ivoire et bois de cervidé et deux en silex. Cette étude fera l’objet d’une publication prochaine.

Figure 5 – Flèche à pointe en fer des Indiens commanches (ref. H 2096). Figure 5 – Iron-head arrow of the Comanches Indians (ref. H 2096).

Diamètre hamper : 8,5 mm. Diametre of the shaft : 8.5 mm. Musée d’Histoire naturelle de La Rochelle. Museum of natural History of La Rochelle (France).

38 Pour ce qui est de la question qui nous intéresse, l’observation essentielle est que la largeur de la pointe est presque toujours supérieure à celle de la hampe (93 % des cas). Si on élimine les grandes flèches de plus de 120 cm qui proviennent d’îles et étaient probablement destinées à la pêche (îles Salomon, Nouvelles Hébrides), cette valeur monte à 95,4 %. Cela s’explique fort logiquement par le fait que le pouvoir vulnérant du projectile (et non sa simple valeur balistique) repose d’abord sur sa capacité de pénétration, qui serait nettement amoindrie si la hampe avait une largeur supérieure à celle de la pointe. Toutes les études détaillées portant sur des armatures de différentes périodes, allant du Gravettien au Mésolithique (Soriano 1998 ; Digan 2001 ; Montoya 2002 ; Surmely 2003) ont mis en évidence la recherche de la calibration de la largeur, qui est toujours le paramètre morphologique le mieux maîtrisé5, alors que les longueur, épaisseur, poids sont plus variables.

39 Le diamètre6 des hampes des pièces ethnographiques est en moyenne de 7,4 mm mais cette valeur représente en effet la moyenne de deux groupes nettement séparés. Les flèches à pointes en fer, lourdes et longues, ont des hampes à diamètre plutôt important (8 à 10 mm), alors que les flèches « traditionnelles », à pointes en silex, sont de dimensions plus modestes (5,7 et 6,5 mm). Les flèches épipaléolithiques et mésolithiques ont un diamètre variant de 5 à 10 mm (Rust 1943 ; Rozoy 1978 ; Cattelain 1994). Enfin, il est à noter que les formules composites, associant deux pièces en tête de projectile sont rarissimes. Nous avons pu observer quelques rares dispositifs groupant une pointe et une barbelure latérale mais les montages comportant deux pointes

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accolées sont totalement absents. Cela apparaît logique compte tenu de la difficulté qu’il y aurait à trouver un dispositif de fixation solide pour deux pointes accolées dont les bords ne peuvent pas être exactement parallèles.

40 Ces observations ethnographiques confortent l’idée du rejet de l’emploi de petites pointes sur des hampes de sagaie dont le diamètre est nettement supérieur à celui des hampes de flèches. Il est inutile de penser à un amincissement important de la partie distale de la hampe, ayant pu favoriser l’emploi de petites pointes. En effet, cet amincissement ne peut pas être très important, sous peine de fragiliser la hampe et de la déséquilibrer. Cela a pu être vérifié sur notre corpus ethnographique.

41 On pourrait penser à un dispositif associant deux pointes, étroitement accolées ou bien disposées de façon légèrement oblique, afin que leurs pointes se rejoignent. Les largeurs des deux pièces s’additionneraient alors pour former une pointe large, utilisable sur une hampe de diamètre respectable. Cette idée nous paraît toutefois peu plausible. En effet, nous avons vu que ce type d’emmanchement est absent du corpus ethnographique que nous avons pu étudier. Cela s’explique par le fait que nous voyons mal l’utilité d’un tel assemblage, nécessitant un dispositif de fixation assez complexe et probablement plutôt fragile, par rapport à l’utilisation d’une simple pointe de largeur plus grande, du type Gravette, fléchette ou même Font-Robert, alors même que ces pointes de grande taille sont par ailleurs présentes dans l’assemblage lithique du gisement du Sire.

42 L’hypothèse de pointes destinées à des sarbacanes paraît à rejeter formellement car l’examen de quelques armes de ce type nous a montré qu’elles étaient toujours associées à des flèches minuscules, sans pointe ajoutée et dont le poids total ne dépasse pas 2 g.

43 En conclusion, l’hypothèse de la flèche d’arc nous semble donc la seule à retenir et va dans le sens des théories déjà émises à ce sujet. La largeur moyenne des microgravettes et pointes correspond à peu près à la largeur des hampes des flèches ethnographiques à pointe en silex et de certaines flèches épipaléolithiques et mésolithiques. Compte tenu de la largeur des microgravettes, on peut penser qu’il s’agissait de flèches à section assez réduite, correspondant probablement à des arcs peu puissants.

44 Reste évidemment le problème posé par les plus minces des microgravettes, dont la largeur paraît vraiment faible, si l’on retient l’idée que le diamètre de la hampe ne devait pas être supérieur. Leur forme identique aux autres exclut l’idée selon laquelle elles auraient pu être placées en position latérale (barbelures) et rend improbable un autre usage (par exemple micro-perçoir comme à Pincevent ; Moss et Newcomer 1982). Ce point demeure toutefois à éclaircir.

45 Bien évidemment, cette hypothèse d’utilisation de l’arc avec des pointes de type microgravette, n’exclut pas l’idée de l’emploi parallèle de la sagaie lancée au propulseur qui aurait pu recevoir des pointes plus volumineuses comme les Gravette, Font-Robert et fléchettes.

Conclusions générales

46 Notre travail, malgré le petit nombre de pièces étudiées, a permis d’arriver à la conclusion que les microgravettes, outils abondants dans le site gravettien ancien du Sire, pouvaient être identifiées comme des pointes armant des projectiles. Cela est en

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accord avec la fonction du gisement qui semble correspondre à un site d’abattage spécialisé (chasse au cheval principalement).

47 Ces armatures microlithiques ne pouvaient convenir à un projectile lourd et imposant du type de ceux lancés à la main ou avec un propulseur. Inversement, les pièces sont beaucoup trop grosses pour avoir armé une sarbacane, en supposant qu’une arme de ce type ait pu être façonnée par les hommes du Gravettien. Par élimination et en accord avec l’observation de pièces ethnographiques, on est en droit de supposer que ces pièces ont pu être des pointes de flèches d’arc. Ceci va dans le sens d’études antérieures réalisées sur d’autres pièces plus lourdes, telles que des pointes de la Gravette ou des pointes à cran qui laissaient supposer l’emploi possible de l’arc durant le Paléolithique supérieur. On peut donc penser que l’arc était connu et largement utilisé au Gravettien ancien. Considérant la présence de pièces morphologiquement très proches (telles que certaines lamelles ou pointes de Font-Yves) dans des contextes chronologiques antérieurs, il est même envisageable que cette arme ait pu être inventée dès les débuts du Paléolithique supérieur (O’Farrell 2004 et sous presse). Reste toutefois que les pièces ayant le plus petit gabarit semblent bien petites pour armer des flèches de taille standard.

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NOTES

1. Les microgravettes étant des pointes à dos rectiligne, la largeur maximale de la pièce n’excède pas beaucoup celle de la partie distale (si celle-ci ne se limite pas à l’extrémité de la pointe). 2. Le choix préférentiel des fragments distaux au détriment des fragments mésiaux est volontaire, dans le but de privilégier les pièces offrant les plus fortes chances de présenter des traces d’utilisation. 3. Par exemple, l’examen de 89 pointes à dos magdaléniennes du gisement de Saint-Thibaud-de- Couz n’a permis d’observer des traces que sur seulement 6 pièces (Philibert 2000). 4. L’échantillon considéré par Cattelain et Perpère correspond à des pièces dont les largeurs vont de 2 à 25 mm, c’est-à-dire, à des Gravettes mais aussi à des microgravettes. Quant à l’expérimentation de Soriano, elle semble n’avoir considéré que des Gravettes, au vu des figures reproduites dans l’article et de la largeur des hampes utilisées.

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5. Le succès rencontré par les armatures à cran et à pédoncule, durant le Paléolithique- Mésolithique (Ladier 2003 ; Valentin 2003) et surtout le Néolithique s’explique assurément par la possibilité de disjoindre la largeur de la partie destinée à l’emmanchement de la largeur de la partie utile de l’armature, ce qui permet un meilleur calibrage de l’armature. 6. La valeur retenue est celle de la partie distale de la hampe, au contact de la pointe. La largeur de la partie médiane peut être légèrement plus importante.

RÉSUMÉS

La fouille en cours du gisement gravettien ancien du Sire (Mirefleurs, Puy-de-Dôme, France), daté des environs de 30 000 BP, a révélé une abondance d’armatures microlithiques parmi lesquelles dominent les microgravettes et les pointes à dos. Une analyse tracéologique de 37 pièces, couplée à une étude comparative de 600 objets ethnographiques, permet d’émettre l’hypothèse que ces pointes constituaient des armatures de flèches, lancées avec un arc. L’utilisation de l’arc à cette période, déjà envisagée par plusieurs chercheurs, est donc très probable.

The excavations that are being carried out on the Early Gravettian site of Sire (Mirefleurs, Puy de Dôme, France), which has been dated back to around 30,000 BP, have produced a large quantity of microlithic blades and heads with a high proportion of microgravettes and hacked points. The microwear analysis of 17 objects, together with a comparative study on 600 ethnographic artifacts, enables us to venture theopinion that thosepoints were arrowheads shot from a bow. Some researchers have already thought that the bow may have been used as early as that period: now it appears to be highly probable. Early Gravettian, Perigordian, Auvergne, Upper Palaeolithic, bow, arrow

INDEX

Mots-clés : arc, Auvergne, flèche, Gravettien ancien, Limagne, Paléolithique supérieur, Périgordien

AUTEURS

MAUREEN HAYS College of Charleston, dept of Anthropology - 19 Saint-Philips Street SC 29424 Charleston – Etats- Unis. [email protected]

FRÉDÉRIC SURMELY Géolab - UMR 6042 du CNRS - Maison de la Recherche, 4, rue Ledru 63000 Clermont-Ferrand. [email protected]

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Note sur les talons en éperon du Protomagdalénien Note on the Protomagdalenian spur-shaped butts

Frédéric Surmely et Philippe Alix

M. Allard (Service régional de l’Archéologie de Midi-Pyrénées), J.-P. Bracco (ESEP-UMR 6636 - Université de Provence), H. de Lumley et R. Nespoulet (Institut de Paléontologie Humaine), J.-J. Cleyet-Merle, Ph. Jugie et A. Morala (Musée national de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac), J.-Ph. Rigaud (IPGQ, Bordeaux), J.-L. Rieu et J.-B. Roy (Musée de Préhistoire d’Île-de-France), J. Pelegrin (C.N.R.S.), D. de Sonneville-Bordes, M. Olive (C.N.R.S.), B. Valentin (Université de Paris 1), C. Sestier et J. Tixier.

Introduction

1 Le Protomagdalénien est un faciès culturel encore peu connu. Caractérisé à Laugerie- Haute, sur la base de deux critères, la présence de très grandes lames et d’une retouche scalariforme (Peyrony 1938), le Protomagdalénien (ou Périgordien VII)1, nous ne rentrerons pas ici dans le débat), se distingue aussi des autres technocomplexes du Paléolithique supérieur par sa rareté. Il n’a en effet été identifié clairement à ce jour que dans quatre gisements français : Laugerie-Haute-Est c. F, 36 et 38 (Les-Eyzies-de- Tayac, Dordogne ; Peyrony 1938 ; Bordes 1958 et 1978 ; Sonneville-Bordes 1960 ; Demars 1994), Abri Pataud c. 2 (Bosselin 1992 ; Clay 1995 ; Kong-Cho 1997), le Blot (Cerzat, Haute-Loire ; Delporte 1976 ; Bosselin 1992 et 1997) et les Peyrugues (Cabrerets, Lot ; fouille M. Allard). Sa datation semble se placer autour de 22 000 BP2, d’après les datations 14C.

2 Les études concernant le Protomagdalénien ont toujours privilégié l’approche typologique. A l’occasion de la préparation de la publication du gisement du Blot (Cerzat, Haute-Loire)3, nous avons été amenés à reprendre les études sur le mobilier lithique des niveaux4 protomagdaléniens et à le considérer notamment sous l’angle technologique. Ceci nous a permis de constater l’existence de nombreux talons en éperon, ce qui n’avait pas été signalé par les chercheurs précédents. Ces aménagements

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particuliers, liés au débitage de grandes lames, étaient absents des séries des autres niveaux du gisement (Gravettien et Magdalénien moyen). Désireux de savoir si cette caractéristique se retrouvait dans d’autres sites du Protomagdalénien, nous avons alors entrepris une étude partielle des séries provenant des gisements de l’Abri Pataud et de Laugerie-Haute-Est, qui nous a permis de constater la présence de la même particularité et de confirmer la parenté étroite qui unit ces gisements. Enfin, ce travail a été complété par un examen très rapide de quelques séries du Magdalénien d’Île-de- France.

Description

3 Les éperons présents sur les talons des lames du Protomagdalénien sont aisément reconnaissables.

4 Certains sont massifs et proéminents, formant des excroissances bien marquées, à tel point qu’ils ont été parfois confondus avec des becs ou des fronts de grattoirs ogivaux (fig. 1 ; fig. 2 n° 1 et 3 ; fig. 3 n° 1, 5 et 6 ; fig. 5 n° 1 et 3 ; fig. 6 ; fig. 7 n° 2 ; fig. 8 n° 3 et 4 ; fig. 9 n° 1 et 3 ; fig. 10 n° 2 ; fig. 11 n° 1 ; fig. 12). Au Blot, la hauteur des éperons peut atteindre 5 mm, pour une largeur de 10 mm (fig. 3 n° 5 ; fig. 6). Ils ont été aménagés sur des plans de frappe très obliques, « déversés » (Inizan et al. 1995), avec des angles de chasse compris généralement entre 55 et 50° et pouvant descendre jusqu’à 45°5. Cette angulation particulière, conjuguée à la proéminence de l’éperon, a entraîné un véritable arrachement de la lame en arrière du point d’impact, donnant à la partie proximale de la lame une morphologie très caractéristique, avec une « lèvre » très marquée et une absence de bulbe de percussion (qui est même concave). Ce processus a été décrit avec précision par M. Brézillon (1971) et N. Pigeot (1987 et 2004), à propos des gisements des Tarterêts 2 et d’Étiolles. Au Blot, cet « arrachement » de lame a pu aller jusqu’au bris du support dans certains cas (fig. 2 n° 3 ; fig. 3 n° 5 et 6). Si au sein du groupe des lames à talons à éperon, les exemplaires à éperon massif constituent seulement 44 % du nombre total, leur proportion s’élève à 70 % pour ce qui est des pièces brisées au débitage. La cassure s’est faite dans une zone comprise entre 1 et 4 cm du talon (fig. 2 n° 3 et fig. 3 n° 1 et 6). Les fractures, envisagées sur le plan de la morphologie de leur surface appréhendée de profil (Ploux 1983), se partagent à proportions égales entre exemplaires à languette supérieure, languette inférieure et sans languette (cassure « franche », Inizan et al. 1995) (fig. 3 n° 1 et 6).

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Figure 1 – Le Blot. Protomagdalénien. Lames avec éperon massif. Figure 1 – Le Blot. Protomagdalenian. Blades with thick spurs.

1 : silex pressignien ; 2 : silex d’origine inconnue ; 3 : silex de la craie. 1 : pressignian flint ; 2 : flint of unknown origin ; 3 ; chalk flint. Dessins : Ph. Alix. Drawings : Ph. Alix.

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Figure 2 – Le Blot. Protomagdalénien. Figure 2 – Le Blot. Protomagdalenian.

1 et 3 : lames avec éperon massif, en silex pressignien ; 2 : lame avec talon à facettage large, en silex de la craie. 1 and 3 : blades with thick spur, made out of pressinian flint ; 2 : blade with broad-facetted butt, made out of chalk flint. Dessins : Ph. Alix. Drawings : Ph. Alix.

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Figure 3 – Le Blot. Protomagdalénien. Figure 3 – Le Blot - Protomagdalenian.

1, 5 et 6 : lames à éperon massif ; le n° 1 est un exemple de cassure en languette supérieure liée au débitage ; 3 : lame à éperon fin ; 2 et 4 : exemples de lames appointées, aménagées sur extrémité proximale du support (possédant probablement un éperon) et transformées ensuite en burins (sur troncature, puis dièdre). 1, 5 and 6 : blades with thick spurs ; n° 1 is an example of upper « tongue-shaped » break due to the debitage ; 3 : blades with thin spurs ; 2 and 4 : examples of pointed blades made on the proximal end of the blank (likely to have spurs) and which were later on turned into burins (truncation burins first, then dihedral ones). Dessins : Ph. Alix. Drawings : Ph. Alix.

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Figure 4 – Le Blot. Protomagdalénien. Figure 4 – Le Blot. Protomagdalenian.

1 à 13 : lames appointées. Dans la très grande majorité des cas, l’appointement a été fait sur la partie proximale du support brut, ce qui a permis d’éliminer la saillie de l’éperon. 1 to 13 : pointed blades. In most cases, the blade was pointed on the proximal part of the untreated blank, which made it possible to cut off the projecting part of the butt. Dessins : Ph. Alix. Drawings : Ph. Alix.

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Figure 5 – Le Blot. Protomagdalénien. Figure 5 – Le Blot. Protomagdalenian.

1 et 3 : éperons massifs ; 2 et 4 : éperons fins. Silex pressignien. 1 and 3 : thick spurs ; 2 and 4 : thin spurs. Pressignian flint. Dessins : Ph. Alix. Drawings : Ph. Alix.

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Figure 6 – Le Blot. Protomagdalénien. Figure 6 – Le Blot. Protomagdalenian.

Photographie d’un éperon massif. Photography of a thick spur. Photo Y. Duterne/SRA Auvergne. Photo Y. Duterne/SRA Auvergne.

5 Il y a aussi des éperons plus fins et moins marqués (fig. 3 n° 3 ; fig. 5 n° 2 et 4 ; fig. 7 n° 1 ; fig. 8 n° 1 et 2 ; fig. 9 n° 2 et 4 ; fig. 10 n° 1 ; fig. 11 n° 2), qui se rapprochent parfois des talons facettés (fig. 2 n° 2). Ils ont été aménagés par des enlèvements discrets qui peuvent avoir été faits avec l’aide d’un petit préparateur-abraseur. La proéminence de l’éperon est beaucoup plus discrète, avec des valeurs comprises entre 1 et 2,5 mm, pour une largeur de 2 à 5 mm. Sur ces pièces, la mesure de l’angle de chasse est impossible à réaliser.

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Figure 7 – Abri Pataud. Niveau 2. Figure 7 – Abri Pataud. Level 2.

1 : éperon fin ; 2 : éperon massif. Silex du Bergeracois. 1 : thin spur ; 2 : thick spur. Flint from the Bergerac area. Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix.

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Figure 8 – Abri Pataud. Niveau 2. Figure 8 – Abri Pataud. Level 2.

1 et 2 : éperons fins ; 3 et 4 : éperons massifs ; 3 : silex sénonien noir ; 4 : silex du Bergercois. 1 and 2 : thin spurs ; 3 and 4 : thick spurs ; 3 : black senonian flint ; 4 : flint from the Bergerac area. Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix.

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Figure 9 – Abri Pataud. Niveau 2. Figure 9 – Abri Pataud. Level 2.

1 et 3 : éperons massifs ; 2 et 4 : éperons fins ; 1 à 3 : silex du Bergeracois ; 4 : silex sénonien noir. 1 and 3 : thick spurs. 2 and 4 : thin spurs. 1 to 3 : flint from the Bergerac area. 4 black senonian flint. Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix.

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Figure 10 – Abri Pataud. Niveau 2. Figure 10 – Abri Pataud. Level 2.

1 : éperon fin ; 2 : éperon massif. A noter que les deux éperons représentés sont de type intermédiaire. 1 : thin spur ; 2 : thick spur. It should be noted that the two spurs shown are of an intermediate type. Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix.

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Figure 11 – Abri Pataud. Niveau 2. Figure 11 – Abri Pataud. Level 2.

1 : éperon massif (silex coniacien blond) ; 2 : éperon fin (silex indéterminé). 1 : thick spur (blond coniacian flint) ; 2 : thin spur (indeterminable flint). Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix.

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Figure 12 – Laugerie-Haute-Est. Niveau 36. Figure 12 – Laugerie-Haute-Est. Level 36.

Éperon massif. Thick spur. Photo Ph. Jugie/MNP. Photo Ph. Jugie/MNP.

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Figure 13 – Le Blot. Protomagdalénien. Figure 13 – Le Blot. Protomagdalenian.

Répartition des types de talons par classe de largeur des lames (mesure prise à 2 cm de l’extrémité proximale). Distribution of butt types according to the width of the blades (measured 2 cm from the proximal end).

6 Dans le cadre de l’étude, nous avons cru utile de séparer les exemplaires « massifs » des exemplaires « fins », afin d’isoler d’éventuelles spécificités. Cela dit, il n’existe pas de limite morphologique nette entre les exemplaires « massifs » et les exemplaires « fins ». De nombreux éperons sont ainsi à la limite entre les deux « types » (fig. 9 n° 4 ; fig. 10).

7 Malgré la présence d’un supposé chasse-lame signalé par F. Bordes dans les séries de Laugerie-Haute6 (Bordes 1978), la technique utilisée est probablement la percussion directe au percuteur tendre (Inizan et al. 1995 ; Pigeot 1987 ; Gallet 1998).

8 Les Protomagdaléniens semblent avoir cherché à faire disparaître la saillie gênante (notamment pour l’emmanchement) que formait le talon en éperon, notamment quand celui-ci était marqué. Le moyen le plus fréquemment utilisé était celui de l’aménagement d’une lame appointée (parfois appelée « grattoir ogival », voire « pièce à retouches continues », selon les auteurs), elle-même servant souvent de base pour la fabrication d’un burin (fig. 3 n° 2 et 4 ; fig. 4). On observe en effet que l’appointement des lames a été fait en très forte majorité sur la partie proximale des supports (fig. 4 et tabl. 1). Ce phénomène se retrouve à l’identique sur les trois gisements protomagdaléniens examinés (par exemple : Bordes 1978, fig. 5 n° 4 et fig. 10 n° 13). Nous décrirons ailleurs ce processus qui pourrait éclairer d’un jour nouveau l’approche typologique de ces pièces. Cette élimination quasi systématique des talons explique qu’ils soient rarement conservés. Les éperons « subsistants » se retrouvent majoritairement (10 éperons massifs sur un total de 15, au Blot) sur des produits laminaires brisés au cours du débitage et non utilisés (fig. 2 n° 3 et fig. 3 n° 1 et 6).

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Tableau 1 – Le Blot et Laugerie-Haute-Est (fouilles Peyrony et Bordes). Table 1 – Le Blot and Laugerie-Haute-Est (excavated by Peyrony and Bordes).

Extrêmité appointée (en %) Proximale Distale Proximale et distale

Le Blot 70 27 3 (n = 30)

Laugerie-Haute-Est 68 23 9 niv. 36 et 38 (n = 34)

Niveaux protomagdaléniens. Localisation des appointements sur les lames. Protomagdalenian levels. Location of the pointing on the blades.

Fréquence des talons en éperon

9 Il est difficile de connaître leur fréquence exacte, compte tenu de leur élimination ultérieure dans de très nombreux cas, avant utilisation du support, comme nous l’avons dit plus haut. Ainsi, au Blot, seuls 69 talons sont conservés, sur un total de 391 supports laminaires. Cela constitue bien sûr une gêne pour l’étude, notamment pour les calculs statistiques. Les éperons sont présents sur 12 à 51 % des talons conservés7, selon les gisements et les niveaux (tabl. 5). Ce pourcentage est assurément inférieur à la réalité initiale.

10 Les éperons concernent tous les types de silex. Nous avions déjà fait la même remarque, pour les seuls éperons fins, à propos du site du Magdalénien final du Pont-de-Longues (Surmely et al. 2002). Sur le site du Blot, les deux types ont été aménagés indifféremment sur les deux principales matières premières utilisées par les tailleurs (tabl. 4) : le silex de la craie du Berry et celui du Grand-Pressigny, qui ont pourtant des caractéristiques différentes (Surmely et Murat 2003). Le silex de la craie a une texture plus fine et plus homogène, tout en offrant des modules initiaux plus petits. De même, à Pataud, l’aménagement d’éperons massifs concerne tout aussi bien le silex bergeracois importé que les silex crétacés locaux (tabl. 2). A Laugerie, les éperons sont surtout observables sur le silex du Bergeracois, ce qui s’explique par le module généralement supérieur des produits laminaires (tabl. 3).

Tableau 2 – Abri Pataud. Niveau 2. Table 2 – Abri Pataud. Level 2.

Cortical Lisse Lisse Dièdre Linéaire Eperon Eperon Facetté Puncti- abrasé fin massif forme

Lames 1 31 1 52 3 1 4 6 brutes (n = 99)

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Pièces 5 26 4 43 3 1 2 6 utilisées (n = 90)

Outils 2 25 2 16 16 9 9 3 (n = 82)

Total 3 30 2,5 41 8 4 5,5 5,5 (en %) (n = 271)

Talons des lames, tous types de matières premières confondus. Blade butts, from all sorts of raw materials.

Tableau 3 – Laugerie-Haute-Est (fouilles F. Bordes). Niveau 36. Table 3 – Laugerie-Haute-Est (excavated by F. Bordes). Level 36.

Cortical Lisse Lisse Dièdre Linéaire Eperon Eperon Facetté Puncti- abrasé fin massif forme

Lames 2 33 3 44 12 9 14 7 brutes (n = 124)

Pièces 3 2 3 3 2 utilisées (n = 13)

Outils 1 7 7 7 5 4 2 (n = 33)

Total 0,5 1 25 2 31 13 10 12 5,5 (en %) (n = 170)

Talons des lames (sélection), tous types de matières premières confondus. Blade butts (selection), from all sorts of raw materials.

Il ne semble donc pas y avoir de corrélation entre éperon et type de silex.

11 En revanche, les talons en éperon se retrouvent exclusivement sur les lames et surtout sur les beaux produits de plein débitage, ce qui explique qu’ils soient surtout associés aux outils (tabl. 3 et 4) et bien calibrés en largeur (fig. 13). Ils se retrouvent aussi sur des lames à crête ou d’entame. Ils sont totalement absents sur les éclats. Cela confirme bien le lien étroit qui les unit au débitage laminaire, mis en évidence sur les gisements magdaléniens d’Île-de-France (Pigeot 1987 et 2004 ; Pelegrin 1992 ; Inizan et al. 1995).

12 Il semble donc exister un lien fort entre la dimension des supports laminaires et l’aménagement d’éperons, ces derniers étant plus fréquents sur les lames de grand module. Cette observation a pu être faite également sur les gisements des Tarterêts I (Karlin 1975) et d’Étiolles (Pigeot 1987 et 2004).

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13 Cela reste toutefois difficile à prouver sur le matériel lithique du Blot, majoritairement composé de supports laminaires fragmentés, parfois réduits à une longueur d’un ou deux centimètres (les lames entières ayant conservé leur talon intact sont rares ; 11 exemplaires recensés !). La relation directe entre éperon et longueur de lame est donc impossible à établir. En prenant le critère de la largeur (fig. 13), aucune évidence n’apparaît non plus, mais il est vrai que la mesure de la largeur à 2 cm du talon, rendue nécessaire, n’est pas forcément significative de la largeur maximale du support. Notons toutefois que sur le gisement magdalénien de Marolles, les éperons se trouvent en majorité sur les lames larges (Valentin et al. 1999). De même, la faiblesse statistique de l’échantillonnage du Blot empêche de comparer la représentation des types d’éperons en fonction de la courbure du profil de la lame.

14 En revanche, les mesures réalisées sur le matériel lithique du gisement du Blot montrent que l’épaisseur des supports à talon en éperon est généralement supérieure à celle des lames ayant un autre type de talon (hors talon facetté). De même, les lames à talon en éperon sont mieux calibrées en largeur (fig. 13) que les autres, comme nous l’avons dit plus haut.

Fonction et impact sur la consommation de matière première

15 La fonction des éperons, décrite sur le gisement d’Étiolles (Pigeot 2004), correspond à la volonté de renforcer le plan de frappe pour réduire sensiblement le risque d’éclatement ou d’esquillement de celui-ci et de guider dans les deux sens l’impact du percuteur. Ceci facilite sensiblement le débitage de lames de grande taille. Cette préparation du point de percussion est particulièrement utile pour les grandes et larges lames peu arquées, qui ont un large talon et dont le débitage nécessite une percussion plus puissante. Ceci est bien visible sur les larges lames en silex du Bergeracois retrouvées sur les sites de l’abri Pataud et de Laugerie-Haute.

16 Il convient toutefois de signaler que le procédé de l’éperon n’est pas obligatoire pour le détachement de lames, y compris de celles de grandes dimensions. Ainsi au Blot, une part non négligeable des grands supports n’a pas reçu ce type d’aménagement et les talons sont alors de type lisse abrasé (fig. 13). De ce fait, l’aménagement en éperon est considéré comme ayant une « charge culturelle très forte » (Pigeot 2004).

17 L’incidence du choix de l’aménagement d’éperons sur l’économie de la matière première est plus difficile à mesurer. Cette question est d’autant plus importante qu’une part notable, voire presque exclusive dans le cas du Blot (Surmely et Pasty 2003 ; Surmely et al. soumis), de la matière première utilisée dans les gisements protomagdaléniens considérés était d’origine lointaine. Cette gestion rigoureuse s’observe très nettement au Blot, où 90 % des matériaux proviennent de plus de 250 km, notamment au travers des ravivages multiples des outils et de l’emport des nucléus lors de l’abandon du site.

18 Tous les chercheurs ayant étudié le sujet (Pelegrin 1992 ; Valentin et al. 1999 ; Pigeot 2004) ont souligné que le procédé de l’éperon est « techniquement et économiquement coûteux » (Pigeot 2004), puisqu’il nécessite notamment des ravivages assez fréquents du plan de frappe. Ceci se voit bien sur les remontages de tablettes et éclats de ravivage, comme à l’abri Pataud. Toutefois, ce dernier auteur fait remarquer que la fréquence des

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ravivages du plan de frappe est limitée dans le cas de plans de frappe très obliques, qui ont été privilégiés effectivement par les Protomagdaléniens, notamment au Blot. Les tailleurs ont parfois détaché de simples petits éclats de ravivage, surcreusant le plan de frappe (fig. 14) et se limitant ainsi à une obliquité partielle, moins dispendieuse à court terme, mais nécessitant ensuite l’enlèvement d’une tablette assez épaisse. L’incidence de l’utilisation de l’éperon sur la fréquence de fracturation des lames est difficile à estimer. Si l’on observe des cas de fragilisation de la partie antérieure du support, voire de sa rupture (cf. supra), de l’autre côté, l’éperon en assurant un contact préférentiel et prédéterminé de l’impact du percuteur, apporte un surcroît de sécurité dans le débitage. Il n’en reste pas moins qu’une part parfois importante des lames semble s’être brisée lors du détachement. Ceci reste à préciser par des études complémentaires.

Figure 14 – Les Tarterêts. Figure 14 – Les Tarterêts.

Vue supérieure d’un nucléus à lames montrant le surcreusement partiel du plan de frappe, du côté de la table, lié à l’aménagement d’éperons. A blade seen from above showing how the striking platform was partially hollowed,due to the making of spurs. Photo J.-L. Rieu/MPIF. Photo J.-L. Rieu/MPIF.

19 L’utilisation très fréquente du procédé de l’éperon sur les sites protomagdaléniens où la matière première était d’origine lointaine montre nettement que cette pratique, si elle ne paraissait pas économique au premier abord, s’avérait « correspondre à un choix manifeste d’optimisation du débitage laminaire » (Valentin et al. 1999).

20 En résumé, on peut penser que le surcoût d’investissement technique et économique lié à l’aménagement d’éperon a été compensé par la garantie plus grande de rentabiliser le débitage laminaire, notamment dans le cas de la production de supports de grande taille.

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Comparaison avec d’autres cultures

21 Les éperons sont connus depuis l’Aurignacien (Inizan et al. 1995 ; com. pers. J. Tixier) et liés au débitage laminaire. Les éperons fins sont assez fréquents dans l’industrie lithique des phases finales du Magdalénien, notamment sur les sites du Bassin Parisien (Audouze et al. 1988), comme par exemple Étiolles (Pigeot 1987 et 1988), Pincevent (Karlin 1972), Les Tarterêts (Brézillon 1971 ; Karlin 1975 ; Schmider 1975 ; Florès 1998), Marsangy (Pelegrin 1992), Marolles-sur-Seine (Valentin et al. 1999) et Les Gros Monts (Cheynier 1957), ou bien d’Auvergne (Bérard 1995 ; Séara 1998 ; Surmely 1998 ; Surmely et al. 2002). Il sont également présents dans le Creswellien, équivalent anglais du Magdalénien (Barton et Dumont 2000). Toutefois, ces éperons sont très souvent de petites dimensions, proches du simple facettage. C’est le cas, dans le Bassin parisien, de Pincevent, de Marolles (Valentin et al. 1999 ; com pers. J.-.L Rieu), mais aussi des Gros- Monts8.

22 Les éperons massifs sont en revanche beaucoup moins fréquents, à notre connaissance. Ils sont très faiblement représentés dans le Gravettien ancien du gisement du Sire (Mirefleurs, Puy-de-Dôme ; Surmely, inédit) et n’apparaissent pas dans les niveaux du Gravettien moyen et final, notamment dans les sites concernés dans la présente étude : Le Blot (Klaric 1999), Abri Pataud (Nespoulet 1996 et com. pers.), Laugerie-Haute-Est. Ainsi, sur ce dernier site, ils sont quasiment absents dans le niveau du Périgordien VI (niveau D, fouilles Peyrony) qui est directement sous-jacent aux couches protomagdaléniennes et où les produits laminaires sont en général de taille inférieure à ceux découverts dans le Protomagdalénien (tabl. 4). Ils se retrouvent toutefois dans quelques sites de la région de Bergerac, où ils sont associés à un débitage laminaire de très grande taille. Ils ont été ainsi observés sur les sites de Canaule I et Troche (Creysse, Dordogne), dans un contexte chronologique mal déterminé (Guichard et Morala 1989). Ils sont fréquents dans l’industrie du gisement de Rabier qui est daté de la fin du Gravettien ou du Protomagdalénien (Périgordien VI ou VII) (Morala 1990 ; Lorin 1996 ; com. orale A. Morala) et de Corbiac (com. pers. J. Pelegrin). Toutefois les éperons de Rabier, bien que très massifs, sont rarement aussi proéminents que ceux observés dans le Protomagdalénien. Nous n’avons pas de données concernant le Solutréen.

Tableau 4 – Le Blot - Protomagdalénien (tous niveaux). Table 4 – Le Blot - Protmagdalenian (all levels).

Cortical Lisse Lisse Dièdre Linéaire Eperon Eperon Facetté Puncti- abrasé fin massif forme

Silex Gd 1 2 1 7 11 7 2 1 Pressigny (n = 32)

Silex de la 15 7 8 8 4 3 craie (n = 36)

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Divers 1 (n = 1)

Total 3 10 1 20 29 22 9 6 (en %) (n = 69)

Talons des supports laminaires, bruts ou transformés, selon les types de matières premières. Blade butts, either untreated or treated, according to the types of raw materials.

Tableau 5 – Proportion des talons en éperon (en % pour chaque niveau) pour les lames brutes et transformées. Table 5 – Ratio of spur-shaped butts (percentage for each level) for untreated and treated blades.

Gisements étudiés % des talons en éperon

Laugerie-Haute-Est – Protomagdalénien – Fouilles Bordes – niv. 36 23

Laugerie-Haute-Est – Protomagdalénien – Fouilles Bordes – niv. 38 46

Laugerie-Haute-Est – Protomagdalénien – Fouilles Peyrony – niv. F 35

Pataud – Protomagdalénien – niv. 2 12

Le Blot – Protomagdalénien – tous niveaux 51

Laugerie-Haute-Est – Périgordien VI – Fouilles Peyrony – niv. D 6

23 A notre connaissance, les seuls spécimens comparables, d’un point de vue qualitatif et quantitatif, à ceux du Protomagdalénien ne se rencontrent que dans quelques gisements du Magdalénien d’Île-de-France, comme Étiolles et Les Tarterêts, où le débitage laminaire est tourné vers la production de grandes lames. Aux Tarterêts 1, les talons en éperon sont représentés sur 95 % de l’échantillonnage de lames que nous avons pu examiner, avec un rapport de 60/40 % en faveur des éperons de type massif. Le procédé se retrouve bien sûr sur les nucléus (fig. 14). Cette proportion étonnante d’éperons conservés est à mettre en relation avec la très importante fracturation des supports lors du débitage. Les éperons sont également très présents dans le plein débitage d’Étiolles (Pigeot 2004), avec des formes massives en tous points comparables aux talons du Protomagdalénien. L’éperon figurant sur la lame T1043 fait ainsi 9 mm de hauteur9 (Olive 1988). Les éperons sont nettement moins fréquents et moins proéminents sur les lames du site des Tarterêts 2, où ils sont souvent proches du simple facettage.

Conclusion

24 Les tailleurs du Protomagdalénien, qui cherchaient à produire de grandes lames régulières, ont eu recours, de façon très fréquente, à l’aménagement d’éperons.

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25 A côté des éperons fins se trouvent des exemplaires massifs et très proéminents, qui ont donné une forme particulière à la partie proximale des supports. Certainement gênants pour l’utilisation ultérieure, ils ont souvent été éliminés par la suite, essentiellement par retouche. L’aménagement de ces éperons massifs, que l’on retrouve à l’identique sur les séries des trois gisements étudiés, semble donc bien caractéristique du débitage laminaire du Protomagdalénien, axé sur la recherche de lames de grandes dimensions, à partir de silex souvent importés. Ce type de préparation se retrouve dans les séries de grandes lames de certains sites du Magdalénien final d’Île-de-France, comme Étiolles, ce qui confirme le lien étroit qui existe entre éperons et recherche d’un débitage laminaire de grande taille. Mais comme le souligne N. Pigeot, l’aménagement d’éperons va probablement au-delà d’un simple geste (Pigeot 2004). En revanche, sur les sites concernés (Laugerie, Pataud, Le Blot), ces aménagements sont absents des niveaux d’occupation gravettiens antérieurs au Protomagdalénien, ce qui va dans le sens d’une individualité de cette dernière culture par rapport au complexe gravettien.

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NOTES

1. A la demande de l’un des rapporteurs de cet article, nous sommes amenés à rappeler que l’appellation Protomagdalénien est ici employée comme synonyme de ce que certains ont appelé aussi Périgordien VII (Bordes 1978) ou Gravettien final (Djindjian et al. 1999). Cette préférence s’explique par l’antériorité du terme (dû à D. Peyrony), par son emploi courant dans la littérature traitant des sites concernés (Laugerie-Haute, Pataud, Le Blot, Les Peyrugues) (Bosselin 1992),

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mais aussi par notre sentiment de l’individualité du Protomagdalénien par rapport au Gravettien, idée développée dans une étude sous presse (Surmely et al. sous presse). 2. Des datations sont en cours de réalisation pour le gisement du Blot. 3. Coordonnée par H. Delporte (†) et J.-P. Daugas. 4. Une dizaine de « niveaux » rapportables au Protomagdalénien ont pu être identifiés sur le site à l’occasion de la fouille (niveaux 34 à 22, Virmont 1981). J.-P. Daugas (étude en cours) les regroupe en trois ensembles principaux. Notre étude n’a pas permis de constater de différences significatives sur le mobilier lithique entre les « niveaux » ou « ensembles », ce qui plaiderait dans le sens de leur faible dispersion dans le temps et de leur unité culturelle. Dans cet article, nous avons donc considéré le mobilier lithique protomagdalénien comme un tout, réservant les décomptes précis par niveaux ou ensembles à la publication monographique. 5. Mesures prises sur les seules séries du gisement du Blot. 6. L’objet a été examiné par A. Morala (Musée National de Préhistoire). Il s’agit d’un petit galet allongé en schiste, brisé, mais qui ne porte pas de traces évidentes de percussion. A. Morala écarte résolument l’idée d’un chasse-lame, en raison de la nature minérale de la pièce qui ne se prête pas au débitage par percussion indirecte, surtout avec des talons en éperon. 7. Pour les décomptes effectués sur le produit des fouilles Peyrony de la couche F de Laugerie- Haute-Est, il faut prendre en considération un probable tri de l’industrie effectué en faveur des « beaux » supports laminaires (Demars 1994). 8. C’est sur ce site qu’ont été définis les éperons, par le Dr Cheynier (Cheynier 1957). Un éperon massif est d’ailleurs reproduit dans les planches de dessin. Pourtant, l’examen que nous avons fait des séries a révélé la présence presque exclusive d’éperons fins, avec une domination très nette des talons lisses abrasés. 9. Nous remercions bien sincèrement M. Olive pour nous avoir autorisés à examiner le mobilier en cours d’étude.

RÉSUMÉS

A l’occasion de l’étude des séries lithiques protomagdaléniennes du gisement du Blot (Cerzat, Haute-Loire), nous avons constaté l’importance des aménagements de talons en éperon, liés au débitage de grandes lames. Un examen partiel des niveaux contemporains de l’abri Pataud et de Laugerie-Haute-Est (Les-Eyzies-de-Tayac, Dordogne) a permis de constater le même phénomène. Cette note vise à présenter ces aménagements et à les comparer avec quelques autres séries du Paléolithique supérieur et notamment du Magdalénien.

While studying some protomagdalenian lithic series from Le Blot site (Cerzat, Haute-Loire, France), we noticed that over 40 % of the butts had been prepared with spurs, all of them related to the detachment of long blades. A quick study of the other protomagdalenian levels of the Pataud and Laugerie-Haute Est sites (Les-Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France) shows the same thing.Through this note we mean to describe these preparations and to compare them with some other Upper paleolithic series, more particularly magdalenian sites.

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INDEX

Mots-clés : éperon, lames, Paléolithique supérieur, Protomagdalénien Keywords : blades, Protomagdalenian, spur, Upper palaeolithic

AUTEURS

FRÉDÉRIC SURMELY Géolab, UMR 6042 du CNRS, Maison de la Recherche - 4, rue Ledru 63000 Clermont-Ferrand. [email protected]

PHILIPPE ALIX INRAP Rhône-Alpes/Auvergne - 12, rue Maggiorini 63500 Bron.

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