Étude de cas : la planorbe naine vorticulus (TROSCHEL , 1834) sur le territoire du PNR des Marais du Cotentin et du Bessin

2015

Benoît Lecaplain

Etude de cas : la planorbe naine Anisus vorticulus (TROSCHEL , 1834) sur le territoire du PNR des Marais du Cotentin et du Bessin

Extrait du mémoire de MASTER 1 ECOCAEN : Les services écosystémiques rendus par les zones humides continentales tempérées

Lecaplain B (2015). Étude de cas : la planorbe naine Anisus vorticulus (TROSCHEL , 1834) sur le territoire du PNR des Marais du Cotentin et du Bessin In : Les services écosystémiques rendus par les zones humides continentales tempérées. Mémoire de MASTER 1 ECOCAEN. Université de Caen Basse-Normandie, Institut de Biologie Fondamentale et Appliquée : 62p.

Notes de bas de page

4. É tude de cas : la planorbe naine Anisus vorticulus ( T ROSCHEL , 1834) sur l e territoire du PNR des Marais du Cotentin et du Bessin

Le 9 mars 2011, lors d’ une animation réalisée avec la F édération des chasseurs de la Manche à la Réserve de Chasse de Saint - Georges de Bohon, j’ai prélevé un petit sac de laisse de crue à l’entrée du site, le long du canal appelé la Rivière Neuve. L’objectif était notamment de compléter l’inventaire des mollusques de la réserve et de trouver Vertigo moulinsiana

( D UPUY , 1849) en échouage. C’est finalement Anisus vorticulus , la planorbe naine, qui aura été identifiée .

Cet escargot aquatique, inscrit aux Annexes II et IV de la directive Habitats Faune - Flore et protégé à l’échelle nationale, n’avait jamais été observé en Normandie auparavant. Dans le cadre de mon travail de chargé d’étude s au PNRMCB, je réalise plusieurs suivis et prospections d’espèces patrimoniales en relation notamment avec les Documents d’Objectifs des sites Natura 2000 animés par le PNR. C’est dans ce cadre là que j’ai pu réaliser trois années de prospections sur le territoire afin d e mieux connaître la répartition de ce mollusque protégé.

4.1. Matériel et méthode

4.1.1. Présentation de la zone d’étude

Le Parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Besssin est situé dans la région Basse - Normandie, dans les départements du Calvados et de la Manche. Composé de 150 communes, ce PNR a été créé en 1991 dans le but de préserver le paysage particulier qui le compose : les marais. Il s’agit de prairies humides agricoles caractérisées par une inondation hivernale d’eau douce. Quatr e fleuves se jettent en Baie des Veys et forment les vallées du territoire : la Douve, la Taute, la Vire et l’Aure. La présence de portes - à - flots est importante dans la compréhension du marais. Celles - ci, construites par l’homme à partir du XVIII e s iècle à proximité de l’embouchure des fleuves permet tent aux parcelles basses de marais de ne plus être recouvertes par l’eau de mer à chaque marée haute. Depuis ces aménagements, il n’existe

1 plus d’influence régulière de l’eau salé e dans le marais et une activit é d’élevage a été mise en place.

Sur ces quatre vallées ont été désignés 2 sites Natura 2000 : - Directive Habitats - Faune - Flore : Marais du Cotentin et du Bessin – Baie des Veys FR2500088 - Directive Oiseaux : Basses vallées du Cotentin et du Bessin – Baie des Veys FR2510046 Le PNR est l’animateur de ces deux sites Natura 2000 (ainsi qu’un troisième site qui n’est pas en secteur de marais, le site de la Directive Habitats - Faune - Flore calcaires et anciennes carrières de La Meauffe, Cavigny, Airel FR2502012) . Il s’agit également d’un site Ramsar.

4.1. 2 . Description de l’espèce

Anisus vorticulus est un mollusque gastéropode aquatique appartenant à la famille des . Comme la plupart des planorbes, la coquille est plate, enroulée sur un seul plan. Son di amètre est de 4 - 5mm pour une hauteur de 0.5 - 0.8mm. La coquille est composée de 5 à 6 tours convexes, le dernier étant légèrement plus grand que l’avant - dernier. L’ouverture est ovale – elliptique et oblique descendante ( G ERMAIN , 1 931 ; G LÖER , 2002). La pr ésence d’une carène au centre de l’enroulement permet de distinguer la planorbe naine de la planorbe des fossés Anisus leucostoma ( M ILLET , 1813) et de la planorbe de Linné Anisus spirorbis ( L INNAEUS , 1758). La confusion est toutefois possible avec la plano rbe tourbillon

Anisus vortex ( L INNAEUS , 1758) qui possède une carène très marquée et non centrée sur l’enroulement de la coquille (Figure 12 et 13 ).

Figure 13 : Anisus vorticulus (Photographie : B. L ECAPLAIN )

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Figure 12 : Anisus spirorbis , vortex et vorticulus (dessin : B. L ECAPLAIN )

4.1. 3 . Répartition de l’espèce en Europe et en France

La planorbe naine est un mollusque du paléarctique occidental ( G LOËR , 2002) connu de la Grande - Bretagne et la France à l’Ouest jusqu’à la Russie occidentale à l’Est (Figure 14 ). On la retrouve surtout en Europe centrale et orientale mais , malgré une présence dans la quasi - totalité du continent européen, ses populations sont localisées et largement séparées ( T ERRIER et al. , 2006) . En France, l’espèce est découverte au début du XX e siècle en Haute - Savoie par

Jules F AVRE (1927) puis en Alsace par Fritz G EISSERT (1960). D’après F ALKNER et al. (2001) les stations savoyardes et rhénanes ont disparu. La consultation des documents disponibles sur les mollusques continentaux d e Normandie et de Bretagne n’ont pas permis de trouver des traces de la présence de cette espèce dans le grand Ouest de la France. Une donnée ancienne non datée est mentionnée par Xavier C UCHERAT dans le Nord - Pas - de - Calais dans son travail sur les mollusqu es de la Directive Habitats - Faune - Flore (2013).

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Figure 14 : Répartition en Europe de la planorbe naine ( B ERAN , 2009 ; V AN D AMME , 2012 ; ZRCSAZU, 2015)

Figure 15 : Répartition en France de la planorbe naine

4 Actuellement, l’espèce est connue du Nord et du Pas - de - Calais (région Nord - Pas - de - Calais,

C UCHERAT , 2013) ; de la Somme (région Picardie, Conservatoire des Sites Naturels de

Picardie, 2010) ; de la Manche (région Basse - Normandie, L ECAPLAIN , 2012) ; de la Seine - et - Marne (région Ile de France, BIOTOPE , 2010) ; de l’Isère et de l’Ain (région Rhône - Alpes,

C ASTELLA et al. , 2005) ; du Gard (région Languedoc Roussillon, G IRARDI , 2009) et des

Bouches - du - Rhônes (région Provence - Alpes - Côte d’Azur, G IRARDI , 2009) (Figure 15) .

4.1. 4 . É cologie

Selon T ERRIER et al. (2006), l’espèce occupe deux groupes d’habitats, les habitats d’origine naturelle et ceux d’origine anthropique. Ces derniers sont composés principalement des fossés de drainages et des mares artificielles. Les milieux d’origine naturelle comprennent l es berges des ruisseaux et des rivières lentes, les zones littorales des lacs mais surtout les milieux humides des zones alluviales (méandres, mares, dépressions, roselières inondées…) . E n Allemagne, la moitié des populations se situe en zone alluviale . Au Royaume - Uni, les populations sont toutes situées dans des fossés de drainage des prairies humides ( W ATSON , 2002). Dans le Nord - Pas - de - Calais, l’espèce a été observée principalement dans les fossés de s prairies, les fosses de tourbage (lieux d’extraction d e la tourbe) et dans les roselières inondées

( C UCHERAT , 2013). Dans la vallée du Rhône c’est typiquement dans les milieux alluviaux d’origines naturelles que la planorbe naine est présente. L’espèce occupe des anciens chenaux de divagation du fleuve appelé localement « lônes » ou « mortes » selon leur ancienneté. Il s’agit de plans d’eau permanent s ou temporaire s conservant un degré de connexion varia b le avec le fleuve ( C ASTELLA et al. , 2005). Enfin, dans les marais du Cotentin et du Bessin, la planorbe nai ne a été identifiée dans les fossés de drainage des prairies humides ( L ECAPLAIN , 2012). L’analyse de ses micro - habitats et ses exigences écologiques ont fait l’objet de plusieurs

études en Europe ( W ATSON , 2002 ; T ERRIER et al. , 2006 ; G LÖER et al. , 2007). En Allemagne, une étude a montré que l’espèce n’a pas d’exigences particulières concernant le substrat qui peut être composé de sable, d’argile ou de terre organique ( G LÖER et al. , 2007). En Angleterre, la planorbe naine est présente dans les fossés à eau x claire s , souvent calcaire s et composé s d’une végétation aquatique diversifiée , submergée et flottante et notamment trisulca L INNAEUS , 1753, Hydrocharis morsus - ranae L INNAEUS , 1753, Ceratophyllum dermersum L INNAEUS , 1753 ou encore Myriophyllum vertic illatum L INNAEUS , 1753 . La largeur optimale du fossé est comprise entre 1 et 3 mètres, la profondeur entre 0.15

5 centimètres et plus d’un mètre ( W ATSON , 2002). Selon W ILLING et al. (1998), la dimension du fossé est toutefois moins importante que la présence d’une eau peu profonde et de conditions permettant un réchauffement de l’eau. Ce facteur est déterminant pour la reproduction et la croissance de l’espèce.

4.1. 5 . Menaces et protections

Les menaces qui pèsent sur la planorbe naine ne sont pas toujours comprises et dépendent souvent de facteurs différents selon les régions ( T ERRIER et al. , 2006). Ces menaces sont notamment listées dans la synthèse UICN d’ Anisus vorticulus (Va N D AMME , 2012) et le travail de T ERRIER et al. (2006) . En Estonie et en Allemagn e, ce sont les perturbations sur les milieux humides comme le calibrage et le dragage des canaux, la pollution ou l’acidification des sols qui sont l es cause s de sa régression. L’introduction d’espèces exotiques envahissantes peut être une des causes de ré gression de l’espèce comme c’est le cas en Belgique et aux Pays - Bas avec la présence de l’hydrocotyle fausse renoncule Hydrocotyle ranunculoides

L INNAEUS filius , 1783. Cette plante aquatique, qui peut couvrir de grandes surfaces, apporte un ombrage qui mo difie les conditions locales de l’habitat. C’est également le cas de la balsamine de l’Himalaya R OYLE , 1833 qui pousse au bord des fossés.

Au Royaume - Uni, la planorbe, qui vit dans les fossés de drainage des prairies humide, est men acée par l’eutrophisation de ses milieux , lié à la fertilisation agricole, aux modifications des pratiques agricoles , au drainage intensif et à la fragmentation de ses habitats ( W ATSON , 2002).

Globalement en Europe, outre la disparition de ses habitats, l es principales menaces qui pèsent sur la planorbe naine concernent les perturbations de son habitat et notamment les modifications des pratiques agricoles dans les milieux d’origine anthropique où elle est présente. Le statut de la planorbe naine a été éva lué dans plusieurs pays européens, notamment par le biais des listes rouges (Figure 16 ). En 2004, elle a été intégrée dans les annexes II et IV de la Directive Habitats - Faune - Flore du réseau Natura 2000. Enfin en 2007, l’espèce est citée dans l’arrêté inte rministériel du 23 avril 2007 fixant la liste des mollusques protégés sur l'ensemble du territoire français.

6 Liste rouge mondiale : Données insuffisantes

Liste rouge européenne : Quasi menacé

République Tchèque (RDB) : CR Autriche (RDB) : CR Suisse (RDB ) : EN Allemagne (RDB) : EN Suède (RDB) : Vu¹ Royaume - Uni (RDB) : Vu² Pologne (RDB) : NT Estonie (RDB) : Rare France (évaluation de l’état de conservation) : statut défavorable mauvais

RDB : Red Data Book (Liste Rouge) ; CR : En danger critique d’extincti on ; EN : En danger ; Vu : Vulnérable ; NT : Quasi menacé ¹ l’espèce était classée CR dans la précédente liste rouge, son statut a été réévalué en 2010 ² espèce prioritaire dans le « UK Biodiversity Action Plan » Figure 16 : Statut de la planorbe naine da ns différents pays européens ( T ERRIER et al. , 2006 ; V AN D AMME , D. 2012 ; National Red List, s.d ; MNHN, 2013).

4.1. 6 . Protocole appliqué sur le territoire du PNR

La planorbe naine est un escargot fréquentant les milieux alluviaux. Dans le Nord de la Fra nce, elle occupe les fossés de drainage des prairies humides. C’est d ans ces milieux qu’elle a été re cherchée sur le territoire du PNR. Grâce à la cartographie disponible au PNR (cartes IGN, photographies aériennes, cartographie des habitats), plusieurs fo ssés et cours d’eau ont été sélectionnés en 2011 puis en 2012 et 2013 , la prospection a été affinée et orientée sur les milieux potentiellement favorables à l’espèce. Ainsi, la première année, quelques rivières ont été échantillonnées et plusieurs fossés t emporaires. Les conditions de milieux, notamment l’aspect temporaire de l’habitat et la présence d’un courant plus ou moins important, ne correspondent pas , ou moins , aux exigences de la planorbe naine. Ces milieux ont donc été écartés par la suite dans le choix des points de prospections. Ce sont 4 5 stations qui ont été réalisé e s (18 en 2011, 9 en 2012 et 18 en 2013 ; Figure 17 ). Les prospections ne s’arrêtaient pas à la recherche de la planorbe naine. Pour chacun des 4 5 points réalisés, un inventaire le plus exhaustif possible des mollusques a été entrepris.

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Figure 17 : Localisation des points de prospections, stations à Anisus vorticulus (B.

L ECAPLAIN , PNRMCB)

Dans un premier temps , et pendant moins de 10 minutes , une recherche à vue permettait d’étab lir une liste des mollusques présents et de rechercher spécifiquement Anisus vorticulus . Cet inventaire était alors réalisé au troubleau ou à la main en examinant la végétation aquatique. Puis, un passage au troubleau dans la végétation était effectué et l e produit était disposé dans une colonne à tamis (10mm – 5mm - <1mm). Un second passage, cette fois ci au fond de l’eau, était ensuite ajouté sur le tamis. Celui - ci était ensuite arrosé d’eau à l’aide d’un seau pour délier la vase de la végétation et des c oquilles qui tombent ensuite dans les différents tamis. Les espèces présentes dans le premier tamis de 10mm sont directement identifiées sur place et éventuellement récoltées pour une analyse ultérieure si cela était nécessaire (espèces du genre Sphaerium ou Stagnicola qui nécessitent une dissection). Les deux autres tamis sont récoltés séparément dans des sacs poubelle s étiquetés d’une contenance d’un litre . Parallèlement, plusieurs informations ont été relevées : largeur du fossé ou cours d’eau, profondeu r moyenne, composition de la végétation immergée et flottante ainsi que la végétation rivulaire et le contexte général (situation du fossé dans le marais, proximité avec le bocage, connexion avec les rivières, etc.).

8 Les deux prélèvements sont ensuite bou illi s séparément afin de tuer les animaux et d’ouvrir les coquilles des mollusques bivalves afin de mieux les identifier. Puis la matière est disposée dans des cartons ou des bo î te s et séché e à l’air libre ou parfois à l’aide d’un four. C'est ensuite qu'i ntervient la partie la plus longue : le tri et l’identification sous la loupe binoculaire. Pour certains relevés, un comptage par espèce a été réalisé afin d'obtenir un aperçu de la répartition de chaque mollusque en fonction du type de milieu. Mais ce tri est long et il a été choisi de ne travailler que sur l'aspect qualitatif du peuplement.

Pour la réalisation de ces prospections , une demande d’autorisation de prélèvement d’espèces protégées était nécessaire et a été obtenue sur les communes de la Manch e et du Calvados incluses dans la zone humide.

4.1. 7 . Présentation des résultats

Données générales Depuis la découverte de la planorbe en 2011, 75 fossés pouvant correspondre aux exigences de l’espèce ont été inventoriés, 45 à titre professionnel et 30 lors d’inventaires réalisés à titre personnel. La présentation des résultats concernera les 45 fossés échantillonnés selon le même protocole mais il semblait opportun de souligner l’effort global de prospection sur le territoire.

Avec l’inventaire des 4 5 fossés ou cours d’eau, 6 02 données malacologique s ont été récoltées de 41 espèces (Figure 18 ). Cela représente 3 0 % des données de mollusques aquatiques contenue s dans la base de données du collectif GERMAIN en Basse - Normandie et 79 % des 5 2 espèces contine nta les présentes dans cette même région (extraction de la BDD GERMAIN). La planorbe naine a été identifiée dans 14 points de prélèvements de 12 communes (Figure 17 ).

L e tableau I I présente les espèces identifiées par station. Le n°26 correspond au seul p oint n’ayant pas fait l’objet d’inventaire. La planorbe naine y a été découverte de façon fortuite. En moyenne, 13.6 espèces ont été recensées par station.

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Figure 18 : Liste des mollusques aquatiques inventoriés durant l’étude sur la planorbe naine

10 Tab leau II : Liste des mollusques recensés par station

11 Analyse des résultats Dans la v allée de la Douve , l’espèce occupe le marais tourbeux d’Auvers, alimenté par les eaux de la Sèves, un affluent de la Douve. Anisus vorticulus a été observé dans un fossé temporaire et dans le canal des Espagnol s . Ces deux cours d’eau sont reliés par un réseau de fossé s . Le canal des Espagnol s a une largeur de 30 à 40 mètres et une profondeur sur les bords de la zone de prélèvement de 70 centimètres jusqu’à 5 mètres vers le centre qui est plus profond. La végétation est très diversifiée, l’espèce a été observée vivante dans les lentilles d’eau et l’hydrocharide Hydrocharis morsus - ranae L INNAEUS , 1753 . Les relevés de terrain de la prospection de 2011 et le tri de la végétatio n tamisée ont montré que la population était plus importante que celle de l’escargot très commun Anisus vortex ( L ECAPLAIN B, 2012 ). Le fossé temporaire, asséché en été, ne remplit pas les conditions optimales de vie de l’espèce , notamment du fait de son ca ractère temporaire . Le prélèvement a été réalisé le 9 mai 2012. À cette époque, le niveau du marais n’est pas à son niveau le plus bas. Le cours d’eau adjacent aura certainement joué un rôle de refuge lorsque le fossé a commencé à s’assécher. L’inondation joue probablement un rôle important dans la dispersion de l’espèce qui peut alors être transportée par les débris végétaux flottant dans lesquels les mollusques peuvent

être présent s ( T ERRIER et al. 2006).

Les fossés occupés par Anisus vorticulus dans la v allée de la Taute et la vallée de la Vire sont assez similaires, leur largeur est comprise entre 1.20 et 7 mètres, ils sont peu profond s (<20 centimètres) à moyennement profond s (70 centimètres) et possèdent tous une végétation immergée et flottante impor tante et diversifiée. Seule la station de Saint - André de Bohon est différente des autres. La végétation flottante, exclusivement composée de lentille s d’eau, couvre plus de 80% de la surface et des algues filamenteuses sont abondantes. En 2012, ce fossé av ait été considéré comme en mauvais état de conservation ( L ECAPLAIN , 2013). Il s’agit peut - être d’un milieu colonisé à la faveur du marais inondé mais qui ne remplit pas les conditions optimales de l’espèce. Les stations de la vallée de la Taute se situent dans un contexte de sol tourbeux , celles de la Vire sur un sol minéral .

Sur la côte Est , la planorbe naine a été identifiée dans la rivière de la Grande Crique (Figure 19 ) , qui est connectée à la Baie des Veys par une porte - à - flots empêchant la mer de pén étrer dans le marais à marée haute. Ce cours d’eau, sur sol minéral et au courant lent , fait entre 4 et 6 mètres de largeur, son centre est profond (supérieur à 1 mètre) mais ses abords sont

12 relativement peu profonds et fortement végétalisés. La végétatio n immergée est abondante, composée notamment de Callitriche sp., de myriophylle à épis Myriophyllum spicatum

L INNAEUS , 1753 et d’hydrocharide. L a végétation flottante est moins représentée, la lentille d’eau à trois sillons Lemna trisulca L INNAEUS , 1753 se mble commune. Les berges sont dominées par les grandes hélophytes comme le roseau commun Phragmites australis .

Dans le marais de Neuilly - l a - Forêt et du Hommet - d’Arthenay, l’espèce n’a pas été rencontrée et ceci s’explique certainement par le fait que ce s zones sont moins inondées en hiver et que les fossés sont soumis à un ombrage plus important (le marais est plus boisé que ceux fréquenté s par la planorbe naine). Le cortège malacologique était également plus faible (respectivement 9 et 14 espèces). Ces données sont issues de constatations personnelles et mériteraient d’être confirmées par des études et comparaisons plus poussées.

Analyse du peuplement de mollusques

L’analyse du peuplement de mollusques recensés sur les 13 stations à planorbe naine ayan t fait l’objet d’un inventaire nous apporte des éléments sur les espèces associées à Anisus vorticulus . Ainsi, Anisus vortex, Radix balthica, Bithynia tentaculata, Planorbis planorbis, Valvata cristata, Euglesa milium,Planorbarius corneus, Hippeutis compla natus et Physa fontinalis ont été observés dans plus de 75% des relevés. À l’inverse, Anisus leucostoma, Euglesa casertana, Euglesa pseudosphaerium, Radix auricularia et Acroloxus lacustris sont présent s dans moins de 10% des relevés. D’après les inventair es réalisés sur le territoire du PNR, à la fois lors de cette étude et lors d’inventaires personnels réalisés dans le but d’approfondir les connaissances sur les mollusques de Normandie, il s’est avéré que Anisus leucostoma était plutôt inféodé aux milieux temporaires ce qui est confirmé par la littérature malacologique ( K ERNEY , 1999). Les milieux temporaires ayant été écartés des prospections, il est normal de ne pas retrouv er cette espèce pourtant très commune sur le territoire. Radix auricularia est cert ainement plus répandue dans les rivières et grands canaux et ne semble pas fréquenter les fossés comme cela a été montré dans le Nord - Pas - De - Calais ( C UCHERAT , 2003). Avec seulement 4 données en Normandie, Euglesa pseudosphaerium est certainement rare (ext raction de la BDD GERMAIN). Ce petit bivalve est classé dans la catégorie

« Vulnérable » du livre rouge des M ollusques de France métropolitaine ( B OUCHET , 1994) . Valvata macrostoma a été rencontré dans quatre fossés à Anisus vorticulus. Ces deux espèces,

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Figure 19 : La Grande Crique à Sainte - Marie - du - Mont (Photographie : B. L ECAPLAIN )

Figure 20 : Fossé du marais d’Auvers dans lequel la planorbe naine est présente

(Photographie : B. L ECAPLAIN )

14 ainsi que Euglesa pseudosphaerium et Segmentina nitida ont é té intégré s au plan national d’action en faveur des mollusques du Royaume - Uni du fait de leur rareté et d ’un déclin constaté de leurs populations . Elles sont souvent associées et sont typique s des fossés de drainage de prairies humides au Royaume - Uni ( W ATS ON , 2002 ; T ERRIER et al. 2006). Sur le territoire du PNR, Anisus vorticulus n’a jamais été observé avec Segmentina nitida qui occupe plutôt des fossés « encombrés » de végétation ou de feuilles mortes , avec une eau libre moins importante et un pourcentage de végétation immergée plus conséquent que les fossés typiques d’ Anisus vorticulus. ( W ATSON & O RMEROD , 2004 ; obs. pers.) .

Sur les 13 relevés, la malacofaune associée est constituée de 11 espèces au minimum et 18 au maximum (moyenne : 15.9).

Synthèse d es connaissances sur l’espèce dans le PNR D’après les recherches entreprises sur le territoire du PNR des Marais du Cotentin et du Bessin, la planorbe naine semble typique des fossés permanents intégrés dans un contexte de marais inondé en hiver et présent ant les caractéristiques écologiques suivantes :

- présence d’un bon équilibre entre la végétation immergée et flottante (critère visuel parfois subjectif constaté sur le terrain) - végétation riche et diversifiée composée notamment de lentille d’ eau à trois sillons, d’hydrocharide et de myriophylle à épis (souvent cités comme plantes

accompagnatrices : W ATSON , 2002 ; C ASTELLA et al. , 2005) - fossé ensoleillé (réchauffement de l’eau nécessaire à la croissance et la reproduction) - indifférence à la largeur du foss é mais dans le cas de larges canaux, une profondeur réduite (inférieure à un mètre) semble nécessaire à sa présence (cas du canal des Espagnols) - eau claire, non turbide

La figure 20 présente un fossé répondant aux différents critères cités plus haut. Entr e 2011 et 2013, ma connaissance des « fossés à planorbe naine » s’est affinée et la prospection a été plus ciblée. Toutefois, il subsiste encore de nombreuses interrogations et ses exigences écologiques précises mériteraient d’être clairement définies grâc e à des études pluri - disciplinaires.

15 4.1.8. Discussion et perspectives

Il existe un peu plus de 1800 kilomètres linéaires de fossés (BDtopo, PNRMCB). Tous n’ont évidemment pas été échantillonnés mais les prospections ont été entreprises sur l’ensemble du territoire. Le milieu présenté dans le chapitre précédent est commun à très commun dans les marais mais c’est seulement dans 14 de ces fossés (sur 75 au total inventoriés) que la p lanorbe naine a été trouvée. Il serait intéressant de réaliser une étude pl us poussée sur son écolog i e et sa répartition globale afin de comprendre pourquoi elle n’est pas présente dans certains marais semblant favorables à la planorbe . Plusieurs pistes peuvent être évoquées : - recherche de nouveaux sites sur l’échelle du marais - é tude de la répartition locale au sein d’une entité de marais où elle est présente - caractérisation phytosociologique des habitats fréquentés par l’espèce - analyse physico - chimique des fossés - étude hydraulique des marais où elle est présente et ceux où elle n ’a pas été observée o durée de l’inondation o connexion des fossés entre eux et avec les canaux et rivières… - étude de sa capacité de dispersion après le retrait de l’inondation hivernale

À une plus grande échelle, il serait souhaitable de réaliser des prosp ections dans d’autres marais du grand ouest de la France comme les marais de la Dives, de la Touques, les marais du département de l’Orne et d’Ille - et - Vilaine. J’ai eu l’occasion de réaliser des prélèvements dans 8 stations favorables des marais de la Dive s en mai 2013 , 24 espèces de mollusques aquatiques mais Anisus vorticulus n’a pas été identifié.

Pour finir, l’espèce, qui est protégée à l’échelle européenne et nationale, nécessite des mesures de conservation et la désignation de site Natura 2000 dans l es espaces où elle pourrait être identifiée.

16 Bibliographie

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