Changements climatiques et inondations dans la commune de Ouinhi au Sud-Est du Bénin : pour la transformation de la catastrophe en opportunités YABI. Ibouraïma, Laboratoire Pierre Pagney ‘’Climat, Eau, Ecosystème et Développement’’ (LACEEDE), Département de Géographie et Aménagement du Territoire (DGAT), Université d’-Calavi (UAC) Résumé La commune de Ouinhi fait partie des territoires les plus vulnérables aux inondations en raison des facteurs naturels (géomorphologique, hydrographique, climatique), humains (occupation inappropriée des terres) et socioéconomiques (faible capacité d’adaptation des populations). Dans le cadre du développement territorial climato-résilient, il est nécessaire d’explorer des mesures d’adaptations qui permettent de limiter les effets négatifs des inondations et d’en valoriser les opportunités. Les statistiques hydro-climatiques utilisées concernent les hauteurs de pluie des débits du fleuve Ouémé obtenues respectivement à Méto-Bénin et à la DGEau. De même, les données géomorphologiques, pédologiques et d’occupation du sol ont été obtenues. En plus les informations de terrain sont collectées par des enquêtes auprès des acteurs et les observations directes. La combinaison des approches statistiques et cartographiques a été mise à contribution pour traiter les données et informations à l’aide de logiciels appropriés. Le territoire est sujet à deux types d’inondations, celles liées aux abats pluviométriques locaux (juin-juillet) et celles liées aux crues de l’Ouémé et ses affluents (septembre-octobre) en rapport avec les pluies des secteurs situés plus au nord de la Commune de Ouinhi. Le changement climatique et l’occupation spontanée de l’espace, induisent une augmentation de la fréquence et de l’ampleur des inondations au cours de ces dernières décennies avec des déconvenues socioéconomiques graves. Mais, ces catastrophes peuvent être source d’opportunités en raison des activités qui y sont liées (pêches, cultures de décrues, maraichage) à condition que les résultats de la cartographie soit judicieusement utilisées et que les acteurs s’inscrivent dans une dynamique de proactivité et utilisent un système souple d’alerte précoce. Mots clés : Commune de Ouinhi, changements climatiques, inondations, opportunités planification territoriale climato-sensible, cartographie Abstract The District of Ouinhi is one of the most vulnerable territories to flood due to natural (geomorphological, hydrographic, climatic), human (occupation / inappropriate land) and socio-economic (low capacity of adaptation of populations) factors. In the context of climate- resilient territorial development, it is necessary to explore adaptation measures that limit the negative effects and enhance opportunities. The hydro-climatic statistics used relate to the rainfall heights of the Ouémé River flows obtained respectively in Méto- and DGEau. Similarly, geomorphological, soil and land use data were obtained. In addition, field information is collected through stakeholder surveys and direct observations. The combination of statistical and cartographic approaches has been used to process data and information using appropriate software. The territory is subject to two types of floods, those related to the local rainfall offal (June- July) and those related to the floods of Ouémé and its tributaries (September-October) in connection with the rains of the sectors located more to north of Ouinhi Commune. Climate

187 change and the spontaneous occupation of space are increasing the frequency and magnitude of floods in recent decades with serious socio-economic disruption. However, these disasters can be a source of opportunities because of the activities that are linked to them (fishing, recession farming, market gardening) provided that the results of the mapping are used judiciously and that the actors are part of a dynamic of proactivity and use a flexible early warning system. Keywords : District of Ouinhi, climate change, floods, opportunities, climato-sensitive territorial planning, cartography tool 1. Introduction Il est maintenant admis que le système climatique mondial est sujet à des changements sans équivoque (GIEC, 2007 et 2014). Ces changements se manifestent, par un réchauffement thermique sans équivoque associé à des dérèglements pluviométriques et une forte occurrence des évènements météo-climatiques extrêmes. Outre les composantes environnementales qui sont affectées, les conséquences de ces changements n’épargnent aucun secteur de la vie socioéconomique et constituent de ce fait un défi majeur pour l’humanité entière. Ainsi, ils affectent le milieu physique de l'homme et l'influence dans ses relations avec son environnement, le confrontent à de nouveaux défis qui l'ébranlent dans ses dimensions psychique, culturelle et socio-économique. Aggravés ou amplifiés par d’autres facteurs naturels (état de surface) et humains. Les effets de ces changements peuvent concernés l’érosion côtière, les graves sécheresses et corolaires et surtout des inondations parfois très dévastatrices. En effet, les inondations représentent presque la moitié de toutes les catastrophes météorologiques au cours des deux dernières décennies, affectant 2,3 milliards de personnes (UNISDR, 2015). La même source indique que chaque année, des millions de personnes et des milliards d‘euros d’actifs à travers le monde sont affectés par les inondations, lesquelles sont à l’origine de plus de pertes sur les plans économique, social et humanitaire à l’échelle mondiale que n’importe quel risque naturel. Selon GIEC (2014), les bassins et plaines hydrographiques figurent parmi les secteurs les plus exposés à ces calamités hydro- climatiques. En plus des facteurs hydro-climatiques les inondations qui y surviennent sont fortement influencées par le contexte social, démographique, économique et politique des populations humaines qu’elles affectent (Schwarz et al., 2017). Parmi les régions du monde considérées les plus vulnérables aux changements climatiques et leurs conséquences, l’Afrique de l’Ouest (Alain et Mohamed, 2012) y compris le Bénin apparaît bien comme l’une des plus vulnérables. De même, selon World Bank (2008), bien que l’Afrique Subsaharienne ne soit pas une région de prédilection pour les catastrophes, sa plus grande vulnérabilité est liée aux facteurs physiques, sociaux, économiques et environnementaux qui affectent négativement la capacité des populations à sécuriser et protéger leurs activités génératrices de revenus. Ainsi, en Afrique de l’Ouest les inondations sont de plus en plus intenses ces dernières années (Diarra, cité par Blalogoé, 2014) qui ont engendré d’importants dégâts environnementaux, matériels et humains tant dans les agglomérations urbaines que dans les milieux ruraux. Si les politiques idoines anticipatives et/ou adaptatives des inondations et corolaires ne sont mises en œuvre dans cette région, l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) serait sérieusement compromis dans le contexte des changements climatiques prévus. C’est pourquoi, ‘’il est donc impératif que les impacts du changement climatique et de la variabilité soient intégrés dans les processus

188 de planification du développement et de la budgétisation. Cette intégration devrait conduire à l'adoption des mesures visant à réduire la vulnérabilité, le traitement de la réduction des risques comme partie intégrante du processus de développement. La prévention climatique des efforts de développement en cours et futurs en Afrique exigent le développement des systèmes écologiques intégrant la réduction des risques de catastrophes, la gestion de l'environnement, le changement climatique et le développement durable’’ (UA, 2014). Au Bénin, la tendance est tout préoccupante dans la mesure où, les inondations prennent de l’ampleur en raison de la fréquence des pluies exceptionnelles et de l’occupation anarchique du sol (Blalogoé et al., 2012 ; Boko et al., 2012 ; Ogouwalé, 2005). Ainsi, la destruction des infrastructures sociocommunautaires, des exploitations agricoles, la noyade des animaux domestiques, la paralysie des activités économiques, la fermeture temporaire des écoles et la prolifération des maladies (le paludisme, les gastro-intestinales, le choléra, les infections respiratoires aiguës, etc.) sont les conséquences des inondations survenues au cours des dix dernières années (Ogouwalé, 2005 ; Houndénou, 2011). Les localités situées dans les plaines d’inondation des cours et plans d’eau sont les plus concernées (PANA-Bénin, 2008 ; Boko et al., 2012). Il apparait donc que toute initiative dans le sens du développement des territoires dans les pays comme le Bénin doit prendre en compte le facteur climatique au travers de l’analyse de la vulnérabilité des systèmes de production et des possibilités d’adaptation qui intègrent les savoirs empiriques, les connaissances scientifiques et les avancées technologiques. La Commune de Ouinhi, située dans la basse vallée de l’Ouémé, principal cours d’eau du Bénin, figure parmi les territoires les plus vulnérables aux inondations et corolaires. Le développement de cette entité territoriale essentiellement rurale passe par l’atténuation des effets néfastes de cette catastrophe à ampleur et occurrence de plus en plus importantes et de maximiser les opportunités y associées. La présente réflexion s’inscrit alors dans une perspective d’exploration des mesures d’adaptations qui permettent de limiter les effets négatifs et valoriser les opportunités associés aux inondations qui pourraient devenir une catastrophe structurelle dans cette Commune très exposée. Elle cadre bien avec le principe de développement territorial climato-intelligent qui devrait orienter les actions et décisions à toutes les échelles spatiales dans le cadre de l’adaptation aux changements climatiques qui concerne les pays sous-développés comme le Bénin. 2. Méthodes Les données utilisées sont relatives aux hauteurs de pluie (journalières, décadaires, mensuelles et annuelles) de la station synoptique de (la plus proche de la Commune de Ouinhi) pour la période 1941-2010. Elles ont été extraites de la base de données de l’Agence Nationale de la Météorologie (Météo-Bénin). De même des données hydrologiques constituées des débits journaliers du fleuve Ouémé à la station de sur la série 1959- 2010, extraites de la base de données de la Direction Générale de l’Eau (DGEau), sont utilisées. Par ailleurs, les informations géomorphologiques, pédologiques et d’occupation du sol ont été obtenues au niveau des Laboratoire ‟Pierre PAGNEY’’ Climat, Eau, Écosystèmes et Développement (LACEEDE), Laboratoire d’Etudes des Dynamiques Urbaines et Régionales (LEDUR), Laboratoire de Biogéographie et d’Expertise Environnementale (LABEE) du Département de Géographie de l’Université d’Abomey-Calavi. En plus les informations de terrain sont collectées par des enquêtes auprès des acteurs que sont les paysans et les personnes ressources (cadres de la Mairie, cadres en charge de l’encadrement rural, chefs d’arrondissement, chefs de village). A cet effet, un échantillon N

189 de 250 ménages agricoles a été choisi dans toute la Commune en utilisant la formule de Schwartz (1995). n = (ε2*P*Q)/i2 N= la taille de l’échantillon ; ε = marge d’erreur fixé à 1,196 ; P = proportion des ménages concernés par les inondations par rapport à l’effectif des ménages de la Commune estimée par une enquête exploratoire à 0,6 ; Q = 1-P = 0,4 ; i = seuil de confiance fixé à 6% dans le cadre de ce travail. Les 250 ménages choisis ont été répartis dans les 4 arrondissements de façon proportionnelle à l’effectif total des populations (tableau I). Tableau I. Effectif des ménages choisis par arrondissement Arrondissements Localités Effectif des ménages interrogés Dasso Agonkon,Bossa, 55 Gbokpago, Yaago Ouinhi Ahicon, Akantèzoungo, Ganhounmè, Holli, 80 Ouokonzoungomè Sagon Adamè, Ahogo Dolivi, 71 Ahizè, Tévèdji. Tohouè Akassa, Gagban, 37 Hounnoumè. Total 250

Dans chaque arrondissement, les localités ont été choisies avec l’aide des personnes ressources de manière à respecter l’équilibre et les spécificités géographiques de même que l’importance de la production agricole. Quant aux ménages choisis, ils ont été identifiés en tenant compte de leurs niveaux de connaissances et d’expériences dans la gestion des inondations. En plus de chefs de ménages 25 personnes ressources à raison de 17 chefs de village, 4 chefs d’arrondissement, 2 cadres de la mairie et 2 cadres en charge de l’encadrement rural, sont ciblés. Les discussions individuels (avec le questionnaire) et de groupes (avec le guide d’entretien) de même que les observations personnelles de terrain (avec la grille d’observation) ont été les techniques d’enquêtes utilisées. La fréquence et l’ampleur des inondations, les causes, les dégâts (agricoles, socioéconomiques, matériels, etc.) causés, les mesures d’adaptations réactives et/ou anticipatives (individuelles, communautaires et institutionnelles) mises en œuvre ou souhaitées, ont constitués l’essentiel des points de discussions avec les différents acteurs. La variabilité des hauteurs de pluies analysée à partir de la distribution des années excédentaires (humides) et des années déficitaires (sèches), définie par rapport à l’indice pluviométrique standardisé. De même, l’évolution interannuelle des hauteurs de pluie journalières supérieures ou égales à 40 mm (chargées de risques d’inondation) a été analysée. Quant à l’identification des années pluviométriques extrêmes, elle est faite par l’analyse fréquentielle Ainsi, les années dont la fréquence au non dépassement est supérieure ou égale à 90 % sont considérées comme des années extrêmement pluvieuses, tandis que les années dont la fréquence au non dépassement est inférieure ou égale à 10 % sont considérées comme des années extrêmement sèches.

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S’agissant de la variabilité hydrologique, elle a été faite en considérant les débits instantanés les plus élevés de chaque année de la série. Ensuite la fréquence des valeurs extrêmes accompagnées de débordements hydrologiques a été analysée. Les informations socioéconomiques quant à elles ont été traitées en utilisant des outils de la statistique descriptive (fréquence relative ou absolue) et la construction des graphes. L’approche cartographique qui a combiné les facteurs pédologiques, hydrographiques et géomorphologiques ajoutés aux informations de terrain a permis de spatialiser les niveaux de vulnérabilité du territoire aux inondations et de suggérer une planification conséquente de l’occupation et de l’utilisation de l’espace. 3. Résultats 3.1 Facteurs naturels et humain des inondations La Commune de Ouinhi (figure 1) est localisée au sud-est du département du Zou entre 06 °57 ’ et 07 °11 ’ de latitude nord et 02 °23 ’ et 02 °33 ’ de longitude est. D’une superficie de 483 km² Ouinhi est l’une des neuf Communes du département et compte 4 arrondissements que sont : Dasso, Sagon, Tohouè, Ouinhi.Elle est limitée au Nord-Ouest par la Commune de , au Sud-Ouest par la Commune de , au Sud-Est par la Commune de Bonou et à l’Est par la Commune d’Adja-Ouèrè dans le département de l’Ouémé.

Figure 1. Situation géographique de la Commune de Ouinhi Le contexte climatique correspond à la transition entre le subéquatorial (à 4 saisons dont 2 pluvieuses et 2 sèches) et le soudanien (à 2 saisons tranchées). Le régime pluviométrique (figure x) est globalement uniodal à base large (8 mois pluvieux) mais avec une forte décroissante pluviométrique en août. De la sorte, il y a deux maxima, le premier en en juin (160 mm) et le second en septembre (140 mm).

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Pluie (mm) Débit (m3/S)

180 600

150 450 120

90 300 Pluie(mm) 60 Débit(m3/s) 150 30

0 0

Avr

Oct

Mai Juil

Nov

Déc

Févr Juin

Août

Janv Sept

Mars

Mois

Figure 2. Régimes pluviométriques et hydrologique de la Commune de Ouinhi A l’échelle annuelle, le cumul moyen atteint 1050 mm. Cette répartition pluviométrie est favorable aux activités agricoles dans la mesure où elle permet 2 campagnes agricoles normales en plus de la campagne de contre-saison ou de décrue. 3.1.1 Fondements naturels des inondations Au plan hydrographique, la commune de Ouinhi est traversée par le fleuve Ouémé (environ 45 km). On note également plus de 40 lacs et ruisseaux dont les superficies varient de 4 à 200 hectares sans oublier la présence de quelques lacs notamment Slé, Tohiassi, Taho tous situés dans l’arrondissement de Sagon. Le régime hydrologique du principal cours d’eau est de type tropical (figure 2) en lien avec le contexte pluviométrique de la partie amont (haute vallée de l’Ouémé). Ce contexte pluvio-hydrographique expose la Commune à 2 types d’inondations par an. Le premier type est lié à la pluviométrie locale et intervient entre les mois de juillet et août alors que le second type est associé à la crue de l’Ouémé (et des autres cours et plans d’eau) qui intervient entre septembre et octobre. Au-delà des valeurs moyennes, la Commune est soumise à une instabilité pluviométrique et hydrologique interannuelle avec l’occurrence des valeurs extrêmes génératrices des inondations (figures 3 et 4).

4

12 3

2

8 1

0

4

-1 Nombre Nombre evenement Standardized Precipitation Index -2

0

-3

1941 1945 1949 1953 1957 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 2001 2005 2009 2013

1941 1946 1951 1956 1961 1966 1971 1976 1981 1986 1991 1996 2001 2006 2011 2016 Years Année Figure 3. Variabilité interannuelle des hauteurs du nombre de jours de pluie supérieure à 40 mm

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Dans l’ensemble, les années chargées de risque d’inondations (pluie excédentaire et forte occurrence de fortes pluies journalières) sont plus fréquentes au cours des années 1990 et 2000 contrairement aux décennies précédentes. Les années excédentaires sont plus caractérisées par une forte concentration des pluies pendant les mois pluvieux notamment mai, juin, et septembre. Une telle répartition augmente les risques d’inondations associées aux pluies locales. En qui concerne les débits maximaux du fleuve Ouémé, ils ont connu une évolution similaire. Les débits maximaux ont varié entre 100 et 1600 m3/s avec une forte occurrence des fortes valeurs (supérieures à la moyenne) après les années 1980 même si les valeurs record (de 1963 et 1968) ne sont pas atteintes.

1500

1300

1100

900

700

500 Maximumflow (m3/s) rate 300

100

1959 1962 1965 1968 1971 1974 1977 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 2010 Years Figure 4. Variabilité des débits maximaux de l’Ouémé Pendant les années excédentaires comme 2010, l’occurrence des fortes valeurs est plus élevée pendant les mois d’août, septembre et octobre parfois indépendamment des pluies locales (mais des pluies des stations situées plus amont). De même, les débits maximaux de 1100 m3/s enregistrent les fréquences les plus élevées (15 %) surtout au cours des décennies 1990 et 2000. Or, le débit de seuil de crue (chargé de risque d’inondation) de l’Ouémé à Bonou est de 1000 m3/s (Donou, 2007), ce qui signifie que les crues donc les risques d’inondations ont une forte occurrence dans le bassin inférieur du fleuve Ouémé. En ce concerne les composantes pédologiques, elles sont dominées par les vertisols hydromorphes, les sols hydromorphes minéraux ou peu humifères à Gley de profondeurs, les sols hydromorphes minéraux ou peu humifères à pseudo-Gley, les sols ferralitiques faiblement désaturés et appauvris et les sols ferrugineux tropicaux lessivés. Les trois premiers types de sols sont exploités pour l’agriculture traditionnelle. De façon générale, les sols de la Commune de Ouinhi présentent de bonnes aptitudes pour plusieurs types de cultures comme les tubercules, racines, céréales, légumineuses, etc. Mais, pendant la saison humide, ils sont vite saturés en eau et facilitent les débordements et l’envahissement des exploitations et/ou établissements humains par des vagues d’eau (inondations). S’agissant du contexte géomorphologique (figure 5), il correspond au plateau sédimentaire côtier du Bénin. Dans l’ensemble, la Commune de constituée de 3 unités morphologiques d’importance spatiale variable.

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Figure 5. Répartition des unités morphologiques de la Commune de Ouinhi Il y a l’interfluve ou ligne de partage des eaux qui occupe environ 7900 ha (23 % du territoire) et qui intéresse plus l’arrondissement de Ouinhi. Ensuite il y a la plaine qui occupe la vaste superficie, environ 13142 ha (39 % du territoire) qui concerne plus les arrondissements de Sagon, et Dasso). Enfin, il y a le talus (à forte pente) qui lie l’interfluve à la vallée qui occupe 35 % du territoire. Le relief est donc peu accidenté, ce qui favorise l’installation des exploitations agricoles et des établissements humains. Mais, en dehors de l’interfluve qui sont relativement épargnées, les autres unités surtout la plaine est sont très sensibles aux inondations liées aux pluies locales et/ou aux crues des cours et plans d’eau. Autrement tous les arrondissements de la Commune ont une partie de leur territoire naturellement exposée aux inondations. S’agissant des composantes végétales, il est noté en dehors de quelques îlots de forêts sacrées, la forêt dense initiale qui a laissé place à la savane, aux plantations de tecks (Tectona grandis) et de palmier à huile (Elaeis guineensis), aux zones de cultures et de jachères. Cependant, il est observé le long des vallées quelques ilots des galeries forestières. Du reste, les caractéristiques naturelles exposent la Commune de Ouinhi au risque d’inondations. Ces déterminants naturels sont aggravés par les facteurs humains notamment l’occupation et l’utilisation peu rationnelles de l’espace.

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3.1.2 Déterminants humains des inondations A l’instar des autres Communes du Bénin, l’effectif de la population de Ouinhi est en croissance soutenue (figure 6). Ainsi de 30038 habitants en 1992, l’effectif des habitants est passé à 38319 en 2002 pour atteindre 59 3181 habitants en 2013.

Population Densité

65000 125

57000 110

49000 95

41000 80

Densité (hbts/km2) Densité Effectif de la populationEffectif 33000 65

25000 50 1992 2002 2013 Années

Figure 6. Evolution de l’effectif et de la densité de la population La plus forte progression est observée entre 2002 et 2013 où le taux de croissance est de 1,55 % contre 1, 27 % pour la période 1992 -2002. Ces chiffres témoignent de la forte dynamique démographique dans cette Commune qui n’est pas sans conséquence sur la densité humaine et l’occupation de l’espace. En effet, de 62 en 1992, la densité a atteint 122, 94 hbts / km2, soit une évolution presque du simple au double. Cette tendance s’est traduite par une augmentation du nombre et de la taille des agglomérations et surtout des exploitations agricoles. Il s’agit d’une population essentiellement rurale dont l’agriculture (productions végétales, animales et halieutique) constitue la principale occupation. De type pluvial, elle est génératrice de ressources alimentaires, d’emplois et de revenus. Les exploitations agricoles sont de tailles modestes (en moyenne 1,2 ha) majoritairement individuelles et dirigées par les hommes (PDC-Ouinhi, 2004). Les calendriers culturaux sont calqué sur le régime pluviométrique moyen (cultures pluviales sur plateau) et sur le régime hydrologique moyen des cours et plans d’eau (cultures de décrue. Les systèmes d’exploitation de cultures sont fondés sur le riz, l’arachide et le maïs, le manioc, le niébé, le palmier à huile, les cultures maraîchères, le coton, etc. qui sont à la fois vivrières (en dehors du coton) et rentières. Le mode d’exploitation des terres pour la majorité des exploitations reste encore traditionnel (culture itinérante sur brûlis) avec des outils rudimentaires et une main d’œuvre essentiellement familiale. Les modes de stockage et de conservation des récolte sont traditionnels (planche 1).

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Planche 1. Vue des greniers traditionnels de stockage et de conservation des récoltes Prise de vue : Donou, septembre 2010 S’agissant de la production animale, elle concerne l’élevage des bovins et des caprins (assurés par les peulhs agro-éleveurs sédentarisés dans la Commune. A cela s’ajoute l’élevage des porcins et de la volaille assurés par les ménages agricoles et tient lieu d’activité secondaire ou d’appoint. Il convient de mentionner l’existence de foyers d’élevages non conventionnels (lapins, aulacodes, escargots) qui émergent et qui constituent une forme de diversification de la production animale par les paysans. En ce qui concerne la production halieutique, elle est encore marginale et se mène au travers des trous à poissons et des étangs piscicoles et les bas-fonds situés dans les secteurs de plaine d’inondations. Les pirogues, filets et hameçons traditionnels sont les engins mobilisés pour cette activité. Bien que doté d’un secteur communal de développement agricole (SCDA), le niveau d’encadrement des paysans est faible selon les producteurs et les agents d’encadrement en raison de l’insuffisance numérique du personnel et des difficultés d’accès aux localités et exploitations. Les producteurs se fient donc aux savoirs traditionnels et empiriques dans la conduite de leur activité. Un tel contexte limite les capacités adaptatives des producteurs face aux risques naturels notamment les inondations. Par ailleurs, le croit démographique associé aux grave sécheresses des années 1970 et 1980 ont conduit les producteurs à installer leurs exploitations agricoles et parfois des habitations dans les secteurs très exposés aux inondations comme la plaine, les lits mineurs et moyens des cours et plan d’eau, etc. (figure 7).

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Figure 7. Unités d’occupation du sol dans la Commune de Ouinhi La figure 7 montre que les agglomérations comme Gangban, Adamè, Dokodji tout comme les exploitations agricoles sont situés aux abords immédiats des cours et plan d’eau (planche 2).

Planche 2 : Exploitations agricoles installées dans le litet sur le versant du fleuve Ouémé à Ouinhi Prise de vue : Donouaoût, 2015 et Koudjègan décembre 2014 Le souci pour les producteurs de bénéficier de l’humidité du sol et des fertilisants naturels liés aux alluvions fluviales les amène à installer leurs exploitations à des espaces très exposés. De telle occupation de l’espace expose les personnes et les biens au risque d’inondation. Il en ait de même de l’occupation des espaces de talus qui sont des espaces pentus. Les pratiques agricoles sur ces surfaces constituent les principaux facteurs socio-économiques amplificateurs des crues. Trois facteurs d'aggravation des inondations sont imputés à

197 l'agriculture (Donou, 2015) à savoir : la diminution des prairies au profit des grandes cultures, notamment celle du maïs qui laisse le sol nu après les récoltes ; le drainage des terres agricoles, en particulier des fonds de vallée et l'arrachage des haies et l'arasement des talus, le plus souvent assimilés au remembrement. Le sol laissé nu après la récolte des cultures est susceptible d’infiltrer entre 30 et 60 mm/h d’eau alors qu’un sol couvert de végétation naturelles denses permet d’infiltrer jusqu’à 180 mm/h (CIRAD et GRET, 2006). Ainsi, la destruction du couvert végétal naturel au niveau du talus au profit des champs réduit les capacités d’infiltration des sols et contribue à la propagation des inondations avec des risques d’éboulement et de glissement de terrain. En définitive, à plus égard, les modes de production agricole et d’occupation de l’espace amplifient les risques d’inondations dans la Commune de Ouinhi. Seules ou avec l’accompagnement de l’Etat ou d’autres partenaires techniques et financiers, les producteurs mettent en œuvre des adaptations en fonction des moyens qui sont à leur portée en cas de sinistre. 3.2 Perceptions paysannes des inondations et mesures d’adaptation 3.2.1 Perceptions relatives à la tendance et aux causes des inondations Jadis considérées comme normales et même souhaitées par les paysans, les inondations sont de plus en plus redoutées de nos jours dans la Commune selon les enquêtes de terrain. En effet, les témoignages des acteurs ont montré que par le passé, le calendrier des crues et décrues et leur étendues spatiales était bien connues des producteurs qui en tiraient bénéfices : possibilité de cultures de décrues, la pêches au travers des trous à poisson, maraichage, etc. Mais actuellement les perturbations hydro-climatiques ont rendu irréguliers les régimes pluviométrique et hydrologique sans oublier la fréquence des évènements extrêmes qui induisent des débordements brusques et de grandes envergures spatiales qui prennent de cours les producteurs. En effet, selon les acteurs répondants (paysans et personnes ressources), les crises d’inondations sont devenues très récurrentes au cours des années 2000 et les niveaux de l’eau ne cessent de battre des records au point où les secteurs considérés comme à l’abri sont fréquemment envahis par les flots d’eau qui emportent tout sur leur passage. S’agissant des causes de ces inondations, les producteurs répondants en ont évoqué plusieurs comme l’illustre la figure 8.

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PI 80

60

CCPE 40 EE

20

0

CD DCV

OE

Figure 8. Causes des inondations selon les producteurs répondants Légende : PI = Pluie irrégulière ; EE = événements extrêmes ; DCV = Destruction du couvert végétal ; OE = Occupation de l’espace ; CD = Colère des Dieux ; CCPE = Comblement des cours et plans d’eaux La majorité des producteurs répondants attribuent les crises d’inondations à l’irrégularité pluviométrique et l’avènement des événements pluvio-hydrologiques extrêmes (respectivement 75 et 65 %). Il convient de mentionner que 60 % ont cité la combinaison des deux causes. Ensuite, la destruction du couvert végétal et les modes d’occupation de l’espace ont été mentionné respectivement par 50 et 40 %. Enfin la colère des dieux contre les déviances sociales et le comblement continu des cours et plan d’eau ont été cités de façon minoritaire (respectivement 25 et 20 % des répondants). Il ressort de ces chiffres que si les paysans ont évoqué majoritairement des causes naturelles (hydro-climatiques), une partie d’eux est aussi consciente des causses d’origine humaine à savoir les modes d’occupation et d’utilisation du sol. 3.2.2 Conséquences agricoles et socioéconomiques des inondations Les investigations de terrain ont montré que les inondations affectent à la fois la production agricole mais aussi les infrastructures individuelles ou sociocommunautaires comme les voies de déserte les écoles, les marchés, etc. (planche 3).

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Planche 3. Exemples de dommages causés par inondations dans la commune de Ouinhi a : Ecole inondée ; b : Récoltes affectées ; c : routes endommagée ; d = maisons inondées et détruites Prise de vue : Donou octobre, 2010 et mairie de Ouinhi août 2015 L’importance des impacts dépend à la fois de la période de survenue des inondations (par rapport au calendrier cultural), de l’ampleur et de la durée des inondations, de la position topographique des biens affectés, etc. A titre d’illustration, Vissin (2016) rapportant les propos d’une autorité communale indique que : ‘’chaque épisode d’inondation détruit une bonne partie des emblavures de spéculations (environ 25 000 ha) et entraîne la pauvreté des sols. Les inondations ralentissent la production halieutique par l’encombrement des bas-fonds et provoquent la destruction de l’écosystème. Les infrastructures sociocommunautaires ne sont pas épargnées : douze (12) Ecoles Primaires Publiques (EPP), un (1) CEG et trois (3) Unités Villageoise de Santé (UVS) sont régulièrement inondés. La plupart des voies d’accès (soit environ 49 km de pistes) sont dégradées. Certaines espèces animales et végétales sont en disparition. Au total 1055 ménages sont directement touchés par les inondations dans la Commune de Ouinhi d’après les données obtenues à la Mairie’’. Les cultures saisonnières (maïs, manioc, patate douce) et maraichères sont les plus affectées par les inondations contrairement aux cultures pérennes selon les producteurs confirmés par les cadre en charge de l’encadrement rural et de la Mairie. Ces cultures étant à la fois vivrières et rentières, leur destruction induit directement les problèmes de sécurité alimentaire et des manques à gagner monétaires pour les producteurs. A cela s’ajoutent les évacuations et regroupement des populations dont les habitations sont touchées dans des lieux plus sûrs au point où elles deviennent des réfugiées temporaires. De même, les quelques récoltes sauvées

200 connaissent des problèmes d’évacuation vers les lieux de consommation ou de vente en raison des problèmes de transport. Il convient d’ajouter les problèmes de santé liées aux affections hydriques dans un contexte où plusieurs localités sont ‘’coupées’’ du reste et n’ont donc pas accès aux centres de santé souvent situés dans les chefs-lieux d’Arrondissement ou de la Commune. Du reste les inondations affectent tous les piliers de la vie socioéconomique des populations de la Commune de Ouinhi. En réaction, des mesures d’adaptation individuelle, communautaire ou institutionnelle sont mise en œuvre. 3.2.3 Mesures d’adaptation mises en œuvre Face aux dégâts des inondations et leurs incidences désastreuses, les différents acteurs adoptent les mesures résumées dans le tableau V. Tableau V. Synthèse des mesures d’adaptation utilisées par les producteurs Principales mesures Avantages/finalités Difficultés/limites Avant les inondations (mesures préventives) Cérémonies cultuelles Implorer la clémence et la Les prières ne sont (temples, églises, protection et les puissances toujours exaucées mosquées) invisibles contre les effets néfastes des inondations Récoltes précoces Sauver les produits avant les Risques de fortes pertes inondations post-récoltes Semis précoces Permet de finir les récoltes avant Risques liés à une rupture les inondations pluviométrique Choix de variétés Permet de finir les récoltes avant Dépendances vis-à-vis des culturales à cycle court les inondations structures détentrices des semences Construction d’étangs et Permet la production Pas toujours efficace et des trous halieutique, de déversoirs ou de vites débordés drains en cas d’inondations Occupation du plateau Limiter les risques d’inondations Problèmes fonciers, incidences environnementales Pendant les inondations (mesures réactifs) Utilisations des barques Pour faciliter l’évacuation des Faibles capacité et personnes et des biens et assurer accessibilité le transport Regroupement des Trouver d’abris aux sinistrés et Capacité et accessibilité populations dans les les protégés insuffisantes centres d’accueil et distribution des vivres et médicaments Récoltes d’urgence Pour sauver une partie des Pertes importantes en récoltes raison des difficultés de

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stockage, de conservation ; Ouverture de drains Pour drainer les exploitations Nécessite de travaux de agricoles et les concessions groupes et efficacité limité inondées Sources : Enquêtes de terrain Ces mesures qui peuvent revêtir un caractère individuel, communautaire ou institutionnel visent à limiter les impacts des inondations. Les taux d’adoption des mesures préventives sont faibles et ne dépassent guère 20 %. De même, les mesures réactives initiées par l’Etat et les PTF (regroupement et distribution des vivres ou médicaments) sont toujours insuffisantes pour couvrir tous les besoins et n’arrivent pas toujours à temps d’après les informations obtenues sur le terrain. A ces mesures spécifiques aux inondations s’ajoute la mise en œuvre des projets/programmes de développement agricole qui couvrent la Commune de Ouinhi mais qui ne sont pas spécifiquement liée aux mesures d’adaptation aux extrêmes hydro-climatiques, mais à des politiques de développement rural du Bénin (Donou, 2015). Les principaux axes d’intervention des projets et programmes sont : la formation agricole et la vulgarisation des techniques agraires qui préservent l’environnement ; l’assistance à la paysannerie à travers l’octroi de crédits ; la formation agricole et la vulgarisation des techniques de la lutte contre les inondations ; la mise en place de structure de stockage et de commercialisation des produits agricoles ; la promotion d’infrastructures communautaires (hydraulique villageoise, pistes rurales, etc.). Le développement de ces projets a connu un intérêt et un accroissement de leur nombre après la crise alimentaire de 2008. Pour juguler cette crise, les pouvoirs publics ont choisi l’option d’accroître la production agricole du pays en renforçant les mesures déjà développées, mais surtout en réduisant la vulnérabilité des systèmes de production agricole aux effets des changements climatiques. L’efficacité de toutes ces mesures reste à évaluer mais les acteurs concernés pensent qu’elles ne sont pas toujours sûres et comportent des limitent et contraintes. Il convient alors d’envisager les alternatives qui permettront de mieux minimiser durablement les impacts négatifs des inondations et de valoriser les opportunités y associées dans cette Commune très exposée.

3.3 Nécessité d’une planification territoriale hydro-climato-résiliente 3.3.1 Rappel du contexte et des enjeux Quel que soit les mesures d’atténuation mises en œuvre le système climatique mondial en général et ouest-africaine en particulier connaitra des perturbations multiformes au cours des prochaines décennies (GIEC, 2007 ; GIEC, 2014 ; Alain et Mohamed, 2010). Les anomalies déjà observées n’en sont que des signes annonciateurs. Au Bénin (y compris le bassin de l’Ouémé dans lequel s’intègre la Commune de Ouinhi, les changements climatiques se manifesteront par un réchauffement thermique associé à une multiplication des extrêmes hydro-pluviométriques, une concentration accrue de la pluviométrie d’hivernage (Ogouwalé, 2006, Issa, 2012, Lawin et al., 2013). Sur le plan démographique, la tendance actuelle se maintiendra et population connaitra une croissance soutenue avec des implications sur la densité et l’occupation du sol. A cela s’ajoute le problème de la sécurité alimentaire et de l’amélioration des conditions des vies des populations qui dépendent de la production agricole. Or, tous les sous-secteurs de

202 l’agriculture à savoir la production végétale, la production animale et la production halieutique sont très sensibles aux perturbations hydro-climatiques actuelles et à venir. Il apparait donc que la prise en comptes des mesures cohérentes d’adaptation et de résilience est fondamentale pour que l’agriculture continue de jouer son rôle de moteur de développement socioéconomique dans les différentes régions du Bénin (Boko et al., 2012). C’est au regard de cet enjeux que sur le plan international, les questions de la gestion de l’environnement, objet des COP 21 et 22, de la résilience et de l’Agriculture Intelligente face au Climat (AIC) ont émergé sans occulter celles relatives à la Neutralité de la Dégradation des Terres (NDT) comme un axe majeur de mise en œuvre de la Convention des Nations Unies pour la Lutte contre la Désertification (CNULCD) et confirmée par la cible 15.3 des ODD (MAEP, 2017 ; Torquebiau, 2017). Au niveau régional, l’Agriculture Intelligente Face au Climat (AIC) a été également adoptée à Bamako en 2015 comme l’une des réponses les plus pertinentes des acteurs agricoles face aux effets des Changements Climatiques en d'Afrique de l'Ouest. Au niveau national, le Plan Stratégique de Développement du Secteur Agricole (PSDSA) à l’horizon 2025 et le Plan National d’Investissements Agricoles et de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (PNIASAN) pour la période 2017-2021, ont pris en compte les orientations internationales et sous régionales et ont intégré la problématique des changements climatiques, de la résilience de l’agriculture face aux changements climatiques, l’agriculture intelligence face au climat (MAEP, 2017). De même, dans le cadre des réformes engagées dans le secteur agricole, l’Etat béninois a décidé la territorialisation du développement agricole pour mieux valoriser les spécificités de chaque territoire. La Commune de Ouinhi figure dans le pôle 5 avec pour ambition le développement de l’arboriculture fruitière (agrumes, mangues, palmier à huile) de des cultures vivrières (riz, maïs, arachide, tubercules, etc.) et les activités agro-sylvo-pastorales. En somme, dans un contexte hydro-climatique hostile et de croissance démographique soutenue, la Commune de Ouinhi devra s’inscrire dans le processus du développement conformément aux orientations internationales et nationales. La planification territoriale hydro-climato-résiliente semble en constituée un moyen essentiel.

3.3.2 Suggestions pour une planification basée sur la cartographie territoriale La spatialisation concertée et participative du risque d’inondations constitue un outil précieux dans le cadre de la planification territoriale. Elle permet en effet de procéder à une affectation judicieuse de l’utilisation de l’espace de manière à minimiser les effets négatifs des inondations mais surtout d’en tirer profit des opportunités. A cet effet, la carte de vulnérabilité de la Commune aux inondations (figure 9) a été faite sur la base d’une analyse multicritère qui a pris en compte et les états de surface et les informations de terrain.

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Figure 9. Zonage de la vulnérabilité de la Commune de Ouinhi aux inondations La figure 9 permet de distinguer des secteurs à très forte vulnérabilité constitués d’espaces occupés par les cours et plan d’eau avec leur lit mineur. Ces secteurs qui couvrent environ 35 % du territoire communal sont occupés par l’eau pendant au moins 4 mois de l’année et connaissent régulièrement (toutes les années) à la fois les inondations liées aux pluies locales (juin-juillet et septembre) et aux crues (septembre-novembre). En plus, il y a les secteurs à forte vulnérabilité (couvrant environ 12 % du territoire communal) constitués du reste de la plaine inondable et une partie des talus et qui connaissent fréquemment (3 années sur 5) les inondations pouvant durer 2 à 3 mois. Ensuite il y a les secteurs de faible vulnérabilité sur les talus qui connaissent rarement (1 année sur 5) les inondations surtout liées aux fortes crues pouvant durer 2 à 3 semaines au plus. Enfin, il y a des secteurs à très faible vulnérabilité essentiellement (couvant seulement 10 % du territoire communal) constitués des sommets des interfluves et qui n’ont pas été touchés par les inondations au cours des 20 dernières années mais qui pourraient en cas d’évènements hydro-climatiques très exceptionnels.

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Les arrondissements de Sagon, Gangban et Dasso sont plus concernés par les secteurs de très forte et de forte vulnérabilité. Les enclos de faible vulnérabilité sont constitués de buttes et de bourrelets qui constituent des élévations de terres au milieu de la plaine. Les secteurs de faible vulnérabilité sont plus concentrés dans l’arrondissement de Ouinhi qui est aussi concerné par les autres niveaux de vulnérabilité. Dans le cadre de son opérationnalisation cette carte pourrait faire l’objet d’ateliers participatifs en vue de sa son actualisation et validation à l’échelle d’arrondissement et à l’échelon des terroirs villageois. De la sorte, non seulement la Commune, mais aussi les arrondissements et les villageois pourront disposer d’une carte de vulnérabilité à l’inondation. Après cette étape, les populations pourront être sensibilisées sur les règles et principes d’occupation et de l’utilisation de l’espace qui permettent de tirer profit des inondations. Ainsi, la construction d’habitations et greniers et autres infrastructures sociocommunautaires devra être proscrite dans les secteurs à très forte vulnérabilité. La Commune appuyée par l’Etat et les autres PTF pourra discuter avec les populations qui y sont déjà installées la possibilité de leur relocalisation avec les mesures d’accompagnement adéquates. Ces espaces pourront être valorisés dorénavant pour la production maraichère, les cultures de décrue, la riziculture et la pisciculture avec des aménagements sommaires et l’encadrement technique appropriés. S’agissant des secteurs à forte vulnérabilité, ils pourront être le siège des mêmes activités en plus la plantation du palmier à huile et d’autres espèces pérennes adaptées. Ils abriteront également des greniers et des habitations plus élaborés sur la base des connaissances empiriques et des technologies souples disponibles (les pilotis par exemples). Ils peuvent aussi abriter des aménagements hydro-agricoles adaptés pour mobiliser de l’eau afin de limiter l’ampleur des inondations et les effets des sécheresses qui, au demeurant, sont récurrentes dans la Commune. En ce qui concerne les secteurs à faible vulnérabilité correspondant aux talus, ils pourront être destinés à la promotion de l’agroforesterie à base des fruitiers et agrumes avec les cultures vivrières. La présence des arbres est destinée à reboiser les versants et à en limiter les effets de l’érosion. La possibilité d’aménagements hydro-agricoles pour les productions maraichère, rizicole et halieutique pourra également être envisagée sur la base des expériences en cours dans la Commune ou ailleurs dans ces secteurs. Les secteurs à très faible vulnérabilité pourraient être prioritairement destinés aux habitations et autres infrastructures sociocommunautaires en plus des activités de production agricole. Les camps peuls et les troupeaux du gros bétail seraient localisés dans ces secteurs pour faciliter les activités agro-sylvo-pastorales. De même, des aménagements à but agropastoral pourraient être localisés dans ces secteurs tout comme les infrastructures modernes de stockage et de conservation des récoltes. Outre, le soutien de l’Etat et des PTF, la mise en œuvre de ces mesures nécessitera l’engagement des autorités locales et l’implication des chefs traditionnels, les ONG, les structures d’encadrement et de vulgarisation, les acteurs de la recherche et des producteurs (individuels ou organisés en groupements). Des cadres de concertation et d’échanges à différentes échelles seront également nécessaires dans ce processus de planification territoriale hydro-climato-sensible. Ces cadres permettront d’actualiser périodiquement la cartographie de la vulnérabilité et les calendriers des crues et des activités pour limiter les risques.

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De même un cadre participatif, opérationnels d’informations et d’alerte précoces sur les inondations sera nécessaire avec des personnes de relai jusqu’au niveau des villages pour la prévention et la gestion des inondations. A cet effet, les spécificités territoriales de la Commune de Ouinhi où les inondations peuvent être liées aux pluies locales et/ou aux crues (donc des pluies lointaines) devront être grandement prises en compte. Cela implique que les structures nationales en charge de l’observation hydrométéorologiques soient mises à contribution et que les paysans et chefs coutumiers qui disposent aussi de connaissances et d’indicateurs empiriques (écologiques, spirituels) soient réellement impliquées. Les radios de proximité et les réseaux sociaux avec l’utilisation des GSM seront aussi mobilisés sans oublier les autres canaux traditionnels d’informations. Les opportunités offertes par le système d’alerte précoce (SAP) qui existe déjà au niveau national pourront être contextualisées et utilisées à cet effet. Conclusion En raison de sa position géographique et de ses caractéristiques naturelles, la Commune de Ouinhi est très exposée aux inondations. De même, la croissance démographique soutenue et l’augmentation de la densité humaine associée à une occupation et utilisations peu planifiées de l’espace constituent des facteurs aggravants dans un contexte de faible capacité d’adaptation. Les inondations consécutives à la forte variabilité hydro-climatique de ces dernières années ont atteint des niveaux et ampleurs sans précédent. Elles induisent d’importantes pertes de cultures et de récoltes sans oublier la dégradation des infrastructures sociocommunautaires. Elles affectent ainsi, les conditions socioéconomiques des communautés et sapent les efforts de développement déployés dans cette Commune. Le cadre des changements climatiques prévus, cette catastrophe jadis conjoncturelle pourrait se transformer en crise structurelle à laquelle la Commune doit faire face. Il importe donc de mettre en œuvre des mesures et stratégies qui permettent de minimiser les dégâts et surtout de tirer profit des opportunités. Dans cette perspective, la rationalisation de l’occupation et de l’utilisation de l’espace par l’utilisation des résultats de la cartographie de la vulnérabilité spatio-temporelle des inondations paraît nécessaire. A cet effet, les connaissances scientifiques et technologiques de même que les savoirs empiriques devront être mises à contribution dans un cadre participatif et concerté. Par ailleurs, la mise en place d’un système souple d’informations et d’alerte précoce des inondations est nécessaire. Les prochains documents de planification de développement (plan de développement communal, schéma directeur d’aménagement du territoire) devront s’inscrire dans cette optique de planification territoriale hydro-climato-sensible. Il s’agira d’un processus laborieux mais nécessaire qui nécessitera la mobilisation d’importances ressources humaines et financières avec l’utilisation d’approches participative et interactive. Références bibliographiques Alain F. et Mohamed T. 2012. L’Afrique face aux changements climatiques. Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 260 |, mis en ligne le 01 octobre 2015, consulté le 30 juillet 2018. URL : http://journals.openedition.org/com/6692. Blalogoé P., 2014. Stratégies de lutte contre les inondations dans le Grand : Diagnostic et alternative pour une gestion durable. Thèse de doctorat unique École Doctorale Pluridisciplinaire d’Université d’Abomey-Calavi, 242 p.

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