L'exploration Saharienne De Félix Dubois En 1907
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
L’exploration saharienne de Félix Dubois en 1907 Jean-Loïc Le Quellec To cite this version: Jean-Loïc Le Quellec. L’exploration saharienne de Félix Dubois en 1907. Les Cahiers de l’AARS, Saint-Lizier : Association des amis de l’art rupestre saharien, 2008, pp.161-189. halshs-00696126 HAL Id: halshs-00696126 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00696126 Submitted on 10 May 2012 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. L’exploration saharienne de Félix Dubois en 1907 Jean-Loïc Le Quellec * En 1907, Félix Dubois a monté une expédition saharienne In 1907, Félix Dubois organised a Saharan expedition qui lui a permis d’effectuer d’abondantes découvertes ar- which enabled him to make numerous archaeological dis- chéologiques en Ahaggar, notamment le premier char sché- coveries in Ahaggar, in particular the first schematic cha- matique jamais signalé au Sahara, mais aussi nombre de riot ever to be reported in the Sahara, but also many rock peintures et gravures rupestres, ainsi que des monuments paintings and engravings, as well as funerary monuments funéraires (certains fouillés par ses soins). Dubois n’ayant (some of which he excavated himself). As Dubois never pu- jamais publié ses résultats, son travail est resté méconnu. blished his results, his work has remained unrecognised. Félix Dubois (Fig. 1) est un explorateur fort méconnu pour ce qui concerne son aventure saharienne, et dont les notes, photographies et carnets de voyages sont désormais conser- vés aux Archives Départementales des Deux- Sèvres à Niort. Ce fonds se compose essentiel- lement de cinq carnets manuscrits, du premier jet d’un récit de voyage qu’il ne termina jamais, de deux carnets de tirages photographiques, d’une série de pellicules et de plusieurs boîtes de clichés sur plaque de verre, le tout non com- plètement inventorié. Les citations qui suivent sont extraites du « récit de voyage » (abrégé désormais en RV) et des « carnets » manus- crits, qui seront appelés dans le texte par leur numéro respectif sous la forme C1, C2, etc. Bénéficiant de l’appui de plusieurs minis- tères (des colonies, des affaires étrangères et de l’instruction publique), des gouvernements généraux de l’Algérie et de l’Afrique occi- dentale, du Comité de l’Afrique française, de Fig. 1. Félix Dubois la Société de Géographie et de la Société de lors de son arrivée Géographie commerciale, Félix Dubois avait à Tombouctou. pour mission d’étudier la vie des habitants Sauf indication du Sahara, ainsi que son « état économique », contraire, toutes les photographies principalement pour « faire une étude générale illustrant cet article sur la situation actuelle au Sahara », et plus sont de Félix particulièrement chercher à savoir s’il était Dubois lui-même. possible « d’établir des contacts commerciaux réguliers entre l’Algérie et le Soudan » (La 1907. C’est de là qu’il écrivit à un ami : « Voilà Quinzaine coloniale, 1907 : 390, 1908 : 241). deux mois que je suis dans les montagnes, et je Parti à chameau de Biskra le 9 avril 1907, il ne sais quand j’en sortirai, tant j’y trouve des gagna Touggourt le 11 avril, Ouargla le 17, El- choses intéressantes, inattendues, passionnan- Goléa le 6 mai, avant de se rendre au pâturage tes… Très pittoresque, le pays ! Et avec cela, de Meguiden puis au Gourara et au Grand Erg de la société ! Demain, je vais passer huit jours dans le campement du roi des Hoggars, tout Occidental. Après avoir rencontré le général (*) Directeur de Laperrine à Taghouzi, il se rendit le 11 juin à seul avec mon domestique — premier Euro- recherche au CNRS, Adrar, chef-lieu du Touat, séjourna aux oasis péen auquel les Touaregs ouvrent ainsi leur chercheur à L’IFAS Gil Blas et laissa In Salah le 29 juillet, puis rencontra intimité » (Cité dans le journal du 31 (Johannesburg) le Père de Foucauld à Tamanghaset en octobre janvier 1908). [email protected] Cahiers de l’AARS — N° 12 — Mai 2008 161 Jean-Loïc Le Quellec Fig. 2- 3. Itiné- Ensuite, il passa à Idélès, Silet, Timissao et montre pour savoir si l’heure de la halte et du raire de la mission I-n-Ouzel (dernier point d’eau avant la traver- déjeûner approche. Mais voici l’heure: les deux Félix Dubois. sée de la Tanezrouft), pour arriver à Gao le 8 pieds trépignant sur le plancher du bureau, je décembre. De là, il remonta le Niger et parvint veux dire sur le cou du méhari. Ceci s’accom- à Tombouctou le 18 décembre, avant de rentrer pagne de br, br, br. On tend la bride lâche, et en France par le Sénégal 1 (Fig. 2 et 3). le bureau s’accroupit pour ne plus bouger et Félix Dubois rapporte que, durant la partie attendre la fin du déjeûner. » (C1 : 45-46). saharienne de son voyage, il commençait ses Lors des déplacements d’un site à l’autre il journées par un footing entre cinq et six heures trouve les journées bien longues: « Je montai le du matin, puis, lorsqu’il lui fallait se déplacer, premier jour 7 heures consécutives, et 6 jours de il grimpait sur son chameau, qu’il avait sur- suite 9 heures en me mettant en route. Au bout nommé son « bureau » : de 10 jours j’y restai 11 heures sans trop fati- « Je grimpe à mon bureau alias sur mon guer, sauf 3/4 d’heure pour déjeûner. » (C1 : 46). mehari. Je griffonne des notes. Je lis. J’allume Pourtant, il ne se plaint pas, et il prend même une cigarette ou la gourde donne un coup. De rapidement goût à cette vie : « J’ai été nomade. temps en temps, assurément, le sol du bureau J’ai vécu sous la tente des mois durant. J’ai eu me manque sous les pieds; les mouches aga- des chameaux. Eh bien, c’est merveilleux! […] cent l’animal et il vient frotter son museau, ou Devant des sites qui vous plaisent, s’arrêter, bien il voit une touffe particulièrement ten- rêver, penser à ailleurs les yeux fixés sur un tante et, tirant sur les rènes, il broute si bien cadre qui vous ravit. Puis, dès que la lassitude va vous prendre, embrasser, graver encore une 1. La Quinzaine que [j’ai] les pieds dans le vide. Vers 10 heu- coloniale, 1908 : res on commence à avoir envie de quitter le fois dans son œil, le site qui vous arrête, char- 241-242; et Terrier bureau. Mais le moyen? Il fait trop chaud pour ger ses chameaux et chercher un cadre nouveau, 1907 : 425 marcher. Alors on passe son temps à tirer sa séducteur à ses pensers. » (C1 : 63). 162 L’exploration saharienne de Félix Dubois en 1907 Dans ses carnets, il mentionne de nom- Premières peintures breux toponymes, mais comme il ne parlait Au cours de son périple, Félix Dubois eut la pas la tamahaq, et que son système de trans- surprise de tomber sur les premières peintures cription est souvent approximatif, il est sou- rupestres jamais signalées au Sahara central, vent difficile de localiser ses haltes ou ses où l’on n’avait repéré avant lui que des gravu- découvertes. Ainsi de la « Gara Tilkkine », res. Il raconte ici comment cette découverte, qu’il n’a pas été possible de localiser. Tilkin effectuée à Tit, fut entièrement due au hasard: veut dire « les poux », mais l’usage de ce nom « J’avais pour ami de compagnie, là haut à en toponymie n’est pas suprenant puisqu’en distance respectueuse, un énorme lézard, long Immidir se trouve un « col des poux »: Téhé d’une coudée [« amaterter » a été ajouté ulté- ta-n-Tilkin. rieurement en marge par l’auteur, au crayon, Un autre toponyme énigmatique est celui pour préciser le nom touareg de l’agame], dont d’Illaman Kevel, où le second terme résiste les allées et venues m’intéressaient énormément, à l’interprétation; mais Ilâman (lmn ) est le moins pour les fourmis argentées et les minus- nom d’un célèbre sommet de l’Ahaggar et cules araignées dont il me débarrassait bénévo- aussi celui d’un oued important descendant lement que pour sa robe colorée. Le corps et les de l’Atakor et prenant le nom de Tit en aval pattes étaient d’un beau bleu doux, comme la (Foucauld 1940 : 152). Koudia qui se profile à l’horizon; l’épine dorsale se marquait au rouge, et sa grosse tête se mon- Le « village d’Erafat » désigne vraisem- trait ivoire. Plus loin, des moindres, des jeunes blablement celui d’Hêrhafek ( hrhfk ) non sans doute, se montraient au contraire avec la loin duquel se trouvent des gravures (Fou- tête lapis, l’échine orange, et l’appendice tout cauld 1940 : 114). L’oued « Illel » ne saurait ivoire. Je le voyais à l’habitude disparaître sous être que la vallée Elel ( ll « laurier-rose »), qui une énorme roche silhouettée lourdement en descend en versant nord-ouest de l’Asekrem, pomme de terre, de celles oblongues qui sont et qui comporte également des gravures (Fou- dites “de Hollande”. Pour fantaisie me vint de cauld 1940 : 151). voir son logis. M’étant approché, je m’aperçus que la pomme de terre, le rocher, était comme L’oued « Tahasse », lui, ne peut guère être creusée en dessous par quelque ver blanc aux thsa que la vallée de Tâhâsa ( ), située au nord papilles d’acier.