LES MACHINES KLKVATRICKS 1VEAU SAUSSY

par Mlle Françoise VIONIKH

II est clifïicile de déterminer quelle fut la destination de la grande roue à godets élevée près de la source des Mousseneux sur le territoire de , en forêt de Malte, et de la tour élévatrice d'eau qui domine encore le village de Saussy. L'auteur de ces constructions est un industriel et chimiste lyonnais, Paul Bredin, né à Lyon en 1834 et mort à Saussy en 1898. Ayant fait fortune dans la fabrication de produits tinctoriaux il voulut, en 1875, bâtir en bordure des bois de Saussy un somptueux rendez-vous de chasse. Pour parvenir à ses fins il acquit de divers particuliers et de la commune de Saussy une série de parcelles de terrain au lieu-dit Les Charmes, en un point où se croisaient l'ancien chemin abandonné de Vernot à et le chemin de Saussy à . Devenu propriétaire il obtint du Préfet de la Côte d'Or, par arrêté du 29 février 1876, une dérogation à la législation forestière l'autorisant à bâtir à 50 mètres de la lisière des bois moyennant l'engagement, signé devant notaire à Lyon le 9 mai suivant, de démolir maison et dépendances « s'il est jamais reconnu que cette construction soit devenue nuisible au sol forestier L ». Restaient à régler avec la commune le problème du tracé des chemins et celui, primordial, de l'eau qui faisait cruellement défaut en ce point culminant du plateau calcaire. Les tractations furent laborieuses : elles se poursuivirent de juin à novembre 187(5 alors que les travaux de construction étaient déjà commencés. La commune en effet possédait, dans un creux en contre-bas du village, une fontaine alimentant un lavoir et un abreuvoir.

1. Toute la documentation utilisée est conservée sous les cotes provi- soires 11. O. 589/1-2 des Archives départementales de la Côte-d'Or. SAUSSY (Gôte-d'Qr), altitude 5*;". - Tout Bredin

FlO. 1. T()UI< ÉLÉVATKICE DE SAUSSY VIÏT1S 1000 (Cliché Vawt). LES MACHINES l'îLÉVATHICES D'EAU 353

Le débit étant intermittent, le Conseil Municipal avait décidé le 11 novembre 1874 la construction d'un réservoir. Les travaux, adjugés à un entrepreneur d' en juillet 1875, n'étaient pas encore achevés lorsque Bredin entra en scène : en effet la réception définitive du bâtiment intervint en août 1879 seulement. Bredin chercha à tirer parti de cette initiative et la commune voulut profiter de la nécessité dans laquelle il se trouvait pour obtenir de lui divers avantages, d'où les clauses du contrat arrêté en Conseil Municipal le 3 novembre 1876 : 1. Bredin était autorisé « à construire à proximité de la fontaine communale et sur les terrains communaux une tour supportant un réservoir et à faire monter dans ce réservoir, soit au moyen d'une pompe mue par un moulin à vent, soit par tout autre méca- nisme qu'il jugera à propos d'employer, les eaux de la fontaine communale ». Il demeurait seul juge des dimensions à donner à la tour et au réservoir. 2. Deux prises d'eau de même niveau et de même diamètre devaient être ménagées dans le réservoir en construction : une pour Bredin et une pour la commune. Une troisième prise d'eau, à un niveau inférieur, était prévue pour le lavoir. 3. Bredin s'engageait à établir deux bornes-fontaines dans le village dont les habitants s'étaient jusqu'alors contentés de leurs citernes individuelles. 4. La commune concédait à Bredin le droit de faire passer les conduites d'eau sur les terrains communaux. 5. Tous les travaux devaient être exécutés avant la fin de 1877, Bredin restant ensuite chargé des frais d'entretien de la tour, du système d'élévation et du réservoir qui la sommait, tandis que la commune assumait ceux des conduites et des bornes-fontaines. 6. Chacune des parties disposait de la moitié de l'eau conduite dans le réservoir sans que la quantité en puisse être garantie par avance. D'autres clauses précisaient les conditions de cession de la portion de l'ancien chemin abandonné de Vernot à Dijon dans la traversée des propriétés de Bredin et celle du détournement de la route de Saussy à Chaignay 1.

1. Les contrats relatifs à oes concessions furent passés entre mai et juillet 1879, (levant Jacotot, notaire à Dijon. 354 I-'KANCOISK VKINIKH

l"'l(i. 2. S.MJSSY Réservoir communal, arc-boulunl el base tle la Tour réservoir. (Cliché ]•'. Yignier). 355

En dédommagement de ces diverses concessions, Bredin s'engageait à verser immédiatement à la commune la somme de 1 700 francs, à construire des lieux d'aisance dans la maison commune et à établir une horloge dans le clocher de l'église dans un délai de six mois. Les membres du Conseil ne dissimulaient pas, en outre, qu'ils comptaient sur les impôts à percevoir sur les soixante chiens que Bredin installait dans les chenils proches de son pavillon de chasse et du vaste manège qui le complétait. La tour fut construite et elle fut reliée au réservoir communal par un arc-boutant contenant une conduite d'eau : tout ce dispo- sitif est encore en place, à ceci près que le système d'éolienne qui couronnait le tout est privé depuis de longues années de la grande roue qui le complétait. Le sommet de la tour étant situé à 585 m et le château de Charmes à 562 m, ce procédé ingénieux, ancêtre des modernes châteaux d'eau, permit effectivement à Bredin d'avoir l'eau courante dans sa demeure... et même d'aménager devant la façade une mare qui apparaît sur d'anciennes cartes postales. Si l'on connaît donc assez bien les conditions d'édification de la « Tour de Saussy » il en va tout autrement pour la grande roue de la source des Mousseneux qui n'apparaît ni dans les documents provenant de la Préfecture, ni dans les archives de la commune de Vernot, ni dans celles des Eaux-et-Forêts. Les rares témoi- gnages oraux qui ont pu être recueillis à ce sujet sont vagues et inutilisables *. Tout au plus peut-on constater que de menues difficultés s'élevèrent dès 1882 entre Bredin et la commune de Saussy qui prétendait rendre le fonctionnement de sa pompe aspirante partiellement responsable des fissures qui étaient apparues dans le réservoir municipal dès son achèvement. Les experts' firent un sort à cette accusation, l'incompétence de l'entrepreneur étant seule en cause. On est en droit de se demander si, craignant d'être privé du précieux liquide par quelque revirement de la commune, Bredin n'aurait pas alors cherché une autre solution dont la fameuse grande roue serait la matérialisation : il aurait alors voulu capter à son profit la source des Mousseneux auprès de laquelle on avait, en

1. M. a recherché en vain sur place des témoignages sur l'origine de la construction et sur son fonctionnement. Il a seulement appris que la roue elle-même avait été détruite vers 1950 afin d'éviter des accidents.

23 * 350 FRANÇOISE VIGNIER

FlG. 3. VliltNOT Grande roue de la source des Mousseneux, vers 1900. (Cliché conservé à Iti mairie de Vcrnitl). l.KS MACHINES KI.KVATIUC.F.S I) KAU 357

m

Fie. I. VERSOT

Machine élévalrice. /Cliché A. Vignier). 358 FRANÇOISE VIGNIER

1838, construit une maison forestière. Rien néanmoins ne permet de préciser la date ni le fonctionnement de ce mystérieux dispositif Un cliché conservé à la mairie de Vernot montre l'édifice achevé : la roue, que certains décrivent « à aubes » et d'autres « à godets » était totalement enfermée entre deux murs hauts de 16 mètres environ, arrondis au sommet et soutenus de chaque côté par trois contreforts. Le contrefort central était percé, à mi-hauteur, d'une petite ouverture donnant sans doute accès à l'axe de la roue, à laquelle on parvenait par une échelle fort raide aboutissant à une étroite plate-forme qui subsiste encore sur chaque flanc. L'espace qu'ils déterminaient était clos de murs, ouverts à leurs bases d'une porte à chaque extrémité, et couvert d'une toiture de laves. Une petite construction surmontée d'une haute cheminée flanquait la base de l'édifice, à l'opposé de la maison forestière : il est possible qu'elle ait abrité une machine à vapeur qui, par un relais de tringles en fer, aurait entraîné la roue. Cette image permet de reconstituer l'édifice que complétait une conduite d'eau empruntant le fond du vallon, mais elle n'apporte rien sur son fonctionnement... si tant est qu'aucun procédé ait jamais réussi à faire passer de l'altitude de 410 m, qui est celle à laquelle se trouvait la roue, à celle de 562 m, à laquelle est situé le château de Charmes, le mince filet d'eau que procurait la modeste source des Mousseneux.

Compléter par LIOTABD (A.) j „ d e S a u § s y , d ans n° 90 (2e tria. 1975), p

L'eau de- la source-, stockée dans vin réservoir, descendait en ua filet qui entraînait le roue S aubes et allait se: verser dsns une citerne sous 1''appentis à cotl de la roue. Celle-ci actionnait une potepe k piston, placée dans l'appenti qui refoulait l'eau jusqu'à la base"de la tour, où une po»p« mue par l'éolieane la reprenait.