HISTOIRE DES GROUPES FRANCS (M. U. R.) DES BOUCHES-DU-RHONE de septembre 1943 à la Libération

UNIVERSITÉ DE CAEN FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES HISTOIRE DES GROUPES FRANCS (M.U.R.) DES BOUCHES-DU-RHONE de septembre 1943 à la Libération

THÈSE POUR LE DOCTORAT D'UNIVERSITÉ PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES DE L'UNIVERSITÉ DE CAEN

par Madeleine BAUDOIN

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 1962

AVANT-PROPOS

Le 9 octobre 1944, le Bulletin officiel du Commissariat régional de la République à Marseille publiait l'arrêté suivant : « La date de la Libération pour les territoires relevant de la région de Marseille est fixée au 31 août 1944. » Quinze ans après nous avons essayé de faire revivre un épisode de la lutte pour cette Libération ; c'est l'histoire des Groupes Francs de Marseille et des Bouches-du-Rhône, de ces deux départements, comme on disait à l'époque où, dans le bouleversement général, la géographie elle-même était boule- versée. Marseille, « Marsouin », « Marchands », était le chef-lieu de la Région2, et ses environs, jusqu'aux limites du Gard, du Vaucluse, des Basses-Alpes et du Var, constituaient le département des Bouches-du-Rhône. Aix ne perdait pas pour autant ses droits de capitale, puisqu'elle fut le centre de la direction régionale des M.U.R. L'histoire ici proposée, je l'ai écrite avec la simplicité que conseillait déjà Amelot de La Houssaie : « ... J'ai usé par tout d'un langage familier & naturel, comme l'on fait dans les conversations, tenant pour maxime, que les Commentaires & les Mémoires ne veulent point de termes empoulés, ni magnifiques : mais au contraire demandent un discours exemt de fard & d'afectation. » (1).

2 éd.,(1) AMELOTPréface. DE LA HOUSSAIE, Tibère, Discours politiques sur Tacite, Paris, 1685, C'est l'histoire exaltante et douloureuse de ceux qui ne plièrent ni devant l'occupant, ni devant les pourvoyeurs des Sections spéciales, où l'accusé sans défense était condamné sans appel. C'est l'histoire de Lucien Vivaldi, fusillé par les miliciens de Darnand après l'inique arrêt de la Cour martiale. C'est l'histoire de Drouet, dont la vie fut marquée par cinq étapes : l'Assistance publique, l'usine, le combat, la fusillade, le coup de grâce. Cette fin, Drouet la pressentait. Lorsqu'on lui demandait si ça allait, il répondait invariablement : « Très bien, comme un quart d'heure avant la mort. » La mort, il la trouva, face à la Gestapo, sur cette terre des Alpes où Dumont et bien d'autres moururent les armes à la main. C'est l'histoire de Thibaut, que nous rencontrâmes pour la dernière fois à Marseille au printemps 1944. Thibaut, peu après avoir reçu le commandement F.F.I. de la Région2, tomba sous les balles d'un peloton allemand, et cela le 15 août. C'est l'histoire de Montausier, assassiné sous la torture par la Feldgendarmerie, la veille de la Victoire, couronnement tragique d'une vie mise tout entière au service de la liberté, puisqu'en Espagne déjà il voulut être l'un des premiers au « rendez-vous allemand ». Madeleine BAUDOIN, alias Marianne Bardini, G.F. de R2. INDEX DES PSEUDONYMES

PSEUDONYMES QUALITÉ NOMS RÉELS Allaire Responsable du Bureau Sylvain CARDONE. d'Enquêtes régional des Groupes Francs. Archiduc Régional S.A.P. (Sec- Camille RAYON. tions d'Atterrissage et de Parachutage). Marianne Bardini . Membre des Groupes Madeleine BAUDOIN. Francs de Marseille. Bayard Chef régional des Grou- Jean GARCIN. pes Francs des M. U.R. (Région2), chef d'État- Major du chef régional F.F.I., Jacques RE- NARD, alias Thibaut, alias Turpin. Berthier Responsable de l'A.S. André AUNE. (Armée secrète) de Mar- seille. Bertin Chef régional de Com- Maurice CHEVANCE. bat. Premier chef ré- gional des M.U.R. (Région2). Bresse Chef régional de Com- Maurice CHEVANCE. bat. Premier chef ré- gional des M. U.R. (Région2). Callas Membre de l'État-Ma- Gaston BEAU. jor départemental F.T. P. F. de Marseille (Commissaire aux opé- rations régional). Casanova Membre des Groupes André DUMONT. Francs de Marseille. PSEUDONYMES QUALITÉ NOMS RÉELS Cayrol Commandant militaire Guy SERBAT. de la 3e Subdivision F. T. P. F. (interrégions de Limoges, Toulouse, Montpellier), puis ad- joint au Commissaire aux opérations de la zone Sud, puis chef de détachement F.T. P.F. à Marseille. Charlotte Agent de liaison des Éliane ELDIN. M. U.R. de Marseille. Circonférence Délégué militaire régio- Louis BURDET. nal de la Région2. Cloître Délégué militaire régio- Guillaume WIDMER. nal de la Région2, suc- cesseur de Circonfé- rence. Curé ResponsableS.A.P.(Sec- BORNIER. tions d'Atterrissage et de Parachutage) de la région située au sud de la Durance. Delage Chef de la S.I.P.O. et Ernst DUNKER. du S.D. de Marseille. Solange Delrieu .... Agent de liaison de Max Suzanne DUPRAT. JUVÉNAL, alias Maxen- ce, chef régional des M.U.R. Dorothée Responsable régional Bernadette RATIER. du Service social des M.U.R. Assistante so- ciale nationale de la zone Sud. Jacques Dorval .... Membre de l'État-Ma- Paul BOUY. jor interrégional F.T. P.F. (Marseille) (Com- missaire aux effectifs interrégional). Dumont Chef des Groupes Paul HÉRAUD. Francs des Hautes- Alpes ; chef des F.F.I. des Hautes-Alpes. PSEUDONYMES QUALITÉ NOMS RÉELS Duroc Adjoint de Ravanel, Raymond DELEULE. responsable national des Groupes Francs des M.U.R. Fouché Responsable national Marcel DEGLIAME. de l'Action Ouvrière et de l'Action Immé- diate (M. U.R.). Délé- gué général F.F.I. de la zone Sud. Gaillard Organisation universi- René MARIANI. taire des M.U.R. Gardel Membre du Directoire Frédéric FORTOUL. régional des M. U.R. (Région2). Gilles Responsable départe- Eugène TOURETTE. mental du S.R. (Ser- vice de Renseigne- ments) des M.U.R. de Marseille. Granville Membre de l'État-Ma- Louis BLÉSY. jor interrégional F.T. P.F. (Commissaire aux opérations interrégio- nal) (Marseille). Hache Instructeur militaire Roger OLIVE. parachuté. Hervé Membre des premiers Raymond VINCENT. Groupes Francs de Marseille. Huitton Représentant des F.T. Henry SIMON. P.F. à l'État-Major régional F.F.I. (Ré- gion2). Chef régional F.F.I. après la Libéra- tion. Imbert Secrétaire régional ad- Gérard HERMANN. joint des M.U.R. (Ré- gion2). Isly Responsable régional Henri GENNATAS. du R.O.P. (Recrute- tement, Organisation, Propagande). Jacques Membre de la M.O.I. Laurent KISKA. PSEUDONYMES QUALITÉ NOMS RÉELS Joinville Chef d'État-Major na- Alfred MALLERET. tional F.F.I. Le Loup Membre des Groupes Jacques LARCHÉ. Francs de Marseille. Levallois Premier chef régional Robert ROSSI. F.F.I. de la Région2. Lévis Chef des Groupes Francs Jean COMTE. de Marseille et des Bouches-du-Rhône. Lionel Chargé de l'organisa- Francis LEENHARDT. des C.D.L. pour la zone Sud. Président du C.D.L. des Bouches- du-Rhône p. i. Louis Adjoint de Jacques RE- Frédéric DURIAU. NARD, alias Turpin, chef régional F.F.I. (Région2). Marceau Responsable de l'A.S. André AUNE. (Armée secrète) de Marseille. Max Premier chef des Grou- Auguste DELABRE. pes Francs de Mar- seille. Maxence Chef régional des M. Max JUVÉNAL. U.R. (Région2), prési- dent du Comité de Li- bération des Bouches- du-Rhône. Montcalm Membre des Directoires Georges FLANDRE. départementaux des M. U.R. de Marseille et des Bouches-du-Rhô- ne. Morlot ...... Premier chef régional Charles GONARD. des Groupes Francs (Région2). Paule Agent de liaison de Georgette GUYOT. Jean GARCIN, alias Bayard, chef régional des Groupes Francs des M.U.R. (Région2). PSEUDONYMES QUALITÉ NOMS RÉELS Patricia Responsable régional Bernadette RATIER. du Service social des M.U.R. Assistante so- ciale nationale de la zone Sud. Perpendiculaire Chef régional de Jacques LÉCUYER. l'O.R.A. de la Ré- gion2. Représentant de l'O.R.A. à l'État- Major F.F.I. de la Région2. Pierre le Corse .... Membre des Groupes Xavier OLLANDINI. Francs de Marseille. Pioche Instructeur militaire René OBADIA. parachuté. Polygone Délégué militaire de zo- BOURGÈS-MAUNOURY. ne (zone Sud). Pons Responsable d'un grou- Jacques MÉKER. pe d'action autonome en liaison avec les M.U.R. Membre du réseau Action Buck- master « Jockey ». Com- mandant de détache- ment F. T.P.F. à la Libération. Pontcarral Responsable national DEJUSSIEU. de l'Armée secrète, puis chef de l'État-Major national des F.F.I. (Forces françaises de l' Intérieur). Raoul Membre du groupe de Eugène RITON. Jacques MÉKER. Ravanel Responsable national Serge ASHER. des Groupes Francs des M.U.R. Chef régional F.F.I. (Région4). René, ou Gros René Membre des Groupes Urbain CABRIDENS. Francs de Marseille. René Membre des Groupes Constant DROUET. Francs de Marseille. Richemont ...... Chef régional du R.O.P. Henri GENNATAS. (Recrutement, Orga- nisation, Propagande). PSEUDONYMES QUALITÉ NOMS RÉELS Rivière Organisation univer- Max LOUBAT. sitaire des M.U.R., membre des Groupes Francs de Marseille. Robin Membre des Groupes Edmond FABRE. Francs de Marseille. Roger Chef du réseau Action Francis CAMMAERTS. Buckmaster « Jockey » (Région1 et Région2). Rossel Responsable des C.F.L. Henry Pozzo DI BORGO. (Corps francs de la Li- bération ) de Marseille. Rudy Membre des Groupes André DUMONT. Francs de Marseille. Saint-Sauveur Commandant d'un ré- Colonel CONSTANS. giment de Tirailleurs, chef régional F.F.I. (Région2). Sampiero Membre des M.U.R. Antoine MARCANTETTI. en liaison avec les G.F. Sapin Chef régional de l'O.R. Jacques LÉCUYER. A. de la Région2. Re- présentant de l'O.R. A. à l'État-Major F.F.I. de la Région2. Simca Responsable de la S.A. Aimé PONTIER. P. (Sections d'Atterris- sage et de Parachutage) desBouches-du-Rhône. Sunt Représentant des F.T. Henry SIMON. P.F. à l'État-Major régional F.F.I. (Ré- gion2), chef régional F.F.I. après la Libé- ration. Templier Membre des Groupes Jean TOSCAN. Francs de Marseille. Secrétaire régional des Faux-Papier s des M. U.R. (Région2). Thibaut ...... Responsable régional de Jacques RENARD. l'Action immédiate (M. U.R.). Deuxième chef régional F.F.I. (Région2). PSEUDONYMES QUALITÉ NOMS RÉELS Thomas Membre des Groupes Robert MONTAUSIER. Francs de Marseille. Tibère Membre des Directoires Albert HAGÈGE. départementaux des M. U.R. de Marseille et des Bouches-du- Rhône, membre des Groupes Francs de Marseille. Titi Membre des Groupes Ange-Toussaint RAFFINI. Francs de Marseille. Turpin Responsable régional de Jacques RENARD. l'Action Immédiate ( M. U.R.), deuxième chef régional F.F.I. (Région2). Valentin Membre des Groupes Simone ARNAUD. Francs de Marseille. Valmy Responsable régional de Albert CHABANON. l'Organisation Univer- sitaire des M.U.R. (Région2). Vauban Chef départemental des Pierre LAMAISON. F.F.I. de Marseille. Verrier Responsable d'un grou- Jacques MÉKER. pe d'action autonome en liaison avec les M. U.R. Membre du ré- seau Action Buckmas- ter« Jockey». Comman- dant de détachement F.T.P.F. à la Libéra- tion. Vial Responsable régional de Adolphe LESTRADE. l'Action Ouvrière (M. U.R.) et des Corps Francs de la Libération (C.F.L.) des Bouches- du-Rhône. Vigo ...... Responsable des C.F.L. Henry Pozzo DI BORGO. ( Corps Francs de la Libération) de Mar- seille.

CHAPITRE PREMIER

ORGANISATION DE LA RÉSISTANCE DANS LA ZONE SUD

Les trois mouvements de zone Sud : Combat, Libération, Franc-Tireur, nés spontanément après la défaite et l'instaura- tion du gouvernement de Vichy, n'eurent que très peu de contacts avant la fin de l'année 1941 avec le Comité de la France libre à Londres, présidé par le général de Gaulle (1). A la suite de longs efforts, Jean Moulin, ancien préfet de Chartres, chef de la Délégation générale du général de Gaulle près la Résistance intérieure, parvint à unifier les trois mouvements de zone Sud (2). La fusion fut complète en mars 1943 et donna naissance aux Mouvements Unis de Résistance (M.U.R.). Un Comité directeur, ou Directoire des M.U.R., présidé par Jean Moulin, est constitué. Il comprend un représentant des trois mouvements : Henri Frenay, de Combat, commissaire aux Affaires militaires ; Emmanuel d'Astier de La Vigerie, de Libération, commissaire aux Affaires politiques ; Jean-Pierre Lévy, de Franc-Tireur, commissaire aux Renseignements. Au Comité directeur sont subordonnés un responsable national des Groupes Francs : Ravanel ; un responsable national de l'Armée secrète : d'abord le général Delestraint agréé par le Comité de Londres ; puis, après l'arrestation de Jean Moulin et de Delestraint : Dejussieu, alias Pontcarral ; un responsable (1) Le Comité de la France libre fut créé à Londres le 22 juin 1940. La France libre(2) devint Le Comité la France national combattante français, crééen juillet le 24 septembre1942. 1941, institue une Déléga- généraletion générale. avait pourJean butMoulin de dirigerdevint etdélégué de contrôler général la enRésistance février 1943.intérieure. La Délégation Cet orga- pasnisme être devait coiffés souvent par lui. se heurter aux mouvements de Résistance, qui ne voulaient national du Service de Renseignements Gemahling ; un respon- sable national du N.A.P. Claude Bourdet. Le Comité directeur nomme un Directoire régional de trois membres ; l'un des trois membres a un pouvoir plus étendu que les deux autres, c'est le chef régional des M. U.R. Le Directoire régional nomme à son tour un Directoire départemental de trois membres, reflétant aussi les tendances des trois mouvements initiaux. Le Front national, sur l'initiative du Parti Communiste, est constitué en mai 1941. Il fonctionne dans la zone Nord et dans la zone Sud ; il est plus développé dans celle-là que dans celle-ci. Le Comité directeur du Front national dans la zone Nord est dirigé par Pierre Villon, et dans la zone Sud par Georges Marrane. Le Front national ne fusionnera jamais avec les M.U.R. L'organisation militaire du Front national s'appellera Francs-Tireurs et Partisans français. Les F.T.P.F. sont issus de l'appareil clandestin du Parti communiste. Ils sont partisans de l'action immédiate. L'armement des F.T.P.F. est inférieur à celui des autres formations de Résistance. Le responsable national des F.T.P.F. est Charles Tillon ; son adjoint est le professeur Marcel Prenant. Les F.T.P.F. sont très cloisonnés. L'O.R.A. (Organisation de Résistance de l'Armée, issue de l'O.M.A., Organisation militaire d'Action) est constituée à la fin de 1942, lorsque l'armée de l'armistice est dissoute. Son chef est d'abord le général Frère, puis, après l'arrestation de ce dernier en juin 1943, le général Verneau, qui, arrêté à son tour en 1943, est remplacé par le général Revers. L'O.R.A., de tendance giraudiste, n'est pas favorable à l'action immé- diate ; son activité est centrée sur le renseignement et la préparation du jour J. Les mouvements de la zone Nord et de la zone Sud étaient en contact par l'intermédiaire du Comité général d'Études, créé par Jean Moulin en juin 1942. Le C.G.E. est chargé de la préparation de la nouvelle administration qui sera installée à la Libération. C'est une sorte de Conseil d'État sous la direction de la Délégation générale. Les mouvements des deux zones sont en relation aussi par l'intermédiaire d'une Délégation installée à Genève par les M.U.R. Cette Délégation, créée par Frenay, est en contact avec Londres et avec les services américains de Berne. Guillain de Bénouville assure la liaison entre les divers mouvements et cette Délégation. Au printemps 1943, à l'instigation du Comité de Londres (1) et à la demande des partis politiques, malgré l'opposition et les réserves de certains chefs de mouvements à l'encontre de ces partis, Jean Moulin créa le Conseil national de la Résistance, dont il devint le président. La Résistance était unifiée (2). La première séance du C.N.R. eut lieu à Paris, 48, rue du Four, le 27 mai 1943. Le C.N.R. groupe les M.U.R., les cinq mouvements de zone Nord (le Front national, Libération-Nord, l'Organisation civile et militaire, Ceux de la Résistance, Ceux de la Libération), les centrales syndicales C.G.T. et C.F.T.C. et les partis ou groupements politiques suivants : le Parti socialiste, le Parti communiste, les Démocrates populaires, les Radicaux, l'Alliance démocratique et la Fédération républi- caine, à raison d'un représentant pour chaque parti, centrale ou mouvement, et de trois membres pour les M.U.R. issus de Combat, Libération et Franc-Tireur. Pour éviter tout danger vu le nombre important de ses membres, le C.N.R. ne tint plus séance jusqu'à la Libération. Son bureau devait assurer une permanence. Il était composé de cinq membres seulement (Georges Bidault, nommé président après l'arrestation de Jean Moulin le 21 juin 1943, Maxime Blocq-Mascart de l'O.C.M., Louis Saillant de la C.G.T., Pierre Villon du Front National et Pascal Copeau de Libération-Sud : trois communistes ou communisants sur cinq). Le Conseil national de la Résistance établit un programme « le programme du C.N.R. », qui est divisé en deux parties : la première traite des conditions de la lutte clandestine, la deuxième des questions sociales, politiques et économiques, qui intéresseront l'après-Libération (3). A côté du C.N.R., le Comité directeur des M.U.R. et le Comité de Coordination des cinq mouvements de zone Nord instituent le Comité central des Mouvements, afin que les (1) Le Comité français de la Libération nationale est créé le 13 juin 1943 aprèsfrançais l'arrivée de Londres du général et du de CommandementGaulle à Alger. Ilen estchef né civil de la etfusion militaire du Comité assuré national par le généralC.F.L.N. Giraud Le général à Alger. Giraud Les se généraux retirera au de printemps Gaulle et 1944. Giraud Le 15sont mai les 1944 présidents le C.F.L.N. du deviendra(2) Pour le éviterG.P.R.F. la prépondérance (Gouvernement d'un provisoire parti au desein la du République C.N.R., cinq française). partis devaient y être(3) représentésCf. Annexe sansXI, p.considération 220 : le programme de leur importance.du Conseil national de la Résistance. différentes formations de Résistance traitent des questions qui leur sont propres en dehors des partis représentés au C.N.R. et du délégué général du Comité français de Londres. Le Comité central des Mouvements crée des Commissions qui subsisteront au sein du C.N.R., puis il disparaîtra rapidement. Une des Commissions du C.N.R. sera chargée de constituer les Comités de Libération qui devront contrôler les activités du pays après la Libération (1). Ces Comités de Libération devront être formés à l'image du C.N.R. : même représentation des tendances politiques, des organisations syndicales et des Mouvements de Résistance (2).

Les M.U.R. se subdivisent en : A) Formations civiles, comprenant : 1° Le R.O.P. (Recrutement, Organisation, Propagande) ; 2° Le N.A.P. (Noyautage des Administrations publiques) (3) et le Super-N.A.P. (Noyautage de la haute administration du gouvernement de Vichy) ; 3° Le Service social et le Service du Logement (dépendant du C.O.S.O.R., Comité des Œuvres sociales des Organisations de Résistance) ; 4° Le Service médical ; 5° Le Service des journaux clandestins, rattaché en partie à l'A.I.D. (Agence d'Information et de Documentation) ; 6° Le Service des Renseignements ; 7° Le Service des Faux-Papiers. B) Formations paramilitaires, comprenant : 1° L' Armée secrète (A.S.). — Le concept d'Armée secrète « groupement spécialisé dans la préparation militaire de l'insurrection » (4), est né à la fin de 1942, sur l'initiative de Combat. Au printemps 1943, au moment de la fusion des trois mouvements Combat, Libération, Franc-Tireur dans les M.U.R., (1) Louis-Francis Closon est chargé par André Philip, commissaire à l'Intérieur pourdu C.F.L.N., la zone Sudde l'organisationet Jean Mons pourdes C.D.L. la zone Ses Nord. adjoints sont : Francis Leenhardt militaire,(2) Une sera des étudiéecommissions au chap. les plus V. importantes du C.N.R., la Commission d'Action (4)(3) ClaudeIl y avait Bourdet, le N.A.P.-Fer lettre du ; le 7 N.A.P.-P.T.T.juillet 1959 à nous: le N.A.P.-Police. adressée. l' Armée secrète fusionnée comprend les formations paramilitaires de ces trois mouvements initiaux. A la page 5 du document signé Kaltenbrunner en date du 27 mai 1943, adressé à M. von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères, Berlin, W 8- 74/76 Wilhelmstrasse et soumis au Führer le 4-6-1943, on lit : « 2) La création de « l'Armée secrète » « Après d'assez longs pourparlers, Fresnay, en septembre 1942, réussit tout d'abord à grouper les sections paramilitaires des organisations Combat Franc-Tireur et Libération en une « Armée secrète » homogène. « Elle était dirigée par un « Comité de Coordination » composé de repré- sentants des différentes organisations. La section paramilitaire de Combat, grâce à sa supériorité numérique (80 %), resta prépondérante aussi dans l' Armée secrète regroupée. « Au mois de janvier 1943, Fresnay obtint que les organisations : Combat Franc-Tireur et Libération fussent placées dans leur intégralité sous les ordres d'un : Comité directeur qui fut dirigé par lui-même en tant que chef de Combat, et dont faisaient partie les chefs des deux autres organisations, à savoir : Gilles pour Franc-Tireur et Darthez pour Libération, ainsi qu'un représentant du « Comité national » du général de Gaulle à Londres, représentant dont nous ignorons le nom. » (1). L' Armée secrète est dominée par l'attentisme, préconisé par les services du Comité de Londres, dans le but, semble-t-il, d'étouffer les tendances révolutionnaires qui pourraient se manifester à la Libération. Il s'agissait donc d'attendre le jour J et jusqu'à ce jour de ne rien faire qui puisse donner prise à la répression ennemie. Dans ce même document Kaltenbrunner, des membres de l' Armée secrète sont appelés « des fonctionnaires ». Le rapport Kaltenbrunner indique à la page 20, sous le titre : « 2) Possibilités d'intervention « L'Armée secrète a pour tâche d'entrer en action dans le cas d'une invasion de troupes anglo-américaines. » (1) Il s'agit de Jean Moulin. (Note de l'auteur.) Or, l'attentisme évidemment ne mène à rien ; une lutte efficace peut et doit être menée contre l'occupant sans attendre le jour du débarquement. De plus, la répression ennemie s'exerce aussi bien sur les formations attentistes que sur les formations actives, l'expérience l'a déjà montré. N'est-il pas préférable de se mettre au travail et de ne plus attendre. 2° Les Groupes Francs (G.F.). — Aussi, en marge de l' Armée secrète, se créent les premiers Groupes Francs, nés du désir de quelques résistants de participer à la lutte active. Les G.F. sont recrutés tantôt dans l'A.S., tantôt parmi les éléments les plus énergiques des formations civiles, tantôt parmi les éléments n'appartenant à aucune organisation. Parallèlement, l'organisation Fer (Sabotage sur les réseaux de chemins de fer) est créée. L'Organisation Fer devait rapi- dement fusionner avec les Groupes Francs. La fusion fut complète dans la région provençale à la fin de 1943. A la page 9 du document Kaltenbrunner il est écrit : « La section « Groupe Franc» mérite une mention particulière. Même après la création de« l' Armée secrète» unifiée, elle a gardé son organisation indépen- dante. Elle représente une formation de spécialistes d'attentats au moyen de matières explosives qui est forte d'environ 1 100 hommes et qui, jusqu'au début de mars 1943, a déjà entrepris 150 actions.» (v. PL. III.) Le responsable national des Groupes Francs est Ravanel, successeur de Renouvin. 3° L'Action ouvrière (A.O.). — Il existe une troisième formation d'action immédiate, l' Action ouvrière, qui fut constituée dans les entreprises. Son but est le sabotage sous toutes ses formes de la production servant à l'ennemi. Son action principale consiste à protéger les ouvriers contre les départs en Allemagne au titre du Service du Travail Obligatoire. Elle fut créée avant la fusion par Marcel Degliame, alias Fouché. 4° Les nés, en mars 1943, du Service du Travail Obligatoire (1). (1) Cf. Annexe V, p. 214 : « Service du Travail Obligatoire ». LES PATRIOTES UNIS Organe du Comité de Libération des Bouches-du-Rhône Georges FLANDRE alias MONTCALM Capitaine de l'Armée du Salut Membre des Directoires des M.U.R. de Marseille et des Bouches-du-Rhône Fusillé à Charleval (Bouches-du-Rhône) le 13 juin 1944 La France est divisée en douze régions, correspondant aux régions administratives instituées par le gouvernement de Vichy (1). La zone Sud comprend six régions. Chaque région comprend plusieurs départements. La Région1, chef-lieu : . La Région2, chef-lieu : Marseille. Elle comprend sept dépar- tements : Hautes-Alpes (2), Basses- Alpes, Alpes-Maritimes, Var, Vaucluse, Bouches-du-Rhône et Marseille, « déta- chée » des Bouches-du-Rhône et consi- dérée comme un département vu son importance. Les indicatifs de la Région2 sont d'abord Marsouin, puis Mar- chands. La Région3, chef-lieu : Montpellier. La Région4, chef-lieu : Toulouse. La Région5, chef-lieu : Limoges. La Région6, chef-lieu : Clermont-Ferrand. Les principales formations des M.U.R. se reconnaissant politiques ou se prétendant apolitiques ont des représentants au Directoire régional des M.U.R. Le premier chef régional des M.U.R. de la Région2 fut Maurice Chevance, alias Bertin. A partir de l'année 1943, après l'arrestation de Chevance- Bertin, le chef régional des M.U.R. de la Région2 est Max Juvénal, alias Maxence. Max Juvénal naquit le 22 novembre 1905 à Aix-en-Provence. Avocat près la Cour d'appel d'Aix. Il est mobilisé en 1939 avec le grade de lieutenant au 341 régiment d'infanterie. Il part comme volontaire avec l'escadre qui amène un corps expédi- tionnaire à Flessingue. Il participe à la retraite de Hollande et de Belgique. Il arrive en Angleterre le 5 juin 1940 avec ses Région(1) LaA :zone Région appelée d'Amiens zone Nord,; Région comprend B : Région les 6 derégions Bordeaux de Résistance ; Région Csuivantes : Région : Régionde Châlons-sur-Marne P : Région de ; Paris.Région D : Région de Dijon ; Région M : Région du Mans ; (2) Le département des Hautes-Alpes fut rattaché à la Région2 en juillet 1944. desAuparavant Hautes-Alpes ce département demeurèrent dépendait toujours de sous la Région1. le contrôle Néanmoins de la Région2. les Groupes Francs sous-officiers, sur une barque de pêche armée par leurs soins. Il retourne en France le 7 juin et commande une compagnie en Normandie. Légèrement blessé, il est fait prisonnier le jour de l'Armistice, et s'évade le 7 août 1940. Dès octobre 1940, il commence à organiser la Résistance à Aix-en-Provence. Il remplit successivement les fonctions de : Chef local de l'Armée secrète ; Chef départemental du mouvement Combat ; Chef départemental des Mouvements unis de Résistance ; Chef régional des M. U.R. de la Région2 ; Président du Comité départemental de Libération des Bouches- du-Rhône. En mai 1944 il réalise la première liaison avec la Résistance italienne ; à cet effet, il franchit les Alpes et parcourt clandes- tinement les hautes vallées du Piémont (1). Il est grièvement blessé par balles le 19 août 1944 à Venelles, lors d'une rencontre avec un détachement allemand (2). (1) Cf. Annexe XXVIII, p. 252 : « France et Italie ». (2) Max Juvénal est officier de la Légion d'honneur. Il est titulaire de la croix de guerre avec palme et de la médaille de la Résistance française avec rosette. Il est mutilé de guerre au taux d'invalidité de 70 %. Max Juvénal a été délégué par le Mouvement de Libération nationale à l'Assem- blée consultative. Membre des Assemblées constituantes, il a été élu conseiller général au lendemain de la Libération. Max Juvénal a été juge à la Commission d'Instruction de la Haute Cour pendant 2 ans ; membre de la Commission de la Justice pendant trois mandats ; président de la Sous-Commission d'Enquête en zone occupée et sous-commissaire chargé de l'Inspection des Cours et Tribunaux ; membre suppléant du Conseil supérieur de la Magistrature pendant 7 ans. Max Juvénal est membre du Comité directeur de l'Association nationale des Avocats, ainsi que de la Commission des Grâces algériennes. Député des Bouches-du-Rhône (Groupe parlementaire socialiste) et vice-prési- dent de la Commission de la Justice à l'Assemblée nationale pendant la troisième législature de la IV République. Entre Chevance-Bertin et Juvénal il faut signaler la présence d'Auguste Sarie, alias Berger, comme chef régional des M. U.R. A ce sujet Max Juvénal nous précise, dans une lettre du 15 décembre 1959 : « En ce qui concerne Sarie, vous me demandez si, effectivement, pendant un temps assez court, il avait été chef régional. « Je réponds par l'affirmative ; il est exact qu'entre le moment où Chevance a quitté ses fonctions de chef régional, c'est-à-dire mai 1943, et celui où j'ai pris ces fonctions, il y a eu une période de réorganisation. Plusieurs ont été désignés, mais au bout de quelques semaines de commandement Sarie s'est rendu compte des très grosses difficultés qu'il rencontrait et que les fonctions absorbantes de chef régional ne lui permettraient pas de remplir le rôle éminent qui lui était réservé dans le Var. « C'est pour cela qu'en plein accord entre les trois mouvements de Résistance il a été décidé que je serais chef régional. « Ces fonctions d'ailleurs pendant un temps ne furent effectives que sur le papier, car en fait la Région était morcelée, coupée, et pendant les premiers mois de mon commandement je ne pus l'exercer que sur les Bouches-du-Rhône rurales, les Basses- Alpes, une partie du Var et une partie des Hautes-Alpes. Ce n'est que par la suite que petit à petit, reprenant les contacts, je pus reprendre en main les Alpes-Mari- times ainsi que les Bouches-du-Rhône d'une manière complète, puisque vous savez que Marseille, dans notre organisation, était considérée comme une unité différente du reste du département. » Le Directoire régional des M. U.R. de la Région2 comprend :

A ce Directoire sont subordonnés : Un responsable régional des Groupes Francs : D'abord Charles Gonard, alias Morlot, et son adjoint Jean Garcin, alias Bayard, puis Bayard et son adjoint Albert Hagège, alias Tibère. Un responsable régional de l'A.S. : D'abord Aubry, alias Avri- court, puis Léon Duboin, puis Jean-Baptiste Petré, puis Max Juvénal, alias Maxence. Un responsable régional du S.R. : Franck Arnal. Un responsable régional du N.A.P. : Georges Cisson, alias Dubos. Un responsable régional des Faux-Papiers : Jean Toscan, alias Érasme (membre des Groupes Francs sous le pseudonyme de Templier). Un responsable régional du R.O.P. : Henri Gennatas, alias Isly, alias Richemont. Un responsable régional du Service social : D'abord Agnès Bidault, alias Élisabeth, puis Bernadette Ratier, alias Patricia. A la page 12 du rapport Antoine, rédigé le 11 août 1944 par la Gestapo de Marseille, sous la rubrique : « ORGANISATION DE LA RÉSISTANCE DE LA 2e RÉGION » on lit : « Il résulte des dépositions et des exploitations des documents écrits trouvés dans l'affaire Antoine que dans cette région la Résistance se compose d'environ 20 organismes d'origines diverses qui ont tous été placés ou doi- vent être placés sous la Direction unique du M.L.N. (Mouvement de Libé- ration nationale). « Jusqu'à fin juin 1944 la 18e Région de la France a été dirigée par le Directoire (Comité directeur) se composant des 4 personnes suivantes : 1° Juvénal, alias Maxence ; 2° Rossi, alias Levallois (arrêté) ; 3° Alias Turpin, alias Thibaud ; 4° Alias Gardel. « En juin, vu les difficultés qui se présentaient de se réunir, ce Directoire a été réduit à un Exécutif de deux membres seulement : 1° Juvénal, alias Maxence ; 2° Rossi, alias Levallois (arrêté). « La direction politique et militaire de la région est aux mains de cet Exécutif. » Le Directoire départemental de Marseille comprend :

A ce Directoire sont subordonnés : Un responsable départemental des Groupes Francs : Jean Comte, alias Lévis. Un responsable départemental de l'A.S. : André Aune, alias Marceau, alias Berthier. Un responsable départemental S.R. : E. Tourette, alias Gilles, et son adjoint Geneviève Arnaud. Un responsable départemental N.A.P. : Jules-André Moulet, alias Bernard. Il est à signaler que les Directoires et leurs adjoints ne tinrent jamais de réunion plénière. Le Directoire départemental des Bouches-du-Rhône comprend :

La S.A.P. La Section d'Atterrissage et de Parachutage, auparavant S.O.A.M. (Service des Opérations aériennes et maritimes), puis, jusqu'en août 1943, C.O.P.A. (Centre d'Opérations de Para- chutage et d'Atterrissage pour la zone Sud), ne dépend pas des mouvements de Résistance, mais est rattachée directement au B.C.R.A. à Londres (1). Le B.C.R.A. (Bureau central de Renseignement et d'Action), antérieurement B.C.R.A.M. (Bureau central de Renseignement et d'Action militaire), service de renseignements de la France libre, dépend directement du Comité national français de Londres (2). L'insuffisance des armes, des explosifs et des fonds para- chutés par la S.A.P., et surtout leur répartition défectueuse, seront très lourdement ressenties par la Résistance. Max Juvénal, alias Maxence, chef régional des M.U.R., dans un rapport intitulé Résistance, indique à la page 7 : « J'espère qu'un jour on nous expliquera pourquoi les armes, dans notre région, furent refusées aux patriotes, pourquoi jamais le moindre poste de radio ne fut mis à la disposition du chef régional, et pourquoi nous fûmes toujours tributaires d'éléments giraudistes (3) qui voulaient nous donner des armes en échange de nos troupes, et à condition que nos cadres dispa- raissent. » Le mauvais fonctionnement de la S.A.P. en Région2 sera évoqué chaque fois qu'il sera question de matériel. Les Groupes Francs de Marseille, dont la fonction essentielle était le sabotage sous toutes ses formes, ressentirent très vivement la carence de la S.A.P. Le responsable régional S.A.P. de la Région2 est : Camille Rayon, alias Archiduc, alias Pierre Michel (4). Le responsable départemental S.A.P. des Bouches-du- Rhône est : Aimé Pontier, alias Simca (5). Les réseaux Buckmaster Autrement organisés, autrement efficaces que la S.A.P. et de loin, furent les 95 réseaux britanniques « Action Buckmaster », dirigés par le colonel Buckmaster, chef de la section française du S.O.E. (Special Operations Executive) (6).

(1) Dans la zone Nord, l'organisme similaire s'appelle B.O.A. (Bureau d'Opé- rations aériennes). (2) Le B.C.R.A. devint plus tard D.G.S.S. (Direction générale des Services spéciaux) (la D.G.S.S. fut créée par décret du 17 novembre 1943). (3) Max Juvénal fait allusion à l'O.R.A. (Note de l'auteur.) (4) Camille Rayon, alias Archiduc, alias Pierre Michel, est né le 3 juin 1913 à Antibes (Alpes-Maritimes). Actuellement restaurateur (v. Pl. VIII). (5) Aimé Pontier, alias Simca, est né le 19 juillet 1906 à Aix-en-Provence. Entrepreneur. (6) Le nombre maximum des réseaux Action Buck fonctionnant simultanément était de 55 environ. Le S.O.E. chargé d'organiser et de ravitailler la Résistance en territoire occupé dépendait directement du ministère de la Guerre économique. Il était divisé en plusieurs sections (Coun- try Sections) : une par pays occupé par les Allemands. Il y avait par exemple une section française, une section belge, une section hollandaise, une section yougoslave, etc. La Section française du S.O.E. était tout à fait indépendante des services français du B.C.R.A., et par voie de conséquence la S.A.P. et les réseaux Action Buck ravitaillés en matériel divers par le S.O.E. étaient des organismes parallèles indé- pendants. Il y avait bien quelques contacts entre eux, mais les relations n'étaient pas des meilleures. La plus grande partie du matériel dont les Groupes Francs de Marseille purent disposer provenait des services Buckmaster. Les sabotages effectués par les Groupes Francs n'auraient jamais pu être réalisés sans les explosifs fournis par le réseau Action Buck « Jockey », dirigé par le lieutenant-colonel Francis Cammaerts, alias Roger. Ce réseau étendait son activité dans tout le Sud- Est de la France. Les réseaux Action Buck ont à leur actif plus de 50 % du nombre total des parachutages effectués en France pendant les quatre ans d'occupation, et plus de 50 % du tonnage parachuté, à savoir : Nombre de parachutages réussis 3 733 Tonnage parachuté 5 007 000 kg Ce tonnage comprenait entre autres : Mitraillettes Sten 104 536 unités Grenades ...... 409 224 — Explosifs ...... 307 023 kg Les chiffres globaux du matériel parachuté en France, d'une part par la S.A.P., d'autre part par les réseaux Action Buck, nous sont donnés par le colonel Buckmaster dans son livre Mission spéciale. Les voici : Matériel parachuté en France Tonnes 594 Stens (mitraillettes) 197 480 Brens (fusils mitrailleurs) 20 518 Fusils 127 330 Pistolets ...... 57 849 Grenades 722 271 Gammons (grenades à souffle) 113 630 Mines anti-chars 9 010 Fusils anti-chars 61 P.I.A.T. (armes anti-chars) 1 206 Bazookas 2 440 Mortiers 285 Carabines (Winchester, etc.) 9 373 Marlins (mitraillettes lourdes) 1 893 Plaquettes et grenades incendiaires ...... 123 343

Nous expliquerons dans le chapitre suivant comment le matériel Buckmaster parvint aux Groupes Francs de Mar- seille (1).

(1) Voici la biographie de Buckmaster et de Cammaerts : Maurice James Buckmaster est né le 11 janvier 1902 à Rugeley (Angleterre). Ancien élève d'Eton. Successivement directeur de la Ford en France et adjoint du directeur général de la Ford European Companies de Londres. Pendant la campagne de France il est officier de renseignement près la 50 e division britannique. Après l'évacuation de Dunkerque il est officier de liaison entre la et la Royal Navy, chargé de l'interrogatoire des aviateurs allemands faits prisonniers. En août 1940 il participe aux opérations contre Dakar (Mission « A » Force) comme officier de renseignement attaché à l'Etat-Major du général Irwin, commandant les fusiliers marins, sous les ordres de l'amiral Cunningham. Il est à bord du Barham 23 fois atteint par les obus en provenance du Richelieu. En mars 1941 il est affecté au S.O.E. (Special Operations executive) et devient le chef de la Section française en septembre 1941, avec par la suite le grade de colonel d'Etat-Major. Après la guerre il reprend ses fonctions d'adjoint du directeur général de la Ford European Companies. Actuellement membre de l'International Public Relations Association comme représentant du Royaume-Uni. Le colonel Buckmaster a écrit deux livres sur la guerre : Specially employed et They fought alone. Il joua son propre rôle dans le film de Herbert Wilcox : Odette, agent S 23. Le colonel Buckmaster est titulaire des décorations suivantes : O.B.E., chevalier de la Légion d'honneur, croix de guerre avec palme, officier de l'American Legion of Merit, médailles commémoratives de la guerre 1940-1945 ; Germany Star, Vic- tory Medal, Defence Medal. Francis Cammaerts est né le 10 juin 1916 à Londres. Professeur de lycée, puis proviseur. Objecteur de conscience de 1940 à 1942. En août 1942 il s'engage dans l'organisation Buckmaster. Parachuté en France, il dirige le réseau Action Buck « Jockey » sous le pseudonyme de Roger, de février à novembre 1943 et de février 1944 jusqu'à la Libération. Ce réseau étendait son activité dans le Sud-Est de la France (Région1 et Région2). Cammaerts, un autre officier britannique et un officier français, tombèrent sur un barrage allemand le 13 août 1944 à Digne (Basses-Alpes). Arrêtés, ils furent incarcérés à la caserne Desmichels. Le 16 août une jeune Polonaise Christine Gran- ville, agent britannique parachuté dans le Vercors, se présenta chez le sous-officier S.S. chargé de l'exécution éventuelle des détenus de la caserne et lui dit pour l'impres- sionner : « Je suis la nièce du maréchal Montgomery, j'ai été envoyée par le maréchal pour vous demander de relâcher les trois officiers arrêtés, sinon vous serez condamné comme criminel de guerre. » Le sous-officier S.S. s'en fut trouver Cammaerts pour luiration. dire Cammaertsqu'il acceptait donna cette son proposition accord. Le à condition17 août les qu'il trois fût officiers épargné furent après relâchésla Libé- à 17 heures. Les autres détenus furent exécutés à 18 heures. Le sous-officier S.S., coupable de nombreuses exactions, ne fut pas condamné à mort par la suite, confor- mément à la parole donnée. Le colonel Cammaerts est titulaire des décorations suivantes : D.S.O., M.A., chevalier de la Légion d'honneur, croix de guerre avec palme. Les délégués militaires régionaux Le délégué militaire national (Chaban-Delmas) dépend directement de la Délégation générale, et doit suivre les direc- tives du B.C.R.A. Il a sous ses ordres deux délégués militaires de zone, l'un pour la zone Nord (colonel Ély, alias Algèbre), l'autre pour la zone Sud (Bourgès-Maunoury, alias Polygone). Le délégué militaire de zone dirige les délégués militaires régionaux. L'ensemble vertical des délégués militaires forme un organisme parallèle aux diverses formations de Résistance. On pourrait comparer les D.M.R. à des commissaires aux Armées. Ils font la liaison entre les Mouvements et le Comité français de la Libération nationale. Ils étudient les réactions politiques des Mouvements de Résistance et leur comportement. Ils transmettent le résultat de leurs constatations à Londres et Alger, pour que le Comité définisse son attitude à l'égard de la Résistance intérieure. Les D.M.R. ont comme fonctions essentielles : 1° Le contrôle de la S.A.P., chargée elle-même de la réception des fonds et des armes ; 2° La répartition du matériel et des fonds destinés aux différentes formations de Résistance. Le délégué militaire régional de la Région2 est : Louis Burdet, alias Circonférence (1). Au sujet de l'arrivée de Circonférence en France, nous relevons le passage suivant dans le Rapport de Circonférence sur son activité en France : « Après trois mois d'attente journalière à Londres par suite du mauvais temps ou de circonstances qui ne m'ont pas été expliquées, je fus inclus dans l'opération Orion le 6 février 1944, ayant manqué le parachutage qui eut lieu autour du 25 janvier 1944. « Notre avion atterrit vers minuit et demi dans la région du Jura, mais s'embourba jusqu'aux essieux. Malgré les efforts de l'équipe de réception et les nôtres, il fut impossible, pendant deux heures, de faire décoller l'appareil. Marquis réussit à obtenir des chevaux et des vaches ainsi que des planches et à conduire l'avion sur un endroit plus solide du terrain. « Les passagers qui étaient arrivés de Londres — nous étions sept — quittèrent le terrain vers 4 heures du matin et furent dirigés sur l'usine d'un village situé à environ 20 km du lieu d'atterrissage. Marquis nous ayant (1) Louis Burdet, alias Circonférence, est né le 12 juin 1900 à Aix-les-Bains (Savoie).Légion d'honneur. Administrateur-délégué Président de l'Associationde Selected Hotels des FrançaisLimited, libresLondres. de OfficierLondres. de la rejoints vers les 6 heures, il nous apprit que l'avion avait pu repartir sans encombre et sans interférence de la part des Allemands. Accompagné de Sphère je pris le train de 8 heures pour Lyon. Nous n'avons trouvé en arrivant personne avec qui prendre contact : Polygone se trouvant à Paris où il passait 5 jours dans la semaine, et Triangle étant à Nice. Sphère, qui connaissait plusieurs personnes à Lyon, s'efforça de trouver une chambre, mais sans succès, et ce n'est que le soir vers 19 heures — nous rappelant que plusieurs de nos camarades devaient arriver vers cette heure-là à la gare des Brotteaux — que nous avons rencontré à cette gare Fernand, un des courriers de Polygone. Il nous amena dans une maison de passe située au 25, rue de la Charité, dont l'adresse lui avait été donnée par Roger Laville, où Sphère et moi partageâmes une chambre. » L'existence de Circonférence était connue de la Gestapo de Marseille. A la page 13 du rapport Antoine, rédigé par la S.I.P.O. et le S.D. de Marseille, on lit : « A côté de l'exécutif se trouve le délégué militaire régional D.M.R., alias Circonférence, alias Bugard, alias Berthaud, l'Œil de Londres » (rapport du 11 août 1944). Après l'arrestation de Circonférence par la Gestapo de Marseille, le 28 juin 1944, et sa libération faute de preuves le 8 j uillet, le nouveau délégué militaire régional est : Guillaume Widmer, alias Cloître (1). Le câble du 19 juillet 1944 adressé par Londres à Circonfé- rence annonçait l'arrivée de Cloître en ces termes : NOTRE ONZE DU DIX-NEUF JUILLET TOP APRÈS VOTRE ALERTE ESTIMONS CHANGEMENT AIR INDISPENSABLE TOP ENVOYONS D'ALGER CET INTERLUNE NOUVEAU D M R CLOITRE POUR VOUS REMPLACER TOP DÈS CONTACTS ÉTABLIS VOUS ATTENDONS ALGER ET LONDRES TOP REMERCIEMENTS VOTRE COURAGEUX ET DIFFI- CILE TRAVAIL Circonférence et Cloître ne se rencontrèrent jamais, malgré le désir de Circonférence de prendre contact avec son successeur. Les relations entre Circonférence et Maxence étaient excel- lentes. (2) Les rapports entre Circonférence et Maxence d'un côté, (1) Guillaume Widmer, alias Cloître, devait être gouverneur militaire du Wur- temberg(2) Dans quelques une lettremois aprèsdu 15 la décembreLibération. 1959, Commandeur Max Juvénal, de la Légionalias Maxence, d'honneur. nous lesécrit résultats à ce sujet furent : « Lorsque excellents. le D.M.R. C'est ainsiet le quechef jerégional ne saurais purent trop se mecomprendre, louer de amitiél'affectueuse qui se continuecollaboration même desi nousCirconférence, sommes séparés qui a par fait la vienaître et parentre la distance.nous une » 1962. — Imprimerie des Presses Universitaires de France. — Vendôme (France) ÉDIT. N° 26 222 IMPRIMÉ EN FRANCE IMP. N° 17 303 Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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