BUREAU DE RECHERCHES GÉOLOGIQUES ET 5VHNIÈRES

SERVICE GÉOLOGIQUE NATIONAL B.P. 6009 - 45018 Orléans Cedex - Tél.: (38) 63.8O.O1

:. "¡Ut. la//

Ministère de l'industrie, du commerce et de l'artisanat Agence financière de bassin -Normandie

Contrôle et évolution de la minéralisation de la nappe de la craie et des alluvions sous les zones indust rielles de la boucle rive gauche de de 1970 à 1976

par J.C. ROUX

Service géologique régional PICARDIE — NORMANDIE 18. rue Mazurier, 76130 Mont-Saint-Aignan - Tél.: (35) 70.38.64

12, rue Lescouvé, 80000 Amiens 2, rue du général-Moulin, 14000 Caen Tél.: (22) 91.73.87 tél.: (31) 81.86.96 B.R.G.M. MONT SAINT AIGNAN, octobre I977

SGR/PNO

YC 216

LISTE DES DESTINATAIRES DU RAPPORT

Ministère de l'industrie, du commerce et de l'artisanat Agence financière de bassin Seine-Normandie

Contrôle et évolution de la minéralisation de la nappe de la craie et des alluvions sous les zones industrielles de la boucle rive gauche de Rouen de 1970 à 1976

/ 77 SGN 455 PNO /

15 ex Service de l'industrie et des mines de haute Normandie 8 - Maire communes : Rouen, Grand-Quevilly, Petit-Quevilly, Grand-Couronne,Petit-Couronne, Sotteville, St Etienne-du-Rouvray, Oissel

ces diffusions seront faites directement par le Service des mines.-

5 ex Agence de bassin Seine-Normandie, sous-directeur division Ressources 1 Compagnie générale des eaux

2 ex Bibliothèque Orléans 1 DG Paris 1 . DRE puis SGN/HYD 1 Arts graphiques

1 Bibliothèque Amiens 1 " Caen 1 " Mont-Saint-Aignan

1 J.C. Roux 1 C. Philippe 1 J.P. Hole 1 Circulation S.G.R. 2 Réserve

43 .

-0- Ministère de 1'industrie,du commerce et de l'artisanat Agence financière de bassin Seine-Normandie

Contrôle et évolution de la minéralisation de la nappe de la craie et des alluvions sous les-zones industrielles de la boucle rive gauche de ROUEN de 1970 à 1976

J.C. ROUX

/ RESUME /

Vers les années 1967-1968, les utilisateurs de la nappe de la craie et des alluvions sous les vallées de la Seine à Rouen, s'inquiétèrent de la dégradation de la qua- lité de l'eau. Des analyses complètes sur tous les ouvrages en exploitation effectuées de 1970 a 1972 mirent en évidence une minéralisation excessive notamment en Cl, SO4, NO3, NH4, PO4, K et la présence de métaux en trace, d'hydrocarbures et de détergents. On peut retenir cinq zones de minéralisation anormale dont la principale tant par les teneurs que par son extension se situe sous les communes de Petit-Quevilly et Grand-Quevilly (rapports 72 SGN 061 PNO et 74 SGN 315 PNO). De 1973 à 1976 8 séries d'analyses chimiques ont été faites sur l'eau de 12 forages témoins. L'étude de l'évolution dans le temps montre une forte augmentation de la minérali- sation (57 %) dans le secteur de Grand-Quevilly, provoquée essentiellement par la croissance des teneurs en NO3, SO4, NH4, Cl et un développement de la zone polluée de 1,5 km • vers le sud atteignant un forage d'eau potable.

Dans les autres zones on constate surtout un ac- croissement des teneurs en NO3, N02» NH4.

L'examen des valeurs médianes et de la variabilité des minéralisations ainsi que du résultat des analyses d'eau de Seine, montre que la pollution est provoquée par les in- dustries implantées dans ces zones. Il devrait être possible de diminuer la contamination de la nappe par un meilleur contrôle de l'assainissement pluvial et effluent des entre- prises .

/ 77 SGN 455 PNO / septembre 1977 / TABLE DES MATIERES /

Pages 1 - INTRODUCTION 1

2 - HYDROGEOLOGIE ET UTILISATION DE LA NAPPE 2

3 - NATURE DES INDUSTRIES • 2

4 - QUALITE DES EAUX DE LA SEINE 3

5 - QUALITE CHIMIQUE NATURELLE DE LA NAPPE DE LA CRAIE 3 6 - QUALITE CHIMIQUE DE LA NAPPE SOUS LES ZONES INDUSTRIELLES DE ROUEN 4

61 - Mode de prélèvements et analyses 4 62 - Etude générale I97O-I972 4 63 - Evolution de la minéralisation de 1970 à 1976 7 • 631 - Réseau de contrôle et dates de prélèvements 7 632 - Présentation des résultats 8 633 - Analyse des résultats • 8 6331 - Variabilité des teneurs 9 6332 - Valeurs médianes 10 6333 - Tendances moyennes d'évolution 11 6334 - Extension de la minéralisation à Grand-Quevilly 13 64 - Origine probable des pollutions 14

7 - CONCLUSION 15

-0- / LISTE DES FIGURES EN A N N E X E /

fig. 1 - Piézométrie 1966-1975 de la napperGaz de , Grand-Quevilly 2 - -id- Grand-Couronne P29 3 - -id- Oissel Esso standard P9 4 - Variation des niveaux de la Seine à Rouen (I97O-I975) 5 - Evolution des valeurs en nitrates, chlorures, sulfates, ammoniaque, résistivité et résidu sec de la Seine à Grand-Couronne (1970-1976) 6 - Extension de la pollution par les chlorures > 50 mg/1 7 - " " M nitrates " " 8 - " " " sulfates " " 9 - Evolution des résistivités et des résidus secs 10 - Evolution des teneurs en carbonates 11 - " " chlorures 12 - " " nitrates 13 - " " ammoniaque 14 - " " sulfates 15 - " " calcium 16 - " " sodium 17 - " M potassium 18 - Evolution de la minéralisation en chlorures à Grand-Quevill 19 - " " nitrates " 20 - " " sulfates " 21 - " • " sodium " 22 - " " calcium "

-0- / LISTE DES TABLEAUX EN ANNEXE /

Résultat des analyses de 6/70 à 11/76 : tableau 1 - pH 2 - Résistivité 3 - Résidu sec 4 - TAC 5 - Carbonates 6 - Chlorures 7 - Nitrates 8 - Nitrites 9 - Ammoniaque 10 - Sulfates 11 - Calcium 12 - Sodium 13 - Potassium 14 - Phosphates 15 - Fer 16 - Hydrocarbures et matières extractibles au chloroforme 17 - Détergents

18 -' Valeurs extrêmes et médianes des paramètres physiques de la nappe (1970-1976) 19 - Valeurs extrêmes et médianes des éléments chimiques de la nappe (1970-1976) 20 - Variation des valeurs dans le temps 21 - Tendances moyennes d'évolution dans le temps

-0- -1-

1 - INTRODUCTION La boucle rive gauche de la Seine comprend à l'amont et à l'aval de la ville de Rouen, les deux plus grandes zones industrielles de la région Haute-Normandie;

- la zone industrielle amont, la plus récente, s'étend sur 10 km et comprend les communes de Oissel, Saint Etienne-du- Rouvray et Sotteville-lès-Rouen ;

- la zone industrielle aval, plus ancienne a une longueur de 13 km. et concerne les communes de Rouen, Grand-Quevilly Petit-Quevilly, Petit-Couronne et Grand-Couronne.

Les prélèvements d'eau souterraine, surtout à usage industriel, y sont particulièrement développés et provoquent d'importants cônes de dépression de la nappe. Vers les années 1967-1968 certains industriels s'inquié- tèrent de la dégradation progressive de la qualité chimique de leur forage et depuis 1969, sur proposition de l'Arron- dissement minéralogique, le Comité technique de l'eau a confié au service géologique régional du B.R.G.M. le contrôle régulier de la minéralisation de la nappe.

Le rapport 72 SGN 061 PNO donnait le bilan de la qualité chimique de la nappe en juin et décembre 1970 d'après 74 analyses effectuées sur des forages industriels ou d'A.E.P.

Le rapport 74 SGN 315 PNO présentait les résultats des mesures des années 1971, 1972 et 1973 et leurs évolutions dans le temps.

Les analyses de l'année 1974 ont été publiées dans la note PNO 75/115.

Le présent rapport récapitule les résultats d'analyses réalisées de 1970 à 1976 sur 12 forages (5 A.E.P et 7 industriels) considérés comme représentatifs et étudie les tendances d'évolution dans le temps. Le financement a été assuré par le ministère de l'industrie, du commerce et de l'artisanat et par l'agence financière de bassin Seine-Normandie. -2-

2 - HYDROGEOLOGIE ET UTILISATION DE LA NAPPE

La nappe est contenue dans un réservoir bi-couche constitué par la craie très fissurée séno-turonienne et les alluvions fluviátiles sablo-graveleuses. Elle est semi- captive sous 8 à 10 m d'argiles grasses et de tourbes, sa surface piézométrique s'équilibrant vers 3 ou 4 m de pro- fondeur . •

Les deux zones industrielles sont séparées par la faille de la Seine, d'orientation NW-SE qui, avec un rejet de 150 m du compartiment nord-est relève les sables verts albiens et les calcaires portlandiens au contact de la craie sénonienne et des alluvions anciennes (anticlinal de Rouen).

La nappe de la craie et des alluvions est très sollicitée : en 1970 douze industries prélevaient 142 5OO m3/j en zone amont et 202 000 m3/j étaient prélevés en zone aval par 21 industries. Ces prélèvements intensifs entraî- -naientde profondes dépressions de la surface piézométrique : - 2,5 m en zone amont et deux dépressions de - 5 à - 6 m en zone aval à Grand-Quevilly et à Grand-Couronne."

Depuis 1970 les prélèvements en nappe ont diminué du fait de la fermeture de certaines usines, du recyclage des eaux ou des pompages d'eau de Seine. Ainsi ils n'at- teignent plus que 84 000 m3/j en 1976 en zone aval et 127 800 m3/j en zone amont. Comme le montrent les graphiques des figures 1 et 2, la réduction des pompages en zone aval a entraîné une remontée du niveau moyen de la nappe.

Le bassin d'alimentation de la boucle rive gauche étant de l'ordre de 80 km2, l'alimentation directe par les pluies efficaces peut être estimée à 45 000 - 50 000 m3/j soit le quart des prélèvements. La différence provient d'une réalimentation de la nappe par l'eau de la Seine. Cette réalimentation a été prouvée par plusieurs études antérieures et notamment par modèles mathématiques.

3 - NATURE DES INDUSTRIES En zone .amont se trouvent : une papeterie, trois usines de produits chimiques, une fonderie, une usine de laine de roche et une teinturerie.

En zone aval : deux papeteries, deux industries chimiques, trois usines d'engrais, une raffinerie et plu- sieurs dépôts d'hydrocarbures, des chantiers navals et di- verses industries secondaires. -3- 4 - QUALITE DES EAUX DE LA SEINE

Des analyses d'eau de Seine sont faites régulière- ment par les services des voies navigables, entre Oissel et .

Le tableau ci-dessous donne les minéralisations extrêmes de la Seine à Grand-Couronne pendant la durée de l'étude : Valeurs extrêmes Tendance moyenne d'évolution PH 7,3 - 7,6 TH 19 - 20 Résistivité 1340 - 2320 Résidu sec 331 - 575 ci- 23 - 48 SO4- 52 - 159 - 30 % NO3- 3,1 - 11,8 + 66 NO2- 0,2 - 1 NH4 0,6 - 5,8 + 80

Le graphique de la figure 5 montre l'évolution de la minéralisation au cours de cette période. Seules ont été prises en compte les dates proches des prélèvements en nappe.

Les droites moyennes montrent une stabilisation des valeurs de la résistivité et des chlorures, une dimi- nution de 30 % des sulfates, une augmentation de 60 % des nitrates et de 80 % de l'ammoniaque.

Dans le détail on constate :.une baisse régulière de la résistivité (donc une augmentation de la minérali- sation) de 1970 à 1973, puis une remontée des valeurs jus- qu'en 1976, •un pic des valeurs en SO4, Cl -et NO3 en juillet 1973 correspondant vraisem- blablement à l'étiage du fleuve (fig. 4), .une plus grande variabilité des teneurs en NO3, NH4 par rapport à SO4 et Cl.

5 - QUALITE CHIMIQUE NATURELLE DE LA NAPPE DE LA CRAIE

L'étude de nombreuses analyses d'eau effectuées sur des captages du pays de Caux et de la rive droite de la vallée de la Seine, a permis de définir les caractéristiques habituelles de la minéralisation de la nappe de la craie (en mg/1) :

pH 7 à 7,4 TH 25 à 40° HCO3 260 à 330 Ca 90 à 110 Cl 12 à 30 Mg 1 à 9 SO4 3 à 17 Na 7 à 15 N03 9 à 25 K 1,2 à 2,7 NO2 absence ou traces (R.PANEL - thèse 3ème cycle en cours) -4-

Le pH est légèrement basique 7 à 7,4 et la dureté comprise entre 25 et 40°. C'est une eau appartenant au faciès carbonaté-calcique, de bonne qualité chimique pouvant être consommée sans traitement.

6 - QUALITE CHIMIQUE DE LA NAPPE 90US LES ZONES INDUSTRIELLES DE ROUEN 61 - Mode de prélèvements et analyses

Les prélèvements d'eau ont été faits systématique- ment sur des forages en cours de pompage afin que l'échan- tillon soit représentatif de la minéralisation locale de la nappe.

Les analyses ont été effectuées par les laboratoires du BRGM - service géologique national - à Orléans-la-Source.

62 - Etude générale I97O-I972

Elle a porté sur la qua^i totalité des ouvrages en service à cette époque. Nous en rappellerons les prin- cipaux résultats (voir rapports 72 SGN 061 PNO et 74 SGN 315 PNO).

Prélèvements Date Nombre de prélèvements 1 - 17 au 19 juin 1970 70 2 - 2 au 4 décembre 1970 74 3 - 24 au 26 novembre 1971 75 4 26 au 28 décembre 1972 64 Les tableaux suivants donnent les valeurs carac- téristiques des résultats d'analyse :

Prélèvements de juin et décembre 1970

Valeurs Intervalle extrêmes Mediane interquartile

Résis-tivité (ohm/cm) •537 - 2632 1700 1052 -- 1872 pH 6,7 - 8 7,3 - 7,6 7,2 -- 7,7 Température °C 11,8 - 16,5 13,4 12,8 -• 14,2 Cl en mg/1 18,4 - 250 28,4 - 45 22,7 -• 61 SO4 11 0 - 880 54 - 59 30 -- 216 NH4 H 0 - 33,6 / /t H i NO2 0 - 10,8 / / NO3 M 0 - 191 5,3 - 8,8 2,3 -- 54,5 HCO3 M 231,8 - 575,8 319 - 335 300 -- 372 II PO3 0 - 1,66 / Na II 7,9 - 105 20 15,7 -- 52,2 K M 0,5 - 49,5 / Ca M 76 - 468 110 - 115 101,6 -- 185,2 Mg II 6 - 28,3 / // Fe II 0 - 6,5 / // -5-

Prélèvements de novembre 1971

Valeurs extrêmes Médiane Intervalle interquartile

Résistivité (ohm/cm) 401 2720 1674 1222 - 1894 Résidu sec 303 1850 463 407 - 607 PH 7,4 - 8,1 7,8 7,6 - 8 Température °C 11,8 - 15 13,5 12,8 - 14,2 Cl en mg/1 17 - 295 40 30 - 74 so 3 - 650 64 39 - 188 NO 4 " 0,1 - 370 16,5 2,9 - 62 HCÖ3 " 265,3 - 527,6 350,7 320,2 - 378,2 Na " 8,1 - 193 21,7 20,1 - 44 K » 0,4 46,5 6 4,3 - 14,4 Ca " 60 - 395 126 99 - 204 Mg " 6,1 • - 28 9,6 8,1 - 11,5 Mn " 0,96 - 2,2

Prélèvements de décembre 1972

Valeurs extrêmes Médiane Intervalle interquartile

Résistivité (ohm/cm) 450 - 2374 1475 1119 - 1663 Résidu sec 238 - 1817 483 385 - 600 pH 7 - 7,7 7,4 7,2 - 7,6 Température °C 10,8 - 14,8 13 12 - 13,8 Cl en mg/1 21 - 220 47 33 - 72 SO4 » 0,3 - 770 71 4,5 - 192 NO3 » 1 - 200 6 2,4 - 66 HCO3 " 173 - 478 329 305 - 366 Na » 8,2 - 138 24,5 20,3 - 394 K » 0,2 - 54 6,2 4,2 - 11,4 Ca " 63 - 404 127 101 - 160 Mg " 6,3 - 28 10,1 9,9 - 12

Ces résultats mettent en évidence une minéralisa- tion excessive de la plupart des forages. Les médianes des chlorures, sulfates, potassium, sodium, sont supérieures au 2ème quartile de la classification des eaux naturelles (§5). Leur comparaison sur trois ans montre une augmentation de la minéralisation (diminution de la résistivité) due à l'augmentation des teneurs en Na. Cl et surtout SO4. -6-

Le classement des valeurs en coordonnées gausso- logarithmique des analyses de I97O (rapport 72 SGN 061 PNO) a permis de distinguer deux populations : la première, correspondant à des forages dont les teneurs sont normales ou peu influencées, la seconde à ceux nettement contaminés par une source de pollution. La moyenne des résultats des deux campagnes de mesure est la suivante :

limite de la % d'échantillons de la popu- population I lation I/population totale

Résistivité 975 ohm/cm 22,5 Cl 42 mg/1 65 85 " 68 so4 N03 12 " 52 HCO3 260 " 31 Na 18,5 » 47 Ca 115 " 52

En 1970, 78 % des forages avaient donc une résis- tivité anormale provoquée par la teneur excessive en un ou plusieurs éléments majeurs.

La recherche des métaux a donné quelques résultats positifs en faible trace :

Bore 4 à 300 /*g/l Nickel 2 à 78 Atg/1 Vanadium 2 - 28 ' it Cuivre 2 - 350' it Chrome 1 - 35 n Zinc 1 - 4500 tt Manganèse 10 - 3370 ti Strontium 140 - 630 tt Cobalt <1 - 37 n Aluminium 130 - 140 M Germanium 2 - 31 tt

La recherche des phénols s'est avérée négative. Par contre les détergents ont été décelés sur tous les fo- rages avec une teneur pouvant atteindre 19 mg/1. Les hydro- carbures et substances solubles au chloroforme sont présents dans la nappe avec des teneurs comprises entre 0,4 et 7,7 mg/1

Zonation et nature des pollutions

Le classement des valeurs ayant permis de déter- miner le seuil des teneurs nettement anormales, cinq princi- pales zones de pollution ont été délimitées (fig. 6, 7 et 8) :

/Zone aval/

Zone 1 : Grand-Quevilly et Petit-Quevilly

la plus polluée tant par son étendue que par les valeurs mesurées : -7-

Cl 50 à 295 mg/1 S04 50 à 4O0 " (avec 2 pôles à 500 et 880 mg/1) N03 50 à 270 " NO2 7 à 10 " NH4 6 à 70 " PO3 1,66 Fe > 3 Zn 4,5 . . . Hydrocarbures >3 Détergents >0,5 t° >14°C

Zone 2 : Petit-Couronne

Fe >3 mg/1 Hydrocarbures >3 mg/1 t° p- 14°C

Zone 3 : Grand-Couronne

Cl 5O à 60 mg/1 K 22 mg/1 o o S04 50 - 178 » Fe >3 » t > 14 C

Zone 4 : Saint Etienne-du-Rouvray

Cl 50 à 74 mg/1 N03 a 60 mg/1 Détergent >0,5 mg/1 Zone_5 : Oissel

Cl 28 à 100 mg/1 N02 8 mg/1 . m( /1 S04 64 à 210 " N03 40 à 70 mg/1 4 4° 3

Quatre forages d'alimentation en eau potable (sur les cinq existants dans les zones) sont touchés par la pollution de la nappe.

A.E.P. Grand-Quevilly (zone 1) : 120 mg/1 de N03 72 mg/1 de Cl 0,7 " de NH4 A.E.P. Petit-Couronne (zone 2) : 5 mg/1 de Fe 0,7 » de NH4 A.E.P. Saint Etienne-du-Rouvray (zone 4) : 1 mg/1 de détergents 5,6 mg/1 de NH4 0,16 " de Mn A.E.P. Oissel (zone 5) : 45 mg/1 de NO3 5,8 » de Fe 0,4 " de NH4

63 - Evolution de la minéralisation de 1970 à 1976

631 - Réseau de contrôle et dates des prélèvements

La zonalité chimique de la nappe des zones indus- trielles étant bien connue par les campagnes de prélèvement complètes de 1970 à 1972, il fut décidé pour raison budgé- taire de réduire de nombre de forages à contrôler et de suivre l'évolution de leur chimisme en fonction du temps. -8-

Treize forages furent sélectionnés : 8 forages industriels parmi les plus minéralisés et les 5 forages A.E.P de la zone d'étude.

Zone amont : industrie Azolacq 100-5-327 AEP Oissel 100-5-255 St Etienne-du-Rouvray 100-

Zone aval : industries Kuhlmann 99-4-75 Bobet 99-4-248 Elf Caltex 99-4-57 Lozaî 99-4-72 Navarre* 99-4-239 Rhône Progil 99-4-45 Ofic 99-4-274 AEP Grand-Couronne 99-8-22 Petit-Couronne 99-8-78 Grand-Quevilly 99-4-66

* Cet ouvrage a été abandonné en 1973.

Les prélèvements ont été effectués aux dates suivantes :

5-15 mai 1973 6-18 juillet 1973 7-28 décembre 1973 8-29 juillet 1974 9-30 juillet 1975 10 - 30 décembre 1975 1.1 - 28 avril 1976 12-4 novembre 1976

632 - Présentation des résultats

Les résultats d'analyse sont donnés en annexe, par éléments, sous deux formes différentes :

- tableaux récapitulatifs (tableaux 1 à 17) - graphiques à ordonnée logarithmique (figures 9 à 17) On a étudié, d'une part, la variabilité des valeurs depuis 1970, et d'autre part, les grandes tendances d'évo- lution.

633 - Analyse des résultats

Les tableaux 18 et 19 donnent les valeurs extrêmes les médianes et les variabilités de chaque paramètre phy- sique ou élément chimique, obtenues par les 12 séries d'ana- lyses de 1970 à 1976. -9-

6331 - Variabilité des teneurs

L'examen des variabilités montre de fortes dif- férences d'un paramètre à l'autre (1,1 à 1000).

On peut classer les variabilités en quatre ca- tégories :

Classe 1 : variabilité faible : JI. HCO3, ^a 1.1 à 3,2 Classe 2 : variabilité moyenne : K, Na, Cl 1.2 à 10,2 Classe 3 : variabilité forte : NO3, SO4 1,6 à 60 Classe 4 : variabilité très forte : NO2, NH4 6 à 1000.

La variabilité de HCO3 et Ca est faible ce qui est normal puisque C03Ca représente 85 % de la minérali- sation naturelle de là nappe de la craie et qu'il a été exposé plus haut que les médianes des valeurs rencontrées dans les zones industrielles étaient comprises dans la fourchette des teneurs normales de la nappe. De ce fait la résistivité accuse une variabilité similaire.

A partir de la classe 2 on peut considérer les variabilités comme anormales et provoquées par des apports de minéralisations extérieurs. Les variabilités indiquent donc déjà la présence de pollution dans la nappe par les éléments des classes 2 à 4 avec un maximum par N03, SO4, N02, NH4. Si l'on relève pour chaque élément les forages sur lesquels la variabilité est la plus grande on retient :

Résistivité : Kuhlmann (3,2), Elf (3), Rhône Progil (R.P) (2,2), Ofic et Azolacq (1,7) HCO3 : B°bet (2,1), Lozaï (2) Cl : Kuhlmann (8,7), Elf (5,4) NO3 : Elf (60), Kuhlmann (48), Bobet (25), R.P (16,8), AEP St Etienne (10) : AEP st N02 Etienne ( > 760), R.P ( > 660), Azolacq (460) Ofic (220), Kuhlmann (80)

NH4 : R.P (600), Azolacq ( •* 360), Elf (80) SO4 : Elf (29,3), R.P (4,1), Azolacq (3,8), AEP Grand- Quevilly (3,6) Ca : Elf (3) Na : Kuhlmann (1O,2), Elf (4), Azolacq (3,7) K : Elf (6,8), AEP Petit-Couronne (2,4), R.P (2,7), Azolacq (2,4) -10-

On constate que la variabilité des minéralisations est anormalement forte sur quatre forages :

Elf (99-4-57) 8 éléments sur 10 Rhône Progil (99-4-45) 7 éléments sur 10 Azolacq (100-5-327) 6 " " Kuhlmann (99-4-75) 5 » "

6332 - Valeurs médianes

Les forages dont les valeurs médianes sont les plus élevées sont :

Résistivité : Ofic (479), Kuhlmann (579), Lozaï (657), R.P (818)

HCO3 : Kuhlmann (521), Ofic (443) Cl : Kuhlmann (272), Ofic (190), Lozaï (99), R.P (90), Bobet (87)

N03 : Ofic (130), AEP Grand-Quevilly (120), Bobet (80), Azolacq (68)

N02 : Azolacq (1,24) ' "

NH4 : R.P (6OO)3 Azolacq (360), Elf (80) SO4 : Ofic (634), Lozaï (415), Bobet (320), R.P (260), Kuhlmann (216) Ca : Ofic (384), Bobet (239), R.P (260) Na : Kuhlmann (154), Ofic (79), Bobet et Lozaî (73), R.P (60) K : Ofic (47), Lozaï (25), R.P (21), Kuhlmann (14).

On peut noter que 5 forages ont des teneurs médianes élevées pour la plupart des éléments :

Ofic (99-4-274) 9 éléments sur 10 Kuhlmann (99-4-75) 8 » Rhône Progil (99-4-45) 6 " Lozaï (99-4-72) 5 Bobet (99-4-248) 5 »

Les forages Kuhlmann et Rhône Progil ont à la fois une variabilité et les teneurs médianes élevées.

On peut déduire de lfanalyse de ces résultats qu'il existe bien' des sources de pollutions particulière- ment fortes et actives à proximité des établissements Kuhlmann, Ofic, Lozaï, Rhône Progil, Bobet, Elf et Azolacq avec les valeurs les plus élevées près des forages Kuhlmann et Ofic.

En outre une pollution par les nitrates et dé- rivés de l'azote est constatée sur le forage Azolacq et une pollution par les nitrates sur le forage AEP de Grand- Quevilly.

Les valeurs médianes du fer sont fortes sur les forages Kuhlmann (4,4) et Elf (1,9) avec des maximums de 13 et 16 mg/1. De fortes teneurs ont été également décelées -11- durant l'étude sur l'AEPOissel (5,8), Bobet (7,2), Lozaï (0,9)

Les teneurs en phosphate varient de O,7 à 4,5 sur le forage Rhône Progil ; elles sont décelables en très faible dose ( <0,6 mg/1) sur les forages AEP de Grand- Couronne et Grand-Quevilly et Azolacq.

Les détergents étaient présents dans les eaux des forages Elf (3 mg/1), Kuhlmann (2,5), Bobet (1,9), Lozaï (1,3) Rhône Progil (1,1), AEP St Etienne (0,8). Toutes ces valeurs sont des maximums mesurés en novembre 1976.

Les hydrocarbures et substances solubles au chlo- roforme sont inférieurs à 2 mg/1 dans tous les forages sauf Azolacq (7 mg/1), Bobet (8 mg/1), Ofic (4 mg/1). Ces chiffres correspondent aux prélèvements de 1973 et 1974.

6333 - Tendances moyennes d'évolution

Les graphiques des fig. 9 à 17 montrent l'évolu- tion des teneurs de chaque forage de juin I97O à décembre 1976. Les variations sont difficiles à interpréter car elles peuvent être conditionnées à la fois par l'infiltration des pluies, le débit de la Seine, les variations de régime de pompage. Pour faire la part de chaque phénomène il aurait fallu disposer d'une analyse mensuelle durant toute la pé- riode de l'étude.

Nous avons donc préféré dégager les tendances moyennes d'évolution en prenant la droite moyenne des va- leurs des 12 analyses. Les tendances d'évolution sont ex- primées en % (tableau 21).

Les résidus secs montrent :

- une augmentation de la minéralisation de 25 à 425 % sur les forages de Grand-Quevilly, Bobet et Kuhlmann - une faible augmentation sur les captages AEP de Oissel, St Etienne-du-Rouvray et Grand-Couronne - une diminution sur les forages Ofic, Lozaï, Elf, Rhône Progil et AEP Grand-Couronne.

En considérant séparément chaque élément, on constate :

Zone de Grand-Quevilly et Petit-Quevilly une augmentation moyenne de :

57 % du résidu sec 15 % de Cl (maximum Kuhlmann et Ofic) 51 % de SO4 (maximum : Kuhlmann et AEP Grand-Quevilly) 160 % de NO3 (maximum : Kuhlmann et AEP Grand-Quevilly) 450 % de NH4 (maximum : Kuhlmann, Lozaï, Rhône Progil et AEP Grand-Quevilly) -12-

45 % de K (maximum : Bobet, Kuhlmann, AEP Grand-Quevilly) 13 % de Na (maximum Kuhlmann) une très légère diminution moyenne des teneurs en HGO3 et Na.

Zone de Petit-Couronne et Grand-Couronne une diminution moyenne de :

6 % du résidu sec 4 % de Cl 4,5 % de NO3 une augmentation moyenne de :

375 % de NH4 6,5 % de S04 10 % de Ca 11 % de Na une stabilisation de HCO3.

Zone amont ^Oissel - St Etienne-du-Rouvray) une diminution moyenne de :

4 % du résidu sec une augmentation moyenne de :

22 % de Cl 10 % de SO4 48 % de N0a 363 % de NH4 (due aux forages Azolacq et Oissel AEP) 2,6 % de HCO3 2 % de Ca 0,6 % de Na 40 % de K (maximum : forage Azolacq).

On relève donc une forte augmentation de la mi- néralisation de la nappe dans le secteur de Grand-Quevilly et Petit-Quevilly due principalement à l'accroissement des teneurs en NO3, "NH4, SO4, Cl et K. Les forages où cette augmentation est la plus marquée sont Kuhlmann, Ofic, AEP de Grand-Quevilly et Bobet.

Dans le secteur de Petit et Grand-Couronne la minéralisation accuse une baisse sensible dans l'ensemble ; 11 y a cependant un accroissement important de NH4.

En zone amont Oissel - St Etienne-du-Rouvray, le résidu sec marque une légère diminution mais les ions principaux sont tous en augmentation avec un accroissement préférentiel de NO3 et NH4. D'après les quelques résultats en notre possession -13- les teneurs en détergents et en S.E.C sont en diminution sur les trois zones.

6334 - Extension de la minéralisation à Grand-Quevilly

Les lignes d1isovaleurs de 50 mg/1 de NO3, Cl, SO4 et Ca et 150 mg/1 de Na à Grand-Quevilly sont tracées sur les figures 18 à 22.

Chlorures (fig. 18) : Instabilité de la ligne 50 mg/1 qui fluctue du nord au sud sur 1,5 km environ de part et d'autre du forage AEP de Grand-Quevilly ;

Nitrates (fig. 19) : Extension de 2,5 km environ vers le SSE de décembre 1970 à décembre 1972 ; très légère progression vers le sud de cette dernière date à avril 1976 ;

Sulfates (fig. 20) : Extension de 1,5 km vers le SSE de juin 1970 à mai 1973, puis fluctuation sur 1 km au delà de cette ligne jusqu'en 1976 ;

Sodium (fig. 21) : Fluctuation sur 1 km avec légère régression vers le nord ;

Calcium (fig. 22) : Extension progressive de 1 km environ vers le sud de décembre 1970 à novembre 1976. L'extension de la zone de forte minéralisation semble s'être principalement produite de 1970 à 1973, avec un développement beaucoup plus lent les années suivantes. On peut interpréter cette extension par la diminution, puis l'arrêt des pompages sur les forages de la papeterie Navarre. (-22 000 m3/j entre 1970 et 1973).

En effet, si l'on admet que le complexe chimique de Rhône Progil pollue la nappe, la pollution se dirigeait vers le nord sous l'influence des pompages de Navarre. L'arrêt de ces forages de 1970 à 1973 a provoqué une remontée de la nappe laissant une partie de la pollution se diriger vers le sud dans le sens normal de l'écoulement de la nappe. On constate effectivement une tendance moyenne a la dimi- nution de la minéralisation des forages Rhône Progil et Elf et une augmentation de celle du captage de Grand-Quevilly (valeurs de S04, NO3, Ca, K - voir tableau 21). -14-

64 - Origine probable des pollutions

L'origine des pollutions a souvent été attribuée à la réalimentation de la nappe sous l'effet des pompages par des infiltrations d'eau de Seine. Or, les valeurs ex- trêmes des teneurs de la Seine durant l'étude, bien qu'éle- vées (surtout en SO4) sont encore bien inférieures à celles relevées dans certains forages. L'eau de Seine peut parti- ciper à la contamination de la nappe, mais les plus fortes pollutions en Cl, S04, NO3, NO2, NH4, K et P03 ne peuvent être que d'origine industrielle. Les industries chimiques et d'engrais, la raffinerie et les dépôts d'hydrocarbures sont les principales sources de pollution.

A grand-Quevilly et Petit-Quevilly la concen- tration industrielle est telle qu'il est difficile d'at- tribuer avec certitude une pollution à une industrie dé- terminée, mais on a pu remarquer dans ce rapport que les forages sur lesquels les minéralisations anormales étaient les plus importantes ou les plus variables étaient tous situés dans l'enceinte d'un établissement industriel en activité ou à proximité immédiate. Les anomalies constatées sur les forages Rhône Progil et Elf et AEP Grand-Quevilly proviennent certainement du premier établissement, celles de Kuhlmann de cet établissement, celles d'Ofic probable- ment des déchets enfouis par l'ancienne usine de la Bor- delaise des produits chimiques, celles de Bobet, de Baroclem et Lozaï.

Dans le secteur où les usines sont relativement isolées (Grand-Couronne, St Etienne-du-Rouvray), les zones de pollution sont bien circonscrites autour des industries (A.P.C, Azolacq).

Les hydrocarbures proviennent des fuites des ins- tallations des raffineries et dépôts, des épandages volon- taires lors de la dernière guerre, de déposantes d'huiles usées, d'installations de nettoyage et réparation de wagon et camion citerne.

Les détergents peuvent provenir de la Seine mais aussi d'eau de lavage des véhicules.

Les produits polluants sont stockés et utilisés en quantité suffisante pour expliquer la pollution de la nappe, cependant le cheminement et le mode d'infiltration des lessivâts ne sont pas établis à l'exception de quelques cas (A.P.C., Lozaï, déchets Nobel-Bozel , Bordelaise et anciennes décharges d'ordures dans des ballastières).

En effet la nappe est protégée dans toute la plaine alluviale par une couche épaisse d'argile compacte, les pollutions ne devraient pas pouvoir s'infiltrer. Il faut donc admettre que cet écran protecteur a été crevé volon- tairement par des puits d'infiltration d'eaux pluviales ou de recyclage ou accidentellement par des bombes et que les eaux de ruissellement chargées des poussières de fumées ou des lessivats des aires de stockage, de voiries et de nettoyage s'y déversent. Les infiltrations peuvent également se produire le long des pieux de fondation ou des puits de captage mal cimentés. -15-

7 - CONCLUSION

L'étude de 1970 à 1972 qui s'appuyait sur 4 séries d'analyses effectuées sur tous les forages en service a per- mis de bien délimiter 5 zones de minéralisation excessive de la nappe dont la principale, tant par sa superficie que par ses teneurs, est située sous les communes de Petit- Quevilly et Grand-Quevilly (zone 1) ; trois zones de moindres minéralisations sont sur Grand-Couronne (zone 3), St Etienne- du-Rouvray (zone 4) et Oissel (zone 5). Les teneurs anor- males concernent essentiellement Cl, SO4, NO3 et dérivés, K, mais également des détergents, hydrocarbures et quelques métaux à l'état de trace.

Quatre forages d'AEP sont atteints par la pollution de la nappe (Grand-Quevilly, Petit-Couronne, St Etienne-du- Rouvray et Oissel).

L'étude de l'évolution des teneurs sur 12 fo