Roch-Olivier Maistre, Président du Conseil d’administration Laurent Bayle, Directeur général

Samedi 25 avril Ciné-concert Charles Chaplin

Dans le cadre du cycle Formes brèves / Formes longues Du samedi 18 au mardi 28 avril 2009 Samedi 25 avril

Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert, à l’adresse suivante : www.citedelamusique.fr Ciné-concert | Chaplin Charles

CHARLES CHAPLIN.indd 1 20/04/09 17:36 Cycle Formes brèves / Formes longues du samedi 18 au mardi 28 avril

Une représentation de kathakali, ce fascinant théâtre de l’Inde, peut durer une nuit entière. SAMEDI 18 AVRIL – 20H Au contraire, certains opéras modernes, par exemple chez Hindemith, sont d’une saisissante brièveté : presque le temps d’un geste, d’un aller-retour, comme dans les courts métrages Théâtre kathakali (Inde du Sud) de Chaplin dans les années 1910. L’Épopée du Ramayana La Mort du démon Lavanasura « Le kathakali est l’expression théâtrale la plus connue et sans doute la plus spectaculaire de l’Inde »,

écrit l’ethnomusicologue Laurent Aubert. Ses sources, explique-t-il encore, remontent non Troupe des artistes de Ekathara seulement aux théâtres kutiyattam et krishnattam, mais également à différentes formes de rituel Kalari spectaculaire d’offrandes votives propres à la région du Kerala (comme le mutiyettu et le teyyam). Ravi Gopalan Nair, direction artistique Les thèmes du kathakali sont toujours empruntés au Ramayana, au Mahabharata et aux Purana, les chroniques de l’Inde ancienne. Les acteurs ne parlant pas, leur interaction avec les musiciens, et notamment avec le chanteur principal, est capitale. C’est ce dernier qui conduit le déroulement de chaque scène ; chaque phrase du texte chanté est répétée autant de fois qu’il est nécessaire JEUDI 23 AVRIL – 20H pour que les acteurs concernés la réalisent pleinement, selon un « alphabet » de vingt-quatre mudras de base qui, en se combinant entre eux ainsi qu’avec les postures du visage et du corps, Paul Hindemith Hin und zurück constituent un langage aux ressources illimitées, véritable matière première d’une des expressions Das lange Weihnachtsmahl théâtrales les plus magistrales qui soient.

Compagnie La Péniche Opéra Difficile de trouver conceptions du temps plus contrastées que celles présentées par les deux L’Orchestre imaginaire opéras d’Hindemith joués lors du concert du 23 avril. Hin und zurück est un opéra miniature de Lionel Peintre, direction d’orchestre, douze minutes composé en 1927 pour le Festival de Baden-Baden dont l’intrigue est réduite transcriptions et traductions à un squelette narratif. Un homme surprend sa femme avec une lettre de son amant, l’assassine Mireille Larroche, mise en espace avant de se jeter par la fenêtre, c’est alors qu’entre en scène un sage qui, déplorant la tragédie, Danièle Barraud, costumes fait en sorte que tout l’opéra se déroule à nouveau, mais à l’envers. Face à cet aller-retour lapidaire, Blandine Folio Peres, contralto Le Long Dîner de Noël (1961), dernier opéra du compositeur, se présente au contraire comme Nathalie Gaudefroy, soprano la saga d’une famille américaine dont les générations se succèdent autour d’une table dressée Marie Gautrot, mezzo-soprano Bénédicte Tauran, soprano pour Noël. Christophe Crapez, ténor Paul-Alexandre Dubois, baryton Nul mieux que Chaplin n’a illustré les formes brèves au cinéma. Le ciné-concert du 25 avril présente Nicolas Gambotti, ténor ainsi plusieurs courts métrages réalisés en 1914, dans lesquels Chaplin parvient en huit, neuf Didier Henry, baryton ou dix minutes à camper de véritables décors. De Charlot garde-malade à Un Béguin de Charlot, Francesca Bonato, comédienne l’invention est inépuisable, la brièveté semble chaque fois la magnifier. Accompagnant ces miniatures, les étudiants du Conservatoire de Paris épousent avec brio le jeu acrobatique et les mouvements du petit homme au chapeau et à la canne.

Les œuvres de musique contemporaine, disent volontiers leurs détracteurs, ont souvent une durée moyenne semblable : une dizaine de minutes. Comme si les conditions institutionnelles de la création tendaient à en uniformiser la durée. Mais le temps chronométrique d’une pièce n’est pas son temps musical ou émotionnel. Si les œuvres présentées en première partie du concert donné par l’Ensemble intercontemporain le 28 avril durent chacune environ dix minutes, la pièce de Georges Aperghis donnée en création s’inscrit dans un temps plus long : d’une trentaine de minutes, elle prend la forme d’une succession de dialogues brefs avec ensemble.

CHARLES CHAPLIN.indd 2 20/04/09 17:36 Cycle Formes brèves / Formes longues du samedi 18 au mardi 28 avril

Une représentation de kathakali, ce fascinant théâtre de l’Inde, peut durer une nuit entière. SAMEDI 18 AVRIL – 20H SAMEDI 25 AVRIL – 17H MARDI 28 AVRIL – 20H Au contraire, certains opéras modernes, par exemple chez Hindemith, sont d’une saisissante brièveté : presque le temps d’un geste, d’un aller-retour, comme dans les courts métrages Théâtre kathakali (Inde du Sud) Ciné-concert Charles Chaplin Iannis Xenakis de Chaplin dans les années 1910. Phlegra L’Épopée du Ramayana Charlot garde-malade Rebonds La Mort du démon Lavanasura Charlot et Fatty font la bombe George Aperghis « Le kathakali est l’expression théâtrale la plus connue et sans doute la plus spectaculaire de l’Inde », Charlot grande coquette Pièce pour douze écrit l’ethnomusicologue Laurent Aubert. Ses sources, explique-t-il encore, remontent non Troupe des artistes de Ekathara Un Béguin de Charlot Heysel seulement aux théâtres kutiyattam et krishnattam, mais également à différentes formes de rituel Kalari Charlot et Mabel aux courses Happiness Daily (commande de spectaculaire d’offrandes votives propres à la région du Kerala (comme le mutiyettu et le teyyam). Ravi Gopalan Nair, direction artistique Charlot rentre tard l’Ensemble intercontemporain, Les thèmes du kathakali sont toujours empruntés au Ramayana, au Mahabharata et aux Purana, création) les chroniques de l’Inde ancienne. Les acteurs ne parlant pas, leur interaction avec les musiciens, Compositions de Geoffroy Gesser, et notamment avec le chanteur principal, est capitale. C’est ce dernier qui conduit le déroulement Yacine Boularès, Frédéric Nardin, Ensemble intercontemporain de chaque scène ; chaque phrase du texte chanté est répétée autant de fois qu’il est nécessaire JEUDI 23 AVRIL – 20H Sandrine Marchetti, Matteo Ludovic Morlot, direction pour que les acteurs concernés la réalisent pleinement, selon un « alphabet » de vingt-quatre Bortone, Julien Loutelier Donatienne Michel-Dansac, soprano mudras de base qui, en se combinant entre eux ainsi qu’avec les postures du visage et du corps, Paul Hindemith et Raphaël Quenehen Marianne Pousseur, mezzo-soprano Hin und zurück Gilles Durot, percussion constituent un langage aux ressources illimitées, véritable matière première d’une des expressions Das lange Weihnachtsmahl Étudiants du département jazz théâtrales les plus magistrales qui soient. et musiques improvisées Compagnie La Péniche Opéra du Conservatoire de Paris : Difficile de trouver conceptions du temps plus contrastées que celles présentées par les deux L’Orchestre imaginaire Louis Laurain, trompette opéras d’Hindemith joués lors du concert du 23 avril. Hin und zurück est un opéra miniature de Lionel Peintre, direction d’orchestre, Raphaël Quenehen, saxophone douze minutes composé en 1927 pour le Festival de Baden-Baden dont l’intrigue est réduite transcriptions et traductions Yacine Boularès, saxophone à un squelette narratif. Un homme surprend sa femme avec une lettre de son amant, l’assassine Mireille Larroche, mise en espace Geoffroy Gesser, saxophone et avant de se jeter par la fenêtre, c’est alors qu’entre en scène un sage qui, déplorant la tragédie, Danièle Barraud, costumes clarinette fait en sorte que tout l’opéra se déroule à nouveau, mais à l’envers. Face à cet aller-retour lapidaire, Blandine Folio Peres, contralto Sophie Chauvenet, violoncelle Le Long Dîner de Noël (1961), dernier opéra du compositeur, se présente au contraire comme Nathalie Gaudefroy, soprano Matteo Bortone, contrebasse la saga d’une famille américaine dont les générations se succèdent autour d’une table dressée Marie Gautrot, mezzo-soprano Simon Drappier, contrebasse Bénédicte Tauran, soprano Sarah Klenes, voix pour Noël. Christophe Crapez, ténor Sandrine Marchetti, piano Paul-Alexandre Dubois, baryton Julien Loutelier, batterie Nul mieux que Chaplin n’a illustré les formes brèves au cinéma. Le ciné-concert du 25 avril présente Nicolas Gambotti, ténor Riccardo Del Fra, direction artistique ainsi plusieurs courts métrages réalisés en 1914, dans lesquels Chaplin parvient en huit, neuf Didier Henry, baryton ou dix minutes à camper de véritables décors. De Charlot garde-malade à Un Béguin de Charlot, Francesca Bonato, comédienne l’invention est inépuisable, la brièveté semble chaque fois la magnifier. Accompagnant ces miniatures, les étudiants du Conservatoire de Paris épousent avec brio le jeu acrobatique et les mouvements du petit homme au chapeau et à la canne.

Les œuvres de musique contemporaine, disent volontiers leurs détracteurs, ont souvent une durée moyenne semblable : une dizaine de minutes. Comme si les conditions institutionnelles de la création tendaient à en uniformiser la durée. Mais le temps chronométrique d’une pièce n’est pas son temps musical ou émotionnel. Si les œuvres présentées en première partie du concert donné par l’Ensemble intercontemporain le 28 avril durent chacune environ dix minutes, la pièce de Georges Aperghis donnée en création s’inscrit dans un temps plus long : d’une trentaine de minutes, elle prend la forme d’une succession de dialogues brefs avec ensemble.

CHARLES CHAPLIN.indd 3 20/04/09 17:36 SAMEDI 25 AVRIL - 17H Salle des concerts

Ciné-concert Charles Chaplin

Charles Chaplin Charlot garde-malade Geoffroy Gesser, composition, saxophone ténor et clarinette Louis Laurain, trompette, Sarah Klenes, voix, Sophie Chauvenet, violoncelle, Simon Drappiers, contrebasse, Julien Loutelier, batterie

Charlot et Fatty font la bombe Yacine Boularès, composition et saxophone Geoffroy Gesser, clarinette, Sophie Chauvenet, violoncelle, Sarah Klenes, voix, Sandrine Marchetti, piano

Charlot grande coquette Frédéric Nardin, composition Louis Laurin, trompette et bugle, Geoffroy Gesser, saxophone ténor et clarinette, Raphaël Quenehen, saxophone baryton, Yacine Boularès, saxophone ténor, Matteo Bortone, contrebasse, Julien Loutelier, batterie

Un Béguin de Charlot Sandrine Marchetti, composition et piano Louis Laurin, trompette et bugle, Yacine Boularès, saxophone ténor, Raphaël Quenehen, saxophone alto, Sophie Chauvenet, violoncelle, Matteo Bortone, contrebasse, Julien Loutelier, batterie

entracte

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CHARLES CHAPLIN.indd 4 20/04/09 17:36 SAMEDI 25 AVRIL - 17H Charlot et Mabel aux courses Salle des concerts Matteo Bortone, composition Louis Laurain, trompette, Yacine Boularès, saxophone ténor, Raphaël Quenehen, saxophone baryton, Geoffroy Gesser, clarinette, Frédéric Nardin, piano, Julien Loutelier, batterie

Ciné-concert Charles Chaplin Charlot rentre tard Julien Loutelier, composition et batterie Raphaël Quenehen, composition et saxophone, Simon Drappier, contrebasse Charles Chaplin Charlot garde-malade Geoffroy Gesser, composition, saxophone ténor et clarinette Louis Laurain, trompette, Sarah Klenes, voix, Sophie Chauvenet, violoncelle, Simon Drappiers, contrebasse, Julien Loutelier, batterie Étudiants du département jazz et musiques improvisées du Conservatoire de Paris Riccardo del Fra, direction artistique

Charlot et Fatty font la bombe Yacine Boularès, composition et saxophone Geoffroy Gesser, clarinette, Sophie Chauvenet, violoncelle, Sarah Klenes, voix, Sandrine Marchetti, piano

Charlot grande coquette Frédéric Nardin, composition Louis Laurin, trompette et bugle, Geoffroy Gesser, saxophone ténor et clarinette, Raphaël Quenehen, saxophone baryton, Yacine Boularès, saxophone ténor, Matteo Bortone, contrebasse, Julien Loutelier, batterie

Un Béguin de Charlot Sandrine Marchetti, composition et piano Louis Laurin, trompette et bugle, Yacine Boularès, saxophone ténor, Raphaël Quenehen, saxophone alto, Sophie Chauvenet, violoncelle, Matteo Bortone, contrebasse, Julien Loutelier, batterie

Coproduction Cité de la musique, Conservatoire de Paris. Restaurations Lobster, BFI, Cineteca de Bologna, FPA Inc.

entracte Fin du spectacle vers 18h35.

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CHARLES CHAPLIN.indd 5 20/04/09 17:36 Charlot garde-malade (, États-Unis, 1914, noir et blanc, 9 minutes)

Production : Keystone ; réalisation : Charles Chaplin. Avec Charles Chaplin (Charlot), Fritz Schade (le vieil oncle), Charley Chase (son neveu), Cecile Arnold (son amie), Minta Durfee (une dame).

Engagé pour pousser le fauteuil roulant d’un vieil impotent, Charlie pense pouvoir se faire des revenus en accrochant une pancarte d’aveugle au fauteuil en question. L’affaire se termine dans le lac pour quelques personnes trop curieuses.

Charlot et Fatty font la bombe (The Rounders, États-Unis, 1914, noir et blanc, 8 minutes)

Production : Keystone ; réalisation : Charles Chaplin. Avec Charles Chaplin (un fêtard), Fatty Arbuckle (son voisin), Minta Durfee (la femme de Fatty), Charley Chase (un client du cabaret), Al Saint John (un groom/un serveur).

Charlie et Fatty, qui viennent de se payer une beuverie carabinée, regagnent leurs foyers respectifs. Ils font les fonds de tiroir et s’en retournent au cabaret.

Charlot grande coquette (The Masquerader, États-Unis, 1914, noir et blanc, 8 minutes)

Production : Keystone ; réalisation : Charles Chaplin. Avec Charles Chaplin (un acteur), Fatty Arbuckle (un acteur), Chester Conklin (un acteur), Charley Chase, Charles Murray (le metteur en scène), Minta Durfee (la vedette).

Acteur de cinéma, Charlie tourne trop autour des filles. Mis à pied, il revient sous l’aspect d’une femme fort séduisante et il est engagé sur le champ pour le principal rôle féminin.

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CHARLES CHAPLIN.indd 6 20/04/09 17:36 Un Béguin de Charlot (Caught in the Rain, États-Unis, 1914, noir et blanc, 10 minutes)

Production : Keystone ; réalisation : Charles Chaplin. Avec Charles Chaplin (un client de l’hôtel), Alice Davenport (la femme), (le mari), Alice Howell (une cliente de l’hôtel).

Dans un hôtel, Charlie fait les yeux doux à une dame mariée qui est somnambule. Or la voici qui erre, endormie et ravissante, à travers les couloirs de l’établissement. Charlie s’empresse de la reconduire dans son lit. Le mari survient…

Charlot et Mabel aux courses (Gentleman of Nerve, États-Unis, 1914, noir et blanc, 11 minutes)

Production : Keystone ; réalisation : Charles Chaplin. Avec Charles Chaplin (Mr. Wow-Woe, fan de courses automobiles), Mabel Normand (Mabel), Mack Swain (Mr. Walrus), Chester Conklin (Ambrose, ami de Mabel), Phyllis Allen (une femme), Charley Chase (un spectateur), Edgar Kennedy (un policier).

Un trou dans la clôture, et voici Charlie aux courses d’autos. Chester et Mabel, venus ensemble, se séparent après une brève dispute. Charlie fait des travaux d’approche en direction de Mabel…

Charlot rentre tard (One A.M., États-Unis, 1916, noir et blanc, 20 minutes)

Production : Mutual ; réalisation : Charles Chaplin. Avec Charles Chaplin (un homme ivre), Albert Austin (un chauffeur de taxi).

Charlot, noctambule, rentre chez lui après avoir trop bu. Tous les objets familiers lui deviennent hostiles et l’empêchent d’aller se coucher.

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CHARLES CHAPLIN.indd 7 20/04/09 17:36 Ciné-concert Charles Chaplin

Les six courts métrages présentés dans le cadre de ce ciné-concert appartiennent à la première série de trente-cinq films que tourna Charles Chaplin pour la société Keystone en 1914, au tout début de sa carrière. D’acteur au départ, il devint également réalisateur à partir du vingtième film, assumant ainsi la totale maîtrise de la mise en espace du premier personnage mythique de l’histoire du cinématographe, Charlot, « le premier entre tous les hommes [qui] a su réaliser un drame cinéplastique » (Élie Faure). Le principe générique en était des plus simples : « Cela consistait, disait Chaplin, à plonger les personnages dans les ennuis et à les en faire sortir. » Et pour en sortir, précisément, tout est affaire de rythme et de célérité. « Engagé par la Keystone pour tourner des films de poursuite, Chaplin allait courir plus vite et plus loin que ses collègues, tout simplement parce que sa vie en dépendait », écrira François Truffaut.

Cette urgence effrénée avait pour Chaplin une signification bien précise : « L’action est de la musique ». Le premier exégète de Charlot, Élie Faure, ne s’y était pas trompé, considérant dès 1921 la chorégraphie chaplinesque comme « un immense orchestre visuel », affirmant même, paradoxalement, que les films de Chaplin étaient les seuls à pouvoir se passer de musique, « parce que lui-même est musique ».

Néanmoins, et d’entrée de jeu, Chaplin accorda une importance primordiale à la qualité des sélections musicales accompagnant ses films. Musicien dans l’âme, il jouait du violon (à l’envers, étant gaucher) et troussait des mélodies devenues fameuses, comme « Smile » des Temps modernes ou « Deux Petits Chaussons de satin blanc » de Limelight, dont le succès mondial a largement dépassé l’espace étroit de la piste sonore du film. En ricochet, il ne craignait pas de récupérer à son bénéfice certains thèmes célèbres du répertoire populaire ou savant : la Danse hongroise n° 5 de Brahms (Le Dictateur) ou la « scie » de Léo Daniderff « Je cherche après Titine » (Les Temps modernes) ; un héritage des accompagnements disparates de la période muette, qu’attestent par exemple les registres musicaux du Gaumont-Palace, où la projection du Kid faisait alterner des thèmes de Rossini et Maurice Yvain, et intervenir la mélodie de Déodat de Séverac « Ma poupée chérie » sur les péripéties de Charlot soldat.

Cela signifie aussi que les « trésors polyphoniques » du personnage de Charlot, comme le souligne Élie Faure, sollicitent une variété de sources musicales reflétant la palette multiple d’un génie du mouvement et de la mimique pour qui « le dialogue est aussi peu nécessaire au film que les paroles aux symphonies de Beethoven ».

Comment mettre en musique alors, ce personnage-musique de Charlot, inadapté social, éternel vagabond, acrobate de la ruse et de l’esquive, recourant à l’occasion à l’accéléré et à la prise de vues à l’envers pour mieux échapper à ses poursuivants ?

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CHARLES CHAPLIN.indd 8 20/04/09 17:36 Le grand compositeur cinéphile Charles Koechlin s’y risqua, en composant durant l’été 1933 le premier hommage symphonique au septième art, la Seven Stars Symphony, dont le dernier mouvement, qui occupe le tiers des trois quarts d’heure que dure l’œuvre, est dédié à (les six autres « stars » sont Douglas Fairbanks, Lilian Harvey, Greta Garbo, Clara Bow, Marlène Dietrich et Emil Jannings). En bâtissant douze variations sur le thème fourni par les lettres du nom « Charlie Chaplin » dans la notation allemande (do, si, la, ré, mi, la, mi, do, si, la, la, mi, la, sol), Koechlin brosse un portrait complet de Charlot, tendre et roublard, impulsif et hargneux, chorégraphe de la débrouille et incorrigiblement sentimental, qui s’achève sur une évaporation du thème, les notes s’égrenant dans l’espace comme à la fin des films s’éloigne au fond de l’image la silhouette du petit homme à la canne courbe, au melon troué, à la démarche de canard, qui conquit le monde à la fin de la Première Guerre mondiale.

François Porcile

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CHARLES CHAPLIN.indd 9 20/04/09 17:36 Charles Chaplin et la musique Département Jazz et musiques improvisées du Conservatoire de Paris Si Chaplin eut la joie de rencontrer Schönberg, ce dernier n’en trouva pas moins la musique des Le département Jazz et musiques Temps modernes mauvaise. Mais faut-il approuver le réalisateur lorsque celui-ci confiait « être un improvisées accueille environ peu d’accord avec lui » ? Plus que de problématiques valeurs esthétiques, c’était de l’efficacité soixante étudiants. Encadrés et suivis de la musique qu’il fallait discuter, de son aptitude à rythmer le défilé des images et à assurer par une équipe de neuf professeurs, le découpage des scènes. À quoi bon savoir développer ou moduler dans toutes les tonalités ils suivent une formation de haut lorsqu’une simple ponctuation instrumentale suffit à souligner une expression ? Qu’attendre niveau à la fois théorique, pratique d’une musique plus cocasse ? Chaplin l’expliquait : « Je m’efforçais de composer une musique et expérimentale. Chaque promotion élégante et romanesque pour accompagner mes comédies par contraste avec le personnage de constitue un atelier où les jeunes Charlot. (…) Je ne voulais pas de concurrence, demandais à la musique d’être un contrepoint de grâce musiciens doivent composer, arranger et de charme… ». et improviser. L’organisation de master-classes thématiques et de À peine eut-il un peu d’argent que Chaplin s’acheta un violon et désira « devenir artiste de concerts à l’intérieur et à l’extérieur concert ». Et jusqu’à la pathétique chute de Calvero dans la fosse des Feux de la rampe, jamais du Conservatoire permet, outre des il ne se détourna de cet art qu’il aimait tant. Ce qu’avait pressenti Debussy en lui disant qu’il était rencontres précieuses, une ouverture « d’instinct un musicien et un chanteur ». Reste que Chaplin était aussi danseur, et que sa comédie sur les réalités du monde du travail tenait du ballet. Jamais il n’oublia les spectacles de Nijinski et ses « quelques gestes simples et sans et une meilleure connaissance effort apparent ». Ses premiers courts métrages montrent déjà cette extraordinaire attention au du milieu, indispensables à leur détail, même si Riccardo Del Fra insiste sur la nécessité, pour la musique, de suivre son propre insertion professionnelle. La mission parcours, « parallèle à celui du film mais n’en soulignant pas forcément chaque instant ». Un peu à du département est d’accompagner la façon dont Le Bœuf sur le toit de Milhaud prétendait s’accorder à tout Charlot. et de favoriser le développement de jeunes musiciens de haut Deux ans après avoir accompagné L’Aurore de Murnau, les étudiants de Riccardo Del Fra niveau jusqu’à leur spécialisation poursuivent ce travail motivique de façon plus libre, réunissant l’écriture et l’improvisation dans et leur épanouissement personnel. la rencontre des classes de jazz et d’improvisation générative. Selon David Raskin, Chaplin s’était L’étude approfondie des bases de la lui-même constitué un véritable trésor de souvenirs et d’idées qu’il réutilisait à la façon d’une pie. musique de jazz et de l’improvisation, Mais selon Jerry Epstein, le même Chaplin « commençait toujours par do, ré, mi, fa, sol. À partir de l’élargissement de la culture musicale ces notes et à de légères variations près, composait les thèmes des Feux de la rampe et des Lumières et artistique, la rencontre avec de la ville, la mélodie des Temps modernes, ainsi que « Smile » (Love Theme), et « This Is My Song » d’autres disciplines, la confrontation de La Comtesse de Hong-Kong. » avec d’autres mondes sont le chemin de cet épanouissement, Les musiciens ne se limiteront pas à cinq notes, mais demeureront « au service de l’image afin autant que la mise en situation de ne déranger ni le jeu d’acteur, ni l’attention du spectateur » (Riccardo Del Fra). Quitte à contredire par la réalisation de projets, de Chaplin lorsqu’il déclarait : « Quoi que soit la mélodie, le reste n’est que pianotage. » concerts et d’enregistrements. L’équipe pédagogique, constituée François-Gildas Tual de musiciens instrumentistes, arrangeurs et compositeurs actifs dans divers domaines, permet aux étudiants d’avoir aussi des contacts directs avec le milieu musical français et international. Le diplôme de 1er cycle supérieur (DNSPM) de Jazz et

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CHARLES CHAPLIN.indd 10 20/04/09 17:36 Département Jazz et musiques musiques improvisées est délivré à la improvisées du Conservatoire de Paris fin d’un cycle d’études d’une durée Le département Jazz et musiques de trois ans. Le 2e cycle supérieur improvisées accueille environ s’adresse aux étudiants titulaires soixante étudiants. Encadrés et suivis d’un diplôme de 1er cycle supérieur par une équipe de neuf professeurs, – obtenu en France ou à l’étranger – ils suivent une formation de haut qui désirent poursuivre leurs études niveau à la fois théorique, pratique en vue de la réalisation d’un projet et expérimentale. Chaque promotion artistique et de recherche dans constitue un atelier où les jeunes une dynamique de spécialisation musiciens doivent composer, arranger et d’insertion professionnelle. et improviser. L’organisation de Le diplôme de 2e cycle supérieur est master-classes thématiques et de délivré à la fin d’un cycle d’études concerts à l’intérieur et à l’extérieur d’une durée de deux ans. Les cours du Conservatoire permet, outre des dispensés sont les suivants : atelier, rencontres précieuses, une ouverture section rythmique, ear training, sur les réalités du monde du travail répertoire, big band, histoire du et une meilleure connaissance jazz, écriture et improvisation du milieu, indispensables à leur expérimentale, arrangement, groove, insertion professionnelle. La mission piano et piano complémentaire, du département est d’accompagner contrebasse, batterie et batterie et de favoriser le développement complémentaire, saxophone, de jeunes musiciens de haut trombone, informatique musicale, niveau jusqu’à leur spécialisation improvisation modale et musique et leur épanouissement personnel. de l’Inde, improvisation générative. L’étude approfondie des bases de la Les cours de musique de l’Inde, musique de jazz et de l’improvisation, initiation au jazz, histoire du jazz l’élargissement de la culture musicale ainsi que les cours d’improvisation et artistique, la rencontre avec générative (initiation et cours d’autres disciplines, la confrontation supérieur) sont ouverts à tous les avec d’autres mondes sont le étudiants du Conservatoire. chemin de cet épanouissement, autant que la mise en situation par la réalisation de projets, de concerts et d’enregistrements. L’équipe pédagogique, constituée de musiciens instrumentistes, arrangeurs et compositeurs actifs dans divers domaines, permet aux étudiants d’avoir aussi des contacts directs avec le milieu musical français et international. Le diplôme de 1er cycle supérieur (DNSPM) de Jazz et

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CHARLES CHAPLIN.indd 11 20/04/09 17:36 Et aussi…

> MÉDIATHÈQUE > Salle Pleyel > CINÉ-CONCERTS Venez réécouter ou revoir à la MARDI 30 JUIN 2009, 20H SAMEDI 5 DÉCEMBRE 2009, 20H Médiathèque les concerts que vous avez aimés. Enrichissez votre écoute en Première partie : Woodstock 40 ans suivant la partition et en consultant les « Chilhood Journeys » Concert anniversaire avec The Young ouvrages en lien avec l’œuvre. Gods play Woodstock Découvrez les langages et les styles Andy Emler MegaOctet Ciné-concert d’après Woodstock, musicaux à travers les repères Les Percussions de Strasbourg film de Michael Wadleigh (États-Unis, musicologiques, les guides d’écoute et 1970) les entretiens filmés, en ligne sur le Deuxième partie : portail : « Remembering » http://mediatheque.cite-musique.fr MERCREDI 9 DÉCEMBRE, 20H Joachim Kühn, piano Miroslav Vitous, contrebasse Alexandre Nevski Daniel Humair, batterie Film de Sergueï Eisenstein (URSS, 1938) Musique de Sergueï Prokofiev À ne pas manquer la saison Avec le Brussels Philharmonic prochaine ! et le Chœur du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg Jazz à la Villette du 1er au 13 septembre : retrouvez le programme SAMEDI 16 MAI, DE 19H30 À 1H complet de l’édition 2009 du festival SAMEDI 12 DÉCEMBRE, 18H ET 21H à partir du mois de mai sur La Nuit des Musées www.jazzalavillette.com Le Cuirassé Potemkine Film de Sergueï Eisenstein Exposition We Want Miles du 16 (URSS, 1925) octobre 2009 au 17 janvier 2010. Mis en musique par Zombie Zombie Du 27 octobre au 2 novembre, retrouvez également le cycle de concerts We Want Miles rendant DIMANCHE 13 DÉCEMBRE, hommage au célèbre jazzman. DE 15H À 23H

Napoléon Film d’Abel Gance (France 1927) Musique d’Arthur Honegger et Marius Constant

Orchestre Symphonique de la Garde 1014849, 1013248, 1013252 o Républicaine n Laurent Petitgirard, direction Licences Jean-François Zygel, improvisation epro | au piano R Thierry Escaich, improvisation à l’orgue

Pour tout savoir sur la programmation 2009/2010, demandez la brochure à l’accueil ! ImprimeurVINCENT | Imprimeur France

Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Maquette : Elza Gibus | Stagiaires : Marie Laviéville et Romain Pangaud

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