SOMMAIRE

Résumé Exécutif………………………………………………..…………………2-3

Introduction…………………………………………………………………………4

I. Contexte socio-politique dans la période de 16 septembre au 10 novembre 2020………………………………………………………………………………5

II. Méthodologie……………………………………………………………………...5

III. Typologie des violences ……………………………………………………6

1. Conflits intercommunautaires…………………………………………....6

2. Obstruction des voies d’accès à plusieurs villes ……………………...14 3. Destruction du matériel électoral…………………………...…………15

4. Destruction des biens publics et privés……………………………..…..17

IV. Atteintes aux droits humains observés…………………………………...... 18

1. Droit à la vie………………………………………………………………………18

2. Entrave au droit de vote…………………………………………………………20 3. Liberté de circulation…………………………………………………………… 20 4. Insécurité lié à la circulation illicite d’arme à feu…………………………. 22 5. Atteinte à l’intégrité physique…………………………………………………23 6. Déplacement des populations…………………………………………………..25

V. Recommandations………………………………………………………………26

CONCLUSION…………………………………………………………………….....27

Annexe : Tableau récapitulatif des atteintes aux droits de l’homme dans le contexte de la désobéissance civile……………………………….28-31

1 Résumé Exécutif

L’année 2020 constitue une année à défis pour la Côte d’ivoire en raison du scrutin présidentiel qui s’y est tenu et de ses conséquences qui continuent de polluer l’environnement socio-politique.

Pour la conduite du processus électoral le gouvernement ivoirien, après des consultations avec son opposition, a mis en place les organes chargés de la gestion des élections, notamment la Commission Electorale Indépendante et le Conseil Constitutionnel. Après la révision et la publication de la liste électorale, s’est ouverte la phase de recherche de parrainage en vue du dépôt des candidatures à la CEI. C’est dans ce contexte que le Président de la République a annoncé sa candidature le 06 août 2020 lors de son adresse à la nation. Toutefois, face à l’annonce de sa candidature le pays s’est vu confronté à une série de manifestations qui se distinguent par leur mode opératoire sur l’ensemble du territoire national. Dans cette période, les populations ont manifesté dans plusieurs localités pour exprimer leur joie de voir le Président candidat aux prochaines élections. Dans certaines localités, notamment Bonoua, Divo, Gagnoa et Adzopé les manifestations contre la candidature du président ont été observées avec parfois des violences ayants entrainées des pertes en vie humaines et des destructions de biens publics et privés.

Le 14 septembre 2020, le Conseil Constitutionnel a publié la liste définitive des candidats retenue pour les élections présidentiels. Face à cette décision qui a vu le rejet des candidatures de certaines « têtes fortes » de l’opposition ivoirienne, cette opposition a appelé à la « désobéissance civile » dans un premier temps avant d’appeler leur partisan au « boycott actif » de toutes les opérations électorales, en vue d’empêcher la tenue du scrutin présidentiel du 31 octobre.

Pour contrôler la situation des droits de l’homme dans cette période, le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) a fait le monitoring des manifestations qui ont éclatées du 16 septembre au 10 novembre 2020 dans la ville d’Abidjan et dans les 31 régions administratives du pays afin de rapporter la typologie des violences et toutes les atteintes et violations des droits de l’homme observées et de faire des recommandations idoines pour leur traitement efficace.

Les résultats du monitoring exposés dans le présent rapport se structurent en deux principaux chapitres. Le premier chapitre fait une typologie des violences en tenant compte de leur impact sur les droits de l’homme, le deuxième chapitre met en exergue les atteintes aux droits de l’homme observées.

S’agissant de la typologie des violences, le premier type de violence observé est relatif aux conflits intercommunautaires. Ces conflits ont éclatées dans les régions des grands-ponts, du Haut-Sassandra, de l’Indenié-djuablin, du Loh- djiboua, de l’Agneby-tiassa, du Gôh, du Bélier et du Gbèkê avec un pic dans les régions du Moronou et de l’Iffou. Au cours de ces affrontements, les violences entre les autochtones, les allogènes et les allochtones d’une extrême gravité ont occasionnées de graves atteintes aux droits de l’homme dans localités. Le

2 second type de violence est relatif à l’obstruction des voies publiques. Elles ont été récurrentes dans les localités suivantes ; le Loh-djiboua, l’Agneby-Tiassa, le Gbêkê, la Mé, le Haut-Sassandra, le Guémon, le Gontougo, le Iffou, le Moronou, le Bélier, l’Indénié-Djuablin, le Sud-Comoé, et les Grands-Ponts. Dans le souci d’empêcher la tenue du scrutin, les manifestants proches de l’opposition ont dressé de barrages avec de gros troncs d’arbres dans lesdites localités. C’est barrages ont véritablement perturbé la circulation des biens et des personnes d’une part et le convoyage du matériel électoral dans ces localités.Enfin, de troisième type de violence observé était relatif à la destruction du matériel électoral dans les localités suscitées. Ce qui a eu pour effet la perturbation du scrutin voir même sa non tenue dans certaines localités. Le second chapitre du présent rapport fait le point des atteintes aux droits de l’homme observées durant le période de l’appel à la désobéissance civile.

Le CNDH dans son analyse a fait le constat que le Droit à la vie, les entraves au droit de vote, la liberté de circulation, l’insécurité liée à la circulation illicite d’arme à feu, les atteintes à l’intégrité physique, et le déplacement des populations sont les catégories de droits qui ont été régulièrement atteint.

En s’appuyant sur ces faits documentés et les graves atteintes aux Droits de l’Homme, le CNDH recommande :

 Au gouvernement ivoirien

- Mener des enquêtes sur tous les actes d’atteintes et de violations des Droits de l’Homme perpétrés au cours de la période électorale ainsi que les infractions de droit commises à l’effet de traduire leurs auteurs et complices devant les juridictions compétentes ;

- Instruire les autorités compétentes à l’effet de procéder à la recherche des caches d’armes sur toute l’entendue du territoire ;

- Renforcer les actions de collaboration forces de sécurité et populations dans le cadre de la police de proximité ;

- Maintenir le cadre de dialogue et les actions de décrispation du paysage sociopolitique enclenchés par le Président de la République ;

- Renforcer les moyens d’actions du CNDH pour des actions de proximité des CRDH auprès des populations.

 Aux institutions et aux organisations de la société civile : - Accroître les actions de sensibilisation et de formation sur les droits de l’homme à l’intention de toutes les forces vives de la nation ; - Renforcer les capacités des leaders communautaires, religieux et d’associations de jeunesses sur les droits de l’homme et cohésion sociale ; - Sensibiliser les groupements et partis politiques sur les droits de l’homme et la nécessité de le respecter ;

- Eduquer la population au civisme et au respect des valeurs citoyennes. Introduction

3 Les élections constituent la caractéristique principale de la démocratie représentative. Elles permettent aux peuples de se gouverner eux-mêmes en choisissant régulièrement leurs dirigeants et leurs programmes politiques. A l’avènement de la nouvelle vague de démocratisation en Afrique au début des années 1990, les élections sont devenues un élément central de la participation populaire au processus de gouvernance démocratique. Dans le même temps, ces élections sensées renforcer la stabilité des pays africains, engendrent des conflits et des violences qui accroissent le sentiment d’insécurité des populations, mettent en péril la cohésion sociale, les alliances ethniques et régionales, et vont jusqu’à constituer une menace pour l’ordre social, le développement économique des États.

Les élections présidentielles de ces dernières décennies en Côte d’Ivoire sont les illustrations parfaites de cet état de fait. Et, celle du 31 octobre 2020 n’a pas dérogé à ce constat. Elle a été émaillée de violents affrontements qui ont éclatés dans des régions suite aux protestations des militants et partisans des partis d’opposition qui contestaient l’ensemble du processus électoral. En effet, le lundi 16 novembre 2020, les leaders des partis membres de l’opposition politique ivoirienne ont lancé un mot d’ordre de désobéissance civile. Cet appel a donné lieu à une vague de manifestations mêlée de violences entrainant parfois de graves atteintes aux droits humains dans certaines régions du pays.

Conformément à son mandat, le Conseil National des Droits de l’homme (CNDH) a fait le monitoring de la situation des droits de l’homme sur la période allant du 16 septembre au 10 novembre 2020.

Le présent rapport présente le contexte socio-politique qui a prévalu dans la période susmentionnée, la typologie des manifestations et les atteintes aux droits de l’homme observés dans les régions administratives.

I- Contexte socio-politique dans la période de 16 septembre au 10 novembre 2020

4 Le jeudi 06 août 2020, dans son adresse à la nation, le Président de la république a annoncé sa volonté de se présenter aux élections présidentielles du 31 octobre 2020. A la suite des dépôts de candidature à la Commission Electorale Indépendante (CEI), le Conseil Constitutionnel par décision N° CI- 2020-EP-009/14-09/SG du 14 septembre 2020 a publié la liste définitive des candidats à l’élection du Président de la République.

Aux lendemains de cette annonce, le 16 septembre 2020, l’opposition politique constituée des candidats dont les dossiers de candidature avaient été rejetés et de deux autres candidats retenus sur la liste définitive a appelé à la désobéissance civile en appelant ses partisans à s’opposer par tous les moyens à la tenue du scrutin. Dans la foulée, le gouvernement a décidé de reconduire la mesure de suspension des manifestations sur la voie publique pour les autoriser seulement dans les enceintes closes et sécurisés. Malgré cette mesure d’interdiction, les partis membres de l’opposition ont maintenu leur mot d’ordre de désobéissance civile. Ce qui a engendré des violences d’une extrême gravité dans certaines localités. II- Méthodologie

Dans l’exercice de ses attributions, le CNDH se doit de dresser un rapport en tant que de besoin, de la situation des droits de l’homme sur toute l’étendue du territoire national. Pour une bonne conduite du monitoring de l’appel à la désobéissance civile, le CNDH a adopté une démarche méthodique.

Dans un premier temps, le CNDH a instruit son personnel d’appui à Abidjan et ses CRDH dans les 31 régions administratives de documenter toutes les actions susceptibles de porter atteinte aux droits de l’homme.

Ensuite, le CNDH a mis en place une équipe de coordination chargé de recevoir et analyser en permanence les incidents constatés sur toute l’étendue du territoire national à travers ses canaux de Communication (ligne verte et groupe whatsapp) et le logiciel de la plateforme d’alerte précoce nommé https://cndhrci.ewer.app.

Cette démarche de documentation a été faite en recueillant et en établissant des faits susceptibles de confirmer ou d’infirmer l’existence d’incident, son déroulement, et de vérifier les allégations et les rumeurs y étant relatives. A cet, des entretiens ont été tenus avec des victimes, familles de victimes, témoins et des autorités administratives et sécuritaires par les Officiers des Droits de l’Homme. Certains auteurs de témoignages retranscrits dans le présent rapport ont souhaité gardé l’anonymat.

L’analyse des données recueillies a permis d’identifier les localités qui ont connu les différents types de violence qui portent atteintes aux droits de l’homme.

III- Typologie des violences

5 Les violences à la suite de l’appel à la désobéissance civile ont été catégorisées en trois types. Le monitoring de la situation des Droits de l’homme dans cette période a fait état des conflits intercommunautaires, l’obstruction des voies publiques et la destruction du matériel de vote.

Dans la période susmentionnée, il convient de rappeler que dans la capitale politique, Abidjan, Les manifestations ont occasionnés des destructions de biens matériels privés et publics de manière récurrente dans les communes de Yopougon, Riviera, Treichville, Port-Bouët, Marcory et Cocody.

Toutefois, dans la ville d’ Abidjan, les manifestations n’ont pas connues la même ampleur que celles observées à l’intérieur du pays à cause du dispositif sécuritaire mis en place par les autorités d’une part et du mode opératoire adopté par des manifestants d’autre part.

Le CNDH a observé dans la période du 12 août au 30 novembre 2020, un total d’une dizaine de véhicules incendiés et une dizaine de personnes blessées au cours des manifestations qui ont parfois causés une perturbation des activités dans la ville d’Abidjan.

1- Conflits intercommunautaires

Les régions du Moronou et de l’Iffou ont connu les plus violentes crises. Ces deux régions ont la particularité d’être les régions d’origines des deux leaders de l’opposition que sont Monsieur Pascal AFFI N’Guessan (Président du FPI) et de Monsieur Aimé Henry KONAN Bédié (Président de PDCI-RDA). Les affrontements intercommunautaires ont éclaté dans ces deux régions faisant de nombreux dégâts matériels et de nombreuses pertes en vies humains.

Dans la région de l’Iffou, à Daoukro, le mercredi 14 octobre 2020, les jeunes du village de Benanou (situé à environ 500 mètres du corridor nord-ouest de Daoukro) et d’autres villages environnants ont obstrué la voie principale qui relie ces villages à la Ville de Daoukro, seul lieu de ravitaillement en vivres et en non vivres. Les jeunes opposés à ce mode de protestation se sont manifestés à partir du quartier trois (03) pneus de Daoukro. Il s’en est suivi un affrontement entre les deux groupes. Ce qui a occasionné des blessés dont deux (02) personnes gravement blessées qui ont été évacuées au CHR de Daoukro.

Le lundi 09 novembre 2020, à la suite de l’appel de la plateforme de l’opposition, les jeunes de l’opposition se sont réunis à la place Henri Konan Bédié pour tenir un meeting. Au cours du rassemblement, les manifestants ont décidé d’une parade à travers la ville de Daoukro. L’itinéraire choisi allait de la voie principale de Daoukro au quartier Gagou. Le tour d’honneur de la marche s’est transformé en un affrontement entre les manifestants lorsque ceux- ci se sont heurtés à la résistance des jeunes du quartier Sossoroubougou, un quartier

6 habité en majorité par la communauté malinké. Alors que les échanges entre les responsables des deux groupes étaient en cours, un des manifestants (baoulé) a reçu un coup de machette qui a entrainé une grave lésion du bras. Au même moment, des coups de feu ont été tirés dont l’un a atteint mortellement le nommé DEMBELE issu de la communauté malinké. Selon le témoignage des personnes interrogées par les officiers des droits de l’homme de la CRDH de l’Iffou, le premier coup de feu aurait été tiré par un jeune malinké. C’est en réponse que le jeune baoulé a tiré des coups de feu dont l’un a atteint la victime susnommée.

Le lendemain mardi 10 novembre, alors que la tension de la veille restait toujours vive, un jeune baoulé nommé N’GUESSAN Koffi Toussaint, âgé de 34 ans et père de deux enfants, a été tué au quartier Sossoroubougou. Selon les proches de la victime joint par la CRDH, le défunt était en partance pour la ferme de porcs de son oncle dont il était le contremaître. Il y est interpellé par des jeunes malinkés qui lui reprochaient d’être l’un des auteurs des coups de feu qui ont atteint l’un des leurs, la veille. Il aurait reçu un coup de machette mortel et sa tête a été brandit en guise de trophée et de ballon de football (selon une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux). La CRDH a monitoré cet acte horrible auprès des sources sécuritaires et sanitaires à la suite de laquelle elle a confirmé que la vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux était celle du film de la victime susnommée dont le corps décapité était conservé à la morgue de Daoukro.

A M’Bahiakro, du lundi 19 octobre au jeudi 22 octobre 2020, un affrontement intercommunautaire a dégénéré entre militants de l’opposition et ceux du RHDP. A l’origine de cet affrontement, la perturbation d’un meeting du RHDP dans le quartier KOKO, quartier majoritairement habité par les malinkés. Selon les organisateurs du meeting, un groupe de jeunes armés de machette et de gourdins se sont mis à saccager les installations logistiques au lieu du meeting. Ils s’en sont également pris aux familles malinkés à leur passage. Ces jeunes surexcités s’opposaient à la tenue du meeting alors que le mot d’ordre de ne pas s’intéresser au processus électoral est lancé par les partis de l’opposition dont ils sont membres. Selon Monsieur KOUASSI Bernard, responsable politique du RHDP et fils de la région : « ces actes constituent une attaque délibérée, orchestrée contre le RHDP et ses instances par des jeunes manipulés par certains cadres de la région ».

Quant aux manifestants joint par la CRDH, ils soutiennent qu’une marche avait été organisé dans la ville de M’Bahiakro, et qu’ils ont été agressés par des jets de pierres et par des individus armés de machettes et de gourdins. Cette agression aurait occasionné trois blessés parmi les manifestants.

7 Ces deux évènements ont été à la base des affrontements entre les deux camps. Ces affrontements ont duré plusieurs jours et on dénombre :

- le lundi 19 octobre 2020 : 11 blessés dont deux graves ; - le mardi 20 octobre 2020 : 7 blessés enregistrés ; - le mercredi 21 octobre 2020 : 1 mort et plusieurs blessés dans un état critique.

Un couvre-feu a été instauré le mercredi 21 octobre 2020, de 18 heures à 06 heures du matin à cet effet. Dans la région du Moronou, à Bongouanou, les affrontements ont opposé des partisans de l'opposition à ceux du parti au pouvoir. Les affrontements à Bongouanou entre les clans ont duré deux (02) jours. Le bilan fait état de trois (03) morts, plusieurs blessés graves et des dégâts matériels importants, selon la CRDH.

A M’Batto, la ville a connu des affrontements entre jeunes Agni et Malinké qui se sont déroulés du lundi 9 novembre au mardi 10 novembre 2020. Selon le bilan annoncé par la CRDH, ces affrontements ont fait trois (03) morts et vingt- six (26) blessés. La CRDH a fait savoir que l’intervention du Commandant supérieur de la Gendarmerie nationale, le Général Apalo TOURE, pour mener une médiation entre les groupes communautaires a permis de mettre fin aux affrontements.

Dans la région des grands-ponts, à Dabou, les plus graves violences depuis le début de la contestation contre un troisième mandat d’Alassane Ouattara, ont fait onze (11) morts. Selon la CRDH, les premiers troubles ont commencé le lundi 19 octobre 2020 et ont dégénéré en affrontements intercommunautaires le lendemain mardi 20 octobre 2020 entre communautés Adioukro et Malinké. Selon la CRDH, des inconnus dont certains armés d’armes à feu, seraient venus attiser le conflit. "Initialement une banale confrontation politique entre militants du parti au pouvoir et ceux de l’opposition s’est muée en un conflit entre Malinké et Adioukrou.

A la suite des affrontements, plus de 50 individus ont été interpellés du mardi 20 au mercredi 21 octobre 2020. Il a été retrouvé en leurs possessions des armes blanches, des armes à feu, des bars de fer et des bouts de bois avec lesquels ils ont opéré. Le bilan de la saisie s’élève à 06 armes à feu, 40 armes blanches dont 25 machettes, 08 couteaux de cuisine, 03 lances, 03 haches, 02 couteaux de saigneurs, 02 piques, des gourdins. Un lot de gris-gris et 08 téléphones portables ont également été saisis.

Les personnes interpellées ont été conduites devant les juridictions compétentes pour permettre d’élucider le rôle de chacune d’elles au cours des évènements qui se sont déroulées.

8 Dans la région du Haut-Sassandra, le jour du scrutin présidentiel a été émaillé d’affrontements intercommunautaires et d’autres formes d’incidents dans certaines localités de ladite région. Les violences ont été enregistrées dans les sous-préfectures de Boguedia, Saioua, Zaïbo, Iboguhé, Gboguhe, Grégbeu, , Sehitifla, Dananon, Ketro-bassam.

Les affrontements les plus importants ont opposé les autochtones Bétés, Sokya, Gnamboua, et les allogènes ou allochtones malinkés avec au total de nombreux dégâts matériels et humains.

Ainsi, le bilan des violences fait état d’un (01) mort dans chacune des localités suivantes, Tapéguhé (), Saioua, Boguedia et Nahio. Trois (03) morts dans le département d’. Aussi, dans le village de Zah, on enregistre deux (02) morts du côté des autochtones bété et deux (02) disparus dont le chef des senoufos et le propriétaire d’une boutique de nationalité burkinabé à Zah. On note également, que trois (03) villages (Massa, Guefra et Bissaguhé) ont été entièrement brulés ou détruits dans la sous-préfecture de Boguedia/Issia. Toutefois, de nombreux déplacés internes de ces localités ont été observés. Enfin, les affrontements dans les localités de Vavoua (Dema, Bahoulifla, Sehitifla, Ketro-bassam, Dananon…) se sont soldés par trente-huit (38) blessés.

Dans la région de l’Indenié-djuablin, le samedi 31 octobre 2020, des affrontements entre les jeunes du RHDP et ceux de l’opposition ont occasionné deux (02) morts à Niablé et un (01) mort à Sankadiokro.

Dans la région du Loh-djiboua, à Hiré des affrontements entre les communautés Baoulé et Malinké au quartier Baoulé ont été observés. Selon la CRDH, ces affrontements ont occasionné un (01) mort, de nombreux blessés et des dégâts importants. L’origine des affrontements provient d’une manifestation de jeunes Baoulé qui ont obstrués les voies du quartier Baoulé. Ce qui n’aurait pas été du goût des jeunes Malinkés. Il s’en est suivi un affrontement qui s’est soldé par la mort d’un (01) homme.

Dans la région de l’Agneby-tiassa, à Elibou, les manifestants ont tenté d’ériger un barrage sur l’autoroute, le lundi 09 novembre 2020. Ils se sont heurtés aux forces de l’ordre. Trois (03) manifestants ont perdu la vie au cours de cet affrontement. Des affrontements ont également été signalés dans le village d’Oress-krobou entre jeunes abbey et malinké occasionnant un (01) mort.

Dans la région du Gôh, à GAGNOA, les militants de l’opposition ont affronté les forces de l’ordre occasionnant 5 arrestations et 3 blessés. A TEHIRI, un affrontement intercommunautaire a éclaté entre les malinkés et les bétés. Le bilan a fait état de trois (03) morts, vingt- sept (27) blessés, cinquante-huit (58)

9 maisons incendiées, quarante-cinq (45) domiciles saccagés, deux (02) personnes portées disparues et mille six cents soixante-quatre (1664) déplacés internes.

Récit de la CRDH du Gôh sur les évènements des 13 et 14 août 2020 à Gagnoa

Le 13 août 2020, les militants de l’opposition ont entamés une manifestation à GAGNOA notamment dans les quartiers de GARAHIO et BABRE. Ces manifestations ont consisté dans un premier temps pour les manifestants à dresser des barrages sur la voie publique à l’aide de tables, bois, fers, incendie de pneus et autres. Les forces de sécurité composées de la police et de la gendarmerie, ont tentées de libérer les voies en utilisant le gaz lacrymogène. Les manifestants faisaient usage de pierres, cailloux, barres de fer, bois.

Aux environs de 10 heures 30 minutes, lassent de ne pas avoir accès aux quartiers touchés par les manifestations, certains jeunes de la gare ont commencé à se rassembler au rond-point du CHR pour eux aussi s’opposer à ces manifestations. Ils estimaient que les forces de l’ordre étaient impuissantes à disperser les manifestants et à leur permettre d’exercer leur travail dans la quiétude (ils étaient pour la plupart du domaine des transports ; syndicats, chauffeurs de taxis…).

Dans cette atmosphère, deux (02) taxis ont été saccagés par les manifestants de l’opposition et les véhicules de transport en commun étaient bloqués aux entrées de la ville et menacés d’attaques par les opposants. Ces éléments ont suscités la colère des jeunes de la gare dont les rangs avaient été grossis par la présence de plusieurs jeunes de DIOULABOUGOU et aussi de plusieurs délinquants. Ce groupe a alors entrepris d’aller dégager les manifestants de l’opposition. La police a tenté de s’opposer entre les deux camps pour éviter l’affrontement. Cela a duré jusqu’aux environs de 13 heures où les forces de sécurité étaient à cours de moyens conventionnels de maintien d’ordre notamment de gaz lacrymogène.

Le groupe constitué par les jeunes de la gare a alors eu le champ libre pour pénétrer les zones des opposants. Très vite, ils ont pris le dessus et ont investis les quartiers de GARAHIO, BABRE, AFRIDOUGOU. Ils se sont livrés à des pillages, agressions et destructions de biens. Cette situation a perdurée jusqu’en fin d’après-midi. En début de soirée, sous le prétexte de protéger leurs différents quartiers, des jeunes des différents camps se sont regroupés. Ceux des quartiers de DIOULABOUGOU avaient les plus gros effectifs et beaucoup de délinquants se trouvaient parmi eux. Selon B. M., jeune militant RHDP de DIOULABOUGOU : « Nous avons appris par des rumeurs que les jeunes bété venaient nous attaquer, nous avons donc décidé de nous défendre. Nous nous sommes alors regroupés avec des bois, des barres de fer et des machettes. Mais, d’autres groupes de jeunes nous ont rejoint visiblement très excités et sous l’emprise de stupéfiants ; ils avaient des outils et des armes blanches dans des sacs et voulaient absolument aller dans les quartiers bétés pour agresser. Nous leur avons demandé de rester chez nous car nous voulons seulement nous défendre si nous sommes agressés. Finalement, ils ont tout fait pour rentrer chez les bété ».

Dans le courant de la nuit, vers 23 heures, ils ont investis les quartiers favorables à l’opposition et se sont livrés à de véritables scènes de pillages, d’incendies, d’agressions. Toute la nuit jusqu’au petit matin du 14 août, c’est-à-dire vers 3 heures du matin. C’est au cours de cette folle nuit que monsieur GNAKABY CHARLES, victime d’une agression à son domicile par les jeunes venus de DIOULABOUGOU, a trouvé la mort au quartier AFRIDOUGOU. Ces agresseurs ont fait usage de machettes, gourdins et cailloux. Son oncle OLIGBO qui l’a élevé et avec qui il vivait toujours témoigne : « Les jeunes DIOULA sont arrivés la nuit, ils ont

10 cassés sa porte, ils l’ont fait sortir, l’ont tabassé et machetté. Il est mort de ses blessures. »

Egalement, au cours de cette nuit, deux filles ont été victimes de viol de la part des mêmes agresseurs de DIOULABOUGOU. L’une des victimes G. E. témoigne : « Ils sont arrivés dans notre cours et ont commencés à frapper aux portes bruyamment ; finalement, ils ont fracturés certaines portes dont la nôtre et sont entrés dans la maison. Je m’y trouvais avec ma tante qui est un peu âgée. Ils ont commencé à la malmener et l’ont fait sortir. Moi, deux d’entre eux se sont jetés sur moi et sous la menace de leurs machettes, ils ont abusés de moi chacun à son tour ».

Récit de la CRDH du Gôh sur les évènements du 31 octobre 2020 à Téhiri

Le 31 octobre 2020, jour du scrutin a été une journée très sombre dans la localité de TEHIRI. Situé dans le département de Gagnoa, chef-lieu de la région du Gôh, TEHIRI est un village de la sous-préfecture de BAYOTA. Constitué à l’origine de 4 grands villages, à savoir BALAKOU, ZOROGORO, LEBEKO et TEHIRI dont le village a hérité du nom, cette localité est située à 4 kilomètres de la voie principale OURAGAHIO-BAYOTA-SINFRA et a pour village voisin au sud GBIGBIKOU et BALAYO au nord. Sa population cosmopolite est estimée à 9324 habitants dont 4822 hommes et 4502 femmes, selon le dernier RGPH 2014.

Selon le témoignage du chef de la communauté malinké, quelques jours avant le jour du scrutin, sa communauté a pris la peine d’aller voir le chef du village pour savoir si leurs membres pouvaient prendre part au vote dans la tranquillité. Ils ont été rassurés par le chef du village de ce qu’il n’y avait aucun problème. Et donc, le jour du vote tôt le matin, les malinkés ont commencés à faire voter leurs femmes. Aux environs de 10 heures, les hommes ont commencé à voter à leur tour.

Monsieur DJEGBA GADOU JOSELIN, un homme de 45 ans, s’est infiltré dans les rangs en dissimulant une machette. De manière soudaine, il a sorti sa machette et a commencé à agresser les personnes présentes. B. T nous confie : « Nous étions dans les rangs quand soudain on a vu quelqu’un avec une machette agresser les gens ; c’était la panique, on se défendait et la plupart fuyait ».

Selon le témoignage du commerçant de quincaillerie du village, il a constaté l’achat d’un nombre important de machettes quelques jours avant les élections de la part des populations bété. Il a pensé à la période de campagne du cacao qui s’accompagne d’une activité agricole importante.

Les personnes agressées se sont organisées pour s’opposer à leur agresseur ; mais, ils se sont vite rendu compte qu’en réalité, il n’était pas seul. Certains de ses camarades et complices postés aux alentours du lieu de vote ont commencés à venir à sa rescousse avec des jets de pierres et autres. En plus, monsieur BLEY BAYOU ALEXIS, 78 ans, est sorti avec un fusil et en a fait usage. D’après monsieur T. A. « Le vieux BAYOU est sorti avec son fusil et a tiré plusieurs coups sur nous ; c’est lorsqu’il tentait de recharger son arme que les gens ont foncé sur lui ».

Dans leur attaque, ces militants de l’opposition qui tentaient ainsi d’empêcher les élections, ont saisi le jeune TRAORE DRISSA, un malinké de 20 ans, qu’ils ont assassiné à coups de pierres et de machettes et le corps jeté dans un puit. Les jeunes malinkés ont alors lancés la riposte. Dans leur vengeance, ils ont pu se saisir des deux premiers agresseurs qui portaient des armes qui ont été tués avec des gourdins, des pierres et des armes blanches (DJEGBA GADOU JOSELIN et BLEY BAYOU ALEXIS). Les quatre (04) quartiers bété ont été

11 littéralement saccagés : des maisons incendiées, pillées etc… Les habitants de ces zones se sont enfuis pour se réfugier soit en brousse soit dans des villages voisins.

Le bilan lourd de cette journée fait état de trois (03) personnes décédées (02 Bétés et 01 Malinké), vingt-sept (27) personnes blessées (18 Bétés et 09 Malinkés), deux (02) personnes portées disparues (02 Bétés), 1664 personnes déplacées internes et de nombreuses destructions de biens privés dont 58 maisons incendiées (dont le domicile du chef du village), 45 maisons vandalisées, 21 commerces détruits, 02 véhicules incendiés (dont le véhicule du chef du village), 06 motos incendiées, 02 vélos incendiés et 48 compteurs électriques vandalisés.

Aussi, dans la ville d’OUME, au quartier GOTHABAOULE un affrontement entre les communautés gagou et malinké a fait un mort et douze (12) blessés.

Récit de la CRDH du Gôh sur les évènements du 31 octobre 2020 à Oumé A OUME, le jour du vote, tôt le matin, les militants de l’opposition ont saccagés tout le matériel électoral au quartier GOTHABAOULE, en agressant même le personnel. Ils ont dressé des barrages sur les voies empêchant toute circulation. L’un des responsables des syndicats de transporteurs bien connu dans la ville du prénom d’AMADOU surnommé « DOUL » est allé auprès des manifestants pour négocier afin que leurs véhicules de transport en commun puissent circuler. Selon D. S l’un de ses collègues, « Pendant les négociations, il a été pris à partie, ses deux (02) téléphones portables endommagés et sa moto confisquée. En plus, quatre (04) autres de nos frères qui partaient au champ et traversant leur quartier ont vu leurs motos confisquées également ».

Ainsi, une riposte s’est organisée depuis la base des jeunes malinkés à DIOULABOUGOU et à la gare pour se rendre dans le quartier concerné. Ils sont arrivés à GOTHABAOULE à bord de véhicules de transport en commun et à motos armés de couteaux, machettes, gourdins, armes à feu et autres objets. B.Y un jeune manifestant de l’opposition habitant le quartier affirme que : « Nous aussi avions des cailloux, machettes et deux ou trois personnes avaient des fusils calibre 12 ». Un affrontement a éclaté entre les deux camps. Des coups de feu ont éclatés. Les manifestants de l’opposition se sentant en minorité ont commencé à prendre la fuite avec les habitants du quartier pour aller se réfugier pour la plupart à la gendarmerie non loin. Le jeune YORO KOUASSI DIEUDONNE né le 01décembre 1999, élève en classe de terminale au lycée moderne d’OUME selon le témoignage d’ANDRE TISSO, son oncle et tuteur, tentait lui aussi de rejoindre la gendarmerie ; n’ayant pas pu le faire, il s’est caché derrière une table de fortune. Dans sa position, il a été atteint au coup par une balle et un jeune du camp des malinkés s’est approché de lui avec une machette et l’a achevé. En plus, plusieurs magasins ont été détruits et la CRDH a dénombré plusieurs blessés. Selon S. C. témoin présent sur les lieux, les jeunes du RHDP ont vite pris le dessus et les autres ont été pourchassés. Beaucoup se sont enfuis pour se réfugier à la périphérie et un grand nombre à la gendarmerie. Le bilan de cette journée fait état d’un (01) mort, 23 blessés, des dégâts matériels importants. Dans la région du Bélier, dans la ville de Toumodi, au lendemain des élections présidentielles, les 1er et 2 novembre 2020, un affrontement intercommunautaire a opposé les jeunes de l’ethnie locale baoulé et des jeunes de l’ethnie dioula. Ces affrontements ont occasionné une dizaine de maisons

12 incendiées ainsi que deux (02) camions. Le bilan humain fait état de quatre (04) personnes d’une même famille calcinées dans l’incendie de leur domicile.

Dans la région du Gbèkê, des affrontements ont opposés les communautés Baoulé et Dioula à Sakassou. Un membre de la communauté Baoulé témoin des incidents, rapporte ceci: « En réalité, la situation a dégénéré parce que le peuple Baoulé est excédé par les agissements de la communauté Dioula. Les Dioulas ne respectent pas les coutumes et traditions de leur hôte que nous sommes. Plusieurs fois, ils ont transgressé nos coutumes. En 2012, lors des obsèques du Chef canton, des jeunes Dioulas ont bloqué le cortège funéraire alors que notre tradition, leur interdit d’assister au passage de la dépouille mortelle du chef. Également, un nommé Yaya SYLLA a été surpris il y a quelques temps dans la forêt sacrée du Walèbo à 2h du matin. En guise de réparation, il lui a été demandé de payer une amende; il ne n’en est jamais acquitté. Cette forêt sacrée est tout le temps profanée par les bouviers qui la traverse avec leur bétail. L’attaque du quartier Walèbo où sont situé le palais royal et le tribunal traditionnel est une offense et une humiliation de trop pour le peuple Baoulé. C’est une agression contre le royaume Walèbo, raison pour laquelle les 172 villages ont afflué à Sakassou pour soutenir le village Walèbo et laver l’affront. Les jeunes Dioulas ont détruit des commerces, incendié des maisons. Le village de Walèbo a enregistré 06 blessés. Ils nous ont coupé l’eau et l’électricité à Walèbo pendant 03 jours ».

Un groupe de Jeunes malinké interrogé répond à travers un représentant : « Les jeunes Baoulés se sont présentés dans plusieurs lieux de vote de la ville de Sakassou oaéqù le vote se déroulait normalement et ce dans le but de détruire le matériel de vote et d’empêcher son déroulement dans la ville de Sakassou à l’instar des autres villages du département. Les jeunes Dioulas s’y sont alors opposés jusqu’à la sécurisation des urnes par les gendarmes.». «Face à l’attaque des jeunes Baoulés, nous n’avons fait que défendre notre droit de vote et notre quartier Dioulabougou » a précisé un autre jeune du groupe ayant pris part aux hostilités. « Les jeunes Baoulés ont saccagé nos cultures et récoltes, brûlé nos commerces. Un jeune Dioula qui n’était pas parmi les combattants a été pris à part par des jeunes Baoulés à Sakassou; ils l’ont traîné sur une distance de 03 km jusqu’à Kpangbassou où il a été tabassé».

Par ailleurs, ces jeunes expliquent cette escalade de la violence par des raisons autres que celles évoquées par la communauté adverse, telles que la rancœur et une jalousie entretenue par la communauté Baoulé à l’encontre la communauté malinké depuis la rébellion du 19 septembre 2002 ; et le fait que le pouvoir économique soit détenu majoritairement par leur communauté dans le département de Sakassou.

13 Au cours des entretiens, les deux clans ont exprimé leur déception quant au rôle joué par les forces de sécurité, plus particulièrement celles en service dans le département. La communauté Baoulé a estimé que les forces de l’ordre ont fait preuve de partialité et d’inaction au cours de cette crise et ont assisté à la commission d’exactions par la communauté malinké. Des griefs ont également été relevés par les jeunes de la communauté Malinké. Ils affirment que les jeunes baoulés ont cassé les magasins en présence des gendarmes. Ils pensent qu’ils n’ont pas joué leur rôle et devraient être tous mutés dans une autre zone, «parce qu’il sera difficile pour une personne qui a assisté à la destruction de son bien en présence des gendarmes de collaborer à nouveau avec ceux-ci» a ajouté un témoin. Un autre témoin a étayé ces propos en rapportant la situation d’une dame enceinte sur le point d’être évacuée d’urgence le matin du 31 décembre 2020 par l’ambulance vers le CHU de Bouaké, a été bloquée aux barricades érigées par les jeunes de la communauté Baoulé au niveau de Yablassou. Les forces de l’ordre qui ont été joint au téléphone pour intervenir et faciliter le passage de l’ambulance ont signifié n’avoir pas reçu l’ordre d’intervenir hors de la ville de Sakassou.

Selon le Préfet du Département et le Commandant de Brigade adjoint de la brigade de Sakassou, les forces de sécurité locales en nombre insuffisant ont été très vite submergées et n’ont pu réagir promptement face aux violences durant une semaine dans la ville de Sakassou. A Béoumi, face à la violence perpétrée contre les bureaux du parti RHDP dans la localité, le délégué départemental dudit parti Ali DIABATÉ s’est exprimé ainsi à l’équipe de la CRDH, le 25 Novembre 2020 en ces termes: « j’ai été informé le Vendredi 30 Octobre 2020 dès 6h30 du matin par une riveraine. Nous n’avons pas porté plainte, car la Police que nous avons trouvée sur lieux était déjà saisie de l’affaire.»

Le Commissaire de la Circonscription de Police de Béoumi joint au téléphone par l’ODH, a affirmé qu’une enquête avait été ouverte et qu’un suspect était activement recherché.

2- Obstruction des voies d’accès à plusieurs villes

Depuis le lundi 19 Octobre 2020, plusieurs régions (Loh-djiboua, Agneby- Tiassa, Gbêkê, Mé, Haut-Sassandra, Guémon, Gontougo, Iffou, Moronou, Bélier, Indénié-Djuablin, Sud-Comoé, Grands-Ponts et Bélier) ont connu des mouvements de turbulence dus à des manifestations de l’opposition. Ces manifestations s’inscrivent dans la logique d’empêcher la tenue des élections comme l’avaient appelé les leaders de l’opposition. Les manifestants ont dressé des barricades dans les régions suscitées sur plusieurs axes principaux, à l’aide de gros troncs d’arbres et des pneus usagés. Ces barrages ont occasionné des

14 atteintes à la liberté de circulation des biens et des personnes. Elles ont également empêché le convoyage du matériel électoral dans certaines localités.

Obstruction de voirie à Transua (région du Gontougo)

3- Destruction du matériel électoral

Les manifestations dans le cadre de l’appel à la désobéissance civile ont été l’occasion pour certains manifestants de s’adonner à la destruction du matériel électoral. La destruction et le pillage de biens d’autrui ont contribué à installer la psychose chez les populations.

Dans la région du Gôh, les centres de distribution des cartes d’électeurs de 23 villages de la région du Gôh ont subi des attaques de partisans de l’opposition. Le matériel électoral a été détruit dans les localités de Gbigbikou, Blouzon, Bobia, Guessiho, Zebizekou. Aussi, les populations des localités de Zikisso, Hiré, Zego, Didoko, Tiegba (région du Loh-Djiboua) n’ont pu exprimer leur suffrage, en raison des violences visant la destruction du matériel électoral dans les centres de vote.

Dans la région de la Nawa, à Buyo, du 14 au 16 octobre, les cartes d’électeurs ont été emportées dans 15 lieux de vote par des individus non identifiés. Le jour du vote, des urnes et matériels électoraux ont été détruits dans les lieux de vote des départements de Soubré, Gueyo, Méagui et Buyo.

Dans la région du N’Zi, les 17 et 18 octobre, des individus à moto, dont certains étaient encagoulés, ont agressé l’agent distributeur de la Commission Electorale Indépendante (CEI) d’Abigui (Sous-préfecture du département de Dimbokro, région du N’Zi), emportant les cartes d’électeurs, et perturbé la distribution dans les villages de Akotiakro, Sahaguikro et Ahouzankro (département de Kouassi-kouassikro).

Les 25, 30 et 31 octobre, respectivement dans la sous-préfecture de N’Zècrèzèssou (département de Bocanda), Bocanda et Kouassi-Kouassikro, des

15 individus, en armes pour certains, ont détruit et mis le feu aux matériels et locaux de la CEI locale et dans les lieux de vote.

Dans la région du Guemon, à Ouyably-Gnondrou (Kouibly), Zeo, Zou (Bangolo), Bahe-blaon, Dahoua, Baoubly, Guéhiébly, Bagohouo Guinglo Zia, Yrozon, Bohoussoukro, et Amanimichelkro (Duekoué), des personnes non identifiées ont incendié les sièges de la CEI et détruit le matériel électoral, les 30 et 31 octobre.

Dans la région de l’Agneby-Tiassa, le 31 octobre, des jeunes ont pris d’assaut des bureaux de vote et ont saccagé et brûlé tout le matériel électoral à Oress-krobou et Obodjikro.

Dans la région du Cavally, le jour des élections, des cas d’urnes emportées, et de destruction de matériels électoraux ont été observés au quartier Nicla (Guiglo), Paris Leonard (Sous-préfecture de Guiglo), Bedy Goazon, Behebo et Ipoukro (Sous-préfecture de Nizaon), Doké, Guibobly, Dieya, de Kebouebo, de Badouebly, Poan, Taï, Paule Oula, et Daoubly.

Dans la région du Haut-Sassandra, le 14 octobre 2020, les destructions de cartes d’électeurs ont été relevés dans les sous-préfectures de Namané et Iboguhé et quelques villages de la sous-préfecture de Boguedia, Zahibo, Nahio, Gboguhé, , , Gregbeu, Domangbeu et dans quelques centres dans la ville de Daloa. Le vendredi 30 octobre, le siège de la CEI de Nahio a été incendié par des jeunes de ladite localité. A Zaibo, le matériel électoral a été détruit et le bâtiment abritant la CEI incendié. Enfin, le matériel électoral a été détruit ou emporté dans les bureaux locaux de la CEI à Zahibo, Gboguhe, Zoukougbeu, Sehitifla le 31 octobre 2020.

Dans la région du Tonpki, à Man, dans la nuit du 30 au 31 octobre 2020, le siège régional de la Commission Electorale Indépendante (CEI) a été incendié par des individus non identifiés. Une partie du matériel a été détruit. Ce sont dans l’ensemble le matériel de vote qui a été détruit, emporté ou brûlé dans 51 localités de la région du Tonkpi.

C’est le lieu de rappeler que ces violences ont donné lieu à de graves atteintes aux droits humains dans les localités.

4- Destruction des biens publics et privés

Les manifestations en réponse à la désobéissance civile ont engendré de nombreux dérapages qui ont conduit à la destruction des biens publics, cibles privilégiés des manifestants. Dans la ville d’Abidjan, les communes de Cocody,

16 de Marcory, de Koumassi et de Yopougon ont été les zones impactées par les attaques contre les biens publics. La Société des Transports Abidjanais (SOTRA) a été la plus impacté parmi les Etablissements Publics à Caractère Industriels et Commerciaux (EPIC). Le lundi 14 septembre 2020, à la suite de l’incendie d’un autobus de la Sotra par des manifestants à Yopougon-Sideci palais, des agents du Groupement des Sapeurs-Pompiers Militaires (GSPM) ont vu un de leurs véhicules d’intervention saccagé par des manifestants. Aussi, Le samedi 19 septembre 2020, un véhicule de la gendarmerie nationale a été incendié dans la commune de Yopougon par des individus non identifiés au quartier SICOGI dans les encablures du score. Deux véhicules administratifs appartenant au Ministère de l’Enseignement Supérieur ont été incendiés à la Riviera 2 ainsi qu’un véhicule de type 4x4 appartenant au service du Grand Ménage de la mairie de Port Bouët. Dans cette même période, les biens privés des populations n’ont pas été épargnés tant à Abidjan qu’à l’intérieur du pays. Les attaques contre les véhicules de transport des particuliers (gbakas et taxis communaux) ont été enregistrées dans la commune de Yopougon. Le Samedi 31 octobre, Blockhauss dans la commune de Cocody, du matériel électoral a été détruit à et des manifestants ont tenté d’attaquer des bureaux de vote à Bingerville.

Dans la région du bélier, au cours des événements survenus à Yamoussoukro pendant l'élection présidentielle du 31 octobre 2020, sept (07) véhicules de type 4x4 en provenance de Tiébissou ont été incendiés au quartier Morofé. Ces véhicules appartenant à Monsieur Ousmane Bamba ont été interceptés au carrefour de l'aéroport par les jeunes qui avaient érigé des nombreuses barrières. Après avoir descendu tous les occupants, les jeunes ont incendié les sept (07) véhicules. Aussi, à Toumodi, les évènements du 1er novembre 2020 ont engendré la destruction des restaurants, des boutiques et des maquis (restaurants-bars à ciel ouvert).

Dans la région du Gontougo, deux (02) véhicules et trois (03) motocyclettes appartenant à Monsieur KOUAKOU K. Jean Marie, député de Koun-Fao, ont été détruits le 30 octobre 2020.

Dans la région du Moronou, la CRDH a rapporté l’incendie du domicile de l'opposant Pascal Affi N’GUESSAN, de même qu’une école appartenant au le Député-Maire de Bongouanou, Amalaman Gilbert.

Destruction de biens d’autrui dans la région du Moronou IV- Atteintes aux droits de l’homme observées

La situation des droits de l’homme durant ces cinquante (50) jours de désobéissance civile a connu une détérioration dans les régions les plus proches

17 des leaders de l’opposition. Les droits fondamentaux garantis aux populations par l’Etat ont été mis à mal dans le suivi du mot d’ordre de désobéissance civile.

1- Droit à la vie

Le gouvernement dans un communiqué a fait un état des lieux des différentes pertes en vies humaines. Le bilan dépassant le chiffre des 80 pertes en vies humaines durant la période de l’annonce de la candidature du Président Alassane OUATTARA jusqu’à la proclamation des résultats définitifs par le Conseil Constitutionnel. Les importantes pertes en vies humaines sont dues à des affrontements intercommunautaires et à des agressions des forces de l’ordre par les manifestants. En témoigne l’agression du cortège du Ministre du Budget et du Portefeuille de l’Etat par des hommes en arme qui ont attaqué le convoi à Yamoussoukro. Cette attaque a occasionné la mort par balle d’un gendarme, membre de la sécurité du Ministre.

Selon les rapports des CRDH, les régions les plus impactées sont celles du Gôh, du Sud-comoé, du Haut-Sassandra, du Bélier et du Gbèkê avec un pic dans les régions des Grands-Ponts, du Moronou et de l’Iffou dont l’une des victimes a été décapitée avec la tête brandi en guise de trophée par les manifestants. Ce crime crapuleux qui a été filmé et qui a fait le tour des réseaux sociaux a été confirmée par la CRDH de l’Iffou après des investigations.

Dans la région du Gbèkê, plus précisément à Botro, Kouadi Kouassi, témoin et parent d’une victime décédé, rapporte à l’officier des droits de l’homme de la CRDH les faits suivants : « En vérité ici à Botro, je ne vais pas vous le cacher, nous ne voulions pas la tenue de cette élection présidentielle. C’est dans cette dynamique que nous avons érigé des barrages avec des bois pour fermer les voies, pour empêcher le transport du matériel électoral dans les centres de vote. Nous n’avions affaire à personne. Déjà le vendredi 30 octobre 2020, à la veille des élections nous étions sur le terrain pour occuper les voies »

Il poursuit en ces termes : « Et c’est ce même jour du 30 novembre 2020 entre 9h et 10h que des forces du groupement mobile d’intervention (GMI) sont arrivées de Bouaké. Au barrage à l’entrée de de ville, elles nous ont fait croire qu’elles sont venues nous surveiller, nous sécuriser. Alors vu cette ambiance sympathique, nous leur avons dégagé le passage. A peine avoir franchi les barrages, ces forces ont procédé à la dispersion des manifestants en lançant le gaz lacrymogène mais nous avons résisté et nous sommes restés sur nos position. Dans la nuit du 30 au 31 octobre, l’accalmie est revenue. Le samedi 31 octobre 2020 jour du scrutin, les hostilités ont repris. Aux environs de 9h les mêmes forces ont repris les tirs. Tout le quartier Botrovillage subissait les assauts de

18 ces forces d’intervention. Au départ, elles procédaient par le lancer de gaz lacrymogène, ensuite par balles blanches et même par balles réelles. Nous étions dispersés. Et notre frère SOUANGA Gnanmien dans sa fuite a trébuché en voulant éviter le caniveau et est tombé. Un policier de GMI non loin de lui l’a rattrapé et s’est mis à le molester avec sa matraque. La lutte était engagée entre eux. J’ai vu notre frère saisir la matraque et le collègue du policier voyant la scène a tiré deux fois à l’aide d’un revolver à bout portant sur lui. Une balle a fracturé sa cuisse et l’autre balle dans son bas ventre et ils se sont retirés. Certains d’entre nous sommes accourus pour l’évacuer à l’hôpital de Botro puis au CHU de Bouaké où il n’a pas survécu ». Et de conclure : « C’est cette impétueuse colère qui a véritablement fait monter la tension au point où nous avons commencé à lancer des cailloux. C’est à l’issue de cet affrontement que leur camion de troupes dans sa manœuvre est rentré dans le caniveau par inadvertance. Et la population furieuse y a mis le feu. Ce jour-là, il y a eu plusieurs blessés dont trois (3) par balles ». KONAN Kouakou Maurice, oncle d’une victime blessée par balle dans les affrontements avec des éléments du Groupement d’Intervention Mobile de la police nationale, déployés à Botro pour maintenir l’ordre public, témoigne : « Le samedi 31 novembre 2020 ayant appris que mon neveu SOUANGA Nestor blessé par balle se trouvait à l’hôpital, je m’y rendais quand des policiers m’ont sauvagement tabassé si bien que mon avant-bras droit est fracturé ». Par ailleurs, les CRDH ont documenté cinquante (50) pertes en vie humaines repartie comme suit dans le tableau ci-après.

Tableau n°1 : Répartition des cas d’atteinte au droit à la vie par région et période1

NOMBRE DE PERIODE DES LOCALITES CAS EVENEMENTS DOCUMENTE Région du Moronou (Bongouanou, M’Batto) 16-17 octobre 09 09-10 novembre Région de l’Iffou (M’Bahiakro, Daoukro) 19 octobre 08

1 Les données relevées ici sont celles issues des cas observés par les CRDH.

19 09-11 novembre Région du Haut-Sassandra (Daloa, Issia) 30 octobre 05 31 octobre Région De l’Indénié-Djuablin (Niablé, 31 octobre 03 sanadiokro) Région de l’Agneby-Tiassa (Elibou, Gomon) 09 novembre 04 Région du Gôh (département d’Oumé, sous- 31 octobre 04 préfecture de Guepahouo ; Gagnoa) Région du Loh Djiboua (Hiré) 31 octobre 01 Région du Bélier (Toumodi, zatta) 01 novembre 05 Région des Grands-Ponts (Dabou) 19 octobre 11 TOTAL 50

2. Entrave au droit de vote

Dans la période de la distribution des cartes d’électeurs (du mercredi 14 au 30 octobre 2020), des individus non identifiés ont emporté et détruit des cartes d’électeurs, et incendié des bureaux des Commissions électorales locales allant jusqu’à l’assassinat d’un individu dans la localité de Nahio (Haut-Sassandra).

Des agressions physiques ont été perpétrées sur des Forces de Défense et de Sécurité qui convoyaient le matériel électoral dans des centres de vote. Certaines autorités villageoises et des agents électoraux ont été menacés et chassés de plusieurs bureaux de vote. Le 31 octobre 2020, jour du scrutin présidentiel, les matériels électoraux ont été détruits ; ce qui a entrainé la non- tenue du scrutin dans ces localités. Des urnes ont été volées, brulées et saccagées.

3. Liberté de circulation

Les partisans de l’opposition ont choisi l’érection de barrages à l’aide de troncs d’arbres et l’obstruction de voiries au moyen de divers objets comme modes privilégiés de mise en œuvre de l’appel à la désobéissance civile. Ces actions ont concerné aussi bien les artères principales des localités que les routes reliant les villes.

Dans la région du Moronou, à Bongouanou et à M’Batto, les manifestations visant à entraver la circulation ont débuté le 20 septembre. Des jeunes proches de l’opposition ont bloqué les voies d’accès à ces départements. Le lundi 26 octobre, les jeunes proches de l’opposition de Bongouanou s’en sont pris aux véhicules transportant le matériel électoral.

Dans la région de l’Iffou, le mercredi 14 octobre, des barricades ont été dressées aux entrées et sorties de la ville de Daoukro. Des barrages de fortune ont été érigés dans le quartier de Baoulékro. Le même scénario s’est reproduit le lundi 19 octobre. Trois (03) barrages ont été érigés dans la ville, l’un aux alentours de l’Eglise catholique.

20 Dans la région du Gontougo, le lundi 19 octobre, des militants de l’opposition de la sous-préfecture de Kouassia-Niaguini ont posé des barricades sur l’axe principal Transua-Kouassia-Niaguini avec des pneus brulés et des troncs d’arbres. Aussi, le mardi 20 octobre, des militants de l’opposition de la commune de Transua et de la sous-Préfecture de Tankessé (département de Koun-Fao) ont-ils protesté à travers des barricades faites de troncs d’arbres et de pneus sur les voies principales.

Obstruction de voirie à Transua (région du Gontougo)

Dans la région de l’Agneby-Tiassa, à Moutcho (village située à 3 km d’Agboville) des jeunes ont obstrué la voie principale, afin d’empêcher le passage du cortège de la direction régionale de campagne du candidat du RHDP, le mercredi 21 octobre. Cette tendance a été suivie à Offoumpo le 30 octobre 2020 et dans les localités d’Aboudé, Mandéké, Kouadjakro et N’drikro, le 31 octobre. Le lundi 09 novembre, des barricades ont également été dressées à Grand Yapo sur l’axe principal reliant Agboville à Abidjan, et dans la ville de Sikensi.

Dans la région du Lôh-Djiboua, le 31 octobre, des arbres ont été abattus dans les localités de Neko-Tiegba, Gogné, Zatoboa (département de Lakota) afin d’empêcher l’accès à ces villages. Les localités de Nebo et Ziki-Dies (département de Divo) ont connu les mêmes scènes. Le 09 novembre 2020, les voies d’accès au village de Zego (département de Divo) et Zatoba (département de Lakota) ont aussi été obstruées par des individus non identifiées.

Dans la région de la Nawa, la voie reliant les départements de Buyo et Soubré a été coupée au niveau de Lobovile, Dapeoua et Logbogba. Des cas d’obstruction de voiries ont été observés dans le département de Gueyo, sur les axes reliant le département aux localités de Gagnoa, Lakota et Soubré. Dans la nuit du dimanche 08 au lundi 09 novembre 2020, des individus ont barré la

21 voix principale du département de Méagui, dans les villages d’Abokouamekro, et Tereagui 1.

Les CRDH ont observé que ces nombreux barrages étaient devenus des lieux de racket, d’extorsion de fonds. Les Présidents des CRDH Indenié-Djuablin, Gontougo, Moronou et Bounkani ont rendu le témoignage suivant : « sur le chemin de retour après le séminaire organisé à Yamoussoukro, de Toumodi (région du bélier) à Arrah (région du Moronou) nous avons payé à chaque barrage de l’argent qui varie en fonction des humeurs des personnes qui tenaient les barrages ».

4. Insécurité liée à la circulation illicite d’arme à feu

Les CRDH ont fait le constat sur la période du 16 septembre au 10 novembre 2020 de l’usage d’armes à feu par les manifestants. Au cours des conflits intercommunautaires qui ont éclaté à Dabou et à Bogouanou, des blessés par balle ont été enregistrés. Un communiqué2 du Ministère de la Sécurité relatif aux affrontements de Dabou a fait été de la saisie de 06 armes à feu.

Les CRDH ont aussi rapporté que les manifestants présents à certains barrages avaient en leurs possessions des armes à feu (fusil de type calibre 12). En témoigne l’attaque par balle des cortèges des Ministres de la Communication et du Budget à Beoumi (région du Gbêkè) et Zata (région du Bélier).

Le Commissaire de police de la Circonscription de police de Botro, dans la région du Gbèkê relate à l’officier des droits de l’homme : « une rumeur a circulé faisant état de ce que le commissariat serait un lieu de vote. Alors un groupe est venu me voir pour le constater. Nous leur avons dit qu’il n’en était rien et qu’il n’y a pas de matériel électoral ici au commissariat. Ils sont venus en grand nombre, nous les avons repoussés et dans les manœuvres notre véhicule de troupes venu de Bouaké est descendu dans le caniveau. A l’intérieur du véhicule, il y avait deux (2) armes de type kalachnikovs qui ont été emportées, huit(8) pistolets individuels dans un sac ont été brûlés, le véhicule de troupe calciné. Une (1) personne décédée du côté des manifestants, quatorze(14) blessés dont trois(3) blessés par calibre 12 et les autres par cailloux ; un (1) pare-brise brisé, un (1) véhicule de troupes venu de Bouaké caillassé. A la suite d’une information reçue, une kalachnikov a été retrouvée en brousse, mais les munitions de départ ont trouvées diminuées.»

5. Atteinte à l’intégrité physique

2 Communiqué du ministère de la sécurité en date du 24 octobre 2020

22 Au cours des événements susmentionnés de nombreuses menaces physiques ainsi que des blessés ont été enregistrés.

Le 31 octobre 2020, jour du scrutin présidentiel, le CNDH a déployé 1500 observateurs sur toute l’étendue du territoire national. Les observateurs du CNDH dans les régions du Gôh, du Bélier, de l’Indenié-djablin, du Haut- Sassandra et du N’Zi ont été agressés par des manifestants s’opposants à la tenue des élections.

Dans la région du Moronou, à Bongouanou, les événements du 16 octobre 2020, se sont soldés par quatorze (14) personnes blessées à l’arme blanche. Ceux de M’Batto, les 09 et 10 novembre, ont fait trente-neuf (39) blessés dont sept (07) cas graves.

Dans la région de l’Iffou, l’altercation entre participants à un meeting du RHDP et partisans de l’opposition à M’Bahiakro, évoquée dans la section précédente, a comptabilisé au moins dix-huit (18) blessés entre le 19 et 21 octobre. Le conflit communautaire du 09 au 11 novembre à Sossoroudougou a causé cinquante-sept (57) blessés.

Dans la région du Gôh, le 26 octobre, des partisans de l’opposition ont été dispersés à Garahio alors qu’ils tentaient d’organiser une manifestation. Les heurts ont fait cinq (05) blessés. Le 31 octobre, 12 blessés ont été dénombrés au cours d’un conflit entre communautés au quartier Gotha-Baoulé, dans la ville d’Oumé. Dans le même temps, un affrontement entre militants de l’opposition et forces de l’ordre dans la ville de Gagnoa a occasionné trois (03) blessés. Enfin, les affrontements entre communautés malinké et bété à Téhiri, évoqué plus haut, a entrainé vingt- sept (27) blessés.

Des cas d’atteinte à l’intégrité physique sont légions. Ils ont été rapportés dans les autres localités. Ainsi, Monsieur OUATTARA Saïbou, un leader de l’opposition a été victime d’agression physique le 31 octobre à Koun-Fao (région du Gontougo). Dans le département de Biankouma (région du Tonkpi, Ouest du pays), des agressions physiques ont été perpétrées sur des forces de l’ordre qui convoyaient le matériel électoral dans des centres de vote.

Le samedi 31 octobre, les affrontements communautaires dans des villages de la sous-préfecture de Vavoua (Haut-Sassandra), à savoir Dema, Bahoulifla, Sehitifla, Ketro-Bassam et Dananon ont fait trente-huit (38) blessés.

A Sankadiokro et Niablé, ces affrontements ont fait plus de huit (08) blessés. A Bocanda, dans la région du N’ZI, des jeunes se réclamant de l’opposition se sont attaqués à des militants du RHDP aux domiciles du Maire et du Ministre Koffi N’Guessan Lataille. Une personne en est sortie avec des blessures au corps.

23 Enfin, le 1er novembre au lendemain de l’élection présidentielle, les violences dans la localité de Zikisso ont entrainé des blessés au nombre de six (06), issus de la communauté Dida.

A Botro, dans la région du Gbèkê, N’GUESSAN Kouassi Stéphane, blessé dans les affrontements avec la police et admis pour des soins au CHU de Bouaké raconte : « Nous n’avons rien fait à quelqu’un. Seulement nous étions opposés à l’organisation de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Ceci nous a amené à protester à travers les barrages de voies pour empêcher la tenue du scrutin. C’est dans cet imbroglio que Madame REBECCA Yao est arrivée le 30 octobre à notre barrage situé vers le lycée moderne accompagnée de policiers venant de Bouaké. Le Commissaire a demandé à ces policiers d’être fair-play avec la population car elle n’est pas violente. Nous leur avons donc cédé le passage. Quelques instants après, nous avons été confronté au lancé de gaz lacrymogène mais nous avons résisté et nous y sommes restés jusqu’au lendemain 31 octobre 2020 dans le but d’empêcher le transport du matériel électoral dans les différents centres de vote comme je l’ai dis plus haut. Le samedi 31 octobre 2020 la police a tiré à balles réelles de leur positionnement devant le commissariat de Botro; c’est en ce moment que j’ai reçu une balle à la cuisse gauche. J’ai été transporté à l’hôpital de Botro par mes camarades pour des soins. Nous étions trois blessés par balles. Les deux autres blessés que sont M. YAO Cédric qui a vu sa jambe droite transpercée par balle et SOUANGA Gnanmien Nestor qui, lui a reçu deux balles (une balle qui a fracturé sa cuisse et l’autre au bas ventre). Vu la gravité de nos blessures, nous avons été évacués au CHU de Bouaké. En partant de l’hôpital de Botro, les policiers ont obligé l’ambulancier à se rendre au commissariat. Croyant que des blessés s’y trouvaient, il nous y a conduits. Là-bas, j’ai été dépossédé de mon téléphone puis nous avons été copieusement bastonnés et même menacés à mort. L’ambulancier pris de peur s’est enfui. Quelques moments plus tard, le Directeur Départemental de la Santé de Botro le Docteur GOLY est venu et nous avons été évacués au CHU de Bouaké; SOUANGA Nestor est mort au cours du voyage. Nous y avons reçu les premiers soins mais ce sont mes parents qui me prennent en charge. Récemment, j’ai reçu une délégation accompagnée du Maire de Botro et le Commissaire de police venus me remettre 130000 f CFA pour des soins. Je fais un traitement mixte (tradi-moderne). Je suis convalescent, j’arrive peu à peu à faire quelques mouvements mais la balle n’est pas encore extraite ».

Tableau n°2 : Répartition des cas d’atteinte au droit à l’intégrité physique par localité et période

LOCALITES PERIODE DES NOMBRE DE CAS EVENEMENTS DOCUMENTES Bongouanou 16 octobre 14 M’Batto 09-10 octobre 39

24 M’Bahiakro 19-21 octobre 18 Garahio 26 octobre 05 Offoumpo 30 octobre 01 Koun-Fao 30 octobre 01 Gotha Baoulé 31 octobre 12 Tehiri 31 octobre 27 Vavoua 31 octobre 38 Sankadiokro et Niablé 31 octobre 08 Bocanda 31 octobre 01 Zikisso 1er novembre 06 Sossoroudougou 09-11 novembre 57 TOTAL 227

6. Déplacement des populations

Les CRDH ont observé le déplacement des populations à la suite de conflits intercommunautaires dans les localités d’Issia (Haut-Sassandra), de Téhiri (région du gôh). Elles ont également observé une vague de population traversée les frontières dans les régions du Sud-Comoé et du Cavally pour se réfugier au Ghana et au Liberia.

 Les populations déplacées internes

Dans la région du Gôh, à Téhiri, suite à des affrontements intercommunautaires entre les malinkés et les bétés ayant entrainé des incendies et saccages de maisons, ce sont environ 1600 personnes qui se sont déplacés vers les villages voisins en vue d’y trouver refuge.

Dans la région du Haut-Sassandra, les trois (03) villages (Massa, Guefra et Bissaguhé) dans la sous-préfecture de Boguedia/Issia entièrement brulés ou détruits, à la suite des affrontements intercommunautaires ont occasionné de nombreux déplacés internes vers les villes d’Issia et de Daloa.

 Les populations réfugiées dans les pays voisins

Dans la région du Cavally, la CRDH a rapporté un déplacement massif des populations de Toulépleu vers le Liberia. A l’approche du scrutin présidentiel, les populations de cette localité se sont déplacées massivement pour rejoindre le Liberia. En effet, les 28, 29 et 30 octobre 2020, les populations apeurées par la situation sociopolitique tendue du pays ont décidé de rejoindre le pays voisin afin d’y trouver refuge. Ces populations étaient à majorité composé de femmes et d’enfants. Des rumeurs persistantes faisaient état d’attaques et de violences sur les populations le jour du scrutin présidentiel.

Dans la région du Sud-comoé, la CRDH a observé le flux des populations vers le pays voisin du Ghana. Cette information a été confirmée par les

25 autorités administratives au cours d’une réunion avec toutes les forces vives de la région à la Préfecture d’Aboisso.

V. Recommandations

Devant la nécessité d’apporter une réponse appropriée aux atteintes aux droits de l’homme constatées et prévenir d’éventuelles autres dans la perspective de la tenue apaisée des prochaines joutes électorales, le CNDH formule les recommandations suivantes :

 Au gouvernement ivoirien

- Mener des enquêtes sur tous les actes d’atteintes et de violations des Droits de l’Homme perpétrés au cours de la période électorale ainsi que les infractions de droit commises à l’effet de traduire leurs auteurs et complices devant les juridictions compétentes ;

- Instruire les autorités compétentes à l’effet de procéder à la recherche des caches d’armes sur toute l’entendue du territoire ;

- Renforcer les actions de collaboration forces de sécurité et populations dans le cadre de la police de proximité ;

- Maintenir le cadre de dialogue et les actions de décrispation du paysage sociopolitique enclenchés par le Président de la République ;

- Renforcer les moyens d’actions du CNDH pour des actions de proximité des CRDH auprès des populations.

 Aux institutions et aux organisations de la société civile :

- Accroître les actions de sensibilisation et de formation sur les droits de l’homme à l’intention de toutes les forces vives de la nation ; - Renforcer les capacités des leaders communautaires, religieux et d’associations de jeunesses sur les droits de l’homme et cohésion sociale ; - Sensibiliser les groupements et partis politiques sur les droits de l’homme et la nécessité de le respecter ; - Eduquer la population au civisme et au respect des valeurs citoyennes.

Conclusion

26 L’appel à la désobéissance civile lancé par les partis membres de l’opposition au mois de septembre a impacté négativement la situation des droits de l’homme à Abidjan et dans certaines régions réputées proches de l’opposition.

Le Gouvernement dans sa volonté du respect de l’ordre constitutionnel et du maintien de l’ordre public en vue d’assurer l’exercice du droit de vote des citoyens, s’est heurté à l’hostilité, l’incivisme et à des actes d’agression de la part d’une frange de la population qui avait pour objectif d’empêcher la tenue du scrutin dans leurs localités. Le CNDH conclut que ces attaques sont à l’origine de graves atteintes aux droits de l’homme observées par les CRDH.

En vue de prévenir la répétition des violences observées lors des élections à venir, au regard des signaux d’alerte présents à travers des sentiments de vengeance ou de justice privée encore vivaces chez certaines communautés ou groupes politiques, il est impérieux d’engager toutes les composantes de la société à une synergie d’actions.

Annexe : Tableau récapitulatif des atteintes aux droits de l’homme dans le contexte de la désobéissance civile

27 Atteintes Nature Localités (région/ville) Nbre de cas aux droits de l’homme Droit à la REGION DE L’AGNEBY-TIASSA : 50 vie - Département de Sikensi : Elibou, Gomon REGION DU GÔH : - Département de Gagnoa : Tehiri REGION DU HAUT-SASSANDRA : - Sous-préfecture de Nahio - Tapéguhé (Commune de Daloa) - Département d’Issia : Saioua, Nahio, Boguedia REGION DE L’IFFOU : - M’Bahiakro (quartier Koko) - Daoukro : quartier Sossoroubougou REGION DE L’INDENIE-DJUABLIN : - Niablé - Sankadiokro REGION DU LOH DJIBOUA : - Hiré REGION DU MORONOU : - Bongouanou (Agnikro) - M’Batto Intégrité - Menaces REGION DE L’AGNEBY-TIASSA : physique physiques ; - Département d’Agboville : 227 - Blessures Kouassikro, (Sous-préfecture corporelles. d’Aboudé/AGNEBY-TIASSA), Offoumpo - Département de Sikensi : Gomon REGION DU GÔH : - Département de Gagnoa : Tehiri, Garahio - Département d’Oumé : Gotha Baoulé REGION DU GONTOUGO : - Koun-Fao REGION DU HAUT-SASSANDRA : - Vavoua : villages de Dema, Bahoulifla, Sehitifla, Ketro-bassam, Dananon, Sehitifla REGION DE L’IFFOU - M’Bahiakro (quartier Koko) - Daoukro : quartier Sossoroubougou REGION DE L’INDENIE-DJUABLIN - Niablé - Sankadiokro REGION DU LOH DJIBOUA - Zikisso REGION DU MORONOU - Bongouanou - M’Batto REGION DU GUEMON Dahoua REGION DU TONKPI : - Biankouman

28 Liberté de - Erection de REGION DE L’AGNEBY-TIASSA : Non circulation barrages à - Département d’Agboville : déterminé l’aide de - Grand Yapo, Moutcho, Aboudé troncs Mandéké, Kouadjakro et N’drikro, d’arbres ; Offoumpo, - Obstruction - Département de Sikensi : Elibou, de voiries à Gomon l’aide de REGION DU GÔH : tables et - Département de Gagnoa : autres objets. Bognoa, Kabia, Bobia, Ougalilie (axe Gagnoa-Lakota), Kpakpekou (axe Gagnoa-Ouragahio), Kabia, Obodroupa (axe Gagnoa-Lakota), Kokouezo, Zebizekou (axe Gagnoa- Ouragahio) REGION DU GONTOUGO - Département de Transua : Sous-préfecture de Kouassia- Niaguini (axe Transua-Kouassia- Niaguini) Commune de Transua - Département de Koun-Fao : Sous-préfecture de Tankessé REGION DE L’IFFOU - Daoukro (villages à proximité du corridor), quartier Baoulékro - Département de Ouellé : Ouellé Prikro M’Bahiakro REGION DE L’INDENIE-DJUABLIN - Villages d’Ebilassokro, Zaranou, Diamarakro et Béttié (axe Abengourou-Bettié) - Abengourou : Agnikro, Adaou, Aniassué, Sankadiokro REGION DU LOH DJIBOUA : - Département de Lakota : Neko-Tiegba et les villages de Gogné et Zatoboa village de Zatoboa - Département de Divo : Nebo, Ziki-Dies, voie donnant accès au village de Zego REGION DU MORONOU : - Bongouanou (toutes les voies d’accès à la ville) - M’Batto REGION DE LA NAWA - Départements de Buyo et Soubré : Loboville, Dapeoua, Logbogba - Département de Gueyo : les villages de Niorohio, Brethio, Leonarkro, JBkro, Henrikro (axe Gueyo-Gagnoa), les villages de Zimo Konankro, okoukro Yobouet Kouassikro (axe Gueyo-Lakota) et

29 les villages de Bodouyo Bloc, Tagbayo Dioulabougou, Tagbayo 1, Lelakro (axe Gueyo-Soubré) - Département de Méagui : Abokouamekro (axe Soubré-Méagui), Tereagui 1 (axe Méagui-San-Pédro) REGION DU N’ZI : - Département de Bocanda : - Département de Dimbokro : zone communale quartier Koffikro - Département de Kouassi-Kouassikro REGION DU GUEMON : - Département de BANGOLO : Sous-préfectures de GUINGLO- TAHOUAKE et de DIEOUZON - Département de Kouibly : Sous-préfecture de Kouibly

30 Droit à la - Conflits REGION DE L’AGNEBY-TIASSA : Non sécurité intercommun - Département d’Agboville : déterminé autaires ; Moutcho - Attaques de REGION DU GÔH : groupes - Département de Gagnoa : armés ; Usage Tehiri, Garahio d’armes - Département d’Oumé : blanches et Gotha Baoulé d’armes à REGION DU HAUT-SASSANDRA : feu ; - Sous-préfectures de Boguedia, - Destructions Saioua, Zaïbo, Iboguhé, Gboguhe, de biens. Grégbeu, Vavoua, Sehitifla, Dananon, Ketro-bassam REGION DE L’IFFOU : - Daoukro : Benanou (village situé à environ 500 m du corridor nord-ouest de Daoukro) - M’Bahiakro (quartier Koko) REGION DE L’INDENIE-DJUABLIN : - Niablé REGION DU MORONOU : - Bongouanou - M’Batto REGION DU N’ZI : - Département de Dimbokro : zone communale quartier Koffikro - Département de Kouassi-Kouassikro REGION DU GUEMON : - Département de KOUIBLY : Sous-préfecture d’Ouyably-Gnondrou - Département de BANGOLO : Sous-préfectures de Zeo et de Zou, Blenimeouin REGION DU TONKPI : - Zouan-Hounien - Man - Biankouma - Danané

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