II.3 L’EVOLUTION URBAINE ET L’ARCHITECTURE AU MARAIS AU XVIII E SIECLE

II.3. 1 DES DATES, DES FAITS, DES IMMEUBLES REPERES

Le début du XVIIIe siècle pour le roi Louis XIV commence en fanfares. Mais la guerre qui recommence en Europe dès 1701 ne lui est pas favorable. La bataille de Ramillies contre les anglais est un désastre pour un monarque dont le prestige décline. Même Vauban valeureux soldat semble vouloir des réformes et formule des critiques. A partir 1709, l’argent manque vraiment tandis que l’hiver d’une rigueur exceptionnel plonge la dans le froid. En 1715, l’état n’est plus loin de la Banqueroute et le roi soleil s’éteint. Cette fin de règne n’est pas si défavorable pour le Marais. En temps de guerre, l’argent circule, et le commerce n’est pas forcément mauvais. Le quartier continue sa régénérescence. Ca et là la ville continue à se reconstruire sur elle-même et de nouveaux immeubles apparaissent. Certains grands seigneurs semblent ignorer les temps difficiles. Ainsi François de Rohan, prince de Soubise (mort en 1712), Lieutenant général depuis 1679, gouverneur du Berry en 1681 et de la Champagne en 1692, marié avec sa cousine, Anne de Rohan (décédée en 1709), maîtresse de Louis XIV, engage en 1706 de concert avec un de ses onze enfants, Armand Gaston de Rohan, évêque de Strasbourg en 1704 (il sera grand aumônier de France en 1713), la transformation d’un très grand îlot au cœur du quartier. Le chantier poursuivit par Hercule Mériadec de Rohan à l’hôtel de Soubise se prolongera jusqu’en 1739. La Régence, époque faste pour certains quartiers parisiens, quand les billets de Law dynamisent artificiellement l’économie, n’apportera rien ou presque au développement du Marais qui se tient à l’écart des grandes fêtes et événements contemporains. Paris s’enrichit alors, mais les nouveaux riches préfèrent s’installer à l’ouest de la capitale, dans le quartier Saint-Honoré et le quartier du Roule, voire même au faubourg Saint-Germain, car la noblesse d’Epée qui y est installée succombe parfois à l’attrait de la spéculation. Après une période incertaine, avec la disgrâce du duc de Bourbon et l’arrivée du Cardinal de Fleury comme Premier Ministre, le négoce traditionnel semble reprendre suffisamment à la fin des années 1720 pour que les chantiers soient relancés. Les années 1730 et 1740 verront de nombreuses constructions, notamment le long des axes de circulation : la rue Saint-Antoine, la rue François Miron, la rue du Temple, la rue Vieille-du-Temple, la rue de Bretagne. C’est une idée reçue que Le Marais périclite au cours du XVIIIe siècle. Et même si les années 1750 ne sont pas brillantes (le conflit entre la royauté et le Parlement de Paris est à son paroxysme, tandis que la guerre de sept ans s’engage), la reprise est au rendez-vous sitôt la paix revenue. La fin du règne de Louis XV et le règne de Louis XVI apportent une prospérité qui permet la poursuite de la construction. Car on travaille beaucoup dans le bâtiment au Marais dans les années 1760-70-80. Marchands tapissiers, maîtres joailliers, maîtres celliers, maître maçons, architectes, construisent pour eux-mêmes des immeubles de rapport ; bourgeois et négociants remettent au goût du jour leur patrimoine familial, et le mouvement se poursuit pendant les événements révolutionnaires jusqu’en 1792 et la déclaration de guerre. Arrives au pouvoir, la Convention Nationale et le Directoire n’encourageront pas la commande architecturale. Mais la vente des Biens Nationaux, notamment la vente des biens du clergé dans le Marais, engagée dès 1790, accompagnée des démolitions qui vont se poursuivre au début des années 1800, sera loin d’être défavorable à l’essor urbain au siècle suivant.

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Règne de Louis XIV (1700-1715)

Evénements politiques – faits de société 1700 - Le duc d’Anjou, deuxième dauphin, petit-fils du roi de France, devient roi d’Espagne, ce qui confirme au niveau européen la maison de Bourbon. 1701 - La guerre recommence. 1706 - Désastre de Ramillies : Marlbrough défait Villeroy. Le prestige du roi est atteint.. 1707 - Publication de La Dîme Royale de Vauban. 1709 -Chute de température exceptionnelle pendant l’hiver (- 40 degrés à Paris), ce qui entraîne une mortalité importante. 1715 - L’Etat a presque déjà consommé les revenus des années à venir (1716 à 1718). Il doit en outre plus de deux milliards. On envisage une procédure de Banqueroute. Mort de Louis XIV au mois de septembre.

Evénements artistiques 1699 - Début de la construction de la chapelle du château de Versailles. L’architecte Jules Hardouin-Mansart, devient Surintendant des bâtiments. 1702 - Arrêt du Conseil du Roi qui confirme le nouveau découpage de Paris en vingt quartiers. 1706 - Consécration de l’église royale des Invalides. Jules Hardouin-Mansart en est son architecte. 1707 - Construction de la façade de l’église des Barnabites sur l’île de la Cité, selon les dessins d’Edme-Sylvain Cartaud, façade qui sera démontée et remontée, 12 rue des Blancs-Manteaux en 1863, devant la nef de l’église de l’ancien prieuré des Blancs-Manteaux. 1708 - Le duc d’Antin, devient Surintendant des Bâtiments du roi. 1709 - L’argent consacré par le roi aux Beaux-Arts est au plus bas depuis le début du règne de Louis XIV. Louis XIV envoie à la Monnaie pour y être fondue, sa vaisselle, celle du Dauphin et celle du duc de Bourgogne. 1712 - Projet d’hôtel pour Amelot de Gournay par l’architecte Germain Boffrand, aujourd’hui 1 rue St-Dominique dans le VIIe arrondissement (les travaux seront achevés en 1717). 1714 - Une décision du Conseil autorise l’Académie à faire imprimer et graver des descriptions d’objets d’art et des conférences et déclare qu’«il faut que le public soit informé des progrès que font les Arts.

L’architecture au Marais 1703 - Hôtel, 78 rue des Archives, construit pour Jean Amelot de Chaillou, conseiller au Parlement et Intendant du Commerce d’après les dessins de Pierre Bullet. 1704 - Transformation d’un hôtel construit au XVIIe siècle 28 rue Charlot, pour Jean-Baptiste de la Garde, Président de la 5 ème Chambre d’Enquêtes au Parlement. 1705 - 10 rue Aubriot, hôtel Louis d’Havis, contrôleur général des Rentes de l’Hôtel de Ville 82 rue des François Miron, hôtel François Alphonse Hénault de Cantorbe, Trésorier de France de la Généralité de Montauban. 1706 - 60 rue des Francs-Bourgeois et 87 rue Vieille-du-Temple, début de la construction des hôtels pour François de Rohan, duc de Soubise et d’un de ses fils, le cardinal. Armand Gaston de Rohan, d’après les plans de l’architecte Pierre Alexis De la Maire 1707 - 132 rue Vieille du Temple, Maison de Nicolas Delaunay, Secrétaire du Roi. PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 54

1710 - Immeuble 78 rue François Miron. 1714 - Maison Jacques-Charles Lebrun, Greffier des Bâtiments, 52 rue de la Verrerie.

1703 , 78 rue des Archives, hôtel Amelot de 1704 , rue Charlot, Hôtel de la Garde Chaillou

1705 , 10 rue Aubriot, Hôtel d'Havis 1705 , 82 rue François Miron, Hôtel Hénault de Cantorbe

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1705, 82 rue François Miron, Hôtel Hénault de Cantorbe

1706 , Hôtel de Rohan, façade sur jardin

1706, Hôtel de Soubise, rue des Francs-Bourgeois, façade sur cour

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1707 , maison Delaunay, 132 rue Vieille du Temple

1707 , façade de l'église des Barnabites sur l'ile de la Cité, aujourd'hui portail de l'église des Blancs-Manteaux

1714 , maison Lebrun, 52 rue de la Verrerie, façade et détail 1710 , maison 78 rue François Miron PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 57

La Régence de Philippe d’Orléans (1715-1723)

Evénements politiques - faits de société 1715 - Philippe d’Orléans fait casser le testament de Louis XIV à son bénéfice, pour ne pas partager le pouvoir avec le Duc du Maine, et choisir les membres de son Conseil de Régence. Louis XV est âgé de cinq ans. Association des gens d’Epée et des gens de Robe au gouvernement. 1716 - En janvier, le roi s’installe au Palais des Tuileries. Law crée la Banque générale, compagnie financière au capital de 6 millions. 1717 - Création de la Compagnie d’Occident ou Compagnie du Mississipi par Law pour exploiter la Louisiane. 1718 - Création d’une Compagnie concurrente, l’Anti-Système, qui s’est fait adjuger le droit d’exploiter pendant six ans les aides, les traites et les gabelles, la majeure partie des impôts indirects. Le roi devient seul propriétaire des actions de la banque de Law, qui en est le directeur. 1719 - Rachat par Law du droit d’exploitation auparavant acquis par l’Anti-Système Law se fait céder les privilèges de la Compagnie des Indes orientales, et de la totalité du commerce maritime français. Il donne le nom de Compagnie des Indes à sa Compagnie d’Occident. 1720 - Law a multiplié l’émission d’actions qui a permis aux spéculateurs de faire des fortunes importantes très rapidement. Le Prince de Conti et le duc de Bourbon, en réalisant leur argent papier pour de l’espèce, déclenchent une première panique. Puis la spéculation reprend, avant que la défiance ne s’installe. En décembre, Law s’enfuit à Bruxelles. 1721 - Banqueroute et liquidation des entreprises de Law. 1722 - Au mois de juin, le roi repart résider à Versailles. 1723 - Fin des différents conseils et du Conseil de Régence. Rétablissement de l’Ancien Conseil d’en Haut et retour à l’absolutisme, quand le roi devient majeur à l’âge de 13 ans. Philippe d’Orléans, devenu Premier ministre meurt d’apoplexie en décembre.

Evénements artistiques 1717 - Antoine Watteau peint « Une fête galante » qui rompt avec la tradition. Son succès est immense et sa célébrité relance la création en France. 1718 - Début des travaux de l’hôtel d’Evreux (aujourd’hui Palais de l’Elysée), selon les dessins de l’architecte Armand-Claude Mollet. 1719 - Hôtel de Rohan-Montbazon, 29, faubourg Saint-Honoré par Jacques Gabriel, début de la construction de l’hôtel Matignon, rue de Varennes d’après les plans de Jean Courtonne. 1720 - Hôtel de Charrost, 39, faubourg St Honoré par l’architecte Mazin (actuelle ambassade du Royaume-Uni). 1721 - Mort d’Antoine Watteau. 1722 - Le Roule est annexé à Paris, conséquence du peuplement rapide du faubourg St Honoré, début de la construction du Palais Bourbon au faubourg Saint-Germain.

L’architecture au Marais 1721 - Hôtel de Fontenay, 56 rue des Francs-Bourgeois, par l’architecte Jacques Vinage pour François-Victor de Breteuil, marquis de Fontenay, qui deviendra Secrétaire d’état à la guerre sous Louis XV pendant les ministères de Bourbon et Fleury (l’hôtel ne sera pas habité par son propriétaire).

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REGNE DE LOUIS XV (1723-1774)

Evénements politiques – Faits de société 1723 - A la mort de l’ancien Régent, le duc de Bourbon devient Premier ministre. 1724 - Réouverture de la Bourse dans l’hôtel de Nevers. Privilège des Agents de Change. 1725 - Des émeutes éclatent à Paris à cause de la famine. 1726 - Après la disgrâce du duc de Bourbon, de Fleury ancien aumônier de Louis XIV est Premier ministre. 1739 et 1740 - Disette dans le monde rural après deux mauvaises récoltes. La misère est grande dans le royaume où l’argent est aux mains des spéculateurs. 1743 - Le Cardinal de Fleury meurt. Il a quatre-vingt-dix ans. 1745 - Le roi installe la marquise de Pompadour auprès de lui. Celle-ci joue le rôle d’un Premier Ministre. Machault d’Arnouville est contrôleur général ; d’Argenson est Secrétaire d’Etat, chargé de Paris. 1749-1750 - Emeutes dans Paris contre d’Argenson, « Ministre de Paris », qui organise la chasse aux errants et aux gueux pour les envoyer aux colonies. 1751 - Après la paix d’Aix-la-Chapelle, le Comte d’Argenson, Secrétaire d’Etat à la Guerre crée l’Ecole Militaire où 500 jeunes gentilshommes peuvent être élevés gratuitement. 1753 - Le Parlement de Paris est dispersé. Les présidents et conseillers aux requêtes et enquêtes sont exilés de la capitale. La Chambre Haute est reléguée à Pontoise. L’affaire s’arrangera la même année. 1756 - Début de la Guerre de Sept ans. 1757 - Suite à l’attentat de Damiens sur sa personne, le roi éloigne Machault, auteur du projet d’un nouvel impôt, le vingtième, et d’Argenson, chef du parti dévot, qui avaient attiré sur eux le plus de haines. 1759 - Le bureau du Commerce et le Conseil du Roi autorisent la fabrication des toiles de coton, « blanches, peintes ou imprimées, à l’imitation de celles des Indes ». C’est le début d’un renouveau de l’industrie française qui va profiter de la généralisation de la liberté industrielle dans les domaines de la papeterie, de la tannerie, du raffinage du sucre, de la verrerie, de la fabrication de savon. 1763 - Fin de la guerre de Sept Ans. Au traité de Paris, la France perd son Empire des Indes, et cède son Empire d’Amérique, notamment le Canada et les rives du Mississipi. Le sentiment national est violemment offensé de tant de désastres. 1766 - Réunion de la Lorraine à la France, suite du décès du roi Stanislas. 1768 - Achat de la Corse. 1769 - Le privilège de la Compagnie des Indes est supprimé. La liberté de commerce est établie. 1770 - Mariage du Dauphin, petit-fils du roi, avec Marie-Antoinette d’Autriche. 1771 - Réforme du Parlement de Paris. Transformation de l’administration de la Justice. Abolition de la vénalité des Charges. 1774 - Mort du roi.

Evénements artistiques 1733 - Démolition de la porte Saint Honoré, construite sous Louis XIII, celle-ci formant obstacle dans le quartier en pleine évolution Début de la réalisation par le peintre François Lemoyne du plafond du Salon d’Hercule au château de Versailles, inspiré des grands décors de plafond italiens.

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Début de la construction de la façade ouest de l’église Saint-Sulpice d’après les plans de Servandoni (achevée en 1745). 1734 - Juste-Aurèle Meissonnier, dessinateur de la chambre et du cabinet du roi diffuse la mode rocaille avec la publication de son Livre d’ornements. 1736 - Philibert Orry devient directeur des bâtiments du roi. Achèvement des portails dans le goût classique de l’église Saint Roch. 1737 - Organisation régulière du Salon, tous les ans ou tous les deux ans, le jour de la Saint- Louis, où exposent au Palais du Louvre les académiciens. Le peintre Jean-François de Troy commence les cartons de l’histoire d’Esther, tapisserie de sept pièces tissée par la manufacture des Gobelins.. 1744 - Les frères Martin se voient accorder le privilège royal de décorer les meubles selon leur procédé de vernis à la manière des laques de Chine ou du Japon. 1746 - Voltaire, protégé de , historiographe du roi, gentilhomme de la Chambre, membre de l’Académie française. 1748 - Publication de L’Esprit des Lois de Montesquieu. 1749 - Premier volume de l’Histoire Naturelle de Buffon. 1750 - Discours sur les arts et les sciences de Jean-Jacques Rousseau. Travaux au château de Bellevue à Meudon par Lassurance le fils, pour Mme de Pompadour. 1751 - Portail de l’église Saint-Eustache à Paris par Jean Hardouin-Mansart de Jouy. Début des travaux au château de Compiègne pour le roi par Ange-Jacques Gabriel. Le futur Marquis de Marigny, Poisson de Vandières, frère de Madame de Pompadour, directeur des Bâtiments du roi. Publication du premier volume de L’Encyclopédie sous la direction de Denis Diderot. 1752 - Publication chez le libraire Jombert de l’Architecture Françoise de Jacques-François Blondel, premier essai critique sur l’architecture parisienne et de ses environs. 1753 - Début de la reconstruction du château de la Muette pour le roi par Ange-Jacques Gabriel. Commande royale faite au peintre Claude-Joseph Vernet qui est chargé de représenter en 24 tableaux les activités industrielles, commerciales et humaines des principaux ports de France. 1755 - Maurice Quentin de la Tour achève le portrait au pastel de Madame de Pompadour et le présente au Salon. 1758 - Début de la publication sur Les plus beaux bâtiments de la Grèce par Jean-David Leroy, qui annonce le retour du goût antique. 1760 - Madame de Pompadour protège la fabrique de porcelaine nouvellement installée à Sèvres, au bas du château de Bellevue. 1762 - Début des travaux du Petit Trianon à Versailles par Ange Jacques Gabriel (décoration de 1764 à 1768). 1764 - Pose de la première pierre de l’église Sainte-Geneviève de Soufflot. Relance des travaux du Palais Bourbon. 1767 - Début de la construction de l’hôtel de la Monnaie par Jacques-Denis Antoine (achevée en 1775). 1770 - Panneaux commandés par la comtesse du Barry, nouvelle favorite, à Jean-Honoré Fragonard pour son pavillon de Louveciennes, construit d’après les plans de Claude-Nicolas Ledoux. 1771 - Hôtel du Châtelet, 127 rue de Grenelle par l’architecte Mathurin Cherpitel.

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L’architecture au Marais 1728 - Immeuble 2 rue de la Verrerie construit en 1728 par Jean-François Blondel pour la fabrique de l’église de Saint-Jean-De-Grève. 1730 - Immeuble 45 rue Vieille du Temple, construit par Jean-François Blondel, pour Didier Moreau, Maître Gantier. 1732 - Immeuble 44 rue Vieille du Temple construit pour lui-même par Louis Le Tellier, architecte du Roi. Maison 36 rue François Miron construite par l’architecte Pierre Lebègue pour Gourdon. 1733 - Hôtel (dit Hôtel Le Féron) 20 rue des Quatre fils construit pour René Berger, Receveur général et Payeur des Rentes de la Ville. Communs de l’hôtel de Rohan, construit par l’entrepreneur Barthélémy Bourdet d’après les dessins de l’architecte Jacques Vinage. 1734 - Immeubles 2 à 12 rue François Miron, édifiés par l’architecte Jacques Vinage pour la fabrique de Saint Gervais. Deux hôtels 4 et 6 rue de Braque, construits par l’architecte Thierry-Victor Dailly, pour la Marquise de la Grange. Immeuble 19 rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, par l’architecte Henri-Quentin Desboeufs, pour Jacques Bonnin, avocat au Parlement. 1735 - Extension de l’hôtel de Soubise sur les jardins par Germain Boffrand, dit pavillon Boffrand. Hôtel 14 rue François Miron, édifié par Jacques V Gabriel pour le notaire Dominique-Jean Camuset. Immeuble 33 rue Vieille-du-Temple, par le maître maçon Grandhomme, pour Antoine Rodot. 1738 - Hôtel 12 rue St Merri (dit hôtel Le Rebours), construit devant l’ancien hôtel de Jean Aubery, pour Jean-Jacques Devin, bourgeois de Paris, par l’architecte Victor-Thierry Dailly. 1740 - Immeuble sur rue construit devant l’Hôtel d’Albret, 29 bis-31 rue des Francs-Bourgeois par l’architecte Jean-Baptiste Vautrain, et Jean-Baptiste Courtonne le Jeune, pour le président au Parlement, Jean-Baptiste-Charles du Tillet (l’immeuble sera terminé en 1744). Trois maisons à loyer 101-103 rue du Temple, par l’architecte Michel Tannevot, pour Thiroux de Lailly, propriétaire de l’hôtel de Montmorency. 1742 - Deux maisons à loyer 28-30 rue Saint-Antoine, construite pour Pierre Desprez de Bienville par l’entrepreneur Denis Roquet. 1743 - Immeuble 12 rue de Jouy, édifié pour lui-même par l’architecte Jean-François Desmaisons. 1746 - Immeuble 153 rue du Temple, construit par l’architecte Pierre Lefranc, pour le maître cellier Louis-Gabriel Laisné. Immeuble 45 rue du Temple par le maître maçon Armand pour Jacques Paulissard, marchand de vin. 1750 - Maison 69 rue Saint-Antoine, pour Claude Bon marchand de bois. 1751 - Immeuble sur rue (dit Maison Claustrier), 56 rue des Francs-Bourgeois, par Jacques Hardouin Mansart de Sagonne pour Gilbert-Jérôme Claustier, Garde des Registres du Contrôleur général des Finances. 1754 - Immeuble 157 rue du Temple, construit par l’architecte Claude Guillot-Aubry pour lui- même. 1756 - Maison 26 rue Saint-Paul pour Romain Brioy. 1758 - Nouvelle église du couvent des Carmes Billettes, 22-26 rue des Archives par le frère Claude, architecte de la Compagnie de Jésus. 1763 - Immeuble 4 rue de Saintonge par Etienne-Louis Boullée pour le notaire Nicolas Mathis.

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1764 - Immeuble 1 rue Beautreillis, par Petit l’Aîné, maître maçon pour les chanoines de Sainte-Catherine du Val-des-Ecoliers. 1766 - Transformation d’un ancien hôtel particulier (construit en 1628), 28 rue Michel-le-Comte, par Claude-Nicolas Ledoux pour le Comte d’Hallwyll. 1767 - Construction d’un immeuble sur rue 26 rue des Francs-Bourgeois devant l’hôtel de Sandreville pour la famille Le Mayrat. 1770 - Immeuble 7 de la rue Charlemagne, édifié par le maître-maçon Lefèvre pour Martin de Ruhlière, lieutenant et inspecteur général de la Maréchaussée. Immeuble 10 rue Saint-Paul, édifié par le maître-maçon Maugin pour René-Maximilien Hua, secrétaire du Roi. Immeuble 64 rue Charlot, pour Dennis Godefroy, exempt de la Garde Des Cent Suisses du Roi Immeuble 45 rue de Bretagne et 18 rue de Beauce par Nicolas Goujon, entrepreneur, pour lui- même. 1771 - Immeuble 7 rue de Birague pour Antoine Bobée, marchand tapissier. Immeuble 21 rue Vieille-du-Temple pour Jean-Thomas Gilette. Immeuble 11 rue Saint-Paul pour l’orfèvre Georges Ledoux maître joaillier. 1773 - Immeuble 18 rue du Bourg-Tibourg, construit pour Louis-Jean Hollande, garçon de la Chambre de la Dauphine. 1774 - Immeuble 15 rue de Sévigné par l’architecte Jean-Baptiste le Boursier, pour lui-même, sur les jardins de l’hôtel de Lamoignon lui appartenant.

1728, 2 rue de la Verrerie, Jean- 1733 , 20 rue des quatre-Fils, Hôtel Le Féron 1733, 4-6, rue de Braque, hôtels Le François Blondel Lièvre de la Grange

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1733 , communs de l'hôtel de Rohan

1734 , 4 à 12 rue François Miron

1735 , Extension de l'hôtel de Soubise

1738 , 12 rue St Merri, Hôtel Le Rebours

1740, 101 et 103 rue du Temple, et 1 rue de 1740, 31 bis rue des Francs-Bourgeois, Montmorency Bâtiment sur rue de l'hôtel d'Albret PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 63

1742 , 2 immeubles 28 et 30 rue Saint-Antoine 1746, 153 rue du Temple, immeuble Laisn é

1750 , Maison Claude Bon, 69 rue St 1756 , Maison Romain Brioy, 1766 , 28 rue Michel Le Comte, Antoin e 26 rue St Paul transformation d'un hôtel bâti en 1628 pour Mr. d'Hallwyl PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 64

1758 , 22-26 rue des Archives, église des Carmes- 1767 , Immeuble sur rue de l'hôtel de Sandreville, 26 rue Billettes des Francs -Bourg eois , façade sur rue

1770 , Maison Martin de Rulhière, 7 rue Charlemagne 1770 , Maison Hua, 10 rue Saint-Paul PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 65

Le règne de Louis XVI (1774-1792)

Evénements politiques – Faits de société 1774 - Restauration de l’ancienne Magistrature parisienne et rappel des Parlements provinciaux. Turgot devient Contrôleur général. 1775 - Diminution des tarifs de l’Octroi de Paris sur les denrées de première nécessité. En mai émeutes à Versailles et à Paris, dont la cause est la hausse du prix des farines. 1776 - Edits de Turgot. Abolition des maîtrises et des jurandes. Toute personne, même un étranger, est libre d’exercer tel commerce ou telle profession qui lui convient, avec une simple déclaration. Subsistent les maîtrises des barbiers, perruquiers, étuvistes, orfèvres, pharmaciens, imprimeurs et libraires, à raison de droit de surveillance sur eux par la police. 1777 - Abandon des édits de Turgot : retour en arrière sur les corporations. 1781 - Construction des premiers trottoirs à Paris dans le nouveau quartier de l’Odéon. 1783 - Paix de Versailles. L’Angleterre y reconnaît comme Etats libres, indépendants et souverains, les Treize Etats-Unis d’Amérique. Déclaration royale imposant un rapport entre la hauteur des maisons et la largeur des rues à Paris. Ce prospect sera modifié par Lettres patentes l’année suivante. Déclaration royale exigeant que toutes voies nouvelles à Paris aient une largeur de 30 pieds. 1786 - Traité de commerce avec l’Angleterre qui va amener la fermeture et le déclin d’un grand nombre d’atelier dans le Nord, l’Est et à Lyon. Selon Mirabeau, à Paris sur 600 000 habitants, on trouve 120 000 mendiants. Edit ordonnant la destruction des maisons construites sur les ponts et sur certains quais. 1787 - Pluie et inondations. 1788 - Sécheresse et diminution des récoltes. 1789 - Règlement pour la convocation des Etats Généraux. Assemblées préliminaires et rédaction des cahiers de doléances. Emeutes en province et à Paris au faubourg Saint-Antoine. Prise de la Bastille, qui est démolie dès le 17 juillet. Election du Maire de Paris. Lafayette placé à la tête de la milice bourgeoise qui prend le nom de Garde nationale. Le roi s’installe au Palais des Tuileries. Les biens ecclésiastiques sont mis à la disposition de la Nation, « à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres ». Première ordonnance de vente des biens nationaux, jusqu’à concurrence des sommes attendues, destinées à payer les créances exigibles et arriérées et à rembourser les capitaux de toutes les dettes dont l’Assemblée nationale doit décréter l’extinction. 1790 - Les biens nationaux seront incessamment aliénés aux municipalités de Paris et du royaume, qui se chargeront de la revente aux particuliers. Projet d’une place publique à la gloire de Louis XVI à l’emplacement de la Bastille par Corbet. Fête de la Fédération au Champs-de-Mars. 1791 -: De nouvelles ventes de biens nationaux sont autorisées. Après sa fuite jusqu’à Varennes, le roi est ramené de force à Paris et prête serment à la Constitution. 1792 - L’Autriche et la Prusse déclarent la guerre à la France. 1793 - Le roi, accusé de Trahison, est condamné à mort par la Convention nationale et exécuté le 21 janvier.

Evénements artistiques 1774 - Le comte d’Angiviller devient directeur des bâtiments du roi. PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 66

1775 - Le peintre Joseph Marie Vien est directeur de l’Académie de France à Rome. 1776 - Le tableau « La mort de Duguesclin » par le peintre Nicolas-Guy Brenet, est la première réponse à la commande de d’Angiviller, qui souhaite remettre à l’honneur les sujets d’histoire comme école de vertu et d’exaltation du sentiment patriotique. 1777 - Construction du château de Bagatelle par Bélanger. 1779 - Début de la construction du Théâtre de l’Odéon, par Peyre et de Wailly . Décor de la salle à manger du Comte d’Artois au château de Maisons (construit par au XVIIe siècle par François Mansart), réalisé sous la direction du sculpteur Lhuillier, manifeste du goût contemporain pour l’Antiquité. 1782 - Début de la construction de l’hôtel de Salm, rue de Bourbon (rue de ). 1785 - Présentation au Salon du « Serment des Horaces » par le peintre Jacques Louis David. Approbation du projet de Ledoux concernant la construction des barrières de l’Octroi. 1787 - Paul et Virginie publié dans le dernier volume des Etudes sur la nature de Bernardin de Saint-Pierre.

L’architecture au Marais 1778 - 20 rue de Saintonge, maison construite par le maître maçon Edme Blondel sur un terrain lui appartenant. Immeuble de rapport 1 rue de Bretagne et 137 rue Vieille du Temple, construit pour Pierre Guérard, Commissaire des Guerres, par l’architecte Jean-Louis Blève. 1780 -: 16 rue des Blancs-Manteaux, bâtiment du Mont-de-Piété, construit par l’architecte de l’Hôpital général, Auguste Payen. 1784 - Maison pour le négociant Bichebois, 35 rue Saint Paul. 1788 - 55-57 rue des Francs-Bourgeois (rue de Paradis), agrandissement du Mont-de-Piété, sous la direction de l’architecte Charles-François Viel. Construction du lotissement du prieuré de Ste-Catherine du Val-des-Ecoliers. 1791 - Suite à la libération des privilèges théâtraux, construction du Théâtre du Marais, 11 rue Sévigné. 1792 - Immeuble 24 rue Vieille-du-Temple par l’architecte Bénigne-Joseph Varin sur un terrain lui appartenant.

1780 , rue des Blancs Manteaux, Mont de Pieté, façades sur rue et sur cour

PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 67

1778 , 137 rue Vieille du Temple et 1 rue de Bretagne, Immeuble Guérard

1777 , Maison Blondel, 20 rue de Saintonge

1784 , 35 rue Saint Paul, maison Bichebois 1788 , Rue de Jarente

PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 68

1788, Mont de Piété, bâtiment sur la rue des Francs-Bourgeois

1792 , 24 rue Vieille du Temple, Maison Varin 1791 , 11 rue de Sévigné, ancien Théâtre du Marais, Trepsat architecte

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La terreur - le Directoire (1793-1799)

Evénements politiques - Faits de société 1793 - Exécution du roi Louis XVI, le 21 janvier, place de la Révolution (place de la Concorde). 1794 - 28 juillet, exécution de Robespierre, Saint-Just, Couthon, et de 19 de leurs partisans. 1795 : Mort du fils de Louis XVI, potentiellement Louis XVII. Dissolution de la Convention. Installation des nouvelles assemblées : le Conseil des Cinq-Cents et des Anciens. 1796 - Bonaparte nommé Général en Chef des armées d’Italie. Bataille du pont d’Arcole. 1798 : Expédition d’Egypte. Première Exposition des Produits de l’Industrie au Champs-de-Mars. 1799 - 9 novembre (18 Brumaire). Coup d’Etat de Bonaparte. Il est proclamé 1 er Consul.

Evénements artistiques 1793 - Le dépôt d’œuvres d’art du couvent des Petits-Augustins se consacre exclusivement à la sculpture. 1794 - Le Musée du Louvre installé depuis 1793 dans l’ancien Palais du roi est ouvert tous les jours au public. Début des travaux de la Commission des Artistes, formée de commissaires de la voirie et d’architectes, assemblée d’expert pour mettre en pratique à Paris les principes d’urbanisme, d’après le plan dressé par Verniquet, suite à la vente des Biens Nationaux (la Commission sera supprimée en 1797). Au printemps, organisation de concours artistiques par la Convention Nationale et le Comité de Salut public, dits Concours de l’An II : 480 projets sont rendus dans le cadre de 25 concours différents ouverts aux peintres, sculpteurs et architectes. A l’automne, après la chute de Robespierre, construction d’un mausolée provisoire à Jean Jacques Rousseau, sur le bassin des Tuileries avant son enterrement au Panthéon. 1798 - 28 juillet : « Entrée triomphale des monuments des Sciences et arts en France » (défilé et présentation du butin artistique ramené d’Italie au Champ-de-Mars). «L’Amour et Psyché», huile sur toile présentée par le peintre François Gérard au Salon.

L’architecture au Marais 1796 - Vente de l’église Saint-Paul. Mise en vente du monastère des Blancs-Manteaux, transformés en immeubles de rapport. Démolition de l’église du Temple. 1798 - La partie sud de l’ancien prieuré royal de Saint-Martin-des-Champs est affectée au Conservatoire des Arts et Métiers. Vente du prieuré du Petit Saint-Antoine, rue du Roi de Sicile. 1798 - Démolition de l’église du monastère des Minimes de la place Royale. 1799 - Démolition de l’église Saint-Paul.

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Les vingt quartiers de Paris en 1702 , dans Blondel, L’Architecture française

Les vingt quartiers de Paris en 1702 , détail sur le quart nord-est PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 71

II.3.2 LE DECOUPAGE EN QUARTIERS DE 1702

Le 14 janvier 1702, un édit du Conseil du roi ordonne une nouvelle division de Paris et de ses faubourgs en quartiers. L’ancien découpage, établi en 1642, ne permettait plus l’exercice normal de la Police, ainsi que la perception des droits du roi et impositions publiques. Car la ville depuis le règne de Louis XIII s’est beaucoup développée en certains endroits plutôt que d’autres. Sur la rive droite, les nouveaux bâtiments construits dans les cultures Sainte- Catherine, de Sainte-Anastase, du Temple, de la Ville-neuve et de la butte Saint-Roch ont tellement accru les quartiers Saint Antoine, Sainte-Avoye, Saint-Martin, Saint-Eustache et Saint-Honoré qu’on reconnaît que chacun d’eux vaut une ville de province par l’étendue et le nombre d’habitants. Jacques-François Blondel (1705-1774), auteur du premier recueil de plans de bâtiments parisiens accompagnés d’un texte de présentation critique - l’Architecture Française – ne manque pas de souligner ce changement en introduction de son ouvrage. Pour lui, ce découpage « facilite l’intelligence de l’emplacement des édifices ». De fait, il n’est pas inutile de revenir sur l’existence de ces quartiers pour mieux comprendre les appartenances, les flux, les échanges dans la ville du début du XVIIIe siècle Car le périmètre du Plan de Sauvegarde tel qu’il existe aujourd’hui ne recouvre pas ces divisions historiques de l’espace parisien. Ce qu’on appelle aujourd’hui le Marais est en 1702 l’actuelle partie nord-est du PSMV. Il n’inclut ni la place Royale (qui est alors dans le quartier Saint-Antoine), ni l’actuel rue des Francs-Bourgeois. On l’associe au Temple et le quartier dit « du Temple ou du Marais » s’étend à l’est jusqu’aux anciens remparts, comprend la rue de Ménilmontant, tandis qu’au nord il inclut le faubourg du Temple et de la Courtille. A l’ouest, sa limite est la rue du faubourg du Temple prolongée par la rue du Temple ; au sud, il finit à la rue des Vieilles Haudriettes, des Quatre-fils, de la Perle, du Parc-Royal et neuve Saint-Gilles. Dans cette même direction, au sud, il jouxte le quartier Saint-Antoine dont la limite méridionale est la rue Saint-Antoine (les deux rives comprises). Plus bas, s’étend jusqu’à la Seine le quartier de Saint-Paul ou de la Mortellerie. A l’est, le quartier Saint-Antoine est bordé par l’extrémité des faubourgs ; à l’ouest, il s’arrête à la rue Vieille-du-Temple (et comprend ses deux rives). Le quartier de Saint-Paul ou de la Mortellerie est bordé à l’est par les remparts, au midi par le fleuve, à l’ouest par la rue Geoffroy-Lasnier (avec ses deux rives). Plus à l’ouest vient le quartier de la Grève, qui lui va jusqu’à la rue des Arcis et des Planche-Mibray (dans le prolongement nord-sud de la rue Saint-Martin). Ce quartier de la Grève, au nord, est limité par les rues de la Croix-Blanche et de la Verrerie, et rejoint à l’est la rue Geoffroy-Lasnier par la rue Vieille-du- Temple. Au nord- est du quartier de la Grève, prend place le quartier Sainte-Avoye ou de la Verrerie, qui va jusqu’à la rue Vieille-du-Temple, exclusivement, à l’est, et jusqu’à la rue des Quatre-fils et des vieilles Haudriettes exclusivement, au nord. A l’ouest, il inclut les rues Ste- Avoye et Bardubec (actuelle partie sud de la rue du Temple). Enfin, au nord-est, depuis le quartier de la Grève jusqu’au faubourg Saint-Martin inclus, s’étend le quartier St-Martin, limité à l’ouest par la rue Saint-Martin et la rue du faubourg du même nom. Six quartiers anciens délimités au début du XVIIIe siècle sont donc réunis tout ou partie aujourd’hui dans le PSMV. Le cadre est ainsi posé au développement urbain depuis la fin du règne de Louis XIV. Les difficultés politiques et économiques, de même que l’instauration de la barrière fiscale du mur des fermiers généraux et de l’octroi, vont empêcher une croissance en surface, à la mesure de ce qui s’était passé précédemment et le dépassement des limites entre la ville de Charles V et ses anciens faubourgs. Mais ce sont sur les voies de communications (sans oublier les abords du fleuve), qui mettent en relation ces ensembles entre eux, que va se focaliser l’activité de la construction.

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II.3.3 LE DOMAINE ROHAN-SOUBISE

Jusqu’au début XVIIIe siècle, on érige dans le Marais plusieurs très grands hôtels particuliers entre cour et jardin. En construction à partir de 1706, plusieurs fois re-décorées au fil du siècle, deux autres maisons, situés de part et d’autre d’un même grand jardin, par leur ambition, leur ampleur et leur luxe, ne pourront être dépassées. Elles constituent encore un monde à part dans notre périmètre, malgré de sérieuses transformations. La plus grande partie du terrain qu’occupe aujourd’hui l’hôtel de Soubise a appartenu anciennement à Olivier de Clisson, Connétable de France en 1380, mort en 1393. La propriété va de l’angle de la rue des Quatre-fils-Aymon jusqu’à l’angle de la rue du Grand Chantier, et elle est traversée par une ruelle appelée le petit chantier du Temple. Clisson y fait élever des édifices dont on peut voir les restes, rue des Archives (ancienne rue du Chaume), sous la forme d’un portail cantonné de deux tourelles. Le chemin vers le Palais Royal situé à l’hôtel Saint-Pol est alors aisé. Ces bâtiments sont ensuite vendus à la maison de Guise qui y joint l’hôtel de Laval en 1545 et l’hôtel de la Roche-Guyon en 1560 ainsi que plusieurs maisons particulières. La demeure devient le quartier général du parti catholique pendant les guerres de religion. Au cours du XVIIe siècle, l’hôtel est en partie reconstruit pour Charles de Guise, fils du Henri de Guise, le balafré. En 1704, François de Rohan, prince de Soubise, qui réside alors place Royale, achète l’ensemble. Il forme le dessein de réédifier à neuf tous les bâtiments jugés peu commodes et d’un goût trop ancien. En 1706, les travaux débutent sous la direction de l’architecte de la Maire (Pierre-Alexis Delamair). Le chantier commence par la cour d’honneur à laquelle on accède par la rue de Paradis (60 rue des Francs-Bourgeois). Dans le même temps, Delamair est chargé de la construction d’un autre bâtiment plus à l’est, ouvrant sur la rue Vieille-du-Temple, pour Armand-Gaston de Rohan, évêque de Strasbourg, fils de François de Rohan-Soubise, qui pour ce faire lui a cédé une partie de son domaine. La conséquence est la mise en commun des services établi sur l’ancienne ruelle du petit chantier du Temple, tandis que les deux hôtels, celui du père et du fils, vont se faire face de part et d’autre d’un grand parterre occupant le centre de l’îlot. La réunion des deux maisons par le jardin créée une situation inédite au Marais. Les travaux se poursuivant dans les années 1730, tant pour la création d’un commun séparé à l’hôtel de Rohan sur des terrains nouvellement acquis sur la rue des Quatre-fils que pour la décoration des deux hôtels, font de l’ensemble une enclave aristocratique dévolue à une seule grande famille et lui donnent l’allure d’un grand palais aux multiples ambiances architecturales. La grande cour d’honneur de l’hôtel de Soubise, est remarquée par Jacques-François Blondel dans son Architecture Française , pour son portail, et les colonnes composites du portique de la galerie qui mène à la bâtisse. La réutilisation de l’hôtel du XVIIe siècle construit parallèlement à la rue des Archives et perpendiculairement à la rue des Francs-Bourgeois aboutit à une disposition peu banale. Car derrière la façade solennelle en fond de cour, tournée vers le sud, qui n’est qu’un placage sur la façade latérale et très secondaire de la maison antérieure, ne se développe qu’un passage, des vestibules et un grand escalier (détruit aujourd’hui et remplacé) pour mener aux espaces de réception avec une enfilade tournée à l’est vers le jardin. La résidence est elle-même clairement divisée en une aile d’apparat sur le grand parterre, et une aile d’habitation avec ses petits appartements autour d’une terrasse et d’un jardin plus intime. Tout ici est nouveau et exceptionnel dans la typologie de l’hôtel particulier du Marais. Quant à la décoration, dont on a perdu les traces pour le début du XVIIIe siècle, celle mise en place entre 1736-1739 sous la direction de l’architecte Germain Boffrand (qui a repris le chantier dès 1709 suite au renvoi de Delamair) est un manifeste de l’art rocaille dont il n’y a pas non plus d’équivalent dans les autres maisons alentours. La façade la plus décorée, la plus noble de l’hôtel de Rohan, avec son avant-corps pourvu de colonnes ioniques, est tournée vers le jardin ; ce qui participe de la liberté dans l’emploi des codes que l’on a déjà vu à Soubise. La distribution intérieure est aussi étonnante. Le rez-de- jardin est occupé par une antichambre, trois pièces formant bibliothèque et un cabinet qui servait à l’origine de salle à manger. L’ensemble est précédé d’un vestibule donnant accès à un escalier que Blondel qualifie de « plus singulier que beau » qui occupe un espace considérable à la manière du grand escalier de l’hôtel Salé. A l’étage, la grande salle à manger d’apparat PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 73

occupe le centre derrière l’avant-corps. On y accède après le grand escalier par une vaste antichambre. Suivent un salon de compagnie et un cabinet derrière lesquels est installé le principal appartement, qui donne sur la cour. En 1751, cet étage est entièrement refait pour le Cardinal de Soubise, à l’exception de l’antichambre, restaurée. La décoration de la salle à manger est peinte alors en grisaille par Brunetti (qui décore aussi le grand escalier de l’hôtel de Soubise), et le cabinet à l’extrémité de l’enfilade est décoré à la chinoise et peint par Christophe Huet (ici le décor subsiste) ; à la place de la garde robe de l’appartement on installe une salle de bains et un cabinet d’aisances. En 1733-1735 est aménagée une nouvelle cour de communs par l’architecte Jacques Vinage, à l’emplacement de quatre maisons voisines. En 1737, la façade à l’arrière de la rue Vieille du Temple est ornée par Les quatre chevaux du Soleil , un relief du sculpteur Robert le Lorrain

Plan de l'ensemble Soubise Rohan dans Blondel

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Plan de l'étage de l'hôtel de Soubise dans Blondel Plan du rez-de-chaussée de l'hôtel de Soubise

Plan du 1er étage de l'hôtel de Rohan dans Blondel

Plan du rez-de-chaussée de l'hôtel de Rohan dans Blondel PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 75

Cour et façade de l'hôtel de Soubise rue des Francs-Bourgeois

Façade de l'hôtel de Rohan sur jardin

Cour de service de l'hôtel de Soubise à l'arrière de la cour d'honneur PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 76

II.3.4 L’HOTEL PARTICULIER DU XVIIIE SIECLE AU MARAIS

Nous étudierons d’abord les hôtels neufs avant d’examiner les modifications apportées à des bâtiments préexistants. Au préalable, on remarquera que l’hôtel particulier entre cour et jardin est maintenant devenu rare dans notre périmètre. Il disparaît au Marais sous le règne de Louis XVI ; ce qui n’est pas du tout le cas dans d’autres quartiers de Paris comme au faubourg Saint-Germain, au faubourg Saint-Honoré ou à la Chaussée d’Antin.

L’hôtel Amelot de Chaillou ou hôtel Tallard, situé au 78 rue des Archives , a été construit à partir de 1703. C’est un grand bâtiment pour le Marais, sans doute parmi les plus grands, si l’on excepte les hôtels de Soubise et de Rohan que l’on a examiné à part, dont l’ampleur n’a aucune mesure avec le patrimoine bâti alentour. Erigée ici entre cour et jardin, la maison possède une cour de services attenante. Le dessin est de l’architecte Pierre Bullet, et l’on retrouve ici une parenté avec l’hôtel Le Pelletier de Souzy, rue Sévigné, construit vingt cinq ans auparavant par le même maître d’œuvre. Ici aussi le corps de logis est étroit, et tout est fait pour que l’enfilade sur jardin puisse avoir le meilleur développement possible. L’axe central dans la distribution n’a aucune importance. La volonté de privilégier le parcours le long du jardin a déterminé la position de l’entrée à une extrémité. L’accès depuis la cour d’honneur se prolonge par un grand escalier placé en profondeur dans l’aile en retour sur le jardin, afin de dégager au premier étage tout l’espace du corps de logis. Cet escalier est muni d’une rampe qui est un chef d’œuvre de ferronnerie. Avant 1942 deux statues ornaient les niches au dessus du palier intermédiaire et donnaient à l’ensemble une allure monumentale qu’il est difficile de surpasser au Marais. Les niches sont cantonnées de pilastres corinthiens. L’accès à l’enfilade sur jardin au rez-de-chaussée se fait par une pièce d’introduction. Quatre pièces ensuite se succèdent. La dernière a un accès direct au dehors. On descend au jardin par un emmarchement. Les pièces se commandent ; il y a peu de confort ; priorité est donnée aux conventions ; rien ou presque n’est fait pour l’efficacité du service et sa discrétion ; le passage vers l’aile en retour d’équerre sur l’arrière ne se fait qu’à un endroit. La cuisine semble être dans le sous-sol.

78 rue des Archives, hôtel Amelot Façade sur jardin de Chaillou. Plan au rez-de- chaussée, extrait de l’atlas par îlot, 1823 PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 77

L’hôtel dit de Fontenay, 56 rue des Francs Bourgeois, aurait été construit vers 1721 par Jacques Vinage pour François Victor Le Tonnelier de Breteuil, secrétaire d’Etat à la Guerre Ce petit bâtiment singulier est peut-être le dernier hôtel entre cour et jardin construit dans le Marais. Le bâtiment sur rue est quant à lui un immeuble-hôtel construit dans les années 1750 ; il abrite au rez-de-chaussée l’ensemble des écuries et des remises. La courbe de la façade de la maison en fond de cour est concave. Elle est convexe sur le jardin dans un curieux effet négatif/positif. L’entrée se fait au centre, là où le visiteur est attiré par la « tour en creux » (c’est le terme approprié employé par Blondel pour cette disposition que l’on trouve plus facilement dans les portails sur rue à cette époque), et la courbure du bâtiment. Un perron de trois marches donne accès au vestibule dans lequel se développe la cage d’escalier. Ce dispositif disproportionné devient le centre d’intérêt de la maison en occupant environ un quart de la surface construite Quatre autres pièces se partagent chacun des deux niveaux. En rez-de-jardin, une chambre à alcôve occupe la partie gauche. L’alcôve masque un escalier de service. La partition entre service et résidence d’ailleurs n’est pas franchement traitée, indiquant que l’on y vient sans grande étiquette. Cette maison n’a peut-être pas été conçue pour être habitée, mais pour être un pavillon de plaisance occasionnel. Venant appuyer cette hypothèse, au fond de la parcelle, deux pavillons symétriques incurvés, grottes, fontaines ou salons, complètent la composition dont l’inspiration est baroque, faisant du jardin une pièce à ciel ouvert et un élément à part entière de la composition (les pavillons ont disparu).

Plan du rez-de-chaussée de En haut, façade sur cour ; en bas ; façade sur l’hôtel de Fontenay, extrait de jardin . l’Atlas par îlot, 1823

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L’hôtel Le Féron, construit en 1733, 20 rue des Quatre-Fils, n’est plus entre cour et jardin. Situé dans l’alignement de la rue, l’immeuble possède une cour à l’arrière qui reçoit écuries et remises en fond de parcelle. Le passage cocher n’est pas dans l’axe ; il est déporté sur la droite. Ce qui permet au niveau de la rue d’installer un ensemble de trois pièces comme un appartement. La grande pièce du rez-de-chaussée sur la cour pourrait être la cuisine. On monte à l’étage par l’escalier situé à droite du passage ; le vestibule d’accès est précédé de deux colonnes. L’escalier est dans une vaste cage ouvrant à chacun des deux niveaux principaux sur des pièces de réception et à un appartement ; le détail de la distribution n’a pas encore été relevé. Dans l’aile en retour sur la droite, à chaque niveau on trouve un autre appartement dans une aile à l’allure extérieure plus ancienne. Une aile en retour à gauche est distribuée par un autre escalier ce qui donne à l’ensemble sa forme en U autour de la cour de service.

20 rue des Quatre fils, Hôtel Le Façade sur rue Féron, plan du rez-de- chaussée, extrait de l’atlas par îlot, 1823

L’immeuble-hôtel du 4-6 rue Braque construit pour la famille Le Lièvre de la Grange, dans les années 1730 est dans son plan plus proche de dispositions anciennes. Son escalier par exemple n’est pas à l’intérieur de l’immeuble sur rue, mais dans l’aile en retour, ce qui donne à sa distribution dans les étages (non relevée ici) des dispositions qui doivent plus à l’hôtel particulier entre cour et jardin qu’à l’hôtel Le Féron. Le numéro 4 rue de Braque bénéficie en outre à l’arrière de la rue de deux espaces ordonnancés qui se suivent. Il ne serait pas impossible que le premier ait pu être pensé à l’origine comme une cour de services donnant accès ensuite à un jardin. La parcelle ne permettant le même aménagement pour l’hôtel jumeau mitoyen construit pour le même propriétaire, l’idée a pu être abandonnée dès la construction ou par la suite (le plan est daté ici de 1825). 4-6 rue de Braque, hôtels Le Lièvre de la Grange, plan au rez-de-chaussée, extrait de l’atlas Vasserot par îlot, 1823

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Un arrangement que l’on trouve plus souvent est la conséquence du manque de surface pour les parcelles à construire à cette époque au Marais. Ainsi à l’hôtel d’Havis, immeuble- hôtel sur rue, 10 rue Aubriot , datant de 1705 , la construction s’ouvre au rez-de-chaussée le plus possible vers une petite cour. Ce dessous d’immeuble conçu comme un portique joue le rôle de descente à couvert et de remise. Il se prolonge avantageusement par la cage d’escalier dont il est aussi le vestibule. Comme d’habitude la cuisine est à rez-de-chaussée dans une disposition répandue, sur la rue et non pas sur la cour comme pour l’hôtel Le Féron.

Plan du rez-de-chaussée de l’hôtel d’Avis, Façade sur rue 10 rue Aubriot, extrait de l’Atlas par îlot, 1823

Le plan du 78 rue François Miron construit dans les années 1710 fait clairement apparaître l’impossibilité de penser ce petit immeuble hôtel autrement qu’avec un passage cocher, donnant accès sur le côté à la cage d’escalier, avec une grande boutique et une arrière boutique au niveau de la rue, quatre pièces se commandant aux étages. Nous ne sommes plus très loin de l’immeuble à loyer, mais ici la proportion du grand escalier en fait encore une maison d’exception.

78 rue François Miron, extrait de l’atlas Vasserot par îlot, 1825

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Au 23 rue Charles V, l’immeuble-hôtel vraisemblablement construit dans les années 1720-30 possède une cour assez vaste pour y faire manœuvrer les voitures, et installer des écuries et remises. Le plan de l’hôtel n’est pas en U mais en L, la forme de la parcelle ne permettant d’autre développement. L’escalier est a cheval dans l’œuvre et hors œuvre. Son mur d’ échiffe s’incurve et dessine un S autour duquel serpente l’emmarchement. Cette forme a pour conséquence de libérer au sol un espace pour un petit vestibule sur le côte du passage cocher et de créer une disposition architecturale originale sans être dispendieuse. Suspendue, incurvée et hors œuvre, la volée pénètre à peine au niveau supérieur, ce qui permet de distribuer l’étage sans perdre de place.

23 rue Charles V, plan du rez-de- Façade sur rue chaussée, extrait de l’atlas par îlot en 1825

Dans la deuxième moitié du siècle, l’immeuble hôtel sur rue semble bien la seule possibilité. Au 4 rue de Saintonge, à l’hôtel Mathis, refait en 1762, l’architecte qui pourrait être Boullée, contourne la difficulté mais au prix d’un retournement de situation osé. Il reprend carrément la distribution du corps de logis mince entre cour et jardin, avec enfilade, ici sur la rue, et pièces secondaires dans les ailes en retour. Un portique, vient agrémenter l’ordonnance du côté de la cour. Un mur clôt cette séquence d’entrée et constitue peut-être la limite vers un jardin situé à l’arrière (le plan de 1825 n’est pas assez explicit pour le confirmer) 4 rue de Saintonge, hôtel Façade sur rue Mathis, état en 1823. PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 81

Au 22 rue des Quatre Fils, l’hôtel construit en 1767 pour Thiroux d’Epersenne, l’escalier appartient bien cette fois à l’immeuble sur rue ; une grande pièce occupe l’autre côté du passage cocher, et une partie de la cour de service. Elle se prolonge vraisemblablement par les écuries. Un portique en L referme la composition sur la cour. Très développé, son usage n’est pas clairement déterminé.

Hôtel Thiroux d'Epersenne, Façade sur rue 22 rue des Quatre Fils, état en 182 3 Beaucoup d’hôtels particuliers ne sont pas construits de toutes pièces au XVIIIe siècle. Voyons maintenant les usages dans ce domaine. L’hôtel aménagé en 1703-1704 pour Jean-Baptiste de la Garde, Président de la Cinquième Chambre des Enquêtes au Parlement , 28 rue Charlot , est une extension en profondeur sur la cour, d’un hôtel du XVIIe siècle, dont il subsiste des vestiges en façade sur l’ancien jardin, occupé aujourd’hui par un atelier. L’ancien bâtiment a donc été doublé en épaisseur. Large de trois travées, la façade du début XVIII sur la cour voit son entrée positionnée au centre. Sa façade incurvée accompagne ce dispositif. D’après le plan de 1825, qui par ailleurs semble admettre des modifications par rapport à l’origine, il n’y a pas de mur de séparation entre la cage de l’escalier et le vestibule nouvellement créé. Le bâtiment sur rue, pourrait avoir été construit à la même époque. Mais son escalier dans l’œuvre paraît devoir trahir une 28 rue Charlot, Hôtel de la Garde, Façade sur cour date postérieure de corps de logis doublé en 1708, extrait de l’Atlas Vasserot par îlot, trente ans. 1823 PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 82

Les travaux de modernisation de l’hôtel de Brinvilliers, 12 rue Charles V sont plus importants. Le premier hôtel, aujourd’hui au fond de la parcelle, est aujourd’hui placé perpendiculairement à l’entrée sur rue ; son plan malgré des cloisonnements postérieurs et un accès central sur le jardin actuel est reconnaissable. Il s’agit d’un hôtel construit dans les années 1620-1630, dont l’orientation primitive a changé de manière radicale, vraisemblablement suite à la vente ou à l’échange de parcelles. La première maison, à l’évidence, ne donnait pas sur la rue Charles V, mais sur la rue Saint-Paul. Sa façade sur cour ne donne plus sur rien : elle rencontre le mur mitoyen dans une courette. Sa façade actuelle sur jardin a gardé son orientation d’origine. Suite à l’achat d’une parcelle sur la rue Charles V, la nouvelle séquence d’entrée date de 1708-1709. On entre dans la cour d’honneur par un portail sur rue surmonté d’un étage, prolongé d’un passage couvert ; à droite sont placées les écuries et les remises. L’ancien jardin vient après la cour, et en est séparé par un enclos. Accolé à la maison du XVIIe siècle dont l’intérieur a été revu en conséquence, une nouvelle cage d’escalier assure la distribution verticale de l’ensemble sur rue et sur jardin à l’articulation de la composition. A l’arrière prend Façade sur rue place la nouvelle cuisine.

Hôtel de Brinviliiers, 12 rue Charles V, Escalier d’honneur, photo début XXe modernisation en 1708 d'un hôtel de 1620. Plan du rez-de-chaussée en 1825, extrait de l’atlas par îlots

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D’après son plan, l’hôtel le Rebours, 12 rue Saint Merri, a vu sa situation évoluer au moins en deux temps. Le premier bâtiment en fond de cour est le plus ancien et on peut le dater des années 1620. L’ordonnancement régulier autour de la cour a nécessité une nouvelle campagne de travaux, car l’articulation des corps de bâtiment en plan n’est pas celle admise au XVIIe siècle. Ainsi l’enfilade sur cour qui se développe en L avec son grand appartement est une modification postérieure, de même que l’uniformisation des ouvertures en façades, des rythmes et du décor. Le deuxième maître d’œuvre a cherché néanmoins à renouer avec le style préexistant. Mais sur la rue, le bâtiment prend un aspect contemporain de la fin des années 1730, ce qui correspond avec les travaux menés pour Jean-Jacques Devin, bourgeois de Paris par l’architecte Victor-Thierry Dailly. A l’articulation de l’ensemble, et pour un plan qui a été revu dans sa totalité, on trouve le grand escalier dont l’échelle est à la mesure du quadrilatère nouvellement formé. On voit donc plutôt ici deux maisons accolées, par l’association d’un hôtel particulier en U autour d’une cour, sans jardin à l’arrière, et d’un immeuble hôtel sur rue indépendant.

Corps de logis sur cour

Façade sur rue

12 rue St Merri Hôtel Le Rebours, extrait de Escalier d’honneur l’Atlas Vasserot par îlot, 1823

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Quant à l’hôtel d’Hallwyll, 28 rue Michel Le Comte , souvent reproduit dans les manuels d’histoire de l’art depuis la publication gravée par son auteur Cl. N. Ledoux (qui s’est ingénié à régulariser ce qui ne l’est pas tout à fait dans la réalité), il s’agit aussi d’une mise au goût du jour d’un immeuble construit en 1628. Mais cette modernisation s’accompagne de l’invention d’effets inédits. Certains artifices sont repérables si l’on pense à la maison préexistante, avec ses percements revus et corrigés, l’ajout du garde-corps au dessus de la corniche pour donner l’illusion d’une toiture terrasse, le système de refends, l’encadrement des baies d’un troisième niveau traité presque en attique. Tandis que le portique sur le jardin, les projets de nymphée (qui reprend une fontaine existante) et de décoration peinte pour cacher le mitoyen, la disposition heureuse des nouvelles écuries rejetées sur le côté et à l’arrière, auxquelles on accède par un passage depuis la cour d’honneur, le dessin du portail sur la rue enfin, sont des nouveautés qui feront la réputation de créateur de leur auteur.

28 rue Michel Le Comte, Hôtel d'Hallwyl planches publiées par Ledoux

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II.3.5 LA MISE EN PLACE DE LA DISTRIBUTION DE L’IMMEUBLE A LOYERS

La surélévation de l’immeuble 1 rue Saint Paul et rue de l’Ave Maria (ancienne rue des Barrées), pour la dame Honelle, est exemplaire. C’est ainsi qu’au cours du XVIIIe siècle, on peut moderniser et étendre en hauteur une maison du XVIIe siècle. L’élévation du bâtiment coupé sur l’angle permet de comprendre le procédé employé. Les deux premiers niveaux ont gardé les proportions de la première maison en pierre. L’élévation plus récente repose sur la maçonnerie originelle pour gagner trois étages supplémentaires sous corniche, et un autre dans le comble (plus récemment, un deuxième niveau de comble a été aménagé). Le plan de Vasserot et Bellanger nous donne la distribution d’origine encore visible en 1825. La distribution verticale est assurée, comme pour toutes les maisons d’angle ou presque, par un escalier en façade, dans l’œuvre. Mais celui-ci, compte tenu de sa forme régulière au sol, de l’étendue de sa cage, de l’entrée directe sur la rue et du dégagement laissé devant les marches, a été repris vraisemblablement de fond en comble à l’occasion de la surélévation. A cet escalier neuf en 1755, autour duquel pivote chaque appartement jusqu’au toit, a été associé en bas, aux deux premiers niveaux, un deuxième escalier, certainement neuf lui aussi, qui permet de distribuer l’ancienne maison en la gardant indépendante.

1 rue St Paul, Angle rue de l'Ave Maria, surélevé en 1755 et au début XXe siècle

Aux 12 et 14 rue Saint-Antoine , on observe avec une seule entrée commune deux immeubles côte à côte, réunis dans leur distribution, mais séparés par l’apparence de leur façade : à gauche le bâtiment avec son fronton et ses ouvertures pendantes sous la corniche, renvoie aux années 1610-1620 ; à droite nous sommes dans les années 1710- 1720, date de la modernisation de l’ensemble. Le nouvel immeuble apparaît avec la création d’un bâtiment qui vient se greffer sur l’ancien, sans qu’on prenne la peine de les unifier sous un même décor. Les baies de l’immeuble du XVIIe siècle ont été rabaissées pour mieux laisser pénétrer la lumière. Le tout a été permis par la réunion de trois 12-14 rue Saint-Antoine PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 86

parcelles : deux sur la rue, une à l’arrière des deux autres dans laquelle a été installé l’escalier commun. Par contre seule la boutique du rez-de-chaussée de la maison construite au XVIIIe siècle bénéficie de l’usage de la cour ainsi créée, devenue puits de lumière et d’aération pour les niveaux supérieurs.

L’immeuble 10 rue Saint Paul (dont !les plans ont été publiés par J.F.Cabestan) érigé en 1769-1770 pour René-Maximilien Hua secrétaire du roi, est le résultat de l’association d’une construction ancienne (en noir sur le plan) et d’une construction nouvelle (en rouge sur le plan), comme pour le cas précédent. L’édifice initial est une maison à boutique d’un type répandu. Le terrain du mitoyen reconstruit à neuf a été réuni à la première parcelle. Les deux cours n’en forment plus qu’une seule autour d’un puits commun. Cette fois une façade homogène dissimule le procédé et seule une observation attentive peut révéler la présence à droite des deux croisées plus étroites du premier bâtiment. La construction d’un second escalier en miroir du précédent permet de distribuer l’ensemble d’une manière plus libre. La fusion des deux maisons est possible, mais elle peut aussi être remise en cause à chacun des quatre niveaux sous corniche, permettant le découpage entre quatre et huit appartements, et deux boutiques. Une seule cuisine dans la cour permet au propriétaire ou à un locataire de jouir de cet équipement ici D’après J.-F. Cabestan, La Conquête du plan-pied d’exception.

L’immeuble 20 rue des Ecouffes (dont les plans ont été publiés par J.F.Cabestan) construit en 1771 est le résultat de l’association de deux parcelles, de la construction dans l’une d’elles d’un nouvel escalier et de la suppression de la circulation verticale dans l’autre. Ici la façade régulière est neuve ; ce qui masque le mécanisme de la fusion de deux maisons anciennes, tandis que les éléments structurants, hormis les escaliers ont été gardées. Le mur mitoyen a été percé simplement à deux endroits à chaque étage, pour aménager une distribution appropriée. Ici l’organisation de l’appartement est fixée. Sur rue, le salon est contigu à la chambre à coucher, avec son alcôve, et sa garde robe. Sur cour, l’antichambre peut servir à l’occasion de salle à manger. La nouveauté est la présence dans l’appartement de la cuisine, largement ouverte, baignée de lumière et aérée, qui donne accès directement au réduit du domestique. D’après J.-F. Cabestan, La Conquête du plan-pied

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Les 5 immeubles de rapport, situés 4 à 12 rue François Miron , construits d’après les dessins de Jacques Vinage par le maître maçon Pierre Charpentier en 1733-1734, pour la fabrique de Saint-Gervais, semblent neufs pour leur façade et pour leurs structure ; à l’exception du n° 12, qui inclut dans sa distribution une ancienne vis et son massif de maçonnerie. L’effet de barre des immeubles mitoyens impose l’idée de régularité, mais le plan dans son ensemble trahit des variations peut-être explicables par l’exercice périlleux de réutiliser des fondations anciennes. Le principe général est l’installation de la distribution verticale dans l’œuvre, dans une cage enfermée dans la maçonnerie, prise entre les deux boutiques du rez- de-chaussée. L’éclairage et l’aération de l’escalier sont parfois assurés tant bien que mal. Priorité est donnée à des espaces plus généreux qu’à l’accoutumée au niveau sur la rue, niveau commercial qui s’étend à l’arrière de la parcelle avec des activités de petite manufacture, comme on peut le voir sur ce plan de 1825. Totalement bouleversé par l’architecte Albert Laprade lors de la restauration du bâtiment dans les années 1940, nous n’avons malheureusement pas ici le plan des étages.

4-12 rue François-Miron et extrait de l’Atlas Vasserot par îlot, 1825

Les trois immeubles aux 101 et 103 rue du Temple et 1 rue de Montmorency, construits en 1740 d’après les dessins de l’architecte Tannevot par le maître maçon Langiboust, associent immeubles sur rue et immeuble d’angle sous le même dessin de façade. Quoique neuf, l’ensemble n’est pas distribué totalement en suivant un principe commun, l’immeuble d’angle admettant une solution autonome, du moins au niveau de la rue et à l’étage accessible par un escalier en propre. A l’arrière des immeubles sur rue, on voit une courette étroite réservée à l’éclairage et l’aération. On monte au niveau supérieur par un escalier occupant le fond d’un passage central, avec au n° 101 un vestibule avec un puits intérieur. Le niveau sur rue est occupé à la fois par un commerce et par des appartements de trois pièces. Une loge indépendante avec cheminée occupe sur la rue, l’extrémité de l’immeuble d’angle sur la rue de Montmorency. Les plans de l’étage n’ont pas été relevés.

101-103 rue du Temple et extrait de l’Atlas par îlot, PARIS LE MARAIS1823. -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 88

L’immeuble 2 rue de la Verrerie , construit d’après les dessins de l’architecte Jean- François Blondel pour la fabrique de Saint-Jean-en-Grève en 1727-1728 (dont les plans ont été publiés par J.F. Cabestan), est un immeuble d’angle associant boutiques au niveau de la rue, et résidences. La cour intérieure est le noyau d’une distribution, qui à l’aide de deux escaliers, dessert une suite de pièces éclairées depuis la rue où à partir de ce grand puits de lumière. Sur la cour, à l’arrière des boutiques, sont installées trois cuisines pour les appartements des étages, ainsi que des privés et une chambre. Aux niveaux supérieurs, la division des pièces ou chambres réservées à la location peut s’opérer avec une certaine liberté ; de même que leur réunion en appartements. Dans le cas de développement extrême, un grand appartement de sept pièces bénéficiant d’une enfilade des deux côtés de l’angle de rue peut être dégagé. Mais l’assemblage d’une à deux pièces à chaque niveau peut être aussi envisagé.

D’après J.-F. Cabestan, La Conquête du plan-pied L’immeuble situé au 137, rue Vieille du Temple à l’angle de la rue de Bretagne a été construit en 1777-1778, d’après les dessins de l’architecte Jean-Louis Blève pour Pierre Guérard, commissaire des Guerres. Sa distribution dérive de celle des immeubles-hôtels des années 1730, avec son passage cocher, sa grande cour ornée d’une fontaine monumentale sur le mur du fond, son vestibule avec ses colonnes, son grand escalier et son escalier secondaire. Son ampleur, l’empilement de ses niveaux et la relative flexibilité de sa distribution nous montrent néanmoins qu’il s’agit dans son plus grand développement d’un immeuble à loyers. La cage d’escalier peut ainsi distribuer un seul ou deux ou trois grands appartements à chaque niveaux. Nous sommes déjà ici dans le principe des immeubles de grand luxe, tel qu’il se développera jusque dans les années 1900 dans les quartiers huppés.

Extrait de l’Atlas Vasserot par îlot, 1823 et 137 rue Vieille-du-Temple PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 89

II.3.6 LES POLES D’ACTIVITES ET D’ATTRACTION AU TOURNANT DU XIXE SIECLE

Comment se présentent les quartiers du Marais en 1796 dans les relations qu’ils ont engendrées et développées au cours du XVIIIe siècle ? Où sont les centres d’activités à partir desquels s’organise la vie urbaine ? Pour essayer de le déterminer, regardons bien le plan dressé par Edme Verniquet, publié en l’an IV de la République ; sans doute la première image moderne de Paris. Tandis que les plans précédents comme celui de l’érudit historien Jaillot (paru en planches en 1774) faisaient figurer les hôtels particuliers, leur bâti et la limite de leurs parcelles, parfois leurs jardins avec de nombreux détails, au même titre que les édifices religieux ou les autres équipements, celui de Verniquet s’attache à représenter d’abord exactement le tracé des voies, le détail du moindre de ses coudes et de ses retraits. Il n’y a plus de limites repérées de l’espace privé; l’intérieur des îlots est laissé blanc. La division en 20 quartiers de 1702 a disparu. Seuls comptent les cheminements ponctués ou interrompus par les édifices reconnus publics à la fin de l’Ancien Régime, ici pochés en noir : les églises paroissiales, les anciens couvents devenus biens nationaux, les casernes, les hôpitaux, les prisons… qui dressent le compte-rendu des déplacements, des rythmes et des croisements possibles à la veille du XIXe siècle. La partie la plus large de la rue Saint-Antoine, qui permet d’entrer dans Paris et d’en sortir par l’Est, depuis la fin de la Renaissance est un centre d’échanges et d’activités commerciales. Son resserrement à hauteur de l’ancienne église des Jésuites, devenue église Saint-Louis de la Culture est un marché en plein air, autour de la fontaine de Birague. La construction de halles, légèrement en retrait au nord, sur une place régulière édifiée à l’emplacement du prieuré Sainte-Catherine du Val-des-Ecoliers (fondé en 1214 et détruit de 1772 à 1783), inaugurée en mars 1789, accroît son attractivité à la fin de l’Ancien Régime. L’entrée principale de ce nouveau marché se trouve comme on le voit sur ce plan, rue Saint-Antoine par l’actuelle rue Carron. Située dans le prolongement de la rue Culture Sainte-Catherine, la façade baroque de l’actuelle église Saint-Paul Saint-Louis, construite au XVIIe siècle, est un point de repère dans le paysage urbain de l’Ancien Régime, en même temps qu’une des plus grandes curiosités esthétiques de l’ensemble du Marais. Située au carrefour de la rue Saint-Antoine, elle vient de supplanter comme église paroissiale l’ancienne église Saint-Paul, située à proximité, sur son côté, à l’arrière, Bien national vendu en 1796. Non loin de là, avec son entrée au fond de la rue des Ballets, on trouve la Prison de la Force, créée par Necker en 1780, construite par l’architecte Pierre Giraud à l’emplacement de l’ancien hôtel des Frères Pâris, affectée avant la Révolution aux condamnés pour dettes et délits civils ; établissement augmenté à partir de 1785 de la Petite Force par l’architecte Pierre Demaisons, sur la rue Pavée, réservée aux femmes (l’ensemble à été démoli au début des années 1850). Plus à l’ouest, on trouve le couvent du Petit Saint- Antoine, ancien hospice tenu par l’Ordre de Malte, devenu séminaire et Bien national vendu en 1798 (démoli en 1804,1820 et 1855). Rue St Antoine, fontaine Birague, extrait du Verniquet gravé publié en l’an IVG PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 90

A l’autre extrémité de la rue Saint-Antoine, c’est ici la place de Grève, élargie à ses abords immédiats. La Grève est place publique depuis 1141 (elle prendre le nom de place de l’Hôtel de Ville en 1803). A la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle, les registres de la Taille indiquent qu’elle est habitée par des mariniers, tonneliers, marchands de foin, bourreliers, marchands de chevaux, marchands de blé, déchargeurs, pelletiers, maçon, taverniers, marchands de charbon, charpentiers. A partir de 1533 s’y construit un nouvel hôtel de Ville d’après les plans du Boccador jusqu’en 1628. C’est un endroit où les passants peuvent arriver de toutes parts, mais pour ce qui concerne notre secteur, son rayonnement immédiat se porte vers l’est, vers la grande voie de circulation qu’est la rue Saint Antoine. Celle-ci, au niveau de la place Baudoyer (ancien emplacement d’une porte dans l’enceinte du XIe siècle), se scinde en deux voies (la rue de la Tissanderie ou de la Tixérandie et la rue du Monceau), engendrant un réseau de rues qui irriguent l’arrière de la place. Ici, l’activité est celle générée par le Marché du cimetière Saint- Jean (repéré dès 1313) vaste vide occupé par une fontaine et des étals, cerné par un bâti très dense (voir l’Atlas de Vasserot et Bellanger où il figure avant sa disparition dans les années 1830-1840) ; qui passe pour avoir été après les anciennes halles centrales, le lieu d’échange le plus dynamique de la capitale. A proximité, plus au sud, s’étend un ancien bourg, vigoureux dès le XIIe siècle et modernisé dans les années 1730 sous l’impulsion de la fabrique de l’église paroissiale Saint-Gervais qui y a créé un nouvel ensemble de maisons locatives. Non loin de là, entre le port et la rue de la Tissanderie, plus à l’ouest, à l’arrière de l’hôtel de Ville, on trouve une autre église paroissiale, désaffectée et devenue Bien National en 1790, vendue en 1797, démolie en 1800 et 1802. Dans cet ensemble vient s’insérer une construction importante (qui n’est pas renseignée ici sur le plan de Verniquet) la chapelle dite de la Communion, érigée en 1734 selon les plans de Jacques-François Blondel, à l’emplacement de l’ancien cloître Saint- Jean, tandis que l’hôpital du Saint-Esprit (fondé en 1362, il recueillait les jeunes orphelins dont les parents étaient décédés à l’Hôtel Dieu) avec sa chapelle sont établis un peu plus au nord.

Les abords de la Grève, extrait du Verniquet gravé publié en l’an IV

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A la fin du XVIIIe siècle , l’ancien prieuré Royal de St-Martin accueille 24 bénédictins. Ceux-ci, avant même la confiscation, font hommage à la nation de leurs biens par le biais d’une adresse lue à l’Assemblée Nationale. L’inventaire nous apprend que les cellules monacales sont remplies de pendules, bouquets de fleurs sous globe, petits cabarets, sucriers, moulins à café, tables à jouer, et autres animaux de porcelaine qui témoignent d’un goût aristocratique. Certes on vit bien à St Martin, et le prieur commendataire touche alors le revenu élevé de 114 651 livres, tandis que la mense conventuelle, qui rapporte environ 80 000 livres, permet de régler de nombreux travaux. Sur la rue Saint- Martin, on a érigé un quartier de maisons à boutiques et une sorte de cour des métiers, autorisés d’après des Lettres- Patentes de 1712. Le dispositif s’est étendu dans les années 1760 avec l’ouverture d’une rue dans l’enclos, la rue Royale, et de part et d’autre, sept nouvelles voies. Il a été complété vers 1765 d’un marché et d’une porte moderne sur la rue Prépillon (aujourd’hui rue des Vertus) vers la rue Phélipeaux (disparue dans les années 1860), la rue du Temple et la rue de Bretagne, ainsi que d’un passage vers la rue Transnonnain (détruit, à l’emplacement de l’actuelle rue Beaubourg). Cet ensemble dédié au commerce et à la petite manufacture a dynamisé le quartier avec lequel il a multiplié les liens, notamment avec la rue au Maire, qui s’adosse au sud à l’enclos et la rue Autour du prieuré de St Martin des Champs, extrait du plan des Gravilliers, qui permet de traverser le de Verniquet Marais vers l’est. Au milieu du périmètre, la propriété Rohan-Soubise et le Mont-de-Piété rassemblent autour d’eux plusieurs communautés religieuses Ils ne constituent pas à proprement parlé un pôle d’attraction, mais un ensemble résidentiel relativement fermé sur lui-même, un nœud dans le tissu urbain visible sur le plan de Verniquet, dont l’architecture souffrira dans l’immédiat assez peu du changement révolutionnaire. Viennent d’abord les biens de la famille de Rohan- Soubise, devenus biens d’émigrés, confisqués par l’Etat, et mais qui seront restitués à la princesse de Guéméné, fille du maréchal de Soubise, dès 1800. Au-delà des limites de l’îlot, se trouve à l’ouest, le couvent de la Merci, ou de Notre-Dame de la Rédemption des Captifs, ordre religieux dont la mission est de racheter les prisonniers. Cet ordre dans le quartier du Marais doit beaucoup à François de Rohan qui a financé la construction de la façade de l’église dessinée par son architecte Germain Boffrand, située à l’arrière de ses appartements de parade sur la rue du Chaume (actuelle rue des Archives). Y résident en 1790 un vicaire général, huit pères, deux clercs et un convers. Devenu Bien national, on le destine à accueillir les religieux de la capitale qui refusent de quitter la vie conventuelle, et seule la façade de son église sera démontée (le bâtiment existe encore sur l’Atlas Vasserot et Bellanger). Au nord, du côté des communs du Palais Cardinal (palais des cardinaux de Rohan, derniers Grands Aumôniers de

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France), on remarque l’ancien couvent des petits Capucins du Marais . Ce sont des frères, visiteurs de malades à l’origine, connus pour leur activité de pompiers. Ils sont organisés en communauté régulière depuis 1626 dans l’ancien Jeu de Paume d’Orléans, rue d’Orléans, grâce au soutien financier de Charlot « riche et puissant bourgeois du quartier ». En 1790, l’église est accordée au clergé constitutionnel et la communauté est dispersée. L’église sera vendue à la municipalité, vidée sans être démolie, ni affectée au culte, jusqu’en 1803). Au sud de l’ancienne propriété Rohan- Soubise, s’étendent sur la rue de Paradis (actuelle des Francs-Bourgeois) et sur la rue des Blancs-Manteaux, les bâtiments tout neufs du Le domaine Rohan-Soubise et ses abords, extrait du plan de Verniquet Mont-de-piété. Lesquels jouxtent l’ancien couvent des Blancs-Manteaux, devenu maison professe des bénédictins de Saint-Maur, avec ses maisons locatives bordant la rue Vieille-du-Temple. Devenu Bien national, le couvent est mis en vente en 1796 et 1797, à condition pour l’acquéreur d’ouvrir une voie nouvelle nord/sud dans le prolongement de l’ancienne rue aux Singes (actuelle rue des Guillemites), pour relier à peu de frais la rue des Francs-Bourgeois à la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie (chose faite en 1802). Mais la plupart des anciennes constructions, devenues maisons de rapport, restent debout. A cet ensemble, il faut ajouter de l’autre côte de la rue Vieille-du-Temple, l’hôpital Saint-Anastase, constitué en 1656 par les Hospitalières de Saint- Gervais dans l’ancien hôtel de François d’O (construit en 1588), établissement accordant aux pauvres un abri pour la nuit. L’ordre est supprimé en 1795, mais les bâtiments subsisteront jusqu’en 1812. L’ordre militaire des Templiers est créé en 1118, à proximité du Temple de Salomon, à Jérusalem, par Hugues de Payns, cousin de Saint-Bernard, et Geoffroy de Saint-Omer. Cet ordre est supprimé par le roi Philippe le Bel en 1312. Son enclos fortifié est alors concédé aux Hospitaliers de Saint-Jean, qui prendront ensuite le nom de Chevaliers de Malte. Cet enclos est absorbé par l’espace parisien avec la construction de l’enceinte de Charles V. Mais l’enceinte des Hospitaliers demeure. A l’intérieur de celle-ci prennent place de nombreuses constructions : les premiers bâtiments de la commanderie, un cloître, une église, avec une rotonde imitée du Saint-Sépulcre, un donjon, une tour des archives, un cimetière, puis l’hôtel des prieurs construit au XVIIe siècle, mais aussi d’autres constructions plus petites : l’hôtel des Bains ou du Poirier, du Bel-Air. On y voit des cours, des jardins, des rues, des écuries, une boucherie, etc…car l’enclos jouit de l’extraterritorialité. On n’y paie pas d’impôts. Sans maîtrise, sans jurande, le travail y est libre. C’est la raison pour laquelle naissent ici l’industrie et le commerce de la bijouterie fantaisie, considérée au-dehors comme une contrefaçon. Les artisans y trouvent un débouché à l’occasion du marché hebdomadaire et d’une foire annuelle se tenant dans l’enclos. Ne relevant que de la justice du grand prieur, selon Sébastien Mercier auteur des Tableaux de Paris , l’endroit est aussi « un lieu privilégié, qui sert d’asile aux débiteurs qui ne paient point ». « Ils paient chers une petite chambre étroite, toujours préférable à la prison ». Et de rajouter : « il n’y a point d’inconvénient à laisser subsister ce lieu privilégié, parce que les créanciers s’arrangent toujours beaucoup mieux avec le débiteur présent qu’avec le débiteur absent ». En PARIS LE MARAIS -PSMV - RAPPORT DE PRESENTATION PARTIE 1B 93

1792, le Temple couvre un territoire de six hectares et demi A partir de 1788, a été construit sous forme de rotonde (son plan est en réalité une ellipse, mais il ne figure pas dans les planches gravées de Verniquet) un ensemble de vingt-huit maisons à boutiques sous arcade, d’après les dessins de l’architecte François Victor Perrard de Montreuil. Elles sont établies au nord-est de l’enclos, et on y accède par une nouvelle entrée située au bout de la rue du Beaujolais (actuelle rue de Picardie). Devenu Bien national, le Temple est vendu en partie, lorsque 92 lots sont mis aux enchères au début des années 1790 (ce qui entraîne dès 1796 la démolition de l’église, afin de récupérer ses matériaux). Après avoir auparavant influencé le devenir économique de la ville immédiatement située au sud, la transformation de l’enclos et son ouverture sont à même d’être ressenties maintenant plus à l’est. Car le verrou des anciennes fortifications de Charles V et de Henri II, devenues après 1670 promenades suspendues et plantées, est en train de sauter. Le plan de Verniquet fait ainsi figurer un projet d’urbanisation d’envergure pour l’ancien faubourg au lieu-dit Popincourt. La liaison se fait dans le prolongement de la rue de Saintonge. Venant confirmer cet empressement à passer outre le boulevard et à provoquer la mise en relation des différents niveaux entre l’ancienne fortification et son fossé en contrebas, l’année 1796 verra par ailleurs une première proposition de vente par lots de l’ancien couvent des Filles du Calvaire de la part d’une compagnie immobilière privée, avec le projet (non réalisé) de création d’une rue neuve Ménilmontant dans le prolongement de l’ancienne.

Le Temple, Les boulevards et Popincourt, extrait du plan de Verniquet

Maisons à boutiques et 1788, Rotonde du Temple, dans l'ancien enclos du Temple, arch. Pérard de portique, dans l'enclos du Montreuil Temple, 1788

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Projet de lotissement du couvent des Filles-du-Calvaire, levé et acquis au profit de Huet et Cie par M.B.A. Hoüard en 1796. Sitôt prise, la Bastille est livrée aux démoli sseurs. Certes, le symbole est fort et on comprend l’envie de la faire disparaître. Mais sa destruction entre dans une logique urbaine mise en place depuis un certain temps déjà. Dans les années 1780, la ville à l’est, déborde. Le très avisé Mr. de Beaumarchais vient de franchir la limite en faisant construire une somptueuse résidence de l’autre côté de la porte Saint-Antoine, sur un terrain pris sur l’ancien bastion construit par Henri II (après avoir habité l’hôtel Amelot de Bisseuil, rue Vieille-du-Temple). Et plusieurs architectes envisagent d’organiser la jonction du faubourg déjà formé en 1702, à la ville qui étouffe derrière l’enceinte de Charles V. On parle d’abattre la Bastille dès 1784. En 1790, un projet signé Corbet, intitulé Une place publique à la gloire de Louis XVI fait apparaître l’aménagement possible d’un très vaste quartier à l’est, notamment prétexte à un projet de port, de magasins, en proposant par ailleurs le déménagement de l’Arsenal. Ce même quartier de l’Arsenal, que la Commission des Artistes va pousser à transformer, en tenant compte de la vente et de la démolition future du Couvent des Célestins, mais dont la physionomie changera dans les années 1810 avec la destruction du Petit Arsenal et de la raffinerie de Salpêtre, et la construction d’un très grand entrepôt des farines.

Autour de la Bastille, extrait du plan de Verniquet, gravé et publié en l’an IV.

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II.3.7 LE LOTISSEMENT DU MARCHE SAINTE-CATHERINE : UN ENSEMBLE URBAIN SIGNIFICATIF DE L’HISTOIRE DE L’ARCHITECTURE ET DE LA VILLE AU XVIIE SIECLE

Les ensembles urbains font l’objet du chapitre III suivant. Le renouvellement urbain dans le quartier est très ponctuel, il s’inscrit dans une logique de remplacement de l’habitat ou du négoce sur les voies de communication. Le Marais n’a pas fait l’objet de projets royaux d’envergure. Ici pas de place royale au XVIIIe siècle, pas d’ordonnancements monumentaux, pas d’opérations spéculatives de la part des grandes familles aristocrates (pas même des Rohan-Soubise). Un seul ensemble peut-être reconnu : celui qui prend place sur un ancien domaine religieux, devenu vacant, pour faire un marché, ce dans le but de regrouper les étals plus ou moins sauvages encombrant la rue Saint Antoine.

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