Revue des langues romanes

Tome CXX N°1 | 2016 Les et l’Italie

Le débat dans la tradition des troubadours : Uns amics et un’amia de Guilhem de la Tor et Sordel

Esther Corral Díaz

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rlr/388 DOI : 10.4000/rlr.388 ISSN : 2391-114X

Éditeur Presses universitaires de la Méditerranée

Édition imprimée Date de publication : 1 janvier 2016 Pagination : 241-256 ISSN : 0223-3711

Référence électronique Esther Corral Díaz, « Le débat dans la tradition des troubadours : Uns amics et un’amia de Guilhem de la Tor et Sordel », Revue des langues romanes [En ligne], Tome CXX N°1 | 2016, mis en ligne le 01 février 2018, consulté le 21 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/rlr/388 ; DOI : 10.4000/rlr.388

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Le débat dans la tradition des troubadours : Uns amics et un’amia

de Guilhem de la Tor et Sordel1

En 1819, Raynouard incluait dans son Choix des poésies origi- nales des Troubadours le partimen Uns amics et un’amia (PC 236,12 / PC 437,38)2 de Guilhem de la Tor et de Sordel et, un siècle plus tard, en 1934, Blasi le traduisait en italien, dans l’édition du premier de ces auteurs. Ce débat est bien connu dans le domaine littéraire occitan, d’autant plus qu’il est singulier, car la question qu’il pose n’est pas habituelle dans le code de la fin’amor : quand sa dame meurt, pour l’amoureux « qe·ill seria meillz a far / apres lei viure o morir ? » (vv. 9-10). Les auteurs qui interviennent dans cette composition ont connu un parcours remarquable et original dans la tradition. Guilhem de la Tor3 et Sordel partagent la condition de jongleurs et sont actifs pendant l’étape où la poésie d’oc se répand et suscite une abondante production en Italie septentrionale, bien loin des figures illustres qui établirent ses traits caractéristiques, tels Guilhem de Peitieu ou Bernart de Ventadorn, et des person- nalités extraordinaires qui ont brillé plus tard par la virtuosité de leur style, comme Arnaut Daniel, Peire Vidal ou Folquet de Marselha4. Sordel est un qui exerce une grande autorité et une influence considérable dans le milieu des trou- badours de son époque et dans les cercles poétiques ultérieurs, alors que GTor ne jouit pas de la même considération. La critique actuelle le considère comme un « troubadour mineur »5, ou un membre du groupe des « petits troubadours »6. Il est surtout connu à partir de l’amplification narra-tive des données biogra- phiques rapportées dans la vida qui sont précisément en relation avec Uns amics et un’amia. Un examen attentif de leurs productions poétiques nous permet d’avancer les propositions suivantes :

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1. GTor est un jongleur qui fait partie du groupe des trouba- dours dont l’activité poétique s’est développée dans les cours septentrionales d’Italie dans le premier quart du XIIIe siècle7. D’origine occitane, peut-être du Périgord8, il a passé la plus grande partie de sa vie dans les cercles du nord de l’Italie sous la protection de différents mécènes9. Même si nous ne possédons aucune information sur son départ des terres d’oc ni sur son arrivée dans la péninsule italienne, ses œuvres nous incitent à penser qu’il a visité les cours des comtes de Biandrate, des Da Romano, des Malaspina et des Este. Le chansonnier qu’on en a conservé est réduit et de typologie variée. Ses éditions rassem- blent quatorze textes (huit chansons, deux partimens, un descòrt, deux sirventés et la Treva) parmi lesquels se distinguent princi- palement deux pièces : le partimen que nous commentons ici et la célèbre Treva, qui appartient à la modalité générique nommée tournoiement de dames (il y décrit la ‘tregua’ qui suit la bataille opposant les sœurs Selvaggia et Béatrice Malaspina et mentionne, en tant qu’arbitres de la paix, une longue liste des principales dames de son temps). Malgré des qualités littéraires discutables, ce texte a remporté à l’époque un grand succès, qui proviendrait surtout de sa possible mise en scène à la cour10. À la différence de l’œuvre de Sordel, on n’accorde guère de valeur au répertoire poétique de GTor. Riquer le qualifie abrupte- ment de « de poco relieve y de escasa originalidad »11. Pourtant, Folena considère que sa figure est celle d’un illustre « pros de Proenza » (avec Aimeric de Peguilhan) qui a joué un rôle d’animateur de la cour d’Este vers le milieu du XIIIe siècle12. Récemment, dans l’édition la plus complète du troubadour, Negri souligne l’importance de sa production littéraire due à « una fine “acclima-tation artistique„ que continuerà a garantirne, ancora per qualche secolo, la testimonianza »13. On a suggéré qu’on pourrait identifier GTor avec d’autres Guilhem qui interviennent dans des tensos et des coblas. Dans le corpus des genres dialogués figurent, entre autres, Guilhem del Dui-Fraire, Guilhem Gauta-segnada, Guilhem Testa-pelada et un certain Guilhem ennoios14. Faute de données fiables pour avaliser l’idée qu’un de ces personnages soit notre auteur (ils n’ont en commun que leur nom et l’environnement du milieu de la taverne), rien ne permet de dire que l’un d’eux soit notre GTor15.

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La biographie recueillie dans les deux manuscrits jumeaux vénitiens I et K, mentionne le sujet de la mort de l’aimée, de la même façon que le partimen, et l’amplifie avec nombre de détails, construisant tout un récit imaginatif et romanesque du décès dans lequel se déploie une forte dose d’invention : GTor tombe amou- reux de la femme d’un barbier de Milan, l’enlève et l’emmène avec lui à Come. La femme meurt, mais GTor rejette la réalité au point de devenir fou et refuse de s’éloigner du corps de sa bien- aimée, de sorte qu’il la laisse dix jours et dix nuits dans la tombe. Chaque jour, il la tirait de la tombe, la regardait, l’embrassait et la suppliait de lui parler et de lui dire si elle était vivante ou morte : si elle était vivante, qu’elle revienne avec lui, si elle était morte, qu’elle lui raconte les peines qu’elle éprouvait. Pour elle, il ferait dire tant de messes et distribuerait tant d’aumônes qu’elles la délivreraient de ses tourments. Le bruit se répandit dans la ville et il fut expulsé par des gens de bonne volonté. Il partit et rechercha des devins pour qu’ils lui disent si elle pourrait revenir à la vie. L’un d’eux l’assura qu’elle ressusciterait s’il offrait quotidienne- ment messes et aumônes pendant une année. Il en fut tout content et s’acquitta des offrandes qu’on lui avait conseillées, mais, quand il vit au bout d’un an que cela ne donnait pas de résultat, il perdit l’espoir et mourut. Le récit est assez long et bien sûr imaginaire16. Blasi qualifiait de romanesque cette biographie et, par la suite, Picone la consi- déra comme une « quasi-novella »17. La relation entre la vida et la composition Uns amics et un’amia fait problème. On ne saurait dire si la composition a servi de base à la vida, ou si celle-ci constitue une entité autonome. Il paraît possible qu’il y ait eu une relation, puisque GTor fait référence dans le débat au fait que l’amant, s’il mourrait pour sa dame défunte, « faria·s fol tener » (v. 24). Boutière et Schutz soutiennent que l’auteur de la vida s’inspire du partimen, en particulier dans les vingt-quatre premiers vers18. Toutefois, Blasi indique qu’il n’y a aucune donnée pour confirmer cette relation et que la vida peut même s’être fondée sur un texte perdu19. Les études les plus récentes ouvrent des perspectives nouvelles sur la biographie20. Gerardo Larghi propose une lecture d’ensemble des vidas de GTor et de Sordel. Selon lui, il s’agirait d’un diptyque consacré à l’enlèvement de Cunizza, la dame dont Sordel proclame dans la seconde tornada qu’elle sera le juge du

244 REVUE DES LANGUES ROMANES partimen et sur laquelle nous allons revenir à propos de sa relation avec le troubadour mantouan. Les deux biographies auraient été écrites par Uc de Saint-Circ, poète et auteur, comme on sait, de la plus grande partie des vidas, et contemporain des trois person- nages (Guilhem de la Tor, Sordel et Cunizza). Giusseppe Noto, pour sa part, propose une nouvelle lecture du texte biographique et souligne l’autonomie de la vida de GTor « non solo rispetto all’immediato referente lirico », c’est-à-dire le partimen, mais par rapport aux autres biographies en prenant en compte deux niveaux, le courtois et le narratif. Les normes de la cortezia ne sont pas respectées, étant donné la condition de l’aimée (le troubadour s’éprend d’une femme de basse condition, l’épouse d’un barbier)21 et l’allusion à un milieu de magie et de sorcellerie, quand il est dit que l’amant a recours à des devins afin qu’ils ressuscitent le cadavre de sa bien-aimée. En outre, pour ce qui est de la structure narrative, la forme adoptée pour le récit de la vie de GTor s’écarte des caractéristiques propres au répertoire des vidas, où prédominent un système formulaire et une exposition assez synthétique des événements22. D’autre part, il est surprenant que les thèses défendues par Sordel et GTor, dans Uns amics e un’amia, soient inversées par rapport à la biographie. Il est curieux que ce soit Sordel qui défende le choix du suicide par amour de l’amant devant la mort de l’aimée et GTor qui soutienne qu’il est possible de continuer à vivre après la mort de l’amiga. Les points de vue soutenus dans le poème s’inscrivent de façon exactement inverse à ce qui est raconté dans les biographies des troubadours. Les tornadas des genres dialogiques peuvent fournir des données historiques qui aident à contextualiser le poème. Dans le cas présent, GTor engage le débat et propose dans la première tornada, de prendre pour juge de la confrontation sa candidate, Azalais de Vizalaina (« que deia aquest plait jujar », v. 64). Des documents nous apprennent que cette dame était la fille du comte Alberto de Mangona et l’épouse de Cavalcabò de Viadana23, sous le nom duquel elle est évoquée dans le partimen, et appartenait à la haute société féodale italienne (elle est également citée dans la Treva sous le nom d’Alais de Vidallana24).

2. Le second locuteur, Sordel (fin du XIIe-1269), est originaire d’Italie, plus précisément de Goito, dans la province de Mantoue,

VARIA 245 et il partage avec GTor la condition de jongleur (la qualité de sa production poétique lui permettra de s’élever au rang de trouba- dour). Il s’agit de l’auteur italien le plus célèbre dans la tradition occitane et sa biographie est bien connue grâce à de multiples témoignages contemporains. Ses compagnons ont évoqué ses jeunes années tumultueuses au contact du monde des tavernes et du jeu dans les cours du nord de l’Italie25. Une de ses aventures les plus célèbres s’est déroulée à la cour de Ricardo de San Bonifacio (Vérone). Celui-ci avait épousé Cunizza, la sœur d’Ezze-lino III et d’Alberico Da Romano, en 1222, à une époque où les hostilités entre les deux familles s’étaient atténuées et où les circonstances politiques conseillaient la concorde (une union double, car Ezzelino lui-même se maria avec Zilia, la sœur de Ricardo). Sordel et Cunizza furent les protagonistes de l’« affaire sentimentale del secolo »26, quand Sordel, à l’instigation des frères Da Romano, enleva Cunizza de la maison de son mari et l’emmena à la cour des Este27. La renommée de la dame s’étend au-delà de sa relation avec le troubadour de Mantoue par les traces littéraires qu’elle a laissées par la suite, la plus connue étant son apparition dans la Commedia de Dante, dans le Paradiso, où occupe une cinquantaine de vers du chant IX28. Le scandale que provoqua la dame dans la famille Da Romano eut d’importantes conséquences pour l’œuvre de Sordel, en particulier dans la transmission manuscrite de son corpus, car les compositions du Mantouan sont absentes de l’anthologie de poésie occitane du Liber Alberici dont avait passé commande, ainsi que l’indique son nom, le marquis Alberico29. Dans la deuxième tornada de notre partimen, Sordel propose que Cunizza soit l’autorité qui devra désigner le vainqueur du débat30. Une référence qui n’est pas passée inaperçue du public ni à l’époque ni ultérieurement, même s’il faut signaler un problème ecdotique important qui affecte la lecture du nom. Certains auteurs, comme De Lollis et plus tard Folena, ne reconnaissent pas Cunizza dans la dame citée au v. 68. Compte tenu de la fiabilité des manuscrits les plus anciens A et D, ils proposent le nom d’Agneseta à partir de leur lectio difficilior, Agneseta ou Aine- seta31. Folena propose une possible identification de cette dame avec « n’Agnes d’Arc », citée dans la Treva (v. 16), même s’il est difficile d’expliquer la relation de celle-ci avec Sordel32.

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Après sa relation avec Cunizza, il semble que Sordel ait épousé en secret Otha, de la famille des Strasso de Trévise, ce qui lui valut la colère des Este. En 1228 ou 1229, il abandonna la Vénétie et l’Italie et se réfugia en terre d’oc pendant un certain temps ; ensuite, il gagna la péninsule ibérique en passant par les cours d’Aragon et de Castille et fit sûrement le pèlerinage de Compos- telle en 1232, avant de revenir en Occitanie bénéficier du mécénat de Raimon Berenguier V qui l’investit d’un fief et lui accorda des dons importants. À la mort de ce seigneur, il prêta l’hommage à Charles d’Anjou33. On a conservé deux vidas du Mantouan : une version longue, qui précède le corpus de ses textes dans les mss A et a, et une seconde, plus brève, recueillie dans les jumeaux I et K. Comme le dit S. Guida, les deux rédactions, quoique très inégales, ne diffèrent pas sur l’essentiel34. Elles nous informent, suivant le synopsis habituel, sur sa condition sociale, sur son art littéraire et, surtout, elles rendent compte de façon très détaillée de ses aven- tures amoureuses avec Cunizza, puis Otha (référence qui ne se trouve que dans la vida minor)35. Le corpus de Sordel est vaste et beaucoup plus important que celui de GTor. Il est composé de 43 textes et d’un poème didactique36. Comme nous l’avons signalé, Sordel a joui d’une renommée peu ordinaire aux XIIIe et XIVe siècles. Non seulement ses poésies, conservées dans de nombreux manuscrits, ont été imitées par d’autres poètes, mais Sordel a également entretenu des relations avec plusieurs troubadours, comme le montrent les compositions dialoguées auxquelles il a participé, même en dehors de l’aire occitane. On connaît ses contacts avec les trouvères par l’intermédiaire de divers contrafacta ; dans l’aire galégo-portugaise, ses compositions servent également de modèle à plusieurs textes et il est cité dans une tençon avec J. Soarez Coelho37. Il occupe en outre un espace considérable dans la Commedia où il est la figure principale de trois chants du Purga- torio (chants VI, VII et VIII), ce qui le fit probablement connaître du public et lui conféra aussi une supériorité sur les autres troubadours38.

3. Pour en venir aux questions formelles et codicologiques, le partimen nous a été transmis par huit manuscrits (neuf, si l’on compte deux vers qui figurent dans Dc), dont les relations sont

VARIA 247 assez complexes, comme l’indique Boni, à cause de la conta- mination qui s’est produite entre les diverses branches de la tradition39, mais l’ordre strophique est le même dans tous les manuscrits. Pour ce qui est de l’édition, j’ai suivi Boni qui a pris pour base le manuscrit D40, l’un des plus importants de la lyrique occitane par son ampleur41. GTor et Sordel ne mettent pas l’accent sur la virtuosité formelle ni sur les artifices métriques et rhétoriques42. La compo- sition comporte six coblas unissonans de 10 vers et une tornada double de six vers. Les vers sont des heptasyllabes avec des rimes a, b, c, d (ía, es, is, ar, ir), fréquentes dans le corpus occitan43. Le schéma métrique de la composition (a’7 b7 a’7 b7 c7 c7 d7 d7 e7 e7) a été employé en plus d’une vingtaine d’occasions (Frank 390:17)44, mais cette combinaison d’heptasyllabes ne se encontre qu’une autre fois : dans la canso Nuilla ren que mestier m’aia d’Uc de Saint-Circ (457,25)45, un troubadour en relation avec Sordel et la cour des Da Romano. Lewent, en 1935, indiquait déjà la relation qui liait les deux compositions, émettant l’hypothèse que notre partimen avait pu prendre pour base le texte de Saint-Circ46. L’habitude de Sordel, déjà signalée, de réutiliser des combinaisons de rimes d’autres poètes et le fait que les genres dialogués empruntent volontiers des schémas de textes amoureux parle- raient en faveur de cette possibilité47. Pour ce qui est du lieu et de la date de composition du texte, l’opinion la plus répandue les situe dans l’aire vénète, à la cour des Da Romano48, l’un des foyers les plus actifs de la culture occitane en Italie, où les deux troubadours séjournèrent quelque temps dans les années 20, même si une partie des critiques penchent pour une date antérieure, à la cour des Malaspina49. Ce qui est sûr, c’est que Sordel a participé à sa composition dans ses premières années d’activité50. Il est délicat de proposer une date plus précise : Negri pense qu’elle remonte à une époque anté- rieure au rapt de Cunizza, étant donné que la tornada exprime de l’amour pour la dame, ce qui la situerait entre 1221 et 122851. Néanmoins, dans leur corpus de tensos et partimens, Harvey et Paterson avancent la date jusqu’en 121352.

4. La question posée dans le débat est de savoir si l’amant dont la dame est morte doit continuer à vivre ou, au contraire, mourir. Du point de vue lexical, ‘mourir’ et ‘vivre’ se comportent comme

248 REVUE DES LANGUES ROMANES un binôme de vocables récurrents tout au long de la composition et l’antithèse est continuellement reprise dans toutes les strophes : strophe I, viure o morir (v. 9) ; str. II, (v. 14) et morz (v. 9) ; str. III, moria (v. 23) et viures (v. 25) ; str. IV, vida meillz qe morz valer (v. 34) ; str. V, mort (v. 45) et vida (v. 46) ; enfin, dans la dernière cobla, même si l’on ne retrouve pas cette dichotomie lexicale, on rencontre des synonymes comme fenis (v. 56), déjà employé dans les deux strophes antérieures, et on voit apparaître ausir, qui renforce encore le contenu sémique du champ de la ‘mort’ à cause de ses connotations hyperboliques53. Outre ce lexique, on relève d’autres unités lexicales qui appartiennent à l’isotopie de la douleur : en plus d’ausir (vv. 26 et 39) et fenir (vv. 40, 56 et 60), on recourt à des termes comme languir (v. 35) et dols e plors (v. 55). Dans les tornadas, une fois achevé le débat entre les deux adver- saires, on laisse de côté le dilemme exposé et l’on ne parle plus que des deux dames qui doivent prononcer leur sentence sur les arguments qu’ont fait valoir les deux poètes. C’est un trait que nous voulons souligner, car on inclut souvent dans la dernière partie des commentaires ironiques sur les arguments déployés ou quelque épilogue sentencieux à propos du sujet54. Toutefois, dans les tornadas de ce texte, les auteurs se contentent de nommer les juges du débat sans revenir sur le sujet de la discussion. Par ailleurs, la mention d’Andreus (v. 26) est en rapport avec la ligne conceptuelle de la mort par amour développée tout au long du texte. Il s’agit du héros d’un roman français perdu, Andrieu de Fransa, auquel des troubadours font allusion à partir des dernières années du XIIe siècle comme parangon de l’amant tragique qui meurt à cause de l’amour qu’il porte à sa dame, la reine de France. Non seulement il est mort d’amour, mais, si nous nous en tenons à ce que dit GTor lui-même, sa mort a été voulue consciemment, il s’est suicidé (« si tot s’aucis » v. 26)55. Ainsi donc, la mort est présente de façon permanente dans ce texte et c’est un des thèmes les plus cultivés dans la tradition poétique amoureuse56. Néanmoins, dans cette tradition, la mort d’une dame n’est pas un thème fréquent de la poétique amou- reuse et l’est moins encore la question qu’abordent GTor et Sordel : que doit faire l’amant devant la mort de l’aimée ? Même s’il faut noter que, comme le montre Valeria Bertolucci dans une étude intéressante sur la présence de la mort de la dame, « on

VARIA 249 peut bien parler d’une circulation généralisée, bien que faible, au XIIIe siècle »57. La mort et l’amour, paradoxalement unis, apparaissent habituellement dans une ligne temporelle qui s’oriente vers un futur proche, mais ici la question est de savoir si un amoureux fidèle peut survivre à la mort de l’aimée. Que doit faire l’amant devant la mort de la dame ? Est-ce que le troubadour doit continuer à vivre ou, au contraire, doit-il mourir ? La mort s’annonce normalement comme un événement qui peut arriver à l’amant quand la dame ne répond pas à son amour, quand il n’obtient pas ce joi qu’il réclame. C’est encore quelque chose d’insolite que le poète, oubliant les lois de la nature, tourne son amour vers une femme morte58. Pour expliquer cette question peu commune, il importe de prendre en compte le contexte dans lequel s’inscrit la composition traditionnelle des troubadours. À l’époque de la rédaction du partimen, la lyrique occitane se trouvait déjà sur le déclin, ce qui explique que deux troubadours discutent sur l’association ‘amour’ / ‘mort’59. On pourrait mettre cela en rapport avec la vida de GTor qui, comme le signalait Noto, représentait également une transgression par le fait qu’elle se plaçait en marge des formules narratives habituelles des biographies et du monde de la cour- toisie : le comportement du troubadour que nous transmet la vida est celui d’un “fou” socialement dangereux parce qu’il n’accepte pas de se séparer (en particulier sur le plan physique) du corps de l’aimée60 On ne peut pas non plus oublier le ton ironique qui domine dans le partimen. Meneghetti a souligné l’effet comique que « simili affermazioni dovevano produrre in un pubblico ben avveduto era di sicuro previsto, forse addirittura ricercato dagli autori », en rapport avec le contraste entre la vida et les argumen- tations exposées par chacun des poètes dans le partimen61. La vida de GTor met en scène une bien-aimée défunte et, à l’inverse, dans la composition, c’est Sordel qui souffre la « mort par amour » et va jusqu’à recommander le suicide par amour (vv. 39-40)62. En conclusion, uns amics e un’amia illustre la production d’une lyrique occitane qui entre en décadence au moment même où elle se répand au-delà de ses frontières. Le texte est le fruit de l’activité poétique de GTor, un troubadour transalpin peu connu, mais dont la biographie est curieuse et insolite, et des premières années

250 REVUE DES LANGUES ROMANES du métier d’un Italien d’une grande renommée et dont l’œuvre devait connaître une ample diffusion dans la tradition des trouba- dours. Quant à la question en débat, on ne saurait dire qu’elle était alors inusitée dans le code de la fin’amor, même si son thème n’atteindra que plus tard les plus hauts sommets avec la mort de Béatrice et de Laure que les grands maîtres, Dante et Pétrarque, rappelleront dans leurs chants63. Valeria Bertolucci dit à ce sujet :

C’est donc vers la fin du XIIIe siècle que le thème de la mort de la dame, après une période de « préhistoire » et d’isolement dans le planh, s’inscrit dans les genres lyriques les plus importants et va renouveler la razon de la poésie amoureuse pour en devenir un des thèmes principaux.64

Esther Corral Díaz Université de Saint-Jacques de Compostelle

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1 Cette contribution représente l’un des résultats des Projets de Recherche Le débat métalittéraire dans la lyrique romane médiévale (FFI2011-26785) et Voix de femmes au moyen âge : réalité et fiction (siècles XII-XIV) (FFI2014-55628-P), tous deux financés par le Ministère de l’Économie et de la Compétitivité. Une première version en a été présentée au XIe Congrès de l’Association Inter- nationale d’Études Occitanes (AIEO) (Llèida, 16-21 juin 2014). Je remercie Gérard Gouiran de ses suggestions et de son aide dans la traduction. NOTES

2 F.J.M. RAYNOUARD, Choix des poésies originales des Troubadours, Paris, Didot, vol. IV, 1819, nº XVI, pp. 33-36. Les autres anthologies qui, depuis longtemps, ont inclus ce partimen sont : V. de BARTHOLOMAEIS, Poesie provenzali storiche relative all’Italia, Roma, Istituto Storico Italiano, 1931, vol. II, pp. 63-67 ; A. UGOLINI, La poesia provenzale e l’Italia : scelta di testi con introduzione e note, Modena, Soc. Tip. Modenese, 1949, 2ª ed. rev., pp. XXXV, 68 et ss. ; G. BERTONI, I Trovatori d’Italia: biografie, testi, traduzioni, note, Roma, Società Multigrafica ed. Somu, 1967, p. 76 (le texte y est cité mais pas reproduit). En outre, le partimen figure dans les éditions de Sordel : C. De LOLLIS, Vita e Poesie di di Goito, Bologna, Forni, 1969, p. 24, 168 et ss., 274 et ss., et M. BONI (a cura di), Sordello, le poesie, nueva edizione critica con studio introd., traduz, note e glos., Bologna, Libreria Antiquaria Palmaverde, 1954, pp. 84-89 ; et de Guilhem de la Tor (= GTor) : F. BLASI, Le poesie di Guilhem de la Tor, Genève-Firenze, Olschki, 1934, p. 50 et ss., et p. 72 et ss.; J. MONESTIER, Guilhem de la Tor. Troubadour Périgourdin, Périgueux, Lo Bornat dau Perigord, 1991, pp. 48-51 (la lecture suit pour l’essentiel Blasi) ; A. NEGRI (a cura di), Le liriche del trovatore Guilhem de la Tor, Rubbettino ed., 2006, nº 2, pp. 61-72 (édition qui nous sert de référence, avec celle de Boni pour Sordel). Ce texte figure aussi dans le récent corpus des genres dialogués occitans de R. HARVEY-L. PATERSON, eds., The Troubadour Tensos and Partimens. A critical Edition, Cambridge, D.S. Brewer, 2010, vol. II, pp. 647-656. Pour les traductions du texte, voir M. D’HERDE-HEILIGER, Répertoire des traductions des œuvres lyriques des troubadours des XIe au XIIIe siècles, Liège-Béziers, Institut Provincial d'Études et de Recherches Bibliothéconomiques-Centre Intern. de Doc. Occitane, 1985, p. 201. 3 Désormais nous emploierons la forme abrégée GTor. 4 M.L. MENEGHETTI, « Uc de Saint-Circ tra filologia e divulgazione », in « Il Medioevo nella Marca : trovatori, giullari, Letterati a Treviso nei secoli XIII e XIV ». Atti del Convegno Treviso 28-29 set. 1990, ed. di M.L. Meneghetti et F. Zambon, Dosson, ed. Premio Comisso, 1991, pp. 115-128, p. 116. 5 P. BEC, Florilège en mineur. Jongleurs et troubadours mal connus, Paris, Paradigme, 2004, p. 323.

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6 A. TAVERA, « À propos des ‘petits’ troubadours qui allèrent en Italie », in Le Rayonnement des Troubadours, a cura di A. Touber, Rodopi, Amsterdam, 1998, pp 143-159 ; p. 158. 7 Voir là-dessus BERTONI, Il Trovatori d'Italia…, op. cit. 8 La vida indique que « Guillems de la Tor si fon joglars e fo de Peiregorc, d’un castel q’om diz la Tor » (J. BOUTIÈRE et A. H. SCHUTZ, Biographies des troubadours. Textes provençaux des XIIIe et XIVe siècles, avec la collaboration de I.-M. CLUZEL, Paris, A. G. Nizet, 1964, p. 233). Voir NEGRI, Le liriche…, op. cit., p. 12 et ss.; et encore G. LARGHI, « Guilhem de la Tor », in G. GUIDA e G. LARGHI, Dizionario biografico dei Trovatori, Modena, Mucchi ed., 2014, pp. 276-278. 9 À propos des cours en Italie, l’étude d’A. RONCAGLIA, « Le corti medievali », in Literatura italiana, dir. A. ASOR ROSA, vol. 1, Il Letterato e le istituzioni, Torino, Einaudi, 1982, pp. 33-147 est toujours d’une grande utilité. 10 M. DE RIQUER parle d’un « documento de interés histórico y social, pero no literario » (Los trovadores. Historia literaria y textos, Barcelona, Planeta, 1975, vol. II, p. 1171). Voir NEGRI, Le liriche…, op. cit., pp. 75-96, qui rassemble différentes opinions exprimées sur ce texte ; et LARGHI, « Guilhem de la Tor… », art cit., p. 277, qui présente de nouvelles hypothèses historico- politiques d’interprétation. 11 RIQUER, Los trovadores…, op.cit, vol. II, p. 1171. Monestier, qui a édité son œuvre dans les années 90, affirme à propos de son chansonnier amoureux que « notre troubadour ne fait que répéter les thèmes communs traditionnels de la poésie courtoise […], plus encline à la mélancolie qu’à la joie de l’amour, sa poésie veut la sincérité du sentiment et voit dans la souffrance une grande preuve d'amour » (Guilhem de la Tor…, op. cit., p. 2). 12 G. FOLENA, « Tradizione e cultura trobadorica nelle corti e nelle città venete », in Storia della cultura veneta. Dalle origini al Trecento, Vicenza 1976, pp. 453- 562 (maintenant dans G. FOLENA, Culture e lingue nel Veneto medievale, a cura di G. Arnaldi e M. Pastore Stocchi, Padova, ed. Programma, 1990, pp. 1-137), p. 493. 13 NEGRI, Le liriche…, op. cit., pp. 16 et 32. 14 FOLENA, « Tradizione e cultura… », art. cit., p. 504. 15 Nous suivons NEGRI, Le liriche…, op. cit., pp. 25-32. 16 Par ex., M.-L. MENEGHETTI, Il pubblico dei trovatori, Torino, Einaudi, 1992, p. 159 ; RIQUER, Los trovadores…, op. cit., II, p. 1171. 17 BLASI, Le poesie…, p. V ; M. PICONE, Il racconto, Bologna, Il Mulino, 1985, p. 41. 18 J. BOUTIÈRE et A.-H. SCHUTZ, Biographies des troubadours : textes provençaux des XIIIe et XIVe siècles, Toulouse, éd. Privat, 1950, p. 238, n. 6. Cette opinion est partagée par M. LIBORIO (a cura di), Storie di dame e di trovatori di Provenza, Milano, Bompiani, 1982, p. 253. 19 BLASI, Le poesie…, op. cit., p. V. 20 Deux auteurs étudient en détail cette vida : G. LARGHI l’analyse, y compris du point de vue linguistique, dans « Di un trovatore occitanico, di un barbiere

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milanese e di Como medievale », Archivio Storico della Diocesi di Como, 12, 2001, pp. 281-317 ; et G. NOTO s’en occupe lui aussi longuement dans « Ricezione e reinterpretazione della lirica trobadorica in Italia : la vida di Guillem de la Tor », in Studi di Filologia romanza offerti a Valeria Bertolucci Pizzorusso, Pisa, Pacini, 2006, vol. II, pp. 1105-1137. Voir en outre les commentaires de NEGRI, Le liriche…, op. cit., p. 12. 21 Rappelons que le barbier était « un personaggio che svolge una delle professioni più spesso messe all’indice della cultura medievale » (NOTO, « Ricezione », art. cit., p. 1110). 22 NOTO souligne que « la vida de GlTor risulta la sola ‘biografia’ a presentare sviluppi narrativi in direzioni, per cosi dire, ‘extracanoniche’ » (ibidem, pp. 1110- 1111). 23 G. CAITI-RUSSO, Les troubadours et la cour des Malaspina, Montpellier, Université Paul-Valéry, 2005, p. 290. 24 NEGRI, Le liriche…, op. cit., p. 72. 25 Dans le sirventés Li fol e li put e il filol, Aimeric de Peguilhan critique les « joglaret novel, enoios e mal parlan » qui font le siège de la cour des Malaspina ; il précise ironiquement : « non o dic contra·N Sordel, q’el non es d’aital semblan » (W.-P. SHEPARD-F.-M. CHAMBERS, The Poems of Aimeric de Peguilhan, Evanston (Illinois), Northwestern University Press, 1950, nº XXXII, vv. 11-12). On peut également consulter BONI, Sordello…, op. cit., pp. XII- XLVII ; FOLENA, « Tradizione e cultura trobadorica », p. 499 ; et particulièrement G. GOUIRAN, « S’aisi son tuit freich cum el l’autre lombart, non son bon ad amor ou la mauvaise réputation de Sordel », in Trobadors a la Peninsula ibérica. Homenatge al Dr. Martí de Riquer, ed. V. Beltrán, M. Simó i E. Roig, Barcelona, Publicacións de l’Abadía de Montserrat, 2006, pp. 171-194 ; et Idem, « Sur quelques troubadours qui franchirent les Alpes du temps de la croisade contre les Albigeois », in I trovatori nel Veneto e a Venezia. Atti del Convegno Inter- nazionale (Venezia, 28-31 ottobre 2004), a cura di G. Lachin, Roma-Padova, ed. Antenore, 2008, pp. 97-133. 26 MENEGHETTI, Il pubblico…, op. cit., p. 204. 27 Sur ce point, voir BONI, Sordello, op. cit., pp. XXXIV-XXXV, et RIQUER, Los trovadores…, op. cit., III, pp. 1454-1455. 28 Sur la figure de Cunizza, voir le travail intéressant de V.-L. PUCCETTI, Fuga in Paradiso. Storia intertestuale da Romano, Ravenna, Longo éd., 2010 (à propos de Sordel, pp. 9-54, d’Uc de Saint-Circ, pp. 55-106) ; voir également LIBORIO, Storie di dame…, op. cit., p. 213 ; F. COLETTI, « Romano, Cunizza da », Enciclopedia dantesca, en red http://www.treccani.it/enciclopedia/cunizza-da-romano_(Enciclopedia- Dantesca)/ (date de consultation : 17/05/2015). 29 Sur ce point, voir MENEGHETTI, « Uc de Saint-Circ… », art. cit. 30 AD nagneseta (D naineseta), E na conia, IK na cusina; seuls DcGNQ transmettent Cuniza. Voir sur cette question problématique, HARVEY-PATERSON, The Troubadour Tensos…, op. cit., pp. 654-655; BONI, Sordello, op. cit., pp. 92-

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93 ; NEGRI, Le liriche, op. cit., pp. 68-69 ; PUCETTI, Fuga in Paradiso, op. cit., p. 56 ; et LARGHI, « Guilhem de la Tor… », art. cit., p. 278. 31 De Lollis comprenait que « i mss più antichi danno il nome di una persona i cui rapporti non offrono nulla di speciale, e i posteriori danno invece il nome di altra che fu notoriamente in relazione col poeta stesso, è lecito concludere che il nome della seconda fu sostituito a quello della prima » (Vita e Poesie…, op. cit., p. 275). Folena, pour sa part, justifie ce choix par des arguments semblables (« Tradizione e cultura trobadorica… », art. cit., p. 506). 32 NEGRI, Le liriche…, op. cit., p. 69. 33 Pour plus de détails, voir S. GUIDA, « Sordel », Dizionario biografico…, op. cit., pp. 495-498. 34 S. GUIDA, « Le biografie provenzali di Sordello », Cultura Neolatina, LX (2), 2000, pp. 89-123, où l’on peut examiner les différences entre les deux rédactions. Voir aussi BOUTIÈRE-SCHULTZ, Biographies…, op. cit., p. 566. 35 Il est difficile d’expliquer pourquoi Uc de Saint-Circ a composé deux vidas différentes de la même personne. Voir diverses hypothèses dans GUIDA, « Le biographie provenzali… », art. cit., pp. 121-122, et dans Puccetti, Fuga in Paradiso…, op. cit., pp. 23-25. 36 GUIDA, « Sordel », art. cit., p. 497. Boni recueille dans son édition cinquante-deux textes. 37 Dans Vedes, Picandon, soo maravilhado, qui suit la combinaison métrique de la cansó de Sordel Lai a·n Peire Guillem man ses bistenza (P. CANETTIERI- C. PULSONI, « Per uno studio storico-geografico e tipologio dell’imitazione metrica nella lirica galego-portoghese », in D. BILLY, P. CANETTIERI, C. PULSONI et A. ROSSELL, La lirica galego-portoghese. Saggi di metrica e musica comparata, Roma, Carocci, pp. 113-165 et 150-154 ; et S. MARCENARO, « Pellegrinaggi di testi ? Due nuove ipotesi sui “contrafacta” galego-portoghesi di testi occitani », in In marsupiis peregrinorum. Circulación de textos e imágenes en la Edad Media, a c. di E. Corral, Firenze, Sismel, ed. del Galuzzo, 2010, pp. 465-478 ; pp. 474-475, et 501). Sur l’interprétation de la mention de Sordel dans cette tençon, voir E. GONÇALVES, « … Soo maravilhado / eu d’En Sordel », Cultura Neolatina, LX (3-4) (2000), pp. 371-384. 38 BONI, Sordello…, op. cit., p. CLXXXIII. Nous renvoyons au travail récent de M.L. MENEGHETTI, « Sordello perchè… Il nodo attanziale di Purgatorio VI (e VII-VII) », in Dai pochi ai molti. Studi in onore di Roberto Antonelli, a cura di P. Canettieri e A. Punzi, Roma, Viella, 2014, t. II, pp. 1091-1102, où se trouve une abondante bibliographie sur le sujet. 39 A 183 r ; D 148 r ; Dc 259 r ; E 224 r ; G 95 r ; I 157 v ; K 143 v ; N 291 v ; Q 47 r. En outre, dans x 118 est reproduite la première strophe. Voir BONI, Sordello…, op. cit., p. 84 et NEGRI, Le liriche…, op. cit., p. 37. 40 Sur la structure complexe et les étapes successives de configuration de ce manuscrit, voir D’A. S. AVALLE et E. CASAMASSIMA, Il canzoniere provenzale estense, riprodotto per il centenario della nascita di Giulio Bertoni, Modena, 1979-1982. Sur le chansonnier provençal E, voir S. ASPERTI, Carlo I d’Angiò e i trovatori. Componenti “provenzali” e angioine nella tradizione manoscritta della

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lirica trobadorica, Ravenna, Longo, 1995, pp. 97-120. Pour une vision d’ensemble de la configuration des manuscrits occitans, l’étude classique de D’A. S. AVALLE, I manoscritti della letteratura in lingua d’oc, nuova ed. a cura di L. Leonardi, Torino, Einaudi, 1993, est toujours d’une grande utilité. 41 En ce qui concerne les divergences dans la lecture de la fin de la composition, nous renvoyons aux éditions de Boni et de Negri qui expliquent et justifient en détail l’édition qu’ils proposent, en particulier pour la référence à Cunizza du v. 68. 42 BONI, Sordello…, op. cit., pp. CXLV et ss.; A. SOLIMENA, « Appunti sulle metrica di Sordello : fra tradizione ed innovazione », Cultura Neolatina, LX (3-4), 2000, p. 209; et NEGRI, Le liriche…, op. cit., p. 21. 43 Pour les données des séries rythmiques, voir P.-G. BELTRAMI et S. VATTERONI, Rimario Trobadorico provenzale, Pisa, Pacini ed., 1994, I, pp. 84-88, pp. 73-76, pp. 101-102, pp. 26-30, pp. 96-99, respectivement. 44 I. FRANK, Répertoire métrique de la poésie des troubadours, Paris, Librairie Honoré Champion, 1966, vol. I, p. 26. Boni qualifie la combinaison de “schema raro” (Sordello…, op. cit., p. CXLVII). 45 A. JEANROY et J.-J. SALVERDA DE GRAVE, Poésies d’Uc de Saint-Circ, Toulouse, Imprimerie et Librairie Édouard Privat, Paris, 1913 (réimpr. Johnson Reprint Corporation, London-New York, 1971), nº VIII, pp. 40-45. 46 Référence extraite de HARVEY-PATERSON, The Troubadour Tensos…, op. cit., p. 654. 47 Solimena, dans son étude sur la métrique de Sordel, signale qu’on a identifié six mélodies de contrafacta de Sordel, dans le même temps que l’on reconnaît l’existence de divers unica dans son corpus (« Appunti sulle metrica… », art. cit., p. 211). 48 Sur l’origine et le mécénat de la famille Da Romano, voir D. GERONAZZO, Gli Ezzelini : da signoria locale a potere regionale. Vicende di una famiglia nell’Italia Medievale, San Zenone de gli Ezzelini, 2006, https://sac4.halleysac.it/c026077/SITO_VILLA/immagini/TORRE/ezzelini.pdf (date de consultation : 12/02/2014) et, surtout FOLENA, « Tradizione e cultura trobadorica … », art. cit. 49 G. CAITI-RUSSO, qui étudie en détail la cour des Malaspina, n’inscrit pas le partimen dans ce cercle, alors qu’elle le fait pour la Treva : Les troubadours et la cour …, op. cit., et « La corte malaspiniana e i suoi cantori : dal mito dantesco alla storia di uno spazio “cortese” », en Pier delle Vigne in catene da Borgo San Donnino alla Medievale. Itinerario alla ricerca dell’identità storica, economica e culturale di un territorio, Atti del convegno itinerante (maggio 2005-maggio 2006), a cura di G. Tonelli, Sarzana, 2006, pp. 65-80). 50 ASPERTI, Carlo I d’Angiò…, op. cit., p. 102. 51 NEGRI, Le liriche…, op. cit., p. 15 ; MENEGHETTI, Il pubblico…, op. cit., p. 159. La variation chronologique dépendrait de la datation du rapt : Boni le situe en 1226 (Sordello…, op. cit., pp. 84-93). 52 HARVEY-PATERSON, The Troubadour Tensos…, op. cit., p. 655.

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53 Sur la séquence sémique de matar dans un autre domaine poétique, voir E. CORRAL DÍAZ, « Pero sei que me quer matar… aquel matador : a conceptuali- zación de matar no Cancioneiro da Ajuda », Actas do Congreso Intern. « O Cancioneiro da Ajuda cen anos despois », ed. M. Brea, Santiago de Compostela, Consellería de Cultura, 2004, pp. 225-239. 54 E. VALLET constate trois « situazioni-tipo » dans les tornadas des genres dialogués : a) « escambio finale de batture e commenti ironici » ; b) « A turno, i protagonisti riassumono in un epilogo sentenzioso l’opinione difesa nel corso del componimento » ; c) « Viene eletto il jutge del conten » (A Narbona. Studio sulle tornadas trobadoriche, Alessandria, ed. dell’Orso, 2011, pp. 155-156). 55 BONI, Sordello, op. cit., p. 90 ; et, en particulier, W.-H.-W. FIELD, « Le roman d’Andrieu de Fransa: État présent d’un problème avec une hypothèse basée sur un fragment dans le chansonnier N (première partie) », Revue des Langues Modernes, LXXXII (1-2), 1976, pp. 3-26. 56 M.-N. TOURY note à ce propos que « dès ses premières manifestations littéraires en effet, l’amour “inventé” par les troubadours, a été lié à la mort » (Mort et Fin’amor dans la poésie d’oc et d’oïl aux XIIe et XIIIe siècles, Paris, Honoré Champion, 2001, p. 7). Il existe une vaste bibliographie sur le sujet : voir, outre l’étude citée, D. ALEXANDRE-BIDON, La mort au Moyen Âge (XIIIe-XVIe siècle), Paris, Hachette, 1998 ; L. MARTÍNEZ-FALERO, « De la muerte por amor al amor por la muerte : la representación de la muerte en la poesía medieval europea », Revista de Literatura Medieval, XXIV, 2012, pp. 173-192. 57 V. BERTOLUCCI PIZZORUSSO, « La mort de la dame dans les genres lyriques autres que le planh », in 6e Congrès International de l’A.I.E.O (12-19 sept 1999). Le rayonnement de la civilisation occitane à l’aube d’un nouveau millénaire, éd. G. Kremnitz et alii, Wien, ed. Praesens, 2001, pp. 327-333 ; p. 327 et p. 331. 58 MENEGHETTI, Il pubblico…, op. cit., p. 269, n. 59 E. KÖHLER signalait ce partimen pour sa particularité dans « la menzione della morte, quando è seria e non iperbolica » (« Il servizio d’amore nel partimen », in Sociologia della fin’amor. Saggi trobadorici, trad. de M. Mancini, Padova, Liviana ed, 1976, p. 104). 60 Nous suivons ici le texte de NOTO, « Ricezione… », art. cit., p. 1122. 61 MENEGHETTI, Il pubblico…, op. cit., p. 159. 62 PUCCETTI, Fuga in paradiso…, op. cit., p. 55. 63 Voir R. ANTONELLI, « La morte di Beatrice e la struttura della storia », in Atti del convegno Beatrice (1290-1990 nella memoria europea (Napoli, 10-14 dicembre 1990), Firenze, ed. Cadmo, 1994, pp. 34-46. 64 BERTOLUCCI, « La mort de la dame… », art. cit., p. 332.