LE CHATEAU DE MÉNARS un des joyaux du Val de Loire

JIEAN CHAVlIGNY

LE

CHATEAU DE M ÉNAIS

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LIBRAIRIE DES CHAMPS-ELYSÉES CET OUVRAGE A ÉTÉ ACHEVÉ D'IMPRIMER LE 10 MAI 1954 SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE DE SCEAUX POUR LA TYPOGRAPHIE. LES ILLUSTRATIONS ONT ÉTÉ EXÉCUTÉES EN HÉLIOGRAVURE PAR LA S. A. P. H. O. L'ÉDITION ORIGINALE A ÉTÉ NUMÉROTÉE DE 1 A 500.

Copyright by LIBRAIRIE DES CIIAMPS-ÉI.YSÉES, 1954. Tous droits de traduction, reproduction, adaptation et représentation réservés pour tous pays, y compris l'U. Il. S. S. Dépôt légal 2e trimestre 1954, No 277, A celui qui m'apprit à mieux aimer Ménars, à Vami sûr, dévoué, sincère, à MAURICE ANJARD, je dédie cet ouvrage.

TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE PREMIER JOLI DOMAINE EN BEAU ROYAUME Pages- I. — Le château de messire Charron 13 II. -— Le président de Ménars, Jean-Jacques Charron 20 III. — L'asile du roi errant, Stanislas Leckzinski 30 CHAPITRE II LE ClIATEAU DE LA FAVORITE I. — Madame de Pompadour 37 II. — Le marquis de Marigny 47 CHAPITRE III LES TEMPS DIFFICILES Autour de la tragédie révolutionnaire 67 CHAPITRE IV APRES LA FAVORITE, L'AIGLONNE I. — Une fille de Napoléon : Emilie Pellapra 71 II. — Belle-fille de Mme Tallien et princesse de Chimay 76 III. — Le Prytanée du prince de Chimay 79 IV. — Les dernières années de la princesse de Chimay 89 CHAPITRE V DERNIERS REFLETS D'UNE SPLENDEUR I. — Le roman d'une autre princesse : Valentine Biheseo ...... 93 II. — Fin d'un siècle. Début de l'autre 99 III. — Jusqu'à nos jours, et derniers propos ...... 101 ANNEXES Pages I. — Notes (références et compléments) 105 II. — Généalogie de la famille Charron (branche de Ménars) 108 III. — Généalogie de la famille Caraman-Chimay 109 JV. — Illustrations ...... 113

NOTES POUR LE LECTEUR Les armes figurant sur la couverture sont celles de Guillaume Charron. Elles repro- duisent le cartouche en couleur qui figurait en haut et à gauche de la Planimétrie de Gabriel Soudry (1671). Les chiffres entre parenthèses renvoient aux notes de l'Annexe 1. Les indications telles que (grav. n°...) renvoient aux illustrations de l'annexe IV. ' AVANT-PROPOS

Lorsque le voyageur va d'Orléans à par la route du nord de la Loire, huit kilomètres avant , il traverse la petite localité de Ménars, et s'il n'est pas averti, il risque de ne pas apercevoir, à gauche, au fond d'une large allée de marronniers, un des joyaux du Val de Loire. Peu de touristes le connaissent. Il n'a pas la majesté de Chant- bord, le pittoresque de , la richesse de . Il est d'ap- parence sévère. Les hommes ont dépouillé ses appartements de trop de souvenirs. Il est caché dans la verdure, mais ses jardins et son parc sont parmi les plus beaux, et, de sa terrasse, il domine la Loire. Le château de Ménars est là, dans sa fière solitude, à deux pas de la grand-route. Il eut des origines bourgeoises et modestes. Mais des hôtes célèbres l'habitèrent, l'agrandirent, l'ornèrent, en firent tour à tour leur demeure élégante et discrète ou leur séjour fastueux et recherché. Un président à mortier : Jean-Jacques Charron ; un roi détrôné : Sta- nislas Leckzinski ; une favorite : la marquise de Pompadour ; une fille de Napoléon qui fut aussi la belle-fille de ilT6 Tallien : Emilie Pellapra, « l'Aiglonne », princesse de Chimay ; une autre princesse : Valentine Bibesco... Tels furent les principaux et les heureux châtelains de Ménars. Chacun l'avait orné de chefs-d' œuvre, chacun y a laissé la marque de son goût ou de sa fantaisie. C'est son histoire que nous allons conter.

CHAPITRE PREMIER

JOLI DOMAINE EN BEAU ROYAUME

1

LE CHATEAU DE MESSIRE CHARRON

A cet endroit, jadis (voilà quatre fois cent ans), s'étendait déjà une modeste seigneurie, dont le savant auteur des mémoires manuscrits sur les châteaux du Blésois, André Félibien, nous parle dans sa notice relative à Ménars, écrite en 1681. Par lui, nous apprenons qu'en l'an 1506, alors que Louis XII régnait (plus à Blois, sa ville natale, qu'en la capitale du royaume), Jean de Taillemant, à cause de sa femme Perrette de 'Taillard, faisait hommage du lieu, terre, justice et seigneurie de Ménars au comte de Blois; qu'ensuite messire Jean Du Thier, secrétaire d'Etat et seigneur de Beauregard, près Blois, en fit également hommage le 14 novembre 1547, ainsi que sa veuve Marguerite Pelletan, en novem- bre 1560. Un nouveau seigneur de Ménars nous est signalé par l'historien Dupré : Simon Testu, lequel nous avons pu retrouver comme « receveur des tailles et aides)) en 1555, et receveur général des finances, à Tours, « sieur de Ménars », en 1576, ainsi que sa femme, Rose Maillard, comme marraine d'une cloche de l'église Saint-Sauveur de Blois, le 24 octobre 1578. A cette époque, Ménars semble n'avoir été qu'une simple maison de campagne pour petit bourgeois enrichi venant y passer les meilleurs jours de l'été. Plus tard encore (1608), cette cc seigneurie » passe entre les mains d'un certain Hercules de Bedoux, valet de chambre du roi et « capitaine garde-clefs de la ville de Blois », charge qu'il conserva jus- qu'en 1602. Marié à dame Françoise Barentin, ce cc noble homme » en avait eu quatre enfants, que nous avons tous retrouvés baptisés à Blois : Scipion, à Saint-Solenne, le 22 juillet 1580, Hercules, à Saint-Honoré, le 29 septembre 1582, Guillaume, à Saint-Honoré, le 27 juin 1584, Anne, à Saint-Honoré, le 20 janvier 1586. Hercules de Bedoux mourut le 11 mai 1624 et fut inhumé en l'église des Pères Cordeliers de Blois. Il laissait Ménars à sa veuve, laquelle demanda et obtint de l'évêque de Chartres l'érection du hameau de Ménars en paroisse. Une église dédiée à saint Jean-Baptiste existait déjà en ce lieu, mais dépendait au spirituel de la paroisse de Cour-sur-Loire. Naturellement, les habitants et le curé de ce village voisin s'op- posèrent à l'exécution du projet, mais leurs réclamations demeurèrent vaines; et l'évêque de Chartres, voulant garder tous égards envers la cc dame de Ménars ». donna son consentement par ordonnance du 25 août 1629. L'église paroissiale de Ménars paraît en effet dater de la fin du XVIe siècle (grav. n° 49) . A n'en pas douter, une maison seigneuriale devait s'élever depuis longtemps en ce lieu, peut-être même à l'emplacement du château actuel ; et Bernier lui-même, l'historien de Blois, l'affirme, quoique semblant contredit par Félibien. Françoise Barentin devait bientôt aller rejoindre son époux en cette église des Cordeliers, détruite durant la Révolution, où l'on voyait encore à cette époque leur tombeau que le Révérend Père Nicolas Lovanneau décrit ainsi dans son Mémoire des principales sépultures cc confiées à son gardianat » (début du XVIIIe siècle) : « En l'année 1624, le 12e de may, a esté enterré Hercules de Bedoux, seigneur de Ménars, devant V autel du Saint Nom de Jésus, où il y a une tombe sur laquelle sont couchées et gravées et l' épitaphe en suit : « Cy-gist Hercules de Bedoux, escuyer sieur de Ménars, natif de Boulongue-la-Grasse (Boulogne-la-Grasse, Oise) en son vivant valet de chambre ordinaire du Roy et l' un de ses cent gentilshommes qui décéda le Il may 1624. Priez Dieu pour son âme, et demoiselle Françoise Barentin, son épouse, laquelle décéda le 16 octobre 1636. Priez Dieu pour leurs âmes. « Et leurs armes qui sont trois estoilles, une fleur de lys et un casque de teste. » Le 16 octobre 1636 donc, dame Françoise Barentin étant passée de vie à trépas, ses neveux et héritiers vendirent la seigneurie de Ménars par acte passé devant Prudhomme, notaire à Blois, le 8 septembre 1637, et non 1633 comme le voulurent jusqu'ici tous les auteurs qui s'occu- pèrent de la terre de Ménars. Nous avons, en effet, retrouvé cet acte notarié, dans lequel il est dit que, le 8 septembre 1637, François Barentin, sieur de la Sansonnière, demeurant à Blois (il était marié à Anne de Lestang et était marchand rue Saint-Honoré), Anthoine Barentin, marchand bourgeois d'Orléans et Elysabeth Clément, sa femme, neveux et nièce de défunte Françoise Barentin, veuve du sieur de Bédoux, vendent à messire Guillaume Char- ron, escuyer contrôleur provincial des guerres en Picardie, les « lieux, fiefs, terres et seigneurie de Ménars et Montcourtois, près Blois, droit de justice, four banal, moulin à vent, etc..., pour la somme de 17.500 livres » (1). Messire Guillaume Charron, étant alors absent, avait donné procu- ration à son frère Jacques Charron (échevin de Blois, en décembre de la même année), qui signa l'acte passé en « la maison dudit sieur Jac- ques Charron, à Saint-Dyé-sur-Loire, en présence de René Daniel, Jac- ques Goussaud et René Malibas... » Mais qu'était donc ce Guillaume Charron ? Tout simplement un enfant des bords de Loire, où ce nom patro- nymique est assez répandu. Né à Saint-Dyé-sur-Loire, l'an 1603, Guillaume Charron était fils de « honorable homme » Jacques Charron, marchand de vins audit lieu, et de dame Mathurine Moreau, et petit-fils de Guillaume Charron « chevaulcheur ordinaire des escuryes du Roy », c'est-à-dire maître de la poste aux chevaux à Montlivault, près Saint-Dyé. Nous avons minutieusement étudié la curieuse histoire de cette famille Charron, qui s'éleva rapidement par des emplois lucratifs, et parvint aux honneurs en même temps qu'à la richesse, et nous pouvons affirmer que tous ses membres furent des plus heureux dans leur avance- ment simultané. Mais le « chroniqueur malveillant » cité et combattu par Dupré, ne se trompait pas outre mesure en les disant issus de « tonneliers et cour- tiers en vins » (2). Des deux oncles de Guillaume Charron, fils de Guillaume « escuyer d'escurye », tenant la poste de Montlivault, le premier, Guillaume, était « commissaire de l'artillerye de », et le second, Jean, contrôleur des guerres en Picardie. Et, tout naturellement, notre Guillaume, fils de Jacques, marchand à Saint-Dyé, devint « commissaire des guerres, con- trôleur provincial en Picardie », et, plus tard, « trésorier général de l'ar- tillerie et de l'extraordinaire des guerres, cavalerie légère » (3). Nous ne voudrions pas médire des ci-devant commissaires et contrôleurs des guerres royaux, mais chacun sait que ces officiers étaient chargés de la conduite, police et discipline des troupes, et qu'ils avaient le détail des hôpitaux, du pain et de la viande. N'est-ce pas tout dire que rappeler le mot de Napoléon qui, parlant d'Arnoult, le poète tragique venu à l'armée pour être commissaire des guerres, le trouva « trop hon- nête pour cet emploi de fripon » (4) ? Faisons la part des choses et n'insistons pas, mais ajoutons cepen- dant que maître Guillaume Charron n'avait que trente-quatre ans d'âge lorsqu'il acquit la terre et seigneurie de Ménars, le 8 septem- bre 1637... N'y séjournant que peu, presque toujours retenu en Picardie où les troupes royales avaient alors fort à faire, ou bien à Paris où il rési- dait d'ordinaire en « l'Isle Notre-Dame », maître Guillaume Charron, malgré tout, fit construire en sa terre de Ménars un château dans le goût du jour; cela vers l'an 1645, si l'on en croit Félibien, dont le manus- crit, conservé au château de Cheverny, porte la date de 1681 : « Il y a environ trente-cinq ans que maître Guillaume Charron fist bastir le château, qui consistoit seulement en un corps de logis et deux pavillons. » Or, le château de Guillaume Charron nous apparaît tout entier, du côté de la Loire, dans le bâtiment central flanqué d'un pavillon à chaque extrémité, abstraction faite naturellement des deux ailes moins élevées qui prolongent cette façade et qui ne furent construites qu'à la fin du siècle suivant. Un dessin à la plume et au lavis (grav. n° 5) donnant une vue du château de Ménars à cette époque, renfermé dans le manuscrit de Féli- bien, nous offre exactement la silhouette que nous venons de restituer (5) , 49 - L'église de Ménars. Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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