J.A. 1000 LAUSANNE 1 AGS Fr.s. : 1.-. - FF: 3,70. • ••• No 12 — Jeudi 16 janvier 1986 ©heures raid funèbre

16 morts depuis 1979 . AFP . Keyslone

L'homme du - passionné de vol et une dune dans le désert Dakar est mort. Thierry d'aventure qui se trouvait malien. Malgré la cons­ Sabine a disparu mardi aux commandes de l'ap­ ternation provoquée par soir dans un accident pareil, Nathaly Odent, l'accident, la course con­ g> d'hélicoptère avec ses reporter au «Journal du tinue. Le principal colla­ quatre compagnons de Dimanche», et un techni­ borateur de Thierry Au bout voyage: Daniel Bala­ cien de Radio-Luxem­ Sabine, Patrick Verdoy, voine, qui chantait si bien bourg. l'a annoncé hier soir: «Partir avant les miens», Pris dans une tempête «Nous irons jusqu'à du désert François-Xavier de sable, l'hélicoptère a Dakar.» VEC le raid Paris-Dakar, Thierry Bagnoud, jeune Valaisan volé en éclats en heurtant Sabine avait créé un véritable évé­ (D®m A nement. Jongleur habile, beau par­ leur, il avait monté de toute pièce cet espèce de grand cirque ambulant en jouant à fond sur l'ambiguïté des mots et le choc des images. La grande presse, la télévi­ Curchod/dr sion, avides de sensations faciles au point de les provoquer parfois, lui ont emboîté le pas. Parlant à tort de «rallye», associant le Conseil d'Etat Paris-Dakar au sport automobile — pour la plus grande fierté de quelques-uns — là où il conviendrait plutôt de voir quelque chose à mi-chemin entre la psychothérapie de Candidat groupe et le mysticisme à bon marché. Sabine, oui, le marchand de sable, c'était le chevalier blanc veillant sur ses cinq cents vert apôtres du haut de son nuage mécanique. Barbe blonde, regard bleu sans horizon, la Alternative socialiste verte, mouvement regrou­ voix douce, toujours, pour bien leur rappe­ pant membres et sympa­ ler qu'ils étaient là pour en baver, et que ce thisants du PSO et d'Alter­ serait tellement meilleur après. L'homme, native démocratique, a dé­ aussi fort qu'il soit, a toujours éprouvé la cidé de présenter un candi­ faiblesse de croire en quelque chose ou en dat, l'écrivain Gaston quelqu'un. Sabine l'avait bien compris, Cherpillod (notre photo), à ainsi que tout le profit qu'il pouvait en tirer. l'élection du Con- J0—^ Rien de bien nouveau, en somme. Mais seil d'Etat vaudois voilà: Sabine est mort, victime de ce désert qu'il s'acharnait à défier par concurrents interposés. Ironie du sort, il s'en est allé François-Xavier Bagnoud. Luy/dr avec une vedette du show-business, une A votre service journaliste et un spécialiste des transmis­ sions: les trois ingrédients qui ont fait du Météo p. 4, Horoscope Dakar ce monstre disproportionné qu'il est p. 8, Feuilleton p. 31, Avis devenu. mortuaires p. 32-33, Aujourd'hui, les apôtres pleurent. Dans le Erreurs médicales Echecs p. 36, En piste désert, pourtant, on y meurt chaque jour p. 38, Elle p. 52, Annon­ sans que cela mobilise habituellement l'at­ ces exprès p. 56-60, Mé­ tention des foules... mento lausannois p. 63, à Temps présent: Cinémas lausannois Mario Luini p. 65. à suivre... E§1 021/20 3141 Jeudi 16 janvier 1986 ® heures POiltr DE MIRE Cinq morts sur le Paris-Dakar les L'homme qui a fait le Paris-Dakar, Thierry Sabine, le chanteur Dynamique Claudine Bélaz est res­ Daniel Balavoine, le ponsable de la rédac­ pilote valaisan Fran­ tion et de l'expédition Un goût de sable des «Feuillets», le çois-Xavier Bagnoud, la mensuel tiré à 1350 reporter du Journal du Dimanche, Nathaly Odent, exemplaires de l'Asso­ et un technicien de Radio-Luxembourg, Jean-Paul ••"":•,:';.,;.. y-\yyyyiy:y\::>r ciation Le Fur ont été tués mardi soir au Mali dans un vaudoise de gymnasti­ que féminine dont elle accident d'hélicoptère. La petite équipe suivait les assume depuis dix ans concurrents et se trouvait à environ 8 kilomètres de le Gourma-Rharous à l'est de Tombouctou. secrétariat technique. Car la gymnastique zv L'appareil, un Ecu­ occupe une grande reuil appartenant à l'or­ place dans la vie de ganisation de Thierry cette dynamique Sabine (TSO), volait à grand-maman. «Je ENDDE suis entrée au Lausan­ environ 20 mètres d'al­ ne-Sports pour me titude et à une vitesse dégourdir un peu! » ©heures relativement élevée. La Assidue aux répéti­ tions, elle devint nuit tombait et l'appa­ reil avait décollé depuis quelques minutes dans une tempête de sable rendant la visibilité pratiquement nulle. Bagnoud avait, semble-t-il, repéré un concur­ rent et tenté de le suivre. Le pilote ne se serait pas rendu compte que le terrain montait et l'hélicoptère percuta une dune. Le sable étouffa le patin et l'appareil vola en éclats. Les cinq occupants furent tués sur le coup. Thierry Sabine sur l'itinéraire du Paris-Dakar, le 8 janvier dernier. AFP/a

Un concurrent, Charles avion affrété spécialement. tième édition, le Dakar réu­ Claudine Bélaz Vêliez, a été témoin de l'acci­ L'adjoint au directeur du nissait 500 concurrents, soit dent : « J'ai vu les feux de Paris-Dakar, Roger Kalma- 1300 personnes. Thierry sous-monitrice de la position d'un hélicoptère pas­ novitz, affirmait hier que, Sabine avait dû faire face aux section. ser au-dessus de ma voiture. selon les vœux de Thierry protestations d'organisations Claudine est née à la Ensuite, j'ai entendu un Sabine lui-même, la course se critiquant les méfaits du pas­ forge de Cuarnens. grand bruit. Je me suis poursuivait. Hier soir, à sage du rallye dans certains arrêté. J'ai vu les débris de Bamako, Patrick Verdoy des pays les plus pauvres du Elle fut secrétaire- l'appareil et les cinq corps confirmait cette décision : monde. Devant l'escalade des comptable de la Socié­ disloqués. » « Nous irons jusqu'à Dakar moyens mis en œuvre par les té des auto-transports Selon le service de presse pour lui montrer que nous grosses écuries, Thierry. du pied du de TSO à Paris, les corps ont sommes dignes de lui. Si des Sabine avait choisi de durcir Jura vaudois à L'Isle. été dirigés sur Bamako où les concurrents veulent aban­ son rallye pour redonner la Devenue Lausannoise familles des défunts sont donner, ils abandonneront. » priorité au pilotage et à par son mariage, elle Cette année, pour sa hui­ l'aventure. — <@ arrivées ce matin par un a quatre enfants et deux petits-enfants qui lui permettent de mettre en valeur d'au­ tres de ses nombreuses Les passions de Sabine qualités: le tricot et la couture. Le cheval avait été la première passion de ce fils Sabine bénéficiait du soutien d'une antiquaire et d'un stomatologue, né le 13 juin 1949 inconditionnel de ses « disci­ • • • ples », les concurrents, vedet­ à Boulogne-sur-Seine (banlieue parisienne). A l'âge de tes du spectacle, pilotes de 14 ans, il est sélectionné en équipe de France de saut renom, garagistes ou bien Tournesol d'obstacles, avant d'entamer des études de marketing. encore, les plus nombreux, Etape de liaison A l'enseigne du tourne­ cadres nostalgiques désireux Etape chonométrée Egaré pendant quarante-huit sol, une nouvelle En 1975, Thierry Sabine de ressentir quelques frissons échoppe a fleuri à découvre le désert. Brutale­ heures, il subsiste dans le dé­ dans le désert. Il ne laissait ment, lors du raid Nice-Abid­ sert du Ténéré, sans eau ni personne indifférent. — (afp) L'accident s'est produit au Mali, à quelques kilomètres de Aigle. Depuis un mois, jan de Jean-Claude Bertrand. nourriture, avant d'être Gourma-Rharous. carpress Verena Audrey y retrouvé par l'organisateur. accueille les clients Créateur de l'Enduro du intéressés par l'alimen­ Touquet (1974), de la Croi­ François-Xavier Bagnoud tation naturelle: «Pas sière verte (1978), organisa­ diététique, le mot teur des 24 Heures motonau- diète a une consonance tiquës de Rouen (1984), du Raid motonautique Niamey- Bamako (1984), il confiait que sa mésaventure de 1975 avait Le virus de l'aventure été à l'origine de son amour pour l'Afrique. Un amour Il aurait eu 25 ans en coupable, selon ses détrac­ septembre prochain. teurs chaque année plus François-Xavier Bagnoud nombreux. Bon nombre de comptait déjà — malgré personnalités, de ministres, d'associations tel le Collectif son jeune âge — près de pa'dak (Paris-Alger-Dakar 2000 heures de vol à son pas d'accord). A tous ceux-là, actif et travaillait pour Sabine répondait : « Je ne Air Glaciers, l'entreprise suis pas la Banque mon­ de son père. diale. » Verena Audrey Grand, brun, barbu, sou­ Fils du pilote valaisan négative». riant, charmeur, Thierry C'est à la suite d'un Nathaly Odent. AFP Bruno Bagnoud et d'Albina de Boisrouvray, productrice concours de circons­ de films (« Fort Saganne »), tances que cette native François-Xavier partageait du Val-de-Travers a sa vie entre le Valais, la atterri dans le Cha- «Au détour d'une dune...» France et les Etats-Unis. Par blais. Mais sa mère, petite-fille du roi de Cet été, Bagnoud junior avait donné à un jeune lecteur de elle s'y plaît et trouve « AnonymeDm s ou célèbres, ser la gueule, comme disait l'étain bolivien Simon @ HEURES, Jan Dietrich, la chance de réaliser son premier ils savent tous ce qui les Dupont, ils avancent », écrit reportage. dr/my les gens sympathiques. Patino, il était cousin de la Employée de com­ attend au détour d'une Mourousi. famille princière de Monaco dune, l'obstacle fatal, De Thierry Sabine, fils très fin, dans le style de Fer- Dakar, pour lui, c'était un merce déformation, imprévu, ou la tempête de et avait gardé des liens assez Verena Audrey se pas­ d'un stomatologue et d'une étroits surtout avec Stépha­ nand Martignoni, c'était un rêve. François était très attiré sable... les vedettes le mère antiquaire, on sionne pour le domaine savent aussi. » Phrase dia­ nie et Albert. « Mais ça ne lui peu notre enfant à tous », par l'aventure, par le désert, apprend que « son père le était pas monté à la tête. affirme Guy Gaudry, chef raconte son instructeur Jean- de l'alimentation blement prémonitoire con­ met au volant dès l'âge de sacrée aux participants du C'était un garçon extrême­ mécanicien d'Air Glaciers. Jérôme Pouget. Il avait depuis longtemps. Paris-Dakar. On la trouve, 9 ans » et que Fangio et les ment simple, courtois et sym­ connu Thierry Sabine il y a Ainsi, ses clients trou­ au chapitre Thierry Sabine, autres champions automo­ pathique. Très réfléchi aussi L'attrait un an et ce dernier avait vent auprès d'elle des dans un livre tout récent bilistes de l'époque défilent et très travailleur, affirme insisté pour que François conseils avisés, sans qui brosse le rapide portrait à la maison. « Sans combat, Jean-Jérôme Pouget, pilote du désert l'accompagne. » que jamais elle ne de trente-cinq parmi les sans polémique, il lui man­ querait quelque chose », lit- d'hélicoptère et instructeur à Après trois ans à l'Univer­ Quelques heures après le s'impose. Selon elle, la « fonceurs » les plus caracté­ Sion. François a été mon pre­ drame, les proches de Fran­ façon de se nourrir ristiques de la France d'au­ on encore au sujet de sité du Michigan, François- Sabine, qui se confesse en mier élève. Il était très doué. Xavier est revenu en Suisse, çois-Xavier n'ont qu'un seul n'est pas tout, jourd'hui. Titre de l'ou­ C'est très dur, ce qui est mot à la bouche : consterna­ vrage : « Les vainqueurs ces termes : « De l'autosatis­ diplôme ôVingénieur en aéro­ c'est la recherche d'une faction ? Jamais ! Du plai­ arrivé. Mais je crois que, si on nautique en poche. Et a déci­ tion. Malgré ses nombreux vie plus harmonieuse 1985-1986 ». Auteurs : Yves fait ce métier par passion, on déplacements à l'étranger, le Mourousi et Marie-Laure sir ? Oui, mais un plaisir dé de mettre sa passion au qui importe. intime de voir des gens fati­ en accepte aussi les risques. service d'Air Glaciers. L'an­ jeune pilote avait laissé son Augry (Editions Atlas). Et François le savait. » Cela va de Pierre Cardin à gués dépasser leurs limites, née passée, le jeune pilote cœur en Valais. Où il avait Gilbert Trigano en passant craquer devant un paysage, Le virus de l'aviation s'est valaisan avait déjà participé choisi de vivre et de travail­ par Platini, et une situation. » emparé très tôt de François- au Raid Paris-Dakar : aux ler aux côtés de son père, par­ Serge July. « Quitte à se cas­ Xavier. « Tout jeune déjà, il commandes d'un avion, il tageant la même passion de la V.Ph. passait ses vacances parmi accompagnait alors un con­ montagne et de la liberté. — nous, à l'aérodrome. Pilote current valaisan. « Le Paris- dr-Sopnie Baud '•! .os amis Jeudi 16 janvier 1986 (ê heures M. a 68 Daniel Balavoine Chaque jour, ils sont des milliers à mou­ rir en douceur ou tragiquement, inco­ gnito. Sans trémolos ni témoignages choc sur petit écran ou papier journal. Avec juste la douleur de ta. famille en arrière-plan. Chanteur populaire au franc-parler courageux (« Je m'emporte pour ce qui m'importe », disait-il), habi­ tué des médias (on se souvient de son dialogue avec Mitterrand sur Antenne 2 en 1980), Daniel Balavoine est mort avec le désert en arrière-plan, rendu célèbre par ce Paris-Dakar controversé ; avec aussi ces multiples gros plans de tris­ tesse, de larmes et de révolte. Balavoine était devenu le membre très apprécié d'une immense famille... C'est pour cela que sa disparition, mardi soir au Mali dans un accident d'hélicop­ tère, touche aussi profondément. L'homme Balavoine (33 ans), sincère, franc, entier, séduisait plus encore sans doute que le chanteur. Il se disait « ven­ deur de larmes », mais ses chansons du cœur et ses actions humanitaires le mon­ traient avant tout amoureux de la vie. Pour beaucoup, il était « la vie elle- même ». Il laisse un fils de 18 mois, Jeremy, et une femme, Corinne, enceinte de leur second enfant. La vie est orpheline

MICHEL CASPARY hit-parades à la botte des marchands de sirop. l'idée du concept album, sans frontières entre Du charme, il en avait ; chanteur de charme le rock et la chanson, toujours très proche de ce était une appellation qui l'horripilait. On que le monde vivait. Les thèmes de ses chan­ Né le 5 février 1952 à Alençon dans l'Orne, l'avait vu sur la scène du Palais de Beaulieu en sons étaient larges, de l'amour à la torture Daniel Balavoine devait une f ière chandelle à février 1984. Non content de chanter « Je ne («Frappe avec ta tête », par exemple). De sa Johnny Rockfort. Ce chef d'une bande de suis pas un héros », il écartait gentiment tout ce voix aiguë, fragile, écorchée, il chantait les zonards lui a permis d'éclater véritablement que son statut de vedette entraînait normale­ Folles de la place de Mai comme sa passion aux yeux de l'Occident. Issu de l'imagination ment. Son refus de l'épate et des règles du pour son idole à lui, . de et Luc Plamondo, Johnny show-biz ne l'empêchait pas de soigner l'esthé­ Son avant-dernier album était une confir­ Rockfort était une des étoiles de « », tique de ses concerts et de ne jamais oublier mation magnifique de cette façon d'enrichir cet opéra rock franco-québécois qui mit en pour qui il chantait. Donc de respecter son son art par sa propre vie. « Loin des yeux de ébullition, au printemps 1979, le Palais des public : « Il faut savoir travailler son talent l'Occident », avait été conçu lors de sa partici­ Congrès de Paris. Rebelle et passionné, Bala­ pour que le public n'ait pas l'impression qu'on pation (comme copilote et navigateur) au voine était Johnny Rockfort. se fout de sa gueule. Réussir, c'est prendre Paris-Dakar. Raid qu'il fit en 1983 et en 1984. Pour cet ancien choriste très recherché, conscience de sa valeur sans être prétentieux. Un album plus « difficile » que les autres mais «Starmania» a été un formidable tremplin. On ne peut pas presser mille fois le même dont le succès prouvait l'attachement des gens • Son troisième et fameux album, « Le chan­ citron. » à Balavoine, à sa façon de laisser parler les teur », était pourtant sorti le même jour que la sentiments spontanément sans que le savoir- bande-son de «Starmania»: le 11 septembre faire commercial ne devienne oppressant : 1978. « La même année, j'ai eu quatre titres au Les sentiments « Ma démarche est d'avoir une ligne continue. Partir hit-parade, deux tirés de l'opéra rock et deux Au départ, mes propos ont surpris, irrité. Pour de cet album. » Alors que son second disque, d'abord le chanteur de hit-parade, il y avait là un pourtant « matraqué » par Europe 1 en 1977, ne décalage trop grand. Par la suite, je suis devenu s'était vendu qu'à cinq mille exemplaires, c'est Balavoine a connu les joies du « tube » : outre moins louche, on m'écoutait mieux. » avant les miens par centaines de milliers que se chiffraient les « Le chanteur », « Mon fils, m'a bataille », « Lips- Balavoine avait eu très tôt le goût de l'aven­ Petite foule danse ventes des albums suivants. Une courbe en tick », ou encore le dernier, « L'Aziza », qui ture. Sa présence sur le Paris-Dakar n'était ni Autour d'un corps s'endormant constante progression. raconte l'histoire d'une petite immigrée de la un coup de pub ni un acte d'inconscience. Douceur immense Balavoine n'avait rien d'un petit prince des seconde génération. Il développait cependant Simplement l'occasion de trouver de nouveaux Pour le départ d'un parent horizons, de se découvrir un peu plus, de ren­ Calmement contrer d'autres gens, d'autres façons de vivre Peint aux couleurs de l'artifice (ou de survivre). Il avait peut-être, lui aussi, un Des bleus lisses et roses et blancs peu de « ciel bleu dans son passeport ». Et lentement Il avait surtout beaucoup de générosité. Il Visages tendres sur l'herbe glissent était l'un des chanteurs français ayant partici­ Se sourient en chuchotant pé à la chanson et au concert pour l'Ethiopie ; il Et sans le moindre tourment était cette année sur le Paris-Dakar comme Ils fêtent mon enterrement observateur pour étudier le projet d'installa­ tion de pompes hydrauliques dans les pays du Cendres folles et s'envolent Sahel. C'était le Paris-Dakar du cœur, lancé en Sous les yeux pâles et contents collaboration avec des communes, des institu­ Et s'unissent aux lucioles tions ou des entreprises françaises, dans le Pour vivre un dernier instant cadre de l'opération « Band Aid à l'école », Et à jamais volet scolaire de l'action menée par le chan­ Restent en suspens teur irlandais . Et j'ai souvent souhaité Partir avant les miens Pour ne pas hériter Chanteur De leur flamme qui s'éteint Et m'en aller et citoyen En gardant le sentiment Qu'ils vivront éternellement A l'intérieur d'aucun parti même s'il avait la Et simplement sensibilité plutôt à gauche, Balavoine avait un Qu'ils fassent que la nuit soit claire sens de l'engagement personnel. Quand il Comme aux feux de la Saint-Jean disait à Mitterrand que la jeunesse se désespère Que leurs yeux soient grands ouverts et ne croit plus à la politique, que le mensonge, Pour fêter mon enterrement la peur et l'immobilisme sont source de mille maux, ce n'était pas par forfanterie ; mais Père et mère sœurs et frères l'obligation de lâcher ce qui lui rongeait l'es­ Je vous aime puissamment prit, de dire crûment sa haine de l'injustice et N'adresser aucune prière de la traîtrise. Où que j'aille je vous attends La poussière « Ce n'est pas parce qu'on est chanteur qu'on est moins citoyen qu'un autre, nous disait-il en Vit hors du temps février 84. C'est mon droit le plus strict de dire Il faut rester à la lumière ce que je pense. Je suis un mec relativement Dansez buvez en me berçant normal sauf que je suis connu. On me demande Que je vous aime en m'endormant donc souvent mon avis. Je le donne. Le plus important est d'être en accord avec ce que l'on Extrait de son album, « Loin des yeux de dit et prétend être. Plus on aspire à se ressem­ l'Occident» (1983). Une chanson écrite bler et à correspondre à ce que l'on prétend par Daniel Balavoine, enregistrée avec et être, plus on est fort. C'est cela la vraie réus­ chez Patrick Moraz (Editions Rougeagè- site. » vre/Barclay-Morris). Voilà pourquoi cet homme bon et rare est toujours allé jusqu'au bout de ses désirs, de ses passions, de sa vie. Muriset/a. M.C.