L N° 16 - Septembre-Décembre 2014 o s Rocaires Page de couverture Pigeonnier du XVIIe siècle construit sur l’enceinte médiévale de Montblanc (photo Frédéric Mazeran) Sommaire Ci-contre Les goûts du jardin sur le marché des connaissances (photo Guilhem Beugnon)  PAGE 4 ARTS PLASTIQUES

Arbres extraordinaires La rencontre, guidée par une plasticienne, entre de la campagne pouzollaise une classe de la ville de Béziers et quelques Éditorial arbres remarquables d’une commune rurale. J’ai soigneusement conservé dans mon grenier  quelques exemplaires des cahiers d’écoliers de PAGE 8 PÉDAGOGIE mes parents, scolarisés dans l’Hérault au début des années 30. Je les ressors de leur carton de temps en temps pour les comparer avec les Marché des connaissances Lieux d’échanges de savoirs, les marchés des miens et ceux de mes enfants. Les dictées, rem- connaissances mettent en avant le langage des plies de délicieux pièges orthographiques, y pour un partage des savoirs talents personnels décrit par Jacques Lévine. décrivent une rurale, une vie simple dans un cadre verdoyant et agréable. Les travaux des  PAGE 12 chasse et la pêche offrent des loisirs reposants, RESSOURCES danschamps, une certesnature fatigants,inépuisable. sont Les magnifiés, paysages, le et cli la- mat et les modes de vie évoquent davantage l’Au- Enquêtes d’agriculture La mallette Enquêtes d’agriculture fait de la vergne que les plaines d’ ou de Marseillan ferme est un espace privilégié d’éducation aux mais cela ne gène personne ! pour une pédagogie active Aucune notion de protection de la nature, questions alimentaires et environnementales. d’écologie, de développement durable. Les rivières sont propres et poissonneuses, les  PAGE 14 produits chimiques inexistants, les ressources JARDIN SECRET sont abondantes, aucun déchet ne vient polluer l’environnement. Quelques leçons de sciences font état d’animaux nuisibles, jamais d’animaux Poma amoris De la jaune Kentucky à la Chinoise velue, protégés ! Dans la leçon de lecture, à la lettre p, la tomate à la loupe voyage au pays de la biodiversité dans le jardin la petite pipe de papa n’incommode personne. pédagogique de l’Abelanier. En mathématiques, quelques robinets fuient, et s’il faut calculer le temps nécessaire pour rem-  PAGE 19 plir une baignoire (qui en avait dans la région à NATURE cette époque ?) personne ne semble s’inquiéter de la gestion d’une ressource pourtant problé- matique ici à certains moments de l’année. Le Hibou moyen-duc Hôte élégant et discret des zones boisées, le Hibou moyen-duc demeure un oiseau mal pas présentes, je constate seulement qu’aucune dossier spécial connu qui bénéficie d’une protection nationale. traceJe n’affirme n’en apparaît pas que dans les les inquiétudes cahiers, que n’étaient ce soit ceux de mes parents, les miens ou même ceux  de mes enfants. PAGE 21 ARCHITECTURE Par contre les élèves scolarisés en ce moment sont très sensibilisés à ces notions : à l’école Pigeonniers de l’Hérault Le département de l’Hérault offre une grande renouvelables, à la gestion des déchets, à la variété de pigeonniers peu étudiés jusqu’ici et protectionmes petits-enfants de la nature, ont au réfléchi respect auxde l’environ énergies- dossier spécial parfois menacés de destruction. LOS ROCAIRES nement et ils sont toujours prêts à me critiquer Bulletin de liaison du Centre de Ressources Développement durable de si j’ai le malheur de laisser tourner le moteur de N° 16 - Septembre-Décembre 2014 ma voiture quelques secondes de trop. « Tu dé- truis la planète ! ». Espérons qu’ils appliqueront 1, chemin du Château - 34320 Vailhan - 04 67 24 80 11 ce qu’ils ont appris lorsqu’ils seront adultes… [email protected] - www.crpe-vailhan.org Pour les enfants de notre région, le centre Responsable de la publication : Guilhem Beugnon. Equipe de rédaction : Micheline Blavier, de ressources de Vailhan et son bulletin Los Marion Cattiaux, Véronique Delattre, Jean Fouët, Pascale Théron, Patricia Tisserand-Campana. Rocaires apportent une aide précieuse aux Conseil scientifique : Ghislain Bagan (archéologie), Jérôme Ivorra (SVT), Philippe Martin maîtres qui initient leurs élèves à la beauté de (écologie), Vivienne Miguet (archives), Sylvain Olivier (histoire). Conception maquette et la nature et au respect de l’environnement. Que PAO : Steen, Guilhem Beugnon. Crédit photo : Guilhem Beugnon, Micheline Blavier, Yvon les responsables en soient remerciés. Comte, Frédéric Mazeran, Annie Meharg, Alexandre Nicolas, Patricia Tisserand-Campana, Serge Sotos Alain Albano Ancien inspecteur de l’Education nationale Poma amoris fructu rubro Circonscription de Béziers Nord (Besler Basilius, Hortus Eystettensis, gravure sur cuivre,1613) ARTS PLASTIQUES Dans les années 80, j’ai vécu en Ecosse pendant six mois. Un jour, je Cadre en carton, carnet de croquis et enveloppe en main, les voisins qui avait une recherche à élèves de Béziers partent en exploration dans la campagne de . Objectif : s’imprégner des mefaire suis sur occupée les arbres. de laIl fillepleuvait de mes et paysages, croquer des arbres pour fabriquer ensuite dans l’atelier d’Annie Meharg un arbre unique, un nous avons marché pendant des arbre extraordinaire, fait d’objets de récupération, de bouchons, de fil de fer et de pinces à linge. kilomètres sur les sentiers boueux des collines à la recherche d’une espèce précise dont elle avait la photographie. Elle ne m’avait pas montré ce cliché car elle était cen- sée trouver l’arbre elle-même. Finalement, je demandai à voir l’image : c’était un chêne et nous étions passés devant des centaines de chênes. « Mais pas celui-ci ! », Nos arbres s’exclama-t-elle. Quand je lui dis que tous les arbres d’une même espèce étaient dif- férents les uns des autres, tout extraordinaires comme les humains, elle fut très étonnée. « Tu veux dire que CHAQUE arbre est DIFFÉRENT ? », me demanda-t-elle, abasourdie.

Des milliers d’arbres solitaires Au festival de poésie de Lodève, cette année, le poète et cinéaste persan Abbas Kiarostami raconta une aventure ordinaire qui lui était arrivée quand, enfant, il se trouvait dans un bus avec sa grand-mère. La vieille femme pointa son doigt vers la fenêtre pour désigner quelque chose à l’extérieur. Il voyait bien de Béziers débarque dans la cam- ils recherchent et dessinent les cet arbre solitaire, penché au som- pagne pouzollaise pour y regarder arbres particuliers dont je leur ai met de la colline, mais il ne com- les arbres. donné la photographie, notent les prenait pas où elle voulait en venir. Une première marche conduit les couleurs, prennent des empreintes Et elle ne dit rien. L’image lui resta élèves sous le préau de l’école de d’écorce, récoltent fruits, feuilles et longtemps à l’esprit. Pouzolles, là où deux ans plus tôt brindilles... C’est une vraie chasse Bien des années plus tard, alors les 101 écoliers du village ont réa- aux trésors ! lisé une monumentale mosaïque En haut de la colline, avant la pause tomba sur un haïku qui le ramena peinte représentant les sept pechs pique-nique, ils dessinent un mor- qu’ilbrusquement tournait à un cette film époque au Japon, et ilà de la commune et leurs habitants. ceau de paysage, celui qui appa- cet arbre. Son nouveau recueil de En couleurs vives s’y côtoient raît dans leur cadre en carton, en poèmes en français s’appelle Des l’Ephippigère des Vignes et le San- prenant soin de représenter les milliers d’arbres solitaires, et de glier sauvage, la Mante religieuse et nombreux personnages fascinants la Buse variable, la Garance voya- routes, les cyprès du cimetière, Quand s’écrit l’arbre à voeux (photo Patricia Tisserand-Campana) geuse et l’Aphyllanthe de Mont- arbres :les amandiers les platanes de bord le de long vigne. des Car les arbres ont du caractère, pellier, la lavande et le coquelicot. L’heure est venue de découvrir danscela neses fait films aucun sont... doute. des arbres. Affectés Et puis des arbres et des arbustes mon atelier. par le sol, la météo, les animaux méditerranéens : l’Arbousier et le Sur le chemin du retour, les enfants Il y avait une fois un enfant qui sortait chaque jour, et les humains, chacun vit une vie Genévrier cade, l’Olivier et le Cy- découvrent une énorme branche Et au premier objet sur lequel se posaient ses regards, il devenait cet objet, différente. Chacun est modelé par près de Florence, le Pin parasol et arrachée à un arbre par la force du Et cet objet devenait une part de lui-même pour tout le jour ou une partie du jour, ses expériences, son vécu et, pour le Chêne vert. vent et la ramènent devant l’atelier. Ou pour nombre d’années ou d’immenses cycles d’années. qui sait le regarder, il a beaucoup Provision faite de ces premières de choses à dire. Walt Whitman, Feuilles d’herbe, 1855 (traduction Léon Bazalcette) impressions colorées, les enfants Arbre qu’as-tu à nous dire ? La chasse aux trésors partent à l’ascension du Pech Mau- En bordure de Thongue, j’ai investi En avril 2014, une classe d’enfants ren, l’une des sept collines qui avec ma famille nombreuse une de CE1 de l’école Casimir Péret ceinturent Pouzolles. En chemin, ancienne maison vigneronne qui los rocaires n° 16 [4] [5] los rocaires n° 16 vibre aujourd’hui au rythme de « paysages rayés » et autres toiles empreintes de lumière languedo- cienne. Les enfants y découvrent une rangée d’arbres pointillistes sur la route de Margon, le tableau peint au couteau d’un arbre noueux qui s’élevait autrefois sur la route d’Alignan mais que le vent a brisé, la peinture à l’huile de l’arbre hor- loge dont l’ombre indique l’heure sur la rive poussiéreuse de la ri- vière. Au coeur de l’atelier, puisant dans une collection débordante d’objets de récupération - cartons, bou- de fer, papier alu, pinces à linge, chons,décorations couverts de enNoël, plastique, baguettes fil chinoises, pailles, rubans, bouts de tissu, coquillages... - chaque élève va pouvoir réaliser son arbre unique, son arbre extraordinaire, garni ou déplumé, élancé ou pleu- reur, lisse ou noué, un arbre à son image, à l’image de l’autre. Mais l’aventure ne s’arrête pas là. Au- tour d’un des platanes centenaires de l’esplanade du village, il s’agit maintenant d’imaginer à la craie la forme des racines. Les couleurs se mêlent bientôt dans un réseau de cordes enchevêtrées et l’arbre prend des ailes. l’arbre aux voeux. Sur une feuille Etapede papier finale, crépon, étape chaque libératrice enfant : écrit ou dessine un voeu que l’on accroche ensuite dans une branche d’arbre. Les voeux se soulèvent au et s’envolent. Seront-ils exaucés ? ventCérémonieusement, d’autan, flottent dansl’arbre les airsest emmené dans le bus et les enfants agitent leurs bras au moment de regagner la ville. En 2000, j’ai mené une recherche sur les jeux des enfants de divers pays dans le cadre d’un Projet du Millénaire. A cette occasion, j’ai l’objet le plus apprécié des enfants faitdans cette le découvertemonde entier intéressante : est… un simple bâton. Avec de l’imagina- tion, ce bâton peut devenir n’im- porte quoi. Annie Meharg 4, avenue Carnot, 34480 Pouzolles [email protected] anniemeharg.wordpress.com Traduction Daniel Meharg los rocaires n° 16 [6] los rocaires n° 16 PÉDAGOGIE L’aire de pique-nique en bordure le fruit d’un travail de préparation de la rivière Peyne a pris des allures minutieux. de marché en cette matinée du Les objectifs mois de mai où les feuilles volent Le langage  Travailler effectivement les apprentis Personne ne sait tout, mais tout le monde sait quelque chose. C’est là le principe de au vent. Chaque classe s’affaire à des talents personnels* sages, qu’ils soient scolaires ou non. Qu’il soit de classe, d’école, ou in- base du marché des connaissances au cours duquel chacun est à son tour « vendeur » et « acheteur » mettre en place ses étals, partant  - à la recherche de cailloux pour ter-écoles, à thème ou généraliste, Partager, consolider et valoriser son de connaissances. Un lieu où le rapport des élèves au savoir évolue, où se mêlent les notions de plaisir savoir personnel. maintenir en place la « marchan- à la journée ou à la demi-journée,  et d’apprentissage, où l’on prend conscience de son savoir et de celui des autres, quel que soit son âge. dise » soigneusement préparée à le marché des connaissances se S’organiser pour transmettre son l’école pendant les semaines qui prépare plusieurs semaines à savoir de façon efficace (organiser son l’avance. Partant du principe stand, mettre en place une explication, appelleront bientôt les chalands : que les savoirs ne s’acquièrent réfléchir sur la façon dont on va trans mettre le savoir). ontde la précédé. graine auDes légume, affiches auxiliaires colorées pas seulement à l’école, on pour un partage des savoirs et nuisibles, les légumes oubliés, peut inviter chaque enfant à  Valoriser les savoirs acquis en dehors - le calendrier du jardinier, l’occitan faire l’inventaire des connais- de l’école, au même titre que les savoirs au jardin, les sept différences... Pas sances qu’il souhaite partager acquis à l’école. de doute, c’est bien de jardin qu’il ou acquérir, sans se limiter  Placer l’enfant dans une position d’éva s’agit, des multiples facettes du jar- aux savoirs scolaires : fabri- luation du travail de l’autre (sur quoi je din, sur ce marché où l’argent n’est quer une boîte en papier, vais me baser pour évaluer ; à partir de - Le marché pas de mise. reconnaître un plumage, ré- quel moment je considère que le savoir 10 heures. Tout est en place. Chaque soudre une énigme, jongler, est acquis…). groupe de vendeurs/passeurs et peler une pomme de terre… d’acheteurs/receveurs (à chacun C’est là une belle occasion de valo- ments son vocabulaire) connaît son rôle. riser la culture de chacun. Dans et la saison, des connaissances Les premiers ont annoncé par un le cas d’un marché à thème inter- le marché peut être mis en place feu vert en carton que la voie est dans une école, un gymnase, une « Suspect » : un stand de l’école Les Oliviers de Béizers, mai 2014 (photo Guilhem Beugnon) libre pour qui veut visiter le stand contenu des stands, en prenant maison de quartier, une salle des et y puiser des connaissances. Les écoles,appui sur on réfléchirades visites, ensemble des expé au- fêtes, un parc… seconds hésitent encore, explorent riences menées en classe. Pour un Lors du bilan, les élèves se pen- l’espace, dégustent d’abord du re- premier marché, ou avec des en- cheront sur l’activité proposée : fants très jeunes, l’adulte peut faire S’est-elle bien déroulée ? Etait-elle feu passe au rouge. La consigne est des propositions parmi lesquelles adaptée au public ? A quoi étaient gardénoncée puis avec se fixent clarté sur et un gourman stand. Le- les élèves choisiront celles qui leur dus les échecs des clients ? En tant dise : reconstituer une chaîne ali- - que clients, qu’ont-ils appris ? Les mentaire, associer la photo au nom enseignants chevronnés utilisent du légume oublié, retrouver les conviennentil convient lede mieux. prévoir Afin environ d’assu volontiers un arbre de connais- sept différences entre les deux che- rerun standau marché pour unequatre bonne clients fluidité, soit sances pour visualiser les béné- - quatre stands par classe pour un gume les yeux fermés… Les clients marché associant quatre classes. feuilles recueillies sur les stands et nilles,s’activent, identifier hésitent, un demandentfruit ou un léde Des enseignants, des parents, d’an- ficesportant du marchéson nom : chacunet la compétence y colle les l’aide. Les vendeurs valideront ou ciens élèves peuvent aussi tenir acquise. A chaque feuille, un sou- non la réussite de l’activité propo- des étals. rire, à chaque sourire, un plaisir - Chaque élève ou groupe d’élèves partagé. tés de chacun. Une feuille de route responsable d’un stand doit pré- séefait foitout de en cette respectant évaluation. les L’adultedifficul parer son atelier en listant de Guilhem Beugnon n’intervient pas dans la gestion du manière exhaustive le matériel né- Centre de ressources de Vailhan stand ni dans la transmission des cessaire : les ustensiles, les outils guilhem.beugnon@ac-.fr connaissances et se contente de de questionnement et de réponse garantir le bon fonctionnement du * Pour reprendre une expression du psychologue marché. Gare à l’élève qui papillon- annonçant l’étal, un feu vert et un Jacques Lévine. nerait d’un stand à l’autre sans ja- enfeu quantitérouge... Onsuffisante, peut aussi une prévoiraffiche mais prendre le temps de se poser pour chaque élève un badge recto- Pour aller plus loin pour écouter les consignes et se verso de deux couleurs différentes Comment organiser un marché de connaissances ? lancer dans l’activité ! Placés en Citoyens de demain autogestion, les enfants réalisent première partie du marché. Ce dis- Chez Bruce Demaugé-Bost qu’ils sont capables de transmettre quepositif l’on permet retournera à chacun à la de fin repérer de la Fiche élève de préparation de stand du savoir sans l’aide des adultes et facilement qui a quel rôle. La veille Chez Bruce Demaugé-Bost parfois pour le plus grand désarroi du marché, le matériel est rangé Les arbres de connaissances de ces derniers… dans des boîtes individuelles sur AUTHIER Michel, LÉVY, Pierre, Les arbres de connais- sances, La Découverte-poche, Paris 1999, 192 p. 11 heures. Inversion des rôles. - DESCOTTES, Pierrick (dir.), Les arbres de connais- - méro du stand, et le nom du ou des sances dans et autour de l’école, Éd. ICEM-Pédagogie tente trop longues ni de stands lesquellesenfants responsables. figurent le nom et le nu Freinet, n° 49, Nantes 2005, 128 p. Nouvelles ruches. Pas de files d’at Selon le nombre de participants, et l’attention sur les stands sont la capacité d’accueil des établisse- désespérément vides. La fluidité los rocaires n° 16 [8] [9] los rocaires n° 16 La science par quatre chemins Il est presque 16 heures, ce 20 juin 2014. Le marché des connaissances de « La Science par 4 Chemins » vient de se termi- ner, point d’orgue de plusieurs mois de travail préparatoire. Les derniers élèves quittent l’Écolothèque, un large sourire aux lèvres, agitant la main en guise d’au revoir. C’est là, pour tous les organisateurs, la plus belle des récompenses. Au mois de septembre précédent, vingt classes ont été sélectionnées parmi les nombreuses candidatures reçues afin de participer à ce parcours pédagogique innovant. Chacune allait bénéficier d’une animation scientifique à l’Aquarium Mare Nostrum, au Planétarium Galilée, au Musée archéologique Lattara et à l’Écolothèque : quatre visites étalées dans le temps afin de permettre aux enseignants de préparer et d’exploiter au mieux ces temps forts. Cette découverte des différentes structures de l’agglomération de Montpellier s’est articulée en 2013-2014 autour du thème fédérateur des quatre éléments. À partir du mois de mars, les classes commencent à préparer les quatre ateliers qu’elles présenteront au marché des connais- sances de juin. Ces courtes animations scientifiques doivent avoir un lien avec le thème traité tout au long du parcours ; elles sont souvent le fruit de travaux d’approfondissement réalisés après les différentes visites. Un fichier commun circule entre les classes par courrier électronique afin d’éviter des doublons dans les ateliers présentés. Du côté de l’équipe d’organisation, la charge de travail est particulièrement importante durant les dernières semaines. On s’active pour planifier le transport des élèves vers l’Ecolothèque, répondre aux besoins spécifiques de logistique, réserver les tables et les bancs pour les ateliers, prévoir un goûter pour près de 500 participants, organiser les espaces d’accueil et de pique-nique… sans oublier de commander le beau temps. Le jour J, le plus grand challenge consiste à trouver un coin d’ombre pour installer les 40 tables et 80 bancs des ateliers. Puis, l’une après l’autre, les classes se pressent au portail de l’Écolothèque. Elles sont accueillies une à une et guidées par un membre de l’organisation. La ruche s’active, chacun s’installe et s’affaire à sa tâche. Une classe a oublié un de ses ateliers à l’école, une autre a finalement besoin d’un branchement électrique, la petite piscine apportée par une troisième est per- cée… Il faut régler en urgence les imprévus de dernière minute. Mais, par miracle, la manifestation débute à l’heure prévue. Durant le marché du matin, la moitié des enfants joue le rôle de « clients du savoir » tandis que les autres font office de « passeurs de connaissances ». Les ateliers sont variés, ludiques, surprenants. Petits et grands se prennent au jeu des expé- riences scientifiques, des recherches et des défis proposés. Les passeurs de savoirs sont valorisés par les connaissances qu’ils diffusent et les clients ne savent plus où donner de la tête. Le temps passe trop vite et c’est avec une petite frustration que chacun entend sonner l’heure du déjeuner qui clôture le premier marché. L’après-midi, les rôles sont inversés et les clients du matin se muent en passeurs avertis. Ici, on mène une expérience sur les propriétés de l’air, là on apprend à identifier les petites bêtes du sol, ailleurs on construit un hydroglisseur ou on lance des fusées à eau. Comme sur un marché traditionnel, on harangue, on expose, on démontre, on flâne, on rit, on s’étonne… 15h30. Après un goûter rafraichissant, il est l’heure de replier les stands, de se remercier et de se saluer. Des liens se sont tissés entre les élèves, les enseignants et les organisateurs. Ils appellent à de futures collaborations, de nouveaux partages.

Alexandre Nicolas Centre de ressources de l’Ecolothèque [email protected]

los rocaires n° 16 [10] los rocaires n° 16 RESSOURCES Un métier à facettes sances. En rendant les participants La mallette pédagogique Enquêtes acteurs de la visite à la ferme et en d’agriculture est ainsi née d’une stimulant leur esprit critique, il Cinq thématiques volonté de faire de la ferme un  Les 1001 casquettes de l’agriculteur La ferme est un espace privilégié d’éducation aux questions alimentaires support d’investigation pour les comportements alimentaires Découvrir les métiers et savoir-faire en et environnementales, un lieu de réflexion et d’exercice du sens critique. Afin qu’elle devienne un véri- élèves au-delà des seules visites et s’agitet au decontenu les faire de réfléchir leur assiette. à leurs agriculture table support d’investigation pour les élèves, le réseau régional CIVAM a conçu Enquêtes d’agriculture, en complément des supports péda- Il s’agit également de les sen-  Bien produire pour bien manger une mallette librement téléchargeable qui foisonne de propositions d’activités pédagogiques. gogiques existants. Elle comprend sibiliser au type d’agriculture Comprendre les bienfaits d’une alimen un panel de 45 activités de courte qui est à l’origine des produits tation diversifiée durée (de 30 minutes à 1 heure) que nous consommons, et aux pratiques les plus favorables à  Découvrir la ferme avec ses 5 sens - au maximum les approches. Les une alimentation savoureuse, Avoir une approche sensorielle de la pourcontenus permettre pédagogiques de sont diversifier struc- de qualité, respectueuse des ferme Enquêtes d’agriculture turés autour de 5 thématiques hommes et des ressources  Ca tourne rond à la ferme complémentaires qui éclairent au naturelles de nos territoires. Suivre le cycle de vie des produits, du mieux les différentes facettes de La mallette Enquêtes champ à l’assiette, au fil des saisons pour une pédagogie active l’agriculture et de l’alimentation d’agriculture présente un en tant qu’enjeux de société. Une caractère évolutif. Nous  La ferme dans son territoire Comprendre comment la ferme est liée attention particulière a été portée espérons que nombreux à l’ancrage des activités dans la seront les utilisateurs à à son environnement réalité des fermes du Languedoc- nous faire remonter leurs Cliquer ici pour accéder aux fichiers de la mallette Roussillon. L’ensemble des outils remarques, suggestions Enquêtes d’agriculture est téléchargeable gratuitement. les activités proposées soient Au-delà des idées reçues ouenrichies avis critiques de l’expérience afin que et démul- Convertis en véritables enquê- tipliées. teurs de terrain, les élèves seront Rébecca Brumelot amenés à dépasser certaines idées Animatrice Racines 34 reçues (les tomates poussent aussi [email protected] en hiver, le compost c’est sale, les www.civam-lr.fr chèvres ont toujours du lait…) pour * Centres d’Initiatives pour Valoriser l ’Agriculture et construire leurs propres connais- le Milieu Rural Ci-dessous : De la ferme du Mas Rolland à la ferme d’Auré

Rencontre avec le troupeau de la grange du Roussel (photo Guilhem Beugnon)

En Languedoc-Roussillon, le ré- cines » les plus proches du centre les choix de l’agriculteur ont-ils seau régional CIVAM* organise de- de ressources de Vailhan. un impact sur l’environnement, la puis plus de 15 ans des visites de C’est, à chaque visite, l’occasion santé et la qualité des produits que scolaires à la ferme. Nombreuses pour les agriculteurs, les ensei- sont les classes qui partent ainsi gnants et les animateurs d’éveiller on que les productions agricoles chaque année à la découverte de la curiosité du jeune public sur les nous consommons ? Pourquoi dit- la chèvrerie du Mas Rolland, sur métiers et le fonctionnement d’une ce qu’être agriculteur aujourd’hui ? la commune de Montesquieu, de ferme, tout en les amenant à s’in- sont le reflet d’un terroir ? Qu’est-- terroger sur l’agriculture et l’ali- de la ferme d’Auré, à , pour mentation locale. Les questions à Queoutils signifie manquaient manger parfois local, en pour cir lane grangeciter que du les Roussel, exploitations à Neffiès, « Ra ou- se poser sont nombreuses : En quoi cuits courts et de saison ?... Les los rocaires n° 16 [12] guider la réflexion de chacun. JARDIN SECRET

Une nouvelle fois cette année, les visiteurs du jardin de l’Abelanier ont manifesté un étonnement démonstratif en constatant la diversité des plants de tomates serpentant parmi les cannes du carabenat. De la jaune Kentucky à la Chinoise velue, voyage au pays de la biodiversité...

Solanum lycopersicum L. (Hans-Simon Holtzbecker, Gottorfer Codex, gouache sur papier vélin, 1649-1659) Tetranychus urticae de la terrible araignée rouge que nant dans la sélection des variétés, ou « Araignée » rouge est aussi nous avons pu ériger le podium de celui de la résistance aux maladies. appelé Tétranyque tisserand à cause des toiles qu’il forme sur les variétés à privilégier. Cette année, Ajouté aux premiers déjà énoncés, plantes (femelle, 0,4 mm) à cause sans doute d’un été plus et même priorisé, il nous mène au (photo Gilles San Martin) arrosé qu’à l’ordinaire, l’invasion choix suivant : de l’acarien fut tardive et laissait  Grosse de Gros, précoce, même espérer que nous échappe- très vigoureuse et résistante, pro- rions à la fastidieuse corvée des ductive la de gros fruits charnus qui pulvérisations de prêle. Comme manquent toutefois de qualités En effet, la chinoise velue porte Poma amoris nous l’avons largement commenté organoleptiques. bien son nom : ses feuilles d’un dans un précédent numéro des  la Carmello, très précoce, vigou- vert bleuté sont couvertes d’une Rocaires, nous nous refusons à reuse et résistante, productive de multitude de tout petits poils qui la tomate à la loupe l’utilisation d’insecticides systé- fruits de taille moyenne particuliè- donnent à leur toucher une nette miques et nocifs pour leur préférer rement adaptés aux « farcis ». sensation veloutée. Est-ce cette l’application réitérée de décoction  la Kentucky, tardive, vigou- pilosité qui lui confère son manque Les béotiens ont bien remar- et de les transplanter ensuite en de prêle. Tout récemment, un cher- reuse, résistante aux acariens, très d’attractivité pour l’araignée ? pleine terre en prenant soin de soi- - productive de très gros fruits char- Nous ne faisons que le supposer des tomates sur les étals du mar- mait le caractère acaricide de ce nus de couleur orange et quasi- quéché, uneavec classification une incidence catégorielle sensible d’étiquettes assurant leur traçabi- cheurvégétal en riche pharmacie en silice. nous Nos espoirs confir ment dépourvus de graines, d’une par bon nombre des usagers de sur le prix du kilo de la « pomme gneusementlité tout au long les de identifier leur croissance. à l’aide saveur particulièrement douce ap- maisl’Abelanier, nous pouvonscette variété affirmer fut cou que,- d’amour » et présupposé, souvent Dès le printemps, certaines es- premières feuilles ont commencé à préciée dans les salades. ronnée cette année reine de beauté à tort, que la cherté est déterminée pèces exposaient déjà de nettes sejaunir, sont prémices éteints fin d’une juillet attaque lorsque bru les-  la chinoise velue, tardive et vi- du potager ! par la saveur, mais rares sont ceux particularités au niveau de la crois- tale et qui devint rapidement fatale goureuse. Sa productivité peut être Jean Fouët qui associent à cette sélection des sance et de la vigueur. Apparus à pour les pieds les plus fragiles. Cela Jardinier acaricide différences manifestes entre les généra même une consternante dans la durée. Ses fruits, un peu ro- variétés des plantes mères. fruits permettaient une nouvelle désolation dans plusieurs potagers qualifiéesés, sont deagréables moyenne à mais consommer. s’inscrit Grâce à la bienveillance de l’INRA, la fin de mois de juin, les premiers- voisins. Il fallut donc reprendre Mais ce sont surtout sa haute résis- nous avons eu la satisfaction de cité, le calibre et la saveur. nos curatives pulvérisations… Cet tance et l’étrangeté de son feuillage voir pousser dix nouvelles espèces classificationMais ce fut sur portant l’autel sur de lala préco résis- évènement nous a conduits à rete- qui nous invitent à l’inscrire en au sein de notre serre-pouponnière tance aux attaques dévastatrices nir un nouveau critère détermi- bonne place dans notre palmarès. los rocaires n° 16 [14] [15] los rocaires n° 16 LES AVIS DU JARDINIER ET DE L’OENOLOGUE

Résis- Produc- Variétés Ø A l’oeil Au nez En bouche Conclusion tance tivité en cm sur 5 Améliorée de 4 3 5-8 Rouge 4, ronde régulière, légèrement 3 Acidité : 4/5 Texture charnue et Montlhéry aplatie. Coeur en étoile, couronne charnue Sucrosité : 2 ferme, équilibrée, assez large Tanin : 2/3 tomate de salade Black Plum 2 2 4-5 Rouge sale, sommet vert foncé, légère- 3 Acidité : 2 Assez fade, peu ment ovoïde. Graines en deux alvéoles, Sucrosité : 2 consistante, lon- couronne de chair très large Tanin : 2 gueur en bouche moyenne Améliorée de Montlhéry (Ø 7 cm) Carmello 4 4 7-10 Rouge 4, ronde régulière, ferme et de 2 Acidité : 4/5 Peau assez ferme, bonne tenue. 4 alvéoles, couronne de Sucrosité : 3 pointe fumée en fi- chair très épaisse en forme de croix du Tanin : 2 nal, bonne longueur Languedoc en bouche, valeur sûre en « farcis » Chinoise velue 5 3 6-8 Rouge rosé 4, ronde régulière, ferme et 2 Acidité : 3 Belle apparence, veloutée. Graines nombreuses, équilibre Sucrosité : 3 astringente, finale graines/chair Tanin : 3 chlorée Grosse de Gros 4 4 8-10 Rouge 4, côtelée, légèrement aplatie. 3 Acidité : 2/3 Intérêt organolep- Brillante à la coupe, chair et graines bien Sucrosité : 2/3 tique faible mais très réparties Tanin : 2/3 productive. Pour sauce tomate Kentucky 4 3 8-10 Jaune kaki, côtelée, sillons marqués, 2 Acidité : 2/3 Farineuse mais dense. Très charnue, graines rares Sucrosité : 2 goûtue, longueur en Black Plum (Ø 4 cm) Tanin : 2 bouche moyenne, décorative par sa couleur Laguna 4 3 3-4 Rouge 4, ronde régulière, ferme. Graines 2 Acidité : 3/4 Peau épaisse, ferme nombreuses en 2 alvéoles Sucrosité : 3 en bouche, tomate Tanin : 2 d’apéritif Marmande 3 4 7-8 Rouge 4, légèrement côtelée. Equilibre 3 Acidité : 4 Nez franc, belle graines/chair Sucrosité : 3 longueur en bouche Tanin : 2 portée par l’acidité, sensation de fraî- cheur, chair ferme, peau résistante Speckled Roman 1 2 6-7 Saumon veiné de vert, lisse, ovoïde. Coeur 2/3 Acidité : 4 Esthétique, cro- charnu, alvéoles périphériques, répartition Sucrosité : 2 quant, nez amo- Carmello (Ø 8 cm) chair/graines très marquée Tanin : 3 niaqué, chair fumée, très longue en bouche Voyage 1 1 5-6 Rouge vif 5, ferme et veloutée, très com- 3 Acidité : 5 Intérêt gustatif sur partimentée (agrégat de petites « sous-to- Sucrosité : 3 le plan de l’acidité mates »). Très peu de graines situées dans Tanin : 4 et de la persistance les alvéoles externes en bouche mais difficile à exploiter au niveau culi- naire en raison du compartimentage et de l’épaisseur de la peau

Chinoise velue (Ø 7 cm)

Grosse de Gros (Ø 9 cm) NATURE

Qui a eu la chance de rencontrer le Hibou moyen-duc (Asio otus) ne peut oublier l’élé- gance de son vol chaloupé et l’intensité de ses yeux orange. S’il est en France le plus commun des rapaces nocturnes, il est aussi le plus difficile à observer et bien que la connaissance de ses mœurs progresse, nous avons encore beaucoup à apprendre de cet oiseau discret.

Kentucky (Ø 9 cm) Le Hibou moyen-duc un silencieux aux grandes aigrettes

plus souvent les campagnols parfois elle choisira celui d’une Laguna (Ø 3,5 cm) qui passeront à la casserole. En buse, d’un épervier… ou d’un écu- hiver, toutefois, lorsque ceux-ci reuil. Dans le nid choisi, quatre à se font plus rares, le hibou ne six œufs blancs sont déposés. La dédaignera pas un passereau, femelle les couvera seule tandis moineau le plus souvent. Cette que le mâle la ravitaillera la nuit pendant près d’un mois. Les petits, elle à l’origine des variations im- sortis du nid à trois semaines, se portantes« campagnol de populationsdépendance » d’une est- hasarderont quelques jours dans année sur l’autre ? On le dit, la les branches aux alentours avant de voler. Pour signaler leur pré- sence à leurs parents dissimulés sens.fidélité relative aux sites de tout près ou partis en quête d’une Biennidification avant l’aube, allant le dansMoyen- ce proie pour les petits affamés, ils Marmande (Ø 7 cm) duc regagne sa cachette poussent des cris plaintifs, grin- contre le tronc ou au milieu des çants, incessants. Portant à bonne branches touffues d’un arbre, sou- distance (à plus d’un kilomètre par vent un conifère. Il y passe tout bonnes conditions), ces litanies le jour, somnolant, immobile et nocturnes en période de tous les droit comme un i. Inquiété, il dangers les signalent aussi à leurs s’étire et se raidit, son beau prédateurs, mustélidés* ou autres plumage roux argenté strié de rapaces, Autour des palombes et noir collé au corps et ses lon- Grand-duc d’Europe. gues aigrettes* dressées. Morceau Les adultes nourriront leurs petits d’écorce ou branche parmi les jusqu’à deux mois et demi, trois C’est seulement à la nuit tom- branches selon le lieu de repos mois. Ce n’est qu’à la mi-août que bante que le Hibou moyen-duc choisi, il est la parfaite illustration le site sera abandonné. part à la chasse, de son vol parfai- du mimétisme. Seuls indices de sa Speckled Roman (Ø 7 cm) tement silencieux, calme, souple et présence, le tas de pelotes de réjec- Rassemblements de sédentaires régulier. Quelques études ont per- tion* accumulées au pied de l’arbre ! Dans nos régions méridionales, le mis de mieux connaître son régime Hibou moyen-duc est sédentaire. alimentaire. Si celui-ci connaît Concerts à plusieurs voix L’hiver, il constitue, avec ses frères quelques variations régionales Dès février, le mâle répète son venus d’Europe du Nord, des dor- et/ou saisonnières, le Moyen-duc houe... houe... houe… bref, doux toirs qui peuvent rassembler plu- s’avère un gourmet peu enclin et grave. La femelle répond par sieurs dizaines d’individus, sou- aux changements : rongeurs, ron- vent aux lisières des bois, et parfois geurs et encore rongeurs. Et par- transcrire. Il lui propose plusieurs dans les grands parcs urbains où mi toutes les espèces de rongeurs desaires émissions ; sa préférence sonores ira le difficiles plus sou à- ils trouvent tout ce dont ils ont be- que compte notre pays, ce sont le vent à un ancien nid de corvidé, -

Voyage (Ø 6 cm) [19] soin : des haies et bosquetslos rocaires tran n° 16 quilles pour se poser et se reposer, Dossier spécial : des terrains dégagés, pelouses et chemins pour chasser, souvent des plans d’eau. pigeonniers de l’Hérault - tionale, le Hibou moyen-duc n’est S’ilpas bénéficieconsidéré d’une comme protection menacé naen Europe. En France, on ne connaît pas l’évolution de la population nicheuse et on ne sait pas, en parti- culier, si la transformation des pay- sages ruraux et des pratiques agri- coles a un quelconque impact sur l’espèce. Une chose est sûre, c’est - ponsable d’un nombre important surtoutde collisions le trafic et routierpeut être qui considé est res- ré comme le principal facteur de mortalité d’origine anthropique du Hibou moyen-duc. Micheline Blavier Vice-présidente de la LPO Hérault [email protected] Lexique aigrettes : faisceaux de plumes ornementales sur- montant la tête de certains oiseaux (Huppe fasciée, Hibou moyen-duc...). Les aigrettes des Hiboux ne sont pas toujours dressées ; celles du Hibou des marais sont à peine visibles. mustélidés : famille de mammifères carnivores, généralement nocturnes, de petite taille, bas sur pattes, avec un corps étroit et allongé : belette, blai- reau, fouine, furet, hermine, martre, putois… pelote de réjection : petite boule régurgitée conte- nant ce qui n’est pas digéré. Pour les rapaces noc- turnes, il s’agit des os, des poils et des plumes de leurs proies. Hibou moyen-duc juvénile dans le feuillage d’un très grand saule, à Saint-Thibéry (photo Micheline Blavier)

Pelotes de réjection et plumes de Hibou moyen-duc (photo BastienM)

los rocaires n° 16 [20] [21] los rocaires n° 16 PATRIMOINE Les pigeonniers ou colombiers1 de notre département sont le plus Du côté des agronomes latins souvent représentatifs de périodes possède une grande variété de pigeonniers pré- postmédiévales et datent pour « Si par hasard, dit alors Mérula à Axius, vous aviez monté un colombier, vous Le département de l’Hérault vous imagineriez que ces pigeons sont à vous, tout sauvages qu’ils sont ; car sents sur l’ensemble de son territoire, de la plaine littorale aux premiers contreforts du Massif Central. les plus anciens des XVIe et XVIIe un colombier a d’ordinaire des hôtes de deux espèces. Les pigeons sauvages Leur originalité est propre à chaque période de construction. Ces édifices faisant partie du petit patri- siècles. Les plus nombreux remon- e e d’abord, que d’autres appellent saxatiles, et qui habitent les tours et le faîte moine, ils ont été peu étudiés jusqu’ici et constituent un héritage fragile, menacé parfois de disparition. tent aux XVIII et XIX siècles. Leur étude2 souligne l’existence (columen) des métairies. Aussi est-ce du mot columen que leur est venu le nom de typologies qui seront mises de columbœ. En effet, leur timidité naturelle leur fait toujours rechercher les en avant dans le présent article. points les plus élevés des bâtiments. Cette espèce hante donc principalement Si notre examen met l’accent sur les tours ; c’est là qu’ils dirigent leur vol au retour des champs, et c’est de là l’ouest du département, nous n’ou- qu’ils revolent aux champs. La seconde espèce est plus sociable, et vient volon- blierons pas toutefois d’autres ter- tiers chercher sa nourriture sur le seuil des maisons. Son plumage est presque pigeonniers de l’Hérault ritoires pour des exemples de pi- toujours blanc, tandis que celui de la première est bigarré, mais sans aucun geonniers des plus remarquables. mélange de blanc. De l’union de ces deux espèces on en forme une troisième, de couleur mélangée. C’est principalement sur celle-là qu’on spécule. Elle vit en Du columbarium commun dans un local […] qui en contient quelquefois jusqu’à cinq mille. Un au pigeonnier colombier doit être construit en voûte et se terminer en forme de dôme, avec un héritage fragile une porte étroite et des fenêtres à la carthaginoise ou plus larges même, gar- Les plus anciens colombiers nies de treillis au-dedans et au dehors, de manière à laisser entrer le jour, tout connus semblent être ceux de Haute-Egypte et de Perse, mais il en fermant le passage aux serpents et autres animaux dangereux. Les parois faut rechercher dans l’œuvre de intérieures sont enduites de stuc, et la même application est faite autour des Varron, au Ier siècle av. J.-C., des in- fenêtres en dehors, afin que ni rat ni lézard ne puisse s’y introduire ; car rien dications précises sur l’élevage des n’est timide comme la colombe. On disposera pour chaque couple de pigeons pigeons et la construction des édi- des boulins de forme circulaire, distribués avec ordre et serrés les uns contre les autres, pour qu’il en tienne davantage, et de façon à remplir tout l’espace com- fouilles archéologiques sur notre pris entre le sol et la voûte. […] A chaque rang de boulins seront adaptées des tablettes de deux palmes de largeur, qui serviront de vestibule aux pigeons, et ficesterritoire destinés n’ont à cependant les accueillir. jamais Les livré la moindre trace de pigeon- sur lesquelles ils pourront se reposer avant d’entrer. […] Le gardien doit balayer nier antique. le colombier plusieurs fois par mois ; la fiente, qui le salirait en s’y amassant, est Sous l’Ancien Régime, le droit de pi- d’ailleurs d’une grande utilité pour la culture de la terre, au point que quelques auteurs la regardent comme le meilleur de tous les engrais. » par les conventions variait d’une Varron geonnierprovince àdéfini l’autre. par L’usage la coutume du Par ou- Economie rurale, livre III/7, Ier s. av. J.-C. lement de Toulouse distinguait les pigeonniers à pied (ou fuies), bâtis « Le colombier peut être placé au haut d’une tourelle dans le maître-logis. Les en forme de tour et possédant des murs en seront blancs et polis, percés, suivant l’usage, aux quatre côtés, de boulins (nichoirs) sur toute la hau- petites ouvertures pour ne laisser entrer et sortir que les pigeons. Leurs nids teur, des pigeonniers sur piliers ou occuperont l’intérieur. Les pigeons n’auront rien à craindre des fouines, si l’on sur solives dotés de boulins dans la jette parmi eux des branches d’arbrisseaux raboteuses et dégarnies de feuilles, partie supérieure seulement. Les ou une vieille bottine de genêt dont on chausse les animaux. Ce talisman les premiers étaient généralement ré- préserve de la mort, pourvu qu’il soit apporté mystérieusement par quelqu’un servés aux seigneurs, les seconds qui ne soit vu de personne. Ils n’abandonneront pas non plus leur asile, si vous aux autres propriétaires sous ré- suspendez à chaque issue un morceau de courroie, de lien ou de corde qui ait serve d’une certaine quantité de servi à étran- gler un homme. Ils y amèneront d’autres terres labourables pour nourrir pigeons, s’ils sont constamment nourris de cumin, parce qu’il n’est pas ou si on les frotte avec la sueur des aisselles d’un bouc. juste que les voisins nourrissent les Pour qu’ils multiplient, donnez-leur souvent de l’orge lespigeons pigeons, d’un « particulier qui n’au- grillée, des fèves ou de l’ers. Trois setiers de blé ou de roit pas de terres labourables […] graines par jour suffisent à trente pigeons libres, Pigeonnier du château de Libouriac, Béziers, XIXe siècle (photo Frédéric Mazeran) à cause du dommage que ces ani- pourvu qu’en hiver on leur donne de l’ers pour maux causent dans les terres nou- favori- ser les pontes. On suspendra en plu- Pigeonnier : bâtiment destiné à contenir des troupes de vellement semées3 sieurs endroits du colombier des pigeons, et à leur permettre de pondre et de couver leurs coutumes villageoises montre tou- bouquets de rue pour écarter les œufs à l’abri des intempéries. tefois une grande variété ». L’étude de dispo des- bêtes nuisibles. » sitions. En 1493, lorsque Tristan Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française Palladius Le Prévost entre en possession de e e e Economie rurale, livre I/24, V du XI au XVI siècle, vol. 3, B. Bance, Paris 1859, p. 482 s. ap. J.-C. des prétentions que l’université lades seigneurie habitants derefuse Neffiès, au nom il affiche de la Portrait de Varron coutume ancienne. Il demande no- los rocaires n° 16 [22] [23] los rocaires n° 16 tamment qu’il ne soit permis aux villageois de faire aucun colombier sans son autorisation. Un arbitrage rendu en 1508 déboutera le sei- gneur4. En Languedoc, les mentions mé- diévales de colombiers sont rares. Au XIVe siècle, le très riche arche- vêque de Narbonne, Pierre de la Ju- gie5, achète quatre columbaria au lieu-dit Ribatz sur la commune de Pieusse (Aude). Le prélat semblant affectionner la chasse au faucon, les pigeons étaient peut-être da- vantage destinés à nourrir ses oi- seaux de proie que ses convives. Si l’Hérault n’offre aucun colombier de cette époque, l’étude des noms de lieux témoigne pourtant de leur existence à l’époque carolingienne. Pigeonnier des jardins de l’Esplanade, Montpellier, 2003 (photo Frédéric Mazeran) Ainsi la villa Columbario (Colom- biers) est-elle mentionnée en 957 vient aussi gibier et peut être tiré moellons de schiste en Cévennes et la villa Columbaria (Colom- durant les périodes de moisson. ou dans les avants-monts. Aucun bières-sur-Orb) en 9786. La colombine, nom donné aux dé- pigeonnier en pans de bois n’existe Les pigeonniers étant souvent jections de l’animal, n’est pas d’un sur notre territoire d’étude. l’apanage de seigneurs qui lais- moindre intérêt. Riche en azote et Le pigeonnier traditionnel peut saient les oiseaux se nourrir des en acide phosphorique, elle consti- être isolé, intégré à des habitations semences, il convenait aux révolu- tuait selon Olivier de Serres « le de « campagne » (mas ou métai- tionnaires d’abolir ce privilège. Le premier et meilleur de tous les fu- ries) ou adossé à des bâtiments au décret du 4 août 1789 stipule dès miers, desquels l’on puisse faire es- cœur d’un bâti en milieu urbain. Le droit exclusif des tat7 Il se caractérise toujours comme fuies et colombiers est aboli ; les pi- risque sinon de brûler les cultures. l’élément dominant de ce bâti qui songeons article seront 2 :enfermés « aux époques On l’utilisait, » à condition mélangé de l’humidifier parfois à duau lui est périphérique. fixées par les communautés ; et crottin de cheval ou du fumier de Orienté le plus souvent côté sud durant ce temps, ils seront regar- vache, pour enrichir les terres ap- ou sud-est, il présente au dernier dés comme gibier, et chacun aura le pauvries par la culture du blé, du niveau de cette face une lucarne droit de les tuer sur son terrain ». Le chanvre ou du lin, les jardins pota- de circulation des pigeons abritée pigeonnier devient dès lors la par- gers et les vergers. Elle a pu servir des vents dominants et de la pluie. tie emblématique de l’habitat pay- par ailleurs à la production de sal- La taille des trous d’envol inter- pêtre pour la fabrication de poudre san qu’il ennoblit en quelque sorte. dit l’entrée aux plus gros oiseaux à canon. Si les colombiers sont aujourd’hui notamment aux rapaces qui pour- La fonction sociale du colombier, passés de mode, des pigeonniers raient s’attaquer aux oeufs ou aux municipaux ont fait leur apparition qu’il soit ou non l’apanage d’un sei- pigeonneaux. Ils pouvaient être dans les grandes villes dès 1990 gneur haut justicier, n’était pas non plus négligeable. Souvent massif et obturés par une grille ou un volet en bois actionné du sol grâce à une causés par les pigeons sur les im- surmonté d’une girouette, il signalait poulie. afinmeubles de et lutter les monuments contre les publics dégâts de loin le rang de son propriétaire. tout en contrôlant les naissances Le pigeonnier comporte un accès en retirant les œufs. Montpellier Pigeonniers traditionnels au rez-de-chaussée. Le premier a installé le sien en 2003 dans les Les pigeonniers « empruntent aux étage est supporté dans certains jardins de l’Esplanade. techniques locales les formes et cas par une voûte d’arête, dans les matériaux dont ils sont bâtis », d’autres par un simple plancher. Pigeon et colombine souligne Christian Lhuisset. Ceux On y accède par une échelle de L’utilisation première du pigeon du département de l’Hérault se meunier ou un escalier étroit. depuis l’Antiquité est alimentaire. présentent généralement sous la L’étage supérieur renferme les Sa forte capacité de reproduction forme d’une tour à deux, voire trois boulins - en fait une viande disponible toute niveaux d’élévation. De plan centré nagés en périphérie des murs pour l’année : un pigeonnier de deux (forme carrée), ils sont réalisés recevoir, orificesun couple ou casiersde pigeons. amé cents nids donne une cinquantaine en pierre locale, de taille ou moel- L’examen détaillé de nombreux de pigeonneaux par semaine. Avec lons : calcaire coquillier en zone pigeonniers révèle plusieurs dis- è le nouveau code rural de 1791, le de plaine, calcaire de pierre froide positifs de boulins. En plaine où les Pigeonnier type du XVII siècle pigeon, d’animal domestique de- dans le secteur des garrigues, tuileries sont largement présentes (pigeonnier en forme de tour, secteur ouest de l’Hérault) los rocaires n° 16 [24] Carte de localisation des pigeonniers mentionnés dans l’article Un peu de toponymie Tout comme les loups, les renards, les lapins ou les corbeaux, les pigeons ont laissé leur trace dans la toponymie. L’occi- tan colomb dérivé du latin columbus, « pigeon », a donné colombièr / colombièra, « pigeonnier », que l’on retrouve dans les noms de communes Colombiers (de villa Columbario en 957) et Colombières-sur-Orb (villa columbaria en 978) tout comme dans de nombreux autres toponymes : Saint Martin de Colombs, ancien hameau situé au confluent du Coulazou avec la Mosson (Fabrègues), Rieu Coulon, cours d’eau de la région montpelliéraine, Colombié, ferme agathoise, Colombier (, Laurens, Pézènes-les-Mines…), les Colom- biers (Marseillan, Mèze, …), les Colombières (), les Colombades (), les Colombarèdes (Brignac), le Colombel (Faugères, )… En pays gascon, le groupe -mb- se réduit à -m-, donnant ainsi Couloumé-Mondebat, dans le Gers. Toutes formes que l’on retrouve dans les noms de famille Colombier(s), Coulombier, Colomiès, Colomès, Colomési. Le français pigeonnier tend ensuite à remplacer l’occitan colombièr et désigne de multiples tènements à Fos, Nef- fiès, Roujan,

A droite : plan cadastral napoléonien de la commune de Neffiès, 1833 (Archives départementales de l’Hérault, 3 P 3609) A droite : pigeonnier du château de Colombiers, XVIIe siècle (photo Frédéric Mazeran)

XVIIe siècle 26. (porte de ville) XIXe siècle 1. Alignan-du-Vent 27. Lodève (tour d’enceinte) 47. Béziers (château de Libou- 2. Balaruc-le-Vieux (Frescaly) 28. Montblanc (enceinte médié- riac, Plateau des Poètes) 3. Béziers (Arnoye, Bachellery, vale) 48. Caux (rue Gambetta) Hortes, La Dulague) 29. Nézignan-l’Evêque (tour 49. Cazouls-d’Hérault 4. (hôtel Boyer de d’enceinte) 50. Lunas Sorgues) 30. Roujan (tour d’enceinte du 51. Murviel-lès-Béziers (rue 5. Caux (La Font des Ormes) prieuré de Cassan) Norbert Chiffre) 6. Cébazan (Saint-Bauléry) 31. Saint-Pons-de-Thomières 52. (La Miquelle) (échauguette) 7. Colombiers (château) XXe siècle 8. Hérépian (église Saint-Martial) Sur moulin 53. Béziers (rue du Dr Jean-Marie 9. La Tour-sur-Orb (maison du 32. Paulhan (Laures) Fabre) Viguier à Boussagues 33. 54. Montpellier (Esplanade) 10. (Pioch Lafon) 34. Saint-Pons-de-Mauchiens 55. Murviel-lès-Béziers 11. Lieuran-lès-Béziers (Ribaute) (Roquemengarde) 12. Lunas 35. Saint-Thibéry 13. (Perdiguier) XVIIIe siècle 14. (château) 36. Béziers (La Crouzette, La 15. Montpellier (Lavalette) Jague, Le Petit) 16. Montpeyroux (La Meillade) 37. Boujan-sur-Libron 17. Murviel-lès-Béziers (château, 38. Castanet-le-Haut (clocher) Bramefan, Les Carratiers, 39. (Mas Vert) Yvernès) 40. Margon (château) 18. Neffiès (Le Pigeonnier) 41. Montpellier (Mogère) 19. Nizas (place du Griffe) 42. Nizas (place du Griffe) 20. Pouzolles 43. Saint-Aunès (château) 21. Saint-Gervais-sur-Mare 44. Servian (mas d’Amilhon) 22. Saint-Thibéry (Nadailhan) 45. Valros (mas de Lizarot) 23. Viols-en-Laval (Calage) 46. Sur bâti fortifié 24. (porte de ville) Pigeonnier-porche du château de la Mogère 25. (tour d’enceinte) à Montpellier, XVIIIe siècle los rocaires n° 16 [26] [27] los rocaires n° 16 Le château de Perdiguier, à Maraus- ème san, possède un pigeonnier XVIIe XVII aménagé dans la tour Nord. Sur cette esquisse au crayon réalisée en 1823 par Jean-Marie Amelin apparaît à mi- hauteur la traditionnelle lucarne de circulation des pigeons ainsi qu’une seconde sur un édicule en toiture au- jourd’hui disparu et qui date du XIXe siècle. (Médiathèque centrale d’Agglomération Émile Zola, Vol 9_089)

Balaruc-le-Vieux, mas de Frescaly, XVIIe s. Béziers, mas de la Dulague, XVIIe s. Béziers, domaine d’Hortes, XVIIe s.

Béziers, mas d’Arnoye, XVIIe s. Béziers, mas de Bachellery, XVIIe s. Capestang, hôtel Boyer de Sorgues, XVIIe s.

Caux, domaine La Font des Ormes, XVIIe s. Cébazan, Saint-Bauléry, XVIIe s. Le Pouget, Pioch Lafon, XVIIe s. ème ème XVII XVIII

Murviel-lès-Béziers, Bramefan, XVIIe s. Béziers, mas de la Crouzette, XVIIIe s. Béziers, mas de la Jague, XVIIIe s. Béziers, domaine Le Petit, XVIIIe s.

Montpellier, domaine de Lavalette, XVIIe s. (dessin de Jean-Joseph Bonaventure Laurens, 1841) Murviel-lès-Béziers, métairie d’Yvernès, XVIIe s. Cournonsec, Mas Vert, XVIIIe s. Nizas, place du Griffe, XVIIIe s. Saint-Aunès, château, XVIIIe s. (Médiathèque centrale d’Agglomération Emile Zola, Montpellier, 984_RES_06)

Montpeyroux, La Meillade, XVIIe s. Neffiès, Le Pigeonnier, XVIIe s. Nizas, place du Griffe, XVIIe s. Servian, mas d’Amilhon, XVIIIe s. Valros, mas de Lizarot, XVIIIe s. Villeneuvette, XVIIIe s. aux XVIIe et XVIIIe siècles aux ème abords des villes, il était d’usage XIX de réaliser des casiers comprenant des briques en terre cuite formant portants dans lesquels venaient s’insérer des tuiles canal formant traverses. Le nichoir à pigeons était situé dans la partie concave de la tuile. En Biterrois, un tel dis- positif a pu être repéré à Margon, Montady, Nizas, Murviel-lès-Bé- ziers où la tour pigeonnier intégrée au château est datée de 1602. Il est à noter que ce dispositif de casiers

d’éviter toute maladie et contami- étaitnation régulièrementdes pigeons. chaulé afin En secteur de garrigues ou d’avants-monts, où la terre cuite e e Béziers, château de Libouriac, XIX s. Caux, rue Gambetta, XIX s. et les tuiles faisaient défaut, il était d’usage de ménager dans les murs

de la construction de la tour pi- desgeonnier. orifices Ce carréssystème de relativementboulins lors plus ancien, pouvant remonter au XVIe siècle, mais également pré- sent au XVIIe, a le mérite d’avoir été mieux conservé. Les plus beaux Pigeonnier du mas de Calage, à Viols-en-Laval (photo Yvon Comte, DRAC Languedoc-Roussillon) exemples se rencontrent au milieu des ruines du mas de Calage (Viols- en saillie d’une dizaine de centi- çade disparaissent dans la majori- en-Laval) et à proximité du hameau mètres ceinture extérieurement té des cas. L’effet de mise en scène de la Meillade (Montpeyroux). les pigeonniers. Horizontal ou for- du pigeonnier est accentué par le Un autre système de boulins, plus mant des ressauts, il pouvait être parti décoratif de toiture traité à rare car le plus souvent disparu, réalisé en terre cuite ou en lauzes fortes pentes avec tuiles vernissées concerne la mise en place de pote- calcaires ou de schiste engravées (tuiles à écailles, tuiles d’arêtier). ries scellées, en terre cuite simple dans les murs. Décoratif, il était Pour les pigeonniers les plus éla- ou vernissée. Généralement is- également fonctionnel puisque borés apparaissent des éléments sues de productions locales, elles servant de zone de repos et d’envol de pots vernissés en bas de pente étaient identiques à celles dont on des pigeons, stoppant l’ascension des tuiles d’arêtier, mais égale- se servait au quotidien. Ce type de des rongeurs et petits carnassiers ment d’épi sommital vernissé, épi e e Cazouls-d’Hérault, abords du village, XIX s. Murviel-lès-Béziers, XIX s. boulins a été majoritairement re- et rejetant loin du mur les gouttes couronné d’une girouette en fer- péré en zone de plaine mais a peut- de pluie. ronnerie. Dans la plaine biterroise, être existé sur l’ensemble du ter- certaines de ces constructions, au- un parti architectural de composi- ritoire héraultais. Les principaux dessus deLes la armoiriesporte, parfois figurant sous sur la tion de métairie peut être souligné. exemples repérés en Biterrois sont corniche, ont été pour la plupart Il comprend la maison de maître ceux des domaines de Bachellery victimes du marteau sous la Révo- dominée dans son axe central par (Béziers) et des Carratiers (Mur- lution. C’est le cas à Pouzolles. la tour pigeonnier. La métairie peut viel-lès-Béziers), de Au XVIIIe siècle, le pigeonnier s’organiser en U avec les retours et de Saint-Pons-de-Thomières. conserve sa forme typologique de d’ailes des communs ou de façon Un pigeonnier se caractérise aussi tour mais intégrée à un corps de plus élaborée autour d’une cour. par son traitement ornemental, bâtiments. Quelques cas cepen- Quelques cas de tours pigeonniers essentiellement présent en cou- dant existent de pigeonniers iso- isolées, positionnées à l’intérieur ronnement de toiture. Pour le XVIIe lés bâtis à l’intérieur de cours ou d’une cour, sont à signaler, par siècle, on retrouve traditionnelle- à proximité de châteaux. Le XVIIIe exemple au Mas de Nadaillan (Né- ment un traitement de couronne- siècle se distingue par un emploi zignan-l’Evêque) qui offre une tour ment des murets situés au-dessus de toiture à quatre versants dite cylindrique couronnée d’une ma- de la toiture consistant en la mise « en pavillon », typologie de toiture en place d’épis réalisés au mortier qui se maintient jusqu’au second de chaux, en maçonnerie ou, pour quart du XIXe siècle. La fonction gnifiquesortie des charpente pigeons ycouverte sont disposés d’une les plus luxueux, en pierre de taille. intérieure ne change pas. Il semble toitureen façade vernissée. de façon rayonnante. Les orifices de Un larmier (ou randière) placé que les larmiers débordants en fa- Murviel-lès-Béziers, rue Norbert Chiffre, XIXe s. Sauvian, domaine de la Miquelle, XIXe s. [33] los rocaires n° 16 Murviel-lès-Béziers, métairie d’Yvernès, XVIIe s. Balaruc-le-Vieux, mas de Frescaly, XVIIe s. Montblanc, enceinte médiévale, XVIIe s.

Béziers, mas de la Dulague, XVIIe s. La Tour-sur-Orb, Boussagues, XVIIe s. Boisseron, sur porte de ville, XVIIe s.

Typologie des lucarnes de circulation des pigeons Saint-Aunès, château, XVIIIe s. Maraussan, château de Perdiguier, XVIIe s. Capestang, hôtel Boyer de Sorgues, XVIIe s. Typologie des boulins

Lieuran-lès-Béziers, château de Ribaute, XVIIe s. Maureilhan, château, XVIIe s. Boujan-sur-Libron, XVIIIe s. Margon, château, XVIIIe s.

Nizas, place du Griffe, XVIIIe s. Béziers, château de Libouriac, XIXe s. Murviel-lès-Béziers, rue Norbert Chiffre, XIXe s. Nizas, place du Griffe, XVIIe s. Murviel-lès-Béziers, château, XVIIe s. Viols-en-Laval, mas de Calage, XVIIe s.

Béziers, rue du Dr Jean-Marie Fabre, début XXe s. Murviel-lès-Béziers, début XXe s. Murviel-lès-Béziers, début XXe s. Murviel-lès-Béziers, domaine Les Carratiers, XVIIe s. Saint-Pons-de-Thomières, échauguette, XVIIe s. A D Traitement ornemental

A. Epis de toiture B. Larmiers C. Blasons D. Toitures en tuile vernissée E. Pots vernissés F. Girouettes G. Epis sommitaux

Alignan-du-Vent, XVIIe s. Servian, XVIIe s. Béziers, domaine Le Petit, XVIIIe s. Saint-Thibéry, domaine de Nadailhan, XVIIIe s. Saint-Aunès, château, XVIIIe s.

B E

F

Pouzolles, XVIIe s. Roujan, prieuré de Cassan, XVIIe s. Montpeyroux, La Meillade, XVIIe s. Servian, mas d’Amilhon, XVIIIe s. Servian, mas d’Amilhon, XVIIIe s. Servian, mas d’Amilhon, XVIIIe s.

C

G

Lunas, XVIIe s. Saint-Thibéry, domaine de Nadailhan, XVIIIe s. Pouzolles, XVIIe s. Béziers, domaine Le Petit, XVIIIe s. Saint-Thibéry, domaine de Nadailhan, XVIIIe s. Saint-Aunès, château, XVIIIe s. Pigeonniers urbains A Joncels, un pigeonnier a pris place On rencontre souvent en ville des au XVIIe siècle au-dessus de la porte pigeonniers surmontant les vis de ville qui lui vaut peut-être sa sau- d’escaliers d’hôtels particuliers. vegarde alors que la presque totalité C’est notamment le cas à Montpel- de l’enceinte a disparu. La porte est lier, Béziers, Pézenas, Capestang… adjacente à un remarquable hôtel Ces villes se caractérisent par la particulier du XVIIe siècle auquel a présence d’hôtels particuliers édi- pu appartenir ce pigeonnier après e siècle et le acquisition de la partie haute de la milieu du XVIe siècle généralement porte. fiésdotés entre de tourelles la fin du ouXV de cages de L’ouverture de sortie des pigeons vis d’escalier qui dominent l’en- existe toujours, mais la dalle évidée de trous a disparu. que, dès l’origine de la construc- sembletion, ces du hôtels bâti. On étaient ne peut surmontés affirmer de pigeonniers. Par contre, l’exa- la présence de pigeonniers amé- mennagés de au plusieurs XVIIe siècle édifices et construits montre avec les mêmes caractéristiques que les pigeonniers traditionnels de la même période : épis déco- ratifs du couronnement, larmier périphérique, dalle de pierre évi- dée de trous... Plusieurs repérages intérieurs ont montré, par exemple à l’hôtel Boyer de Sorgues de Capes- tang, la présence de boulins sous forme de poteries scellées. Pigeonniers et fortifications Les pigeonniers ont parfois investi

Parmi les plus remarquables, on lescitera parties celui fortifiéesde Montblanc des villages. [A-B], positionné sur l’angle nord-est de e siècle. Il surmonte les mâchicou- Ci-dessus : pigeonnier établi au XVIIe siècle sur la tourelle de la Maison du Viguier (XVe-XVIe s.) à Boussagues, commune de La Tour-sur-Orb (photo Frédéric Mazeran) lis sur corbeaux de cet angle. Sa l’enceinte urbaine édifiée au XIV Ci-dessous : pigeonniers établis au XVIIe siècle sur les vis d’escaliers d’hôtels particuliers de Capestang : e typologie le fait remonter au XVII hôtel Boyer de Sorgues, à gauche, hôtel de « M. Vidal » aujourd’hui disparu, à droite siècle et mettre en lien avec un hô- (photo F. Mazeran et esquisse au crayon de Jean-François Amelin, 1823, Médiathèque Emile Zola, Montpellier, Vol 9_095) tel particulier adossé à l’intérieur de la muraille. Au-delà de son inté- rêt externe de petit patrimoine et a permis la conservation de la hau- deteur sa initiale particularité, de l’enceinte ce petit urbaine. édifice Un autre exemple a pu être repéré à Saint-Pons-de-Thomières [C] où le pigeonnier a investi une partie de l’intérieur d’une échauguette du XIIIe l’enceinte épiscopale. Aménagé lui aussi siècle au XVII édifiéee siècle, en surplombil dépendait de d’une des maisons canoniales si- tuées à proximité de la cathédrale. Il appartenait assez probablement (selon la tradition orale) à la mai- son de l’archidiacre. On note qu’il conserve encore intérieurement los rocaires n° 16 [40] un ensemble de boulins constitués A Lodève, la tour d’enceinte nord de poteries scellées. L’envol des datant du XIVe siècle a été investie pigeons se faisait au-dessous des par un pigeonnier au XVIIe siècle. Elle arcs de l’échauguette. doit sa conservation à cette nouvelle On note aussi à Boisseron [D], vil- fonction, le reste de l’enceinte ur- lage situé à l’extrémité Est du dé- baine ayant au contraire disparu. partement, la présence d’un remar- quable pigeonnier du XVIIe siècle. Positionné sur la partie haute et latérale de l’enceinte, il se trouve adossé à une porte de ville du XIIIe siècle. Réalisé en pierres de taille issues de carrières locales, il reste de cette période, possédant cepen- conformedant la particularité à la typologie d’avoir des son édifices pre- mier étage positionné sur porche. Un certain nombre d’autres pigeon- niers investissent d’anciennes tours d’enceintes urbaines (Lodève, Né- [E]) ou des tours d’enceintes de châteaux (Brissac zignan-l’Evêque [F]). Cette fonction tardive a permis là aussi la conservation d’ouvrages défensifs. L’adaptation de ces tours à leur nouvelle fonction s’est traduite - tion de leur partie haute avec dis- leparition plus souventdu parapet par et une du crénelage modifica toiture à simple versant, conforme auaux profit pigeonniers de la mise traditionnels. en place d’une

A B C

D E F

los rocaires n° 16 [42] Pigeonniers et châteaux Au prieuré de Cassan, sur la commune Chaque château disposait autre- de Roujan, un pigeonnier a coiffé fois d’un pigeonnier, parfois même au XVIIe siècle la tour d’enceinte du de plusieurs. On notera dans le XIVe siècle. La prouesse technique Biterrois les exemples de Ribaute à et architecturale a consisté à passer Lieuran-les-Béziers, de Perdiguier d’un édifice cylindrique à un rajout à Maraussan, de Maureilhan ou parallélipédique, l’amortissement des encore de Margon. deux parties se faisant par le biais de Pour Ribaute et Margon, trois corbeaux récupérés sur le démantèle- pigeonniers ont été repérés, posi- ment du couronnement de la tour. tionnés à l’intérieur d’une tour. L’intérieur du pigeonnier a été trans- Probablement reconstruit sur des formé tardivement en réservoir d’eau, bases plus anciennes avant le se- entraînant la dispartition des boulins. cond quart du XVIe siècle, le châ- teau de Margon a disposé de trois pigeonniers mis en place entre la e et le XIXe siècle. Aucun colombier n’apparaît dans un dé fin du XVII la seconde moitié du XVIIe siècle cortandis peint qu’un figurant inventaire le château dressé dans en 1719 à l’occasion de l’acquisition du domaine par René de Margon si- gnale dans une tour un pigeonnier qui « n’est pas en fort bon estat ». Le premier des trois pigeonniers la tour-vis d’escalier, sa dalle de identifiéssortie de estpigeons situé étantà l’intérieur position de- née au niveau du bouchage d’une ancienne fenêtre à croisée. L’amé- nagement intérieur a aujourd’hui totalement disparu. Le second se trouvait en partie haute de la tour Sud, à droite de l’actuelle entrée de la cour. Encore visible sur une carte postale du premier quart du XXe siècle, il n’en reste plus rien. Le troisième pigeonnier, investissant la partie haute de la tour nord- ouest, a conservé une partie de ses boulins avec montants verticaux en briques et traverses horizon- tales en tuiles canal. De nombreux autres châteaux pos- sèdent des pigeonniers et il serait illusoire de vouloir les citer tous. On signalera cependant, topony- mie oblige, celui du château de Colombières-sur-Orb réalisé dans le second quart du XVIIe siècle et toujours visible en partie haute de la tour nord-ouest et celui du châ- teau de Colombiers positionné au dernier niveau de l’ancien donjon reconstruit au XVIIe siècle. Souli- gnons aussi les exemples remar- quables du mas de Frescaly, ancien château situé sur la commune de Balaruc-le-Vieux, et du château de Brissac. los rocaires n° 16 [44] [45] los rocaires n° 16 Pigeonniers A B et édifices religieux Beaucoup plus rarement le pigeon- Béziers : deux pigeonniers d’architectes nier était associé à un lieu de culte La commune de Béziers possède deux remarquables pigeonniers de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, dessinés ou du moins à un presbytère atte- par des architectes de renom. Empruntant à la Renaissance française et au néo-gothique anglais, le bordelais Louis-Michel Garros (1833-1911) est l’auteur pu être repérés dans le départe- de plusieurs châteaux en Biterrois dont ceux de Roueïre, de Libouriac et de Grézan. A Libouriac (photos de gauche), la concep- nant.ment deDeux l’Hérault, édifices situés de ce sur type le teront- tion du pigeonnier s’inscrit dans la réalisation éclectique du château et de ses dépendances bâtis en 1885. ritoire des avants-monts. Le pigeonnier du Plateau des Poètes (photos de droite) s’inscrit quant à lui dans l’aménagement du parc et des jardins réalisés Le premier se trouve à Castanet- par l’architecte paysagiste Eugène Bülher (1822-1907), créateur avec son frère Denis du parc de la Tête d’Or à Lyon, mais aussi [A] du parc de Libouriac. Pour son projet, il s’entoure d’entreprises locales de grande notoriété (maçons, ferronniers, fontainiers), du clocher mur de l’église et près faisant même appel au grand maître Injalbert pour la sculpture la monumentale Fontaine du Titan. Probablement réalisé lors e le-Haut du presbytère, adossé du XVIII au flanc siècle. sud Il de la campagne de travaux de 1902, le pigeonnier présent dans le parc allie esthétique et nouvelles techniques. Il présente est probable qu’il soit de la même pour son support une armature en faux bois reproduisant à l’identique un tronc de pin avec son écorce. époque. En forme de petite tour couverte en lauzes de schiste, il dispose encore extérieurement de caractérisant par un encadrement l’orificede lauze deen sortiesaillie. des Le pigeonssecond cas se se situe à Hérépian [B], à l’ancienne église Saint-Martial. La tour-pi- geonnier surmonte ici une vis d’es- calier adossée au clocher.

Pigeonniers et moulins C D Le département de l’Hérault pos- sède une série de moulins à eau médiévaux remarquables, posi- tionnés pour la plupart le long de

Plusieurs études ont porté sur ces ses grands fleuves, Orb et Hérault. - édifices,mais mis notammenten évidence, ceuxsemble-t-il, situés surla présence le fleuve ponctuelleHérault. Elles de n’ontpigeon ja- niers surmontant ces moulins. Un examen détaillé permet pourtant de souligner cette particularité, à Roquebrun [C], à Paulhan (mou- lin des Laures [D]), à Saint-Pons- de-Mauchiens (moulin de Roque- mengarde [E]) et probablement à Saint-Thibéry [F] où seul l’examen E F de documents iconographiques du début du XXe siècle a permis d’iden- - sement détruit lors d’une restaura- tifiertion du là bâtiment un moulin médiéval. malencontreu L’examen de ces quatre pigeon- niers permet d’indiquer une construction tardive remarqua- blement positionnée en rajout. Ils répondent à la typologie caracté- ristique des pigeonniers du XVIIe siècle : édicules en forme de tour disposant d’une toiture à un seul versant couronnée de murets sur- montés d’épis décoratif réalisés au mortier de chaux. los rocaires n° 16 [46] [47] los rocaires n° 16 Pigeonniers et jardins Remerciements La colombine étant un excellent M. et Mme de Margon, propriétaires du château de engrais, on rencontre parfois des Margon Lunas : conservatoire de pigeonniers M. et Mme Ferraci, propriétaires du château de - Perdiguier Au confluent du Gravezon, du Nize et du Dourdou, le village de Lunas apparaît comme un véritable conservatoire de pigeon- tème de jardins aux abords du Mme Salavin, propriétaire du château de niers, toutes époques confondues. pigeonniersvillage. C’est édifiésle cas dansà Saint-Ger un sys- Colombières Au XVIIe siècle, des colombiers à toiture à pente unique recouverte de lauzes apparaissent dans les jardins. Aujourd’hui en vais-sur-Mare et à Lunas, dans les M. et Mme Cazalis de Fondouce, propriétaires du ruine, ils sont localisés au nord-est, à proximité du village (photos du haut). L’un d’eux, proche du Rocher du Camel en direc- domaine de La Font des Ormes, à Caux tion de Joncels, a conservé ses boulins maçonnés dans le mur. Le second se trouve plus proche du village, sur la colline faisant en lauzes de schiste présente une M. et Mme Halsby (Nizas) M. et Mme Pujol (Montady) face à la butte du Redondel où se situait autrefois l’ancien château. Chacun d’eux comportait pas moins de 300 boulins. e avants-monts,forte pente à un où seul l’édifice versant. couvert La M. Guy Carayon, maire de Montblanc A partir du milieu du XIX siècle, les pigeonniers se démocratisent et sont incorporés à des maisons particulières. Quatre e Mme Monique Bourin, professeur émérite à l’uni- exemples de ce type ont pu être repérés. En bordure du Gravezon., une de ces maisons montre en partie haute de la façade, siècle (bien avant leur ruine), a versité de Paris 1-Panthéon-Sorbonne sous l’égout de toiture, la lucarne d’accès à un pigeonnier de grenier. L’utilisation courante de la lauze en toiture a été ici éten- reconversiongommé toute trace des édifices de boulins. au XIX M. Yvon Comte, DRAC du Languedoc Roussillon due au traitement des dalles formant protection contre la pluie et pour l’envol des pigeons. La dalle traditionnelle disposant Mme Catherine Ferras, service patrimoine du d’orifices pour la circulation des volatiles a été remplacée par un système ajouré comprenant des montants maçonnés en Conclusion Conseil général galets et des traverses en pièces de terre cuite. M. Jean-Michel Sauget Pour la fin du XIXe siècle, le village offre une étonnante paire de pigeonniers en brique et pierre ornés de pigeons en plomb. Association Les Amis de Lunas - Ils étaient associés à un jardin d’agrément situé lui aussi en bordure du Gravezon. Ces deux pigeonniers devaient à l’origine Sourcesfondément de marqué profits, les sources paysages de disposer de quelques boulins à ossature bois et l’on peut imaginer deux portes d’accès en bois évidées de trous. conflits,et les esprits les pigeonniers au cours des ont siècles pro passés. Etoiles déchues des villes et des champs, ils ont pour les uns Ci-dessus : pigeonnier de Saint-Gervais-sur-Mare (photos Frédéric Mazeran) Ci-dessous : compoix des « hoirs de feu M. de Lattenay », Neffiès, 1650(Archives privées) changé de fonction, pour d’autres et plan cadastral napoléonien de la commune de Caux, 1827 (Archives départementales de l’Hérault, 3 P 3491) disparu dont seuls les compoix, deles visages,cadastres combien, napoléoniens, enfin, ont-ils les gravures ou les cartes postales an- ciennes conservent le souvenir ? Patrimoine fragile, les pigeonniers méritent notre attention pour leur charge historique et esthétique. Puisse cet article contribuer à leur sauvegarde.

Frédéric Mazeran Architecte du service patrimoine au Département culture Conseil général de l’Hérault [email protected]

Notes 1. Héritier du colombarium romain, le « colombier » est nommé plus souvent « pigeonnier » à partir du XVIIIe siècle. La première édition du Dictionnaire de l’Académie française (1694) désigne par pigeonnier un petit colombier. La distinction n’apparaît plus dans l’édition de 1762. 2. LHUISSET, Christian, L’architecture rurale en Lan- guedoc, en Roussillon, Les Provinciades, [Varzy] 1980, pp. 264-285 ; Paul Mesplé, « Pigeonniers de la terre d’Oc », dans L’Art populaire en France, 2e année, Li- brairie Istra, Strasbourg/Paris 1930, pp. 11-33. 3. OLIVE DU MESNIL, Simon d’ ; SOULATGES, Jean-An- toine, Observations sur les questions notables du droit, décidées par divers Arrêts du Parlement de Toulouse…, Chez Joseph Robert, Toulouse 1784, pp. 126-128. 4. BARTHES, Henri, « Coutume de Neffiès, diocèse de Béziers », Bulletin du GREC, n° 152-157, Clermont-l’Hé- rault 2009, pp. 42-61. 5. Livre vert, CIX, p. 117 et Marie Laure Jalabert p. 339. 6. ROUQUETTE, Julien, Cartulaire de Béziers (Livre Noir), L. Valat/Picard, Montpellier/Paris 1918-1922, p. 19 et DEVIC, Claude ; VAISSETE, Jean, Histoire géné- rale de Languedoc…, Privat, Toulouse 1872-1892, V, c. 286. 7. SERRES, Olivier de, Le theatre d’agriculture et mes- nage des champs, I. Métayer, Paris 1600, p. 98. los rocaires n° 16 [48] [49] los rocaires n° 16