[email protected] www.icp.fr Information :0144395232 21 rued’Assas-75006Paris Bibliothèque JeandeVernon •BOSEB-IFEB Institut CatholiquedeParis

Artwork : Indra Granger - Imprimerie : Axiom Graphic Photo couverture : la ville de Jérusalem dans la carte-mosaïque de Madaba - © Studium Biblicum Franciscanum (Jérusalem) ORIENTS ORIENTS ORIENTS ORIENTS ORIENTS 10 ème anniversairedelabibliothèqueJeanVernon Institut CatholiquedeParis BOSEB -IFEB BIBLIOTHEQUE JEAN DE VERNON

La bibliothèque Jean de Vernon a ouvert ses portes en janvier 1995. Elle réunit dans un même lieu deux bibliothèques spécialisées : la Bibliothèque Oecuménique et Scientifique d’Études Bibliques et la bibliothèque de l’Institut Français d’Études Byzantines.

Elle doit son nom à Jean de Vernon (1897-1975), sculpteur et graveur en médailles, fils de Frédéric de Vernon (1858-1912), qui fut Professeur à l’École des Beaux-Arts et Membre de l’Institut. Conformément à la volonté de son époux, Madame de Vernon a légué à l’Institut catholique de Paris une partie de sa fortune. Ce legs a été utilisé pour la construction de la bibliothèque et pour la création d’une nouvelle salle de lecture à la bibliothèque universitaire de Fels. Plusieurs œuvres de Jean de Vernon, dont une série de médailles illustrant les Fables de La Fontaine, sont exposées à la bibliothèque.

La bibliothèque Jean de Vernon compte près de 100 000 volumes dans les domaines des Sciences bibliques, de l’Orient ancien et des Études byzantines et néo-helléniques. La majorité des ses collections est en libre accès. Le catalogue est consultable sur le site de l’ICP, www.icp.fr. BIBLIOTHEQUE OECUMENIQUE ET SCIENTIFIQUE D’ÉTUDES BIBLIQUES

La BOSEB a été créée en 1968. Au cours du travail entrepris pour la Traduction Œcu- ménique de la Bible, le besoin s’était fait sentir parmi les biblistes, catholiques et protes- tants, d’une bibliothèque spécialisée dans ce domaine. La BOSEB fut ainsi fondée par un protocole d’accord entre l’ICP, le service biblique de la Fédération protestante de France et l’Association Catholique Française pour l’Étude de la Bible (ACFEB). Depuis 2002, la BOSEB est une association Loi 1901. Son Conseil d’administration est constitué de membres appartenant aux associations fondatrices.

La bibliothèque couvre le domaine des études bibliques (Écrits et Milieu de l’Ancien et du Nouveau Testament), de l’archéologie de la Palestine, de l’histoire et des langues du Proche Orient Ancien (akkadien, égyptien, syriaque…). Elle possède un fonds d’environ 45 000 ouvrages et 460 périodiques, dont 270 sont en cours d’abonnement. Un dépouille- ment systématique, avec mots-clés, est effectué sur tous les ouvrages et périodiques.

Un fonds photographique du début du et à son élève André Robert. Touzard avait siècle — documents témoins des fouilles fait un voyage d’études dans tout l’Orient archéologiques de Palestine méditerranéen (1911-1912), — avait été confié à Joseph d’où il avait ramené quel- Trinquet, alors directeur de ques 1580 épreuves stéréos- la BOSEB. Il en a fait don copiques. André Robert à la photothèque de la bi- avait quant à lui séjourné à bliothèque universitaire de l’École biblique et archéo- l’ICP. Ces photographies logique française de Jéru- sont dues à Jules Touzard salem (1931-1932).

Vue prise du Dominus Flevit et environs

Quelques figures : Antoine Vanel (1934-1978) a mis en place la bibliothèque. Annie Jaubert (1912- 1980) l’a soutenu financièrement. Joseph Trinquet (1919-2001) a été directeur scientifique de la BOSEB de 1976-1999. Henri Cazelles (1911- ) a dès le début enrichi la BOSEB grâce au don de sa bibliothèque personnelle et par des achats réguliers d’ouvrages et de revues.

Antoine Vanel Annie Jaubert Joseph Trinquet Henri Cazelles INSTITUT FRANÇAIS D’ETUDES BYZANTINES

L’IFEB a été fondé à Istanbul il y a exactement 110 ans, le 7 octobre 1895, au sein de la congrégation des Assomptionnistes. Au cours de ce siècle, pris dans les bouleversements historiques qui marquèrent le sud-est européen, mais aussi l’Église catholique, il connut sa propre odyssée.

1895-1937 Istanbul, exactement Kadiköy, l’ancienne Chalcédoine du concile de 451. Départ de Turquie dû à la xénophobie ambiante. 1937-1947 Bucarest. Séjour interrompu par l’arrestation et l’expulsion des membres de l’IFEB en octobre novembre 1947. 1947-2005 Paris. Les membres de l’IFEB rejoignent une communauté à Paris, au 8 rue François-Ier, où la biblio- thèque est à son tour transportée en 1949. En 1980, la démolition de l’immeuble les oblige à quitter les lieux. Ce n’est qu’en 1995 que l’IFEB trouve une implantation définitive au sein de l’ICP.

La bibliothèque de l’IFEB est spécialisée 110 titres courants, notamment des revues dans l’étude du monde byzantin et post- provenant de Grèce, d’Asie Mineure et de byzantin : Histoire et civi- divers foyers de la diaspora lisation de Byzance ; Église grecque autour de la Médi- orthodoxe, théologie, insti- terranée. On peut y consul- tutions ; Grèce moderne et ter également 70 manus- monde balkanique ; Patris- crits, plus de 1200 sceaux tique grecque. byzantins, 200 cartes du Elle possède un fonds de Proche-Orient et des Bal- plus de 40 000 ouvrages, kans (début du XXe s.) ainsi 900 titres de revues dont que plusieurs éditions rares. Ste-Sophie. Louis Petit / Gabriel Millet

Outre la Revue des Études byzantines (1943- ), l’IFEB édite les Archives de l’Orient chrétien (1948- ), Les Regestes des actes du Patriarcat de Constantinople (7 vol., 1972-1989), La géographie ecclésiastique de l’Empire byzantin (3 vol., 1969-1981), etc.

Anciens directeurs de l’IFEB

Louis Petit Sévérien Salaville Vitalien Laurent Daniel Stiernon Jean Darrouzès Paul Gautier 1895-1912 1912-1929 1930-1964 1965-1968 1969-1977 1978-1983

• L. BISKUPSKI, L’Institut français d’études byzantines et son activité scientifique et littéraire (1895-1970), Istanbul 1970 ; A. FAILLER, « Le centenaire de l’Institut byzantin des Assomptionnistes », REB 53 (1995), p. 5-40. JÉRUSALEM

Du document à la recherche

( AU COMMENCEMENT LES ECRITURES )

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Tablette néosumérienne. Terre Le déluge cuite. 3e dynastie d’Ur (XXIe s.). En 1872, l’assyriologue G. Smith traduisait une Compte de “ sortie ” (ba.zi). — tablette découverte dans la capitale assyrienne de 4,5 x 3,8 x 1,6 cm. Musée Bible Ninive, qui portait un récit du Déluge. La découverte et Terre Sainte CB1113 de ce texte créa une sorte de choc culturel, à travers la révélation d’une version mésopotamienne de ce thème Une cinquantaine de mou- bien connu par la Bible. Cet épisode de l’Epopée de tons sont destinés à l’alimen- Gilgamesh raconte comment le dieu Enki recommanda tation de la mère de Kubatum à un notable de la ville de Shuruppak de construire et à celle de sa suite, lors d’un un bateau, d’y embarquer sa famille, ses biens, les voyage à Uruk, entrepris pour des motifs qui ne sont artisans et les animaux. Le récit de la construction de pas indiqués. Cf. Henri LIMET, « Deux documents de la nef, des sept jours et des sept nuits de tourmente, la 3e dynastie d’Ur », Akkadica 78 (1992), p. 13. de la décrue des eaux et de l’envol successif de trois oiseaux, dont seul le dernier ne reparut pas annonçant

]1 udu.niga sig5.ús x] moutons gras, de seconde qualité, ainsi la proximité d’une terre, sont autant d’éléments ]5 udu.niga 3.kam.ús x] moutons gras, de 3e qualité, comparables avec les chapitres 6 à 9 de la Genèse. 10 udu.niga 4.kam.ús 10 moutons gras, de 4e qualité, 30 udu.ú 30 moutons de pâturage, Cette onzième tablette de Gilgamesh s’inscrit dans Zi-ni-a ama Ku-ba-tum Zinia, mère de Kubatum, une tradition dont une œuvre plus ancienne, le U4 Unu(ki)._è í.gin.na.a le jour où elle est allée à Uruk. mythe d’Atrahasis (“ le super-sage ”) donne une autre (d)Nin.líl.ama.mu Ninlil-amamu version, où le dieu Enlil provoque ce fléau pour [ PA ?].ka_4 [ X.,pré]posé [………..] [ ] anéantir l’humanité devenue trop nombreuse et trop bruyante. Ce thème littéraire se répandit au-delà en L’écriture cunéiforme, aux origines de l’histoire de Mésopotamie, comme en témoignent des découvertes l’écriture, a véhiculé pendant plus de trois millénaires épigraphiques sur des sites du Levant. les civilisations du Proche-Orient ancien. Il y a là une De nombreuses discussions cherchent à expliquer ce des sources de la civilisation occidentale (monde de la phénomène que marqua si profondément les men- Bible ; premiers grands textes épiques et poétiques ; talités et les littératures du Proche-Orient ancien : sciences : astronomie, mathématiques, législation). inondations catastrophiques des crues du Tigre et de Ces sources sont restées presque complètement oubliées l’Euphrate dans la basse plaine du sud mésopotamien, (du moins dans leur historicité) pendant plus d’un montée du niveau de la mer Noire ? millénaire et demi ; elles ne sont redécouvertes que F. M.-L. depuis le milieu du XIXe s. avec le déchiffrement du cunéiforme et les premières fouilles. C’est une histoire en train de se faire car l’exhumation d’archives par ———————— les campagnes de fouilles successives apporte chaque année des données nouvelles. Il y a eu, à la fin du XIXe 3 s., la “révélation” d’un autre récit du déluge que celui de la Bible et, dans le courant du XXe s., la découverte Brique avec inscription élamite au nom de Untash- de capitales antiques, etc. Napirisha. Bronze Récent. Provenance : Ziggurat de Plus d’un million de tablettes ont été mises au jour, Tchoga Zanbil (Iran). Argile dense, de teinte rougeâtre. dont presque la moitié reste à traduire. Il y en a Musée Bible et Terre Sainte CB 3114 encore plus à découvrir en Turquie, Syrie, Iraq, Iran, etc. Elles donneront à l’histoire de ces pays une plus 1 [ù ∂un-taß-dingir.gal ßa-ak] ∂⁄u-ban- um-me-en-na-[ki] 2 [su-un-ki-ik an-za-an ß]u-ßu-un-ka si-ia-[an] grande profondeur. 3 [ú-pa-at ⁄u-us-si-ip-me] ku-ßi-i⁄ ∂iß-ni-ka-r[a-ab] Florence Malbran-Labat 4 [si-ia-an ku-uk-ra / rien¿] in tu’-ni-i⁄

4 [Moi, Untaß-Napirißa, fils] classique ” tant au niveau linguistique que dans la de ·ubanummena[ki], [roi d’Anzan et de S]use, j’ai littérature : un soin particulier est accordé à l’écriture construit un temp[le] [en et à l’orthographe des mots. Une évolution est mar- briques cuites]; j’en ai quée à partir du Nouvel Empire : l’orthographe de- fait don à Ißnikarab, [(di- vinité) du sanctuaire]. vient plus aléatoire et l’écriture, moins aérée. À l’épo- que gréco-romaine, l’écriture hiéroglyphique voit le Cette brique ins- nombre de ses signes s’accroître considérablement. crite illustre la tra- À côté de l’écriture hiéroglyphique ou “ sacrée ”, uti- dition des dédicaces royales inaugurée en Mésopota- lisée sur les monuments et statues, les Égyptiens ont mie et reprise dans des empires voisins. Ce fut ainsi le développé une cursive pour les papyrus et ostraca : cas en Élam, où se constituèrent, à l’Est de la Babylo- l’écriture hiératique ou “ sacerdotale ” des textes docu- nie, dans la plaine de Susiane et les hauts plateaux du mentaires et littéraires. Les papyrus à caractère reli- Zagros, de puissantes dynasties. Souvent rivales de gieux ou funéraire, attestant par exemple le Livre des la puissance mésopotamienne, elles en partageaient Morts, offrent une écriture à mi-chemin de l’hiérogly- cependant la civilisation dans une large mesure. Ainsi phique et de l’hiératique. adoptèrent-elles l’écriture cunéiforme et les souve- Claude Obsomer rains entendirent-ils l’utiliser pour pérenniser leur nom et leurs hauts faits, politiques et religieux, dans des inscriptions destinées avant tout aux dieux et à la ———————— postérité. C’est ce que fit Untas-Napirißa (ca 1340- 1330), puissant empereur et rénovateur du culte qui 5 fonda une cité sainte non loin de la capitale tradition- nelle, où il voulait réunir tous les dieux de son empire La célèbre Pierre dans une même dévotion. de Rosette, dont F. M.-L. Champollion uti- lisa une copie, of- fre, entre le texte ———————— hiéroglyphique et le texte grec, une 4 version “ démo- tique ” du décret Fragment de stèle égyptien- en faveur de ne. Époque ramesside (XIIIe- Ptolémée V. Cet XIIe s.av. J.C.). Musée Bible état de la langue et Terre Sainte CB3104 égyptienne était en usage à la fin Représentation du couple du Ier millénaire ; divin honoré à Thèbes : l’écriture démoti- la déesse Mout, portant que résulte quant la double couronne, et le à elle d’une simplification accrue de l’écriture hiérati- dieu Amon, dont on aper- que. Plus tard, un alphabet oncial grec offrira la base çoit le haut de la coiffure de l’écriture copte, où s’ajouteront quelques lettres formé de deux hautes plu- typiquement égyptiennes. mes. Inscriptions en hié- C.O. roglyphes :

« o bélier fécondateur « (épithète d’Amon) ———————— « Amon-Rê, roi des dieux, seigneur du ciel, prince de Thèbes … « « Mout, déesse de (l’Icherou) … « « Louanges à toi, Amon-Rê, … « 6

L’écriture égyptienne est attestée dès la fin du IVe J.-F. Champollion, Précis du système hiéroglyphique des millénaire dans l’anthroponymie. Les noms de plu- anciens égyptiens ou recherches sur les éléments premiers sieurs rois antérieurs à 3000 ont été conservés, de cette écriture sacrée [...], 2e éd., Paris, impr. Royale, 1828. notamment à Abydos, où ils furent enterrés. L’écri- BOSEB RES 2181 CHA ture hiéroglyphique se développe durant l’Ancien Empire, tandis que les sources écrites se diversifient La BOSEB possède plusieurs éditions anciennes des et se multiplient. C’est à l’aube du IIe millénaire, au ouvrages de J.-F. Champollion. Le Précis exposé en Moyen Empire, que l’Égypte connaît sa période “ est un exemple.

5 ( ARCHEOLOGIE - BIBLE - HISTOIRE )

7 il contient la Massorah magna (en haut et en bas de page) et la Massorah parva (dans les marges et entre [Bible polyglotte] Biblia les colonnes) en caractères Rachi. Ce codex a servi de 1. Hebraica, 2. Samarita- référence à Maïmonide pour toute son œuvre et en na, 3. Chaldaica, 4. Grae- particulier pour le Mishneh Torah. ca, 5. Syriaca, 6. Latina, Liliane Vana 7. Arabica. Quibus textus originales totius Scriptu- rae sacrae, quorum pars ———————— in editione Complutensi, deinde in Antverpiensi 10 regiis sumptibus extat, nunc integri, ex manus- [Talmud de Jérusalem] Talmud de Jérusalem d’après l’édi- criptis toto ferè orbe tion de Venise (1522), Krotoschîn, 1866. — 40 cm. Ex libris quaesitis exemplaribus, Dr. Mojssej Woskin-Nahartabi. BOSEB G 6874 TJH exhibentur, Paris, Antoine Vitré, 1645, 9 t. en 10 vol. Improprement appelé Talmud de Jérusalem ou Tal- — In 2°. BOSEB RES 46 BPP 1-10 mud Palestinien, cette œuvre portait, autrefois, les titres plus exacts de “ Talmud des habitants du pays d’Israël ” ou le “ Talmud des Occidentaux ” par oppo- ———————— sition aux Babyloniens. Compilé vers la fin du IVe s., le Talmud de Jérusalem est rédigé en hébreu et dans 8 un dialecte judéo-araméen. Il contient les enseigne- ments des académies de Tibériade, Sepphoris, Lydde [Bible hébraïque] Biblia et Césarée. A la différence du Talmud de Babylone, hebraica olim a Christiano qui est toujours cité d’après la foliation de l’édition Reineccio edita […] : nunc Bamberg (Venise 1520), le Talmud de Jérusalem n’a denuo ad fidem recensionis pas de foliation particulière. Cependant, il est cité masoreticae... a K. Kenni- d’après l’édition Krotoschîn. cotto et J.B. De Rossi col- L.V. latorum ; ediderunt J.O. Doederlein et Johannes Henricus Meisner, Leipzig, ———————— Breitkopf, 1793. — 19 cm. BOSEB RES 473 REI 11

[Pentateuque] Fürth, Impr. I. Zerendorf , 1800-1802. 5 vol. — 26 cm. BOSEB RES 475 FUR

Contient le Targum araméen d’Onqelos, le ———————— commentaire de Rachi, une traduction en yiddish de Moses Mendelssohn en caractères hébreux. 9 L.V. * Codex d’Alep [Keter Aram Tzoba’] : fac-similé. Le lecteur des livres qui composent l’Ancien Testament Moshe H. Goshen-Gottstein (éd.), The Aleppo Codex : se trouve en présence de nombreux récits qu’il a provided with massoretic notes and pointed by Aaron ben tendance à considérer comme des récits historiques. Asher. The Codex considered authoritative by Maimonides, Or, les recherches montrent qu’il convient d’accorder I (Hebrew University Bible Project) Jerusalem, The Magned une place à des récits fictifs, même s’il n’est pas Press , 1976. — 40 cm. BOSEB 471 ALE toujours facile de les distinguer des récits historiques. A cet égard les données archéologiques peuvent servir Le codex d’Alep est le plus ancien manuscrit hébreu d’outil de “ contrôle ” (W.G. Dever), permettant de connu avant la découverte des manuscrits de la mer mieux cerner la nature des récits. Morte. Vocalisé par R. Aharon ben Asher (VIIIe s.), Jacques Briend

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Siloé The inscription of the Siloam (Heze- kiah’s) tunnel, ca 701 B.C.

The Siloam (Hezekiah’s) tunnel. Encyclopedia of archaeological excavations in the Holy land, II, Londres 1976, p. 582. BOSEB 370 ENC 2

En 2R 20,20 (cf. Es 22,11 ; 2C 32,30 ; Si 48,17) on apprend que le roi Ezékias fit construi- re un réservoir et un canal pour amener l’eau dans Jérusalem en prévision du siège de la ville. Le laco- Tell Hazor nisme du texte biblique est éclairé par la découverte Ygael Yadin and Dorothy de Rotschild à Tel Hazor : The Ja- en 1880 d’une inscription qui était placée à la sortie mes A. De Rotschild expedition at Hazor. The Israel explo- du canal. En voici la traduction : « Voici le tunnel. ration society, The Hebrew University of Jerusalem, 1997, Et telle fut l’histoire de la percée. Tandis que les mi- front. BOSEB 313 HAZ neurs maniaient le pic, l’un vers l’autre, et tandis qu’il n’y avait plus que trois coudées à creuser, on entendit Dans le livre de Josué, il est dit que Josué « s’empara alors la voix de chacun appelant son compagnon, car de la ville de Haçor et frappa son roi de l’épée » (Jos il y avait de la résonance dans le rocher provenant du 11,10) et qu’il brûla la ville (11,13). L’épisode est-il his- sud et du nord. Aussi, le jour de la percée, les mineurs torique ? En 1970, l’archéologue israélien Y. Yadin ré- frappèrent l’un à la rencontre de l’autre, pic contre pondait affirmativement à cette question. De nouvel- pic. Alors coulèrent les eaux depuis la source vers le les fouilles conduites depuis 1990 jusqu’à ce jour par réservoir sur mille deux cents coudées, et de cent cou- A. Ben Tor ont montré que cette conclusion était trop dées était la hauteur du rocher au-dessus de la tête des rapide. Certes, le palais royal a été incendié à la fin du mineurs ». Cf. E. PUECH, « L’inscription du tunnel Bronze Récent (1300-1200 av. J.C.), à une date où les de Siloé », Revue Biblique, 81 (1974), p. 196-214. tribus d’Israël s’implantent peu à peu dans le pays. La L’inscription, qui ne fait aucune mention du roi de conquête de la ville par Josué est pour le moins pro- Juda, raconte comment deux équipes de mineurs, l’une blématique. partant du nord et l’autre du sud, font leur jonction. J.B. J.B.

( QUMRAN )

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Grottes 4A et B Farah Mebarki, Emile Puech, Les manuscrits de la mer Morte, Paris 2002, p. 26. BOSEB 621 MEB

Le Père Roland de Vaux lors des fouilles du cimetière

7 1947 : Découverte des tous premiers manuscrits de la mer Morte. 1949 : Début de la collection des publications, Discoveries in the Judaean Desert (Oxford University Press), sous le patronage du Jordan Department of Antiqui- ties, de l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem, du Palestine Archaeological Museum. 1951-1958 : Campagnes des fouilles du site de Qumrân. Inves- tigation des 11 grottes à manuscrits (P. Roland de Vaux). 1967, après la Guerre des Six Jours : Récupération du Rouleau du Temple (grotte 11) à Bethléem par Y. Yadin. rouleau de Psaumes destiné à la lecture privée, il reproduit 1987 : Recomposition de l’équipe internationale des édi- des passages des Ps. 31 (24-25), 33 (1-18) et 34 (4-20). Le teurs. Ps. 32 est absent. Musée Bible et Terre Sainte CB7162 2005- : La publication des Discoveries, qui comprendra une quarantaine de volumes, touche à sa fin. L’étonnante bibliothèque de la mer Morte contient les fragments de plus de 800 rouleaux, le seul com- Outre cette publication officielle, la BOSEB offre, plet étant le Grand Rouleau d’Isaïe (7 m 30) qu’ex- sur Qumrân, des traductions et travaux de savants pose le Musée du Livre, à Jérusalem. Parmi ces docu- qui enseignèrent ou enseignent à l’ICP, tels J. Carmi- ments, quelques 200 sont des manuscrits bibliques. Ils gnac, J. Starcky , É. Cothenet, P. Grelot, P. Guibert, nourrissent beaucoup l’étude de l’Ancien Testament. J. Margain, A. Paul, U. Schattner. D’autres savants : Ils représentent, en effet, un bond en arrière de plus D. Dimant, É. Puech. d’un millénaire par rapport aux copies disponibles Claude Tassin jusqu’alors. Ils révèlent un texte déjà bien fixé avec, cependant, des différences éclairant des divergences ultérieures entre les bibles rabbinique, grecque et sa- ———————— maritaine. Le panorama statistique de ces fragments reflète, dans la Communauté, une hiérarchie sélective 15 quant à l’appréciation des livres appelés aujourd’hui “ la Bible ” : 32 exemplaires du livre des Psaumes, 30 Jarre en terre cuite. Musée Bible du Deutéronome, 21 d’Isaïe. Cette échelle correspond et Terre Sainte CB7064 assez bien aux préférences des auteurs du Nouveau Testament et aux choix de la Synagogue ancienne. Le Des jarres de ce modèle ont Musée Bible et Terre Sainte possède un fragment de été mises à jour dans les grot- deux colonnes du Livre des Psaumes. tes de Qumrân. Elles conte- C.T. naient des manuscrits enve- loppés dans une étoffe de lin. A l’origine, ces jarres ont sans ———————— doute été fabriquées pour contenir des aliments (olives, 17 dattes…). Le Musée Bible et Terre Sainte possède deux de ces poteries, dont une avec couvercle, ce qui est rare. C.T.

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Fragment d’un manuscrit des Psaumes. Parchemin. — 10 x 16,5 cm. Fragment de 11Qpaléo-Lévitique Fragment de manuscrit de la mer Morte (vers 60-70 ap. Manuscrits de la mer Morte, p. 111 J.-C.), trouvé dans une grotte de Qumrân. Provenant d’un

8 18 Dans leurs écrits, les habitants de Qumrân se dési- gnent par divers vocables : l’Assemblée, la Commu- nauté, les Justes, les Fils de lumière, les Pauvres. Qui sont-ils ? Au vu des premiers manuscrits, le grand savant israélien E. Sukenik vit d’emblée en eux les esséniens qu’avaient décrits Philon d’Alexandrie et Flavius Josèphe. Malheureusement, ces deux auteurs anciens n’établissent aucun lien entre les esséniens, qu’ils connaissent, et le site de Qumrân, qu’ils igno- rent. En revanche, Pline l’Ancien identifie aux essé- niens la “ nation solitaire ” des abords de la mer Morte. Cet écrivain, qui n’a jamais visité la région, dépend Calame avec trace d’encre et encriers d’informateurs de Syrie-Palestine aux yeux desquels Manuscrits de la mer Morte, p. 173 les occupants du lieu appartenaient à l’essénisme. Le désaccord des sources a entraîné l’éclosion de Les hôtes de Qumrân sont des gens du Livre, de la diverses hypothèses, les unes donnant à penser, les future Bible. Les documents qu’ils ont composés, autres relevant de la fantaisie. La solution classique comme ceux qu’ils ont importés et adoptés, veulent envisage une scission des hassidim qui, ayant sou- actualiser des Écritures considérées comme saintes. tenu pour un temps la lutte contre l’hellénisation de Ainsi, le Rouleau du Temple (8 m 75, plus long que le Jérusalem, se divisèrent en pharisiens et esséniens, Rouleau d’Isaïe), récupéré lors de la Guerre des Six ces derniers dénonçant les ambitions politiques et Jours (1967), refaçonne les lois disséminées dans le religieuses des Maccabées. D’après l’Écrit de Damas, Pentateuque. Dans le même sens, mais plus homilé- découvert au Caire et conservé aussi à Qumrân, le tique, va le Livre des Jubilés. Par les pesharim (inter- nouveau mouvement aurait lui-même implosé, vers prétations), la Communauté commente les Prophètes l’an 150 avant notre ère. D’une part, une minorité et les Psaumes en y lisant une histoire “ codée ” de (douze laïcs et trois prêtres ?), adhérant au “ Maître sa destinée et de celle de son fondateur, le Maître de Justice ”, docteur ès-révélations, se serait retirée de Justice. D’autres compositions cultivent le genre au désert. D’autre part, la majorité resta dans le apocalyptique. Elles déploient l’espérance du juge- monde, en une vie semi-conventuelle, sous l’égide ment de Dieu et de l’extermination des impies, com- de “ l’homme de moquerie ” (ainsi parle l’Écrit de me dans le rouleau fameux de La Guerre des fils de Damas !), rival du Maître de Justice. lumière contre les fils des ténèbres. La récente hypothèse dite “ de Groningue ” suit ce Enfin, la vie à Qumrân est rythmée par une activité schéma, à ceci près qu’elle voit dans l’essénisme dont liturgique intense. Les bains rituels, les prières et Qumrân s’est séparé, non pas un mouvement né dans veillées quotidiennes, les repas religieux, l’entrée le contexte maccabéen de l’anti-hellénisme, mais une “ dans l’Alliance ” (et son renouvellement annuel) tradition liée à des traditions de lecture apocalypti- ont donné lieu à une riche production d’hymnes, de que, à la fin du IIIe siècle avant notre ère. Dans ce prières et de bénédictions. cadre, le “ Maître de Justice ” aura imposé, à ses adep- C.T. tes, ses propres révélations. C.T.

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Equipe de savants au travail

Site de Khirbet Qumrân Manuscrits de la mer Morte, p. 147

9 L’équipe internationale dans la salle des manuscrits du 100 jusqu’en 68 de notre ère, quand les Romains musée archéologique de Palestine Rockfeller (de gauche à ont détruit l’établissement. Du point de vue paléo- droite : John Strugnell, Frank Cross, Jósef Tadeusz Milik, graphique, les manuscrits écrits sur place recouvrent John Allegro — penché —, Jean Starcky et Patrick Skehan). la même période. La communauté, dirigée par des Cf. Manuscrits de la mer Morte, p. 31. prêtres dissidents, se signale par une opposition nette au Temple de Jérusalem, à son sacerdoce parce qu’il Quelle que soit l’hypothèse retenue, Qumrân appa- n’est pas de famille sadocite, à son calendrier litur- raît comme une entité sui generis. Les intempéries gique lunaire, à des autorités religieuses dénoncées millénaires, les sables et l’érosion des roches du Dé- comme livrant une interprétation erronée des pres- sert de Juda auront scellé le secret d’une identité à criptions rituelles. Au vu de ce panorama, certains jamais perdue. Les manuscrits de la mer Morte et chercheurs d’aujourd’hui parlent des “ sadocites de l’archéologie entraînent pourtant quelques repères Qumrân ” plutôt que des “ esséniens de Qumrân ”. fermes. Le site a été occupé au moins depuis l’an C.T.

( NOUVEAU TESTAMENT : CRITIQUE TEXTUELLE )

Le Nouveau Testament est exceptionnel, par le nombre des témoins manuscrits copiés sur papyrus, puis sur parchemin (près de 6000 en grec seulement), par leur ancienneté (certains remontent au IIe s. ap. JC), et par l’ampleur de leurs variantes. Ceux qui ont édité le texte grec original ont dû d’abord “ établir ” le texte à partir de ces très nombreuses variantes. Ce travail d’établissement du texte, préalable à toute exégèse, s’appelle la “ critique textuelle ”. Roselyne Dupont-Roc

21 miers témoins manuscrits de l’écriture des œuvres, pour le Nouveau Testament, l’écart est seulement de Papyrus quelques dizaines d’années ! A quelques exceptions Léon VAGANAY, près, les papyrus fragmentaires du Nouveau Testa- Initiation à la ment appartiennent à des codices (ou livres cousus), critique textuelle que les auteurs chrétiens ont développés peut-être du Nouveau Tes- pour se distinguer des rouleaux traditionnels de la tament, 2e éd. en- synagogue. Le papyrus Bodmer p75 représente le tièrement revue plus ancien texte de l’évangile de Luc que nous ayons. et actualisée par Or, il offre en Luc 11,2-4 une forme courte du Notre Christian-Bernard Père, en quatre demandes, conforme à l’état du texte Amphoux, Paris, alexandrin (Vaticanus B03, Sinaïticus aleph 01). Éd. du Cerf, 1986, R.D.-R. p. 32. BOSEB 45 VAG ———————— La découverte des papyrus au 22 XXe s. a permis de reculer de pres- Codex Vaticanus que deux siècles la La Sainte Bible. Le Codex Vaticanus graecus 1209 (Codex connaissance des B). Reproduction en fac-similé sur l’ordre de Sa Sainteté plus anciens témoins du Nouveau Testament. Alors Paul VI, Rome-Vatican, 1965, p.1302-1303. que pour les textes classiques grecs et latins, dans les BOSEB 4816 VAT meilleurs des cas, quelques siècles séparent les pre-

10 AD 1581, Cambridge 1864 (réimpr. 1975), p. 262-263. BOSEB 4816 SCR

Le Codex Bezae Cantabridgiensis D05 date du Ve ou du VIe s. Il est à Lyon depuis le IXe s. Il fut acquis par Théodore de Bèze en 1562 et donné à l’Université de Cambridge en 1581. Manuscrit bilingue, grec-latin, il renferme les quatre évangiles dans l’ordre Matthieu- Jean-Luc-Marc, les Actes des Apôtres (avec des lacunes et notamment les 6 derniers chapitres) et des fragments des Épîtres catholiques. Le texte des Actes des Apôtres présente de très importantes variantes à tel point qu’on a pu parler de deux textes différents : face au texte Alexandrin représenté par le Vaticanus, le Sinaïticus, l’Alexandrinus etc., le codex de Bèze est un représentant du texte Occidental. Ce texte Occidental a été reconstitué à partir du codex A partir du IVe s. apparaissent de beaux manuscrits de Bèze et d’autres manuscrits par E. Boismard et sur parchemin écrits en lettres majuscules ou oncia- A. Lamouille. E. Delebecque propose les traductions les. La persécution avait fait disparaître bon nombre comparées du Codex de Bèze d’une part, du Vaticanus de textes chrétiens. L’empereur Constantin comman- de l’autre : sur 1007 versets, 325 seulement sont da donc à Eusèbe de Césarée « 50 copies des Écritures identiques. Le texte Occidental a 525 ajouts (mais 162 Sacrées, écrites sur parchemin raffiné, d’une écriture suppressions) si bien que l’on parle parfois de “ texte lisible et d’un format maniable, par des calligraphes long ”. accomplis » (Eusèbe, Vie de Constantin IV, 36). Le L’ancienneté des deux textes et leur relation posent Vaticanus B03 (à la Bibliothèque Vaticane depuis aujourd’hui de gros problèmes aux chercheurs. 1475) pourrait être un de ceux-là, de même que le Désormais de nombreuses recherches sont menées sur Sinaïticus 01. Le texte de ces deux manuscrits, dit le texte Occidental des Actes des Apôtres. texte alexandrin, est caractérisé par sa brièveté, sa R.D.-R. rigueur, et l’absence d’un certain nombre de périco- pes ou versets importants : on n’y trouve ni la finale longue de Marc (dont le texte s’arrête en 16,8), ni la ———————— péricope de la femme adultère, ni la sueur de sang à Gethsémani en Luc 22,43-44, ni le pardon demandé 24 au Père en Luc 23,34. R.D.-R. Des corrections “ théolo- giques ” ! : Papyrus p66 Bruce M. METZGER, ———————— Manuscripts of the Greek Bible : an Introduction 23 to Greek Palaeography, New York, Oxford, 1991, p. 67 n°7. BOSEB 4901 MET

Le papyrus p66, qui contient l’Évangile de Jean (avec des lacunes), date des années 200. Ce manuscrit, avec quelques autres, présente ici un texte corrigé différent du texte majo- ritaire retenu par les éditeurs. Dans le texte de Jean 11,31-37 ici présenté, on notera : le numéro de la page en haut à droite : oqV = 79 ; les abréviations pour les Codex de Bèze noms divins : IS = IHSOUS ; MNI = PNEUMATI ; les Frederick SCRIVENER (éd.), Bezae codex cantabrigien- nombreuses corrections et, notamment l. 9-10, une sis being an exact copy, in ordinary type, of the celebrated correction de type “ docète ” : le texte a été gratté, uncial graeco-latin manuscript of the four Gospels and Acts puis réécrit de façon plus respectueuse pour la “divi- of the Apostle. Written early in the sixth century and pre- nité” de Jésus ! sented to the University of Cambridge by Theodore Beza R.D.-R.

11 25

“ Une haute christologie ” : Vaticanus B03 Le Vaticanus B03 est le plus ancien et l’un des plus beaux manuscrits en onciales (lettres majuscules séparées, de hauteur déterminée : l’once est le douzième du pouce). Le texte est écrit sur 2, 3 ou 4 colonnes, en scriptio continua, la longueur des lignes restant identique. Le Vaticanus contient l’ensemble de la Bible en grec, Ancien et Nouveau Testament, mais mutilé au début et à la fin. C’est le texte de Jean 1,14-41 qui est ici présenté. On lira, à la ligne 20, monogevne~ qeov~ = un dieu unique engendré (Jn 1,18), caractéristique de la tradition alexandrine, tandis que la tradition byzantine a monogenhv~ uiJov~ = le fils unique engendré. Le Codex y044 du Mont Athos date de la fin du e R.D.-R. VIII s. Il témoigne de deux finales différentes ajoutées à l’Évangile de Marc après 16,8, qu’il pro- pose successivement. Après le verset 16,8 ejfobou`nto ———————— gavr, on note l’insertion d’une finale intermédiaire : pavnta ga;r parhggelmevna. Puis le scribe ajoute sur 26 deux lignes en retrait : « Les choses suivantes sont portées aussi après le ajmhvn et il copie la finale longue Quelle est la finale de l’Évangile de Marc ? : Codex y044 de Marc (versets 9 à 20). B. M. METZGER, Manuscripts of the Greek Bible, p. R.D.-R. 99 n°24. BOSEB 4901 MET

( LE CADRE DU MONDE BIBLIQUE EXPLOSE )

Le Proche-Orient est le monde de la Bible. Palestine, Mésopotamie, Égypte, c’est là qu’est née, s’est développée et a été lue la littérature biblique : la Bible et ses commentaires. Lorsque des communautés chrétiennes ont commencé à être établies tout autour du bassin méditerranéen et au-delà, de la Syrie à l’Éthiopie, de l’Arabie au Caucase, il a fallu, pour les besoins de la mission et de la prédication, avoir recours aux langues parlées dans ces régions de tradition hellénique et latine, mais aussi syriaque, copte, éthiopienne, arménienne, géorgienne, arabe. Autant de mondes culturels s’ouvraient ainsi à la Bible, qui elle-même allait les transformer en les fécondant.

Jacques-Noël Pérès

27 donne, outre la traduction des termes en latin, l’étymologie de la racine, ainsi que les parallèles en W. Gesenius, Thesaurus philologus criticus linguae hebraeae d’autres langues sémitiques : le samaritain, le syriaque, et chaldaeae Veteris Testamenti, Leipzig, Fr. Chr. Guil. Vo- le copte, l’arabe et l’éthiopien. gel, 1835-1853, p. 87. — 30 cm. L. V. BOSEB RES 2682 GES

Ce dictionnaire d’hébreu et d’araméen bibliques

12 28 mais aussi des écrits de Pères de l’Église, des textes herméneutiques, apocryphes et intertestamentaires, Psalmi Davidis, Regis hagiographiques. C’est aussi une littérature originale, & Prophetae, lingua illustrée notamment par les apophtegmes (sentences) syriaca, nunc primum, des Pères du désert, et l’œuvre du réformateur monas- ex antiquissimis codi- tique Chénouté (IV-Ve s.). Enfin, c’est en copte qu’a cibus manuscriptis, in été transmis l’essentiel des grands textes fondateurs lucem editi a Thoma des courants gnostiques des IIe-IVe siècles (manus- Erpenio, Lugduni Ba- crits de Nag Hammadi, en Haute Egypte, découverts tavorum [Leyde], Ex en 1945), et du manichéisme (manuscrits de Medînet- typo. Erpeniana lin- Madi, dans le Fayoum, trouvés en 1931). guarum orientalium, J.-N.P. 1625. — 24 cm. Pre- mière édition euro- péenne du Psautier ———————— en syriaque. BOSEB RES 4912 ERP 30

La conversion du roi d’Osrhoène et de son royaume au christianisme a permis à l’araméen d’Édesse de devenir une langue de culture : le syriaque. Dès les années 170, le texte du Nouveau Testament commence à être traduit. L’âge d’or de la littérature syriaque se situe entre le IVe et le VIIe s. La période suivante, jusqu’au XIIIe s., et la conversion des Mongols à l’Islam, est marquée par des travaux de traduction, de commentaire et d’encyclopédisme — à partir du Xe s. — sous l’in- fluence des sciences arabes. Le XVIIes. est celui d’une renaissance moderne, dans le nord de l’Iraq, qui se poursuit au XIXe s. sous l’influence des missionnai- res protestants. Le syriaque est, depuis 1972, l’une des langues officielles de l’Iraq. J.-N.P.

Manuscrit éthiopien ———————— Arganone Weddassé. XIXe s. Parchemin avec ais en bois. — Don de Joseph Trinquet. BOSEB MS 1 29 Arganone Weddassé est un ouvrage du XVe s. rédigé Les quatre évangiles par un éthiopien dont l’identité est débattue. Sa date en copte et en arabe, est controversée : on hésite entre le règne du roi Dawit Londres, BFBS, 1929. (1382-1413) et celui de son fils Zera Ya’qob (1434- — 22 cm. BOSEB 1468). Texte composé en l’honneur de Marie : prières RES 493 EVA pour chaque jour inspirées des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Notes ms. d’appartenance Ultime transforma- [ce livre appartient à Kidane Mariam]. Dessins tion de l’ancienne représentant ce personnage en prière avec le langue de l’Égypte commentaire [comment notre père Kidane Mariam a des Pharaons, le prié]. copte a donné nais- Daniel Assefa sance à une littéra- * ture essentiellement L’éthiopien classique, ou ge‘ez, est une langue du chrétienne. C’est rameau sémitique méridional. Parlé dan s l’Antiquité d’abord une littéra- dans les régions qui forment aujourd’hui l’Érythrée ture de traduction : et le Nord de l’Éthiopie, le ge‘ez a été adopté par des textes bibliques les chrétiens, dès les débuts de l’évangélisation de en premier lieu, l’empire d’Axoum, dans la première moitié du IVe

13 siècle. Il inscrit dans une parenté culturelle proche, 32 en particulier pour ce qui regarde l’écriture, les populations de l’Arabie heureuse – le royaume de Saba dont va s’emparer le légendaire éthiopien – et de la corne de l’Afrique. Le ge‘ez s’écrit à l’aide, non d’un alphabet, mais d’un syllabaire, mis au point dès le IVe siècle de notre ère. La traduction de la Bible est achevée à la fin du Ve s. D’une production littéraire de haute qualité, le Kebra Nagast, où sont consignées au XIVe s. les prétentions de la dynastie salomonienne à descendre de Ménélik, le fils né des amours de Salomon et de la Reine de Saba, reste l’œuvre capitale, regardée comme l’épopée nationale éthiopienne. J.-N.P.

Axali ag’tkma uplisa culeynisa Ieso Krist’esa c’mida ———————— saxareba, Tbilissi, 1896. — 19 cm. Nouveau Testament. BOSEB 495 NTG 31 La langue géorgienne, qui n’appartient ni au groupe Biblia Sacra Armenicè des langues indo-européennes, ni à celui des langues cura Lohrab Mechitar, sémitiques, ni à celui des langues turques, ni même Venise, Méchitaristes, à celui des langues du Caucase du nord existe depuis 1860, p. 7. — 26 cm. des millénaires. Elle fait partie du petit groupe BOSEB 495 BIB de langues apparentées du Caucase du sud. Elle est parlée par ces populations du bout du monde L’arménien classique, méditerranéen, qui habitaient dans l’antiquité les rameau indépendant terres mythiques de la Colchide et de l’Ibérie, pays au sein de la famille de la Toison d’or et de Prométhée. Elle est attestée des langues indo- depuis le Ve s. au moins par une littérature écrite, européennes, n’est at- ininterrompue jusqu’à nos jours. Elle possède pour testé qu’à partir du cela un alphabet propre de trente-huit graphèmes, début du Ve s., date qui a connu trois formes : majuscule, minuscule, puis de la création d’un une minuscule cursive ; c’est cette dernière forme alphabet arménien de qui est à la base de l’alphabet actuel. Le géorgien trente-six lettres. Le est aujourd’hui parlé en Géorgie, en Azerbaïdjan, en vocabulaire arménien Turquie et en Iran, à la suite de la déportation de se caractérise par de Géorgiens au XVIIe s. nombreux emprunts à J.-N.P. l’iranien – parthe –, au grec ou au syriaque ; la composition occupe ———————— une place importante parmi les différents 33 procédés de forma- tion du lexique. Dès le début du Ve s. se développe une litté- rature d’une grande richesse, comprenant des œuvres de traduction, à partir du grec et du syriaque essentiellement, et des ouvrages originaux. Les œuvres originales sont es- sentiellement des chroniques historiques, mais parmi les autres genres littéraires, la poésie tient une place non négligeable. J.-N.P. Les quatre évangiles en copte et en arabe, Londres, BFBS, 1929. — 22 cm. BOSEB RES 493 EVA

14 La langue arabe, aujourd’hui comme depuis bien et peu ou prou officiels. Souvent appelée “ arabe des siècles, connaît de nombreuses variétés. D’une classique ”, cette langue a vu sa grammaire codifiée et part, il y a la foule des formes vernaculaires locales, son lexique répertorié dès le haut Moyen Âge. Elle est communément appelées “ dialectes ”, qui sont les de tout temps la langue de la poésie (déjà à l’époque langues maternelles de quelque cent cinquante millions préislamique), celle du Coran et des versions arabes de d’arabophones du Maroc à l’Irak, de Malte et de la la Bible, des cultes chrétien et musulman, celle enfin Tunisie au Tchad et au Soudan. Il y a d’autre part une de toute la littérature classique et moderne. Depuis le langue écrite commune, d’ailleurs non sans emplois XIXe s., c’est aussi celle de la presse. oraux, qui monopolise les usages littéraires, savants J.-N.P.

15 CONSTANTINOPLE Du document à la recherche

( RELATIONS DE VOYAGES )

S’il est généralement admis que l’histoire byzantine prend fin avec la prise de Constantinople (1453) suivie de la disparition des derniers débris de l’Empire, l’histoire du monde orthodoxe se poursuit pour une large part dans le cadre de l’État ottoman. Face à l’expansion foudroyante du Grand Turc qui suscite à la fois rejet et fascination, l’Occident cherche à comprendre. Dans cette perspective, il fait appel aux témoignages oculaires, parfois relayés et amplifiés grâce à l’imprimerie. Dès le XVe siècle, les voyages en Orient répondent à des motifs avoués : commerce des épices ou des gemmes, collecte de curiosités ou de reliques, recherche de livres anciens et d’antiquités, attention prêtée aux chrétientés indigènes, participation à une ambassade. Pourtant rares sont les voyageurs qui entreprennent ces missions pour leur propre compte, et ce n’est pas un hasard si leurs mandants appartiennent tous aux milieux gouvernants de l’Europe occidentale. On peut dès lors envisager que le premier objectif de ces voyages est le renseignement, c’est-à-dire l’espionnage. Aventuriers obligés, les voyageurs auront réuni une documentation impressionnante où les byzantinistes doivent trouver une source complémentaire d’informations.

Jean-Pierre Grélois

Cousin de Brusquet, le fou de Henri II, Jérôme Maurand (vers 1500- ap. 1579) avait « grand désir et volonté, si l’occasion s’en présentait, d’aller à Constantinople ». C’est pourquoi il s’embarqua le 23 mai 1544, en tant qu’aumônier de Polin de la Garde, ambassadeur de François Ier auprès de la Porte. Les galères du roi de France accompagnaient la flotte de son allié Soliman le Magnifique, commandée par Barberousse, le célèbre corsaire ottoman qui venait de passer l’hiver précédent en rade de Toulon. Après avoir vu ses alliés écumer les côtes italiennes appartenant à des adversaires du roi de France, la flotte gagna les eaux grecques. Par la mer Égée et les Dardanelles, elle arriva à Istanbul le 10 août. Le séjour de Maurand devait durer moins d’un mois, puisque le 8 septembre, l’ambassadeur ordonnait le retour. Pourtant, il eut le temps d’observer les usages de la Cour ottomane, de décrire Péra, le faubourg franc de Constantinople, le palais de Topkapı et sa ménagerie, l’Hippodrome, le grand Bazar, Sainte-Sophie. 1 Outre le fait d’être l’un des plus anciens témoignages laissé par un Français sur la capitale ottomane, [Jérôme Maurand], Itinéraire de Jérôme Maurand l’Itinéraire de Maurand présente l’intérêt d’être d’Antibes à Constantinople (1544), texte italien publié pour illustré de croquis tracés à la plume. Insérés dans le la première fois avec une introduction et une traduction texte, on est en droit de supposer qu’ils ont été exécutés par Léon Dorez, Paris, Ernest Leroux, 1901. — 27 x 18 cm. sur le vif. La plupart montrent des ports que la flotte IFEB II 1162 avait longés ou abordés. On retiendra particulièrement

16 les dessins qui documentent Constantinople : une ajouter enfin, si nécessaire, une discussion des sources, vue depuis la mer de Marmara, du château des Sept- voire une observation personnelle. Tours jusqu’à Sainte-Sophie ; une autre de Péra L’ouvrage exposé ici se construit autour d’un docu- avec ses fortifications et l’arsenal, les monuments ment administratif latin du Ve siècle, la Notitia Vrbis de l’Hippodrome. Malgré leur caractère sommaire, Constantinopolitanae, qui décrit sommairement cha- ils comptent parmi les plus anciens témoignages cune des quatorze régions de la Nouvelle Rome. Les graphiques sur le sujet. auteurs cités vont d’Homère à Laonikos Chalkokon- dylès pour le grec, de Varron à Paul Diacre pour le • YERASIMOS (cf. n° 6), p. 202-203. latin, sans compter les premiers antiquaires huma- J.-P. G. nistes. Si les sources latines et grecques classiques avaient déjà été éditées depuis la fin du XVe siècle, il n’en allait pas de même pour les textes historiques ———————— byzantins. Gilles a donc puisé directement dans les manuscrits les passages qu’il emprunte au pseudo- 2 Kodinos, à Georges le Moine, à Georges Kedrènos, à Jean Skylitzès, à Laonikos Chalkokondylès, à Michel [Pierre Gilles] Petri Gyllii de Topographia Constantinopo- Glykas, à Nicéphore Grégoras, à Nicétas Choniates, à leos et de illius antiquitatibus libri quatuor, Lyon, Guillau- Théophane et à Zonaras. Il invoque même des textes me Rouillé, 1561. — 22,5 x 15 cm. IFEB R II 7143 qui ne devaient guère tarder à entrer dans l’Index librorum prohibitorum : Eunape de Sardes, l’Histoire François Ier avait entrepris de constituer à Fontai- secrète de Procope, Zosime. Dans la plupart des cas, nebleau une collection de manuscrits grecs. C’est l’original grec est traduit en latin. Dès lors, il devient dans ce cadre que se place la mission de l’humaniste évident qu’un tel travail d’érudition n’a pu s’effectuer albigeois Pierre Gilles (1489-1555) envoyé, sur recom- que dans les bibliothèques romaines. La protection de mandation du cardinal Georges d’Armagnac, dans Georges d’Armagnac lui en aura ouvert les portes. l’Empire ottoman. Après être passé par la Grèce et la Macédoine, notre homme eut l’occasion de parcou- • Byzance retrouvée, n° 8 (bibliogr.) ; J.-P. GRÉLOIS, rir les bords de la mer de Marmara. Mais les subsi- « L’Orient de Pierre Gilles : connaissance et reconnais- des promis par le roi n’arrivèrent jamais, ce qui mit sance », Communication au 130e Congrès national des fin aux projets d’achat de manuscrits. Bloqué dans sociétés historiques et scientifiques, La Rochelle 18-23 la capitale ottomane, Gilles entreprit d’explorer le avril 2005 (à paraître). Bosphore et la Ville. Lorsqu’il eut épuisé ses maigres J.-P. G. ressources, il ne trouva d’autre issue que de s’engager dans la troupe qui devait escorter l’ambassadeur de France, Gabriel d’Aramon. Ce dernier voulait ———————— rejoindre l’armée de Soliman le Magnifique, parti guerroyer contre le chah de Perse. Une longue pérégri- 3 nation conduisit l’ambassade à travers l’Asie Mineu- re, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Haute-Mésopotamie, la Syrie, la Terre Sainte, l’Égypte, avant le retour à Istanbul (avril 1547 - janvier 1550). Plus tard, Gilles reprit le chemin de l’Occident : c’est à Rome qu’il vécut ses dernières années auprès de son cardinal. De ses séjours constantinopolitains, Gilles avait sans doute rapporté des notes personnelles. Nous en retrouvons le témoignage dans les informations extrêmement précises qu’il fournit sur la topographie de la Ville et du Bosphore, sur les dimensions et l’état des monuments byzantins existant de son temps, sur les travaux d’aménagement ottomans. Mais l’humaniste qu’il était voulait avant tout reconnaître dans les lieux contemporains ceux qu’il connaissait grâce aux auteurs. Pour composer son Bosphore de Thrace et sa Topographie de Constantinople, Gilles a suivi la même méthode : partir d’un texte de base qu’il cite pas à pas, [Guillaume-Joseph] Grelot, Relation nouvelle d’un voyage de puis en compléter chaque passage à l’aide de citations Constantinople, Paris, Pierre Rocolet, 1681. — 16 x 10 cm. trouvées chez les auteurs classiques et byzantins, IFEB R II 5772

17 De Grelot (fl. 1670-1689 ) en tant que personnage, Grelot. Quant aux illustrations, on a de bonnes raisons on ne connaît que le peu qu’il a écrit de lui-même, de penser qu’elles ont été purement et simplement avec quelques mentions fugitives de la part de recopiées. Si l’on se rappelle les obscurités que contemporains. Né semble-t-il vers le milieu du XVIIe comporte la biographie de Grelot, faudrait-il penser siècle, il avait dû apprendre dans quelque collège que lui aussi faisait du renseignement ? les langues classiques et la géométrie. Une bonne pratique du dessin et peut-être de l’architecture se • Byzance retrouvée, p. 41-43 ; 46-54 ; 91 (bibliogr.) ; J.-P. joignait à la curiosité qui le poussa tôt sur les routes. Grélois, « Louis XIV et l’Orient : la mission du capitaine Après l’Italie, en particulier Rome, il gagna l’Orient. Gravier d’Ortières », M.-F. Auzepy (dir.), Byzance en Nous le suivons de Smyrne à Istanbul en compagnie Europe, -Denis 2003, p. 31-41 ; F. Bilici, Louis du numismate Vaillant. Dans la capitale ottomane, il XIV et son projet de conquête d’Istanbul, Ankara 2004, rencontra le Dr. John Covel, chapelain de l’ambassade p. 178-180. d’Angleterre, avec qui il se lia d’amitié. Antoine J.-P. G. Galland, le secrétaire de l’ambassadeur de France, est plus critique dans ses appréciations sur Grelot. Les tumultueuses relations qu’il entretint avec un voyageur ———————— qui tenta de l’employer, le négociant en joaillerie Jean Chardin, trahissent un caractère difficile. Après bien 4 des péripéties, notre homme rentra en France, où il parvint à se faire remarquer de savants personnages Salomon Reinach, Conseils aux tels l’architecte François Blondel ou Marchand, voyageurs archéologues en Grè- directeur du Jardin des Plantes. Mieux, il réussit à se ce et dans l’ orient hellénique, faire admettre à la Cour, au point de se trouver à trois Paris, Ernest Leroux, 1886. — reprises en présence de Louis XIV. 17 x 11 cm. IFEB I 519 Dans un avis au lecteur, Grelot expose en quoi sa Relation diffère de bien des récits publiés avant lui Publié à une époque où le sur le sujet. A la paraphrase, voire au plagiat qui tourisme était déjà entré caractérise bon nombre de ses prédécesseurs, il préfère dans les moeurs d’un public des informations qu’il a lui même collectées, dans des aisé, l’ouvrage de Salomon circonstances parfois délicates. Autre originalité, les Reinach, ancien membre de dessins dont il est l’auteur. Issus de la même main, l’École d’Athènes, attaché au le texte et les images se soutiennent et se complètent Musée de Saint-Germain, s’adresse « à l’archéologue, mutuellement. en entendant ce mot dans le sens le plus large, c’est- Le chercheur d’aujourd’hui trouve un intérêt à-dire à l’épigraphiste, à l’historien de l’art, au particulier dans la description de Sainte-Sophie numismatiste et accessoirement au géographe ». et dans les dessins qui l’accompagnent. Les vues Plus de la moitié de l’ouvrage est consacrée à extérieures et intérieures du monument, son plan, sont l’épigraphie. Le futur voyageur se voit conseiller d’une exactitude qui dépasse largement ce que l’on en de préparer avant son départ un corpus de poche connaissait jusque-là. D’après ce que Grelot écrit et des inscriptions déjà publiées. Il devra maîtriser les montre des mosaïques, il apparaît que leur état d’alors techniques de la photographie et de l’estampage. n’est guère différent de celui que nous connaissons Arrivé sur place, il devra se montrer diplomate dans actuellement. Enfin, malgré le goût qu’il partage avec ses relations avec les informateurs locaux. Qu’il son époque et son milieu, s’il préfère Saint-Pierre de n’oublie pas, chaque soir, d’enregistrer soigneusement Rome, il n’en reconnaît pas moins quelques mérites toutes les données collectées : après avoir lu et copié à l’œuvre des architectes de Justinien. On s’étonne des inscriptions, il pourra les restituer et les transcrire. cependant que le fondateur des études byzantines en Dans le chapitre consacré à la numismatique, mention France, Du Cange (n°8), n’ait pas jugé utile de se servir est faite « des sceaux byzantins en plomb » qui « sont des travaux de Grelot pour illustrer son Glossarium ad généralement difficiles à lire, c’est pourquoi il faudra scriptores mediae & infimae Graecitatis (Lyon, 1688) : se contenter de les nettoyer doucement avec une méfiance d’un érudit à l’égard d’un amateur ? brosse à dents et de l’eau ». Hors des lieux couverts C’est dans un tout autre domaine que la documentation par les cartes, le voyageur devra se faire topographe, réunie par Grelot devait trouver assez vite son écho. calculant les distances au « pas du cheval à raison de En 1685-1687, le capitaine Gravier d’Ortières avait six kilomètres à l’heure ». conduit une mission d’espionnage dont le but était Pour conclure, l’auteur engage les jeunes voyageurs, de s’emparer de Constantinople et d’établir sur le « convaincus qu’on ne leur demande pas l’impos- trône de l’Empire d’Orient un fils de France. Dans sible » à visiter « les îles de l’Archipel ». Grâce à le rapport qui fut rédigé peu après, on trouve, parfois ses dimensions réduites, l’une ou l’autre des Cycla- mot à mot, la description d’Istanbul qu’avait publiée des sera un objet d’études aisé, ce qui réconciliera

18 l’archéologue débutant « avec l’antiquité grecque » Rédigé dans une prose alerte, le récit associe qu’il avait « quelquefois maudite sur les bancs du agréablement souvenirs classiques, descriptions collège ». Il en retrouvera « les traces, cette fois tan- archéologiques, méditations religieuses et impressions gibles et vivantes, dans la splendeur d’un décor qui de voyage. De nombreuses illustrations (photographies, n’a pas changé ». Heureux temps ! dessins, plans) complètent heureusement le texte. J.-P. G. On pourrait dès lors ranger l’ouvrage parmi les innombrables exemples d’un genre qui se développe à partir du milieu du XIXe siècle : des familiers des ———————— paquebots puis de l’Orient-Express, hommes du monde, femmes de lettres, officiers, jeunes princes 5 ou artistes, mettaient par écrit leurs expériences à destination d’un public friant d’un exotisme consommable à domicile. Pourtant, si l’abbé Le Camus n’oublie jamais qu’il s’adresse à des lecteurs curieux, mais non spécialistes, il ne néglige pas de fournir des précisions qui informent le chercheur scientifique. Preuve en est sa description de Philadelphie (p. 203-218), enrichie d’observations fournies par M. Fiorovich, chef de gare, topographe et archéologue à ses heures. C’est grâce à ces informations, complétées par un plan du site, que les éditeurs des Actes de Vatopédi ont pu préciser les données microtoponymiques contenues dans un acte byzantin de 1247 et dans une chronique du milieu du XIVe siècle.

• P. Lemerle, « Philadelphie et l’émirat d’Aydın », Phila- delphie et autres études (Byzantina Sorbonensia 4), Paris 1984, p. 65, n. 24 bis ; J. Bompaire, J. Lefort, V. Kravari, C. Giros, Actes de Vatopédi I, Paris 2001, p. 136-162. J.-P. G.

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Stéphane Yerasimos, Les voyageurs dans l’Empire ottoman (XIVe-XVIe siècles). Bibliographie, itinéraires et inventaire des lieux habités, Imprimerie de la Société d’histoire turque, Ankara, 1991. — 31 x 23 cm. Abbé E. Le Camus, Voyage aux sept Églises de l’Apocalypse, IFEB III 1999 Paris, Librairie Sanard et Derangeon, 1896. — 30 x 21 cm. IFEB I 519 Il est admis que l’histoire byzantine prend fin avec la prise de Constantinople et la disparition subsé- C’est un voyage de formation qui se trouve à l’origine quente des derniers débris de l’Empire. Pourtant, une de ce livre. L’abbé Le Camus, docteur en théologie, source complémentaire d’informations sur le sujet est vicaire général honoraire, avait en effet promis à constituée par la masse des textes produits à propos son neveu âgé de vingt ans, Henry Cambournac, de l’Empire ottoman depuis le XVIe siècle jusqu’au étudiant en droit et photographe amateur, de lui commencement du XXe. faire connaître le berceau des humanités grecques. Avant l’invention du tourisme, les voyageurs En compagnie d’un spécialiste de l’exégèse, l’abbé qui allaient en Orient n’y cherchaient guère le [Fulcran] Vigouroux, ils partirent visiter les sites divertissement. Tous avaient un ou plusieurs buts : la archéologiques et apostoliques qui parsèment la Grèce, recherche de livres anciens et d’antiquités, la collecte l’Ouest de l’Asie Mineure et la Macédoine. Au cœur de curiosités ou de reliques, le commerce des épices de l’entreprise, les sept villes de l’Apocalypse, soit ou des gemmes, sans oublier l’espionnage auquel dans l’ordre du voyage : Smyrne, Éphèse, Laodicée, se livraient bien des subordonnés de diplomates Philadelphie, Sardes, Thyatire et Pergame. officiellement accrédités. Au milieu des difficultés de

19 toutes sortes, ces aventuriers obligés réunirent une de langue française, celui de Vivien de Saint-Martin, documentation impressionnante. Certains eurent la ex-secrétaire de la Société de géographie de Paris. possibilité, une fois revenus en Occident, de donner au Beaucoup plus développé, l’ouvrage de Stéphane public leur relation de voyage. D’autres textes restent Yérasimos compte 449 auteurs et couvre un domaine inédits ; certains sont sans doute encore à découvrir. qui s’arrête toutefois en 1600. Lorsqu’un chercheur est amené à étudier une région de L’auteur, né en 1942, est décédé le 17 juillet 2005. ce qui fut l’Empire byzantin, il devra se tourner vers les voyageurs. Par-delà leurs préjugés ou leur ignorance, • Vivien de Saint-Martin, Description historique et géogra- mais avec pour certains une culture classique ou un phique de l’Asie Mineure [... ], avec un précis détaillé des goût de l’étrange, ils ont pu noter tel ou tel point de voyages qui ont été faits dans la péninsule depuis l’époque topographie, remarquer tel monument, recueillir tel des croisades jusqu’aux temps les plus récents […] II, Paris, récit ou tel nom qui informeront le spécialiste. 1852, p. 743-808. Dès le XIXe siècle, la science occidentale s’est attachée J.-P. G. à constituer des répertoires. Citons, pour l’érudition

( BYZANTINES D’OCCIDENT )

En Italie, en France, en Allemagne, les humanistes prennent très tôt connaissance des œuvres conservées ou produites par Byzance, les uns pour avoir fréquenté des érudits grecs en exil, les autres pour avoir recueilli la documentation rapportée par les voyageurs occidentaux. L’intérêt se concentre d’abord sur les monuments de l’Antiquité. On édite ainsi Homère, Hésiode, Pindare, Isocrate, Xénophon, Hippo- crate, Platon, Aristote. Puis, on se penche sur la Bible et les Pères grecs — Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Jean Chrysostome, Jean Damascène —, qui font à leur tour l’objet d’importantes éditions. Dans ce mouvement, on s’arrête parfois à tel auteur byzantin : Nicolas Copernic donne ainsi une traduction latine des Lettres morales de l’historien Théophylacte Simocatta (Cracovie 1509). Mais il s’agit là de publications éparses. Le premier à songer à une collection de textes byzantins originaux est l’érudit allemand Hieronymus Wolf. En publiant les Chroniques de Jean Zonaras, Nicétas Choniates et Nicéphore Grégoras (Bâle 1557-1562), il lance l’idée d’un Corpus d’histoire byzantine. Celui-ci sera réalisé par des Français, dans une grande entreprise éditoriale qui couvre deux siècles (1645-1819) : la Byzantine du Louvre. L’accès aux textes étant désormais rendu possible, les travaux de recherches se multiplient. Mais le grand public ne reste pas en manque : l’histoire millénaire de Byzance lui est livrée grâce à la traduction française de Louis Cousin (Paris 1672-1674). La Byzantinologie étant devenue une discipline à part entière, la production de Corpus documentaires se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Citons ainsi le Corpus fontium historiae byzantinae, dans lequel paraissent, depuis 1967, de nombreux textes en édition critique. Vassa Conticello

7 Graece Latineque editi, cum indice copioso. His adiuximus Laonici Chalcocondylae Turcicam historiam, Conrado [Hieronymus Wolf] Nicephori Gregorae romanae, hoc est Clausero Tigurino interprete […], Bâle, Johannes Oporin, byzantinae historiae libri XII […]. Nunc demum liberalitate août 1562. — 37,5 x 24,5 cm. FELS 2573 […] D. Antonii Fuggeri etc. et Hieronymi VVolfii labore,

20 Hieronymus Wolf Byzantiniste et lexicographe français, Charles du (1516-1580) appar- Fresne, seigneur du Cange (1610-1688) fut l’un des tenait au cercle plus plus grands érudits du XVIIe s. Il laissa, outre deux large de Luther et importants dictionnaires de latin et de grec médiéval Melanchton. En sa (Glossarium mediae et infimae latinitatis, 1678 ; qualité de bibliothé- Glossarium mediae et infimae graecitatis, 1688) des caire d’Augsbourg, ouvrages historiques sur Byzance et l’Orient latin il fut l’un des pre- (Histoire de Constantinople sous les empereurs miers à prendre français, 1657). Charles du Cange succéda à Philippe connaissance de Labbe (1607-1667) à la tête de la prestigieuse chroniques byzanti- collection du Corpus Byzantinae historiae, également nes que le voyageur connue comme Byzantine du Louvre. Le but de cette et humaniste Hans collection était de publier les textes des principaux Dernschwam (1494- historiens byzantins en bilingue (grec-latin), en de 1568) avait rappor- luxueux volumes réalisés par l’Imprimerie royale. tées de Constanti- Grâce à lui, plusieurs chroniques virent le jour : Paul nople en 1554. Trois le Silentiaire (527-565), le Chronicon paschale (ca 631- années plus tard, il 641), Jean Kinnamos (ap. 1143-fin XIIe s.). donnait à l’impri- Charles du Cange avait une prédilection pour les merie (Bâle, Johan- monuments figurés. Ainsi, plusieurs de ses ouvrages nes Oporin, 1557) le sont illustrés de gravures reproduisant des monnaies, texte grec de deux de ces chroniques : Jean Zonaras des enluminures rencontrées dans des manuscrits, († ap. 1160) et Nicétas Choniates (ca 1155-1215/16). des bas reliefs. Tel est aussi le cas du volume ex- Les prémices d’un Corpus universae historiae, prae- posé, qui comporte onze planches. Sur l’origine de la sertim byzantinae étaient ainsi posées par celui qui pl. VII, l’auteur donne les explications suivantes allait être qualifié de père du Byzantinisme allemand. (p. 106) : « Aliam praeterea tabellam damus Manuelis L’entreprise fut pourtant de courte durée. En 1561 pa- Palaeologi et Helenae Augustae uxoris, ut & Joannis, rut le troisième et dernier volume, avec l’édition de la Theodori, & Andronici filiorum effigies continentem, chronique de Nicéphore Grégoras (ca 1294-ca 1359). ex Ms. codice Operum Dionysii Aeropagitae, quem Un premier accès aux sources byzantines originales idem Manuel ad monasterium s. Dionisii in Francia, venait cependant d’être ouvert. ubi asservatur, per Manuelem Chrysoloram Legatum L’Histoire romaine de Grégoras couvre les années suum misit anno 1408 […] ». Son modèle est donc 1204 à 1359. Elle complète et poursuit celle de Pachy- le manuscrit du Corpus dionysiacum actuellement mérès (voir n°11). A partir de l’année 1351, elle se con- centre sur la querelle palamite, dans laquelle l’auteur eut lui-même un rôle de premier plan : adversaire de Palamas, il fut condamné au synode de 1341. L’édition de Bâle est illustrée de plusieurs gravures sur bois représentant les empereurs Théodore II Laskaris, Michel VIII Paléologue et Andronic II Paléologue, ainsi que l’historien Georges Pachymérès. Elles s’inspirent des enluminures d’un manuscrit, le Monacensis gr. 442 (3e quart du XIVe s.).

• Germanograecia n° 180 ; Griechischer Geist n° 271. V. C.

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[Charles du Cange] De Imperatorum Constantinopo- litanorum seu inferioris aevi vel imperii uti vocant Numismatibus Dissertatio Caroli du Fresne D. du Cange, Rome, J.-M. Salvioni, 1755. — 30,5 x 22,5 cm. IFEB III 328

21 conservé au Louvre (Ivoires 100 = Département des critiques de l’Empire byzantin : révolte des Zélotes, objets d’art, MR 416), témoin exceptionnel des rela- controverse hésychaste, guerre civile. — Sur la page tions ayant existé entre la France de Charles VI et de gauche, extrait du Privilège du Roi daté du 26 Byzance. juillet 1671. On rappelera brièvement sa provenance : à la fin de l’année 1399, l’empereur Manuel II Paléologue (1391- • DBF IX [1961], c. 1067-10 (n° 24) ; Byzance retrouvée 1425) avait entrepris un voyage en Europe occiden- p. 72. tale, au cours duquel il s’arrêta deux fois à Paris et V. C. visita l’abbaye de Saint-Denis (1401). A l’instar de Michel II le Bègue (820-829), donateur du vénéra- ble Paris. gr. 437 (a. 827), il fit faire, à son retour à ———————— Constantinople, un magnifique exemplaire du Corpus dionysiacum, que son ambassadeur Manuel Chrysolo- 10 ras (ca 1350-1415) offrit à l’abbaye en 1408. La famille de Manuel II, placée sous la protection de la Vierge Fiches de travail des Blachernes, y était représentée en une peinture en de Vitalien Lau- pleine page, ici reproduite. rent. Archives de l’IFEB • I. Spatharakis, The Portrait in Byzantine Illumi- nated Manuscripts (Byzantina neerlandica 6), Leiden La période by- 1976, p. 139-143 ; J. Irigoin, « Les manuscrits grecs de zantine nous Denys l’Aréopagite en Occident, les Empereurs byzan- a laissé 40 000 tins et l’Abbaye royale de Saint-Denis en France », Y. de sceaux. Ces pe- Andia (éd.), Denys l’Aréopagite et sa postérité en Orient tits morceaux de et en Occident (Études augustiniennes 151), Paris 1997, plomb qui por- p. 19-29. tent l’emprein- V. C. te de cachets authentifiaient les documents ———————— officiels et fer- maient de fa- 9 çon inviolable la correspon- [Louis Cousin] Histoire de Constantinople depuis le règne dance. Ils sont, de l’ancien Justin jusqu’à la fin de l’Empire, traduite sur pour la plupart, les seuls témoins d’une abondante les originaux grecs par Mr Cousin, Président en la Cour des documentation aujourd’hui perdue. Aussi cons- Monnoyes, dédiée à Monseigneur de Pompone, Secrétaire tituent-ils l’objet d’une discipline, la sigillographie d’État, Paris, Damien Foucault, 1674 [vol. VII]. byzantine, à laquelle l’œuvre de G. Schlumberger, — 25,5 x 18 cm. Coll. particulière Sigillographie de l’Empire byzantin (Paris 1884), a donné ses lettres de noblesse. Révélant l’existence Près de trente ans après la parution du premier de personnalités, de dignités ou de communautés volume de la Byzantine du Louvre (1645), le grand religieuses inconnues par ailleurs, la sigillographie public eut accès aux principaux historiens de Byzance se développe en liaison avec la prosopographie, l’his- — Agathias, Procope, Théophylacte Simocatta, Anne toire administrative, l’histoire ecclésiastique, etc. Elle Comnène, Nicétas Choniatès, Georges Pachymérès, entretient d’autre part un rapport constant avec la Jean Cantacuzène, etc. — grâce à la traduction philologie et l’histoire de l’art. française de Louis Cousin (1627-1707), censeur royal, Vitalien Laurent (1896-1973), qui fut directeur de directeur du Journal des Savants puis membre de l’IFEB et conservateur du Cabinet des Médailles de l’Académie française. Tous ces textes furent publiés la Bibliothèque Vaticane, est aujourd’hui reconnu sous le titre général Histoire de Constantinople depuis comme l’un des grands sigillographes du XXe s. Ses le règne de l’ancien Justin jusqu’à la fin de l’Empire travaux sur les plus importantes collections de sceaux (Paris 1672-1674, 8 vol. in 4°). Quelques années plus ont donné lieu à plusieurs publications : La Collection tard, une réédition de l’ensemble fut donnée dans un C. Orghidan (Paris 1952) ; Les sceaux byzantins format réduit (Paris 1685, 10 vol. in 8°). du Médailler Vatican (Vatican 1962) ; Le corpus Le volume exposé contient les Historiai que l’empereur des sceaux de l’Empire byzantin (Paris 1963-1981). Jean VI Cantacuzène (ca 1341-1354, † 1383) rédigea Laurent a toutefois peu publié sur les sceaux conservés après son abdication pour justifier son gouvernement. à l’IFEB (plus de 1200 pièces). Il a cependant laissé Elles couvrent la période 1320-1356, l’une des plus de nombreuses fiches de travail, à partir desquelles

22 son successeur Jean Darrouzès (1969-1977) a établi latine, a été réédité un répertoire provisoire, manuscrit. Ce dernier ensuite dans trois pourrait servir de point de départ à une étude grands corpus, tou- exhaustive sur la collection. jours en deux vo- Laurent est décédé alors qu’il dactylographiait les lumes : édition de dernières pages du tome II de son Corpus. A ce propos, Venise (1729), édi- reprenons les mots évocateurs de son biographe : « [Il] tion de Bonn, par est tombé en plein travail, sur un sol littéralement Immanuel Bekker jonché de sceaux, terrassé par ce ‘ vil métal ’ dont il (1835), Patrologia s’est épuisé à extraire le trésor de l’érudition ». graeca de Jean-Paul Migne (1865). Sceaux exposés : Irène (XIIe s.) [727] ; Georges II Lorsque fut fixé le Xiphilin, patriarche de Constantinople (1191-1198) [Gd projet de publication 64] ; Théodora Paléologina, peut-être la mère de Michel des Regestes (actes VIII Paléologue (1258-1261) [760] ; Boniface VIII, pape des patriarches de Rome (1294-1303) - trouvé à Constantinople, sur le dont les sources ont site des Blachernes [1281] ; Cyrille VI de Constantinople conservé le texte (1813-1818) - attaché à un document daté de 1815 ou simplement la [Archives de l’IFEB]. mention) du patriarcat de Constantinople, Vitalien Laurent fut chargé d’établir ceux des XIIIe-XVe siècles. L’une des sources principales en est l’Histoire de Pachymérès. Aussi Laurent s’intéressa-t-il dès 1926 à ce texte dont il prépara la réédition. Ce travail fut poursuivi et achevé par Albert Failler. Il existe une seconde mouture de l’Histoire, composée au XIVe siècle et destinée à rendre plus accessible un texte complet et archaïsant. Elle vient d’être éditée : Albert Failler, La version brève des Relations historiques de Georges Pachymérès (AOC 17-19), Paris 2001-2004. Georges Pachymérès est représenté sur un des trois manuscrits sources de l’Histoire : le Monacensis gr. 442 (3e quart du XIVe s.), f° 6v. C’est à partir de celui-ci qu’a été exécutée la gravure illustrant l’édi- • J. DARROUZES, « Le P. Vitalien Laurent », REB 32 tion de 1562 de Nicéphore Grégoras (cf. n° 7). (1974), p. V-XIV. A.F. - V. C. V. C.

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[Pierre Poussines] Georgii Pachymeris Michael Palaeologus […] I, Rome 1666 ; Georgii Pachymeris Andronicus Palaeo- logus […] II, Rome 1669. — Albert FAILLER, Georges Pachymérès, Relations historiques (Corpus fontium histo- riae Byzantinae 24/1-5), Paris 1984 (I-II), 1999 (III-IV), 2000 (V, Index) IFEB UI E CHI Georges Pachymérès (1242- ap. 1307), diacre et officier du patriarcat de Constantinople, est l’auteur d’une Histoire qui couvre les années 1258-1307. Ce texte est, entre autres, la meilleure source pour la connaissance du concile de Lyon II (1274), essai malheureux de réunion des Églises catholique romaine et grecque orthodoxe. Cette Histoire a connu plusieurs éditions à travers les siècles. La première est celle de Pierre Poussines. Le texte grec, toujours accompagné de la traduction

23 ( SCHISME ET CONFESSIONS )

Depuis 1054, le schisme sépare les Églises grecque et latine. A la veille de la chute de Constantinople, le concile de Florence (1438-1445), qui tente d’établir une union, aboutit, au contraire, au durcissement des positions adverses. A ce moment-là, plusieurs sièges orientaux sont d’ailleurs occupés par des Latins, ce qui exacerbe les passions au niveau local. Dans ce contexte, et dans la période qui suit, le travail de plusieurs savants doit être compris comme le fruit de leurs engagements confessionnels. L’érudition se met ainsi au service de certaines prérogatives de Rome et justifie ses particularités doctrinales, grâce aux preuves qu’elle puise dans les textes anciens. Elle n’en donne pas moins naissance à plusieurs œuvres monumentales, qui demeurent, aujourd’hui encore, des références pour la recherche. A partir du XVIe siècle, la controverse dépasse le face à face gréco-latin. En effet, un troisième parti est apparu, celui de la Réforme. Espérant trouver un allié en l’Église grecque, il complique les relations de cette dernière avec Rome. Car les protestants, qui se font un plaisir de publier des textes grecs favorables à leurs propres thèses, ne se limitent pas au simple travail d’érudition. En 1573, ils tentent un rapprochement avec le patriarche Jérémie II Tranos, qui leur oppose cependant un refus catégorique. Mais ils réussissent à gagner à leur cause le patriarche Cyrille Loukaris, dont la Confession de foi (Constantinople 1629) sera à l’origine d’un long débat au sein de l’orthodoxie.

V. C.

12 sopra Minerva. Composé pendant [Jean de Torquemada] Apparatus D. Io. de Turrecremata, le concile de Flo- Tituli Sancti Sixti presbyteri Cardinalis, Super decreto rence (1441), l’Appa- Unionis Graecorum in sacrosancto oecumenico concilio ratus super decreto Florentiae celebrato, ab Eugenio IIII. promulgato, nunc Unionis Graecorum primum in lucem emissus. Cum privilegio Summi Pont. est un commentaire Pij IIII. et Illustriss. Senatus Veneti ad annos XV [Venise, historico-doctrinal Michel Tramezino, 1561]. — 20,5 x 15 cm, mutilé des deux suivi (phrase par derniers folios (Suscriptiones Patrum). Éd. Vitellozzo Vitelli phrase) du décret (ca 1532-1568), sur un ms. non spécifié. IFEB R II 17062 d’union (Laetantur coeli) avec les Grecs “ Homme providentiel ” de la crise religieuse du XVe s., (DH 1300-1308), comme il a été appelé, Jean de Torquemada (Turre- promulgué par Eugène IV le 6 juillet 1439. Avec une cremata) est l’un des théologiens les plus éminents érudition peu commune (ca 1500 citations), l’auteur y de son temps. Né à Valladolid (Espagne) vers 1388, discute les points controversés entre Grecs et Latins oncle du Grand Inquisiteur Thomas de Torquemada définis dans le texte (filioque, azymes, fins dernières, (1420-1498), il entre à seize ans chez les Dominicains primauté romaine). L’exemplaire exposé a été annoté et fait ses études de théologie à Salamanque, puis en et soigneusement corrigé — à partir du ms. autogra- Sorbonne, où il obtient le doctorat le 16 février 1425. phe (Vat. lat. 4165) — par Louis Petit (1868-1927), Auditeur au concile de Constance (1417), il participe assomptionniste, premier directeur de l’IFEB. Ce comme théologien personnel d’Eugène IV (1431-1447) travail préparatoire inédit s’inscrit dans une série de aux conciles de Bâle (1432-1437) et de Ferrare-Flo- recherches de l’auteur sur les conciles. L’édition criti- rence (1438-1439) où il joue un rôle capital dans la que du texte a été réalisée de façon indépendante par défense des prérogatives papales contre les thèses con- E. Candal, Ioannes de Torquemada O. P., Cardinalis ciliaristes (Oratio synodalis de primatu) et la question Sancti Sixti, Apparatus super decretum Florentinum de l’union avec les Grecs. Honoré par le pape du titre Unionis Graecorum (Concilium Florentinum. Docu- de Defensor fidei (1436), puis nommé cardinal (titre de menta et scriptores. Series B. Vol. II.1), Rome 1942, Saint-Sixte) (1439), il meurt à Rome le 26 septembre sur quatre des sept manuscrits actuellement connus 1468. Sa dépouille repose dans l’église Santa Maria (Kaeppeli, n° 2722).

24 • CANDAL, op. cit., p. V-LXI (LIII-LI) ; A. Fliche-A. Griechischer Geist n° 387. — C. Martin, Histoire de l’Église, XIV, Paris 1962, p. 286, 552- Tsirpanlis, The Historical and 553, 562-563 ; DS 15 (1991) 1408-1054. — Sur Petit : V. Ecumenical Significance of Laurent, « L’œuvre scientifique de Mgr L. Petit », dans Jeremias II’s Correspondence Mémorial L. Petit (AOC 1), Paris 1948, p. VII-XXVIII; with the Lutherans (1573- B. Holzer (éd.), Mgr Petit, assomptionniste, fondateur 1581), New York 1982 ; D. des “ Échos d’Orient ”, archevêque latin d’Athènes (1868- Wendebourg, Reformation und 1927). Actes du colloque (Rome, 15-17 déc. 1997) (OCA Orthodoxie. Der ökumenis- 266), Rome 2002. che Briefwechsel zwischen der C.G. Conticello Leitung der Württembergischen Kirche und Jeremias II. von Konstantinopel in den ———————— Jahren 1573-1581 (Forschungen zur Kirchen- und Dogmen- geschichte 37), Göttingen 1986. 13 V. C.

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[Cyrille Loukaris] Tou` makariwtavtou kai; sofwtavtou patro;~ hJmw`n pavpa kai; patriavrcou ∆Alexandreiva~, ta; nu`n de; oijkoumenikou` Kwnstantinoupovlew~ Kurivllou, suvntomo~ pragmateiva kata; ∆Ioudaivwn ejn aJplh`/ dialevktw/ pro;~ Gewvrgion to;n Pavrgan, Constantinople, Nicodème Métaxas, 1627 [= Londres, Eliots Court Press, 1626]. Acta et scripta theologorum Wittenbergensium et patriar- — 22,5 x 16 cm. IFEB R II 8443 chae Constantinopolitani D. Hieremiae, quae utrique ab anno MDLXXVI usque ad annum MDLXXXI, de Augusta- Originaire de Crète, ayant étudié à Venise et Padoue, na confessione inter se miserunt : Graece et latine ab iisdem Cyrille Loukaris (1570/72-1638) devint successive- theologis edita, Wittemberg 1584. — 31,5 x 21 cm. ment patriarche d’Alexandrie (1601) et de Constan- IFEB R III 332 tinople (1620). Ses affinités avec le premier ambassa- deur hollandais auprès de la Porte, Cornelius Haga, En novembre 1573, le patriarche Jérémie II Tranos puis avec le pasteur calviniste Antoine Léger, sa (1572-1595 par intermittences) reçut en audience volonté de réformer l’Église orthodoxe, le mirent en Stephan Gerlach (1546-1612), prédicateur du légat conflit avec sa propre hiérarchie, mais lui attirèrent de Wurtenberg auprès de la Porte et porte-parole aussi les foudres de la Propagande, alors très active des protestants à Constantinople. Dans l’ignorance dans la région, et de l’ambassadeur français Philippe de leurs positions théologiques respectives, les deux de Harlay de Césy, qui fut chargé par Louis XIII parties espéraient un rapprochement, peut-être de veiller à la déposition de ce « huguenot entaché même une union. C’est en effet dans ce but qu’avait d’hérésie ». Il fut le premier patriarche de Constan- été publiée quelques années plus tôt (Bâle 1559) la tinople à être exécuté sur ordre du Sultan. traduction grecque de la Confessio Augustana, due Son Contra Iudaeos a à Philippe Melanchton (1497-1560) et à son disciple été composé à Alexan- Paul Dolscius (1526-1589). Jérémie ne prit toutefois drie, avant 1617. Se- connaissance de ce texte qu’en 1575. Il y répondit lon les indications par une longue réfutation, engageant une correspon- figurant sur la page dance de six années avec les principaux théologiens de titre, il serait sorti protestants. Cet échange se conclut brusquement, le de l’imprimerie que patriarche ayant communiqué à ses correspondants Nicodème Métaxas une fin de non-recevoir, le 6 juin 1581. (1585-1647) avait éta- Les lettres de Jérémie furent publiées à Cologne, dès blie à Constantinople, 1582, dans la traduction latine de S. Socolovius. L’an- en juin 1627, à la de- née suivante, toutes les pièces du dossier furent rassem- mande du patriarche. blées dans une édition bilingue grec-latin, ici exposée. Des recherches ré- centes ont cependant • TB II, p. 551-612 et p. 576, n° 1 ; Graecogermania n° 197 ; montré qu’il avait été

25 imprimé à Londres dès 1626, et importé à Constanti- ché d’abord à la Bibliothèque Vaticane en qualité de nople pour y être diffusé. L’exemplaire rarissime ex- scriptor, il est sucessivement bibliothécaire et théolo- posé ici est dans un très mauvais état de conservation. gien personnel des cardinaux Lelio Biscia (1622-1638) L’IFEB envisage sa restauration et sa numérisation. et Francesco Barberini (1638-1661), avant d’être L’imprimerie de Métaxas, installée grâce à l’aide nommé préfet (custos) de cette bibliothèque (1661). matérielle des Anglais, et malgré les résistances de la Il meurt le 19 janvier 1669. Sa dépouille repose dans Porte et la violente opposition du Vatican, ne fonc- l’église S. Atanasio. tionna que quelques mois. Césy ayant fait valoir Travailleur infatigable, en dépit d’une constitution auprès du Sultan que le Contra Iudaeos était en réali- très délicate (il était surnommé l’asperge), Allacci est té une réfutation de l’Islam, l’atelier fut pris d’assaut l’auteur d’une œuvre immense (60 volumes publiés, en janvier 1628. Le complot ayant été découvert, les auxquels s’ajoutent 232 encore inédits, conservés Turcs restituèrent à Métaxas son matériel. Il l’évacua à la Biblioteca Vallicelliana, cf. P. O. Kristeller, Iter vers l’île de Céphalonie où il reprit ses activités d’im- italicum VI, Londres 1992, p. 185-193), consacrée pour primeur au sein du monastère de Saint-Gérasimos. l’essentiel à la question de l’union des Églises grecque et latine (cf. Jacono, nos 31, 34, 39, 45, 47, 51-52, 54). • BH II, 166 ; TB II, p. 617-651 et p. 632, n° 2. — D. Gram- A l’aide d’une masse énorme de documents inédits, matikos, Leben und Werk von Nikodemos II. Metaxas : die découverts surtout dans les bibliothèques romaines, erste griechische Druckerei in Kons tantinopel und auf l’auteur aborde les grandes questions controversées Kephalonia, Thèse dactyl., Königstein 1989. entre Rome et Constantinople (filioque, primauté V. C. romaine, purgatoire…) s’efforçant de montrer que, par-delà les vicissitudes historiques, a toujours régné entre les deux Églises un accord profond au plan ———————— dogmatique. Allacci est considéré à ce titre comme le père de l’œcuménisme contemporain. 15 Imprimée aux frais de la congrégation de Propaganda Fide, créée par Grégoire XV (1622) « pour propager la [Leone Allacci] Graeciae orthodoxae foi parmi les infidèles », la Graecia orthodoxa est un tomus primus in quo continentur Scrip- recueil d’écrits d’auteurs byzantins, en grande partie tores : Nicephorus Blemmida, Ioannes inédits, favorables à la doctrine latine de la double Veccus Patriar. CP., Petrus episc. Me- procession de l’Esprit saint (a Patre Filioque). Parmi diolanensis, Georgius Pachymeres, les plus importants, mentionnons : Nicéphore Blem- Esaias Cyprius, Ioannes Argyropulos, mydès (1197-ca 1269), le patriarche unioniste Jean XI Gregorius Protosyncellus Patriar. CP., Bekkos (1275-1282), dont les œuvres sont publiées Georgius Trapezuntius, Ioannes Plu- pour la première fois presque en totalité, Constantin siadenus, Hilario monachus, Niceta Méliteniotès († 1307), Jean Plousiadenos (ca 1429-1500). Byzantius. De Processione Spiritus Notons aussi la présence d’un auteur latin, Pietro sancti, et aliis. Accedunt de Gregorio Grosolano († 1117), archevêque de Milan, dont le trai- Palama Archiepiscopo Thessaloni- té nous est parvenu également en grec. Un troisième censi Graecorum Sententiae. Leo Al- tome, achevé par l’auteur, n’a jamais vu le jour (cf. latius nunc primum e tenebris eruit, Jacono, no 34). Une grande partie des ces textes sera et latine vertit : Cuius Notae in pos- reprise au XIXe s. dans la célèbre Patrologia graeca. tremum Tomum reijcientur, Rome, S. Le tome II, exposé ici, appartenait à Chrysanthe Congreg. de Propaganda Fide, 1652. Notaras (1660-1731), patriarche de Jérusalem (1707- — Graeciae orthodoxae tomus secundus in quo continentur 1731), à l’époque où il était encore Scriptores, Ioannes Veccus Patriar. CP, Constantinus Meli- (1689-1702) : ∆Ek tw`n tou` Crusavnqou ajrcimandrivtou teniota Chartophyla, Georgius Metochita Diaconus, Maxi- tou` Panagivou Tavfou. Ex lib. : Chrysanthii Archi- mus Chrysoberga [...], Rome, S. Congreg. de Propaganda mand. Hierosolymit. (page de titre, recto). Il en fit Fide, 1659. — 23 x 17 cm. IFEB R II 8388 don par la suite au Métochion du Saint-Sépulcre à Constantinople : ∆Ek tw`n ajfierwqevntwn tw`/ Panagivw/ Érudit et théologien grec parmi les plus féconds du Tavfw/ para; Crusavnqou patriavrcou ÔIerosoluvmwn: XVIIe s., Leone Allacci (Allatius, ∆Allavtio~) naquit oJ de; tou`to pote; ajfairhsovmeno~ ejk th`~ despoteiva~ sur l’île de Chios en 1586. Converti très jeune au ca- aujtou`, e[stw ajfwrismevno~ kai; ajnaqematismevno~ tholicisme par son oncle maternel, le jésuite Michel para; qeou` kurivou pantokravtoro~ kai; ejn tw`/ nu`n Neuridis, il fait ses études au collège grec S. Atana- aijw`ni kai; ejn tw`/ mevllonti: ejn Boukourestivw/ 1728, sio de Rome, fondé par le pape Grégoire XIII (1577) mhni; ajprillivw/. ÔO ÔIerosoluvmwn Cruvsanqo~ (page pour la formation des jeunes catholiques grecs. Puis de titre, verso). C’est probablement sur cet exemplaire il étudie la médecine à la Sapienza (1613-1616) sous la qu’il travailla à la réfutation des auteurs pro-latins direction de Giulio Cesare Lagalla (1571-1624). Atta- édités par Allacci.

26 Chrysanthe de la Bibliothèque dans les pays catholiques. possédait une Ainsi, bien que le texte de Photios fut connu en des meilleures Occident dès le milieu du XVIe siècle, il ne fut publié bibliothèques qu’en 1601, par un protestant, David Hoeschel (1556- de l’Orient, 1617), disciple et successeur de Hieronymus Wolf à selon l’avis de la tête de la bibliothèque d’Augsbourg. La seconde l’abbé Sevin, édition de la Bibliothèque, qui reprend en l’altérant qui avait été le texte de Hoeschel, est quant à elle sortie des presses chargé par le des frères Berthelin, imprimeurs calvinistes. Selon L. roi de France Canfora, La biblioteca del patriarca. Fozio censurato de rechercher nella Francia di Mazzarino, Rome 1998 (trad. franç. à Constanti- Paris 2003), cette édition serait avant tout le fait du nople des manuscrits grecs, arabes, persans et ar- chartreux Noël Bonaventure d’Argonne (ca 1634- méniens. Cette bibliothèque constituait d’ailleurs un 1705), lequel aurait signé d’un énigmatique Th. M. objet de convoitises pour Sevin et ses proches : « Je Roth. Eccl. Presb. une préface censurée en raison de ne puis m’empêcher de vous redoubler mes instances sa bienveillance pour le patriarche Photios. pour tâcher de […] ne rien négliger pour nous procu- rer l’acquisition de la bibliothèque […] du patriarche • Graecogermania n° 178 ; Byzance retrouvée n° 48. de Jérusalem, si la mort ou quelque disgrâce pouvoit V. C. nous procurer de si magnifiques acquisitions » (Lettre de l’abbé Bignon à Sevin, 11 février 1730 : H. Omont, Missions archéologiques françaises en Orient aux ———————— XVIIe et XVIIIe s. I, Paris 1902, p. 515). 17 • BH II, 401, 402 ; C. Jacono, Bibliografia di L. Allacci (1588-1669), Palerme 1962, n° 34 ; Podskalsky, p. 213-219 ; [Michel Le Quien] Oriens Christianus, in quatuor patriar- K. Hartnup, ‘ On the Beliefs of Greeks ’. L. Allatios chatus digestus quo exhibentur ecclesiae, patriarchae cae- and Popular , Leyde 2004. — Sur Chrysanthe terique praesules totius Orientis, opus posthumum I, Paris, Notaras : P. Stathè, Cruvsanqo~ Notara`~ Patriavrch~ Imprimerie Royale, 1740. — 40 x 28 cm. IFEB III 553 ÔIerosoluvmwn, provdromo~ tou` Neoellhnikou` Diafwtismou`, Athènes 1999. Le dominicain Michel Le Quien (1661-1733), égale- C.G. Conticello ment connu pour sa précieuse édition des œuvres com- plètes de Jean Damascène (Paris 1712 ; PG 94-96), mit sur pied, en 1720, un vaste projet d’histoire abré- ———————— gée de tous les sièges patriarcaux et épiscopaux de l’Orient chrétien, avec la liste de leurs titulaires, sur 16 le modèle de la Gallia christiana des bénédictins de Saint-Maur (catalogue documenté de tous les diocè- [David Hoeschel] Fwtivou Muriovbiblon h] Biblioqhvkh. ses et abbayes de France, avec leurs occupants depuis Photii Myriobiblon, sive Bibliotheca librorum quos legit les origines ; 13 volumes publiés entre 1715 et 1785). et censuit Photius Patriarca Constantinopolitanus Graece Le projet de l’Oriens christianus était très ambitieux : edidit David Hoeschelius Augustanus, & notis illustravit. il incluait les sièges des Églises séparées : nestoriens, Latine vero reddidit & scholiis auxit Andreas Schottus jacobites, coptes, etc., et s’étendait également aux Antverpianus, Rouen, David et Jean Berthelin, 1653. — évêques latins qui, depuis les croisades, occupaient 37,5 x 24 cm. R III 89 différents sièges des quatre patriarcats orientaux. En raison de l’extrême complexité du sujet et du mauvais Tenu pour principal responsable du schisme par état des sources, la réalisation de ce projet requérait Rome, mais aussi admiré pour l’immensité de son des trésors d’érudition. Le Quien travailla jusqu’à sa savoir et de sa culture littéraire par les philologues mort (1733) à cette œuvre monumentale, la laissant et les historiens occidentaux, Photios de Constan- quasiment achevée. Elle fut publiée en 1740 par les tinople (858-867 ; 877-886) a légué à l’érudition soins de l’académicien Étienne de Foncemagne. moderne un ouvrage irremplaçable, la Bibliothè- que, qui décrit avec précision et profondeur près Illustrations : Carte dépliante du ressort du patriarcat de de trois cents œuvres de la littérature antique ou Constantinople gravée en 1712 par P. Bourgoin ; vignette chrétienne, dont un certain nombre est aujourd’hui gravée de Charles-Nicolas Cochin père. perdu. Sa personnalité, mais aussi son intérêt, cer- tes critique, pour certains livres condamnables, • DTC IX [1926], c. 441-443 ; Byzance retrouvée n° 45. rendait toutefois impossible l’édition et la diffusion V. C.

27 ( PATRIMOINE ORTHODOXE )

Au moment où l’Occident est pris par l’enthousiasme créatif de la Renaissance, la chrétienté orientale entre dans la période la plus obscure de son histoire : cela est bien connu et souvent répété. On sait moins à quels efforts se sont livrés les héritiers de Byzance pour conserver leur patrimoine. Dans les premiers temps, les exilés suivent eux-mêmes la tendance humaniste et publient les Anciens dans des éditions d’apparat fidèles à l’esthétique de l’Empire perdu (Venise, 1499-1500). Ils se consacrent cependant bien vite à l’impression et à la diffusion de livres liturgiques et ecclésiastiques, indispensables pour la perpétuation du culte orthodoxe en territoire ottoman. Au XVIIe siècle, après la crise suscitée par la Confession de foi de Cyrille Loukaris, les Grecs se tournent de plus en plus vers la publication de textes dogmatiques ou polémiques. Ainsi, de forts volumes à contenu théologique sortent des presses de Jassy et de Bucarest. Ils présentent pour la première fois des auteurs qui servent les positions orthodoxes, mais qui ont été négligés par l’érudition occidentale : Grégoire Palamas, Marc d’Éphèse, Syméon de Thessalonique, etc. La figure de Dosithée II de Jérusalem domine cette période. Il publie une Confession de foi qui corrige celle de Loukaris, établit des imprimeries orthodoxes dans les Principautés roumaines, se bat pour que les Lieux restent propriété du patriarcat grec de Jérusalem. Pour faciliter la récolte de fonds, des guides illustrés de la Terre Sainte voient alors le jour. Ils doivent permettre aux orthodoxes de l’Empire ottoman ou de la diaspora de bien préparer leur pèlerinage. Mais le patrimoine orthodoxe qu’il s’agit de préserver ne se limite pas aux textes et aux monuments légués par Byzance. Il réside aussi dans l’éthique chrétienne qui, pour Nicodème l’Hagiorite, culmine dans le martyre : depuis 1453, des milliers de chrétiens sont morts pour la foi, certains en confesseurs. La mémoire de ces néomartyrs doit être honorée par de nouvelles œuvres dans le domaine de l’hagiographie et de la liturgie.

V. C.

18 Byzance, il mit au point des ca- [Nicolas Blastos] ÔUpovmnhma eij~ ta;~ pevnte fwna;~ ajpo; ractères grecs fwnh`~ ∆Ammwnivou mikrou` tou` ÔErmeivou. Venise, Zacharias d’une grande Calliergis, 22 mai 1500. — 310 x 220 mm. IFEB R III 350 élégance, dont la particularité Ce Commentaire à l’Isagogè de Porphyre du philosophe était de facili- néoplatonicien Ammonius Hermeias d’Alexandrie ter l’impression (ca 500) est, avec l’Etymologicum magnum (Venise, des esprits et 8 juillet 1499), le Commentaire aux Catégories des accents, et d’Aristote de Simplicius (Venise, 27 octobre 1499) et la réalisa des édi- Thérapeutique de Galien (Venise, 5 octobre 1500) — tions luxueuses, l’un des quatre premiers livres sortis d’une imprimerie censées rappe- grecque. ler la richesse Zacharias Calliergis (ca 1473-ap. 1524), son éditeur, des manuscrits calligraphe et copiste érudit, quitta la Crète vers byzantins. Sur 1490 pour s’installer à Venise où il fréquenta Aldo certains exem- Manuzio (1450-1515), avant de fonder sa propre im- plaires excep- primerie, en collaboration avec son compatriote le tionnels — dont philologue Nicolas Blastos († ap. 1514). Grâce au mé- celui présenté cénat d’Anne Notaras, fille du dernier Megas Doux de ici — les orne-

28 ments, ordinairement rouges, sont réalisés avec de sortiront les princi- l’or pur selon un procédé original garantissant, à long paux ouvrages de terme, leur éclat. défense de la doc- trine orthodoxe. • BH I, 27 ; Venetia n°39 ; Graecogermania n° 37 et L’imposant Tomos p. 75-92. Agapes exposé ici V. C. est représentatif de cette production. Le but que s’y fixe Do- ———————— sithée est la défense de l’hésychasme 19 et de la théologie de Grégoire Pala- Charte en slavon datant de 1590 et non encore étudiée. mas († 1357). Mais — 54 x 47 cm. Archives de l’IFEB plusieurs textes de controverse anti- latine y sont an- ———————— nexés. Parmi eux, la Lettre encyclique à tous les orthodoxes promulguée 20 par Marc Eugénicos (ca 1392-1445) à l’issue du Con- cile de Florence.

L’exemplaire exposé porte la signature autographe de son auteur : ÔIerosoluvmwn Dosiqevou.

• BH II, 681 ; TB II, p. 659-711 et p. 672, n° 6 ; Byzance retrouvée, p. 103-104. V. C.

————————

20 bis [Dosithée II de Jérusalem] Tovmo~ ajgavph~ kata; Lativnwn sullegei;~ kai; tupwqei;~ (sic) para; Dosiqevou Patriavrcou Cachet de Dosithée II ÔIerosoluvmwn. ∆Epi; th`~ hJgemoniva~ tou` eujsebestavtou kai; de Jérusalem représen- ejklamprotavtou aujqevnto~ kai; hJgemovno~ kurivou ∆Iwavnnou tant le Christ ressuscité. ∆Antiovcou Kwnstantivnou, boebovda pavsh~ Moldoblaciva~, Inscription : DOÇIQEOU [Jassy] 1698. — 32 x 24 cm. IFEB R III 169 M A K A R I O T A T O U THÇ AGIAÇ POLEOÇ Orphelin à l’âge de huit ans, Dosithée (1641-1707) IEROUÇALHM * KURIOÇ entre précocement au monastère des Saints-Apôtres P(o)IM(hn) [?] * près de Corinthe. En 1657, il s’installe à Constanti- — diam. 4 cm. nople au Métoque du Saint-Sépulcre, se mettant au Archives de l’IFEB service des patriarches de Jérusalem Païssios (1645- 1160), puis Nectaire (1661-1669). Il est à son tour élevé à cette dignité en 1669. Durant les trente-huit années ———————— de son patriarcat, Dosithée déploie une activité excep- tionnelle pour la défense de l’orthodoxie et de son pa- 21 trimoine. En Palestine, il procède à la restauration de nombreux édifices, tels que le sanctuaire de Bethléem, [Nicodème l’Hagiorite] Nevon marturolovgion h[toi Martuvria s’exposant toutefois à de violents affrontements avec tw`n neofanw`n martuvrwn tw`n meta; th;n a{lwsin th`~ d’autres communautés, particulièrement les Latins et Kwnstantinoupovlew~ kata; diafovrou~ kairou;~ kai; tovpou~ les Arméniens. Fondateur d’écoles, organisateur de marturhsavntwn. Sunacqevnta ejk diafovrwn Suggrafevwn, la Bibliothèque patriarcale de Jérusalem et de la Bi- kai; met∆ ejpimeleiva~ o{ti pleivsth`~ diorqwqevnta. Kai; bliothèque du Métoque du Saint-Sépulcre, il renforce su;n Qew`/ nu`n prw`ton tuvpoi~ ejkdoqevnta, dia; sundromh``~ cette œuvre en établissant, en 1680, une imprimerie filocrivstwn kai; filomartuvrwn Cristianw`n, tw`n ejn th`/ grecque à Jassy en Moldavie. C’est de celle-ci que Eujrwvph/ pragmateuomevnwn. Eij~ koinh;n tw`n ∆Orqodovxwn

29 wjfevleian, Venise, Nicolas Glykes, 1799. — 21 x 16,5 cm. IFEB R II 8232

Œuvre anonyme, attribuée à Nicodème l’Hagiorite (1749-1809), moine de l’Athos, théologien, auteur et éditeur de nombreux textes de spiritualité, dont la célèbre Philocalie (Venise 1782), le Nouveau Martyrologe a l’ambition de dresser, selon un ordre chronologique — de 1492 à 1796 — la liste de quatre- vingt nouveaux martyrs, parure de l’Église orthodoxe dans ses moments les plus tragiques. Nicodème y reprend des sources connues ou anonymes, en particulier des offices ou acolouthies isolés qu’il rassemble en une unité. Il compose lui-même les vies des martyrs du XVIIIe s. qu’il a dans certains cas personnellement fréquentés. Il est aussi le premier à faire connaître la figure exceptionnelle du prédicateur On désigne par le terme de proskynetaria ou guides populaire Cosmas d’Étolie (1714-1779). de pèlerinage un groupe de manuscrits contenant Le Nouveau Martyrologe constitue une étape un texte — généralement en prose, mais parfois importante dans l’histoire des acolouthies isolées : en vers — décrivant plusieurs lieux consacrés, en non seulement il reprend les plus anciennes, mais particulier des monastères. Ils constituent un genre il fournit aussi des matériaux à celles qui lui seront littéraire à part, qui a connu un grand succès pendant postérieures. Louis Petit avait rassemblé un très l’époque ottomane. Les descriptions qu’ils donnent grand nombre de ces opuscules, rarement conservés sont particulièrement utiles pour plusieurs branches dans des bibliothèques en raison de leur caractère de la recherche : histoire, géographie, topographie, occasionnel et populaire. Une partie de cette précieuse archéologie. collection qui retrace l’histoire de la piété orthodoxe Un bon nombre de ces proskynetaria concernent les aux XVIIIe-XXe siècles peut être consultée à l’IFEB. Lieux Saints. Vingt d’entre eux, datés de 1643 à 1748 — Acolouthie exposée : [Antoine Georgiou] ∆Akolouqiva sont illustrés et constituent d’excellents exemples de tou` aJgivou kai; ejndovxou neomavrturo~ Kwnstantivnou tou` l’art populaire de cette époque. Au XVIIIe s., des ejk th`~ perifhvmou nhvsou th`~ ÔUdra~ o{sti~ uJpevsth proskynetaria imprimés des Lieux Saints prennent to;n uJpe;r Cristou` qavnaton ejn th`/ nhvsw/ th`~ ÔRovdou le relais des manuscrits et connaissent une grande ejn e[tei swthrivw/ 1800 th`/ 14 noembrivou, Athènes 1893 diffusion. Parmi eux se distingue celui de Chrysanthe [IFEB R II 20212/146]. Le néomartyr Constantin de de Brousse, kamarases du Saint-Sépulcre, édité en Hydra († 1800) avait été le fils spirituel de Nicodème 1807 aux frais du patriarche de Jérusalem Anthime l’Hagiorite. (1788-1808). Dans l’ouvrage de Chrysanthe, la description des • DS 11 [1981] 244 § 18 ; TB II, p. 905-978 et p. 933, n° 18 ; monuments de la Palestine se développe sur 110 Louis PETIT, Bibliographie des acolouthies grecques (Sub- pages. La moitié est consacrée à Jérusalem, puis l’on sidia Hagiographica 16), Bruxelles 1926. passe aux environs de la Ville Sainte pour aboutir V. C. enfin en Samarie où l’on découvre le puits de Jacob. 85 gravures sur cuivre, généralement de grandes dimensions, agrémentent le texte. On remarquera le ———————— portrait du patriarche Anthime faisant face à la page de titre ainsi que le complexe du Saint-Sépulcre (p. 22 28-29). Elle sont attribuées au graveur Christophe Zéphar. [Chrysanthe de Brousse] Proskunhtavrion th`~ aJgiva~ povlew~ ÔIerousalhvm kai; pavsh~ Palaistivnh~, sunteqe;n mevn parav • S. KADAS, OiJ ”Agioi Tovpoi. Eijkonografhmevna tou` panosiwlogiwtavtou aJgivou kamaravsh tou`` panagivou Proskunhtavria 17ou-18ou aij., Athènes 1998. kai; zwodovcou Tavfou kurivou Crusavnqou tou`` ejk Prouvsh~. Sotirios Kadas ∆Afierwqevn dev par∆ aujtou` tw`/ makariwtavtw/, qeiotavtw/ kai; aJgiwtavtw/ patriv kai; patriavrch/ th`~ aJgiva~ povlew~ ÔIerousalhvm kai; pavsh~ Palaistivnh~ kurivw/ kurivw/ ∆Anqivmw/, ou\ toi`~ ajnalwvmasin ejxedovqh eij~ dianomh;n tw`n eujsebw`n cristianw`n. ∆Epistasiva/ ∆Apostovlou Mpovra, Vienne, Johanna Schreibel, 1807. — 33 x 22 cm. IFEB III 283

30 ( EXPRESSIONS DU RITE )

Les textes liés à la vie liturgique orthodoxe sont restés multiformes tant qu’ils ont été véhiculés par des manuscrits, dans lesquels les choix régionaux ou liés à tel ou tel monastère pouvaient se maintenir. A partir du XVIe s., l’essor de l’imprimerie les soumet à une uniformisation involontaire. En effet, les presses de Venise diffusent à bon prix des Ménées, Triodes, Pentacostaires, etc., qui connaissent un succès immédiat dans le monde grec. Il en est de même dans l’orthodoxie slave avec d’imposantes éditions, dont l’Euchologe de Pierre Mohyla est le plus bel exemple. Cependant, les orthodoxes n’ont pas le monopole de ces publications. A Rome, la congrégation de Propaganda fide diffuse aussi des livres liturgiques conformes au rite grec. Ces livres sont traduits en plusieurs langues, slaves ou orientales, pour les besoins des missions. Il n’est pas toujours facile de les distinguer de ceux issus des presses orthodoxes, car ils ne divergent que sur quelques points (omission de certaines fêtes, insertion du Filioque à une époque très tardive). Dans ce contexte apparaissent aussi des livres singuliers, devenus très rares aujourd’hui : les livres grecs en caractères latins et les livres turcs en caractères grecs. Ils sont liés à l’histoire de minorités — catholiques de l’Empire ottoman, orthodoxes turcophones — dont le souvenir s’estompe au XXe s. Les textes liturgiques du rite grec n’ont pas encore été rassemblés en corpus critiques, comme les textes historiques : l’Euchologe de Jacques Goar est ainsi la première et la dernière tentative en ce sens. De même, les études qui leur sont consacrées restent limitées par rapport à la masse de documentation existante. Il s’agit là d’un domaine dont la recherche scientifique n’a pas encore pris entièrement possession. V. C.

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[Pierre Mohyla], , albo Molitvoslov ili Trebnik, Kiev 1636. — 35 x 23 cm. IFEB R III 857

Les Movila sont une importante famille de seigneurs moldaves. L’un de ses rejetons, connu sous le nom de Pierre Mohyla (en ukrainien) ou Mogila (en russe), fut l’artisan du renouveau de l’Église orthodoxe à Kiev. En 1596, en vertu de l’Union de Brest, l’Égli- se orthodoxe avait été remplacée par une Église uniate, ou catholique de rite grec, sur les territoires biélorusses et ukrainiens (« ruthènes ») qui faisaient alors partie de l’État polono-lituanien. Toutefois, un nombre important d’orthodoxes refusaient d’adhé- rer à l’Union. En 1633, le roi de Pologne Ladislas IV dut accepter la restauration d’une Église orthodoxe ruthène dont Mohyla fut le premier métropolite jus- qu’à sa mort, en 1647. Tout en restant un loyal sujet du roi de Pologne, il s’employa à défendre et illus- trer sa confession. Dès 1628, il avait fondé au mo- nastère des Grottes de Kiev une école qui devint en- suite un Collège dont les jeunes élèves devaient être éduqués dans la foi orthodoxe, mais en trois langues (slavon, latin et grec), avec des méthodes adaptées

31 des Jésuites. Ce collège est à l’origine de l’Académie 25 de théologie de Kiev. Mohyla fit aussi imprimer plu- sieurs ouvrages, dont l’Euchologe (1636) où figurent en bonne place les armes de sa famille. Enfin, vers 1640, il rédigea, d’abord en latin, son Homologia, ou Confession de la foi orthodoxe, qui fut approuvée par les patriarches d’Orient (1643) et connut une grande diffusion dans le monde slave orthodoxe. P. Gonneau

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[Jacques Goar] Eujcolovgion, sive Rituale Graecorum complectens ritus et ordines divinae liturgiae, officiorum, sacramentorum, consecrationum, benedictionum, funerum, orationum & c. cuilibet personae statui, vel tempori congruos, [Germain de Néopatras et. al.] ∆Anqologiva su;n Qew`/ aJgivw/ juxta usum orientalis Ecclesiae […]. Interpretatione latina, perievcousa ta; ijdiovmela stichra; pasw`n tw`n despotikw`n nec non mixobarbarum vocum brevi glossario, aeneis figuris, kai; panhgurikw`n eJortw`n. ∆Ekalopivsqh de; para; Germanou` & observationibus ex antiquis PP. & maxime graecorum ajrcierevw~ Nevwn Patrw`n. Mh;n septevmbrio~ eij~ ta;~ ojktwv theologorum illustratum, Paris, Piget, 1647. — 36 x 24 cm. to; Genevsion th`~ ÔUperagiva~ Qeotovkou. ÔEspevra~ stichra; IFEB R III 26 ijdiovmela h\co~ pl. d v Shvmeron oJ toi`~ noeroi`~ qrovnoi~ ... — 23 x 17 cm. Ms. IFEB 17 (début XVIIIe s.) Le dominicain Jacques Goar (1610-1653) occupa pendant six ans la charge de prieur du couvent Saint- Les années 1650-1720 sont marquées par un essor Sébastien sur l’île de Chio (1631-1637). Là, tout en de la musique ecclésiastique grecque en territoire exerçant les fonctions de missionaire apostolique, il ottoman : le chant traditionnel est renouvelé, de étudia de près les rites de l’Église grecque. Puis il se nouveaux genres sont introduits dans le répertoire. rendit à Rome (1637-1644), où il fut fait prieur du On assiste aussi aux premiers efforts de simplifica- couvent de Saint-Sixte ; il entra alors en relations avec tion de la notation, en usage depuis le XIIe s. Enfin, plusieurs grecs ou hellénistes tels que Léon Allatios des ateliers organisés ou des copistes isolés produi- (cf. n° 15), Basile Falasca ou Georges Koressios (ca sent une masse importante de manuscrits musicaux 1566-ap.1659). Il rapporta de ses voyages un bon de très bonne qualité. nombre de manuscrits, aujourd’hui conservés à la Le mouvement est Bibliothèque nationale de France. inauguré par Chry- L’Euchologe, œuvre d’une remarquable érudition, saphès le jeune, prô- parut peu de temps après le retour de Goar à Paris. Il topsalte de la Grande s’agit d’une édition de la plupart des offices liturgiques Église (fl. 1650-1685) grecs, agrémentée d’une traduction latine et de notes et auteur du Neon explicatives abondantes, et illustrée de quelques Sticherarion. Chry- gravures et de croquis : représentations de célébrants, saphès sera suivi par mais aussi d’objets nécessaires à la préparation de toute une génération l’Eucharistie (p. 116-117). de compositeurs : L’ouvrage est encore utilisé par les spécialistes de la Germain métropo- liturgie, en l’absence d’une édition critique complète lite de Néopatras (fl. des offices byzantins. A noter également : l’Euchologe 1660-1685), son dis- de Goar a un caractère purement scientifique et n’a ciple, Balasios, prê- jamais servi au culte, contrairement à l’Euchologe de tre et nomophylax Pierre Mohyla. de la Grande Église (fl. 1670-1700), le • DTC VI [1920], 1467-1469 ; Byzance retrouvée n° 39. très populaire Petros V. C. Bérékétès (fl. 1680- 1710/15), etc. Leur influence sera déter- minante jusqu’à la réforme de la nota-

32 tion musicale opérée en 1814. Le manuscrit exposé rassemble une anthologie d’œuvres de cette école. On y trouve ainsi, entre autres, des compositions de Chrysaphès, Germain de Néopatras, Balasios, Gazès Panos, Jean de Jannina, Manuel Goutas, Petros Bérékétès. Nous avons pu identifier son copiste : il s’agit d’un certain Agapios Hiérodiacre qui a noté son nom à l’intérieur d’une initiale, au f°50v. Or, un Agapios nous est connu pour avoir copié deux autres manuscrits musicaux en 1741 et 1742. De même, le manuscrit Constan- tinople, Métochion du Saint-Sépulcre 143 (XVIIe- XVIIIe s.) a pour copiste un Agapios Hiérodiacre. Mais ces éléments doivent encore être analysés. On remarquera seulement ici que son écriture, à l’encre noire et rouge, est soignée, calligraphiée et élégante. Elle est agrémentée de nombreux ornements. La reliure, d’origine, est décorée de deux mandorles centrales polylobées estampées à chaud : une Cruci- fixion sur le plat principal et une Mère à l’enfant (cf. Athanasiades, types 4a et 15a). Plusieurs manuscrits comportant des décorations similaires sont conservés au Mont Athos.

• Chr. Athanasiades, « Sunagwgh; bibliodetikw`n diakosmhtikw`n qemavtwn se; eJllhnika; ceirovgrafa kai; palaia; e[ntupa », Deltivo tou` iJstorikou` kai; devenues turcophones. Refusant cependant d’adop- palaiografikou` ajrceivou 6 (1988-1992), p. 647-681 ; ter les caractères arabes dans l’écriture, elles conti- M. Chatzegiakoumes, ÔH ejkklhsiastikh; mousikh; tou` nuaient à utiliser les caractères grecs. ÔEllhnismou` meta; th;n ”Alwsh (1453-1820), Athènes Le premier document présentant une telle écriture 1999. date du milieu du XVe s. Il s’agit d’un exposé sommaire V. C. - D. Zaganas de la foi chrétienne, composé par le patriarche Gennadios Scholarios († ca 1472) à la demande de Mahomet II, puis traduit en turc. Il est reproduit ———————— dans les Turcograeciae libri octo de Martin Crusius (Bâle 1584, p. 109-120). Ce n’est toutefois qu’à partir 26 de 1718 que seront diffusés des imprimés karamanlis d’usage courant, à contenu presque exclusivement [Séraphin d’Adalia] Yalthvrion Dabi;d Patissa;c Be; religieux. Cette production est dominée par la figure Pagamperi;n Tespicatlarila;n Perapevr. Ssivmpti de Séraphin de Pisidie, ou Séraphin d’Adalia, moine “Iptitassi ∆Allaci;n louvtfou keremivgilen, Gionani; de Kykkos puis métropolite d’Ankara (1773-1779). lisanintavn, Tiou;rk ntiline; terzoume; ojlountou`, Savphka L’ouvrage ici exposé en est un exemple. ∆Egkiourou; Mhtropoluouttouv, ∆Attavleiali, Serafei;m Un siècle plus tard, plusieurs ouvrages didactiques raciptevn. Tzevmi Cristianligh;n Kifaetligi; ijtzhvn. voient le jour. Le karamanli sert alors à l’enseigne- ∆Agianlari;n ∆Aznivgilen, Binetikte; Pasmai>a`/ Beriltei`, ment de la grammaire, de la littérature, de l’histoire, Venise, Nicolas Glykes, 1767. — 23 x 18 cm. de la géographie, mais aussi de la médecine. Certains IFEB R II 8066 romans sont aussi transcrits en karamanli. Dans ce cadre émerge le nom d’Evangélinos Misaélidès, Les textes rédigés en langue turque mais écrits ou grec de Constantinople. Enfin, jusqu’au début du imprimés en caractères grecs sont désignés du terme XXe s. des traductions de la Bible seront données en de karamanlidika, par référence à la région de Kara- karamanli par des Sociétés protestantes implantées manie en Asie Mineure (anciennes Lycaonie, Phrygie, en Orient. Pamphylie, Isaurie, Cappadoce, Cilicie orientale), où Le fonds le plus considérable d’ouvrages karamanlis vivaient la plupart des populations qui en faisaient (500 vol.) est conservé à la bibliothèque de l’Académie usage. Un quartier karamanli existait aussi en plein d’Athènes. L’IFEB en possède quant à elle plusieurs cœur de Constantinople jusqu’au milieu du XIXe s. dizaines. Ces populations étaient chrétiennes orthodoxes, mais elles avaient abandonné la pratique du grec et étaient • S. Salaville, E. Dalleggio d’Alessio, Karamanlidika.

33 Bibliographie analytique d’ouvrages en langue turque intention des ouvrages religieux (catéchismes, livres imprimés en caractères grecs, I-III, Athènes 1958-1974 de prières, livres de piété et d’édification) en langue (cf. en particulier I, n° 16 [1782] et 44 [1810]) ; E. Balta, grecque et en caractères latins. Karamanlidika. Bibliographie analytique, additions 1584- Le premier de ces ouvrages paraît à Rome en 1595 : 1900, Athènes 1987, n° 1. il s’agit du catéchisme de Jacques Ledesma (1519- V. C. 1575), traduit en grec démotique par le jésuite Vincent Castagnola de Chio ; il est suivi, en 1602, de la traduction du catéchisme de Robert Bellarmin ———————— (1542-1621). Mais Rome n’a pas l’exclusivité de cette production. Des ouvrages grecs en caractères latins 27 paraissent à Venise, à Messine, à Padoue, mais aussi à Chio, à Syros et surtout à Smyrne, où ce type d’édition Filosofia cristianiki periechusa dhiafora psichofelestata connaît un certain essor au cours du XIXe s., grâce mathimata, Ancône 1798. — 11,5 x 6,5 cm. IFEB R I 8618 aux efforts du lazariste Achille Elluin. Quoique édités à quelques milliers d’exemplaires, la Dans les grandes villes de l’Empire Ottoman, les plupart de ces livres sont aujourd’hui d’une extrême étrangers d’origine occidentale étaient amenés à rareté. En conséquence de l’usage qui en a été fait par vivre dans les milieux grecs et à adopter leur langue, des générations successives, ils portent aussi les tra- en particulier le grec démotique, langue parlée ces de l’usure du temps. Tel est le cas de l’exemplaire et non écrite. Tel exposé, un livre de était le cas des piété sur lequel ont Gênois d’Edirne été notées à la main kapi ou de Galata, de courtes prières, à Constantinople, également en grec dont on sait qu’ils démotique et en ca- ne parlaient plus ractères latins. que le grec et le turc dès le XVIe s. • E. Dalleggio d’Ales- Dans ce contexte, sio, « Bibliographie la prédication se analytique d’ouvrages faisait aussi en grec religieux en grec impri- dans les églises més avec des caractères catholiques. latins », Mikrasiatikav Cependant, la plu- Cronikav 9 (1961), p. part de ces catholi- 385-401 (spécialement ques hellénophones p. 418-419). n’avaient pas accès V. C. au grec savant. On réalisa donc à leur

34 Abréviations

AOC Archives de l’Orient chrétien, Paris 1948-

BH I É. LEGRAND, Bibliographie hellénique ou description raisonnée des ouvrages publiés en grec par des Grecs aux XVe et XVIe s. I-IV, Paris 1885-1906; réimpr. Paris 1962.

BH II É. LEGRAND, Bibliographie hellénique ou description raisonnée des ouvrages publiés par des Grecs au dix-septième s. I-V, Paris 1894-1896; réimpr. Paris 1962.

Byzance retrouvée M.-F. AUZEPY, J.-P. GRELOIS (dirs.), Byzance retrouvée. Érudits et voyageurs français (XVIe-XVIIIe s.), Paris 2001.

DBF J. BALTEAU et al. (dir.), Dictionnaire de biographie française, Paris 1933-

DH H. DENZINGER, Symboles et définitions de la foi catholique. Éd. P. Hünermann, J. Hoffmann, Paris 1997.

DS E. VILLER et al. (dir.), Dictionnaire de spiritualité, ascétique et mystique : doctrine et histoire I-XVII, Paris 1931-1995.

Graecogermania D. HARLFINGER, R. BARM, Graecogermania. Griechischstudien deutscher Huma- nisten, Wolfenbüttel 1989.

Griechischer Geist Griechischer Geist aus Basler Pressen (Publikationen der Universitätsbibliothek Basel 15), Bâle 1992.

KAEPPELI T. KAEPPELI, Scriptores ordinis praedicatorum Medii Aevi I-III, Rome 1970-1980.

OCA Orientalia christiana analecta, Rome 1935-

PODSKALSKY G. PODSKALSKY, Griechische Theologie in der Zeit der Türkenherrschaft (1453-1821). Die Orthodoxie im Spannungsfeld der nach-reformatorischen Konfessionen des Westens, Munich 1988.

REB Revue des études byzantines, Bucarest, Paris 1946-

TB II C. G. CONTICELLO, Vassa CONTICELLO (dir.), La théologie byzantine et sa tradi- tion II (Corpus christianorum), Turnhout 2002.

Venetia M. MANOUSSACAS, C. STAÏKOS, Venetia quasi alterum Byzantium. Le edizioni di testi greci da Aldo Manuzio e le prime tipografie greche di Venezia, Athènes 1993.

35 Comité d’organisation Jacques BRIEND, Directeur scientifique de la BOSEB Vassa CONTICELLO, EPHE, Directrice scientifique de la bibliothèque de l’IFEB Albert FAILLER, Directeur de l’IFEB Jean-Pierre GRELOIS, UMR 7572 Delphine GUIBERT, Bibliothécaire de la BOSEB Marie-Dominique LE GALL, Bibliothécaire de l’IFEB Isabelle LIEUTAUD, Chercheur Martine STEWARD, Conservateur de la bibliothèque Jean de Vernon

Catalogue réalisé sous la direction de Vassa CONTICELLO et Martine STEWARD, avec la collaboration de Jean-Pierre GRELOIS.

Rédacteurs Jacques BRIEND Carmelo Giuseppe CONTICELLO, CNRS, UNESCO Vassa CONTICELLO Roselyne DUPONT-ROC, ICP Albert FAILLER Pierre GONNEAU, EPHE, Paris-IV Jean-Pierre GRELOIS Sotirios KADAS, Université de Thessalonique Florence MALBRAN-LABAT, ICP-ELCOA Claude OBSOMER, ICP-ELCOA Jacques-Noël PERES, IPT, ICP-ELCOA Claude TASSIN, ICP Liliane VANA, EPHE, ICP-ELCOA Dimitrios ZAGANAS, EPHE

Photographies Kim LOEBER

Montage audiovisuel Isabelle LIEUTAUD Photographies : Jean-Claude MARMORAT, Architecte ; Marie-France AUZEPY, Paris-VIII ; Centre Gabriel Millet-EPHE.

Scénographie Nathalie MARY

Remerciements ICP : Geneviève Médevielle, Recteur par interim - Odile Dupont, Directrice des bibliothèques - Yves Lebrec, Conservateur - Service communication - Services généraux - Direction de l’immobilier - Musée Bible et Terre Sainte. Bibliothèque Jean de Vernon : Christian Chauvelot - Florence Chevalier - Michèle Devémy - Frédéric Riesterer - Christel Vince.

M. le Maire et le service culturel de Paris VIe. France 2. Institut d’études slaves. Chorale byzantine dirigée par D. Zaganas. Daniel Assefa.

Paris 2005 [email protected] www.icp.fr Information :0144395232 21 rued’Assas-75006Paris Bibliothèque JeandeVernon •BOSEB-IFEB Institut CatholiquedeParis

Artwork : Indra Granger - Imprimerie : Axiom Graphic Photo couverture : la ville de Jérusalem dans la carte-mosaïque de Madaba - © Studium Biblicum Franciscanum (Jérusalem) ORIENTS ORIENTS ORIENTS ORIENTS ORIENTS 10 ème anniversairedelabibliothèqueJeanVernon Institut CatholiquedeParis BOSEB -IFEB