Revue Forestière Française La Forêt Haut-Marnaise
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REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE 1952 β JUILLET-AOÛT N° 7-8 Dans ce numéro : COINTAT et CHOULET : La forêt haut-marnaise sous le Premier Empire. — VERGNEAU: La vidange par câble-lasso. — LEFEBVRE, RABOUILLE et VALETTE: Les reboisements en Ecosse. — LESAGE: La forêt domaniale de Lyons. — BADRÉ: Evolution des aménagements des futaies ré sineuses dans l'Est de la France. — L. SCHAEFFER: Les révisions d'aména gement. — Cl. JACQUIOT: Principe d'une méthode biologique d'écorçage des bois de taillis. — Progrès récents dans la lutte contre les insectes des bois mis en œuvre. — L. S. : La rente foncière. LA FORÊT HAUT-MARNAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE Indice bibliographique: F 09.1 (44.33) A la fin de la Révolution, le patrimoine de l'Etat se trouvait agrandi des biens ecclésiastiques et de la majeure partie de ceux des émigrés. D'un autre côté, certaines propriétés communales s'étaient enrichies de quelques usurpations faites aux dépens des seigneurs locaux. Les forêts n'avaient pas échappé à ces règles générales et la jeune administration forestière impériale avait reçu de ce fait la garde et la gestion d'un domaine singulièrement augmenté. Un de ses pre miers actes fut de dresser un inventaire des forêts impériales et communales. C'est ainsi que, par un ordre du Conservateur de Dijon, daté du 29 novembre 1808, les forêts haut-marnaises furent recensées. A cette époque, le département de la Haute-Marne comprenait, comme aujourd'hui, trois inspections : Chaumont, Langres et Was- sy, et les inventaires établis, qui nous sont parvenus à peu près complets, notamment pour les régions Sud et Nord, permettent de faire une synthèse intéressante sur la forêt et la foresterie haut-mar naise, au cours de la période napoléonienne. I. — FORÊTS IMPÉRIALES ET COMMUNALES Les forêts impériales comprenaient, outre les anciennes forêts royales, les biens confisqués depuis 1790, aux ecclésiastiques et aux émigrés. Suivant leur origine, les forêts Inspections de de l'Etat se décomposaient ainsi : Wa^ Chaumont Langres Forêts de l'ancien domaine royal... 1.938 ha 1.565 ha 1.525 ha Forêts ecclésiastiques 4.044 ha 5.000 ha (1) 11.636 ha Forêts des émigrés 12.449 ha 12.000 ha (1) 1,064 ha 18.431 ha 18.565 ha 14.225 ha soit au total un peu plus de 51.000 hectares. (1) Chiffres approximatifs, les renseignements étant incomplets. 454 REVUE FORESTIERE FRANÇAISE Les forêts ayant appartenu au Roi faisaient tout d'abord partie du domaine royal de Saint-Dizier (Haie-Renaut et 4' cantons de la forêt du Val) et comprenaient dans le centre et au Sud du dé partement les forêts domaniales actuelles des Pointes (massif des Dhuits), d'Ageville, de Rougemont, du Trabat, etc.. Les trois-quarts des forêts confisquées aux émigrés constituaient les biens du Duc d'Orléans avec notamment le groupe des forêts du Vallage et du Der (8.192 ha - forêt du Der, du Val de Join- ville, de Mathons, de la Saunoire, etc..) et la forêt d'Arc et Cha- teauvillain (10.500 ha). Le Comte d'Artois avait apporté 3.584 hectares avec 8 cantons de la forêt du Val et la forêt de Wassy. Avec la loi du 5 décembre 1814, ces forêts furent restituées à leurs propriétaires, et par suite d'échanges ou d'acquisitions diver ses, ne sont redevenues domaniales que la Garenne de Perthes, les Six-Arpents (dans le Val) et le Der. Les autres forêts des émigrés étaient peu nombreuses et encore la confiscation de la plupart est restée en litige et ne fut jamais pro noncée définitivement. Les forêts d'origine ecclésiastique appartenaient tout d'abord pour les petits massifs aux communautés religieuses locales : ab bayes, prieuré, fabriques, Minimes, Bénédictines, Dames régentes, etc.. Parmi les gros propriétaires religieux dépossédés, il y a lieu de citer : — l'abbaye d'Auberive, qui avait abandonné 4.928 ha. — le chapitre de Langres, qui était propriétaire de 2.276 ha. — l'abbaye de Clairvaux avec les forêts des Dhuits et de Blin- fey (2.016 ha). —• l'abbaye de St-Urbain (forêt du Pavillon), l'abbaye de Mon- tier-en-Der (forêts de la Boulaye, Montierender, et du Hallier), l'abbaye St-Rémy de Reims (forêt de Louvemont), le chapitre St-Laurent de Joinville (forêt de la Haie-Renaut, série de Chancenay), l'abbaye de Morimond (forêt de Morimond), l'ordre de Malte (forêts du Corgebin, des Templiers, etc.), etc.. Les forêts communales étaient pour la plupart constituées sous le Ier Empire, et nous retrouvons pratiquement les mêmes massifs qu'actuellement. Toutefois, certaines communes considérées lors de l'enquête de 1808 comme propriétaires de leurs forêts, n'étaient en réalité qu'usagères. Il s'ensuivit à partir de 1820, une série de procès qui eut des résultats divers, et qui aboutit parfois à des cantonnements de droits d'usage: Procès entre les habitants de Gillancourt et l'Etat pour la forêt des Templiers, procès intenté par la famille de Béthune-Sully, héritière des comtes de Vignory, contre les 26 communes usagères des Baronnies de Vignory, de Sexfontaines et de la Voire, etc.. LA FORÊT HAUT-MARNAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 455 II. — ETAT DES PEUPLEMENTS Sous le Ier Empire, les forêts se ressentaient fortement des abus commis pendant la période révolutionnaire. Bien souvent, dans les forêts communales, les aménagements avaient été délaissés et les coupes effectuées avant Tage d'exploita- bilité. Notamment sur le plateau de Langres, de nombreux massifs étaient réduits à l'état de broussailles. La commune d'Andilly avait anticipé sur ses coupes, et la cou pe n° 1 la plus âgée, n'avait que 14 ans en 1808. A Varennes, la commune avait même déplacé le quart en réserve. A côté des coupes abusives, le pâturage était responsable des vides et des clairières. La surveillance n'était pas toujours exer cée efficacement. Les salaires des gardes étaient insuffisants, des parties de forêt étaient confiées à des gardes-champêtres « qui n'avaient pas de traitement assigné pour cette partie de leur ser vice ». Toutefois, des efforts furent faits sous le Ier Empire pour parer à cette dégradation intensive des peuplements (repiquements de glands, création de fossés, etc.). Dans le Nord du département, les concessions de minerais de fer bouleversaient également les massifs, mais les adjudicataires étaient tenus, la concession terminée, de niveler et de reboiser les parties exploitées, avec un mélange de chênes, d'aulnes, de saules, de trem bles et de bouleaux. Toutefois, dans les forêts impériales, le nombre des réserves était satisfaisant, mais la futaie était généralement jeune et était constituée par une majorité de baliveaux et de modernes. Un peu avant la Révolution, le Duc d'Orléans avait affermé ses bois de la gruerie d'Eclaron (Le Der et le Val) de Joinville et de Mathons, pour une durée de 9 ans, et comme l'aménagement de ces forêts fixait une révolution de 18 à 20 ans, à peu près la moitié de'ces massifs furent dégarnis de futaies. Comme actuellement, les forêts étaient composées de chêne et de hêtre, le chêne obtenant son plus beau développement sur les marnes du Der et du Bassigny. Cependant, à cette époque, le hêtre avait une plus grande extension qu'aujourd'hui. Il suffit par exemple d'examiner les forêts des régions de Wassy, St-Dizier et Montierender, où le chêne est aujourd'hui l'essence à peu près ex clusive : — la forêt de la Haie-Renaut (série de Chancenay) comprenait 90 arbres par hectare, dont moitié en hêtre. Les chênes étaient ré putés comme de médiocre qualité. — le canton de la Belle Faysse, près de Wassy, était composé de 100 arbres par hectare. Les chênes y étaient très beaux, mais un quart de la futaie était en hêtre. 456 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE Dans la forêt du Der, canton de St-Rémy-Artois (aujourd'hui IVe série de la forêt domaniale), les hêtres étaient réputés comme très beaux, et formaient un tiers des 80 arbres de la réserve. En résumé, les hêtres étaient cantonnés sur les calcaires, sur les marno-calcaires (jurassique et crétacé inférieur) et sur les sables (aptien). Le chêne était exclusif sur les marnes et argiles. Aujour d'hui, le hêtre a été éliminé peut-être à tort, des sables aptiens de la région du Der et du Perthois. La grande préoccupation des forestiers impériaux était déjà la disparition des baliveaux chênes, essence précieuse par excellence pour la marine. Comme un leit-motiv reviennent des phrases de ce genre: « les chênes sont très abondants, d'une élévation et d'une struc- « ture admirables, mais on regrette que les taillis qui sont (( aussi très beaux ne reproduisent que peu de brins de chênes, « propres à faire des baliveaux ». (Forêt de Wassy, canton de Maupas). Les baliveaux chênes ne sont abondants que dans les forêts rui nées et pauvres en réservé (moins de 50 à l'hectare: Mathons, Es- nouveaux, la Saunoire, etc.). Dans-les autres et sur calcaire, seul le hêtre se reproduit, ce qui nous paraît maintenant normal. III — AMÉNAGEMENTS Les forêts communales étaient aménagées en taillis sous futaie, avec une révolution de 20 à 30 ans, mais de très 'nombreux mas sifs n'étaient pas aménagés en 1810. Pour l'Inspection de Langres : 84 forêts communales étaient aménagées, soit 15.769 ha 82 forêts communales n'étaient pas aménagées, soit 9.691 ha 25.460 ha En outre, la forêts de l'Hospice de Langres (60 ha) était exploi tée à la révolution de 10 ans. Pour les 84 forêts réglées : — 37 avaient été aménagées avant -1750, mais 25 de ces amé nagements n'étaient pas encore assis sur le terrain en 1810, onze aménagements étaient compris entre 24 et 27 ans.