Uruffe depuis le -âge Jusqu’à la Révolution

A 9 km de Vaucouleurs et à 20 km de , aux confins du département de Meurthe-et-Moselle, Uruffe est un petit village logé dans une vallée parcourue par l’Aroffe qui va se jeter dans la Meuse à Rigny-la-Salle et qui a pour affluent la Deuille ; des plateaux couverts de forêts ou de landes l’encadrent. Une terre au climat rude, la vallée étant orientée Nord-est : la mauvaise vallée, en patois lorrain la manre vallée. Un sobriquet suggestif ne disait-il pas jadis : « AiYaireuf, L’diable y crève » (sous-entendu de faim) ?

Selon une formule ancienne consacrée, reprise par l’historien Henri Lepage au 19ème siècle, Uruffe aurait été un village assez considérable de l’ancien Duché de Bar, et plus précisément du Barrois mouvant. Les territoires du Barrois, placés dans la mouvance ou dépendance de la dès 1301, constituèrent le Barrois mouvant par opposition au Barrois indépendant. En fidèles du roi de France, les comtes puis les ducs de Bar accomplissent périodiquement la cérémonie rituelle de la foi et de l’hommage et s’acquittent envers le roi du devoir des vassaux qui est d’aider son seigneur ou suzerain à la guerre. La mouvance s’intègre donc dans les liens d’homme à homme qui caractérisent la féodalité. Au 15ème siècle, les ducs de Lorraine, héritiers du Barrois devenu duché en 1354, reconnurent à leur tour la suzeraineté de la France sur le Barrois mouvant et s’acquittèrent de l’hommage dû. La mouvance, tête de pont à l’est du royaume de France, fut au 17ème siècle un instrument efficace de pénétration française. (Monique Taillard)

L’abbé Petitgand, qui fut curé du village de 1850 à 1892, note qu’autrefois Uruffe a été une ville de 3.000 habitants (1), d’après un parchemin conservé au Château de . : « Les fossés, dont on remarque encore les traces autour du cimetière actuel, font supposer qu’au centre se trouvait un château-fort avec les débris duquel on a construit l’église qui fut détruite pour faire celle qui existe aujourd’hui au milieu du village. » Et un peu plus loin : « un quartier du territoire est encore appelé : devant la ville. » (2) Quoiqu’il en soit, Uruffe dont le ban avec celui de Pagny-la-Blanche-Côte se trouvait isolé à l’Est de la Meuse (3) était encore, au début du 15ème siècle, un pauvre village faiblement peuplé, puisque en 1411 le duc Edouard de Bar devait consentir par lettres patentes à ses habitants les franchises ou allègements en matière de charges pesant sur les terres roturières, afin d’en favoriser le

Recherche et texte de Marie-Thérèse BAGNON épouse MARTIN Source : http://www.moreau-christian.com.fr/index.htm

peuplement. Une politique qui serait reconduite par René d’Anjou, dit encore le Roi René, et que ses descendants René II et Antoine devaient poursuivre. (4)

(1) : d’après la monographie de 1887-1888 rédigée par M. Gille,instituteur, il n’y avait pas à Uruffe d’archives antérieures à 1650. Détruites par les Suédois pendant la guerre de Trente Ans ? Il n’y a pas d’ailleurs d’actes paroissiaux consultables avant 1650. Les monographies ont été réalisées à la fin du 19ème siècle par les instituteurs à la demande du Ministère de l’Instruction publique, pour la préparation des expositions de l’enseignement primaire à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1889, le but étant de valoriser l’enseignement primaire public mis en place par les lois Jules Ferry. L’instruction générale pour leur participation, relayée par les inspecteurs d’Académie, fut donnée aux instituteurs le 31 juillet 1887.

(2) : devant la ville : le terme ville est parfois utilisé dans la toponymie rurale, ce qui n’implique pas obligatoirement la présence d’une importante localité.

(3) : le Barrois dit mouvant s’étendait à l’Ouest de la Meuse. Or Uruffe et Pagny-la-Blanche-Côte étaient situés à l’Est du fleuve.

(4) : René d’Anjou avait hérité en 1419 le Duché de Bar de son grand-oncle, le Cardinal Louis de Bar. Il épousait en 1420 Isabelle, la fille du Duc de Lorraine Charles II. Celui-ci décédé en 1431 sans héritier mâle, René devenait ainsi duc de Lorraine et du Barrois.

Le 17ème siècle, un siècle de guerres

D’après l’Etat temporel des paroisses de 1707, Uruffe relevait directement du bailliage de Gondrecourt, les causes de première instance y étant traitées par les officiers de la prévôté, en appel au baillage du même lieu, en dernier ressort à Châlons pour les cas présidiaux et à Paris pour le surplus, le Parlement de Paris se réservant donc les affaires les plus graves.

Les duchés allaient se trouver entraînés dans les guerres aventureuses de Charles IV allié aux Habsbourg catholiques contre le roi de France allié aux princes protestants. La question de la mouvance du Barrois parfois contestée au 16ème siècle était devenue au 17ème, sous les Ministériats de Richelieu et de Mazarin, « un des points essentiels du contentieux entre le Roi et Charles IV, le Roi exigeant l’hommage dû, moyen de pression sur un allié peu sûr, le duc faisant de son refus le symbole de son indépendance et de sa résistance aux progrès français dans ses duchés. » (Monique Taillard)

Recherche et texte de Marie-Thérèse BAGNON épouse MARTIN Source : http://www.moreau-christian.com.fr/index.htm

L’abbé Petitgand évoque dans ses notes la guerre de Trente Ans, gravée dans la mémoire des générations qui allaient suivre : « sous l’invasion des Suédois de 1630 à 1636, le bourg d’Uruffe avait été détruit comme tant d’autres, 300 bourgs ou villages. » Il mentionne en outre la présence de familles très aisées à Uruffe : « En creusant le sol, on a trouvé en effet des débris de meubles, d’ustensiles, du charbon, des pierres sculptées ayant appartenu à des maisons somptueuses. On a trouvé à diverses fois, et en assez grand nombre, des pièces de monnaie anciennes, notamment des Ducs de Bar et de Lorraine ». Des nobles, particulièrement nombreux dans les Duchés de Bar et de Lorraine, y ont en effet possédé des biens.

Après la Paix de Westphalie de 1648, la guerre devait se poursuivre avec l’Espagne jusqu’au Traité des Pyrénées de 1659 pour reprendre un peu plus tard. Le Grand Siècle du Roi-Soleil fut donc largement occupé par les guerres.

D’après les divers documents de la commune consultés par M. Gille, instituteur, Uruffe aurait compté 138 habitants en 1650. Si l’on se reporte aux renseignements fournis par l’Etat temporel des paroisses de 1707, publiés par Henri Lepage dans son ouvrage « Les villages de la Meurthe », la population serait alors composée de 36 feux, y compris les veuves, les pauvres et les réfugiés, soit au plus 180 personnes selon les normes établies. D’après la déclaration fournie en l’an 1700 par les habitants, leur communauté possédait 250 arpents de pâquis et le droit de prendre son affouage dans 1200 arpents de bois, moyennant une redevance annuelle d’un resal d’avoine, d’une poule et d’un gros (monnaie) par habitant. L’arpent, une ancienne mesure de superficie difficile à évaluer de manière précise ; sa valeur est variable selon les endroits et peut tout au plus atteindre 0 ha 5.

Lorsque Léopold, fils du Duc exilé Charles V et petit-neveu de Charles IV, sera appelé à gouverner les duchés après la paix de Ryswick de 1697 qui lui rend ses Etats, ceux-ci sont exsangues et beaucoup de ses sujets, devenus des pauvres et des mendiants. La dépopulation est générale dans les duchés de Lorraine et du Barrois. Au 18ème Siècle, le redressement

Après les épreuves du 17ème siècle, la période qui s’ouvre sera une période de relative stabilité et de redressement économique. Le nouveau siècle ne connaitra pas les grandes épidémies, la peste de Marseille en 1720 étant la dernière connue ; l’agriculture enfin progresse.

Léopold, en dépit de ses sympathies pour les Habsbourg, se tiendra prudemment à l’écart de la guerre de Succession d’Espagne qui s’ouvre en 1702. Par son mariage en 1698 avec Elisabeth Charlotte d’Orléans, fille de Recherche et texte de Marie-Thérèse BAGNON épouse MARTIN Source : http://www.moreau-christian.com.fr/index.htm

Monsieur et de La Palatine, il est devenu le neveu de Louis XIV. (Monsieur désigne Philippe de France, duc d’Orléans, et frère du roi).

Le nouveau Duc, entre France et Empire, restera neutre tout en tolérant une occupation française, strictement stratégique, de Nancy et de plusieurs places lorraines. A sa mort en 1729, son fils François - François III - lui succède et épouse quelques années plus tard Marie-Thérèse, fille de l’Empereur et future impératrice. Il quitte définitivement la Lorraine.

Stanislas dit le Bienfaisant, ancien roi de Pologne et beau-père du roi de France Louis XV, sera le dernier duc de Lorraine et du Barrois qui reviennent à la France à sa mort survenue en 1766.

Les communications se sont développées au cours du siècle sous l’impulsion de Léopold, puis de La Galaizière, le représentant du Roi auprès de Stanislas. Une route venant de Colombey passe à Uruffe pour rejoindre Vaucouleurs et les pays de Meuse. Elle figure sur la carte de Cassini établie à la veille de la Révolution à la demande de Louis XV. On pouvait voir encore à Uruffe, dans l’immédiat après-guerre, une maison forte ancienne dont l’enseigne indiquait un relais de poste sur cette route de Vaucouleurs, et où s’arrêtaient autrefois les diligences lorsque le besoin de changer de chevaux se faisait sentir.

La population d’après Lepage passe à 82 feux et 314 communiants en 1782, à la veille de la Révolution. Le feu, celui qui réunit autour de lui une petite communauté qui bénéficie de sa chaleur. C’est le symbole même d’une maison occupée, d’une unité économique qui travaille et produit. C’est la famille au sens large du terme puisqu’elle comprend le maître de maison, sa femme, ses enfants, éventuellement des ascendants, des collatéraux et des domestiques. Elle est d’importance très variable et peut comprendre de nombreux membres comme elle peut se réduire à une seule personne (veuf ou célibataire). La dimension moyenne communément admise est d’environ quatre à cinq membres par feu, adultes et enfants compris (Dictionnaire Bluche du 17ème siècle).

D’après les divers documents recueillis dans les archives par M. Gille, le nombre d’habitants aurait été de 418 en 1750, de 500 en 1793 pour passer à 600 en 1810. Une forte croissance démographique par conséquent, et qui ne se démentira pas pendant toute la première moitié du 19ème siècle.

Depuis 1751, Uruffe relève du bailliage de Lamarche, C’est dans le cadre des baillages que se dérouleront les élections aux Etats-Généraux de 1789 convoqués à Versailles par le roi Louis XVI. Antoine Louis Simonet, notaire royal, et Mansuy Fringant sont désignés par les habitants d’Uruffe pour les Recherche et texte de Marie-Thérèse BAGNON épouse MARTIN Source : http://www.moreau-christian.com.fr/index.htm

représenter au bailliage comme membres du Tiers-Etat. La réorganisation administrative entreprise par l’Assemblée Constituante élue par les trois ordres supprimera les anciens bailliages et les généralités, remplacés par les districts et les départements Elle sera définitivement mise en place avec quelques variantes sous le Consulat de Bonaparte, avec la Constitution de l’An VIII. Une nouvelle ère s’ouvre.

Recherche et texte de Marie-Thérèse BAGNON épouse MARTIN Source : http://www.moreau-christian.com.fr/index.htm