La Kontinental Hockey League, Miroir D'une Russie En
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LA KONTINENTAL HOCKEY LEAGUE, MIROIR D’UNE RUSSIE EN RENOUVEAU (Première partie) UNE GRILLE DE LECTURE GEOSPORTIVE, GEOECONOMIQUE, GEOCULTURELLE ET GEOPOLITIQUE POUR COMPRENDRE LA RUSSIE 1 DE 2012 Par Frédéric JARROUSSE, Professeur d’histoire-géographie et de D.N.L, Lycée Ambroise Brugière (Clermont-Ferrand) il existe un club de hockey sur glace emblématique de la Russie, c’est bien le S’ CSKA Moscou, le club de l’Armée Rouge1, l’un des plus anciens du pays (1946), évoluant actuellement en KHL. Emblématique pour sa cascade de titres à l’échelle nationale (32 titres de champion d’URSS entre 1948 et 1989, 15 coupes d’URSS) mais aussi continentale (20 titres de champion d’Europe entre 1969- 1974 puis entre 1978-1990). Emblématique, le CSKA l’est aussi pour sa route vers le renouveau sportif qui ressemble à celui de la Russie, puissance en souffrance et qui se réaffirme peu à peu. Un club-phénix dans une Russie ré-émergente. La situation du CSKA est en effet plus que désolante depuis 1990 : disette de titres, problèmes d’argenterie, un public rare (à l’inverse de celui qui afflue en masse en Sibérie ou même à Saint-Pétersbourg)… Comme si le club avait été emporté dans la chute de l’URSS2. Et malgré un redressement temporaire (5e en 2009), le club a surtout 1 L’autre club de l’Armée, présent dans le championnat de KHL, est le SKA Saint-Pétersbourg. Tous les deux portent encore l’étoile rouge sur leur maillot. Le CSKA n’est pas le seul club de Moscou à jouer en KHL : le Dynamo, par tradition le club de la classe dirigeante russe et de la police, compte à son actif quatre titres de champion d’URSS (1947, 1954, 1990, 1991), autant de Russie (1993, 1995, 2000, 2005), une coupe d’Europe (2006) et un titre de KHL (2012). On trouve aussi le Spartak, par tradition, le club du peuple, 4 fois champion d’URSS (1962, 1967, 1969, 1976). On rajoutera au trio moscovite un club proche, situé dans la banlieue de la capitale russe (à environ 20 km), l’Atlant Mytischi qui a changé de nom à plusieurs reprises : installé à Voskresensk (sous le nom de Khimik Voskresensk), il s’est scindé ensuite en deux clubs, une partie restant à Voskresensk, l’autre déménageant à Mytischi dans la banlieue de Moscou (sous le nom de Khimik Mytischi). Le Khimik Mytischi devient ensuite en 2007 le Khimik Moskovskaïa Oblast (Khimik Région de Moscou), avant de devenir en 2008 l’Atlant Mytischi. Enfin, assez proche de Moscou (environ 70 km) se trouve le Vityaz (« Chevalier ») Tchékhov. 2 De son côté, l’équipe soviétique de hockey sur glace a été entre 1954 et 1991, la meilleure du monde, cumulant 21 titres (dont 9 consécutifs entre 1963 et 1971), 7 médailles d’argent et 5 de bronze, soit 33 médailles sur 35 championnats du monde, laissant deux années vierges dans cet impressionnant tableau de chasse (1955, 1962). A cette moisson, s’ajoutent 7 titres olympiques entre 1956 et 1988 (dont 4 consécutifs [Tapez un texte] accumulé les mauvaises places, hantant les bas de classement ; bref, il n’est plus que l’ombre de lui-même : 13e de KHL en 2010, 19e en 2011 et enfin 16e en 2012. Pourtant, le club semble aujourd’hui sortir de l’impasse : nouvel encadrement3 et surtout nouveau partenaire, le géant pétrolier Rosneft, déjà sponsor officiel des prochains Jeux Olympiques d’Hiver de Sotchi (2014)4, et nouvelles recrues parmi les meilleures5. La nouvelle manne financière tirée des pétro-roubles conjuguée à l’action volontaire des dirigeants ont amené le club à renouer avec le succès6. Quelle est donc cette KHL qui s’abreuve de la puissance énergétique russe ? Quelle est cette Ligue-pieuvre aux ambitions débordantes qui attire les grandes entreprises industrielles et pétrolières jusqu’aux stars de la NHL en panne de 2 championnat dès le début de la saison 20127 ? Quels sont ses caractères et ses rouages ? En quoi la KHL est-elle représentative du dynamisme russe actuel ? La réflexion que nous proposons entend montrer en quoi la KHL peut être considérée comme une clé de lecture géosportive, géoéconomique, géoculturelle et géopolitique (sinon politique) de la Russie actuelle. NOTA : Je souhaite adresser un très sincère et profond remerciement à Philippe Rouinssard, journaliste à Hockey Hebdo, spécialiste de la KHL, qui a accepté de correspondre avec moi et n’a pas compté son temps pour répondre à plusieurs de mes interrogations. entre 1964 et 1976), une médaille d’argent et une de bronze. La Russie a connu sur glace, depuis l’implosion de l’URSS, une longue traversée du désert (sic) : le premier titre mondial du nouvel Etat russe (1993) n’a pas vraiment été suivi d’effet (malgré deux titres olympiques : 1992, 1998), puisqu’il faut attendre 2002 (bronze) et surtout 2007 (bronze) pour retrouver une Russie à nouveau conquérante et plus régulière dans ses résultats (3 titres mondiaux : 2008, 2009, 2012). 3 L’ancien joueur vedette de NHL Sergeï Fedorov a pris en main la direction générale du club ; quant à l’entraîneur, il s’agit de Valéry Bragin, qui a brillé en tant qu’entraîneur de l’équipe junior russe. 4 Ville balnéaire russe située sur le littoral de la Mer Noire. On pourra consulter avec intérêt un article de Courrier International (2007) qui présente l’un des grands projets de la ville, l’Ile de la Fédération, une île artificielle de 250 ha, sur le modèle de « The World » à Dubaï et financé par les EAU : http://www.courrierinternational.com/breve/2007/10/01/rien-n-est-trop-beau-pour-sotchi. La construction doit se dérouler de 2008 à 2013 ; elle a été confiée à un architecte néerlandais. Compléter avec http://www.alltrends.fr/article-27323929.html 5 Soulignons à ce titre l’arrivée de la star russe Aleksandr Radulov, auparavant en NHL (Nashville Predators). Son salaire annuel est de 10 millions de dollars par an. 6 http://www.hockeyhebdo.com/article-khl-l-armee-rouge-est-de-retour,3844.html 7 La NHL ou championnat professionnel d’Amérique du Nord (réunissant des franchises essentiellement américaines et canadiennes) est actuellement bloquée depuis la fin de l’été 2012 en raison de divergences de salaires entre les dirigeants et les représentants des joueurs. Un grand nombre de joueurs russes évoluant en NHL, ont signé des contrats avec des clubs de KHL, dans l’attente d’une résolution du conflit salarial. [Tapez un texte] 1. La trame sportive : la KHL, une NHL façon russe ? Anatomie de l’aigle américain et de l’ours russe en patins La KHL est un acronyme signifiant Ligue de Hockey Continentale (voir logo ci- contre), du russe Kontinentalnaïa Hokkeïnaïa Liga (Континентальная хоккейная лига). Fondée en 2008, elle s’est substituée au championnat d’élite russe connu sous le nom de Superliga (en vigueur de 1996 à 2008). Le changement de nom est nettement porteur : KHL concurrence déjà par la rime sa grande rivale à l’échelle mondiale, la NHL (North American Hockey League, 1917), la grande ligue 3 professionnelle nord-américaine. Les trois initiales donnent aussi au championnat russe une référence spatiale explicite. Alors que la NHL se détermine comme « nord- américaine », la KHL se dote d’un cadre géographique plus large en se donnant une envergure « continentale », c’est-à-dire eurasienne, et non strictement russe. La KHL se définit d’ailleurs, officiellement, comme « une ligue internationale promouvant le développement du hockey en Russie et dans plusieurs pays d’Europe et d’Asie »8. Transfrontalière, la KHL l’est en effet davantage que son homologue de NHL à cheval seulement sur les Etats-Unis et le Canada. Car si la KHL réunit une majorité de clubs russes, elle intègre aussi cinq autres équipes situées à l’étranger. On trouve ainsi un club tchèque, (Lev Praha), un slovaque, (Slovan Bratislava), un letton (Dinamo Riga), un ukrainien (Donbass Donetsk), un biélorusse (Dinamo Minsk) et un kazakh (Barys Astana). Cette dimension eurasienne devrait d’ailleurs être approfondie dans les saisons prochaines avec l’intégration possible de nouveaux clubs provenant d’Europe centrale ou orientale. La KHL n’est pourtant pas un cas unique de compétition transfrontalière en Europe ou aux abords du Vieux continent. On peut ainsi citer l’exemple du championnat autrichien de hockey sur glace connu sous le nom de ÖEL (Österreichische Eishockey Liga) et plus familièrement sous celui de EBEL (Erste Bank Eishockey Liga), en référence à son principal sponsor, Erste Bank. A côté des clubs autrichiens logiquement prépondérants (Dombirner EC, EC Salzburg, EHC Linz, Graz 99ers, HC Innsbruck, Klagenfurter AC, Vienna Capitals, Villacher SV), figurent un club slovène (Olimpija Ljubljana), un hongrois (Székesfehérvár), un tchèque (Orli Znojmo) et un club croate (le KHL Medveščak de Zagreb). La KHL et la NHL sont-elles pour autant entièrement comparables ? Peut-on considérer la KHL, plus récente, comme une imitation de la NHL qui aurait servi de modèle, de référence ? Cette idée est en partie fondée… A commencer d’abord par la structure globale du championnat. La NHL regroupe 30 équipes (ou franchises) ; sur ce total, 6 seulement sont canadiennes et 24 américaines. Ces clubs sont répartis dans 6 divisions géographiques constituées de 5 équipes chacune. Les divisions sont ensuite intégrées 8 http://gazprom.com/social/supporting-sports/hockey/khl/ [Tapez un texte] par groupe de 3 dans des Conférences. Ainsi, les divisions Nord-Ouest9, Centrale10 et Pacifique11 forment la Conférence de l’Ouest ; les poules Atlantique12, Nord-Est13 et Sud-Est14 composent la Conférence de l’Est. Au terme de la saison régulière, longue de 82 matches, les 8 meilleures équipes de chaque Conférence s’affrontent dans une phase de série éliminatoire au meilleur des 7 matches, ce sont les play-off.