La Barousse. Le Pays, Son Histoire, Se Mœurs
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MONOGRAPHIE SUR LA BAROUSSE A la mémoire de ma Mère, pieux et tendre hommage. LA BAROUSSE LE PAYS, SON HISTOIRE, SES MŒURS PAR J.-L. PÊNE PRIX DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES DU COMMINGES Voici ma patrie t ma montagne natale 1 Riant objet de ma tendresse filiale. Anonyme. AVANT-PROPOS Né en Barousse, et à une époque dont mes cheveux blancs n'attestent que trop l'éloignement, les nécessités de l'existence m'en ont arraché de bonne heure. Dès que ces nécessités ne se sont plus fait sentir, j'y suis revenu avec transport, comptant bien y retrouver la forêt profonde et le charmant bocage, le torrent courroucé et le joyeux ruisseau, le chemin abrupt et le sentier fleuri. Tout cela, dont un long exil n'avait pu effacer le souvenir, m'a été rendu en effet, mais dépouillé des illusions et des ravis- sements de mon enfance-: les frimas étaient tombés sur mon âme en même temps que sur met tête. Soit. Mais pourquoi a-t-il fallu que l'âme de la patrie subisse en même temps de bien plus regret- tables vicissitudes 1 Je l'ai retrouvée bien changée Où sont les voix célestes, chants lointains de jeunes filles, si doux et mélan- coliques, qui se mêlaient au roulement des chars par lel crépus- cules d'été ? Où sont les chœurs nocturnes, si puissants que les orgues de nos rochers ne cessaient plus de les répéter ? Où sont les jeux bruyants, les rires éclatants, les contes merveilleux ? Où sont, en un mot, les mœurs traditionnelles ? Mortes 1 Il n'en reste que des regrets dans les cœurs de plus en plus rares qui les ont connues. Le mien ayant parlé haut, j'ai repris la plume pour aborder tardivement un art difficile. Je ne me flatte pas, hélas ! de faire revivre ce qui n'est plus, mon ambition serait d'en con- server pieusement le souvenir. Ce travail conservatoire s'est bientôt révélé insuffisant. Ayant évoqué maints vieux visages qui me furent jadis familiers, j'ai regretté que la finesse et la bonhomie qui s'y reflétaient n'eussent été embellies par quelques notions sur le passé du pays et de ses habitants. Et c'est du désir de combler cette lacune pour l'avenir- qu'est né l'historique qu'on va lire. C'était une entreprise qu'une certaine inexpérience et des temps peu propices rendaient pré. somptueuse. Je n'ajouterai rien qui puisse influencer les juge- ments ou modérer les critiques. Des sources de documentation je ne parlerai pas davantage ici, et même j'ai réduit à l'indispensa- ble les références données en cours d'étude : il m'a semblé que le noviciat littéraire tomberait dans l'infatuation s'il revêtait le lourd appareil des travaux de haute érudition. Je me garderai cependant de paraître ingrat en taisant les concours empressés que j'ai obtenus partout, parmi le clergé local comme chez les particuliers. Tous m'étaient nécessaires et tous m'ont pénétré d'une sincère reconnaissance, mais je dois des remerciements particuliers : à M. le Docteur Sarrarnon, qui, prenant à cœur la mission d'encouragement inhérente à son titre de Vice-Président de la Société des Etudes du Comminges, m'a ouvert sa bibliothè- que, ses albums de gravures, et même certains des dossiers où il a rassemblé une riche moisson concernant les Quatre-Vallées; à un compatriote éclairé, M. B. Abadie, auteur de la carte du pays (on y trouvera les noms et les- limites des cortaux, ainsi que les communautés disparues ou détachées depuis le Moyen Age) et à qui je dois aussi l'important document qu'est le règlement de police ayant régi anciennement la Barousse; à M. Pambrun, Ba- rons sais d'adoption, dont la bibliothèque a souvent été mise à contribution; à M. André-Pouyé, maître-imprimeur dévoué à ses clients, et qui a patiemment guidé la nacelle dans ses fluctuations sur les eaux houleuses de l'Edition. Mettre à la disposition de tous les connaissances indispensables quant au destin et aux mœurs de leurs devanciers, ce serait, m'a- t-il semblé, œuvre incomplète, si l'on ne ranimait simultanément dans les cœurs l'amour de la terre ancestrale, car c'est à ce sen- timent que sont suspendues les destinées de la petite patrie. Il n'y avait pour cela qu'un moyen à ma portée, révéler cette terre à ses enfants, la débarrasser des voiles dont l'accoutumance l'a re- couverte. J'ai donc ajouté une partie descriptive aux deux précé- dentes. La conception primitive de cette partie du travail com- portait un bref résumé du passé de chaque agglomération; force a été d'y renoncer, nos mairies étant vides de tout document de quelque importance, et les archives du département n'étant guère mieux partagées à cet égard. En somme, l'exécution a été prise à rebours; du moins, c'est dans l'ordre opposé que la présentation en est faite, comme étant à la fois plus rationnelle et plus propre à soutenir jusqu'au bout l'intérêt de la lecture. A la fin de l'ouvrage ont été groupés certains documents cu- rieux ou qui méritent mieux qu'une simple analyse. Des indica- tions adéquates permettront de se reporter opportunément à ces appendices. J.-L. P. PREMIÈRE PARTIE LE PAYS § 1 DIVISIONS ET APPARTENANCES. Nous voulons tout voir, la ville et le hameau, L'hôte des champs tout comme celui du château. (ANONYME.) La Barousse est principalement constituée par une vallée orientée du sud au nord, laquelle est bornée au midi par la vallée d'Oueil, à l'est et au nord par les vallées de la Pique et de la Garonne, à l'ouest par le pays de Nistos et la vallée d'Aure. Elle se divise en quatre parties assez distinctes : 1" La plaine. 20 La vallée basse, qui va de Sarp à Troubat. 3° La vallée haute, qui est subdivisée en trois branches formant un Y : a) de Troubat à Mauléon, b) de Mauléon à Ferrère, c) de Mauléon à Sost. 4° Un appendice englobant des territoires situés dans la partie contiguë de la vallée de la Garonne. La superficie de la Barousse est actuellement de 17.626 hec- tares, où sont disséminées vingt-cinq communautés, savoir : Anla, Antichan, Aveux, Bertren, Bramevaque, Cazarilh, Cré- chets, Esbareich, Ferrère, Gaudent, Gembrie, Ilheu, Izaourt. Loures, Mauléon, Ourde, Sacoué, Sainte-Marie, Saléchan, Samuran, Sarp, Siradan, Sost, Thèbe et Troubat. Les quatre autres communautés ci-après ont disparu depuis le Moyen Age : Adignac, Balestat, Betpouy et Peyremilla. Une cin- quième, qui est Ilheu déjà nommée, s'est transportée d'un versant à l'autre de la vallée. D'autres, qui ont fait ancienne- ment partie de la Barousse, lui ont été enlevées. Ce sont en premier lieu Générest, Jaunac, Lombrès, Seich et Tibiran, que la Révolution a transférées au canton de Saint-Laurent; ce sont ensuite Saint-Bertrand et Valcabrère, qui, depuis le Moyen Age jusqu'à la Révolution, avaient un pied en Barousse et l'autre en Rivière ; c'est enfin Luscan, qui se partageait entre la Barousse et les, Frontignes. Quelques renseignements préalables sur ces changements et particularités sont indispensables. Non point sur les agglo- mérations disparues, car nous visiterons leurs anciens terri- tbires au cours d'un voyage que nous nous proposons de faire en Barousse, et les causes de leur disparition seront étudiées dans la partie historique, mais sur les amputations que le pays a subies. On peut accepter sans trop de mauvaise grâce la décision par laquelle le législateur de 1790 a incorporé au canton de Saint-Laurent les cinq communautés susnom- mées, quoique Tibiran, par exemple, soit singulièrement plus apparentée à :la Barousse qu'au pays de la Neste inférieure. Ce qui est inacceptable par contre, c'est que l'on ait terminé le travail de dissociation que la féodalité avait commencé en séparant définitivement de la Barousse Saint-Bertrand et Val- cabrère, lesquelles sont ses filles au même titre que Loures, IzaQurt et Sarp. Peut-être ces deux communautés, qui n'en faisaient alors qu'une, eurent-elles une administration sépa- rée dès le VIlle siècle, par suite de l'attribution aux évêques de Comminges du temporel de leur ville épiscopale. Elles furent plus tard agrégées au pays de Rivière. Celui-ci était passé successivement des comtes de Comminges aux comtes de Lomagne, puis aux comtes de Périgord qui le vendirent à Philippe le Bel. Constitué alors en jugerie, il forma au xv" siècle, avec la jugerie de Verdun, un pays d'Etats qui fut transformé en Election au XVII" siècle. Les rois de France, dont le souci constant était de prendre pied dans les pays indépendants de la couronne, avaient annexé au pays de Rivière des acquisitions fort différentes, si bien que des villes de l'Astarac et de l'Armagnac y voisinaient, si l'on peut dire, avec le Larboust. Tel fut probablement le cas de Saint-Ber- trand et de Valcabrère. Rien cependant ne put rompre entiè- rement les liens qui attachaient ces localités à la Barousse, et de cela l'histoire fournit maintes preuves1. Nous nous con- tenterons d'une seule, parce que la meilleure et probablement inédite. Il s'agit d'une reconnaissance souscrite par les dépu- tés de Barousse le 10 mai 1667 par devant M. Jacques de Jasse, juge royal de Barousse, dont le siège était alors à Val- cabrère. Il est dit dans ce document que la Barousse « con- fronte d'Orient avec le terrain de Labroquère, Barbazan et 1. Voyez notamment COUGET : Revue de Comminges, 1886, 3* trim.