Séance du mardi 7 février 2017

Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton de

No 177

Séance du mardi 7 février 2017

Présidence de M. Grégory Devaud, président

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Sommaire

Dépôts du 7 février 2017 ...... 4 Interpellations ...... 4 Question ...... 4

Communication du 7 février 2017 ...... 6 Documentaire sur les points de l’ordre du jour consacrés à la presse ...... 6

Interpellation Martine Meldem au nom du groupe vert’libéral et consorts – Pour une solution équitable pour nos agriculteurs ? (17_INT_664) ...... 6 Texte déposé ...... 6 Développement ...... 7

Interpellation Delphine Probst-Haessig et consorts – La Poste : combien restera-t-il d’offices dans le Canton d’ici à 2020 ? (17_INT_665) ...... 8 Texte déposé ...... 8 Développement ...... 8

Postulat Philippe Vuillemin – CHUV – EMS : relever le défi de la vieillesse passe aussi par l’égalité salariale des infirmières (17_POS_236) ...... 9 Texte déposé ...... 9 Développement ...... 9

Postulat Valérie Induni et consorts – Pour un vrai soutien à la presse et aux médias (17_POS_238) ...... 11 Texte déposé ...... 11 Développement ...... 12

Postulat Philippe Grobéty et consorts – Enfin réaliser un palier hydroélectrique sur la partie vaudoise du Rhône (17_POS_237) ...... 13 Texte déposé ...... 13 Développement ...... 14

1 Séance du mardi 7 février 2017

Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil (LGC) et Rapport de la Commission thématique de la modernisation du Parlement chargée de la mise en œuvre de la motion Véronique Hurni et consorts au nom de la Commission thématique des pétitions – Pour que les pétitions ne demeurent plus anonymes (15_MOT_078) (GC 179) ...... 14 Rapport de la Commission thématique de la modernisation du Parlement ...... 14 Premier débat ...... 14 Deuxième débat ...... 15

Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 12 décembre 1979 d’organisation judiciaire (LOJV) et Rapport de la Commission thématique des affaires judiciaires chargée de la mise en œuvre de la motion Sylvie Podio au nom du Bureau du Grand Conseil – Pour une législature du Tribunal neutre identique à celle des autres autorités judiciaires (16_MOT_102) (GC 220) ...... 16 Rapport de la Commission thématique des affaires judiciaires...... 16 Premier débat ...... 19 Deuxième débat ...... 20

Résolution Vassilis Venizelos et consorts – Pour une presse romande variée et vivante ! (17_RES_041) ...... 20 Texte déposé ...... 20 Développement ...... 20

Réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation Fabienne Freymond Cantone et consorts – WWF International et sa presque complète restructuration : mais que fait donc le Canton ? (16_INT_520) ...... 33 Débat ...... 33

Assermentation de M. Olivier Derivaz, juge suppléant au Tribunal neutre – Législature 2012 – 2017 (GC 221) ...... 35

Réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation Yves Ravenel – Production laitière vaudoise - situation préoccupante (15_INT_425) ...... 35 Débat ...... 35

Réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation Fabienne Despot – Combien ont coûté le BCI et ses subventions aux contribuables en 2015 ? (16_INT_565) ...... 41 Débat ...... 41

Pétition en faveur de la famille de S.R. (16_PET_055) ...... 44 Rapport de la Commission thématique des pétitions ...... 44 Décision du Grand Conseil après rapport de la commission ...... 45

Pétition en faveur de F.R. et de sa famille (16_PET_059) ...... 48 Rapport de la Commission thématique des pétitions ...... 48 Décision du Grand Conseil après rapport de la commission ...... 50

Rapport intermédiaire du Conseil d’Etat au Grand Conseil sur le postulat Denis-Olivier Maillefer et consorts au nom de la commission 15_191 suite au retrait du 15_POS_101 – Suivi de la nouvelle loi sur les auberges et les débits de boissons (LADB) (RI15_POS_124) ...... 50 Décision du Grand Conseil après préavis du Bureau ...... 50

2 Séance du mardi 7 février 2017

Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 18 décembre 2007 d’application dans le Canton de Vaud de la législation fédérale sur les étrangers (LVLEtr) (321) ...... 51 Rapport de la majorité de la commission ...... 51 Rapport de la minorité de la commission ...... 51 Premier débat ...... 55

______La séance est ouverte à 9 h 30. Séance du matin Sont présent-e-s : Mmes et MM. Taraneh Aminian, Jacques Ansermet, Claire Attinger Doepper, Anne Baehler Bech, Laurent Ballif, Samuel Bendahan, Alexandre Berthoud, Jean-Luc Bezençon, Mathieu Blanc, Guy-Philippe Bolay, Dominique-Richard Bonny, Marc-André Bory, Marc-Olivier Buffat, Sonya Butera, Jean-François Cachin, Albert Chapalay, Laurent Chappuis, Amélie Cherbuin, Christine Chevalley, Jean-Rémy Chevalley, Jean-Luc Chollet, Jérôme Christen, Dominique-Ella Christin, François Clément, Philippe Clivaz, Michel Collet, Philippe Cornamusaz, Régis Courdesse, Laurence Cretegny, Nicolas Croci-Torti, Brigitte Crottaz, Julien Cuérel, François Debluë, Anne Décosterd, Fabien Deillon, Alexandre Démétriadès, Michel Desmeules, Fabienne Despot, Jean-Michel Dolivo, Manuel Donzé, Philippe Ducommun, José Durussel, Ginette Duvoisin, Julien Eggenberger, Céline Ehrwein Nihan, Olivier Epars, Pierre-Alain Favrod, Yves Ferrari, Isabelle Freymond, Fabienne Freymond Cantone, Hugues Gander, Jean-Marc Genton, Philippe Germain, Nicolas Glauser, Sabine Glauser, Olivier Golaz, Pierre Grandjean, Philippe Grobéty, Pierre Guignard, Jacques Haldy, Véronique Hurni, Valérie Induni, Jessica Jaccoud, Christiane Jaquet-Berger, Rémy Jaquier, Philippe Jobin, Susanne Jungclaus Delarze, Hans Rudolf Kappeler, Vincent Keller, Olivier Kernen, Philippe Krieg, Christian Kunze, Catherine Labouchère, Lena Lio, Christelle Luisier Brodard, Raphaël Mahaim, Denis-Olivier Maillefer, Pascale Manzini, Axel Marion, Josée Martin, Nicolas Mattenberger, Claude Matter, Olivier Mayor, Daniel Meienberger, Martine Meldem, Serge Melly, Roxanne Meyer Keller, Laurent Miéville, Michel Miéville, Philippe Modoux, Gérard Mojon, Stéphane Montangero, Michele Mossi, Maurice Neyroud, Marc Oran, Yvan Pahud, Pierre-André Pernoud, Jacques Perrin, Sylvie Podio, Delphine Probst-Haessig, Philippe Randin, Pierre-Yves Rapaz, Etienne Räss, Michel Rau, Yves Ravenel, Michel Renaud, Aliette Rey-Marion, Stéphane Rezso, Claire Richard, Werner Riesen, Nicolas Rochat Fernandez, Myriam Romano-Malagrifa, Catherine Roulet, Pierrette Roulet- Grin, Denis Rubattel, Daniel Ruch, Alexandre Rydlo, Julien Sansonnens, Graziella Schaller, Carole Schelker, Bastien Schobinger, Valérie Schwaar, Claude Schwab, Eric Sonnay, Jean-Marc Sordet, Felix Stürner, Muriel Thalmann, Jean-François Thuillard, Oscar Tosato, Maurice Treboux, Daniel Trolliet, Jean Tschopp, Filip Uffer, Pierre-Alain Urfer, Vassilis Venizelos, Claude-Alain Voiblet, Pierre Volet, Philippe Vuillemin, Andreas Wüthrich, Claudine Wyssa, Eric Züger. (141) Sont absent-e-s : 9 député-e-s. Dont excusé-e-s : Mmes et MM. Mireille Aubert, Aline Dupontet, Nathalie Jaccard, Alain Bovay, Alberto Cherubini, Gérald Cretegny, Jean-Marc Nicolet, Jean-Marie Surer. (8) Séance de l’après-midi Sont présent-e-s : Mmes et MM. Taraneh Aminian, Jacques Ansermet, Claire Attinger Doepper, Anne Baehler Bech, Laurent Ballif, Samuel Bendahan, Alexandre Berthoud, Jean-Luc Bezençon, Guy- Philippe Bolay, Dominique-Richard Bonny, Marc-André Bory, Marc-Olivier Buffat, Sonya Butera, Jean-François Cachin, Albert Chapalay, Laurent Chappuis, Amélie Cherbuin, Christine Chevalley, Jean-Rémy Chevalley, Jean-Luc Chollet, Jérôme Christen, Dominique-Ella Christin, François Clément, Philippe Clivaz, Michel Collet, Philippe Cornamusaz, Régis Courdesse, Laurence Cretegny, Nicolas Croci-Torti, Brigitte Crottaz, Julien Cuérel, François Debluë, Anne Décosterd, Fabien Deillon, Alexandre Démétriadès, Michel Desmeules, Fabienne Despot, Jean-Michel Dolivo, Philippe Ducommun, José Durussel, Ginette Duvoisin, Julien Eggenberger, Céline Ehrwein Nihan, Olivier

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Epars, Pierre-Alain Favrod, Yves Ferrari, Fabienne Freymond Cantone, Hugues Gander, Jean-Marc Genton, Philippe Germain, Nicolas Glauser, Sabine Glauser, Olivier Golaz, Pierre Grandjean, Philippe Grobéty, Pierre Guignard, Jacques Haldy, Véronique Hurni, Valérie Induni, Jessica Jaccoud, Christiane Jaquet-Berger, Rémy Jaquier, Susanne Jungclaus Delarze, Hans Rudolf Kappeler, Vincent Keller, Olivier Kernen, Philippe Krieg, Christian Kunze, Catherine Labouchère, Lena Lio, Christelle Luisier Brodard, Denis-Olivier Maillefer, Pascale Manzini, Axel Marion, Josée Martin, Claude Matter, Olivier Mayor, Daniel Meienberger, Martine Meldem, Serge Melly, Roxanne Meyer Keller, Laurent Miéville, Michel Miéville, Philippe Modoux, Gérard Mojon, Stéphane Montangero, Michele Mossi, Maurice Neyroud, Marc Oran, Yvan Pahud, Pierre-André Pernoud, Jacques Perrin, Sylvie Podio, Delphine Probst-Haessig, Philippe Randin, Pierre-Yves Rapaz, Michel Rau, Yves Ravenel, Michel Renaud, Aliette Rey-Marion, Stéphane Rezso, Claire Richard, Werner Riesen, Nicolas Rochat Fernandez, Myriam Romano-Malagrifa, Pierrette Roulet-Grin, Denis Rubattel, Daniel Ruch, Alexandre Rydlo, Julien Sansonnens, Graziella Schaller, Carole Schelker, Bastien Schobinger, Valérie Schwaar, Claude Schwab, Eric Sonnay, Jean-Marc Sordet, Felix Stürner, Muriel Thalmann, Jean- François Thuillard, Oscar Tosato, Maurice Treboux, Daniel Trolliet, Jean Tschopp, Filip Uffer, Pierre- Alain Urfer, Vassilis Venizelos, Claude-Alain Voiblet, Pierre Volet, Philippe Vuillemin, Andreas Wüthrich, Claudine Wyssa, Eric Züger. (133) Sont absent-e-s : 17 député-e-s. Dont excusé-e-s : Mmes et MM. Mireille Aubert, Aline Dupontet, Nathalie Jaccard, Mathieu Blanc, Alain Bovay, Alberto Cherubini, Jérôme Christen, Gérald Cretegny, Jean-Marc Nicolet, Etienne Räss, Jean-Marie Surer. (11)

______Dépôts du 7 février 2017 Interpellations En vertu de l’article 116 de la Loi sur le Grand Conseil, les interpellations suivantes ont été déposées : 1. Interpellation Vassilis Venizelos – Laver sa terre sale en famille : mais que se passe-t-il à Bioley- Orjulaz ? (17_INT_666) 2. Interpellation Julien Sansonnens et consorts – Les robots menacent-ils des emplois dans le secteur public comme privé ? Paieront-ils bientôt des impôts ? (17_INT_667) 3. Interpellation Jean-François Thuillard – Elaboration de la brochure explicative officielle lors des votations cantonales : le Conseil d’Etat va-t-il adapter ses pratiques aux recommandations de la Cour constitutionnelle ? (17_INT_668) 4. Interpellation Céline Ehrwein Nihan – Pour que le patrimoine ne soit pas que financier ! (17_INT_669) Ces interpellations seront développées ultérieurement. Question En vertu de l’article 113 de la Loi sur le Grand Conseil, la question suivante a été déposée : Question d’Alexandre Rydlo – L’Etat tolère-t-il les publicités du promoteur immobilier Bernard Nicod sur les panneaux routiers ? (17_QUE_067) « L’article 6, alinéa 1, de la Loi fédérale sur la circulation routière (LCR, RS 741.01) indique que les réclames et autres annonces qui pourraient créer une confusion avec les signaux et les marques, ou compromettre d’une autre manière la sécurité de la circulation, par exemple en détournant l’attention des usagers de la route, sont interdites sur les routes. L’article 97, alinéa 1, de l’Ordonnance sur la signalisation routière (OSR, RS 741.21) précise que les réclames routières sont interdites sur les signaux ou à leurs abords immédiats.

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A quelques jours du début des campagnes électorales cantonales, ces dispositions ont d’ailleurs été gentiment rappelées aux partis politiques par la Direction générale de la mobilité et des routes. Or, cela fait maintenant depuis au moins le mois de décembre 2016 que le promoteur immobilier Bernard Nicod affiche sa publicité sur un panneau routier à l’entrée de Chavannes-près-Renens, sur la Route de la Maladière (RC 76). Cette publicité est posée à l’avant et l’arrière du panneau.

On peut aussi se demander si les panneaux situés juste à côté du rond-point du vieux collège de Chavannes répondent aux exigences de la Loi sur la circulation routière et à l’Ordonnance sur la circulation routière.

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Aussi, je pose la question suivante au Conseil d’Etat : L’Etat tolère-t-il les publicités du promoteur immobilier Bernard Nicod sur les panneaux routiers ? Le slogan publicitaire du promoteur immobilier Bernard Nicod est "L’immobilier durable". Sa publicité est manifestement aussi durable. Merci de faire respecter la loi. » Cette question est transmise au Conseil d’Etat.

______Communication du 7 février 2017 Documentaire sur les points de l’ordre du jour consacrés à la presse Le président : — Je vous informe qu’une équipe de tournage est actuellement présente pour filmer un documentaire concernant les points de l’ordre du jour consacrés à la presse et aux médias. Je vous remercie de lui réserver un bon accueil.

______Interpellation Martine Meldem au nom du groupe vert’libéral et consorts – Pour une solution équitable pour nos agriculteurs ? (17_INT_664) Texte déposé En 2010, la Confédération et les cantons avaient lancé une amnistie fiscale permettant, par exemple, à des héritiers qui souhaitent, à la suite du décès d’un proche, annoncer des avoirs soustraits par le défunt de son vivant de régulariser leur situation. Aujourd’hui, le Conseil d’Etat nous dit qu’il n’y a aucune solution cantonale à la situation dramatique dans laquelle se trouvent certains agriculteurs à cause de l’interprétation de l’administration fiscale fédérale des arrêts du Tribunal fédéral (TF) sur l’imposition des immeubles agricoles. Et pourtant... Dans le cadre de la réforme de l’imposition des entreprises de 2008, il a été introduit un « différé d’imposition » qui permet, lorsqu’un indépendant reprend un immeuble commercial à titre personnel, de différer l’impôt jusqu’à la vente de l’immeuble. Ainsi, lorsqu’un agriculteur prend sa retraite et conserve sa ferme, il peut demander un tel différé et ainsi ne pas payer tout de suite l’impôt. Bien qu’allant dans la bonne direction, cette approche ne signifie pas qu’il n’aura pas à payer d’impôt, donc cette solution n’en est pas une ! Si on lit bien les arrêts du TF sur l’imposition des immeubles agricoles, ils disent uniquement qu’un agriculteur qui se comporte comme un promoteur doit payer le même impôt qu’un promoteur. Le TF ne dit pas par contre qu’un agriculteur qui veut remettre son domaine à sa famille ou à un autre

6 Séance du mardi 7 février 2017 agriculteur pour continuer une activité agricole ou encore conserver la ferme familiale pour y passer ses vieux jours doit être considéré comme un promoteur. C’est l’administration fiscale fédérale, dans une circulaire qu’elle a émise, qui fait cette interprétation. Cette interprétation est choquante et s’écarte de la jurisprudence du TF. En effet, alors que le TF prône l’égalité de traitement entre promoteurs et agriculteurs, la pratique de l’administration fiscale aboutit à une autre inégalité ; lorsqu’un promoteur vend sa maison familiale ou la conserve lors de sa cessation d’activité, seul l’impôt spécial sur les gains immobiliers est prélevé. Par ailleurs, l’administration fiscale soumet à l’impôt sur le revenu et aux charges sociales les mêmes opérations lorsqu’elles sont réalisées par des agriculteurs... Dès lors, il nous semble tout à fait possible pour les autorités fiscales cantonales d’appliquer l’arrêt en tenant compte de la jurisprudence du TF et ainsi résoudre du même coup les cas de rigueur dramatiques que l’on connait, mais également ceux à venir. Ceci sans changer aucune loi cantonale ou fédérale. Dès lors nous demandons au Conseil d’Etat : 1. Pourquoi l’administration fiscale vaudoise n’applique-t-elle pas strictement la jurisprudence du TF, à tout le moins concernant les impôts cantonaux ? 2. Que risque le canton de Vaud, dans le cadre des impôts cantonaux, en traitant les paysans selon l’ancien système en ce qui concerne la remise de domaine à la famille ou à un autre agriculteur ? 3. Que risque le canton de Vaud à s’écarter de la circulaire de l’administration fédérale dont le contenu est plus que discutable ? 4. Pourquoi ne pas traiter le monde agricole dans un système moniste — n’opérant aucune distinction entre les immeubles appartenant à la fortune privée et ceux de la fortune commerciale — et le reste de l’économie dans un système dualiste comme aujourd’hui ? 5. Pourquoi ne pas traiter tout le monde selon un système moniste ? Souhaite développer. (Signé) Martine Meldem et 5 cosignataires Développement Mme Martine Meldem (V’L) : — Là où il y a une volonté, il y a un chemin. L’analyse politique de la situation de l’imposition sur les immeubles agricoles montre que le canton de Vaud dispose d’une réelle marge de manœuvre et qu’il pourrait la mettre en place rapidement. Comme vous le savez, le Conseil national a accepté la révision de la Loi sur l’imposition des immeubles agricoles et sylvicoles alors que le Conseil des Etats l’a refusée par 27 voix contre 12 lors de sa dernière session en décembre. Au niveau fédéral, plusieurs groupements, qui font une confusion entre la transmission d’un patrimoine paysan et la commercialisation des terres, avaient déjà annoncé un référendum si cette révision était acceptée. Cela montre bien qu’il sera très difficile de voir émerger une solution au parlement. Et même si un compromis voit le jour, cela prendra du temps à mettre en place, alors que de nombreuses familles paysannes vivent sous la menace d’un impossible exit. Nous devons mettre en place des solutions cantonales. En complément des différentes interpellations, postulats, résolutions et déterminations déposés par nos collègues au nom du groupe vert’libéral, je dépose une interpellation demandant au Conseil d’Etat d’utiliser des outils qui sont déjà à sa disposition. Les arrêts du Tribunal fédéral expliquent qu’un agriculteur qui se comporte comme un promoteur doit payer un impôt en conséquence. Par contre, le Tribunal fédéral ne dit pas qu’un agriculteur qui veut remettre son domaine à sa famille ou à un autre agriculteur est considéré comme un promoteur. C’est l’Administration fédérale des contributions (AFC) qui a émis une circulaire, faisant sa propre interprétation des arrêts du Tribunal fédéral. C’est donc dans le respect de la loi que le Conseil d’Etat peut solutionner une grande partie des dossiers gelés. Ainsi, le Conseil d’Etat peut très bien en faire

7 Séance du mardi 7 février 2017 une autre interprétation que celle de l’AFC et résoudre du même coup les cas vaudois. Il peut aussi garder un système moniste pour les agriculteurs, comme il l’a fait jusqu’à aujourd’hui. Si le Conseil d’Etat répond rapidement à cette interpellation, des solutions simples et immédiates pourront voir le jour. Le Conseil d’Etat peut aussi choisir d’attendre et de laisser traîner le sujet, mais il doit alors en porter la responsabilité et ne pas la reporter sur Berne. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

______Interpellation Delphine Probst-Haessig et consorts – La Poste : combien restera-t-il d’offices dans le Canton d’ici à 2020 ? (17_INT_665) Texte déposé Plusieurs interventions ont déjà eu lieu en ce plénum, avec pour réponse que le Conseil d’Etat utiliserait toute sa marge de manœuvre ; cependant, les offices postaux ferment toujours et encore. Après l’annonce, en octobre dernier, de la suppression de 600 offices postaux au niveau national, il semblerait que la Poste rencontre les cantons afin de discuter des offices qui perdureront d’ici à 2020. Il y aurait, ainsi, des démarches de coordination qui excluraient les communes directement concernées. D’un point de vue de l’emploi, lorsqu’un bureau de poste ferme, il y a des départs dits « naturels », mais qu’en est-il des autres ? Enfin, d’un point de vue financier et social, il est notoire que les buralistes sont nettement mieux payés que les employé-e-s de commerce de détail. On peut extrapoler que ces nouveaux « buralistes » ont plus souvent besoin d’aides de l’Etat (subsides Loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal), aide au logement, prestations complémentaires familles, bourses, etc.) et que les rentrées fiscales vont diminuer. Au vu de ce qui précède, nous avons l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’Etat : − Qu’en est-il du postulat Rochat Fernandez et consorts ? − La Poste a-t-elle entamé des discussions avec le Conseil d’Etat ? Qu’en est-il ? − Ces discussions ne risquent-elles pas de reporter la responsabilité desdites fermetures sur les cantons ? − Quelles garanties le Conseil d’Etat compte-t-il obtenir ? − Qu’en est-il des « discussions » en cours avec les communes concernées ? − Combien de personnes concernées seront replacées au sein de la Poste et combien seront licenciées ? − A combien le Conseil d’Etat estime-t-il la diminution des revenus fiscaux et l’augmentation des dépenses sociales entraînées par ces suppressions d’emplois ? Nous remercions d’avance le Conseil d’Etat pour ses réponses. Souhaite développer. (Signé) Delphine Probst-Haessig et 41 cosignataires Développement Mme Delphine Probst-Haessig (SOC) : — Après l’annonce en octobre dernier de la suppression de six cents offices postaux au niveau national, il semblerait que la Poste doive rencontrer les cantons afin de discuter des offices qui perdureront d’ici 2020. Nous posons ainsi au Conseil d’Etat les questions suivantes : − La Poste a-t-elle entamé des discussions avec le canton ? − Ces discussions ne risquent-elles pas de reporter la responsabilité desdites fermetures sur le canton ?

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− Quelles garanties le Conseil d’Etat compte-t-il obtenir ? − Qu’en est-il des « discussions » en cours avec les communes concernées ? − A la fermeture d’un office postal remplacé par une agence ou un service à domicile, que deviennent les employés ? Combien seront remplacés au sein de la Poste et combien seront licenciés ? Nous remercions d’ores et déjà le Conseil d’Etat de ses réponses. L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

______Postulat Philippe Vuillemin – CHUV – EMS : relever le défi de la vieillesse passe aussi par l’égalité salariale des infirmières (17_POS_236) Texte déposé Il y a plus de dix ans, le Politique a considéré que l’Etablissement médico-social (EMS) étant un lieu de vie et subsidiairement seulement un lieu de soins, il convenait par le biais d’une Convention collective de travail (CCT) ad hoc, d’introduire une différence salariale entre les infirmières du CHUV et celles des EMS. En 2017, les infirmières engagées au CHUV, à la Fédération des hôpitaux vaudois (FHV) et EMS sortent des mêmes écoles, avec les mêmes diplômes ou reconnaissances internationales de leur diplôme. Par ailleurs, le maintien à domicile entraine des placements en EMS à un stade de pathologies avancées, nécessitant des soins pour le moins « pointus » fournis par les infirmières et Assistantes en soins et santé communautaires (ASSC) travaillant en EMS. A l’avenir, et pour soulager les hôpitaux, les EMS fourniront encore plus de soins gériatriques spécialisés et l’introduction d’équipes mobiles en tout genre ne réglera pas le problème. Dans ce contexte, on est étonné de constater que depuis quelques mois, à notre connaissance, le CHUV mène une active campagne de séduction auprès des infirmières d’EMS pour qu’elles rejoignent le CHUV, faisant miroiter, entre autres, un salaire plus élevé, alors même que c’est l’intérêt premier des structures hospitalières de ce canton que de pouvoir compter sur des EMS performants en termes de soins gériatriques. Le présent postulat demande au Conseil d’Etat, d’entente avec les partenaires, de revoir rapidement les prestations salariales fournies aux infirmières d’EMS en alignant, à diplômes, expérience et ancienneté égaux, les salaires des infirmières d’EMS sur ceux du CHUV. Il demande également au Conseil d’Etat de préciser enfin sa vision de la répartition des tâches de soins gériatriques dans le canton. Renvoi à une commission sans 20 signatures. (Signé) Philippe Vuillemin Développement M. Philippe Vuillemin (PLR) : — Je vous propose un postulat que je vous remercie de bien vouloir renvoyer à l’examen d’une commission. Voici quelques considérations sur l’idée qui m’a inspiré la proposition de ce postulat. Il y a une douzaine d’années, on avait souhaité, politiquement parlant, marquer une différence entre les hôpitaux et les établissements médico-sociaux (EMS). On voulait montrer que l’EMS est avant tout un lieu de vie — ce qui est juste — et que, même si on y donnait des soins, le contexte n’était pas hospitalier. Douze ans plus tard, je vous propose de revoir la question. En effet, en 2017, les infirmiers et infirmières pratiquant au CHUV et en EMS sont sortis des mêmes écoles, avec les mêmes diplômes, et celles et ceux qui viennent de l’étranger ont les mêmes reconnaissances internationales. Par ailleurs,

9 Séance du mardi 7 février 2017 la tâche a beaucoup changé dans les EMS de ce canton : grâce au maintien à domicile, les gens viennent en EMS beaucoup plus tardivement, et c’est tant mieux ! Mais à ce moment-là, ils présentent souvent une polypathologie qui nécessite un personnel infirmier et soignant de grande compétence, justement pour ne pas surcharger l’hôpital par toutes sortes de cas. Finalement, les infirmiers et infirmières pratiquent, en EMS, un métier fort pointu, qui ne permet plus d’expliquer l’existence d’une différence salariale.

Voici les chiffres tels qu’ils m’ont été donnés. Sous AVDEMS, il faut comprendre qu’il s’agit des salaires prévus par la Convention collective de travail (CCT) de l’Association vaudoise d’établissements médico-sociaux. A côté, ce sont les salaires pratiqués par le CHUV. On se rend donc compte que, dès la sortie de l’école d’infirmiers, il y a une différence de 230 francs par mois. Au bout de trois ans d’expérience, l’écart se creuse : le salaire de l’infirmière ou infirmier d’EMS diffère de plus de 400 francs des salaires du CHUV. Comprenez que, même si l’infirmière ou l’infirmier d’EMS est passionné par son travail, quand il s’agit de 400 francs de différence, cela pèse lourd. Peut-on vraiment se permettre, dans le cadre des soins que l’on donne dans les EMS, d’avoir de pareilles différences ? Nous ne le pensons pas. Bien sûr, nous savons qu’il est difficile de modifier une CCT : il faut réunir les partenaires et il faut s’entendre. Mais je crois qu’il faut commencer. Si l’on prétend que les EMS ne sont pas régis de la même façon parce qu’il s’agit du domaine parapublic, je rappellerai que l’Etat les surveille de près, au point que c’est le Département de la santé et de l’action sociale qui définit les salaires des directeurs d’EMS. Dans ce contexte, j’aimerais que le Conseil d’Etat nous expose sa vision de l’avenir des infirmières et infirmiers d’EMS — et pourquoi pas dans le nouveau plan qu’il vient de nous proposer ? A partir de maintenant, il ne s’agit plus du postulat Vuillemin : le Grand Conseil va décider si, oui ou non, il vaut la peine d’aller en commission pour que les salaires des infirmiers et des infirmières d’EMS soient progressivement — mais assez rapidement tout de même — alignés, ou peu s’en faut, sur ceux du CHUV. La discussion est ouverte. M. Philippe Jobin (UDC) : — J’ai lu attentivement le postulat. Il me semble en effet que certaines questions méritent qu’on y réponde. Par conséquent, ce postulat doit aller en commission. J’aimerais rappeler l’existence d’un autre postulat, qui concerne aussi les infirmières, déposé par M. Pahud. Il serait bien que l’on puisse traiter les deux objets en même temps. Je vous remercie donc de soutenir le renvoi de ce postulat en commission. Mme Christiane Jaquet-Berger (LGa) : — La proposition de M. Vuillemin vient à temps. En effet, la situation s’est modifiée, au fil des années, en ce qui concerne l’accueil dans les EMS. Si l’on veut effectivement assurer des soins de qualité aux personnes qui souffrent de plusieurs maladies et qui ne peuvent plus rester chez elles, il faut un personnel qui soit lui-même de bonne qualité. Pour cela, il faut le reconnaître par un salaire correct, convenable et mieux que cela : un salaire qui permette de susciter des vocations pour ce type de travail. Je propose donc que ce postulat soit pris en considération. M. Vassilis Venizelos (VER) : — A mon tour, je prends la parole puisque le débat est ouvert. En tant que président de la Commission thématique de la santé publique, c’est bien entendu avec grand plaisir que j’accueillerai le postulat de notre collègue Vuillemin, qui met le doigt sur un problème épineux, sur une question sensible à l’heure où le vieillissement de la population représente un défi important pour notre système de santé. Alors que le Conseil d’Etat annonce des réformes en profondeur, il me

10 Séance du mardi 7 février 2017 semble effectivement important de traiter la question de l’égalité salariale des infirmières et infirmiers. Je vous invite à renvoyer ce postulat en commission et à le soutenir par la suite. Mme Véronique Hurni (PLR) : — Personnellement, je vais également dans le sens de la proposition de M. Vuillemin. Je fais aussi partie de la Commission thématique de la santé publique et je pense qu’il est important, pour le moins, que l’on parle de cette problématique en commission et que l’on puisse y apporter des modifications, si nécessaire. Je vous invite donc, à mon tour, à renvoyer le postulat en commission. M. Jean-Luc Bezençon (PLR) : — Je vis dans une commune qui héberge un EMS. Je déclare mes intérêts : je fais partie du conseil d’administration de cet établissement. Je puis donc me rendre compte du travail qui est fait dans les EMS. Au-delà du métier, il y a la vocation qui, à mon avis, n’est pas suffisamment reconnue. Je ne voudrais pas développer plus, mais j’appuie à 100 % le renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat. Mme Sonya Butera (SOC) : — Cher collègue Vuillemin, je vous remercie pour le dépôt de ce postulat. Je vous invite à le renvoyer au Conseil d’Etat. Au nom des députés socialistes et notamment de ceux qui font partie de la Commission thématique de la santé publique, nous nous réjouissons de traiter cet objet. La discussion est close. Le postulat est renvoyé à l’examen d’une commission avec quelques abstentions.

______Postulat Valérie Induni et consorts – Pour un vrai soutien à la presse et aux médias (17_POS_238) Texte déposé Le 23 janvier dernier, la nouvelle est tombée, inattendue et brutale : L’Hebdo va définitivement cesser de paraître ; le dernier numéro sera disponible le 2 février ! Gros coup de tonnerre dans le paysage médiatique romand, qui a provoqué de très nombreuses réactions. L’éditeur, Ringier Axel Springer Suisse romande, annonce cette nouvelle par le biais de son directeur Daniel Pillard. Cette décision serait due à la situation financière chroniquement déficitaire du titre depuis 2002 et à la perte de la moitié de ses revenus publicitaires durant les dernières années. Trente- sept collaborateurs sont concernés par cette décision, journalistes de la newsroom commune du quotidien et de L’Hebdo, graphistes et personnel des services commerciaux, techniques et administratifs. Nous exprimons notre solidarité envers ces employés. Par ailleurs, 150’000 lecteurs se retrouvent orphelins. Daniel Pillard informe qu’il n’y a pas d’alternative à cette décision et qu’elle devrait permettre d’aider plus efficacement le quotidien Le Temps. L’aventure avait pourtant bien démarré en 1981, il y a plus de trente-cinq ans. Le titre s’était fait une place et même une très belle place dans le paysage médiatique romand, en tant qu’animateur de débat et de voix de la Suisse romande, en tant que terreau pour des journalistes hautement professionnels. Avec son slogan « Bon pour la tête ! », il portait haut les valeurs du journalisme d’investigation. A la suite des difficultés financières rencontrées, un groupe de travail s’était mis à l’ouvrage pour proposer un projet de nouveau L’Hebdo, totalement novateur. La nouvelle maquette avait été très bien accueillie dans un premier temps et les membres du groupe de travail pensaient que cette nouvelle formule serait viable. Toutefois, l’éditeur n’a pas approuvé le business plan et a refusé de financer ce nouveau projet à perte. Il a également exclu la reprise du titre par les cadres de L’Hebdo. C’est ainsi que la vie d’un titre peut dépendre de décisions prises très loin de son lieu de diffusion. La fin de L’Hebdo s’ajoute à une série de difficultés de la presse en Suisse romande et on ne peut que s’inquiéter de l’avenir des médias dans nos cantons romands, que ce soit le risque de perte de diversité pour les lecteurs ou de perte d’emplois pour de nombreux journalistes, graphistes et autres collaborateurs. Rappelons-nous des coupes successives à l’AGEFI, qui a perdu vingt collaborateurs en vingt mois, des suppressions de trente et un postes chez Tamedia l’automne dernier, qui a touché tant

11 Séance du mardi 7 février 2017 le journal 24Heures que La Tribune de Genève, de la diminution du nombre de parutions du Courrier, des deux phases de restructuration du Temps durant les cinq dernières années avec, à chaque fois, dix à quinze personnes licenciées et des difficultés des télévisions tant publiques que privées (RTS, La Télé, etc.). Partout on constate « la fin des sentiments dans la gestion des titres de presse » comme le dit Philippe Amez-Droz, collaborateur scientifique chez Medi@LAB, laboratoire de recherche de l’Institut des sciences de la communication, des médias et du journalisme de l’Université de Genève. Il plaide pour redéfinir le secteur public au niveau des médias (RSR, chaînes privées, titres de presse) et pour réfléchir à une aide publique directe ou indirecte de la Confédération. Le Conseil d’Etat a immédiatement réagi par un communiqué de presse, lors de l’annonce de la mort de L’Hebdo en annonçant la mise sur pied en urgence d’une rencontre avec l’éditeur. Le Conseiller d’Etat Philippe Leuba, cité par 24Heures dit : « D’un côté, ce qui fait l’essence même de la presse dans une démocratie, c’est son indépendance vis-à-vis de l’Etat, mais de l’autre, l’Etat ne peut pas ne rien faire face au délitement de la presse. » Il cite ensuite, en tant que pistes, des améliorations par l’Etat des conditions-cadres vis-à-vis des médias ou dans la formation des journalistes. Alors, faut-il chercher des solutions pour aider la presse et les médias ou faut-il, au nom de leur indépendance, les laisser autonomes, au risque de les voir mourir de leur belle mort ? Le débat est ouvert. Nous croyons, quant à nous, à l’importance d’une vraie presse d’investigation, mais aussi à la valeur de médias de services publics forts et pérennes. Cela nécessite à nos yeux un soutien aux médias privés, mais aussi un maintien de la redevance radio-télévision, dans le but de préserver une vraie diversité de l’offre publique et privée. Notre société est toujours plus tournée vers l’immédiateté de l’information via les divers médias en ligne. On sait tout, tout de suite ! Des informations brutes et empilées, pas forcément vérifiées, sans contenu rédactionnel, qu’il est intéressant de découvrir pour « être tout de suite au courant », mais qui n’apportent rien de plus, voire qui peuvent parfois induire en erreur quand de fausses nouvelles et des rumeurs sont délibérément propagées en ligne. Qui n’aime pas, quand il a du temps, s’installer confortablement et passer du temps dans la lecture d’un quotidien ou d’un hebdomadaire, dans l’écoute d’une émission de radio ou de télévision qui ne se contente pas de données froides et factuelles, mais favorise la réflexion, la mise en perspective, l’analyse, le travail de fonds et le débat d’idée ? C’est ce qui fait la plus-value du journalisme d’investigation. Par ce postulat, nous exprimons notre souhait, pendant qu’il est encore temps, que le Conseil d’Etat étudie la faisabilité d’un soutien financier direct ou indirect cantonal et/ou régional aux différents médias romands qui composent la diversité du paysage régional et local. L’étude en question devra examiner les conditions-cadres et les formes de ce soutien, en garantissant l’indépendance des médias et en s’inspirant éventuellement d’expériences mises en œuvre ailleurs. Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures. (Signé) Valérie Induni et 37 cosignataires Développement Mme Valérie Induni (SOC) : — Je parlerai ici au pluriel, car M. Alexandre Démétriadès a déposé ce postulat avec moi. Nous voulons tout d’abord dire ici notre attachement à la presse d’investigation. Une presse « bonne pour la tête » comme le disait le slogan de L’Hebdo. Nous voulons dire aussi notre solidarité envers les journalistes et l’ensemble du personnel concerné. Si le présent postulat a pour origine la fin brutale de L’Hebdo, nous le déposons aussi pour que cela ne se produise plus. La presse romande est en difficulté ; il est temps de réfléchir à ce que nous pouvons faire pour la soutenir. Nous n’avons jamais autant communiqué ni reçu autant d’informations qu’à notre époque, en particulier via les médias électroniques et les réseaux sociaux. Nous sommes

12 Séance du mardi 7 février 2017 assaillis, en permanence, par une avalanche d’informations de toute sorte et il devient plus important que jamais de pouvoir compter sur un journalisme d’investigation, via une presse et des médias de qualité, pour pouvoir décortiquer ces informations et les mettre en perspective. Il est donc temps, à nos yeux, de briser le tabou d’une presse existant sans aide d’aucune sorte à l’exception de l’aide indirecte via la réduction des frais postaux, ce qui, selon de nombreuses personnes, serait le seul gage de son indépendance. La question que nous nous posons est la suivante : doit-on laisser mourir la presse et les divers médias, au nom de cette indépendance ? Ou alors, existerait-il de nouvelles formes d’aide, encore à trouver ? Au fait, de quelle indépendance parle-t-on ? L’indépendance est-elle encore garantie quand il faut chercher sans cesse de nouveaux revenus publicitaires ou quand un média commence à réaliser des articles sponsorisés ? Le canton de Vaud est devenu le premier canton en Suisse en termes de levées financières pour les start-ups, selon un communiqué de presse du 5 février dernier, et ce, grâce à la promotion économique du Conseil d’Etat. Les entreprises qui ont reçu des aides financières pour démarrer ont-elles perdu toute indépendance sur leurs orientations technologiques, par exemple ? Nous espérons que ce postulat soulèvera l’intérêt des députés attachés à la diversité et à la richesse de la presse et des médias romands et nous sommes persuadés que le Conseil d’Etat, si le postulat lui est transmis, pourra proposer des modes de soutien à la presse et aux médias, directs ou indirects, mais novateurs. Le postulat, cosigné par au moins 20 députés, est renvoyé à l’examen d’une commission.

______Postulat Philippe Grobéty et consorts – Enfin réaliser un palier hydroélectrique sur la partie vaudoise du Rhône (17_POS_237) Texte déposé A la fin du mois de novembre 2016, une demande de concession a été déposée et mise à l’enquête pour le projet de palier hydroélectrique Massongex-Bex-Rhône (MBR) Il s’agit d’une bonne nouvelle, puisque cela fait plus de trente ans que l’idée de centrale électrique au fil du Rhône a été évoquée. Le projet MBR porté par des sociétés électriques vaudoises et valaisannes prévoit une production équivalente à la production de quinze éoliennes. Il permet d’exploiter une partie intéressante du potentiel hydro-électrique de la partie vaudoise du Rhône. Pour rappel, la consommation électrique dans notre pays est en hausse constante. Même si les potentiels d’économie sont loin d’être épuisés et que nous devons continuer les efforts dans ce domaine, il est aussi nécessaire d’utiliser nos ressources d’énergie renouvelable et d’en augmenter notre production. A l’heure où nous voulons tous nous passer de l’énergie nucléaire, un tel projet se doit d’être soutenu et est réjouissant. Ce d’autant plus que sa réalisation doit se faire en coordination avec les travaux de correction du Rhône. Pour permettre à ce projet de se réaliser et pour pouvoir envisager d’autres exploitations de notre potentiel hydroélectrique, il est important d’avoir le soutien du canton de Vaud qui doit agir de concert avec le canton du Valais. C’est pourquoi je souhaite, par ce postulat, que le Conseil d’Etat nous présente un rapport qui réponde aux interrogations suivantes : − Y a-t-il d’autres projets de palier hydroélectrique sur la partie vaudoise du Rhône, par exemple celui d’Illarsaz, qui ont une chance de voir le jour ? − Qu’en est-il de la problématique de l’aménagement du territoire et de l’affectation du sol pour la réalisation d’un tel barrage ? − Le canton a-t-il une stratégie dans son programme énergétique pour régler le problème du coût de l’électricité qui ralentit et même parfois bloque les projets de production d’énergie renouvelable ? Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures. (Signé) Philippe Grobéty et 39 cosignataires

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Développement M. Philippe Grobéty (PLR) : — Cela fait maintenant plus de trente ans que l’idée de créer une dizaine de paliers électriques au fil du Rhône a été évoquée. Il y a dix ans, cette idée a même été débattue devant ce Grand Conseil au travers d’un postulat, déposé à l’époque par le député Olivier Français. Aujourd’hui, avec la demande de concession pour le projet de palier hydroélectrique Massongex - Bex - Rhône (MBR), nous avons un espoir qu’une première étape se réalise. L’énergie hydraulique est une énergie renouvelable à fort potentiel. Par exemple, ce palier produira l’énergie de 15 éoliennes — et ce n’est qu’une petite partie des potentiels du Rhône ! Nous le savons : la consommation électrique de notre pays est en hausse. Même si les potentiels d’économies sont loin d’être épuisés et que nous devons continuer les efforts dans ce domaine, il est aussi nécessaire d’augmenter notre capacité de production. En 2009, d’ailleurs, le Conseil d’Etat répondait à une interpellation en expliquant qu’une mesure prise pour assurer l’approvisionnement électrique de notre canton reposait sur l’énergie hydraulique et en particulier les ouvrages sur le Rhône ; le palier de Massongex y était cité. Le canton se doit donc non seulement de soutenir le projet qui est en cours, mais aussi les futurs projets de développement le long du Rhône. C’est pour cela qu’au travers de mon postulat, je demande que l’on débatte de trois questions : 1. Y a-t-il d’autres projets de paliers hydroélectriques ayant une chance de voir le jour sur la partie vaudoise du Rhône, soit entre Massongex et le lac, le projet d’Illarsaz, par exemple, dont on a beaucoup parlé à une époque ? 2. Qu’en est-il du processus engagé avec l’Etat du Valais pour l’affectation du sol pour la réalisation du barrage de Massongex ? 3. Le canton a-t-il une stratégie, dans son programme énergétique, pour régler le problème du coût de l’électricité, qui ralentit et bloque même parfois les projets de production d’énergie renouvelable ? Bien sûr, on pourrait se poser encore beaucoup d’autres questions, comme savoir s’il y a, de la part des deux cantons, une volonté de s’engager à réserver des surfaces utiles pour d’autres projets hydrauliques, tant au niveau de la propriété que de l’affectation du sol ? Je me réjouis d’en débattre en commission avec vous. Le postulat, cosigné par au moins 20 députés, est renvoyé à l’examen d’une commission.

______Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil (LGC) et Rapport de la Commission thématique de la modernisation du Parlement chargée de la mise en œuvre de la motion Véronique Hurni et consorts au nom de la Commission thématique des pétitions – Pour que les pétitions ne demeurent plus anonymes (15_MOT_078) (GC 179) Rapport de la Commission thématique de la modernisation du Parlement (Voir annexe en fin de séance.) Premier débat Mme Claudine Wyssa (PLR), rapportrice : — Une fois de plus, la Commission thématique de la modernisation du Parlement vient vers vous avec une proposition de modification de la Loi sur le Grand Conseil (LGC). Au nom de la Commission thématique des pétitions, Mme Véronique Hurni a déposé une motion en décembre 2015 demandant à ce que les pétitions ne soient plus traitées lorsque leur auteur n’est pas identifiable. Cette motion a été prise en considération en mars 2016 et a été transmise à la Commission thématique de la modernisation du Parlement pour rédaction. Il s’agit donc de décider si une pétition dont l’auteur n’est pas identifié doit être traitée ou pas. Vu les difficultés pratiques, mais aussi pour des questions de cohérence et de logique, la Commission

14 Séance du mardi 7 février 2017 thématique des pétitions souhaitait que ce ne soit plus le cas. La Commission thématique de la modernisation du Parlement a suivi cette proposition, comme d’ailleurs le Grand Conseil l’avait suggéré, en adoptant la motion. La seule discussion sur cette modification de l’article 106 a porté sur les pétitions présentant un intérêt général ou supérieur. Finalement, après avoir consulté à la fois le Conseil d’Etat et la Commission des pétitions, la Commission thématique de la modernisation du Parlement en est restée à la règle stricte qui vous est proposée dans l’exposé des motifs et projet de loi, à savoir ne pas traiter les pétitions dont l’auteur ne peut être identifié. Je vous recommande de suivre la proposition de la Commission thématique de la modernisation du Parlement. La discussion sur l’entrée en matière est ouverte. Mme Véronique Hurni (PLR) : — Je prends la parole en tant que présidente de la Commission thématique des pétitions, laquelle est pleinement satisfaite de la modification proposée par la Commission thématique de la modernisation du Parlement pour l’article 106, alinéa 2, de la LGC. En effet, même si ce cas de figure arrive rarement, il est important de se prémunir et d’éviter les gesticulations chronophages visant à rechercher un pétitionnaire fantôme. Tout citoyen, s’il pense souffrir d’une injustice ou s’il souhaite par exemple rester anonyme, peut approcher les députés de sa région. De plus, avec un rapport succinct et un débat qui se déroule à huis clos, la Commission les pétitions a mis au point un système pour rendre anonymes les pétitions les plus sensibles. La Commission des pétitions est donc en phase avec cette proposition de modification et vous propose d’adopter cet exposé des motifs et projet de loi. Mme Aliette Rey-Marion (UDC) : — Je suis membre de la Commission thématique de la modernisation du Parlement et je vous invite à suivre la proposition de la présidente. Si quelqu’un veut revendiquer un texte, il doit faire des efforts et sa signature doit être lisible, afin que ce soit compréhensible pour tout le monde. Jusqu’à présent, ces objets qui n’étaient pas identifiables donnaient du travail à la Commission des pétitions et il devenait inutile de travailler dans cette direction. Je vous invite à accepter la modification de l’article 106 et à aller dans le sens de la commission. La discussion est close. L’entrée en matière est admise à l’unanimité. Projet de loi modifiant la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil (LGC) Premier débat Le projet de loi est adopté en premier débat. Mme Claudine Wyssa (PLR), rapportrice : — Je demande de traiter cet objet en deuxième débat immédiat. Le deuxième débat immédiat est admis à la majorité des trois quarts (99 voix contre 7 et 2 abstentions). Deuxième débat Le projet de loi est adopté en deuxième débat et définitivement à l’unanimité. Rapport de la Commission thématique de la modernisation du Parlement chargée de la mise en œuvre de la motion Véronique Hurni et consorts au nom de la Commission thématique des pétitions – Pour que les pétitions ne demeurent plus anonymes (15_MOT_078) Décision du Grand Conseil après rapport de la commission Mme Claudine Wyssa (PLR), rapportrice : — La décision que vous venez de prendre répond à la motion et je vous invite par conséquent à accepter ce rapport. La discussion n’est pas utilisée. Le rapport de la Commission thématique de la modernisation du Parlement est accepté à l’unanimité.

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______Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 12 décembre 1979 d’organisation judiciaire (LOJV) et Rapport de la Commission thématique des affaires judiciaires chargée de la mise en œuvre de la motion Sylvie Podio au nom du Bureau du Grand Conseil – Pour une législature du Tribunal neutre identique à celle des autres autorités judiciaires (16_MOT_102) (GC 220) Rapport de la Commission thématique des affaires judiciaires 1. CONSIDERATIONS GENERALES 1.1 Motion Sylvie Podio au nom du Bureau du Grand Conseil La « Motion Sylvie Podio au nom du Bureau du Grand Conseil – Pour une législature du Tribunal neutre identique à celle des autres autorités judiciaires » a été déposée le 13 décembre 2016. Elle demande que l’art. 86, alinéa 1 de la loi d’organisation judiciaire (RSV 173.01 ; LOJV) soit modifié afin que la législature du Tribunal neutre soit à l’avenir « identique à celle des autres autorités judiciaires ». La situation qui prévaut aujourd’hui implique que le Tribunal neutre est « la seule autorité judiciaire à connaître une législature identique à celle du Grand Conseil et du Conseil d’Etat, sans le décalage de six mois qui permet au nouveau Grand Conseil, dans son premier semestre d’activité, de procéder à la préparation des élections judiciaires, puis à ces dernières ». Le Bureau du Grand Conseil a déposé cette motion parce que cette situation a déjà posé de sérieux problèmes par le passé et qu’elle ne manquerait pas d’en occasionner à nouveau lors du changement de législature 2017-2022 : le Grand Conseil assermenté le 27 juin devrait pouvoir mener l’entier du processus de renouvellement des membres du Tribunal neutre d’ici au 30 juin 2017, élection et assermentation comprises, afin que le Tribunal neutre soit en fonction et au complet au 1er juillet 2017, ce qui est matériellement impossible. 1.2 Prise en considération immédiate de la motion par le Grand Conseil Dans sa séance du 20 décembre 2016, à l’unanimité, le Grand Conseil a suivi la recommandation du Bureau du Grand Conseil : il a pris en considération la motion et l’a renvoyée directement à une commission pour l’élaboration de l’EMPL en découlant. Lors de sa séance du 22 décembre 2016, le Bureau a chargé la Commission thématique des affaires judiciaires (CTAFJ) de la mise en œuvre de cette motion ; en vertu de l’article 126a LGC, la commission a été ainsi investie de la mission de rédiger un exposé des motifs et projet de loi qui mette en œuvre la motion Sylvie Podio au nom du Bureau du Grand Conseil. 1.3 Traitement de la motion Sylvie Podio au nom du Bureau du Grand Conseil par la Commission thématique des affaires judiciaires Au vu de la matière, qui fait référence à l’organisation judiciaire, le Bureau du Grand Conseil a confié le traitement de cette motion à la CTAFJ. Celle-ci saisit l’opportunité de cette motion pour procéder à ce changement, ce d’autant plus que les principales parties prenantes sont acquises à l’idée de cette modification. Ainsi, de leur côté, tous les membres actuels du Tribunal neutre, consultés par le Secrétariat général du Grand Conseil par l’intermédiaire de leur Président, se sont déclarés favorables à une redéfinition de la législature du Tribunal neutre dans le sens proposé par la motion, conscients des problèmes engendrés par la situation actuelle. En mettant en œuvre la motion, la CTAFJ, puis le Grand Conseil en cas d’acceptation, contribueront à simplifier la procédure d’élection des juges et juges suppléants du Tribunal neutre. Ainsi, la CTAFJ fait siennes les formulations proposées par la motion et propose de les reprendre dans le projet de loi. 1.4 Modifications légales proposées Art. 86 Organisation En l’état, l’article 86, alinéa 1er LOJV stipule que :

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« Le Tribunal neutre est constitué par le Grand Conseil, qui nomme au début de chaque législature pour la durée de celle-ci cinq membres et deux suppléants. La procédure d’élection des juges cantonaux et de leurs suppléants est applicable. » Suite à la prise en considération de la motion, il s’agit de modifier la loi afin que la législature du Tribunal neutre soit à l’avenir identique à celle des autres autorités judiciaires. En ce sens, la formulation proposée par la motion s’inspire de l’art. 23, alinéa 1er LOJV, qui stipule que : « 1 Les juges, les juges suppléants du Tribunal cantonal, les assesseurs de la Cour de droit administratif et public et les assesseurs de la Cour des assurances sociales sont élus pour une durée de cinq ans par le Grand Conseil, à compter du 1er janvier de l’année qui suit le renouvellement du Grand Conseil ; ils sont rééligibles. » A la discussion, il apparaît que la formulation précitée peut très bien être reprise, dans un souci de cohérence juridique et rédactionnelle, à l’art. 86, alinéa 1er LOJV. Une disposition transitoire viendra utilement compléter la modification de l’art. 86, alinéa 1er LOJV, afin que la solution envisagée déploie ses effets dès la législature en cours, sensée sinon prendre fin le 30 juin 2017. Ainsi, la durée des fonctions des membres actuels du Tribunal neutre sera prorogée jusqu’au 31 décembre 2017. Il est à noter que le Secrétariat général du Grand Conseil a déjà échangé avec le Service juridique et législatif sur les modifications proposées et que ce dernier a déjà contribué à en améliorer la rédaction. 2. PROPOSITION DE LA CTAFJ Vu les considérations ci-dessus, la CTAFJ propose au Grand Conseil l’adoption d’un projet de loi mettant en œuvre la motion Sylvie Podio au nom du Bureau du Grand Conseil. 2.1 Commentaire sur le projet de loi modifiant la loi du 12 décembre 1979 d’organisation judiciaire (LOJV) Art. 86 Organisation Alinéa 1 Vu les considérations ci-avant, la CTAFJ propose la rédaction suivante : 1 Le Grand Conseil élit les cinq membres du Tribunal neutre et les deux suppléants pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier de l’année qui suit le renouvellement du Grand Conseil. Ils sont rééligibles. La procédure d’élection des juges cantonaux et de leurs suppléants est applicable. Disposition transitoire Art. 2 1 Les membres du Tribunal neutre et leurs suppléants élus pour la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2017 demeurent en fonction jusqu’au 31 décembre 2017. 3. CONSULTATION DU CONSEIL D’ETAT En vertu de l’art. 126a LGC, la commission en charge de présenter un rapport et un projet de loi ou de décret est tenue de consulter d’office le Conseil d’Etat. Celui-ci remet son avis dans un délai de deux mois au moins. L’avis du Conseil d’Etat est transmis au Grand Conseil et figure de ce fait en annexe. 4. RAPPORT DE LA CTAFJ SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA MOTION 4.1 Motion Sylvie Podio au nom du Bureau du Grand Conseil – Pour une législature du Tribunal neutre identique à celle des autres autorités judiciaires (16_MOT_102) La base légale du Tribunal neutre est l’article 86 de la Loi d’organisation judiciaire (LOVJ). La teneur de l’article 1 est la suivante : « Le Tribunal neutre est constitué par le Grand Conseil, qui nomme au début de chaque législature pour la durée de celle-ci cinq membres et deux suppléants. La procédure d’élection des juges cantonaux et de leurs suppléants est applicable. » Il en découle que le Tribunal neutre est la seule autorité judiciaire à connaître une législature identique à celle du Grand

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Conseil et du Conseil d’Etat, sans le décalage de six mois qui permet au nouveau Grand Conseil, dans son premier semestre d’activité, de procéder à la préparation des élections judiciaires, puis à ces dernières. Concrètement, en juin 2017, le Grand Conseil assermenté le 27 juin devrait pouvoir mener l’entier du processus d’ici au 30 juin, élection et assermentation comprises, afin que le Tribunal neutre soit en fonction et au complet au 1er juillet, ce qui n’est pas possible. Cela a déjà posé de sérieux problèmes par le passé, en 2007 et 2012, et il est depuis longtemps question d’y remédier. Après examen avec le Service juridique et législatif, il s’avère qu’il est encore temps de procéder à ce changement de la LOJV si le processus est lancé ce mois de décembre 2016. De leur côté, tous les membres actuels du Tribunal neutre, consultés, se sont déclarés favorables à une telle proposition, conscients des problèmes engendrés par la situation actuelle. Le Bureau propose deux modifications de la LOJV : − une modification de l’article 86, alinéa 1, qui pourrait être la suivante : « Le Grand Conseil élit les cinq membres du Tribunal neutre et les deux suppléants pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier de l’année qui suit le renouvellement du Grand Conseil. Ils sont rééligibles. La procédure d’élection des juges cantonaux et de leurs suppléants est applicable. » ; − une disposition transitoire, qui pourrait être la suivante : « Les membres du Tribunal neutre et leurs suppléants élus pour la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2017 demeurent en fonction jusqu’au 31 décembre 2017. » La prise en considération immédiate et le renvoi à une commission, vraisemblablement à la Commission thématique des affaires judiciaires, sont nécessaires pour permettre de mener le changement à bien à temps pour le changement de législature. Prise en considération immédiate. (Signé) Sylvie Podio 4.2 Rapport de la CTAFJ La CTAFJ estime que le projet de loi modifiant la loi du 12 décembre 1979 d’organisation judiciaire (LOJV) qu’elle soumet pour approbation au Grand Conseil répond à la prise en considération de la motion Sylvie Podio au nom du Bureau par le Grand Conseil. 5. CONSEQUENCES DU PROJET DE LOI 5.1 Légales et réglementaires La présente révision partielle de la loi d’organisation judiciaire (LOJV) évitera au Tribunal neutre une vacance de ses membres pendant plusieurs semaines à compter du 1er juillet 2017 et donc une éventuelle suspension du traitement des dossiers. Par ailleurs, le Grand Conseil et sa Commission permanente de présentation (CPPRT) n’auront pas à procéder à l’élection et à l’assermentation, dans l’urgence, des juges et juges suppléants du Tribunal neutre pour la législature 2017-2022 pendant les vacances d’été 2017. Le processus de réélection des membres du Tribunal pourra se dérouler à l’instar du processus prévu pour la réélection des juges du Tribunal cantonal, soit une fois que le Grand Conseil, dans sa nouvelle composition, aura pris ses fonctions et aura désigné les membres de sa CPPRT. 5.2 Autres Néant. 6. CONCLUSIONS Vu ce qui précède, la Commission thématique des affaires judiciaires a l’honneur de proposer au Grand Conseil : − d’adopter le projet de loi ci-après modifiant la loi du 12 décembre 1979 d’organisation judiciaire (LOJV) ;

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− d’accepter le rapport de la Commission thématique des affaires judiciaires sur la motion Sylvie Podio au nom du Bureau du Grand Conseil – Pour une législature du Tribunal neutre identique à celle des autres autorités judiciaires (16_MOT_102). , le 30 janvier 2017. Le Président- rapporteur : (Signé) Nicolas Mattenberger Annexe 1 : Lettre du 18 janvier 2017 du Conseil d’Etat suite à sa consultation par la CTAFJ. (Voir annexe en fin de séance.) * Premier débat M. Nicolas Mattenberger (SOC), rapporteur : — Ce projet concerne la motion Sylvie Podio déposée au nom du Bureau du Grand Conseil et vise à ce que la législature du Tribunal neutre soit identique à celle des autres autorités judiciaires. La situation qui prévaut actuellement implique que le Tribunal neutre est la seule autorité judiciaire à connaître une législature identique à celle du Grand Conseil et du Conseil d’Etat, et ce sans le décalage de six mois qui permet au nouveau législatif de procéder à la préparation des élections judiciaires, avec un risque de vacances pendant ces six mois que nous avons connu lors de précédentes législatures. Dans sa séance du 20 décembre 2016, le Grand Conseil a suivi à l’unanimité la recommandation du bureau ; il a pris en considération la motion et l’a renvoyée directement à une commission pour l’élaboration du présent exposé des motifs. La Commission thématique des affaires judiciaires s’est ainsi vu confier le traitement de cette motion et la rédaction de ce projet de loi. Nous avons donc prévu de nous calquer sur l’article 23, alinéa 1, de la Loi sur l’organisation judiciaire (LOJV), disposition qui prévoit que les juges et les suppléants du Tribunal cantonal sont élus pour une durée de cinq ans, et ce à partir du 1er janvier de l’année qui suit le renouvellement du Grand Conseil. Afin d’appliquer cette règle aux membres et suppléants du Tribunal neutre, la commission vous propose de modifier l’article 86 LOJV. Par ailleurs, nous avons également prévu une disposition transitoire pour résoudre la question des six mois à venir, c’est-à-dire de la période de l’entrée en fonctions du nouveau Grand Conseil et des six mois qui seront nécessaires pour désigner et élire les nouveaux juges du Tribunal neutre. Durant cette période, nous vous proposons de prolonger le mandat actuel des juges. Par conséquent, je vous invite à entrer en matière, à adopter le projet de loi qui modifie la LOJV et enfin à accepter le rapport de la Commission thématique des affaires judiciaires sur la motion Sylvie Podio. La discussion sur l’entrée en matière est ouverte. M. Régis Courdesse (V’L) : — Il s’agit effectivement de supprimer une scorie présente dans la LOJV, et ce afin que tous les mandats de juges, qu’ils fassent partie du Tribunal neutre ou du Tribunal cantonal, soient cohérents. Je vous invite donc à adopter le rapport ainsi que la modification de l’article 86 LOJV. M. Mathieu Blanc (PLR) : — Comme l’a dit le président de la Commission des affaires judiciaires dont je suis membre également, par souci de cohérence, nous devons entrer en matière et valider cette proposition de modification législative. Le projet de loi reprend une disposition existante et, afin d’éviter toute incohérence, une disposition transitoire a été prévue. Pour ces motifs, je vous invite à entrer en matière sur le projet et à valider les propositions du rapport de la commission. La discussion est close. L’entrée en matière est admise à l’unanimité. Projet de loi modifiant la loi du 12 décembre 1979 d’organisation judiciaire (LOJV) Premier débat Le projet de loi est adopté en premier débat.

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M. Nicolas Mattenberger (SOC), rapporteur : — Vu cette unanimité et le fait qu’il est important que cette loi puisse entrer en vigueur, je demande le deuxième débat immédiat. Le deuxième débat immédiat est admis à la majorité des trois quarts (106 voix contre 2 et 7 abstentions). Deuxième débat Le projet de loi est adopté en deuxième débat et définitivement à l’unanimité. Rapport de la Commission thématique des affaires judiciaires chargée de la mise en œuvre de la motion Sylvie Podio au nom du Bureau du Grand Conseil – Pour une législature du Tribunal neutre identique à celle des autres autorités judiciaires (16_MOT_102) Décision du Grand Conseil après rapport de la commission M. Nicolas Mattenberger (SOC), rapporteur : — Au nom du Bureau du Grand Conseil, je vous prie d’accepter le rapport de la Commission thématique des affaires judiciaires sur la motion Sylvie Podio. La discussion n’est pas utilisée. Le rapport de la Commission thématique des affaires judiciaires est accepté à l’unanimité.

______Résolution Vassilis Venizelos et consorts – Pour une presse romande variée et vivante ! (17_RES_041) Texte déposé L’annonce faite le 23 janvier 2017 par le groupe Ringier de l’arrêt de la publication du magazine L’Hebdo dès le 2 février vient s’ajouter à une longue liste de mauvaises nouvelles pour la presse romande, qui voit depuis des années des titres et des emplois disparaître. Le poids de grands groupes éditoriaux sur les principaux titres romands et la situation de quasi- duopole qui en résulte pose la question de la diversité des opinions et des médias. Or, une presse variée et vivante, suscitant le débat d’idées et se faisant le vecteur de positions contradictoires, est un outil indispensable à tout système démocratique. « Le Grand Conseil demande au Conseil d’Etat de tout mettre en œuvre pour préserver et promouvoir l’implantation dans notre canton et en Suisse romande d’éditeurs de médias de qualité se faisant écho d’un large spectre d’opinions et d’idées. » (Signé) Vassilis Venizelos et 7 cosignataires Développement M. Vassilis Venizelos (VER) : — L’annonce faite le 23 janvier 2017 par le groupe Ringier de l’arrêt de la publication du magazine L’Hebdo a motivé le dépôt de cette résolution, cosignée par un représentant de chaque groupe politique. Cette annonce s’ajoute à une longue liste de mauvaises nouvelles pour la presse romande qui voit, depuis des années, ces titres et ces emplois disparaître. Par ses enquêtes fouillées et ses prises de position parfois tranchées, qui suscitent tantôt l’adhésion, tantôt la désapprobation, L’Hebdo est un acteur important de la scène médiatique romande, qui, ces trente dernières années, a participé au façonnement du discours politique. Avec sa disparition, le débat démocratique est manifestement appauvri. Le poids des grands groupes éditoriaux sur les principaux titres romands et la situation de quasi-duopole qui en résulte posent la question de la diversité des opinions et des médias. Or, une presse variée et vivante suscitant le débat d’idées et se faisant le vecteur de positions contradictoires est un outil indispensable à tout système démocratique. Ces différents arguments et ces différentes raisons ont amené de nombreux députés à cosigner cette résolution :

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« Le Grand Conseil demande au Conseil d’Etat de tout mettre en œuvre pour préserver et promouvoir l’implantation dans notre canton et en Suisse romande d’éditeurs de médias de qualité se faisant écho d’un large spectre d’opinions et d’idées. » Le président : — Vingt députés appuient-ils cette résolution ?

La résolution est soutenue par au moins 20 députés. La discussion est ouverte. M. Marc-Olivier Buffat (PLR) : — Comme vous l’avez constaté, par son président, le groupe PLR a soutenu cette résolution. Il entend faire preuve de cohérence avec de précédentes interventions et il me plaît de rappeler que votre serviteur avait déposé une initiative en 2009 sur l’indépendance et la diversité des médias, initiative qui n’a pas encore été traitée. Il n’en demeure pas moins qu’avec la concentration des médias — mon collègue Venizelos parlait de duopole, mais peut-être existe-t-il un oligopole — la diversité de la presse et des médias en général pose problème — l’initiative que j’avais déposée traitait du regroupement de la radio et de la télévision à Genève. Pour le groupe PLR, l’intervention de l’Etat ne saurait aller dans le sens d’un subventionnement qui nuirait à l’indépendance de la presse. Comment choisir les médias qui bénéficieraient hypothétiquement de cette aide ? En revanche, le groupe PLR a toujours soutenu et soutiendra encore toute mesure prise par le Conseil d’Etat pour garantir des conditions-cadres permettant la diversité des médias. On en veut pour exemple le travail du Conseil d’Etat en vue d’assurer le maintien de la radio sur le site vaudois, en particulier à l’EPFL suite au rachat du bâtiment de la Sallaz. Telle est exactement la voie qu’il conviendrait de suivre : créer des synergies et des soutiens, par exemple par l’EPFL, et surtout intervenir à Berne, puisqu’une loi est en cours d’élaboration sur les médias numériques. Le groupe PLR vous invite, bien entendu, à soutenir cette résolution. Mme Valérie Induni (SOC) : — Je vous invite également à soutenir cette résolution. L’essentiel est exprimé dans le titre « Une presse variée, une presse vivante. », comprenant tout ce qui touche à la presse, au débat d’idées, à la pluralité des opinions et au fait de pouvoir parler des événements et les mettre en lumière, comme je l’ai expliqué tout à l’heure à propos de mon postulat. Il en va aussi d’un pan de métiers liés à la presse, à savoir les emplois de journalistes, mais aussi les emplois liés à la fabrication d’un journal ou d’une émission de radio ou de télévision. Si on veut que la jeune génération continue à s’intéresser à ces métiers et à s’y former, il faut des possibilités d’emplois. Ainsi, je soutiens cette résolution et vous invite à faire de même, pour la diversité de la presse et le maintien d’un savoir-faire et de métiers extrêmement importants dans une société démocratique comme la nôtre. Mme Fabienne Despot (UDC) : — Loin de moi la Schadenfreude, car je ne me réjouis pas de la mort d’un journal, fût-il L’Hebdo. En premier lieu, pensons avec empathie à la quarantaine de personnes qui se retrouvera sur le carreau, dans un contexte professionnel difficile. Je souhaite à chacune de retrouver rapidement un poste fiable et intéressant. En deuxième lieu, le spectre médiatique romand continue à se restreindre ; ce ne peut être considéré comme une bonne nouvelle et je sens le poids des ans à la liste des journaux que j’ai connus et qui ne sont plus. Finalement, quoi qu’on en pense, L’Hebdo a laissé la trace d’un style particulier, certes reproduit à l’infini et infiniment reproductible, comme l’a démontré la logomachie, mais dont on ne saurait nier l’originalité. Ceci étant dit sans ambiguïté, intéressons-nous aux causes de la faillite de L’Hebdo et demandons- nous si nous avons vraiment perdu en diversité, puisque la résolution déposée par notre collègue Vert pose la question et estime nécessaire le débat d’idées, les positions contradictoires et une presse « variée et vivante ». La ligne éditoriale de L’Hebdo se situe aisément : nostalgiques de 1968, bobos peu ou prou déracinés, « libéraux en matière de mœurs et de finances, étatistes pour les questions sociales » — pour citer Olivier Delacrétaz qui a le sens de la formule. Le journal était en totale symbiose avec le slogan « La Suisse n’existe pas. » de l’Exposition universelle de 1992 à Séville. Puisqu’elle n’existe pas, elle ne saurait envisager d’autres voies que celle de la dissolution dans le magma de l’Europe bureaucratique. A longueur de semaines, les éditoriaux et les articles de L’Hebdo nous répètent inlassablement à quel point nous, les Suisses — ceux qui n’ont pas forcément fait d’études universitaires, qui subissent la mondialisation de plein fouet, qui doutent de la construction

21 Séance du mardi 7 février 2017 européenne et qui voudraient protéger notre agriculture — sommes anachroniques, incultes, bornés, déplacés, racistes — ô combien méprisables donc ! — et des populistes qui ont toujours tort. L’Hebdo a déclaré forfait, parce qu’entre autres raisons, on ne le lit plus. Ces derniers temps, le magazine avait perdu énormément de lecteurs. Bien sûr, le nombre d’eurosceptiques a augmenté devant l’évidence des multiples échecs de la construction européenne. Ceux que le journal n’avait cessé de traiter de bouseux en ont eu assez qu’on leur fasse la morale et ne se sont plus contentés que l’on planquât ces échecs à la chaîne sous le tapis. Le discours unilatéralement enthousiaste manquait de réalisme et de réflexion critique. A force de heurter la raison, L’Hebdo a réveillé les appartenances cantonales et nationales, bref tout ce qu’il abhorrait. Les femmes et les hommes qui respectent les décisions du peuple n’ont pas admis que Chantal Tauxe considérât le vote du 9 février 2014 comme une « soumission aux caprices de la démocratie ». Ceux qui croient en une Suisse en tant qu’Etat libre ne peuvent laisser le droit européen s’imposer dans les lois suisses et affirmer avec la même Chantal Tauxe qu’ »instaurer la primauté du droit suisse, c’est renier notre histoire ». Ceux qui, même europhiles, attendaient d’un média qu’il informât avant de commenter se sont lassés d’un journal qui s’employait à être militant et prophète envers et contre toute réalité. Malheureusement, dans ses débriefings nombrilistes, la rédaction de L’Hebdo n’a pas su être attentive au ras le bol de ses lecteurs. Si cette cause spécifique de la chute de L’Hebdo est peu discutée dans les colonnes de nos journaux, c’est qu’elle implique une remise en question d’une bonne part de la presse romande. D’autres titres qui voient leur couche de lecteurs fondre comme neige en un jour de foehn devraient en tirer une leçon qui pourrait leur permettre de survivre, à condition de se débarrasser des œillères du courant dominant. Dès lors, parlons diversité : vers quel journal se tournent les hommes et les femmes qui croient que la Suisse existe ? Vers 24heures, Le Temps, La Liberté ou La Tribune de Genève ? Voyons ! Tous tiennent les mêmes discours, proposent souvent les mêmes photos, les mêmes titres — « Même dedans, c’est les deux mêmes » disait le clairvoyant Coluche — et le même angle pour traiter un sujet, ont les mêmes chouchous et les mêmes têtes de Turc, les mêmes intervenants et les mêmes absents et font les mêmes courbettes aux politiciens de la gauche de l’échiquier avec qui les journalistes se passent rhubarbe et séné. Le Temps est aveuglément europhile et 24heures transformé en organe du Parti socialiste, paré pour la prochaine campagne. Cela transparaît au quotidien : selon un exemple local, 24heures s’empresse de baisser la tension quand un popiste est pris au jeu du capitaliste passe- droit avec des appartements dédiés aux familles. S’il avait été un UDC, nous en aurions entendu parler jusqu’à Noël. En politique internationale, c’est le même unisson, le même hurlement avec les loups de l’ensemble de la presse écrite et télévisée occidentale. Les commentaires sur les élections américaines en sont la caricature. Le nouveau président fut traité d’affabulateur trompant l’électorat avec de fausses promesses, puis de vieux salaud qui ose appliquer ce qu’il avait annoncé, pendant que le président sortant est peint de toutes les qualités. Je relève que Myret Zaki, rédactrice en chef de Bilan, a fort heureusement nuancé son discours, mais elle paraît bien seule face à tant d’appels à la haine. Comment les journalistes ne peuvent-ils se rendre compte qu’en Suisse beaucoup de personnes ne sont pas inscrites au parti démocrate américain, considèrent que vingt-sept fronts de guerre couverts par un prix Nobel de la paix sont trop nombreux et déduisent que M. Trump a été élu parce que l’Amérique comprend un nombre non négligeable de citoyens qui le soutiennent et qui sont manifestement rayés des écrans et des colonnes de journaux ? Voilà des évidences qui, dans nos journaux si diversifiés, deviennent des blasphèmes. Je suis très inquiète pour la diversité du paysage médiatique romand et je déplore le manque de visibilité d’une vraie presse contradictoire, qui fournit des faits et de l’information avant le jugement et la mise au pilori. Je relève la nouvelle du Temps de 29 janvier 2017 « Frauke Petry, candidate populiste aux élections allemandes de 2017 expose les convictions de son mouvement. » Je ne connais rien de cette dame Petry et ignore si elle est fréquentable, mais j’attends d’un journal qu’il explique les faits avant de démolir quelqu’un. Tous les lecteurs ne sont pas prêts à être endoctrinés. Ils quitteront Le Temps ou 24heures comme ils ont quitté L’Hebdo.

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Je suis favorable à la diversité du paysage médiatique, mais me demande en quoi la disparition d’un des principaux vecteurs de la bien-pensance — pour ne pas dire de la pensée unique — dégrade cette diversité. Que L’Hebdo mette la clef sous le paillasson n’y change rien. J’attends de vrais débats d’idées, de réelles confrontations et de nouveaux vecteurs qui offriront aussi la parole à ceux qui ne sont pas bien-pensants et qui croient encore en la Suisse, à armes égales. Nous aurions bénéficié d’une réelle diversité d’opinions en 2013 si Le Temps avait modifié quelque peu sa ligne éditoriale. Il aurait eu ainsi un nouveau souffle comme l’a trouvé la Weltwoche. Que nenni : les bobos mènent la garde. Cette diversité-là : ¡No pasarán ! En conclusion, j’espère qu’un nouveau journal répondra bientôt aux attentes des lecteurs suisses romands et que les journalistes amoureux de leur travail et soucieux de l’existence d’une réelle diversité d’opinion y trouveront leur bonheur professionnel. Je vous demande, au nom du groupe UDC, de refuser une résolution ô combien inopportune et inefficace, voire dangereuse pour la liberté d’expression, car ce n’est pas l’implication de l’Etat, serait-il dirigé par un gouvernement à majorité de droite, qui assurera la diversité des opinions dans la presse. Mme Claire Richard (V’L) : — Après L’Hebdo, à quand la disparition du Temps, de 24heures et de tous nos journaux locaux, suite à la défection des annonceurs attirés par des cieux commerciaux plus attractifs ? Si nous continuons sur cette lancée, seuls des journaux propriétés de grands groupes financiers sans éthique ni relais de terrain ou propriétés de milliardaires utilisant les médias pour leurs ambitions personnelles seront capables de survivre à notre époque. Or, la presse n’est pas un acteur économique comme un autre. La concurrence est positive dans notre société libérale. C’est une chose de se battre contre la concurrence pour vendre une voiture ou les services d’une assurance, mais c’en est une autre de survivre dans un domaine économique où se côtoient des médias aussi différents que Facebook, des chaînes de télévision, des journaux gratuits et la presse d’information ou d’investigation, dans un monde où la concurrence est totalement inégale face à la publicité et au coût d’un véritable travail d’investigation. Si la presse écrite, ou la presse en général disparaissent, la démocratie sera en grand danger. La presse à peu près diversifiée que nous connaissons actuellement permet à chacun de se forger une opinion dans un monde compliqué, alors qu’une presse superficielle, délocalisée, sans états d’âme ni connaissances de la politique et des racines locales provoquera l’appauvrissement de l’information, voire sa manipulation. Pour toutes raisons, à titre personnel et au nom d’une partie de mon groupe, je vous invite à voter en faveur de cette résolution visant à étudier comment conserver, d’une manière ou d’une autre, des médias de qualité. L’aide à la presse écrite ou non écrite ne peut pas rester indéfiniment un tabou. M. Jean-Michel Dolivo (LGa) : — Le groupe La Gauche (POP-solidaritéS) soutiendra cette résolution. Le groupe est en accord avec le fond de la résolution, même si elle n’a qu’une portée extrêmement générale. Ma première remarque concerne l’intervention de la représentante du groupe UDC, qui accumule les poncifs réactionnaires. On n’a pas besoin de la Weltwoche en français : on a Mme Despot ! (Rires.) C’est tout à fait incroyable de l’entendre reproduire un discours aussi réactionnaire et conservateur. Mme Despot distribue les bons points en lisant avec beaucoup d’attention L’Hebdo jusqu’à son dernier numéro et conclut qu’une certaine presse — celle qui ne lui plaît pas — doit disparaître et que c’est normal, vu le marché et la situation de la presse et des médias. Madame Despot, dans le cas de L’Hebdo, contrairement à ce que vous soutenez, ce n’est pas le nombre de lectrices et de lecteurs qui s’est réduit, mais la publicité dans les médias sur papier, remplacée ces dernières années par la publicité sur internet et les supports électroniques. Le problème est donc d’ordre économique et de ressources économiques. Deuxièmement, un point qui n’est pas soulevé dans la résolution, mais que le groupe La Gauche (POP-solidaritéS) voudrait mettre en évidence concerne les pertes d’emploi — quarante-sept postes — et ce licenciement collectif dans le groupe Axel Springer. Il fait des bénéfices fabuleux, mais se permet de licencier des dizaines de salariés dans un média romand auquel il n’a évidemment guère affaire, étant extrêmement puissant en Allemagne et en Suisse allemande. Ces quarante-sept licenciements s’ajoutent aux licenciements de ces derniers mois dans le groupe Tamedia. La situation est donc grave pour les emplois dans une profession, dont les journalistes font partie, sinistrée par la pression du marché sur les médias et par le fait que ces derniers vivent ou vivaient de la publicité et

23 Séance du mardi 7 février 2017 que les propriétaires des grands groupes ont les yeux braqués sur le rendement des actions. Il s’agit de restructurer au maximum pour assurer un rendement maximum. Sur le fond, le groupe La Gauche (POP-solidaritéS) est opposé aux licenciements collectifs dans les entreprises qui font des bénéfices, pas seulement dans les médias, mais dans l’ensemble des secteurs économiques. C’est une absence totale de reconnaissance pour celles et ceux qui participent prioritairement à la production, que ce soit dans les médias ou les entreprises, alors que des bénéfices faramineux sont réalisés. Il s’agit d’une question de principe. L’Etat devrait intervenir face à ces licenciements collectifs inacceptables. Un aspect pas vraiment débattu dans le cadre de cette résolution et des interventions de mes collègues concerne les tarifs de la Poste. Il existe des tarifs préférentiels, mais ils ne sont pas toujours faciles à obtenir. Il est plutôt piquant de relever que les grands bénéficiaires de ces tarifs préférentiels sont les journaux de deux grands groupes de distribution La Coop et la Migros. Il y a une réflexion à mener sur une politique publique d’aide aux médias. Nous sommes plutôt favorables à des mesures d’aides étatiques aux médias avec des garanties très claires sur leur autonomie et leur indépendance face au pouvoir. Nous sommes sûrs que cette indépendance n’est pas réalisée aujourd’hui, dès lors que les médias sont totalement dépendants du marché de la publicité et du rendement des actions des actionnaires des grands groupes. Je vous remercie de voter en faveur de la résolution. M. Philippe Jobin (UDC) : — Ayant signé la résolution, je m’exprime en mon nom et non en tant que chef de groupe. Les médias, c’est parfois « je t’aime, moi non plus ! » La presse n’est pas toujours tendre avec mon parti, ce que je déplore parfois. Il n’en demeure pas moins que si nous discutons ce matin, c’est parce que L’Hebdo a cessé sa publication pour de bon. J’aimerais citer Alain Jeannet : « Si la logique économique est à comprendre, pour ce magazine, sa viabilité n’était plus possible. » Nous en faisons tous le triste constat. Depuis plus d’une vingtaine d’années, la presse écrite vit un déclin dans tous les pays qui nous entourent avec, dans le même temps, une publicité qui a fortement diminué, comme cela a été relevé. Les causes sont les nouvelles sources de renseignement sur internet, les tablettes, les téléphones portables, les réseaux sociaux qui captent les moindres informations. A toutes ces sources d’information s’ajoutent l’érosion des lecteurs et la publicité en constante baisse, qui donnent le coup de grâce aux médias de la presse écrite. Deux grands groupes se partagent la presse écrite, Tamedia, Ringier Axel Springer. Ils se sont tellement diversifiés, avec par exemple le rachat de Ricardo, Immostreet et Anibis, que le journalisme — je me fais du souci — et la diffusion d’information occuperont une part de plus en plus congrue dans leurs activités. La mort de L’Hebdo ainsi que la perte de trente-sept postes au Temps en sont les tristes exemples. Dans ce contexte, je me demande comment on peut soutenir cette profession pour ne pas léser notre démocratie et la diversité des opinions exprimées. Le point suivant me semble important : le journalisme, d’après ce que je comprends, a besoin d’innovateurs et d’entrepreneurs plutôt que de subventions directes de l’Etat — les subventions poseraient d’autres problèmes, comme la perte d’indépendance. C’est en grande partie au niveau fédéral qu’il serait intéressant de chercher des soutiens, par exemple auprès de la Commission pour la Technologie et de l’Innovation. L’article 64 de la Constitution fédérale est relativement clair et permet d’aller dans cette direction. La question centrale est de savoir si l’on veut tout mettre en œuvre pour garder une production journalistique de qualité dans notre canton et garantir notre qualité démocratique. C’est dans cet esprit que j’ai signé cette résolution. Les journaux sont nécessaires au débat public et je reste attaché à la diversité de la presse. Je vous invite à soutenir la résolution, comme certains collègues de mon groupe. M. Jean Tschopp (SOC) : — Nous sommes presque tous inquiets dans cette assemblée — c’est l’origine de la résolution — puisque les décisions se prennent au niveau d’éditeurs qui n’ont plus de liens ni d’ancrages suffisants en Suisse romande. C’est non seulement la liberté de la presse qui est en cause, mais aussi, plus simplement, la liberté d’information et de tout un chacun de pouvoir se forger une opinion en toute connaissance de cause. Dans ces conditions, je m’étonne — c’est peu dire — de l’intervention tonitruante de Mme Despot qui, avec un cynisme qui n’a pas sa place dans des moments pareils, en vient presque à se réjouir des suppressions de postes et critique la ligne éditoriale de L’Hebdo dans un pays démocratique où, évidemment, tout titre de presse est libre de sa propre ligne

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éditoriale. Madame Despot, jamais je ne m’exprimerai ici en me réjouissant de la disparition d’un titre de presse, même si je ne partage pas ses opinions. Nous sommes attachés à la diversité des opinions, à ce qu’elle soit aussi libre et étendue que possible et à la liberté d’expression, raisons pour laquelle jamais je ne sabrerai le champagne en apprenant la fermeture d’un titre de presse, même de votre parti. Dans cette assemblée, où nous sommes attachés à la liberté de débattre, on pourrait s’attendre à la même chose de la part de votre groupe. Le postulat de Mme Valérie Induni est une contribution importante au débat pour réfléchir à la manière dont nous pouvons faire vivre la liberté d’information dans le canton et en Suisse romande et à la manière dont nous pouvons y contribuer. La presse et les médias vivent une période extrêmement difficile. Cela interpelle non seulement les journalistes, mais aussi les politiques que nous sommes, attachés à notre origine démocratique et à la liberté d’opinions et de débats. Je vous invite donc à soutenir cette résolution. M. Julien Sansonnens (LGa) : — La fin de L’Hebdo est un coup dur pour les employés concernés, d’abord, et pour la diversité de la presse et des opinions, quelles qu’elles soient. Personne ne s’en cache, L’Hebdo avait une ligne éditoriale affirmée, que l’on partageait ou non. Le principe de la diversité des opinions implique qu’on ne peut se réjouir de la fin d’un titre. Je suis favorable à ce qu’un site comme les Observateurs.ch, par exemple, existe et trouve son public. Ce n’est pas un site que je lis avec beaucoup de plaisir, mais, au nom du pluralisme et des opinions, on ne peut pas demander qu’un site comme celui-là, tant qu’il respecte le droit, soit fermé ou censuré — une demande que l’on entend parfois ici ou là. Il faut laisser à chacun la possibilité de s’exprimer au nom des principes de la diversité et de la pluralité des médias. La fin de L’Hebdo est également un coup dur pour le monde de la culture en Suisse romande. J’aimerais rappeler combien le magazine a fait pour la littérature romande. Les auteurs romands y trouvaient chaque semaine un endroit où s’exprimer et présenter leur travail. De manière générale, la critique littéraire se réduit comme peau de chagrin dans les publications hebdomadaires ou quotidiennes. Il faut le regretter. La fin de L’Hebdo doit aussi nous rappeler que des titres de moindre envergure sont menacés ou ont déjà disparu. Il existe ou il existait une vitalité et un dynamisme remarquable en Suisse romande avec de petites publications politisées ou non. Lorsqu’elles l’étaient, de quelque bord que ce soit, elles participaient au débat démocratique et étaient importantes, malgré une envergure bien moins grande que L’Hebdo. Parmi de nombreux titres, je cite dans lequel j’ai beaucoup écrit — je déclare mes intérêts — et La Nation. Ces deux titres, totalement opposés politiquement, sont de qualité et le débat d’idées, la liberté et la confrontation politique y ont lieu de manière forte, vivante et dynamique. Il est important que ces titres soient soutenus. Comment soutenir L’Hebdo et la diversité de la presse qui se réduit dans les petits titres ? Au niveau fédéral, l’aide à la presse est accordée par la Poste sur les tarifs d’envoi, mais le parlement fédéral à majorité de droite, ne semble pas y porter beaucoup d’intérêt. Le dogme libéral déploie ici tous ces effets, car cette aide à la presse est réduite année après année. On a toujours plus de mal à faire valoir le droit à obtenir cette aide, par exemple pour Gauchebdo. C’est une menace pour la diversité de la presse et des petits titres qui ont besoin d’une aide de la Poste. Evidemment, lorsqu’on subventionne un média, des risques existent. Il faut des garanties pour que les entités qui subventionnent n’interviennent pas dans la ligne éditoriale ni qu’elles ne siègent dans les organes dirigeants. La démocratie requiert une arène de débats, un espace public où peuvent s’exprimer toutes les opinions. La résolution doit être votée, mais il faut aussi interpeller nos élus vaudois fédéraux sur l’aide à la presse, l’un des seuls outils pouvant soutenir la vitalité de petits titres tels Gauchebdo, La Nation ou Vigousse, qui sont en difficultés. Ils constituent des espaces de débat démocratique, peut-être davantage que L’Hebdo ou Le Temps, où les idées peuvent s’affirmer. Au nom du principe démocratique, il est important de les soutenir. En conclusion, comme l’a énoncé mon collègue Dolivo, l’aide à la presse doit être pensée au niveau fédéral ; ce n’est pas notre rôle. Est-il normal que certains journaux comme Migros Magazine et

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Coopération se taillent la part du lion de l’aide à la presse, quand on connaît les moyens dont ils disposent, alors que des titres beaucoup plus confidentiels peinent à obtenir cette aide ? J’invite chacune et chacun connaissant des parlementaires fédéraux à intervenir pour que l’aide à la presse soit réfléchie. M. Denis-Olivier Maillefer (SOC) : — Je déclare mes intérêts : je suis cofondateur et administrateur d’un hebdomadaire régional qui paraît en 2500 exemplaires environ en édition normale et en 15’000 en tout ménage. J’espère que Mme Desport s’est fait du bien en lâchant son fiel contre L’Hebdo, Jacques Pilet et ses successeurs que l’on peut en effet ranger dans la catégorie de libéraux humanistes, mais qui n’ont pas pour autant négligé des thèmes dont se réclament d’autres horizons politiques et qui se sont aussi profilés sur des sujets comme l’agriculture et les conditions de travail dans les milieux modestes. Ils ont représenté une Suisse suffisamment large pour que l’on ne puisse pas leur faire le procès d’intention de s’être cantonnés à l’europhilie qui déplaît tant à certains parmi nous. J’aimerais attirer l’attention et insister sur le danger que certains milieux représentent en matière de liberté de la presse en utilisant un concept que l’on commence à entendre : la « réinformation ». On soutient qu’il faut « réinformer » en sous-entendant que tout ce qui a été fait jusqu’à maintenant n’est pas satisfaisant, car pas assez populiste et nationaliste, sans doute. Il convient d’être prudent face aux notions de « réfinformation » et d’« antipresse ». J’ignore ce que peuvent proposer ces milieux comme produit de substitution du point de vue de la solidité de nos institutions démocratiques et du point de vue supérieur, mais cela représente un danger. Mme Despot se trompe totalement dans son analyse. En effet, les difficultés de L’Hebdo ne sont dues à sa ligne éditoriale que de façon très marginale. Elles reflètent de ce que vivent de nombreuses publications, comme cela a fort bien été expliqué par mon collègue Jobin. La concurrence et le déplacement de la manne publicitaire sur les réseaux sociaux et d’autres vecteurs médiatiques provoquent, année après année, la diminution des recettes publicitaires pour la presse écrite. La difficulté est à là. L’éloignement des propriétaires joue également un rôle important. Depuis la Suisse allemande, ils avaient déjà perdu le contact avec le terrain romand. Lorsque le groupe allemand Axel Springer est entré dans le capital, la motivation à défendre la variété de la presse et des titres assez marginaux au vu du volume d’affaires de ces groupes est devenue moins intéressante. Nous sommes face à un problème important et la résolution de M. Venizelos, ainsi que l’intervention socialiste de Mme Induni, vont dans la bonne direction. Il existe deux types d’aide à la presse : directe et indirecte. En Suisse, nous connaissons le système d’aide indirecte, avec la réduction des tarifs postaux. Je peux en parler de manière concrète. Cela amène des petits journaux tel celui que je représente à bénéficier d’un tarif préférentiel — 25 centimes de moins par acheminement. Cette aide permet de tenir le coup, mais comme M. Sansonnens l’a précisé, cette aide à la presse est remise en question. La problématique se pose au niveau fédéral, mais il faut rester vigilant. Pour un journal régional, les frais liés à la Poste représentent 10 % du budget. En ce qui nous concerne, chaque année, 50’000 francs sont consacrés à l’acheminement postal. Si l’on devait payer le tarif plein, ce serait impossible. Contrairement à ce que M. Buffet professait tout à l’heure, il ne faut pas exclure d’entrée une aide directe. Elle choque peut-être davantage les milieux de droite attachés à une plus grande liberté d’entreprise, mais ce qui se passe en France avec M. Fillon — candidat malheureux, mais pas définitivement à la présidence de la République française — montre une assez bonne santé, non de la France en général, mais de son système démocratique et de l’aide à la presse. Parmi de nombreux pays européens, la France connaît le système de l’aide directe. Les grands titres comme Le Canard enchaîné reçoivent des millions chaque année pour tenir le coup et ce sont eux, tel Le Canard enchaîné suite aux révélations qui ont entraîné cette situation, qui permettent à la démocratie de fonctionner. L’aide à la presse est donc envisageable. Il faut définir des critères. Des pays scandinaves comme le Danemark le font très bien. Ils s’intéressent notamment à la proportion de nouveautés et d’articles rédigés par rapport aux reprises de communiqués de presse. Le chemin existe, même si l’aide indirecte présente aussi un intérêt.

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Le problème qui nous concerne relève du périmètre : on pourrait réfléchir à une aide cantonale ou romande — Le Temps, par exemple, a une vocation intercantonale — car le périmètre cantonal est trop étroit. Nous pourrions réfléchir à une aide de substitution et à une aide complémentaire. Toujours est-il qu’il est urgent de prendre en considération les difficultés de la presse écrite. Je vous invite donc à soutenir cette résolution. M. Yvan Pahud (UDC) : — Bien sûr, la disparition d’un journal, qui n’est autre qu’une entreprise, est tragique en termes de pertes d’emplois. Comme entrepreneur, si je vise uniquement une certaine clientèle de lecteurs, je mets l’entreprise en péril si elle ne fait plus recette, ce qui a été le cas de L’Hebdo. Cela a porté à conséquence pour le magazine, qui a disparu. M. Venizelos affirme que L’Hebdo a façonné le monde politique, mais il s’agit surtout de celui de la gauche. Or, un journal se doit d’être impartial. Comme Mme Despot l’a rappelé, chaque semaine, on évoque dans les journaux les quelques manifestants à New York et Washington qui s’opposent à un président démocratiquement élu. Hier, dans un petit quotidien vaudois, j’ai lu un encart consacré aux manifestations en Roumanie. Ce gouvernement social-démocrate — de gauche donc — veut alléger les sanctions contre la corruption, parce qu’il est corrompu jusqu’à l’os. Les Roumains manifestent donc dans la rue, ce qui est normal, mais cet événement n’est rapporté que sur quelques centimètres carrés dans un petit quotidien vaudois ; on essaie de le cacher. Voilà la partialité des articles. Mme Valérie Induni (SOC) : — J’aimerais exprimer ma stupéfaction face aux propos de Mme Despot qui s’exprimait au nom du groupe UDC. Certes, ensuite, M. Philippe Jobin a expliqué avoir signé la résolution en son nom personnel, mais cela pose quelques questions sur le fonctionnement de ce groupe. Tout est dit dans la résolution où l’on parle d’un large spectre d’idées et de l’ensemble de la presse, pas seulement de L’Hebdo dont l’orientation est remise en cause par certains. (Elle relit la dernière phrase du texte déposé.) La résolution peut donc tout à fait être acceptée. Mme Fabienne Despot (UDC) : — Dans une prise de parole un peu virulente, j’ai lancé la discussion sur la baisse du lectorat de L’Hebdo. Selon les chiffres que j’ai en tête, mais que quelqu’un rectifiera peut-être, le nombre de lecteurs perdus en six mois est de l’ordre de 15’000. Cette baisse est impressionnante. J’attendais des contre-arguments ou des arguments allant dans mon sens. J’en ai entendu quelques-uns de la part de M. Maillefer même s’il a fait un petit autodafé au passage — voilà la liberté d’opinion chez les gens de gauche ! (Réactions dans la salle.) Je critiquais l’absence de réflexion dans la presse, qui juge exactement comme M. Dolivo par exemple, qui n’a rien fait d’autre que d’affubler à plusieurs reprises ma déclaration des termes « réactionnaire » et « conservateur ». Cela ne fait pas avancer le débat et c’est exactement ce que fait cette presse que le lecteur ne veut plus lire. Nous voulons une réflexion et des arguments qui s’opposent et qui permettent une réflexion solide. Tout au long de mon intervention, je me suis employée à en appeler à la diversité et à regretter qu’elle soit si peu présente. A aucun moment, je n’ai déclaré que je me réjouissais de la mort de L’Hebdo — en réponse à M. Tschopp qui a laissé entendre que j’avais ouvert une bouteille de champagne. Je rappelle la première phrase de mon intervention : « loin de moi la Schadenfreude ». Visiblement, M. Tschopp ne sait pas l’allemand, car il devrait savoir que cela signifie la joie que l’on éprouve devant le malheur d’autrui. Supposant que certains ne connaissaient pas ce terme, j’avais pourtant terminé ma phrase en précisant que je ne me réjouissais de la mort d’aucun journal, fût-il L’Hebdo. C’était clair. On ne peut donc pas m’accuser d’avoir sabré le champagne à la mort de ce journal. Dans certains groupes de gauche, l’art de tordre l’information est assez intéressant. A Mme Induni, qui s’amuse de voir notre chef de groupe M. Jobin exprimer une opinion différente de celle que je présentais, je réponds que nous connaissons la diversité des opinions à l’UDC. M. Jérôme Christen (AdC) : — La mort de L’Hebdo n’a pas les causes simplistes qui consistent à affirmer qu’il ne répondait plus à un besoin. Comme répété, ses recettes publicitaires ont fondu. Avec les plateformes de petites annonces en ligne, telles Scout24 et Anibis, le groupe Ringier-Axel Springer a contribué à priver L’Hebdo d’une de ses principales ressources et à le vider de sa substance financière. La baisse des recettes a conduit à la réduction de l’effectif rédactionnel et la baisse de la

27 Séance du mardi 7 février 2017 qualité, puis le lectorat s’en rendant compte, il a peu à peu lâché L’Hebdo. C’est un cercle vicieux. C’est ainsi qu’un groupe de presse profite de ce que d’autres ont construit patiemment pierre après pierre jusqu’à la dernière goutte. On le connaît également dans l’immobilier lorsque certains encaissent des loyers sans entretenir leurs immeubles jusqu’à ce qu’ils tombent en ruine. C’est ce que j’appelle le capitalisme putride, où l’on gagne sur le dos des autres. A une époque, nous avions des éditeurs. J’ai eu l’occasion de travailler plusieurs années pour l’éditeur Corbaz à Montreux. Ce n’était pas un marchand de papier. Bien sûr, libéral, Corbaz était dur en affaires, car il voulait que son imprimerie tourne, mais il partait du principe que son journal devait équilibrer les comptes. Il ne voulait pas faire de bénéfice. Il portait une responsabilité sociale, estimait que le journal avait un rôle démocratique et qu’à ce titre-là, il devait, autant que faire se peut, publier un journal de qualité sans faire de bénéfice. Il est indispensable de prendre des mesures pour conserver un minimum de diversité dans la presse, raison pour laquelle le groupe PDC-Vaud Libre soutiendra la résolution. M. Philippe Vuillemin (PLR) : — La décision prise par le groupe en question a eu pour premier effet de me frustrer d’avoir le droit — un droit démocratique — de ne pas m’abonner à un journal. Abonné de la première heure au journal La Cité — je déclare mes intérêts — dont la démarche m’a beaucoup plu et continue à me plaire avec l’apport d’une voix nouvelle dans la presse romande, je constate aussi avec quelles difficultés on met sur pied un nouveau journal et on le fait vivre. Tout le monde pense qu’il serait positif d’avoir une presse écrite renouvelée. C’est un peu comme se plaindre que son épicier, tellement pratique le dimanche, doivent fermer, mais que le restant de la semaine on achète dans les grandes surfaces, par exemple Aldi. Je prends bonne note des discours sur la presse, la disparition des titres et le besoin d’une nouvelle presse écrite. C’est compliqué et il faut mettre la main au porte-monnaie pour que la presse existe. J’aimerais revenir sur deux remarques de M. Maillefer. Cher collègue, étant à peu près du même âge, nous avons connu les Izvestia et la Pravda. Je ne m’oppose pas à ce que l’Etat intervienne dans la presse, de quelque manière que ce soit, mais j’émets de très fortes réserves, car je ne crois pas à la sainteté d’un comité de rédaction, même s’il se donne beaucoup de peine. On finit toujours par se souvenir de ce qui nous permet de vivre. Ce n’est que politesse. Un aspect du problème me dérange, mais personne ne l’a évoqué, alors qu’il le faudra concernant d’autres domaines : je n’en peux plus du mépris des 70 % du pays, composés d’Alémaniques, qui se moquent des 20 % Romands. Il faut avoir le courage de l’affirmer. La minorité romande était respectée à la fin du XVIIIe siècle, au XIXe siècle et jusqu’en 1960, mais elle ne l’est plus, ce qui est tout à fait scandaleux. La brutalité de la fermeture de L’Hebdo et l’arrogance alémanique vis-à-vis de la minorité romande m’ont heurté. En tant que député vaudois, je tiens à l’exprimer clairement. Pour conclure, la presse écrite peut-elle encore vivre ? Je n’en sais rien. Je préfère lire le site internet de 24heures, car je peux y apporter mes commentaires en restant poli, contrairement à certains. 24heures s’est donné beaucoup de peine pour offrir une diversité informatique et on lit son site avec plaisir. Pour que la presse écrite continue à vivre, mettez la main au porte-monnaie ! Je soutiendrai cette résolution malgré tout, parce que je suis intéressé par ce que le Conseil nous proposera. M. Philippe Clivaz (SOC) : — Je déclare mes intérêts : je suis un consommateur régulier de médias et j’aime ça. Je tiens à m’excuser auprès de Mme Despot, car je ne vais pas répondre à son intervention ni à ce qu’elle demande. Grâce à elle, j’ai découvert que la presse romande était de gauche et je suis très content d’avoir les yeux ouverts désormais. Je l’en remercie. Au sein du plénum, on semble résolu à voter en faveur de la résolution. C’est une bonne nouvelle, mais il faut avoir une vision plus large du problème, car c’est à Berne que l’on se bat en faveur ou contre la redevance pour la radio et la télévision. On votera sur le sujet d’ici la fin de l’an prochain. Pour aller dans le sens de la liberté de la presse, il faudrait se battre pour augmenter la redevance et pour la diversifier afin qu’elle serve aux médias indépendants. Je voterai la résolution et j’ai hâte d’apprendre ce que le canton pourra faire. Je continuerai à me battre pour un soutien plus clair aux médias, quels qu’ils soient.

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Mme Pierrette Roulet-Grin (PLR) : — Je déclare mes intérêts : je suis journaliste de profession et je commets encore chaque mois un éditorial dans le magazine au plus gros tirage de Suisse. Dans la réflexion sur l’entrée en matière sur la résolution, j’aimerais tout d’abord poser une question : de quoi a besoin un média pour vivre ? Il lui faut de la publicité, des abonnés et surtout de la crédibilité. Concernant la publicité, quel est l’intérêt d’une entreprise et d’une multinationale à mettre de la publicité dans un journal qui critique l’évolution inéluctable de l’économie, surtout quand on est dans un petit pays et que l’économie devient globalisée ? Concernant les abonnés, quel intérêt a un lecteur à s’abonner, par exemple à L’Hebdo, pour se former une opinion, si celle du journaliste apparaît déjà dans le titre, puis dans les deux pages qui suivent ? La crédibilité est une aide pour se former son opinion, c’est donner d’abord l’information et ensuite l’associer à une opinion. Si on ne réunit pas toutes ces conditions, on ne peut pas faire vivre un média. M. Jean-Michel Dolivo (LGa) : — « La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement » déclarait la révolutionnaire allemande Rosa Luxemburg. Cette pensée est centrale. L’exercice de la liberté implique la diversité et la liberté la plus totale de la presse pour l’ensemble des opinions au sein d’une société. La représentante de l’UDC stigmatise celles et ceux qui soutiennent cette résolution en les qualifiant de pro-européens acharnés et en affirmant que, l’idée européenne connaissant des difficultés, L’Hebdo en connaît et que c’est ce que les lecteurs méritent. Je n’adhère pas à cette logique. D’abord, je ne suis pas « euro-béat » et plutôt opposé à la ligne éditoriale de L’Hebdo, qui a fait du soutien à l’Union européenne un de ses chevaux de bataille. Cependant, la critique de la ligne éditoriale de L’Hebdo, que ni moi ni mon groupe n’avons jamais soutenue, ne nous empêche pas de respecter la diversité et la liberté de la presse. Mme Despot foule au pied ce principe en refusant la résolution avec la majorité de son groupe. M. Marc-Olivier Buffat (PLR) : — On entend de grandes déclarations, sans doute dictées par l’émotion. Moi qui fus un grand lecteur de L’Hebdo « bon pour la tête », j’aimerais que L’Hebdo ne devienne pas « bon pour l’électorat ». La disparition des médias — par exemple de La Gazette, La Nouvelle Revue de , L’Est vaudois et La Feuille d’Avis de Vevey évoquée par M. Christen — a déjà été vécue par le passé. Nous avons discuté de ces problématiques au Grand Conseil lors du dépôt de l’initiative que j’ai mentionnée, et des journaux gratuits et des annonces sur internet. On entend de belles déclarations, mais le Grand Conseil se réveille un peu tard. S’émouvoir de la disparition d’un journal est positif, mais il aurait pu intervenir auparavant avec des dispositions qui doivent être prises à Berne. Notre collègue Sansonnens l’a rappelé : il existe certainement des dispositions à prendre, dans la loi fédérale sur le numérique ou dans celle sur la presse. Nous Romands devons être unis — c’est peut-être faire honneur à L’Hebdo que de rappeler son identité romande, à laquelle je crois — car les initiatives vaudoises seraient insuffisantes — notre collègue Maillefer admet que nous n’arriverions à rien, car le bassin de population et de périmètre utile font défaut. Madame Despot, j’étais lecteur de L’Hebdo que j’appréciais pour son engagement pro-européen. Je déplore qu’actuellement tous les problèmes soient imputés à l’Europe. Si un journal disparaît, c’est encore la faute de l’Europe, d’affreux actionnaires allemands européens et même de l’engagement pro- européen du journal qui ne fait plus vendre. Je reste attaché aux valeurs européennes et convaincu que sans l’Europe, la situation de nombre de pays, du nôtre en particulier, serait vraisemblablement bien différente. M. Philippe Jobin (UDC) : — A l’attention de M. Buffat : le 27 septembre 2007, en réponse à une déclaration de M. Montangero, le Conseil d’Etat avait déclaré que « la diversité de la presse et de la couverture régionale de l’information, menacée par l’évolution rapide que connaît aujourd’hui le secteur des médias, constitue un sujet de vive préoccupation. » Je regrette les déclarations intempestives de Mme Induni, car j’aurais souhaité qu’elle se focalise sur la résolution. Ce qui vous dérange dans mon groupe, mais que vous ne connaissez pas chez vous, est la diversité d’opinions, que je chéris avec ceux qui le composent. Nous la mettons à profit pour la démocratie en général ce que nous venons de prouver ce matin. Si votre groupe fonctionnait aussi bien que le nôtre, madame Induni, ça se saurait ! (Réactions dans la salle.)

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Mme Pascale Manzini (SOC) : — La fermeture d’un titre de presse résulte à chaque fois de la chronique d’une mort annoncée. L’Hebdo était déficitaire depuis 2012. L’éditeur a résisté, mais n’a pas souhaité le soutenir plus longtemps. La presse sur papier disparaît. Nous parlons de la presse écrite, mais sur quel support : du papier ou de l’écran ? Il existe des journaux de qualité sur internet. Le métier de journaliste est loin d’être perdu, s’il accepte de changer de support, la plateforme des médias n’étant plus le papier, mais les écrans. Le métier doit se renouveler. Nous sommes passés du papier avec supplément internet à l’internet avec supplément papier. Le journal numérique peut déployer des richesses — vidéos, liens, participation directe — que la presse papier ne peut pas offrir. Que sommes-nous en train de faire : défendre la diversité de l’information ou l’impression de l’information sur papier ? Voulons-nous aider les rotatives à continuer de fonctionner ou soutenir les journalistes à faire leur travail sur quelque support que ce soit ? Ce n’est pas très clair pour moi, au- delà du débat d’opinions qui vient d’avoir lieu. M. Julien Sansonnens (LGa) : — En réponse à Mme Despot, c’est la baisse des recettes publicitaires qui a abouti à la disparition de L’Hebdo. Il faut souligner, à la suite de ce qu’a déclaré M. Christen, le cynisme capitaliste des propriétaires de titres, puisque ces grands groupes de presse organisent d’une certaine manière le torpillage de leur propre titre. Les budgets publicitaires se réduisent, la publicité s’étant déplacée sur des sites internet, qui ont été rachetés précisément par les mêmes éditeurs de journaux. Anibis, Olx, AutoScout24, etc. appartiennent aux propriétaires des journaux sur papier qui ferment en raison de la baisse des recettes publicitaires. Ce déplacement vers internet ne tombe pas du ciel, mais résulte d’une stratégie économique froide et relativement cynique. La logique capitaliste, lorsqu’elle n’est pas régulée, mène à une série de concentrations et de rachats ainsi qu’à la situation actuelle de duopole des deux grands groupes, pour ne pas dire familles — Tamedia et Axel Springer- Ringier — qui détiennent la majorité de ce qui s’écrit dans la presse suisse romande. Profitons de ce débat pour nous questionner sur la réalité suisse romande où deux groupes privés contrôlent une partie très importante de ce qui est écrit. Est-ce une situation saine et normale ? Est-ce ce que nous souhaitons ? Même un libéral peut s’inquiéter de ce que l’information écrite ne provient que de deux sources, respectivement deux groupes économiques. Ça m’amène à réfléchir sur le rôle de la RTS et du service public. Ce dernier doit être important et disposer de moyens financiers précisément pour faire un travail au côté du duopole d’éditeurs privés. Il faut qu’un groupe financé par l’argent public soit mis à disposition pour faire un travail que peut-être ces éditeurs ne souhaitent pas faire ou n’ont pas les moyens de faire, ou qu’ils n’estiment pas rentable. Pour cette raison, il s’agit non pas de démanteler, mais de renforcer le service public en matière de médias, respectivement la RTS. Il est important, dans le cadre du débat sur Billag, de rappeler la nécessité d’une sorte de contre-pouvoir médiatique au duopole privé qui aujourd’hui règne en maître sur les médias en Suisse romande. M. Samuel Bendahan (SOC) : — Je déclare mes intérêts : j’écrivais un blog dans L’Hebdo. Un point est important dans les propos de M. Buffat. J’ignore si ce journal était bon pour l’électorat, mais il était bon pour le lectorat et pas seulement en raison de la diversité d’opinions qu’il renfermait. On a beaucoup parlé de la ligne éditoriale de ce magazine, mais le métier de journaliste est une autre raison pour laquelle il est fondamental de défendre la diversité et la multiplicité de la presse. Les gens qui travaillent pour L’Hebdo ne sont pas tous éditorialistes. Ils travaillent dans toutes sortes d’autres professions pas directement liées à l’écriture. En particulier, ils mènent un travail d’investigation et ils cherchent les informations. Ce travail de quête de la vérité et des faits, qui n’a rien à voir avec l’opinion politique des personnes qui font le journal, est mis en difficulté et menacé à travers le monde dans tous les groupes de presse. De ce point de vue, si l’on pense à ce qui a été réalisé à L’Hebdo, mais aussi dans nombre d’autres journaux menacés aujourd’hui, nous en sommes en train de subir une grande perte. On nous a demandé des arguments liés à la résolution et à des questions économiques : en voici. Dans le passé, les sources de revenus liées aux médias étaient groupées à la presse. Avec le temps, elles en ont été séparées, par exemple dans les groupes Tamedia et Ringier, puis les journaux s’étant vu enlever les annonces qu’ils avaient pourtant contribué à créer ils ne gagnaient plus assez d’argent. La presse n’est plus capable d’être rentable à 100 % ni aussi rentable qu’auparavant, parce que les

30 Séance du mardi 7 février 2017 groupes tout puissants, trient et gardent ce qui est rentable. Couper progressivement et détruire des priorités dans le milieu des médias peuvent aussi causer des difficultés en ce qui concerne l’électorat et, à long terme, tuer un titre. L’information gratuite et de qualité sur internet ne peut exister que grâce à des personnes payées en arrière-fond pour accomplir le travail de recherche d’informations. Le travail de journaliste et d’enquêteur est un métier. Nous nous battons pour cette résolution pas seulement pour défendre L’Hebdo — qui doit l’être —, mais aussi pour défendre un métier, plus nécessaire que jamais. Sans ce métier de journaliste, fait de manière professionnelle, demain, nous serons noyés dans un flot d’informations gratuites et nous ne serons plus capables de discerner la réalité sans être des spécialistes. M. Laurent Ballif (SOC) : — Je poursuis la réflexion de M. Bendahan. Le problème principal que nous connaissons depuis une trentaine d’années est que nous ne payons pas l’information. Je vais jouer le vieux sage, comme M. Vuillemin. Lorsque je faisais ma formation de journaliste il y a une quarantaine d’années, j’étais assez choqué d’entendre que le lecteur ne payait que 35 % du prix de son journal et que le reste était payé par la publicité. Actuellement, la part du lecteur est de 15 %, sauf pour les journaux gratuits qui s’appuient entièrement sur les recettes publicitaires. On consomme de l’information sans la payer. J’invite tout le monde à s’abonner à des journaux sans publicité, une manière de montrer que l’on désire vraiment être informé et que l’on est prêt à payer l’information à son véritable coût. Le Conseil d’Etat et les communes ont leur part de responsabilité. Il y a quelques années, lorsque j’étais syndic de Vevey, nous avions l’intention de venir en aide à Vevey Hebdo, l’ancienne Feuille d’Avis de Vevey, dont nous considérions qu’il jouait un rôle social important. Nous avions recensé, dans les communes du district, les montants que nous pouvions investir au titre des communiqués officiels d’une commune. Rien que pour Vevey, cela représentait entre 80’000 et 100’000 francs de frais légaux — les obligations de faire paraître les avis de mise à l’enquête, les permis de construire et d’autres avis de ce type. Le fait que les communes — et je pense l’Etat de Vaud — aient voulu diminuer leurs dépenses en matière de communiqués officiels a conduit également à une diminution importante des recettes qu’on appellerait publicitaires des journaux. En étant iconoclaste, on pourrait demander au Conseil d’Etat pourquoi il continue à utiliser des moyens de communication comme la Feuille des Avis Officiels (FAO). Elle capte en effet une part des communiqués officiels qui pourraient figurer dans les journaux quotidiens ou hebdomadaires, puisque la loi impose des parutions hebdomadaires, au minimum. Des centaines de milliers de francs, voire des millions de francs, pourraient revenir à leur destination première, à savoir une publication régulière, à la place des publications artificielles. La FAO est illisible. Depuis que je ne suis plus syndic, je me force à la lire, mais elle est totalement imbuvable. Faire figurer les pages de communiqués officiels dans un journal quotidien ou hebdomadaire, que naturellement je prendrais la peine de lire régulièrement, serait une solution simple, au lieu de pleurer sur le fait que nous ne voulons plus payer ce que nous lisons. M. Claude Schwab (SOC) : — Je trouve étonnant que Mme Despot soit surprise que l’on n’ait pas répondu à son intervention par des arguments. En effet, ses propos n’étaient pas un argumentaire, mais un pamphlet, une diatribe ou une philippique, dont j’ai apprécié l’exercice de style. Des points de vue de la construction et de l’élocution, c’était remarquable certes, mais on ne peut pas répondre par des arguments à des coups de bélier ou à des festivals de matraque. Mme Valérie Induni (SOC) : — Je remercie M. Jobin d’avoir soutenu la résolution. C’est de bonne guerre qu’il ait pris la parole après mon petit coup de gueule. Nous sommes attachés au débat d’idées au sein du groupe comme au sein de la presse. Evidemment, nous avons tous la possibilité de nous exprimer. J’ai uniquement été surprise qu’un membre du groupe parle avant le chef de groupe et que le signataire de la résolution se retrouve seul. Je vous invite à accepter largement la résolution de M. Venizelos. M. Vassilis Venizelos (VER) : — Je me réjouis de la richesse et de la diversité des propos qui viennent d’être tenus. Les objectifs de la résolution étaient de susciter le débat — l’exercice est réussi — et d’apporter notre soutien aux trente-sept collaborateurs touchés par la suppression de L’Hebdo et plus généralement au travail de journaliste — certains d’entre vous l’ont rappelé — qui mérite d’être

31 Séance du mardi 7 février 2017 défendu, à l’heure où la vérification des faits est de plus en plus importante, pour paraphraser Prévert — cela m’a été soufflé par mon collègue Buffat — « quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie. » Cette résolution a aussi pour but de soutenir toute démarche qui promouvra l’implantation en Suisse romande — j’insiste sur cet aspect — de médias se faisant l’écho d’un large spectre d’opinions et d’idées. Pour ces trois raisons, l’exercice de cette résolution est réussi pour autant qu’elle soit acceptée, même si tous les intervenants n’adhèrent pas aux positions développées par L’Hebdo, ce que je peux parfaitement comprendre. C’est au nom de la diversité des opinions et de la richesse du débat démocratique en Suisse romande que cette résolution mérite d’être soutenue. Je ne reviens pas sur les propos de Mme Despot qui nous fait la leçon sur la diversité des opinions du ton autoritaire dont elle a le secret. Je note que le cas de l’UDC n’est pas désespéré puisque son chef de groupe et d’autres élus soutiennent la résolution : un signe que la diversité concerne aussi ce parti. Cette résolution ne sauvera pas les emplois supprimés ni L’Hebdo. Un travail devra être réalisé et un débat devra se tenir sur le rôle de l’Etat — sous la forme d’un soutien direct ou indirect — qui pourrait être apporté à la presse. Le soutien à la formation mérite d’être développé. Ces aspects seront traités au plan fédéral. J’imagine que le Conseil d’Etat a différentes cordes à son arc pour résoudre le problème. Humblement, cette résolution rappelle notre attachement à une presse romande variée et vivante, raison pour laquelle je vous appelle à soutenir le texte. M. Philippe Leuba, conseiller d’Etat : — La disparition de L’Hebdo et les difficultés rencontrées par le quotidien Le Temps sont une source de préoccupation importante pour le Conseil d’Etat. Nous avons immédiatement demandé un entretien avec le groupe Ringier. Une séance est désormais fixée et les représentants du groupe viendront prochainement à Lausanne. Le Conseil d’Etat déplore d’abord la perte de places de travail. Chaque suppression de poste représente une perte pour le canton. C’est une perte de savoir-faire et de création de valeurs, qui affaiblit le canton et la Suisse romande. Cependant, la disparition d’un organe de presse quel qu’il soit et quels que soient sa ligne éditoriale et ses opinions n’est pas la disparition d’un bien ordinaire. Une démocratie, un état de droit a besoin d’une presse indépendante. La Pravda a fait peu pour l’avancement de la démocratie en URSS. Nous avons besoin d’une presse vivante certes, mais indépendante, car c’est en cela qu’elle sert la démocratie et l’état de droit. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’ensemble du débat. J’ai déploré quelques dérapages et attaques personnelles ou certains propos qui, modestement et à mon sens, n’avaient pas grand-chose à voir avec la question fondamentale dont nous traitons ce matin. Cependant, la liberté d’opinion doit être reconnue à chacun, à L’Hebdo comme à Mme Despot, à M. Dolivo comme à La Nation. Il ne peut y avoir de liberté d’expression à géométrie variable au bénéfice d’un seul camp, d’une seule opinion ou d’une seule ligne de pensée. Nous et nos concitoyens avons besoin de nous former notre propre opinion en nous abreuvant — si j’ose m’exprimer ainsi — à des sources différentes. Une question sous-jacente à la problématique de la presse écrite ou non concerne la cohésion nationale. Regardez combien de nos concitoyens ne s’informent qu’au travers des réseaux sociaux, sources invérifiées sans déontologie professionnelle, diffusant parfois des informations qui ne reposent sur rien — je vois mes enfants. Je suis convaincu que bon nombre de nos concitoyens fonctionnent ainsi et bénéficient d’une vision du monde et d’une analyse des problèmes de société qu’au travers d’une information non vérifiée de qualité déplorable. Il en va finalement d’une forme de cohésion de notre société, parce que le peuple est souverain — c’est une heureuse forme constitutionnelle. Cependant, pour qu’il puisse s’exprimer au mieux de ses intérêts et dans le souci de développer la collectivité, il doit bénéficier d’une information aussi exacte que possible, pondérée, diversifiée et indépendante. Le Conseil d’Etat n’est pas resté indifférent. D’abord il travaille sur ces questions avec ses homologues genevois. Cela a été relevé par M. Sansonnens : le problème n’est pas seulement vaudois, mais probablement plus large — j’étais assez d’accord avec le plaidoyer qu’il a tenu, dans son ensemble, ce doit être le miracle de Noël qui se prolonge ! M. Maillefer évoquait la presse française qui connaît l’aide directe, mais regardez la qualité de la presse régionale française ! Pour la lire parfois, je dois admettre qu’elle est rarement de grande qualité. Une région à l’échelle de la France est bien différente de la nôtre ; cela tient notamment au fédéralisme, une des qualités de notre pays.

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Quand un seul journal régional couvre la Bretagne jusqu’aux environs de Bordeaux, on peut mettre en doute la couverture régionale d’une telle province. Nous devons travailler avec nos homologues genevois parce que nos problèmes et l’importance de la presse y sont identiques. Nous devons également — M. Vuillemin a raison — avoir le souci d’une bonne représentativité de l’ensemble des régions de ce pays. La question de la redevance sera extrêmement importante. Il en va non seulement des équilibres et de la cohésion sociale, mais également de la compréhension entre les différentes régions. La Suisse est un pays de volonté. C’est elle qui a permis sa création et à ses habitants de vivre ensemble, quelles que soient leurs origines, leurs langues ou leur centre d’intérêt dans les villes ou à la campagne. Cette volonté doit s’entretenir notamment par les canaux de diffusion de l’information. La question de la redevance sera au centre de la question qui touche la cohésion du pays. Nous travaillons aux conditions auxquelles une presse diversifiée et indépendante doit trouver un avenir. Cependant cela ne se fera pas sans la population. Ce qui m’a un peu surpris dans le débat de ce matin est que le lecteur, l’habitant, le citoyen, puisque la presse libre et indépendante est consubstantielle à la démocratie, était très absent du débat. Il a un rôle fondamental à jouer. Vous ne sauverez pas un organe de presse s’il ne trouve pas sa place dans le lectorat, ce qui passe notamment, comme plusieurs d’entre vous l’ont affirmé, par une formation de qualité des journalistes, car pour lutter contre les réseaux sociaux, il faut que les organes de presse apportent plus que ce que les réseaux sont capables de faire, à savoir une information de qualité, diversifiée et équilibrée donnant la parole aux uns et aux autres. Le combat que vous avez initié au travers de cette résolution est extrêmement important pour le fonctionnement de notre démocratie et la cohésion sociale, et pour donner la possibilité aux Suisses de continuer à vivre ensemble. M. Philippe Vuillemin (PLR) : — Très respectueusement, monsieur le Conseiller d’Etat, je vous informe avoir vécu sept ans en Normandie. Ouest France, qui couvre la région de Brest à Angers et Alençon jusqu’au Havre est un excellent journal régional qui ne se perd pas dans les limbes de la superficie territoriale française. La discussion est close. La résolution est adoptée par 89 voix contre 27 et 16 abstentions.

______Réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation Fabienne Freymond Cantone et consorts – WWF International et sa presque complète restructuration : mais que fait donc le Canton ? (16_INT_520) Débat Mme Fabienne Freymond Cantone (SOC) : — J’adresse mes remerciements au Conseil d’Etat pour sa réponse à mon interpellation. Le travail effectué est dense. Je relève un point très positif, qui a résulté directement de mon intervention : l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), composée de gouvernements et de sociétés civiles, une organisation internationale phare dans son domaine, a vu son siège mondial consolidé à Gland, grâce à l’action concertée et déterminée menée ces six derniers mois par le Conseil d’Etat, M. le Conseiller fédéral Burkhalter et le président du Conseil d’Etat genevois chargé de la Genève internationale. C’est un très bon point pour notre canton. N’oublions pas toutefois les quelque cent postes perdus à ce jour dans l’ONG voisine WWF International. Ce chiffre, rapporté par des sources internes, est à prendre avec des pincettes, car bien des personnes licenciées ont vu leur contrat prolongé de six mois pour pallier les urgences opérationnelles, ce qui empêche une vision claire des licenciements finalement opérés. Dans le même ordre idée, plusieurs choses ont évolué depuis la rédaction de la réponse du Conseil d’Etat à mon interpellation. D’abord, le redéploiement du personnel ne s’effectue pas seulement sur deux sites en Asie et en Afrique, mais aussi en Europe, en Angleterre, aux Pays-Bas et en Autriche. L’argument du WWF — le besoin de proximité avec ces cibles d’action principales — est donc douteux. L’objectif de WWF, avec ces délocalisations, semble surtout résulter d’un objectif

33 Séance du mardi 7 février 2017 d’économie et d’une recherche de conciliation avec d’importants bailleurs de fonds et des emplois à créer dans ces pays. Quant au chiffre final d’emplois maintenus à Gland, le WWF cherche à louer des locaux de l’UICN pour cinquante à quatre-vingts personnes. L’objectif noté dans la réponse du Conseil d’Etat mentionne une septantaine d’emplois maintenus à Gland. La présence de WWF International dans son bâtiment actuel à Gland devient très peu probable, WWF cherchant à le mettre en vente. Si le seul actif de WWF International en Suisse — son bâtiment — est en vente, pensez-vous que la pérennité du siège de WWF International est assurée, ainsi que les postes de travail correspondant ? Poser la question revient à y répondre. Au sommaire, ce dossier WWF International nous laisse un goût amer. La direction n’a pas joué le jeu de nos institutions et le Conseil d’Etat a reçu les nouvelles de la restructuration en cours tardivement et par bribes. Il a fallu cette interpellation pour que les choses bougent. Si nous pouvons être satisfaits de ce qui est fait pour l’UICN, nous ne pouvons que regretter ce que les employés encore existants de WWF International m’ont décrit comme un laisser-faire, alors que leur institution contribue grandement au rayonnement de notre canton. Au vu des points que j’ai relevés ces jours, monsieur le Conseiller d’Etat pourrait-il clarifier la destination des emplois délocalisés de WWF International entre l’Europe, l’Afrique et Asie et préciser le nombre d’emplois maintenus à Gland ainsi que leur pérennité, notamment en lien avec la vente, discutée en ce moment, du bâtiment de WWF International ? M. le conseiller d’Etat ayant rencontré dernièrement les représentants de WWF International, il aura sans doute des réponses à nous apporter. Je vous remercie par avance de nous apporter ces compléments d’information et de continuer à suivre l’évolution de ce dossier, pour le bien de notre canton. La discussion est ouverte. Mme Catherine Labouchère (PLR) : — Je décline mes intérêts : citoyenne de Gland, je me sens très concernée par tout ce qui touche aux organisations internationales liées à la nature, notamment le WWF et l’UICN. Au-delà de la question des emplois, une réflexion générale est à mener sur l’importance pour le canton et la Suisse d’abriter le siège mondial d’organisations dans le canton. La réflexion porte bien au-delà de crises temporaires que j’espère voir résolues. Nous nous devons de porter une attention très forte et soutenue à la question, car il en va aussi de l’image que nous donnons au canton. M. Philippe Leuba, conseiller d’Etat : — « La victoire a cent pères, mais la défaite est orpheline. » Qui est à l’origine de quoi, madame la députée ? Le Conseil d’Etat n’a pas attendu votre interpellation pour agir, même si celle-ci était fondée. Je peux vous informer des derniers renseignements obtenus du WWF, puisqu’en effet, avec mon collègue Pascal Broulis, nous avons reçu la direction et une partie de la présidence du WWF le 23 janvier dernier. Finalement, 84 postes de travail resteront à Gland, à WWF International, un peu plus que ce à quoi s’était engagé ce dernier au début des négociations, puisqu’on parlait de septante postes et que vous aviez entendu le chiffre de 50. Le WWF confirme sa volonté de rester en Suisse. Pour lui, il n’est pas question de la quitter. Le WWF a l’intention de louer de nouveaux locaux dans le bâtiment de l’UICN au travers d’un bail d’une dizaine d’années au minimum. C’est donc manifestement un engagement qui devrait s’inscrire dans la durée. En ce bas monde, rien n’est éternel et le Conseil d’Etat ne peut pas prendre l’engagement à ce que jusqu’à la fin des temps, le WWF demeure en Suisse. Cela me permet de rappeler au parlement que chaque jour, il convient de se battre pour rester attractifs pour le WWF comme pour les fédérations sportives internationales. Il y a quelques années, on critiquait le chef du Département de l’économie et du sport d’être présent à l’étranger dans des congrès et assemblées générales de fédérations sportives internationales qui ont leur siège dans notre canon. Si vous voulez que les fédérations et le WWF restent dans le canton, continuent à l’enrichir et contribuent à son rayonnement, il faut se battre auprès de l’ensemble des organismes internationaux. Ainsi, nous maintiendrons les quelque 2500 emplois directs liés à cette présence et les quelque 500 millions investis chaque année dans l’économie vaudoise par les fédérations sportives internationales. Nous conserverons aussi une forme de diversification économique et un rayonnement bien au-delà de nos frontières. Nous avons multiplié les séances et obtenu, je crois pouvoir le dire, l’ensemble des engagements qui pouvaient être tenus de

34 Séance du mardi 7 février 2017 manière raisonnable. Nous l’avons fait avec le Chef du département des finances et des relations extérieures sans attendre une intervention parlementaire, qui était justifiée. L’essentiel des postes émigre dans les pays où le WWF déploie ses campagnes en faveur notamment des animaux. Les autres sont délocalisés en Hollande, au Royaume-Uni et en Autriche, où des programmes sont conduits directement par le WWF. Ce dernier veut, au travers de cette réorganisation, se rapprocher des zones où il déploie l’essentiel de ses programmes, selon les garanties qu’il nous a données. La discussion est close. Ce point de l’ordre du jour est traité.

______Assermentation de M. Olivier Derivaz, juge suppléant au Tribunal neutre – Législature 2012 – 2017 (GC 221) M. Olivier Derivaz est introduit dans la salle et prête serment. (L’assemblée et le public de la tribune se lèvent.) Le président : — Je vous souhaite plein succès dans votre tâche et dans votre fonction. Ce point de l’ordre du jour est traité.

______Réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation Yves Ravenel – Production laitière vaudoise - situation préoccupante (15_INT_425) Débat M. Yves Ravenel (UDC) : — En préambule, j’aimerais vous rappeler mes intérêts en tant qu’agriculteur et producteur de lait de centrale. J’aimerais remercier le Conseil d’Etat pour les réponses apportées à mes questions, dans lesquelles il se dit conscient de la situation difficile de la production laitière suisse et plus spécifiquement celle de notre canton. Il constate que le marché laitier vaudois s’est détérioré de manière très importante, ces quinze dernières années, particulièrement, suite à l’abandon des contingents, le 1er mai 2009. Mon interpellation a été déposée en septembre 2015 juste avant l’étude du budget 2016, l’idée consistant à intégrer un soutien financier au budget. Depuis, le Grand Conseil a adopté le budget 2016 et le budget 2017. Autant dire que cette réponse arrive fort tardivement. Depuis le dépôt de mon interpellation, la situation déjà alarmante des producteurs de lait ne s’est guère améliorée. Les 293 millions de pertes annoncées représentent, par rapport aux 10 milliards de chiffre d’affaires global suisse, une baisse de 3 %. Les producteurs de lait, dont il s’agit de l’unique revenu, ne le voient pas de la même manière. Concrètement, pour un producteur de lait, la baisse subie équivaut environ à 30 %. 1150 exploitations dans le canton de Vaud ont cessé leur activité, ce qui a conduit à une réduction du cheptel de 10’000 vaches laitières. Dans son rapport au Grand Conseil sur la politique et l’économie vaudoise, le Conseil d’Etat définit la politique laitière comme une filière agroalimentaire stratégique nécessitant un soutien public cantonal. Dès lors, deux mesures de mise en œuvre ont été prises. L’une concerne un soutien à la gestion des coûts en collaboration avec ProConseil, l’autre à la création d’une filière de produits laitiers régionaux labellisés. Malgré ces mesures, nous ne pouvons que constater que la situation s’aggrave. Je suis certain que vous avez tous lu les divers articles parus dans la presse ainsi que l’émission de Temps présent du 26 janvier dernier. Chacun est donc informé de la situation des producteurs ; cette situation ne peut plus durer. C’est pour cette raison, que je prie le Grand Conseil de bien vouloir mandater le Conseil d’Etat pour qu’il étudie la possibilité d’améliorer la situation des producteurs de lait. Par conséquent, je dépose une détermination ainsi formulée :

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« Le Grand Conseil prie le Conseil d’Etat d’étudier les possibilités d’améliorer la situation des producteurs de lait. » La discussion sur la détermination est ouverte. M. José Durussel (UDC) : — Je déclare mes intérêts, comme M. Yves Ravenel et un autre député dans ce plénum, je subis de plein fouet, depuis plusieurs années, la problématique du lait de centrale. En 2015, j’ai déposé une initiative législative dont le titre était crise laitière et gestion des volumes (15_INI_016). Sa transmission immédiate et son traitement dans les plus brefs délais ont été largement acceptés par ce plénum. Treize mois ont passé et j’attends la suite. En 2009, les quatre plus grands transformateurs de lait d’industrie du pays, soit Emmi, Cremo, Hochdorf et ELSA avait programmé la fin du contingentement laitier en accord avec la confédération, afin de librement gérer les volumes et d’ainsi diviser les producteurs par des contrats d’achat privé et faire baisser les prix. Le but est largement atteint. Depuis, il y a eu passablement de séances et de discussions, par exemple lors du sommet du lait, qui a eu lieu le printemps passé à Berne ; cela n’apporte aucune solution. Nos autorités fédérales sont totalement impuissantes face aux deux grands distributeurs orange et rouge qui me donnent l’impression d’être les huitième et neuvième conseillers fédéraux. Dans la conclusion de la réponse à l’interpellation Ravenel, le Conseil d’Etat me semble aussi quelque peu résigné, lorsqu’il parle de la tendance à l’ouverture des marchés et d’une pression persistante sur le prix de la matière première, ceci malgré certains lissages prévus par quelques actions. Je vous encourage à soutenir la détermination Ravenel. M. Philippe Jobin (UDC) : — Une étude de la Fédération des producteurs suisses de lait (FPSL) montre que le consommateur suisse reste prêt à payer plus cher si l’origine suisse de son lait est garantie, si les transports sont courts et si le niveau du bien-être animal est élevé ; ce qui est, en général, le cas dans notre métier. Les valeurs ajoutées qui sont en très grande partie produites sur l’exploitation doivent être mises en lumière et le Swissness nous offre cette possibilité. Le lait suisse et vaudois bénéficie de plusieurs valeurs ajoutées et je crois qu’il faudrait s’y intéresser pour être en mesure de mettre en exergue tous les travaux pénibles et compliqués qu’effectuent nos producteurs de lait. L’affouragement est dénué d’Organismes génétiquement modifiés (OGM), la proximité avec la nature et l’écologie est meilleure, plus de fourrage grossier et moins de concentré sont utilisés ; en d’autres termes, nous bénéficions d’une traçabilité et d’une sécurité alimentaire excellentes. Nous avons tous intérêt à soutenir cette industrie laitière. Afin de pouvoir valoriser ces valeurs ajoutées, la filière doit pouvoir travailler de manière équitable ; c’est la seule manière de transformer une valeur ajoutée en recette supplémentaire pour le milieu du lait. Je vous invite à soutenir cette détermination qui permettra de donner un coup de pouce supplémentaire à nos producteurs de lait. Mme Martine Meldem (V’L) : — Je me permets de m’interroger sur les réponses amenées aux questions de notre collègue Ravenel. La réponse à cette interpellation s’appuie sur des chiffres de 2009 à 2013 et parle de 1150 exploitations disparues, de 16 % de lait en moins, de 10’000 vaches en moins, mais d’un surplus de lait de 15 à 20%, à fin 2013. Je serais plutôt intéressée par les chiffres de 2015, car il m’échappe de savoir comment on peut comprendre la situation avec des statistiques de 2013. Ces statistiques montrent que cela représentait, il y a trois ans, un manque à gagner de 300 millions. Ce chiffre est qualifié de relativement modeste en comparaison du chiffre d’affaires de l’agriculture suisse qui équivalait, à l’époque, à 10 milliards. On parle ici du lait de centrale, c’est-à-dire celui qui est destiné aux briques ou aux yoghourts, non pas celui qui est destiné au fromage. Cette somme n’est pas du tout modeste, mais plutôt essentielle pour la vie des agriculteurs. L’une des difficultés à laquelle sont confrontés les producteurs de lait dit de centrale, est celle d’ignorer le prix détaillé de leur produit. Je déclare mes intérêts comme paysanne habitant une ferme qu’on qualifiait à l’époque de « froide », car n’abritant pas d’animaux, puisque notre spécialité porte sur la culture des légumes destinés à la vente directe. Par conséquent, je ne comprends rien aux problèmes d’un producteur de lait ; j’ai donc posé des questions. En fait, principalement une : pourquoi produisez-vous trop de lait ? Quel est le sens de ce surplus qui vous casse les prix ? Si vous pensez que c’est simple à comprendre, vous faites erreur. La question est complexe. Le prix d’achat du lait destiné à nos berlingots est divisé en trois parts : le prix A qui représente le prix plein et qui comprend toute une série de taxes plus mystérieuses

36 Séance du mardi 7 février 2017 les unes que les autres, puis vient le prix B qui est payé environ un tiers moins cher que le prix A et puis, le prix C qui est lui payé à plus ou moins 30 % de la valeur du prix A. On se demande alors pourquoi produire du lait de qualité C aux normes suisses très respectueuses de la nature, quand celui-ci serait mieux rétribué de l’autre côté de la frontière. Pourquoi le produire tout court ? Je me demande également comment il est possible que le surplus des contrats de lait destiné à produire du gruyère puisse être livré dans le marché si fragile du lait industriel. Je voudrais que mon petit-fils puisse encore longtemps boire du lait produit par mes copains paysans vaudois et pour ma part, j’aimerais pouvoir continuer à oser les saluer en étant sûre que je paie le produit de leur travail à un juste prix, mais surtout pouvoir être certaine que le montant parvienne dans leur caisse. Enfin, comme citoyenne et consommatrice, je voudrais comprendre comment se construit le prix du lait ; quels sont les frais qui y sont liés, c’est-à-dire les retenues au prix officiel, le prix net de chaque segment et quel est le prix moyen versé sur le compte d’un producteur. Cette détermination arrive à point et je vous remercie de la soutenir. M. Vassilis Venizelos (VER) : — Au nom du groupe des Verts, je vous invite à soutenir cette détermination qui va dans le même sens qu’une résolution déposée par le groupe des Verts en 2008. On peut observer que la problématique demeure identique et que les solutions n’ont pu être trouvées. A l’époque, une meilleure répartition au sein de la filière était déjà demandée. En effet, nous sommes convaincus que le consommateur serait prêt à faire un effort financier en bout de chaîne pour payer le litre de lait à son juste prix. A l’évidence, il existe un problème au sein de la filière. La réponse du Conseil d’Etat prend note que la tendance est à l’ouverture des marchés…c’est une évidence ; maintenant, il va, sans doute, falloir prendre des décisions un peu plus fortes afin que l’évolution du marché soit plus favorable au producteur. Les producteurs et les agriculteurs doivent pouvoir financer et couvrir leurs charges et doivent pouvoir bénéficier d’un revenu décent. Cette détermination ne règlera probablement pas le problème et il faudra revenir avec d’autres interventions au niveau cantonal et fédéral, se mettre autour de la table avec les différents représentants des filières ; toutefois, c’est un premier pas qu’il faut soutenir. Pierre-Alain Urfer (PLR) : — En préambule, il faut reconnaître l’investissement sans failles du Conseil d’Etat pour l’agriculture. Le domaine laitier est très complexe et j’aimerais rendre attentif le Conseil d’Etat sur la problématique du lait C, car c’est quelque chose de très complexe voire de tordu. La plupart du temps, les producteurs ne savent pas quelle proportion ils vont mettre dans ce volume, payé entre 15 et 20 centimes, sans traçabilité, et qui se retrouve souvent vendu à 40 centimes chez les grands distributeurs. C’est une concurrence tout à fait scandaleuse qui est faite aux produits étrangers, car les Suisses passent pour des torpilleurs qui produisent du lait à 15 centimes. J’encourage le Conseil d’Etat à rester très vigilant sur la question de ces volumes. M. Philippe Randin (SOC) : — J’ai pris connaissance de la réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation Ravenel. Il faut relever que le Conseil d’Etat se trouve dans l’embarras pour y répondre, car il ne peut lui être reproché de ne pas être actif dans la politique agricole. J’aimerais poser la question à ce plénum pour savoir si sa majorité connaît le prix du lait pratiqué dans les grandes surfaces. Le litre est vendu à 1. 90 franc, alors qu’il est payé 46 centimes au producteur. Dans ce cas particulier, on peut se demander qui empoche la différence. J’aimerais que les milieux agricoles se soulèvent avec force et détermination — non pas pour en demander plus au Conseil d’Etat — mais vis-à-vis d’Emmi, par exemple. Dans les conseils d’administration, ce ne sont pas de petits paysans qui sont représentés, mais de grands producteurs qui génèrent en général un million de kilos. C’est à eux qu’il faut s’adresser. Il faut également être très actif dans les corporations, car défendre le prix du lait exige d’être extrêmement actif. Comme membre du Fonds d’investissement rural (FIR) et du Fonds d’investissement agricoles (FIA), nous faisons souvent preuve d’une grande souplesse, lorsqu’il s’agit d’un agriculteur en difficulté financière liée à la chute du prix du lait et nous reportons facilement les annuités. L’investissement du Conseil d’Etat est important : 130 millions sont alloués à l’agriculture. En outre, on constate que beaucoup d’agriculteurs ont abandonné la production du lait pour celle du poulet. Peut-être dans dix ans, trouverons-nous ce même phénomène pour le poulet. Cela nous concerne, en tant que

37 Séance du mardi 7 février 2017 consommateur, et personnellement, je suis tout à fait prêt à payer 30 centimes de plus par litre de lait, si cela va dans la poche des agriculteurs et non des intermédiaires. Mme Josée Martin (VER) : — La production laitière suisse craint des dommages irrémédiables. Comme l’indique le Conseil d’Etat, la production est excédentaire. En 2009 et 2013, les 13 % de diminution incombent à la politique fédérale ; j’ajouterai, également, sans doute, internationale, car peu encline à la protection du marché laitier. On peut se demander comment il s’agit de réagir. Le Conseil d’Etat définit la production laitière comme filière stratégique ; il s’agit donc de soutenir les besoins dans la gestion des coûts et de soutenir la création d’une filière de produits laitiers régionaux labélisés. Ce sont des pistes. Je retiens de cette interpellation et de la réponse du Conseil d’Etat qu’il n’est pas pertinent de tabler sur le soutien financier à long terme, car cela n’est pas durable en raison du marché international. Si nous baissons les bras, la production laitière baissera encore. Pourtant, la production du lait occupe une place importante dans notre agriculture. Consommer du lait provenant d’autres pays serait vraiment contraire au bon sens. Il faut soutenir notre agriculture et notre paysannerie en promouvant la valorisation des produits du lait, les labels régionaux et savoir se montrer novateurs pour les produits issus du lait. Toutes les pistes sont possibles. Il faut être novateur ! Le gruyère AOC en est la preuve. La piste du lait Bio peut également être exploitée. On sait que le prix du lait Bio se maintient mieux que celui du lait de centrale. Selon l’Agence d’information agricole romande (AGIR), entre 2014 et 2016 le prix à la production du lait Bio est resté quasi stable ; quant au lait conventionnel, son prix a enregistré la baisse qu’on connaît ; ainsi, l’écart entre les deux est passé de 14.6 centimes, au mois de novembre 2014, à 25.7 centimes, en novembre 2016. Le postulat de Jacques Perrin sur la création d’un centre d’information et de formation Bio est en cours de traitement ; ce dernier peut aussi représenter une piste. En conclusion, aller vers l’innovation en créant des labels Bio et des nouveaux produits représente une option que le canton se doit de soutenir. J’invite le Conseil d’Etat à accélérer son soutien aux nouvelles initiatives parlementaires prometteuses. A chaque fois que l’occasion se présente, j’invite le Grand Conseil à soutenir les initiatives nouvelles dans les marchés du lait et ses dérivés. Je vous invite à soutenir la détermination. Mme Martine Meldem (V’L) : — M. Randin a raison d’en appeler à la mobilisation et au soulèvement des paysans ; toutefois, il faut savoir que neutraliser un paysan est extrêmement simple : si le paysan montre son désaccord avec son acheteur, ce dernier renonce au contrat. Alors, le paysan ne sait plus à qui destiner sa livraison. Vous ne pouvez pas — comme le gruyère — garder le lait un mois de plus ou un mois de moins. Seul le consommateur peut agir ! J’encourage ce dernier à s’investir aux côtés des paysans. Quant au lait Bio, si son prix s’est maintenu ces derniers mois, c’est parce que le surplus a été placé dans le panier du lait de centrale. Ce n’est donc pas aussi simple… M. José Durussel (UDC) : — M. Randin est très bien informé sur la politique agricole ; toutefois, monsieur Randin, de très gros producteurs de chez Emmi — jusqu’à deux millions de litres en Suisse allemande — font partie des conseils d’administration, mais en outre, sont parfois envoyés dans les discussions à Berne. Vous imaginez ce que cela peut donner…je ne peux qu’abonder dans votre sens. En 1995 et en 1997, les producteurs de notre région s’étaient déplacés à Berne pour une manifestation qui avait fait beaucoup de bruit, et ce, pour une baisse de 1.5 centime. Nous étions entre 10’000 et 15’000 à Berne. Aujourd’hui, les baisses s’élèvent jusqu’à 15 ou 20 centimes dans certaines régions et, pourtant, nous ne bougeons plus. Pourquoi ? Car une certaine résignation nous gagne, notre matière première ne valant bientôt plus rien. L’exemple de la betterave sucrière est aussi hallucinant…de gros producteurs vont interrompre leur production pour à la place mettre des cultures écologiques qui prennent moins de temps et qui vous rapportent autant. C’est le chemin que nous montre l’office fédéral de l’agriculture (OFAG) ! Et c’est bien contre cela qu’il faut se bagarrer ! Le vrai travail de l’agriculteur a perdu sa valeur ! Traire des vaches, travailler aussi bien la semaine que le week-end, cultiver la betterave, cela ne paie plus. Dans notre région d’Yverdon, de Neuchâtel et d’une partie du canton de Fribourg, nous faisons partie de PROLAIT, une organisation de défense professionnelle qui gère les quantités et les prix. Cependant, elle n’y parvient pas, car PROLAIT est trop petit ; certains ont d’ailleurs été aspirés par ELSA ou par Emmi, une partie par Cremo. Ce sont des producteurs qui sont passés de 200’000 litres à

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600’000 litres ! Que dire de plus ? Je crois que c’est au niveau fédéral que la défense est mal organisée. Le chemin qui est pris pour le lait d’industrie effraie. Nous allons voir encore beaucoup de producteurs de lait arrêter leur exploitation. Le 4 avril, nous irons visiter une ferme à Bavois. C’est un cas typique : ils ont arrêté du jour au lendemain de produire du lait. A la place, — et leur équipement le permettait — ils ont mis une centaine de taureaux d’engraissement. Mais ce n’est pas une solution d’avenir miracle ! Un jour, il y aura trop de viande, le prix chutera et on se mettra à déposer des interpellations et des initiatives pour résoudre ce problème. M. Jean-Luc Chollet (UDC) : — Je déclare mes intérêts pour avoir géré un domaine laitier pendant une quarantaine d’années. J’ai cessé mon activité, il y a 4 ans, pour raison d’âge…celui du patron, pas celui du troupeau ! Cela me permet de prendre un peu de recul. Il y a quelque chose de répétitif, mais également d’humiliant de la part du monde agricole à se présenter devant l’opinion publique, respectivement devant le Grand Conseil, pour parler de problèmes sectoriels et professionnels qui ne concernent qu’une part relative de cette agriculture. Les herbages représentent 75 % de la surface agricole de notre pays. J’aimerais citer quelques chiffres clés. Au mieux de la forme de l’agriculture suisse, c’est-à-dire il y a vingt ans, le lait quittait l’étable du paysan à 1.02 franc ; actuellement, il peine à atteindre 40 ou 45 centimes. Les paiements directs ont absorbé environ 20 à 30 centimes de baisse, mais reste un manque de 30 centimes. Les paysans ont confiance en ceux qui ont une cravate et parlent bien…et ont pensé que la fuite en avant, tout comme les investissements, permettraient de s’en sortir dignement. Ils se sont livrés à des investissements en bâtiments et en équipements sur une base du prix du lait d’environ 60 centimes. Maintenant, les traites doivent encore et toujours être honorées, alors que le prix du lait a encore perdu en moyenne 20 centimes. Cela amène des situations désespérées. Nous devons aussi garder en tête qu’existe une forte valeur identitaire, à l’image de la Suisse, de ses vaches, se ses prairies, de ses alpages ; mais pas seulement, car il y a une indépendance alimentaire, même si elle est toute relative, puisqu’elle touche à peine le 50 % de ce que nous consommons. Pourtant, tout ce qui sort de nos herbages, en viande et en produits laitiers représente nos intérêts, que cela soit les nôtres, producteurs ou les vôtres, consommateurs. J’ai envie de référer à une remarque d’Adèle Thorens qui s’adressait à des paysans, lors d’un forum régional de Prometerre et qui disait en substance : si je tiens à vous, c’est peut-être parce que vous m’êtes sympathiques, mais par-dessus tout, parce que je tiens à savoir que le contenu de mon assiette est produit dans des conditions économiques, environnementales, éthiques, compatibles avec l’idée que je me fais de l’environnement, de l’agriculture et de l’éthique. Je crois que cette production locale doit être soutenue dans un intérêt, voire dans un égoïsme bien compris, qui concerne non seulement ceux qui produisent, mais aussi ceux qui consomment. En conclusion, je tiens à vous remercier pour votre patience et votre compréhension par rapport à cette problématique. Les questions de formation du prix du lait, de commerce, de lait A, B ou C sont tellement complexes qu’une chatte peinerait à y retrouver ses petits. M. Yves Ravenel (UDC) : — J’ai entendu nombre de propos louables et légitimes, dont je tiens à vous remercier. J’aimerais relever que le but n’est pas de fustiger le Conseil d’Etat, mais plutôt de saluer le travail accompli et d’encourager celui en cours d’élaboration. Nous n’allons pas refaire le débat sur la gestion des volumes, question complexe, s’il en est. Le but ne consiste pas non plus à quémander une participation financière, mais à donner un signal fort de la part du Grand Conseil au Conseil d’Etat afin d’étudier les possibilités susceptibles d’améliorer la situation des producteurs de lait. C’est dans cet état d’esprit que j’ai déposé cette détermination et que je vous demande de la soutenir. M. Philippe Leuba, conseiller d’Etat : — Je vous remercie d’avoir salué les efforts considérables consentis par le Conseil d’Etat avec l’appui du Grand Conseil en faveur de l’agriculture dans notre canton, puisque depuis 4 ou 5 ans, le budget du Service de l’agriculture et la viticulture (SAVI) connaît la plus forte augmentation au sein de mon département. Cela démontre les préoccupations du Conseil d’Etat et sa volonté de mettre en place une politique agricole spécifique ; cette dernière a fait

39 Séance du mardi 7 février 2017 l’objet d’un rapport du Conseil d’Etat sur la politique agricole spécifique et complémentaire à celle conduite par l’OFAG, le Département fédéral de l’économie et les Chambres fédérales. La discussion que vous venez de mener me montre l’incompréhension qui prévaut au marché du lait d’industrie et de la fixation du prix du lait. Madame Meldem, je suis tout à fait enclin à vous exposer comment fonctionne le prix du lait, mais je crains que l’après-midi n’y suffise pas. Par conséquent, je vous propose que la fixation du prix du lait d’industrie soit à l’ordre du jour du groupe agricole. Je vous transmettrai, au préalable de cette séance, des explications sur le marché du lait d’industrie. Si l’on entend mettre en place une politique dans ce secteur, il est essentiel de comprendre qui sont les différents acteurs de ce marché et comment les compétences sont organisées. Il faut déjà comprendre que le prix du lait dépend du droit privé. Ce n’est ni l’OFAG, ni les cantons, ni la Confédération qui fixent le prix du lait. Il faut donc réfléchir en fonction des règles qui régissent ce secteur. J’ai pu constater que tout le monde croit connaître la politique agricole, mais qu’en fait personne ne la maîtrise. Chaque filière répond à des règles différentes et chaque filière voit le champ d’intervention des collectivités publiques définies de manière diverse, car les intermédiaires, les marchés, les règles de production, la fixation des prix sont à chaque fois différents. En la matière, la généralisation est dangereuse. Je propose que la prochaine séance du groupe agricole soit spécifiquement consacrée à la problématique majeure du lait d’industrie. Dans le rapport de politique agricole de 2014, nous avons fixé comme l’une des priorités de la politique agricole cantonale le marché du lait de centrale. Nous avons déployé une série de projets pour tenter, dans la mesure de nos compétences juridiques, de permettre à ce secteur de connaître des conditions de production et des conditions d’écoulement du produit meilleures ; et par conséquent, de générer un revenu meilleur pour le producteur de lait de centrale et qui soit moins exposé aux aléas du marché suisse ou international. Dans la réponse à l’interpellation Ravenel, tout comme dans le rapport sur la politique agricole, nous avons défini des pistes que nous mettons en place ; toutefois, vous en conviendrez, la pierre philosophale n’existe pas. Ainsi, on ne peut qu’être conscient du temps que les réformes du marché du lait prendront, puisqu’une bonne partie des compétences relève du droit fédéral. Nous avons demandé à M. Schneider-Ammann d’être associés à la définition de la politique agricole 2022 et au-delà. La politique agricole 2017-2022 s’inscrira dans la continuité de l’actuelle politique et ne fera pas l’objet de réformes significatives. Quant à la politique 2022-2025, M. Schneider-Ammann a accepté que la Conférence des directeurs cantonaux de l’agriculture (CDCA) soit associée à la définition des principes et des réformes qui devraient permettre à notre agriculture de mieux affronter le marché mondial et les règles qui régissent les prix. Pas plus tard que vendredi prochain, une séance a lieu avec l’OFAG pour définir le cadre de la réforme post 2022. L’association des cantons à la politique fédérale — particulièrement déterminante pour le secteur agricole — est parfaitement nouvelle. J’espère que les pistes que nous explorons au niveau cantonal et le fait d’être associés à la future politique agricole 2022 nous fourniront les moyens d’influer sur le cadre général qui pèse de façon considérable sur les producteurs de lait de centrale. Beaucoup d’agriculteurs, dont mon cousin, produisent du lait de centrale, et je perçois concrètement les difficultés liées à ce secteur. Cependant, je vois aussi les possibilités qui existent, notamment par rapport aux pistes évoquées dans la réponse du Conseil d’Etat, pistes qui devraient permettre d’accorder une plus-value au lait produit ici, dont la traçabilité est assurée pour le consommateur. Les rapports qui comparent les politiques cantonales montrent que la politique agricole du canton de Vaud indique un dynamisme et des velléités de proximité du terrain que beaucoup de cantons nous envient. La discussion est close. La détermination Yves Ravenel est adoptée à l’unanimité. Ce point de l’ordre du jour est traité.

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Réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation Fabienne Despot – Combien ont coûté le BCI et ses subventions aux contribuables en 2015 ? (16_INT_565) Débat Mme Fabienne Despot (UDC) : — La question posée était la suivante : combien coûte le Bureau cantonal pour l’intégration et la prévention du racisme (BCI). Le Conseil d’Etat considère l’intégration comme un processus réciproque entre population suisse et population migrante. C’est une interprétation particulière et fort inquiétante de la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr), dans laquelle il n’est nulle part mentionné de processus réciproque. L’intégration n’est justement pas un processus réciproque. D’une part, il est un peuple avec ses us et coutumes, ses lois, dont les habitudes se sont forgées au cours du temps, à l’aune de son environnement. D’autre part, il est des migrants qui s’installent au sein de ce peuple, lequel peuple a le devoir de les accueillir dans un certain cadre et dans une certaine mesure, avec respect et humanité. Toutefois, le peuple d’accueil a le droit d’exiger des comportements compatibles avec ses us et coutumes. Cette exigence est particulièrement essentielle dans le cas où les migrants envisagent une installation à long terme, ce qu’on nomme intégration. L’intégration consiste à s’assurer que les comportements ne heurtent pas les us et coutumes du pays d’accueil…et non pas l’inverse, comme l’inclurait la notion de réciprocité. Si l’on me rétorque que je donne dans la lapalissade, j’ajoute que je ne suis pas sûre que cela soit clair pour chacun. Enfin, si le BCI établit sa politique sur la base de la réciprocité, il fait fausse route. Cette critique de la réponse du Conseil d’Etat me paraît primordiale. Je clos le volet philosophique. Quant à l’aspect financier, si des mesures visant à une meilleure intégration des émigrés revêtent généralement une utilité indéniable, elles ont également un coût. Dans un communiqué du 24 août 2016, cet aspect non négligeable avait été laissé de côté. Cet oubli n’est pas anodin. Pour nos contribuables, il est utile de connaître l’ampleur d’une des facettes des coûts de l’immigration ; dans ce cas, celle qui concerne les projets du BCI. Ainsi, le fonctionnement du BCI coûte au contribuable la somme de 11. 8 millions de francs, dont 10% de frais de personnel annexe. Ce coût peut se répartir en 10. 1 millions de francs, via la poche du contribuable fédéral et 1. 7 million, via la poche du contribuable cantonal. Ce n’est pas rien ! On peut donc comprendre les raisons du Conseil d’Etat de ne pas s’empresser à communiquer sur ce sujet. Grâce à mon interpellation, ces frais sont désormais plus transparents. Je lis également — et ce de façon quelque peu amusée — que de tels coûts sont justifiés par la nécessité d’assurer la paix sociale, cela dans un canton où la population de migrants atteint le tiers de la population totale. Il est donc admis implicitement qu’une forte proportion de migrants peut mettre en péril la paix sociale. Je note une certaine ouverture d’esprit appréciable, par rapport aux discours bienséants du tout bénéfice, dont nous avons été abreuvés depuis tant d’années. Enfin, je remercie le Conseil d’Etat pour sa réponse. La discussion est ouverte. M. Laurent Ballif (SOC) : — Je crois avoir enfin compris la source des inquiétudes de Mme Despot face à l’arrivée des étrangers ! Elle ne connaît tout simplement pas le sens du mot intégration. La définition, dont elle nous a gratifiés, au début de son intervention, ne correspond pas à la définition du mot intégration, car elle réfère plutôt au mot absorption ou assimilation. Il faut savoir que lorsqu’il y a intégration, cela génère une influence. A moins d’adopter une attitude de rejet total, cette influence se traduit effectivement par un certain nombre de transformations inhérentes à cette présence. Bien entendu, on peut arguer l’inadéquation de cette présence et souhaiter son expulsion, mais il faut néanmoins signaler à Mme Despot, que depuis la fin du XIXe, notre pays s’est façonné par l’intégration. Beaucoup d’éléments considérés comme évidents, aujourd’hui, viennent d’apports de ces populations extérieures, dussions-nous limiter notre exemple à la cuisine italienne liée à l’émigration de masse de cette population dans notre pays. Si l’on souhaite remonter plus loin, nos banques utilisent le taux Lombard importé par les banquiers éponymes. Ce taux Lombard n’émane pas des gnomes de Zurich ... bien qu’on puisse considérer que ces derniers représentent une importation indésirable ! Notre population est le résultat d’une intégration réussie depuis deux cents ans, ou plus longue, depuis l’arrivée des Allobroges…

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M. Rémy Jaquier (PLR) : — Pour rassurer notre collègue Despot, j’aimerais référer à l’événement que nous avons connu récemment à Yverdon-les-Bains, à savoir le 40e anniversaire de la Commission consultative Suisse Immigrés (CCSI). En tant qu’ancien syndic, j’avais eu l’occasion de mesurer l’important travail effectué par cette commission. Lors de cet anniversaire, j’ai été impressionné par l’importance de la réussite de l’intégration des personnes d’origine étrangère à Yverdon-les-Bains, mais surtout par l’implication desdites personnes dans les différentes activités, y compris dans l’initiation des membres, lors des votations communales. Je pense qu’il vaut la peine d’aller sur le terrain et de prendre connaissance de l’énorme travail soutenu par la déléguée cantonale à l’intégration. J’ai trouvé ce bilan extrêmement intéressant et je reste à votre disposition pour en discuter. M. Claude Schwab (SOC) : — Sans reprendre l’ensemble des propos de mon collègue Ballif, je constate que dans le discours de Mme Despot, intégrer signifie phagocyter. Or toute intégration est par définition réciproque. Preuve en est, madame Despot, vous nous faites bénéficier de votre culture valaisanne d’origine. Cela nous oblige à nous intégrer et à constater qu’il n’existe pas de Vaudois, chimiquement purs. Nos appartenances sont multiples et la société procède toujours par emprunts. On sait que procéder par endogamie amène la dégénérescence. Vive la différence ! Vive l’intégration réciproque ! Mme Pascale Manzini (SOC) : — Je déclare mes intérêts, faisant partie de la Commission de gestion pour le Département de l’économie et du sport. Je m’inscris donc en faux contre la notion de manque de transparence du BCI, car ce dernier fait preuve d’une grande ouverture ainsi que d’une importante fierté quant au travail qu’il accomplit. Par ailleurs, en tant que municipale d’une commune comptant 50 % d’étrangers et membre d’une Commission d’intégration Suisse-Etrangers, je peux vous affirmer qu’un travail est effectué sur le terrain pour mettre les gens en lien ; pour qu’ils se comprennent mutuellement et réciproquement. Grâce à cette manne financière, les communes peuvent organiser énormément d’événements allant dans le sens de l’intégration. Sur le terrain, les commissions accomplissent un travail formidable ; nous sommes d’ailleurs souvent aidés par des personnes étrangères qui s’inscrivent bénévolement pour participer à l’organisation des festivités. Dans notre commune, la fête multiculturelle est la plus grande. M. Philippe Leuba, conseiller d’Etat : — Madame Despot, j’ai souvent beaucoup d’estime pour vous et vos interventions sont souvent marquées par l’intelligence. Pourtant, aujourd’hui, je ne vous suis pas. Nous avons un pourcentage de population étrangère le plus élevé en Europe ; 30 % de la population résidant dans notre canton est d’origine étrangère. Nous témoignons d’une politique d’intégration réussie. Nous devons oser le dire : il n’y a pratiquement pas de communautarisme. Sortez donc un peu des frontières cantonales ou suisses, regardez ce qui se passe dans les banlieues françaises ! Regardez ce qui se passe en Allemagne ou en Angleterre ! Alors, vous constaterez qu’avec des taux de population étrangère nettement inférieurs, l’intégration n’est pas une réussite. Vous avez du communautarisme, des zones de non-droit, des problèmes de sécurité considérables, des taux de chômage qui explosent dans certaines régions. C’est notamment parce que l’intégration a été insuffisante. Et cette intégration se doit d’être réciproque. Si la population a le droit d’exiger un certain nombre de comportements, dont le respect de notre ordre juridique, nous avons aussi des devoirs envers cette population. Nous devons leur expliquer comment cela fonctionne, les règles qui ont permis à la Suisse, et ce malgré des difficultés, malgré des origines et des cultures différentes, de cohabiter. Ce matin, je disais que nous sommes un pays de volonté, un pays construit sur la volonté de vivre ensemble, même si certains parlent le suisse-allemand et d’autres le français, même si certains sont catholiques et d’autres protestants, même si certains habitent la montagne et d’autres le centre-ville. Nous avons voulu vivre ensemble, parce que nous avons estimé qu’ensemble nous serions plus forts que séparés. Cela exige de la part des uns et des autres un effort d’intégration. Nous n’avons pas à imposer nos valeurs à ceux qui viennent, ce sont les valeurs qui s’imposent d’elles-mêmes. Nous devons expliquer notre manière de vivre et ce qui constitue la force de la Suisse. L’étranger qui vient ici et respecte nos valeurs, qui fait l’effort de l’intégration peut apporter beaucoup à ce pays. Il y a quelques mois, j’étais à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) pour

42 Séance du mardi 7 février 2017 délivrer le prix de la Start-up suisse la plus prometteuse. Il y avait quatre nominés. Je leur ai demandé lesquels avaient leurs quatre parents suisses. Aucun n’a levé la main : c’est aussi un apport de l’immigration. L’immigration ne se limite pas à apporter des difficultés, même si bien entendu elles existent. Si nous devons retrouver une maîtrise de l’immigration, nous devons également voir ce que l’immigration a fait de ce pays. Cela exige de part et d’autre que nous produisions un effort réciproque. C’est la raison pour laquelle, l’intégration est une réciprocité. Nous affirmons nos valeurs, nous les défendons et nous ne transigeons pas à leur sujet. Mais il n’en demeure pas moins que nous devons expliquer en quoi ces valeurs sont bénéfiques pour celui qui vient d’ailleurs. Mme Fabienne Despot (UDC) : — Je comprends parfaitement le sens de l’intervention de notre conseiller d’Etat. Jusqu’ici l’intégration est réussie. J’ai d’ailleurs parlé des exigences que les Suisses ont vis-à-vis des immigrés. Dans une certaine mesure, nous leur devons respect, humanité et intérêt pour leur culture. Je pense que je suis assez bien placée pour en juger, puisque du côté de mon ex- mari, la famille est immigrée. C’est une famille qui a une double nationalité, deux langues et deux manières de voir le monde. Vous n’avez pas besoin de me faire la leçon, je sais parfaitement ce qu’apporte l’immigration. J’aimerais simplement souligner qu’il n’existe pas de réciprocité, il n’y a pas d’équivalence. Nous n’avons pas à produire le même effort pour nous acclimater à la culture des gens qui viennent, qu’eux pour s’acclimater à la nôtre. L’effort principal doit être fourni par ceux qui s’installent dans notre pays. Bien entendu, il y a échange, mais il ne faut pas parler d’équivalence. M. Philippe Leuba, conseiller d’Etat : — Je me réjouis de retrouver la députée dont je vantais les qualités, tout à l’heure. L’estime que je vous porte m’interdit de vous faire une quelconque leçon, je ne me le permettrai pas. Quand le Conseil d’Etat écrit qu’il y a une réciprocité dans l’intégration, cela ne signifie pas équivalence. Si les efforts des uns et des autres ne sont pas équivalents, toutefois, chacun doit faire un pas. Quant à nos valeurs, ce qui permet aux Suisses de vivre ensemble — vous avez raison — nous ne pouvons transiger. Notre ordre juridique, nos valeurs ne se négocient pas. Cependant, nous nous devons aussi d’expliquer ces valeurs à ceux qui viennent et essayer de comprendre ces derniers. Pour ceux qui ont déjà assisté à une naturalisation, la teneur du discours du Conseil d’Etat reprend cet aspect. Si les personnes qui viennent chez nous doivent fournir des efforts pour nous comprendre, nous devons aussi nous y efforcer, et permettre à leurs compétences, à leurs talents de venir enrichir la société vaudoise. Cela ne signifie pas trahir nos valeurs ni renoncer à notre identité. Dieu sait si je suis un fédéraliste convaincu attaché à l’âme vaudoise, il faut néanmoins reconnaître qu’à l’époque, lorsque les Huguenots sont arrivés dans notre pays, ils ont contribué à créer notre identité suisse. Les Huguenots ont fait l’effort de l’intégration, tout comme les indigènes de l’époque se sont évertués à les accueillir au mieux. Je le répète : notre politique d’intégration est une vraie réussite. En regard des risques représentés par les flux migratoires, notre politique est réussie. Le communautarisme n’a pas sa place chez nous ; honnêtement, il n’existe pas. La discussion est close. Ce point de l’ordre du jour est traité.

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Pétition en faveur de la famille de S.R. (16_PET_055) Rapport de la Commission thématique des pétitions

1. PREAMBULE La Commission thématique des pétitions était composée de Mmes Aline Dupontet, Fabienne Despot (qui remplace Pierre-André Pernoud) et de MM. Philippe Germain, Pierre Guignard, Hans-Rudolf Kappeler, Olivier Epars, Daniel Ruch, Daniel Trolliet, Filip Uffer et Jérôme Christen. Elle a siégé en date du 6 octobre 2016 sous la présidence de Mme Véronique Hurni. M. Pierre-André Pernoud était excusé.

Mme Sylvie Chassot et M. Cédric Aeschlimann, Secrétaires de commission parlementaire, sont remerciés pour les notes de séance.

2. PERSONNES ENTENDUES Pétitionnaires : M. Philippe Sauvin, membre du Collectif des sans-papiers de la Côte, Eric Studer, Conseiller communal, membre de Décroissance-alternatives à Vevey, L. B. et S.R. Représentants de l’Etat : DECS/SPOP (Service de la population), M. Stève Maucci, chef du SPOP.

3. DESCRIPTION DE LA PETITION Le Collectif des Sans-Papiers de la Côte et le groupe Décroissance-Alternatives à Vevey, soutenus par le Collectif R, Droit de rester, SOS-Asile Vaud et le Collectif vaudois de Soutien aux Sans-Papiers ont déposé en mi-juin 2016 cette pétition, munie de 2083 signatures. Elle demande au Grand Conseil et au Gouvernement vaudois de tout mettre en œuvre pour permettre à la famille de L.B. et S.R. et leurs trois enfants de rester sur territoire vaudois.

4. AUDITION DES PETITIONNAIRES Les deux personnes qui ont accompagné L.B. et S.R. constatent de l’intégration douce, normale de cette famille, qui n’a jamais bénéficié d’aide sociale. De ce fait, la famille bénéficie du large soutien de la population veveysane et de l’ancien Syndic, qui a rédigé une lettre de soutien. Un des accompagnants a souligné le soutien de la population veveysane à cette pétition est le reflet, selon lui, de l’intégration réussie de cette famille à qui il souhaite de pouvoir continuer de vivre à Vevey. Le couple, originaire du Kosovo, est en Suisse depuis de nombreuses années. M., né en 1975, est arrivé en 2007 pour assurer un revenu à la famille. Il explique avoir toujours travaillé. Au début, il a décroché de petits mandats, puis un emploi fixe comme aide-cuisinier, mais sans permis de travail. Mme, née 1981, est arrivée en 2010. De ce couple, non marié officiellement, sont nées trois filles, âgées de 12, 10 et 5 ans. Les deux premières sont nées au Kosovo et la troisième à Lausanne. Mme est sans activité professionnelle, elle s’occupe des enfants et prend des cours de français depuis plus d’un an. Mme informe que la famille communique un maximum en français à la maison. Les trois filles sont scolarisées en deuxième enfantine, en 5P et en 7P. M. a expliqué que leurs familles sont opposées à leur union. Venant de familles albanaises très traditionnelles leur union est contraire aux lois ancestrales ou claniques. Un des accompagnants a confirmé cet état de fait et indique que plusieurs tentatives de conciliation entre les familles, en vertu de la loi du Kanun, ont été tentées, en vain. Ceci implique que le couple ne peut pas vivre sur place sans menaces verbales et physiques plutôt fortes de la part des familles. Selon un des accompagnants les relations avec l’entourage resté au pays sont plutôt distendues et conflictuelles. Toutefois M. entretien encore quelques relations familiales avec le Kosovo, par téléphone uniquement, les possibilités de voyage étant nulles sans permis de séjour. Une régularisation permettrait de ce point de vue de pouvoir rendre visite à certaines personnes qui leurs sont importantes au pays. Il ajoute que les deux membres du couple ont des attaches en Suisse : amis, entourage familial, certaines de ces personnes étant naturalisées.

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5. AUDITION DU REPRESENTANT DE L’ETAT M. S. Maucci, chef du SPOP, résume le dossier comme suit : Ce cas relève de la LEtr. Ces personnes sont arrivées de manière échelonnée entre 2007 et 2010. Le SPOP prend connaissance de leur présence sur le territoire en 2017 lors de la reconnaissance de l’enfant-né à l’Etat civil et du dépôt de leur demande de régularisation. Le temps particulièrement long entre le dépôt de la demande (septembre 2012) et la décision de refus (mars 2014) s’explique par une procédure d’instruction relativement compliquée. Il expose les motifs du refus prononcé en 2014, soit une courte période de séjour en Suisse au moment du dépôt de la demande, le fait que les enfants sont encore petits à ce moment-là, qu’il n’y ait aucune difficulté insurmontable présumée pour se réintégrer au pays, les deux membres du couple ayant passé toute leur vie au Kosovo avant 2012. Le refus a été confirmé par le Tribunal cantonal. Il s’étonne du fait qu’il n’y ait pas eu de recours contre cette décision, mais seulement une demande de réexamen par la suite. Il explique qu’un réexamen doit se justifier par des éléments nouveaux du dossier ; le SPOP a estimé qu’il n’y en avait pas dans le cas de cette famille. Il souligne encore que le Kosovo ne pose pas de problème fondamental de sécurité. Le service souhaite encourager un processus de retour accepté par la famille, d’où le délai assez long qui leur a été accordé pour le départ. Les possibilités de l’aide au retour sont nombreuses (aide au retour mais aussi aide à la construction : santé, formation professionnelle, aide à monter une affaire, etc.). Mais elles nécessitent une coopération avec les personnes concernées. M. Maucci précise que l’aide au retour au Kosovo est efficace, le pays bénéficiant de l’infrastructure utile et nécessaire à ce type d’action. La commission a pu constater que ce dossier a été examiné à plusieurs reprises et que le dernier délai de départ est expiré depuis le 15.07.2016. La famille séjourne toujours en Suisse.

6. DELIBERATIONS Un commissaire rappelle qu’au Kosovo, la loi du Kanun (droit coutumier) est encore largement appliquée en parallèle du droit de la famille importé d’Europe. Selon cette tradition, ce sont les familles et non les époux eux-mêmes qui arrangent et décident les mariages. Si ces arrangements ne sont pas respectés, les amants s’exposent à des représailles (bannissement, violences physiques). Le risque est donc selon lui réel, même s’il est légalement difficile à justifier. Un autre commissaire a évoqué un cas d’intégration difficile où la loi clanique a posé des problèmes de violences dans une commune de notre Canton alors que pourtant les principaux concernés avaient fait toutes leurs écoles en Suisse et paraissaient bien intégrés. Un autre commissaire estime que les familles du Kosovo sont beaucoup plus difficiles à intégrer que celles de Bosnie par exemple. De plus le commissaire doute de la sincérité du témoignage du couple et considère que cette famille doit saisir les possibilités de l’aide au retour dont un autre commissaire juge que l’offre est intéressante, en ajoutant que le Kosovo est reconnu comme étant un pays sûr par la Suisse. D’autres commissaires sont de l’avis que cette famille, encore jeune, peut se réintégrer dans son pays d’origine et faire valoir la formation acquise par M. par exemple. D’autres commissaires trouvent qu’il s’agit clairement d’un cas de migration économique. Pour des raisons tenant à la protection de la personnalité de la famille de S.R., la commission demandera le huis clos lors des débats au Grand Conseil sur cette pétition.

7. VOTE Classement de la pétition Par 6 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions, la commission recommande au Grand Conseil de classer cette pétition. Prangins, le 16 janvier 2017. Le rapporteur : (Signé) Hans-Rudolf Kappeler Décision du Grand Conseil après rapport de la commission M. Hans-Rudolf Kappeler (PLR), rapporteur : — J’ai l’honneur et le plaisir de vous présenter brièvement le rapport de commission concernant la pétition de la famille S.R., que vous avez

45 Séance du mardi 7 février 2017 certainement lu avec attention. Je dois vous signaler une petite faute à la troisième ligne du point 5 : il faut lire « sur le territoire en 2012 » et non « en 2017 ». Je vous prie de m’excuser pour cette erreur. M’en tenant strictement au rapport de la commission, je vais vous en donner les points essentiels en style télégraphique. Monsieur S.R. est arrivé en Suisse en 2007, avec un visa touristique, mais dans un but économique. Il n’a plus jamais quitté le pays depuis cette date. De 2007 à 2010, madame reste cachée au Kosovo, avec ses deux filles nées en 2005 et 2007. Début 2010, une demande de visa touristique est déposée pour madame, mais le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) refuse d’octroyer le visa. Néanmoins, à la fin 2010, madame et ses deux enfants entrent illégalement en Suisse et ils s’y trouvent toujours. En 2012, naissance, en Suisse, d’une troisième fille. A cette date, lors de la reconnaissance de l’enfant nouveau-né à l’état civil, le Service de la population (SPOP) prend connaissance de leur présence sur le territoire du canton de Vaud. Une demande de régularisation a été déposée en même temps. En mars 2014, c’est-à-dire deux ans après que la famille ait déposé une demande de régularisation, le SPOP refuse d’octroyer un permis de séjour et fixe un délai de départ trois mois plus tard. L’avocat de la famille fait recours contre cette décision, mais en 2015, la Cour cantonale de droit administratif rejette le recours. Depuis lors, le dossier a été examiné et réexaminé avec beaucoup d’attention, à plusieurs reprises, toutefois sans succès pour la famille qui fait l’objet de la présente pétition. En effet, la première décision de renvoi a été confirmée chaque fois que le dossier a été réexaminé. La famille peut bénéficier de l’aide au retour, mais elle ne requiert pas cette aide d’urgence. Je vous signale aussi que monsieur S.R. a travaillé sans permis ni autorisation de 2007 à 2012. Par contre, de 2012 à 2016, en raison de procédures, le droit de travailler lui a été accordé. Mais depuis la fin 2016, monsieur n’a de nouveau plus le droit de travailler. Le dernier délai de départ était fixé au 15 juillet 2016, mais la famille est toujours là. Les trois filles sont scolarisées et la famille bénéficie des allocations familiales, malgré le fait qu’elle séjourne illégalement en Suisse depuis l’arrivée de monsieur en 2007 et de madame en 2010. A bons entendeurs, merci ! Pour conclure, j’aimerais vous dire qu’il s’agit d’une forme de dossier classique : en Suisse depuis de nombreuses années, des délais de départ prononcés à plusieurs reprises, mais les personnes sont toujours là, sans permis de séjour ni de travail, même si monsieur a tout de même travaillé pendant plusieurs années. De ce fait, la majorité de la commission est de l’avis que, s’agissant d’un couple relativement jeune, il doit pouvoir reconstruire une vie au Kosovo. Monsieur peut faire valoir les connaissances professionnelles acquises en Suisse et il entretient encore quelques relations familiales avec le Kosovo. De plus, le Kosovo ne pose fondamentalement pas de problème de sécurité. Nous jugeons donc qu’une réintégration est tout à fait possible pour cette jeune famille. De ce fait, la commission vous recommande de classer la pétition par 6 voix contre 1 et 4 abstentions. Le président : — Le rapporteur de commission a demandé le huis clos dans son rapport. Selon l’article 143 de la Loi sur le Grand Conseil (LGC), c’est à l’assemblée d’en décider. La discussion est ouverte. M. Serge Melly (AdC) : — Je dois avouer ma perplexité concernant le huis clos. La pétition est un outil à la disposition de la démocratie directe. Elle a donc un caractère éminemment public. Les défenseurs du requérant ont récolté des centaines de signatures ; ils n’ont pas pu le faire sans situer précisément le requérant, son origine, son parcours et sa famille. Tout a été mis sur la place publique et c’est le sens même d’une pétition, qui se déroule au grand jour. Si je peux comprendre un huis clos lorsqu’il y a une affaire pénale à débattre, lorsque des enfants pourraient souffrir d’un déballage public sur la conduite de leurs parents, je ne puis l’admettre lorsqu’il n’y a rien à cacher, comme c’est le cas en l’occurrence. Je parle ici aussi pour le deuxième cas qui nous concerne aujourd’hui (L’objet suivant à l’ordre du jour est également une pétition demandant une autorisation de séjour pour une famille. N.d.l.r.) Le requérant est irréprochable, mis à part ses incartades quant à l’obligation de quitter le territoire, qu’il conteste justement. Il n’a rien à cacher et les débats peuvent donc être publics. A mon avis, il y a quelque chose de malsain à vouloir traiter d’une affaire éminemment publique dans le secret d’un parlement. Je vous propose donc de ne pas voter de huis clos dans ce genre d’affaires.

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M. Julien Sansonnens (LGa) : — Pardonnez-moi car il n’y a pas longtemps que je siège dans ce parlement. La personne qui a demandé la parole avant qu’on ne parle du huis clos se préparait-elle à divulguer des informations sensibles qui ne devraient pas se retrouver sur la place publique ? Si ce n’est pas le cas, je ne vois pas vraiment de raison… Peut-être cette personne pourrait-elle s’engager à ne pas divulguer de noms ni de situations familiales et cela nous permettrait de gagner du temps. C’est une proposition. Le président : — J’entends ces préoccupations. Ma préoccupation est que, dans des cas précédents, alors que nous parlions de personnes, des éléments pouvant amener une atteinte à la personnalité sont apparus assez rapidement dans les discussions. C’est pour éviter cela et par souci de simplification que le huis clos est préconisé. De prime abord, c’est d’ailleurs un vœu de la commission des pétitions. J’ai personnellement voulu tenter l’expérience de ne pas demander d’emblée le huis clos, alors que la commission le demandait. M. Pierre-André Pernoud (UDC) : — Mes propos seront les mêmes, que nous soyons en situation de huis clos ou non, et ils n’attentent absolument pas à l’intégrité de qui que ce soit. M. Nicolas Rochat Fernandez (SOC) : — J’entends bien ce que M. Pernoud vient de dire, mais je pense que le principe que vous avez posé, monsieur le président, est tout à fait sain. A partir du moment où l’objet concerne une personne, le huis clos est prononcé, à l’instar de ce qui se fait lors des débats sur les grâces. M. Marc Oran (LGa) : — J’estime que la question du huis clos ne se pose pas tant qu’il n’y a pas de problème de casier judiciaire ou autre qui puisse être soulevé. En l’occurrence, dans les deux pétitions, ce genre d’argument n’est pas cité. Par contre, des questions humanitaires se posent, que l’on peut très bien aborder « en plein jour » si je puis dire. M. Hans Rudolf Kappeler (PLR), rapporteur : — Croyez bien que je ne ferai aucune déclaration désobligeante ou blessante concernant la famille en question. Si l’on pose une question pour une raison X ou Y, je répondrai tout simplement au sujet du fait et de rien d’autre. Je resterai donc tout à fait objectif et concret, sans être désobligeant. Mme Véronique Hurni (PLR) : — Cette pétition est arrivée juste avant que nous abordions le nouveau protocole concernant le huis clos. Il est vrai que nous en avons parlé en commission, en demandant aux pétitionnaires ce qu’ils escomptaient sur ce point. Ils nous ont répondu qu’ils souhaitaient le huis clos. Il est vrai qu’il y a tout de même quelques données sensibles, ayant trait à d’éventuelles représailles dans le pays et à des problématiques de mariage ou de non-mariage. On peut tout à fait étaler cela sur la place publique, mais il faut savoir ce que l’on souhaite. Les pétitionnaires ont souhaité que cette pétition soit traitée d’une manière vraie, en disant les choses vraies. Mais si le huis clos n’est pas décidé, on s’en tient au rapport qui a été fait et d’après lequel on vote. La discussion est close. Le président : — En vertu de l’article 143 de la LGC, l’assemblée peut décider du huis clos sur proposition du président ou d’un député. Nous allons donc voter. Le huis clos est décrété avec quelques avis contraires. Le huis clos est décrété à 15 h 25. Il est levé à 15 h 43. Le Grand Conseil décide de classer la pétition par 66 voix contre 35 et 20 abstentions. ______

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Pétition en faveur de F.R. et de sa famille (16_PET_059) Rapport de la Commission thématique des pétitions

1. PREAMBULE La Commission thématique des pétitions était composée de Mme Aline Dupontet, et de MM. Philippe Germain, Pierre-André Pernoud, Pierre Guignard, Hans-Rudolf Kappeler, Olivier Epars, Daniel Ruch, Daniel Trolliet, Filip Uffer et Serge Melly (qui remplace Jérôme Christen). Elle a siégé en date du 8 décembre 2016 sous la présidence de Mme Véronique Hurni. M. Jérôme Christen était excusé.

M. Cédric Aeschlimann, Secrétaire de commission parlementaire, est remercié pour les notes de séance.

2. PERSONNES ENTENDUES Pétitionnaires : Mme Anne-Catherine Menétrey-Savary, MM Fazli Ramaj, Syle Jagoda (son oncle), Roger Dupertuis (citoyen de Roche). Représentants de l’Etat : DECS/SPOP (Service de la population), M. Claudio Hayoz, juriste, Chef du Secteur juridique, Mme Nathalie Durand, juriste, Secteur juridique.

3. DESCRIPTION DE LA PETITION M. R. est le descendant de saisonniers d’ex-Yougoslavie qui ont perdu ce statut à la fin des années 1990 et qui ont vu leur pays partir en guerre. La famille de M. R. fait partie de ces travailleurs d’ex Yougoslavie qui ont été régularisés dans la foulée des 523. M. R. est arrivé en Suisse en 1998 en pleine guerre du Kosovo. Il déposé une demande d’asile qui a été refusée. Il est reparti au Kosovo et ensuite, avec l’évolution difficile de la situation politique, il est parti en Albanie, en Italie, puis à nouveau en Suisse. Il est en Suisse depuis 2006. Pendant ces 10 années, il a toujours travaillé et n’a jamais reçu l’aide sociale. Il a travaillé à satisfaction de ses employeurs ainsi qu’en atteste des courriers remis à la commission. Il a travaillé au noir et au gris, en payant les charges sociales et les assurances maladies. Chaque fois qu’il s’est présenté pour une place, on lui a proposé de l’engager facilement moyennant un permis de séjour. Il a travaillé dans la culture maraichère, les échafaudages, la construction, la pose de fenêtres. Il n’a pas de casier judiciaire. Aux yeux des pétitionnaires trois éléments militent en faveur d’une régularisation. Le premier concerne un problème de santé de Mme P., son épouse. Le second concerne son intégration sociale dans le village de Roche où il habite, travaille et vit avec sa famille, dont son oncle, et où M. Dupertuis est son logeur. Le 3e élément concerne la situation actuelle au Kosovo. M. R. a fait de nombreuses demandes de régularisation. Les dernières demandes sont motivées par des faits nouveaux en lien avec la santé de son épouse et la situation au Kosovo.

4. AUDITION DES PETITIONNAIRES La famille vit dans un studio à trois, bientôt à quatre. Concernant la situation au Kosovo, M. R. explique avoir reçu une lettre de ses cousins expliquant la situation actuelle des factions politiques. Deux clans se sont affrontés pour dominer pendant la guerre. Le président qui dirige le pays est issu de la faction dominante. Après la guerre, 200 personnes ont été tuées suite à des manifestations dans les villages. M. R. a déserté et a commencé à avoir des problèmes dans son village. Il a quitté le Kosovo et il est venu en Suisse. En octobre 2016, deux de ses cousins ont été abattus. Son séjour est illégal, mais il est décrit comme une personne travailleuse, et sa famille a aussi pu l’aider à tenir jusqu’ici.

5. AUDITION DES REPRESENTANTS DE L’ETAT M. R. dépose une demande d’asile, après une entrée en Suisse le 14.10.1998, puis il disparaît (13.05.1999) et sa demande d’asile est radiée.

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Le 07 octobre 2002, M. R. dépose une deuxième demande d’asile. Le 16.10.2002, M. R. signe une déclaration écrite selon laquelle il retire sa demande d’asile en vue de retourner dans son pays. Le 19.10.2002, départ volontaire de M. R. vers le Kosovo, organisé par le SPOP. Puis entre le 17.11.2008 et le 10.11.2016, divers employeurs vont faire des demandes de permis de séjour avec activités lucratives au SDE qui refuse ces demandes, au motif que M. R n’est pas ressortissant de l’UE/AELE et qu’il ne s’agit pas d’un emploi qualifié permettant de délivrer une autorisation de séjour à un ressortissant Etat tiers (article 23 de la loi fédérale sur les étrangers). A plusieurs reprises son renvoi de Suisse est prononcé. Divers recours tous suivis de décisions négatives sont prononcés tant au SPOP qu’au TF et à la CDAP.

6. DELIBERATIONS Concernant la problématique médicale de Mme P. celle-ci a déjà été examinée par la CDAP lorsqu’elle a statué le 16 avril 2016. La cour a estimé que le cas de rigueur médicale de Mme P. n’avait pas été démontré. Pour un cas de rigueur médical il faut réussir à démontrer que si l’on renvoie une personne dans son pays, elle serait en situation de détresse médicale. Il s’agit de maladies rares ou d’absence de médicaments. Si la maladie est durable, cela pourrait faire l’objet d’une autorisation pour raisons humanitaires ou une admission provisoire. Les conditions ne sont pas remplies dans ce cas. Un certificat médical de 5 jours délivré par l’hôpital tombait en plein pendant le rendez-vous du 24 août 2016 au SPOP, avec 100% de capacité de reprise le 25 août 2016. Des commissaires ont l’impression qu’il s’agit d’un certificat de complaisance pour ne pas se présenter au SPOP. M. R. a effectué un départ volontaire, ce qui laisse penser qu’il ne serait pas parti s’il avait été véritablement menacé. D’après les éléments qui figurent au dossier, il est peut-être resté au Kosovo de 2002 à 2008. M. R. a reçu un avis d’expulsion à quatre reprises. Son épouse en a reçu un. Les choses vont aller en se complexifiant avec deux enfants. Le logement va poser problème. Même en se donnant bonne conscience en aidant ces personnes, on ne va rien pouvoir solutionner, car il y a des jugements cantonaux et fédéraux entrés en force. Les avocats invoquent l’art. 30 LEtr alors qu’ils savent pertinemment qu’il n’y a rien de transcendant pour gagner. Si c’était le cas, ce serait un cas de rigueur. En résumé, trois commissaires sont d’avis que M. R devrait pouvoir rester en Suisse en raison d’absence de passé pénal. Par le fait aussi que ce monsieur a toujours travaillé et n’a pas bénéficié d’aide sociale. Pour sept autres commissaires il est retenu que M. R. a épuisé tous les recours possibles avec à chaque fois et de diverses instances, des réponses négatives. Que le Kosovo n’est pas en guerre. Que M. R. y est retourné et est même allé chercher une épouse dans son village. Que l’intégration est minimale. Que les enfants sont encore jeunes et non scolarisés et que les problèmes médicaux de Mme ne sont pas à ce point important qu’ils ne pourraient pas être pris en charge dans son pays. Pour des raisons tenant à la protection de la personnalité de F. R. et de sa famille, la commission demandera le huis clos lors des débats au Grand Conseil sur cette pétition.

7. VOTE Classement de la pétition Par 7 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention, la commission recommande au Grand Conseil de classer cette pétition. Prilly, le 6 janvier 2017. La rapportrice : (Signé) Véronique Hurni

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Décision du Grand Conseil après rapport de la commission Le débat s’est tenu à huis clos. (Voir l’objet précédent concernant la pétition en faveur de S.R. et de sa famille.) Le Grand Conseil décide de classer la pétition par 67 voix contre 44 et 13 abstentions.

______Rapport intermédiaire du Conseil d’Etat au Grand Conseil sur le postulat Denis-Olivier Maillefer et consorts au nom de la commission 15_191 suite au retrait du 15_POS_101 – Suivi de la nouvelle loi sur les auberges et les débits de boissons (LADB) (RI15_POS_124) Décision du Grand Conseil après préavis du Bureau Mme Sylvie Podio (VER), première vice-présidente : — Le 16 juin 2015, le Grand Conseil prenait en considération et renvoyait au Conseil d’Etat le postulat Denis-Olivier Maillefer, au nom de la Commission 15-191, demandant un suivi de la nouvelle Loi sur les auberges et les débits de boissons (LADB). Le délai pour présenter un rapport, conformément à l’article 111 alinéa 1 de la Loi sur le Grand Conseil du 8 mai 2007 (LGC), était par conséquent fixé au 16 juin 2016. Le 21 décembre 2016, le Conseil d’Etat a adopté un rapport intermédiaire dans lequel il propose un nouveau délai, au 30 juin 2018. Sollicité par le Bureau, le postulant s’est déclaré d’accord avec ce délai. Le Bureau a, quant à lui, décidé d’émettre un préavis positif à ce propos, à l’intention du Grand Conseil. Dès lors, il appartient au Grand Conseil, conformément à l’article 111 alinéa 2 LGC de décider s’il accepte la prolongation du délai de réponse au postulat Maillefer 15_POS_124 au 30 juin 2018. La discussion est ouverte. Mme Pascale Manzini (SOC) : — Je déclare mes intérêts : je suis membre de la Commission de gestion et de sa sous-commission attachée au Département de l’économie et du sport. Je suis surprise de l’intermédiarité de la réponse et surtout du délai à juin 2018 pour assurer le suivi de la nouvelle LADB. Il me semble que les résultats des achats-tests de 2015 devraient être livrés, en ce début d’année 2017. Cette enquête, qui se fait régulièrement, depuis 2011, doit évaluer le degré de respect des clauses d’âge pour la remise d’alcool aux mineurs, dans le canton de Vaud. Si l’on peut comprendre qu’une étude clinique vienne compléter cette enquête, ainsi que d’autres éléments décrits dans le rapport, il me semble que c’est à la Police du commerce de prendre les dispositions nécessaires pour faire des correctifs, si besoin est, et par conséquent d’assurer le respect des normes édictées par la LADB sur le terrain. Dès lors, si nous pouvons nous permettre d’attendre jusqu’à juin 2018 pour faire des correctifs, en termes de Police du commerce, est-ce à dire que le résultat de ces achats-tests est excellent ? M. Denis-Olivier Maillefer (SOC) : — Je ne pensais pas intervenir à ce stade, car j’imaginais qu’il y avait un large consensus sur le délai. Il faut savoir qu’en l’occurrence, ce délai nous paraît être légitime. En effet, il faut « laisser du temps au temps », mais sans exagérer, bien sûr. Je pense que les nouvelles dispositions restrictives en matière d’achat et de consommation d’alcool doivent se vérifier et faire leurs preuves. Dès lors, il ne m’est pas apparu scandaleux d’accepter un délai de deux ans pour l’expérimentation des nouvelles dispositions. Je m’exprime ici en mon nom personnel, sans avoir contacté les membres de la commission. Mais je crois pouvoir dire que la demande nous paraît légitime. La discussion est close. Le préavis du Bureau est accepté avec 1 abstention.

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Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 18 décembre 2007 d’application dans le Canton de Vaud de la législation fédérale sur les étrangers (LVLEtr) (321) Rapport de la majorité de la commission (Voir annexe en fin de séance.) Rapport de la minorité de la commission

1. PREAMBULE La minorité de la commission était composée de Mmes Anne Baehler Bech, Myriam Romano Malagrifa (en remplacement de Mme Annick Vuarnoz, lors des deux dernières séances des 29.11.2016 et 12.12.2016), de MM. Alexandre Démétriadès (remplacé par M. Nicolas Rochat Fernandez pour la dernière séance du 12.12.2016), Jean-Michel Dolivo, Raphaël Mahaim, Denis-Olivier Maillefer et de Jean Tschopp, auteur du présent rapport.

2. REFUS D’ENTREE EN MATIERE 2.1 Contexte La présente révision fait suite à l’adoption de l’initiative fédérale « Pour le renvoi des étrangers criminels » par le peuple et les cantons le 28.11.2010 (art. 121 Cst). La loi de mise en œuvre a été votée par le Parlement le 20.03.2015. Le 28.02.2016, le souverain rejetait néanmoins une nouvelle initiative pour « Pour le renvoi des étrangers criminels » dite « Initiative de mise en œuvre ». En mars 2016, le Conseil fédéral fixait au 01.10.2016, l’entrée en vigueur des dispositions légales mettant en œuvre l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels. La commission s’est donc trouvée dans une situation particulière puisque au moment de commencer ses travaux le 31.10.2016, la loi fédérale était déjà en vigueur, en l’absence de modification de la loi cantonale. L’absence de modification de notre loi cantonale n’empêche pas la loi fédérale de déjà déployer ses effets. Cette situation ne provoque aucun vide juridique puisque le droit fédéral est d’applicabilité directe et que les compétences des autorités cantonales sont bien établies. 2.2 Renforcement des mesures de contrainte administratives à l’encontre des étrangers sans passé pénal Alors que l’exposé des motifs se fonde essentiellement sur la mise en œuvre de la loi fédérale sur le renvoi des criminels étrangers, il est beaucoup plus silencieux sur des changements de loi, pourtant bien réels, pour les étrangers sans passé pénal. Selon la révision de loi, le prononcé et la mise en œuvre des assignations à résidence et des détentions administratives seraient désormais de la seule compétence du Service de la population (SPOP) devenant à la fois autorité de décision et d’exécution des mesures de contraintes administratives. Ce manque de contrôle comporte un risque de renforcement des mesures de contraintes à l’encontre des étrangers sans passé pénal. Ce risque est réel au vu des 57 assignations à résidence prononcées pour la seule période du 01.01.2016 au 15.09.2016 qui seraient privées de tout contrôle judiciaire. Les arrestations dans les locaux du SPOP deviendraient également possibles lors d’une convocation pour les étrangers sans condamnation pénale, pour les cas Dublin ou encore pour les étrangers ayant franchi la frontière, malgré une interdiction d’entrée en Suisse. 2.3 Position des commissaires de minorité Les commissaires de minorité ne remettent pas en cause l’acceptation par le peuple et les cantons de l’initiative de 2010 sur le renvoi des étrangers criminels. Son désaccord porte sur la concentration des compétences décisionnelles et d’exécution des mesures de contraintes administratives en seules mains du SPOP, sans contrôle judiciaire, dénoncée par l’Ordre des avocats vaudois et les Juristes progressistes vaudois. Cette option tend à formaliser la détention et l’assignation à résidence d’étrangers sans passé pénal, consistant pourtant en des mesures particulièrement invasives pour leurs droits et libertés. Par ailleurs, les possibilités de renvoi pour les étrangers sans passé pénal ont été étendues par les commissaires de majorité. Le canton de Vaud a toujours manifesté son souci de

51 Séance du mardi 7 février 2017 réserver un traitement différent aux étrangers ayant fait l’objet d’une condamnation pénale de ceux sans condamnation. Pourtant, ce projet de loi introduit des mesures beaucoup plus coercitives contre les étrangers sans passé pénal. Cette confusion empêche une réelle prise en compte de la situation personnelle des étrangers concernés. Au final, le refus du présent projet de loi serait sans incidence sur le renvoi des criminels étrangers, déjà en vigueur dans le canton de Vaud et dans l’ensemble de la Suisse. 2.4 Conclusion Au vu de ce qui précède, les commissaires de minorité recommandent de ne pas entrer en matière sur le présent projet de loi. Au vote, l’entrée en matière est acceptée par 7 voix pour, 7 voix contre et 1 abstention, avec voix prépondérante de la présidente.

3. DETAILS DE LA LOI Si, malgré les critiques précitées sur le projet de loi, le Grand conseil devait entrer en matière, les commissaires de minorité déposeront les amendements suivants rejetés en commission. 3.1 Amendements des commissaires de minorité Art. 3 Compétences du service Suppression de l’art. 3 al. 3bis LVLEtr 3bis prononcer, mettre en œuvre et lever les mesures de rétention (art. 73 LEtr), d’assignation d’un lieu de résidence (art. 74 LEtr) et de détention administrative (art. 75 à 80a LEtr) ; L’amendement veut éviter que le SPOP, relevant du pouvoir exécutif, intervienne à la fois comme autorité de décision et d’exécution des mesures de rétention, d’assignation de résidence et de détention. Lors de son audition, l’Ordre des avocats vaudois (OAV) a dénoncé cette position de juge et partie attribuée au SPOP. Cette concentration des compétences en seules mains du SPOP comporte un risque de décisions orientées. Actuellement, les décisions de mise en détention sont prises par la Justice de paix, autorité relevant du pouvoir judiciaire, garantissant l’indépendance requise. Les commissaires ne s’opposent pas à ce que ces décisions soient transférées au Tribunal des mesures de contrainte (TMC), comme le prévoit le projet de loi pour l’examen de la légalité de la détention (art. 11 al. 1 LVLEtr). Du point de vue des commissaires de majorité le fait que la plupart des autres cantons concentrent déjà ces compétences décisionnelles et d’exécution au sein d’une seule autorité devrait inciter le canton de Vaud à faire de même. Pourtant, les commissaires de majorité n’apportent aucun indice d’une plus grande efficacité d’un tel système. La suppression d’une compétence confiée jusqu’ici à la justice, risque d’affaiblir les droits et garanties de procédure des personnes concernées. Au final, les décisions du SPOP pourraient être plus souvent contestées, avec pour effet d’allonger les procédures. Au vote, cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. Art. 3a Collaboration avec la police cantonale Suppression de l’art. 3a al. 2 LVLEtr 2 Celle-ci (la police) reste maître des moyens qu’elle engage conformément à la loi sur l’usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération (LUsC). L’introduction de cette disposition constitue un désaveu de la politique suivie jusqu’ici par le Conseil d’Etat vaudois. En réponse à l’interpellation 10_INT_329 Jean-Michel Dolivo et consorts concernant le traitement dégradant avec chaînes aux pieds et menottes aux mains lors des audiences devant la Justice de paix pour les étrangers en mesure de contrainte, le Conseil d’Etat affirmait le 12 mai 2010 : « Il convient de respecter une différence de traitement entre les détenus administratifs et pénaux. Dès lors et sauf situation exceptionnelle (par exemple précédente tentative d’évasion, personne violente, etc.), le Gouvernement édicte le principe que, lors des transferts et audiences devant le juge de paix,

52 Séance du mardi 7 février 2017 les entraves au pied ne seront pas posées, considérant que les menottes sont suffisantes pour prévenir toute réaction inadaptée de la personne concernée ». Sans explication ni aucune référence à cette ligne de conduite, le Conseil d’Etat se distancie de ce principe en accordant les pleins pouvoirs à la police devenant seule juge des mesures de contraintes applicables, y compris à l’encontre d’étrangers sans passé pénal. Ces mesures de contraintes et notamment la possibilité d’entraver les pieds d’étrangers sans condamnation pénale, lors de convocations auprès du SPOP, tendent à les assimiler à des criminels. Cette assimilation constitue une atteinte à leur dignité et une régression au regard des engagements pris jusqu’ici par le Conseil d’Etat pour les droits des personnes concernées. Au vote, cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. Art. 15 Autorités compétentes Modification de l’art. 15 LVLEtr 1 Le service Tribunal des mesures de contrainte est compétent pour ordonner la détention conformément aux articles 75 à 80a LEtr, respectivement lever la détention lorsque les conditions ne sont plus remplies. 2 Le service Tribunal des mesures de contrainte est compétent pour ordonner ou lever une assignation d’un lieu de résidence (art. 74 LEtr). Alinéa 1 L’exposé des motifs critique l’existence d’un système prétendument trop lourd et inadapté à la situation auquel la Justice de paix devrait faire face, la plupart du temps dans l’urgence. Le Conseil d’Etat se réfère ainsi à la proposition du Groupe de travail sur la chaîne pénale visant à attribuer au SPOP la compétence en matière de détention administrative, sous contrôle judiciaire. Le Conseil d’Etat craint en définitive une détérioration de la situation en raison de l’augmentation des détentions administratives provoquée par l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions sur l’expulsion des criminels étrangers. Les détenus étrangers sans condamnation pénale ne doivent pas voir leurs garanties de procédure réduites au motif d’une révision de la loi fédérale ne s’appliquant qu’aux criminels étrangers. Pour mieux garantir les droits des personnes concernées, il est préférable de maintenir la décision inhérente à leur détention administrative en mains judiciaires. Selon les Juristes progressistes vaudois, des décisions aussi importantes nécessitent un examen approfondi et doivent relever du pouvoir judiciaire et non d’une autorité administrative. En réalité, le système serait simplifié en confiant d’entrée de cause la compétence de mise en détention au Tribunal des mesures de contrainte. Cette façon de faire confierait une compétence décisionnelle au Tribunal des mesures de contrainte d’entrée de cause. Cette autorité judiciaire, habituée à statuer en urgence pour les cas de détentions pénales, est la mieux outillée pour le faire. Fonctionnant 24h/24h et 365j/365j, le Tribunal des mesures de contrainte présente aussi la disponibilité et la réactivité requises pour statuer à brève échéance. L’Ordre des avocats vaudois reconnaît aussi les compétences de cette autorité judiciaire en matière de détention. Cette simplification éviterait l’étape préalable de la décision du SPOP et serait même de nature à accélérer les procédures. Au vote, cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. Alinéa 2 Selon l’exposé des motifs, ce transfert de compétence au SPOP se justifierait au même titre qu’en matière de détention, ce d’autant que la restriction de liberté de mouvement est présentée comme moins coercitive qu’une privation de liberté. Aujourd’hui, cette compétence décisionnelle relève de la Justice de paix. La révision proposée par le Conseil d’Etat ne prévoit aucun contrôle judiciaire. Les chiffres attestent pourtant pour la période du 01.01.2016 au 15.09.2016 d’un rejet de 5.3% des demandes d’assignation. Cette suppression de contrôle judiciaire n’a été recommandée par aucun groupe de travail sur la chaîne pénale. Lors des auditions, elle a été contestée aussi bien par l’Ordre des avocats vaudois que par les Juristes progressistes vaudois. Face à une mesure aussi restrictive pour

53 Séance du mardi 7 février 2017 la liberté personnelle et la liberté de mouvement des personnes concernées, il est préférable de confier cette compétence au Tribunal des mesures de contraintes déjà compétent pour ordonner ce type de mesures. Au vote, cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. Art. 28 Modalités d’arrestation Suppression de l’art. 28 al. 3 ch. 2 et 3 3 Le second alinéa ne s’applique pas : 2. aux étrangers qui ont franchi la frontière malgré une interdiction d’entrée en Suisse dûment notifiée à l’intéressé ; 3. aux étrangers qui, dans le cadre d’une procédure Dublin, se sont soustraits à l’exécution d’un plan de départ préalablement notifié. Alinéa 3, chiffre 2 La loi interdit toute arrestation dans les locaux du SPOP ainsi que dans les deux heures qui précèdent ou suivent une convocation. Une première exception existe déjà dans la loi en vigueur pour les étrangers ayant été condamnés pénalement. Les commissaires de minorité ne la contestent pas. En revanche, le projet de loi prévoit une nouvelle exception pour les étrangers ayant franchi la frontière malgré une interdiction de séjour en Suisse. Pourtant dans 80 à 90% des cas, la personne concernée n’a pas connaissance d’une notification d’entrée illégale, soit parce qu’elle a disparu, soit parce qu’elle est déjà rentrée et que la notification ne peut intervenir. L’intéressé peut alors pénétrer sur le territoire suisse tout en ignorant qu’elle fait l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée. Une personne ignorant l’illégalité de sa situation de séjour et n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation pénale ne doit pas pouvoir être arrêtée lors d’une de ses convocations au SPOP. Au vote, cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. Alinéa 3, chiffre 3 Envisagé dans un premier temps par le Conseil d’Etat, avant d’être écartée, la possibilité d’arrêter des étrangers en procédure Dublin, au moment de leur convocation au SPOP, a finalement été réintroduite par les commissaires de majorité. Les personnes faisant l’objet d’une procédure de transfert Dublin refusent parfois de quitter la Suisse et de se conformer à leur plan de vol. Elles se présentent néanmoins régulièrement au guichet du SPOP pour y solliciter une aide d’urgence, dans l’attente de l’échéance du délai de transfert et de l’ouverture d’une procédure d’asile, avec la certitude qu’elles ne feront pas l’objet d’une mesure de contrainte. Les personnes cherchant à assurer l’obtention d’un minimum vital doivent pouvoir se rendre dans les locaux du SPOP sans crainte d’y être arrêtées. Cette nouvelle possibilité d’arrestation de personnes sans condamnation pénale au sein même des locaux du SPOP cadre mal avec l’impartialité attendue d’une autorité, dont le projet de loi prévoit d’élargir les compétences. La convocation du SPOP pour les personnes venues réclamer une aide d’urgence pourtant garantie par notre ordre juridique s’apparenterait alors à un piège. Au vote, cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. 3.2 Conclusion Présenté dans l’exposé des motifs comme une mise en conformité avec l’initiative pour le renvoi des étrangers criminels, le projet de loi outrepasse cet objectif sur bien des points. Pour les personnes étrangères sans condamnations pénales faisant l’objet de mesures de contraintes, les régressions sont nombreuses :

• transfert de compétence d’une autorité judiciaire à une autorité administrative pour leur mise en détention administrative, avec les craintes que cela suppose quant aux garanties attendues pour leurs libertés personnelles ;

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• renforcement des pouvoirs de police s’agissant de l’usage des mesures de contrainte à l’encontre des personnes concernées ; • suppression de contrôle judiciaire s’agissant de l’assignation à résidence. A ces restrictions des libertés personnelles et des libertés de mouvement à l’encontre d’étrangers n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation pénale, s’ajoutent des pouvoirs d’arrestation étendus du SPOP. Les convocations dans les locaux du service deviennent ainsi autant d’occasions d’arrêter des personnes ignorant leur entrée illégale en Suisse ou auprès d’étrangers en procédure Dublin, venus percevoir leur droit à l’aide d’urgence. Ces restrictions aux libertés individuelles s’éloignent d’une tradition vaudoise et de son histoire récente, centrée sur la prise en compte de la situation personnelle et familiale des personnes concernées. Pour toutes ces raisons, les commissaires de minorité recommandent au Grand conseil de ne pas entrer en matière sur la révision du présent projet de loi. Lausanne, le 25 janvier 2017. Le rapporteur : (Signé) Jean Tschopp Premier débat Mme Fabienne Despot (UDC), rapportrice de majorité : — L’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 des dispositions légales mettant en œuvre l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels signifie que les cantons doivent adapter leur loi d’application. Le Département de l’économie et du sport et le Département des institutions et de la sécurité, les deux départements concernés, ont mis en place un groupe de travail composé de représentants de tous les services concernés par le renvoi des étrangers criminels afin de proposer toutes les modifications législatives cantonales nécessaires pour s’adapter à la modification du Code pénal. Soit que la démarche a été initiée un peu tardivement, soit qu’elle a été complexifiée par l’intégration de propositions découlant des assises de la chaîne pénale, nous enregistrons un retard significatif dans l’adaptation de la Loi cantonale sur les étrangers. Ce retard ne devrait pas bloquer l’application des modifications de loi au niveau fédéral. Cela n’en a pas moins inquiété les représentants du Tribunal cantonal, lesquelles relèvent l’urgence certaine que revêt le projet. Alors, mettons-nous à l’ouvrage ! Précisons en premier lieu que si l’introduction de l’exposé des motifs et projet de loi se focalise sur l’application de l’initiative populaire précitée, initiative acceptée par le peuple et les cantons suisses en novembre 2010, l’essentiel de la réflexion soumise à la sagacité du Grand Conseil ne porte guère sur cette initiative, car la forme qu’a prise l’application de l’initiative plus ou moins conforme à la décision du peuple a été, dans un premier temps, dessinée au niveau fédéral lors de la rédaction des articles y relatifs dans le Code pénal, le Code pénal militaire et la Loi fédérale sur les étrangers. Il y apparaît aux alinéas 2 et 3 de l’article 66a du Code pénal la clause de rigueur qui permet au juge de ne pas forcément procéder à l’expulsion. Le deuxième aspect de l’application de la loi est la décision prise par le procureur de traiter le cas par ordonnance pénale ou de passer par l’acte d’accusation. L’ordonnance pénale implique qu’il n’y a pas de renvoi en accusation auprès d’un juge et donc pas de possibilité de décision de renvoi. Sur cet aspect également, notre pouvoir législatif n’a pas à se prononcer. Ce qui montre que les éléments portés à notre analyse ne concernent que très peu l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels et que son application, fidèle ou non à la volonté du peuple, est laissée dans les mains du Ministère public et du Tribunal cantonal. L’essentiel de l’exposé des motifs et projet de loi qui nous est soumis porte sur les propositions d’optimisation des procédures qui découlent des assises de la chaîne pénale et qui répondent à une harmonisation des pratiques vaudoises avec les pratiques fédérales, soit : − le transfert au Service de la population (SPOP) de la compétence en matière de détention administrative — cette responsabilité est actuellement dévolue au juge de paix du district de Lausanne ; − un contrôle judiciaire qui passe du juge de paix au Tribunal des mesures de contrainte ;

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− l’introduction d’un délai de 96 heures au lieu de 24 heures pour le maintien de détention administrative — délai de 96 heures prévu par le droit fédéral, ramené à 72 heures sur proposition de la commission et qui donnera un peu plus de temps à l’autorité administrative, à la police et aux magistrats saisis pour contrôler le dossier. Ce délai supplémentaire permettrait également aux détenus administratifs d’être assistés d’un avocat, ce qui n’est guère aisé à organiser dans un délai de 24 heures. Il s’agit également de fixer dans la loi cantonale la collaboration existante entre le SPOP et la Police cantonale ; de préciser les compétences exercées entre le Département des institutions et de la sécurité et le Département de l’économie et du sport ; de définir les critères de reconnaissance des écoles privées ; de préciser les dispositions relatives à la protection des données ; de fixer la répartition des émoluments perçus en matière de police des étrangers entre le canton et les communes ; de régler les modalités d’arrestation dans les locaux du SPOP et de régler les compétences du SPOP en termes d’assignation au lieu de résidence et de détention administrative. Ces aspects ont été âprement discutés en commission. Dans mon rapport, qui se veut exhaustif et qui est rédigé à la manière d’un rapport général, vous retrouverez l’ensemble des opinions avancées par les commissaires. La majorité de la commission, que je représente ici, soumet à votre attention les points suivants : 1. le transfert au SPOP de la compétence de décision en matière de détention administrative est conforme au droit fédéral qui prévoit de passer d’une requête à une décision de la part du service compétent contrôlé par le juge du Tribunal des mesures de contrainte. Il est logique de traiter les causes de détention administrative par le SPOP qui possède tous les éléments et leur contrôle par le Tribunal des mesures de contrainte, sachant que le juge de paix est plutôt confronté à des affaires familiales. Il faut aussi noter que la disponibilité accrue du Tribunal des mesures de contrainte par rapport au juge de paix et que le Tribunal des mesures de contrainte agit aujourd’hui déjà comme juge supplétif du juge de paix de Lausanne. De plus, les décisions actuelles du SPOP montrent qu’elles sont conformes aux décisions de la justice et qu’elles sont reprises par le juge de paix dans la très grande majorité des cas. Ce transfert de compétence répond à la recommandation des assises de la chaîne pénale réunies en juin 2013 et correspond à la pratique dans presque tous les autres cantons suisses. 2. Le délai d’audition pour un étranger visé par une détention administrative est proposé à 96 heures au lieu de 24 heures actuellement. Le délai de 24 heures représentait un obstacle à l’action de la police, plus particulièrement à l’endroit des étrangers dont l’exécution du renvoi relève d’un autre canton. La police se voyait dans l’obligation de relâcher les étrangers, y compris des délinquants, faute de pouvoir organiser un transfert vers le canton compétent. De plus, le délai à 24 heures ne permettait pas d’assurer la présence d’un conseil à l’audience. Il est une proposition, l’examen prima facie dans les 24 heures, qui est apparue comme une démarche lourde et inefficace, dont l’utilité semblait tenir plutôt du compromis politique que de l’amélioration du dispositif judiciaire. Cette proposition n’a pas été retenue par la commission. Cette dernière propose de réduire à 72 heures ce délai, lorsque le cas relève du canton de Vaud. 3. Le transfert à la Police cantonale de la compétence actuellement dévolue au juge de paix du district de Lausanne en matière d’interdiction de périmètre : il est rappelé que la motion Claudine Wyssa (13_MOT_025), transformée en postulat, demandait à la base que le juge de paix de chaque district puisse prononcer ce type de mesure. Dans le cadre de la révision de la Loi cantonale sur les étrangers, le Conseil d’Etat a estimé qu’il était beaucoup plus simple administrativement de donner la compétence à la Police cantonale en matière d’interdiction de périmètre. Je n’ai donné ici que les éléments d’ensemble, mais je reviendrai évidemment en détail, article par article. J’aimerais néanmoins relever que la commission s’est inquiétée des effectifs nécessaires pour que le nouveau dispositif soit opérationnel. Elle s’est également inquiétée des coûts impliqués par les modifications proposées au sein de l’exposé des motifs et projet de loi. Pour traiter les expulsions supplémentaires en lien avec la mise en œuvre de l’initiative, le chef du SPOP s’est vu accorder par le Conseil d’Etat trois ETP. Au sein du Département de la sécurité et des infrastructures, les effectifs

56 Séance du mardi 7 février 2017 seront renforcés avec deux ETP à la Police cantonale, un ETP au Service pénitentiaire (SPEN) pour l’Office de l’exécution des peines et un ETP au Tribunal cantonal pour l’examen des dossiers. Le Tribunal des mesures de contrainte considère qu’il peut absorber, en l’état, les affaires supplémentaires prévues et estimées à moins de 200 cas pas année. La majorité de la commission considère que le projet proposé par le Conseil d’Etat améliore l’efficacité du système vaudois. A deux amendements près — l’implémentation des cas Dublin que vous retrouverez à l’article 28 et le renoncement à l’examen prima facie dans les 24 heures, dont j’ai précédemment parlé — la majorité estime que le projet de loi proposé par le Conseil d’Etat doit être soutenu. Le projet de loi octroie plus de droits que dans beaucoup d’autres cantons, tout en ne pénalisant pas l’efficacité du dispositif. La majorité s’oppose ainsi aux lourdeurs et à l’inertie inhérente aux amendements qui seront proposés par la minorité, des amendements qui font fi d’une réflexion de fond de l’ensemble du dispositif judiciaire vaudois et des besoins exprimés lors des assises de la chaîne pénale. Ce sont également des amendements en inadéquation avec les pratiques fédérales. M. Jean Tschopp (SOC), rapporteur de minorité : — Quiconque a déjà eu affaire à des requérants d’asile, à des étrangers en situation délicate, quiconque s’est déjà confronté à la réalité de ce que peuvent vivre ces familles — femmes, hommes et enfants au parcours de vie difficile — a été amené à reconsidérer ses a priori. L’histoire de ce canton, de ses rencontres et de son développement est indissociable de sa mixité, d’un brassage exceptionnel, peut-être à nul autre pareil à l’échelle de la Suisse. Il suffit de consulter l’effectif de n’importe quelle classe, de la plupart des garderies, pour voir à quel point cette diversité fait partie de l’ADN de ce canton. Nous ne dirons pas que cette coexistence est toujours facile, c’est un défi permanent pour les habitants de ce canton, pour les employés des administrations, pour les travailleurs, pour tout un chacun qui, à sa façon, apporte sa contribution à la vie en société. Mais c’est aussi une force ; c’est une certaine politique d’intégration qui produit ses effets. L’histoire récente de ce canton est aussi parfois celle d’un élan d’ouverture, de solidarité, de mobilisation de ses habitants, parfois même indépendamment de leur obédience politique, de collectifs d’aide aux migrants, de milieux proches des églises exprimés notamment au moment de l’affaire dite des « 523 ». La régularisation de la situation de séjour de ces destins n’allait pas de soi ; elle a été le fruit d’un rapport de force, de négociations conduites pied à pied, de la volonté de la prise en compte des situations familiales et personnelles délicates avec la Berne fédérale, de la mobilisation de collectif de soutien, en passant par ce Grand Conseil jusqu’à un certain Jean-Claude Mermoud. Aujourd’hui, l’histoire se rejoue : l’initiative pour le renvoi des criminels étrangers a été adoptée par le peuple et le canton. Le rejet de l’initiative de mise en œuvre par le constituant, qui a voulu préciser le cadre de cette initiative, n’a pas empêché sa mise en œuvre. Elle est aujourd’hui en vigueur depuis le 1er octobre 2016. L’approche des commissaires de minorité n’a jamais été de remettre en cause la volonté populaire. Nous sommes des démocrates et il va de soi que cette initiative doit s’appliquer. Elle s’applique d’ailleurs déjà. Tout l’enjeu de ce débat est celui du sort réservé aux étrangers sans passé pénal. Quelles mesures de contrainte leur appliquer ? Quelle autorité doit les prononcer ? Quels droits accordés aux personnes concernées ? Avec quelles garanties judiciaires ? Jusqu’où l’Etat peut-il aller pour arrêter des personnes n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation pénale ? Sur tous ces points, le projet de loi que vous avez entre les mains traduites une régression pour les droits des personnes concernées. Toujours conçu comme une autorité requérante pour les mises en détention administrative, le SPOP deviendrait une autorité de décision s’agissant des mises en détention pouvant aller jusqu’à dix-huit mois pour les adultes et douze mois pour les mineurs de plus de quinze ans. La Police cantonale recevrait une délégation de compétence totale du SPOP pour l’usage des mesures de contrainte. Les assignations à résidence dans les centres pour requérants deviendraient elles aussi de la compétence du SPOP en supprimant tout contrôle judiciaire. Cette concentration de pouvoir en main de l’administration conférerait un rôle de juge et partie au pouvoir exécutif, avec toutes les menaces que cela suppose pour les droits des personnes concernées. Ce biais a été remis en cause, aussi bien par l’Ordre des avocats vaudois (OAV) que par l’Association des juristes progressistes (AJP) entendus en commission, compte tenu des risques encourus pour le droit des personnes concernées. Alors même que le projet de loi requiert un transfert de compétence judiciaire en mains de l’administration, avec les garanties d’indépendance que l’on saurait en droit d’attendre, cette même administration verrait ses pouvoirs d’arrestation étendus. Le SPOP pourrait profiter de la convocation d’un étranger en situation de séjour illégal, sans qu’il en soit nécessairement conscient, pour l’arrêter. Autres modalités

57 Séance du mardi 7 février 2017 d’arrestation introduite par la majorité de la commission : le SPOP pourrait profiter de la convocation dans ses locaux d’un étranger en procédure Dublin venu percevoir son aide d’urgence pour l’astreindre à des mesures de contrainte. Son arrestation serait aussi possible dans les deux heures qui précèdent et suivent sa convocation. Présenté comme une autorité susceptible d’endosser toutes les compétences judiciaires, dans le même temps, le SPOP pourrait piéger les étrangers venus faire valoir leurs droits dans ses locaux. La loi qui nous est soumise est une régression pour les libertés personnelles d’étrangers n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation pénale. Elle supprime les compétences judiciaires, annule ou réduit des contrôles judiciaires. In fine, elle aboutit au paradoxe selon lequel un étranger prévenu d’infraction pénale se retrouverait avec davantage de garanties judiciaires et de droits qu’un étranger cherchant à régulariser sa situation de séjour. En quelques jours seulement, ce projet de loi a réuni contre lui la signature de plus de 1300 citoyens de ce canton qui nous adressent un appel pour la liberté personnelle : pas de mise en détention des étrangers et étrangères en situation irrégulière sur ordre de l’administration. Le seul motif de l’alignement à une pratique entérinée par d’autres cantons ne saurait suffire à renoncer aux garanties de procédure de notre ordre juridique, y compris pour les étrangers. Ce projet de loi va à l’encontre de la prise en considération de la situation personnelle et familiale d’étrangers sont condamnations cherchant à s’intégrer, auxquels les habitants de ce canton ont plusieurs fois montré leur attachement au cours de ces dernières années. C’est à une forte minorité que la commission vous invite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. La discussion sur l’entrée en matière est ouverte. Mme Christelle Luisier Brodard (PLR) : — Le groupe PLR, dans son ensemble, recommande l’entrée en matière sur les modifications qui sont portées à la LVLEtr. Sur la forme, il en va de la responsabilité des élus que nous sommes d’aborder ce débat — sensible s’il en est et qui plus est à l’orée d’une période électorale, on a d’ailleurs vu à l’aune des articles qui ont déjà fleuri ces derniers jours sur ce sujet — avec sérénité et objectivité. Sur le fond, il en va encore de notre responsabilité de mettre en œuvre une initiative, qui a été acceptée, sur le renvoi des criminels étrangers. Une responsabilité vis-à-vis de la Confédération, vis-à-vis des autres cantons, mais encore et surtout vis-à- vis de la population qui a accepté cette initiative. La rapportrice de la majorité de la commission l’a dit : les délais sont extrêmement serrés. Il en va enfin de notre responsabilité d’analyser de manière détaillée les autres propositions qui sont faites dans ce projet de loi. Ces propositions ne sont pas sorties d’un coup de baguette magique du chapeau du Conseil d’Etat — qui plus est à majorité de gauche — mais bel et bien des assises de la chaîne pénale qui se sont tenues en 2013. Ces propositions sont donc le fruit d’analyses, de discussions et de débats. Elles viennent de personnes qui sont en phase avec le terrain, des spécialistes en la matière. Le PLR recommande donc d’entrer en matière sur ce projet de loi. Il soutient les propositions faites par le Conseil d’Etat et, en partie, par la commission. Le PLR soutient notamment, s’agissant de la mise en œuvre de l’initiative, le transfert au SPOP des compétences concernant l’exécution des expulsions judiciaires. Le PLR soutient par ailleurs nombre d’autres propositions qui ont été émises, notamment les nouvelles compétences du SPOP en matière de détention administrative, le contrôle judiciaire qui passe au Tribunal des mesures de contrainte et la prolongation du délai à 72 heures ou à 96 heures selon les cas. Les solutions apportées sont cohérentes et pratiques. S’agissant du pouvoir décisionnel du SPOP en matière de détention administrative, on constatera que, avec le système actuel, le SPOP transmet les demandes au juge civil et ces demandes sont, dans la quasi-totalité des cas, d’ores et déjà admises. S’agissant du contrôle judiciaire, ce dernier est maintenu dans les 72 heures ou les 96 heures. Le Tribunal des mesures de contrainte, dans ce cadre-là, est mieux à même que le juge de paix pour procéder à ce contrôle. Il le fait d’ailleurs déjà dans des cas qui ont été mentionnés par la rapportrice de la majorité de la commission. Les solutions qui nous sont proposées sont connues ; elles sont appliquées dans d’autres cantons. Il ne s’agit pas de partir à l’aventure. Pratiquement tous les cantons suisses connaissent des compétences de leurs services administratifs pour la détention administrative et appliquent les délais tels que nous les proposons. Enfin, les propositions qui nous sont soumises permettent de respecter les droits des personnes concernées, avec un contrôle judiciaire rapide, avec des recours qui restent possibles et,

58 Séance du mardi 7 février 2017 surtout, avec une vraie possibilité de défense des personnes concernées. Ce qui n’est aujourd’hui pas le cas avec le délai de 24 heures. Enfin, s’agissant du d’ores et déjà fameux article 28 et des modalités d’arrestation, le PLR soutient la position de la majorité de la commission. Pour rappel, le système qui prévoit de ne pas pouvoir interpeller un certain nombre d’étrangers en situation irrégulière dans les locaux du SPOP est une spécificité purement vaudoise. Ce système paraît non conforme au droit européen, à la directive européenne sur le retour qui est appliquée par la Suisse depuis 2011. C’est d’ailleurs ce que reconnaît à demi-mot le Conseil d’Etat dans son exposé des motifs et projet de loi. Sur le fond, il convient d’appliquer une politique cohérente par rapport à une personne qui s’est vue notifier une décision d’expulsion. C’est-à-dire que l’ensemble des autorités concourt à l’exécution de cette décision. Il n’est pas possible, d’une part, de décider d’un départ et, d’autre part, de donner des aides d’urgence à des personnes qui se soustraient aux décisions de départ. C’est la raison pour laquelle nous allons soutenir l’amendement qui a été proposé par la commission pour les étrangers qui sont en procédure Dublin et — je le souligne — pour des personnes qui se sont soustraites à des plans de départ dûment notifiés. Au final, nous recommandons d’accepter l’entrée en matière et la plupart des propositions de la commission, parce qu’il s’agit de propositions équilibrées, efficaces et qui assurent la garantie des droits des personnes concernées. M. Denis-Olivier Maillefer (SOC) : — Vous n’allez pas retrouver le même enthousiasme dans mon intervention que dans celle de ma préopinante. Le groupe socialiste vous demande de refuser l’entrée en matière. Je ne vais pas faire une analyse de détail — elle a déjà été faite — je me bornerai à reprendre l’articulation du dispositif et à mettre en évidence ce qui ne me paraît pas acceptable. Si l’on contextualise, on se rend compte qu’au motif d’adopter la législation concernant le renvoi des criminels étrangers, on règle par la bande le sort des étrangers non criminels. Et des étrangers non criminels, cela existe ! Ce malaise de départ à l’encontre de cette loi nous fait dire qu’elle n’est pas acceptable pour trois raisons : 1. On assiste à un amalgame entre ces deux catégories d’étrangers, à tel point que les situations non pénales se verraient même péjorées dans le déroulement des procédures qu’elles auraient à suivre. Le premier problème est donc d’avoir voulu « glisser sous le tapis » un certain nombre de dispositions concernant ces étrangers sans condamnation pénale. 2. Cela a été dit, mais je le reprends de manière plus concrète : on assiste à une confusion des pouvoirs. Relisez vos classiques, relisez Montesquieu : si les gens se sont battus pour établir une séparation des pouvoirs, il est malvenu et inadéquat de confier à un service administratif, dépendant d’une autorité exécutive, des pouvoirs décisionnels. J’ouvre maintenant une parenthèse d’importance : les propos du groupe socialiste ne sont pas tournés contre le SPOP qui fait un travail difficile et qui s’en acquitte généralement le mieux possible et avec le plus d’humanité possible. Néanmoins, le travail d’un législateur est aussi de prévoir des situations dans lesquelles le vent aurait tourné et où on se trouverait face à une administration ou à un exécutif qui, pour des raisons qui leur appartiendraient, souhaiteraient notablement durcir des procédures, nous n’aurions plus cette garantie judiciaire, si ce n’est à posteriori, avec toute la perte de substance que cela pourrait entraîner. 3. Même si cela paraît impacter un peu moins le bilan général de la loi, il y a une suppression du contrôle judiciaire par rapport à l’assignation à résidence. C’est aussi un élément important, puisque, ici aussi, c’est l’administration qui peut prendre les décisions. Nous ne contestons pas la part d’adaptation rendue nécessaire par l’initiative pour le renvoi des criminels étrangers. Nous ne l’avons jamais contestée tout au long des travaux de la commission ; nous l’acceptons. Néanmoins, il n’est pas acceptable — au motif d’actualiser des dispositions pénales par rapport à cette initiative — de procéder à ce transfert de compétences d’une autorité judiciaire à une autorité administrative, certes — je le concède bien volontiers — avec un contrôle judiciaire à posteriori. L’argument qui consiste à dire que beaucoup de cantons ont adopté des pratiques comparables n’est, à notre avis, pas suffisant. Nous n’avons pas la prétention de donner des leçons aux autres cantons, mais nous ne souhaitons pas non plus que les autres cantons nous imposent un mode de faire. Il faut savoir — et c’est peut-être là que réside la problématique — qu’à certains égards dans ces

59 Séance du mardi 7 février 2017 dix ou quinze ans de politique migratoire, le canton de Vaud s’est créé une image d’exception ou de mauvais élève — ou de bon élève, selon votre vision des choses. Nous voulons continuer à défendre une image d’un canton qui, avec la très faible marge de manœuvre dont il dispose par rapport à ce dispositif d’ordre fédéral, s’acquitte au mieux de sa tâche, avec un maximum d’éthique et de valeur. De ce point de vue et pour les raisons énoncées précédemment, nous ne pouvons pas accepter cette loi. En conclusion, ce système est potentiellement dangereux : il sera vivable avec une administration et un Conseil d’Etat responsable et qui appliquerait ces mesures avec discernement, mais il pourrait favoriser un glissement et un durcissement qui deviendrait hautement problématique le cas échéant. En ce qui concerne Dublin — c’est une situation d’actualité — on assiste à une pratique totalement scandaleuse, Même si la Suisse fait partie de cet accord, on peut prendre un tout petit peu de distance et utiliser cette possibilité qui nous est laissée de garder certaines situations dans notre pays pour des motifs humanitaires et autres. Je ne peux pas rejoindre Mme Luisier du groupe PLR lorsqu’elle dit qu’il suffit de s’aligner sur l’application de ces règles. Nous avons vu les dérives possibles, nous avons récemment vu des mineurs être renvoyés en Italie dans des conditions qui ne sont pas acceptables. Le groupe socialiste vous demande de refuser l’entrée en matière. M. Yvan Pahud (UDC) : — Le groupe UDC vous recommande d’entrer en matière sur cet exposé des motifs de projet de loi. Notre groupe est favorable au projet de loi proposé par le Conseil d’Etat qui fait suite au vote populaire de l’initiative UDC sur le renvoi des criminels étrangers, initiative acceptée par le peuple. Il est important de relever que, pour notre groupe, la volonté populaire semble être doublement trompée. Premièrement, les clauses de rigueur instaurées dans l’article 66a du Code pénal limitent très fortement le renvoi des criminels étrangers. En effet, dans ces clauses figurent par exemple les chances de réinsertion du détenu dans son pays d’origine. Ceci semble être une clause plus que discutable, car peu de pays offre des chances de réinsertion à des personnes condamnées, même dans un autre pays. Deuxièmement, l’annexe 2 montre un cas de traitement d’une procédure pénale passant par un juge. Or, la majorité des cas sont traités par voie d’ordonnance pénale, donc non renvoyés un juge, donc non soumis à une décision de renvoi. Je rappelle également que, même si la décision vient du Secrétariat aux migrations (SEM), les cantons sont compétents pour l’exécution des renvois pour les ressortissants établis sur leur territoire. La majorité des renvois concerne des personnes détentrices d’un permis de séjour et non des personnes sous procédure d’asile. Par ailleurs, plus de 80 % de la population carcérale est étrangère. Pour le groupe UDC, le transfert de compétences en matière de détention administrative de la Justice de paix de Lausanne au SPOP paraît plus que justifié. En effet, les conclusions des assises de la chaîne pénale recommandent de transférer la compétence de placement en détention administrative de la Justice de paix au SPOP, avec un contrôle judiciaire. J’insiste bien là-dessus : avec un contrôle judiciaire. La marge de manœuvre du SPOP sera donc sous contrôle de la justice par le biais du Tribunal des mesures de contrainte. Comme pour la Justice de paix, les décisions prises par le SPOP en matière de détention peuvent faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal cantonal. Selon le SPOP, les étrangers sans condamnation pénale font plutôt l’objet d’une assignation à résidence que d’une détention administrative. Il est également important de rappeler que la quasi-totalité des personnes en détention administrative a au moins une condamnation pénale autre que la loi sur les étrangers. On ne parle donc pas d’enfants de chœur. Comme cela se pratique dans les autres cantons de notre pays, il est nécessaire d’effectuer ce transfert de compétences au SPOP et ainsi d’éviter une « vaudoiserie » dans l’application de la loi. Il en va de même pour le transfert de compétences du contrôle judiciaire des détentions administratives au Tribunal des mesures de contrainte. Le délai de 96 heures dans lequel un contrôle judiciaire — du Tribunal des mesures de contrainte — doit être effectué est fixé par la loi fédérale. Ce délai paraît suffisant pour faciliter la présence d’un conseil à l’audience fixée par le Tribunal des mesures de contrainte. Le groupe UDC vous invite à refuser les amendements proposés par la minorité de la commission. Concernant les articles, il est important de soutenir le texte du Conseil d’Etat et de transférer les compétences au SPOP afin de s’aligner sur le droit fédéral. Il est également primordial, à l’article 3a, alinéa 2, que la police reste maître des moyens qu’elle engage, ceci en conformité avec la Loi sur les

60 Séance du mardi 7 février 2017 mesures de contrainte. Pour rappel, les étrangers en situation irrégulière ne sont plus amenés menottes aux pieds à la Justice de paix, le Conseil d’Etat ayant suivi l’interpellation de M. Dolivo. Le groupe UDC restera ferme et soutiendra le texte initial du Conseil d’Etat concernant les articles 16 et 24 qui traitent de la possibilité à l’étranger de se faire assister par un conseil, soit un avocat, lors de sa comparution devant le tribunal. En effet, le libre choix du requérant de se faire assister par un avocat respecte et garantit les droits des personnes. Nul besoin d’obliger une personne de se faire assister si elle ne le désire pas. Ceci doit rester une liberté individuelle. Par ailleurs, le coût d’une défense obligatoire ne peut être à la charge du contribuable. Ce coût est estimé à environ 150 000 francs par le Conseil d’Etat. Concernant les modalités d’arrestation de l’article 28, notre groupe vous recommande de refuser l’amendement de la minorité de la commission et de revenir au texte initial que nous vous proposerons dans un amendement. En effet, le « dûment notifié » rajouté par la minorité implique que l’étranger doit avoir reçu la notification écrite d’une interdiction d’entrée sur le territoire helvétique. Or, dans 80 à 90 % des cas, les personnes concernées disparaissent dans la nature dans le but de ne pas se faire notifier une interdiction d’entrée. Les étrangers, dans le cas d’une procédure Dublin, qui se sont soustraits à l’exécution d’un plan de départ doivent pouvoir être arrêtés dans les locaux du SPOP. Notre groupe vous recommande donc de soutenir l’amendement de la commission. Des amendements seront déposés lors de la lecture des articles 13, 16, 24 et 28. Le groupe UDC soutient donc la position du Conseil d’Etat. M. Raphaël Mahaim (VER) : — A ce stade du débat d’entrée en matière, je me limiterai à quelques considérations générales et je reviendrai bien évidemment plus largement sur différents points de détail si l’entrée en matière est acceptée, notamment sur les amendements que les Verts soutiendront ou déposeront en appui au rapporteur de minorité. Ce projet soulève un certain nombre de questions graves — et je pèse mes mots — parce que l’on s’en prend à certains principes de notre Etat de droit et au fonctionnement de notre machine répressive à l’égard des personnes qui n’ont pour seul tort la simple volonté de vouloir une vie meilleure et d’aspirer à un avenir meilleur. Cela pose donc des questions graves. Comme l’a très bien dit notre collègue Denis-Olivier Maillefer tout à l’heure, nous faisons des lois pour des années, voire des décennies, et non pas en fonction de qui est en place à quel moment, en particulier au moment où nous votons des lois. Sauf tout le respect que nous avons pour le conseiller d’Etat ou pour les services en charge de l’asile actuellement, il convient de se poser la question des principes qui sous-tendent cette révision de loi. Il convient également d’agir en conséquence et de manière responsable. J’aimerais vous donner deux clés de compréhension qui illustrent la grille de lecture des Verts et qui expliquent pourquoi notre groupe est remonté à l’encontre de ce projet. La première clé de compréhension pour bien saisir ce projet assez technique — et dont on peut assez facilement imaginer qu’il n’est pas saisissable en quelques minutes — est la suivante : avec ce projet, nous serions en train de créer une machine administrative qui traiterait de manière plus favorable les criminels de droit commun que les étrangers dont le seul but est d’aspirer à un avenir meilleur. Je me répète et j’insiste sur ce point : le système qui nous est proposé revient à reconnaître moins de droits aux étrangers qui sont susceptibles d’être renvoyés dans leur patrie d’origine qu’aux criminels de droit commun. Je vous demande un effort d’imagination pour illustrer ce propos : imaginez une seconde que vous êtes, pour des raisons qui vous échappent ou non, suspecté d’avoir commis une grave infraction pénale qui pourrait vous conduire à un emprisonnement, même par hypothèse pour de la détention préventive. Dans ce type de situation, immédiatement un avocat vous est désigné — même si vous estimez que vous vous en sortez très bien tout seul et que vous pouvez vous défendre comme un grand — parce que votre liberté personnelle et le risque d’emprisonnement sont en jeu. Par conséquent, on estime que la machine répressive doit être contrebalancée par un dispositif de protection. Cette précaution n’est pas prise dans le projet de loi. En tant qu’étranger potentiellement détenu administrativement en vue d’un renvoi, vous êtes donc entièrement privés de votre liberté et vous n’avez pas la possibilité d’être automatiquement assistés d’un avocat ou d’un conseil. On imagine bien, dans les situations de détresse que l’on connaît, à quel point ce type de système peut être extrêmement dangereux, en particulier en raison de la vitesse à laquelle les choses se déroulent dans les heures ou vous êtes interpellés, mis en arrestation et, par hypothèse, renvoyés dans votre pays.

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Un autre aspect où un criminel de droit commun serait mieux traité qu’un étranger qui serait envoyé, c’est la garantie de l’accès au juge : une personne mise en détention préventive dans le cadre d’une procédure pénale a le droit à ce que cette décision de mise en détention soit prise par un juge. Je le répète et c’est extrêmement important : cette personne peut demander à ce que cette décision soit prise par un juge et uniquement par un juge. Il n’y a pas de pouvoir a priori de l’administration de décider d’ores et déjà de sa mise en détention avant que le juge ne soit saisi. La requête est souvent faite par la police ou le procureur auprès du juge, mais c’est ce dernier qui prend lui-même la décision, n’en déplaise à ceux qui estiment que les autres cantons ont trouvé une solution plus légère du point de vue administratif, ou moins problématique du point de vue des renvois. Ce double exemple illustre la première clé de compréhension que je vous livre. Les criminels de droit commun, avec ce projet, seraient, dans beaucoup de circonstances et de manière générale, mieux traités que les étrangers dont le seul tort est de vouloir un avenir meilleur. Pour la deuxième clé de compréhension, je rejoins les propos de notre collègue Denis-Olivier Maillefer : il y a un très grave glissement sémantique dans ce débat, parce que l’on nous parle de la mise en œuvre de l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels et on assimile à cette problématique très spécifique des étrangers avec un passé pénal tous les autres étrangers, toutes les autres personnes qui doivent être arrêtées ou renvoyées pour d’autres raisons. Cette dérive du discours est intolérable, parce qu’elle revient à mélanger des choses qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Allez dire, en regardant droit dans les yeux, à ces familles qui ne souhaitent qu’un avenir meilleur qu’elles seront maintenant traitées de la même manière que les étrangers qui ont un passé pénal. Ce type d’approche pour nos dossiers de politique migratoire n’est pas admissible et c’est aussi pour cette raison que le groupe des Verts s’oppose à ce projet. Voilà pour ces deux clés de compréhension de manière générale, je reviendrai plus en détail par la suite. En guise de conclusion, j’aimerais tordre le cou à deux arguments qui ont été évoqués par les partisans du projet. Le premier argument a déjà été exprimé à plusieurs reprises, il consiste à dire que nous devons mettre en œuvre l’initiative fédérale. La réponse a déjà été fournie par divers collègues de ce plénum : oui, bien sûr, il faut mettre en œuvre l’initiative fédérale, mais le projet qui nous est soumis aujourd’hui n’est pas une mise en œuvre de l’initiative. C’est un tout petit bout de mise en œuvre de l’initiative et beaucoup d’autres mesures qui n’ont strictement rien à voir avec cette mise en œuvre. Encore une fois, cessons l’amalgame ! La deuxième idée à laquelle il faut tordre le cou : les détracteurs du projet ne contestent pas le fait que, aujourd’hui, la Justice de paix n’est peut-être pas l’autorité la plus adéquate pour se prononcer sur ces questions. Ce diagnostic de la situation actuelle est partagé par les détracteurs du projet, du moins par le groupe des Verts, qui reconnaissent que la Justice de paix, comme les assises de la chaîne pénale l’ont reconnu, n’est peut-être pas la meilleure autorité judiciaire pour ce type de questions. Je crois pouvoir dire sans trop anticiper les débats qui suivront qu’il conviendrait de transférer ses compétences, comme autorité judiciaire, au Tribunal des mesures de contrainte et reproduire le même système que celui que nous connaissons aujourd’hui pour la Justice de paix, mais en le transférant au Tribunal des mesures de contrainte. Comme toujours, le diable se cache dans les détails et nous aurons l’occasion de revenir sur ces détails dans la suite de la discussion qui aura probablement lieu la semaine prochaine. Il s’agit notamment de la question de la désignation de l’avocat. Il s’agit de la question du contrôle judiciaire suite à une assignation à résidence. Il faut un contrôle judiciaire efficace et rapide. Lorsque l’on pense assignation à résidence, on se dit que c’est un peu moins antipathique que la mise en détention. On peut rappeler que c’est une mesure extrêmement coercitive et que certaines éminentes personnes, dont des prix Nobel de la paix, comme Aung San Suu Kyi en Birmanie, ont été assignées à résidence pendant des années sous contrôle de l’armée. Ce n’est pas une mesure sympathique, c’est certes une mesure moins incisive que l’emprisonnement pur et simple, mais c’est une mesure qui peut parfois être vécue d’une manière extrêmement douloureuse par des personnes qui, par ailleurs, ont une vie sociale ou qui tentent tant bien que mal d’en avoir une et de garder la tête hors de l’eau. Enfin, nous en avons déjà parlé et je n’y reviens pas à ce stade, la question de l’arrestation dans les locaux du SPOP met en lumière un certain cynisme des pratiques. Malheureusement, en matière de renvoi, on donne d’une main ce que l’on cherche à reprendre de l’autre. C’est tout le paradoxe et le cynisme de ce système contre lequel nous tentons tant bien que mal de nous battre depuis un certain nombre d’années. Pour

62 Séance du mardi 7 février 2017 toutes ces raisons, le groupe des Verts vous invite à ne pas entrer en matière. Si l’entrée en matière était acceptée, il vous invite à soutenir un certain nombre d’amendements qui seront proposés. Mme Claire Richard (V’L) : — Les travaux de cette commission qui s’est réunie quatre fois et n’a pas fait les choses à moitié ont permis aux commissaires d’entendre différents acteurs judiciaires et policiers vaudois. Il apparaît que la plupart des modifications proposées ont été évoquées lors des assises de la chaîne pénale organisées il y a trois ans et réunissant l’ensemble des professionnels et experts concernés par cette loi. Les mesures relatives au renvoi des criminels étrangers ne sont pas contestées et relèvent essentiellement d’une initiative populaire et de la législation fédérale. Les mesures administratives sont plus délicates à aborder, puisqu’elles touchent des personnes qui n’ont pas de dossier criminel, mais séjournent illégalement dans notre canton. D’une manière générale, nous avons été convaincus par le sérieux et la cohérence du projet qui nous est soumis par les conseillers d’Etat Béatrice Métraux et Philippe Leuba, en particulier le transfert de compétences entre la Justice de paix, comme actuellement, et le SPOP nous paraît adéquat. Ce système est en vigueur dans une très grande majorité des cantons suisses et permet une prise de décision efficace, le SPOP étant détenteur de tous les éléments à disposition. L’essentiel pour garantir l’impartialité des décisions est que la personne détenue dispose d’une défense effective et qu’un contrôle judiciaire — ou un recours — puisse être exercé. Or, à nos yeux, le projet qui nous est soumis aujourd’hui présente cette garantie. Par ailleurs, la prolongation possible de la détention administrative à 72 ou 96 heures selon les cas est acceptable, puisqu’elle permet un bon contrôle du dossier et l’assistance du détenu administratif par un avocat et, si nécessaire, par un traducteur. Et ce, d’autant plus qu’un examen sommaire du dossier sera réalisé après 24 heures de détention et devrait permettre de détecter rapidement d’éventuelles détentions abusives. Enfin, le SPOP a fait la preuve de son bon jugement des situations qui lui sont soumises, puisque ces derniers mois, selon le système actuel, sur 82 requêtes de détention administrative qu’il a déposée à la Justice de paix, 80 ont été acceptées. Il en va d’ailleurs de même dans la proportion pour les requêtes concernant les assignations à résidence. En conclusion, le projet de loi qui nous est soumis est cohérent et correspond aux besoins administratifs et judiciaires de notre canton, tout en restant humain. Aussi, au nom du groupe vert’libéral, je vous encourage à accepter l’entrée en matière concernant cet exposé des motifs et projet de loi, puis à soutenir le rapport de la majorité de la commission. M. Serge Melly (AdC) : — Représentant de l’avant-dernier groupe appelé à s’exprimer, il m’est difficile d’apporter de nouveaux éléments à la discussion. J’aimerais plutôt résumer la position de la majorité du groupe PDC-Vaud Libre. Le transfert de compétences d’une autorité judiciaire à une autorité administrative amène des risques pour les libertés personnelles. Le renforcement des pouvoirs de police, avec l’usage des mesures de contrainte et la suppression du contrôle judiciaire s’agissant de l’assignation à résidence sont des mesures que nous n’approuvons pas. Mais le pire ce sont les pouvoirs d’arrestation étendus au SPOP : les convocations au SPOP ne doivent pas être des occasions d’arrestation. Ces méthodes dignes de pays dictatoriaux sont insanes ; il faut les rejeter avec vigueur. C’est avec la même vigueur que nous vous recommandons de refuser l’entrée en matière. M. Jean-Michel Dolivo (LGa) : — Le groupe La Gauche (POP-solidaritéS) refusera à l’entrée en matière. Un certain nombre d’arguments importants ont été développés par mes préopinants, mais notre groupe tient à préciser à quel point nous sommes scandalisés que ce projet soit présenté par un gouvernement — dont nous avons parfois estimé qu’il menait une politique différente de la politique de la droite — qui reprend aujourd’hui une politique de répression et de stigmatisation à l’égard des étrangers qui n’ont comme seule difficulté administrative de ne pas avoir d’autorisation de séjour et de vouloir séjourner en Suisse pour des raisons qui leur sont propres, soit parce qu’ils fuient la misère, soit parce qu’ils fuient des situations de guerre, soit parce qu’ils cherchent un avenir meilleur. Il y a un aspect scandaleux à présenter un tel projet qui foule aux pieds des principes aussi importants que la liberté personnelle qui est pourtant une valeur cardinale d’une société démocratique. Cette liberté personnelle, cette liberté de mouvement sont notamment protégées par la Constitution fédérale. La détention administrative porte une atteinte grave à cette liberté personnelle. Contrairement à ce qui a été dit par certains représentants de la droite, c’est une atteinte grave, puisque cette détention administrative peut se prolonger jusqu’à dix-huit mois pour les adultes et à douze mois pour les

63 Séance du mardi 7 février 2017 mineurs dès quinze ans. Les personnes mises en détention administrativement, indépendamment de la commission d’infractions pénales, ont pour seul tort d’être sans autorisation de séjour en Suisse et leur liberté personnelle est restreinte très fortement. Cette restriction de la liberté personnelle ne peut pas être confiée à une autorité administrative. Le SPOP ne doit pas être juge et partie : lui confier cette décision de prononcer la détention administrative ou de prononcer des assignations à résidence revient à lui confier le pouvoir de juger lui-même de la validité de ses propres efforts, en vue d’un renvoi notamment. Le SPOP doit maintenir sa compétence de requérir la détention administrative, de requérir des assignations de résidence ou des interdictions de périmètre. L’autorité auprès de laquelle il doit requérir peut-être une autre autorité que la Justice de paix — le Tribunal des mesures de contrainte — mais ça ne doit pas être l’autorité qui requiert qui décide elle-même du bien-fondé de sa requête. Il y a là véritablement une atteinte à des principes fondamentaux et nous ne pouvons l’accepter. Comme l’ont fait un certain nombre de mes préopinants, je souligne aussi qu’il est choquant de voir que la détention provisoire, qui est ordonnée par le Tribunal des mesures de contrainte sur réquisition du Ministère public, l’est dans le cadre d’une procédure qui offre plus de garanties que celle qui est prévue pour des étrangers en situation irrégulière. C’est choquant, alors que ces personnes n’ont commis strictement aucun délit sur le territoire et ne représentent aucun danger pour l’ordre public ou la sécurité publique. Voilà les raisons pour lesquelles nous refuserons l’entrée en matière de ce projet de loi liberticide pour des personnes qui n’ont comme seul tort de n’avoir pas de papier valable ou qui se sont vu refuser une autorisation de séjour dans ce canton ou dans la Confédération suisse. Je vous remercie de refuser cette entrée en matière. M. Michel Renaud (SOC) : — Je ne veux pas trop allonger le débat d’entrée en matière, mais permettez à un député, qui n’en est pas à sa première séance ni à sa première modification de loi, de vous dire à quel point il a été interloqué en lisant ce projet de loi. J’ai le plus grand respect pour la démocratie suisse ; j’ai le plus grand respect pour la manière dont sont faites nos lois ; j’ai le plus grand respect pour la séparation des pouvoirs et — vous savez de quelle tendance politique je suis — j’ai aussi eu le plus grand respect pour ce Conseil d’Etat à majorité de gauche comme nous le disait justement Mme la représentante du PLR dans son intervention. Eh oui, j’ai été très choqué : je n’ai jamais vu un texte de loi fait de cette manière. Je n’ai jamais assisté au début de dérapages légaux. Enlevez le pouvoir judiciaire dans la décision et avoir un contrôle judiciaire derrière, ce n’est pas la même chose. Finalement, avec le fait de confier à l’administration la possibilité de prononcer des internements contre des personnes — parce qu’elles sont étrangères, mais qu’elles n’ont jamais commis de délit — on attend un peu la limite. Je pense que chacun doit respecter les manières de faire de notre vieille démocratie et que nous sommes en train de dériver quelque peu. Parce que je ne vais pas vous répéter ce qu’ont très bien dit mes préopinants sur la rédaction plus en détail des différents articles mis en cause, un peu indigné, je vous demande de ne pas entrer en matière et de renvoyer cette loi au Conseil d’Etat qui doit la revoir quelque peu. On dirait que nous ne sommes plus en Suisse… M. Jean Tschopp (SOC), rapporteur de minorité : — A l’issue de ce débat d’entrée en matière, j’aimerais revenir sur certains points. Nous n’avons pas de délais serrés s’agissant de la mise en œuvre de cette loi. Contrairement à ce que nous avons pu entendre, l’initiative sur le renvoi des criminels étrangers est déjà en vigueur et elle s’applique. Les autorités en place ont déjà les compétences nécessaires pour intervenir. Les procureurs et les juges peuvent prendre des décisions de renvoi — ce qui n’était pas le cas auparavant — et le font déjà. Il n’y a donc pas de précipitation sur cet aspect qui est la seule exigence que nous ayons à ce stade de mise en œuvre. Par ailleurs, la minorité — cela a été dit par M. Mahaim — n’est pas opposée à un transfert de la Justice de paix au Tribunal des mesures de contrainte. Ce dernier est habitué à rendre des décisions rapidement en matière pénale ; il siège 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. En revanche, selon nous, il faut un contrôle judiciaire. Ce contrôle judiciaire, le projet de loi prévoit de le reporter a posteriori s’agissant des détentions administratives. C’est un affaiblissement, puisque la décision du SPOP donnera une première orientation. S’agissant des assignations à résidence, il y a eu cette image qui a été donnée au niveau d’Aung San Suu Kyi . S’agissant des cas qui nous occupent, nous sommes très loin d’une résidence luxueuse dans laquelle les étrangers concernés devraient être assignés à résidence. Nous parlons de centres de l’Etablissement vaudois pour l’accueil d’immigrants (EVAM), de bunkers dans lesquelles les étrangers restent assignés. L’information est d’ailleurs totalement contradictoire,

64 Séance du mardi 7 février 2017 puisque ces étrangers sont incités à sortir pendant la journée et ne pourront pas réellement le faire s’ils sont assignés à résidence dans ces centres. C’est là que réside tout l’enjeu de cette loi : la situation des étrangers criminels serait préférable à celle d’étrangers n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation pénale, puisque les étrangers criminels ont un contrôle judiciaire avec le Tribunal des mesures de contrainte. Madame Claire Richard, un recours n’équivaut pas à un contrôle judiciaire ; ce n’est pas la même chose et ça n’offre pas la même garantie. S’agissant des modalités d’arrestation, nous parlons de requérants d’asile en procédure Dublin. Cet accord permet l’application d’une clause humanitaire qui donne une certaine marge de manœuvre. J’ai entendu Mme Luisier qui a parlé de plan de départ dûment notifié, mais ce n’est pas le sens de l’amendement qui a été déposé par une majorité de la commission. Il n’y a aucune réserve sous cet angle. Avec cet amendement, le SPOP pourrait — on ne souhaite pas qu’il le fasse et on connait la bienveillance de ce service jusqu’à ce jour — arrêter une personne étrangère en procédure Dublin qui ne se serait pas vue notifier un plan de vol. Nous légiférons pour des situations générales et abstraites, applicables à un nombre indéterminé de cas. La compréhension qui a pu être celle du Conseil d’Etat — et qui, à certains égards, l’est encore aujourd’hui — est une chose, mais c’en est une autre d’avoir des lois qui ne prévoient pas certaines garanties. C’est cela que nous dénonçons et c’est la raison pour laquelle nous vous invitons à refuser cette entrée en matière. M. Pierre-Yves Rapaz (UDC) : — J’ai un peu de peine avec les propos de M. Tschopp qui nous dit qu’il n’y a pas d’urgence. A ce que je crois savoir — et je pose directement la question au Conseil d’Etat — il semblerait que depuis le mois d’octobre, c’est à peu près un million que nous ne touchons plus en indemnité de la part de la Confédération, parce que nous n’appliquons pas certains renvois. Je pense que cette loi pourrait accélérer ces renvois et ainsi faire économiser des millions aux contribuables vaudois. Mme Fabienne Despot (UDC), rapportrice de majorité : — Vous l’avez entendu, l’un des grands soucis concerne le transfert au SPOP de compétences de décision en termes de détention administrative. Il faut dire que ce service a tous les éléments en main pour statuer. Le rapporteur de la minorité de la commission nous dit qu’il faut un contrôle judiciaire, ce contrôle judiciaire existe et il est prévu qu’il soit réalisé rapidement. On nous dit que le SPOP donne une première orientation qui fausserait ce contrôle judiciaire. L’orientation du SPOP a été, dans la très grande majorité des cas, la même décision que le juge de paix du district de Lausanne. Expliquez-moi en quoi nous défavorisons le processus et en quoi nous l’aggravons. Pour ma part, je ne vois pas d’aggravation, je vois une amélioration, une optimisation voulue et demandée par l’ensemble du système judiciaire vaudois. Cela veut dire que M. Tschopp estime qu’il sait mieux que l’ensemble du système judiciaire vaudois ce qui est bon pour ce dernier. Les résultats de l’application de ce projet de loi ne sortent pas d’un chapeau ; ils sortent d’une critique, d’une explication et d’une réflexion de l’ensemble du système et de l’ensemble des acteurs du système. J’ai entendu pas mal de mensonges de la part de la gauche. (Réactions dans la salle.) J’entends que l’on pratique des arrestations au SPOP sans avertissement. S’il vous plaît, arrêtez vos salades ! Les gens qui ne bénéficient pas d’un permis de séjour légal et qui se sont vu notifier une interdiction de séjour, qui ont passé par le processus, dont on a pris la situation en compte avant de statuer qu’ils n’avaient rien à faire en Suisse, même s’ils ont envie d’un avenir meilleur — tout le monde a envie d’un avenir meilleur — sont parfaitement au courant que leur demande a été refusée. Ils ne tombent pas des nues en apprenant qu’on vient les arrêter pour les renvoyer à l’extérieur du pays. Je n’accepte pas que l’on vienne dire qu’il y a des arrestations au SPOP sans avertissement. Le deuxième mensonge qui me choque est de dire que le traitement pour les détenus administratifs est pire que pour des détenus pénaux. Vous me direz que je n’ai jamais passé un séjour au Bois-Mermet ou à Frambois, mais je crois savoir que le séjour à Frambois est quand même nettement plus agréable et nettement plus allégé comme contrôle qu’un séjour au Bois-Mermet. C’est encore plus facile lorsque c’est une assignation à résidence. La comparaison est évidente. Pour terminer et pour reprendre les paroles de M. Dolivo, il y a un aspect scandaleux à fouler aux pieds le principe de l’application des lois. Des lois ont été décidées et des décisions en découlent. Ces

65 Séance du mardi 7 février 2017 décisions impliquent que telle personne peut rester en Suisse, mais que telle autre personne ne le peut pas. A partir du moment où la décision est prise, il s’agit de l’appliquer. Mme Béatrice Métraux, conseillère d’Etat : — Je serais assez brève pour répondre aux affirmations du rapporteur de la minorité de la commission et pour vous demander de soutenir le projet du Conseil d’Etat. Au fond, le système actuel ne règle absolument pas la question de l’exécution des expulsions pénales prononcées depuis le 1er octobre dernier. Si elles sont aujourd’hui exécutées par le SPOP, c’est à bien plaire et sans base légale. Cela est fait dans l’attente d’une modification de la loi que nous vous proposons. Ce système est bancal et nécessite une concrétisation légale pour être solide. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons cette concrétisation. Aujourd’hui, comme l’expriment les articles 7 et 8 de la Loi sur l’exécution des condamnations pénales, il appartient au Service pénitentiaire (SPEN) est en particulier à l’Office d’exécution des peines d’exécuter les jugements pénaux. Le SPOP n’a aucune compétence dans ce domaine et depuis l’entrée en vigueur, le 1er octobre dernier, des articles 66a et suivants du Code pénal, les autorités judiciaires vaudoises prononcent déjà, de par le droit fédéral, des expulsions pénales. Dès lors, en l’absence de dispositions légales instituant le SPOP comme autorité d’exécution de ces dernières, par défaut ce serait malheureusement le SPEN qui devrait s’en charger. Cela devient vraiment une procédure compliquée et le Conseil d’Etat a cherché, en toute simplicité, à trouver une solution adéquate, une solution qui permet aux personnes concernées à la fois d’être entendues et d’avoir la garantie du contrôle judiciaire. Je vous invite donc à soutenir le projet du Conseil d’Etat. M. Philippe Leuba, conseiller d’Etat : — J’aimerais d’abord rappeler qu’en février 2016, il y a grosso modo une année, le peuple et les cantons rejetaient l’initiative dite de mise en œuvre de l’initiative pour l’expulsion des criminels étrangers. En mars 2016, le Conseil fédéral a décidé l’entrée en matière de la première initiative sur le renvoi des délinquants étrangers et a fixé cette entrée en matière au 1er octobre 2016. Le Conseil d’Etat a adopté le projet qui vous est soumis en septembre 2016. Il a donc fait extrêmement vite compte tenu du calendrier fédéral. Il n’y a pas eu de retard au niveau de l’administration fédérale. Sur le fond, comme vient de le dire Mme la conseillère d’Etat, nous avons besoin d’une base légale si nous voulons mettre en place la base de l’expulsion qui résulte de l’adoption par le peuple et les cantons de l’initiative pour le renvoi des criminels étrangers. Je ne comprends pas que l’on puisse dire que l’on ne remet pas en cause la votation populaire, que l’on ne remet pas en cause l’expression de la volonté du souverain, mais que l’on refuse d’entrer en matière sur ce projet de loi qui est indispensable si l’on ne veut pas que ce soit le SPEN qui fasse le travail. Vous le savez, le SPEN n’a actuellement pas les ressources et les compétences en matière d’expulsion des délinquants étrangers. Qu’arrivera-t- il si un étranger criminel en situation irrégulière qui devrait en raison de l’initiative votée majoritairement par nos concitoyens être expulsé, s’il ne l’est pas et qu’il repasse à l’acte faute d’une législation d’application cantonale ? C’est aussi à cette question qu’il faut répondre lorsque vous vous déterminerez sur l’entrée en matière de ce projet de loi. Le projet qui vous est soumis par le Conseil d’Etat a été appelé de ses vœux par les assises de la chaîne pénale, réclamé par le Grand Conseil et soutenu par le Tribunal cantonal. Lorsque l’on dit qu’on viole les droits fondamentaux, les premières instances qui devraient s’opposer à cette violation sont bien les instances judiciaires et le Tribunal cantonal. Ce dernier a été entendu par la commission, tant son président que le président du Tribunal des mesures de contrainte. Ces deux personnes soutiennent le projet tel qu’il émane du Conseil d’Etat. Ne disons pas que nous ne sommes plus tout à fait en Suisse, ne disons pas que des droits fondamentaux sont ainsi violés. L’organisation des compétences telle que le Conseil d’Etat la prévoit dans son projet est celle qui existe dans la quasi-totalité des cantons suisses. Ne venez pas me dire que dans la quasi-totalité des cantons suisses on viole de manière crasse les droits fondamentaux de nos concitoyens. Monsieur Tschopp, vous avez repris une allusion à la Birmanie pour parler des assignations à résidence. Les assignations à résidence telles qu’elles sont appliquées dans le canton de Vaud ne portent que sur la durée séparant 20 heures de 6 heures du matin. Il n’y a pas d’assignation à résidence pendant la journée. Vous avez donc pris un exemple qui est parfaitement inexact. En Birmanie, je crois malheureusement que la politicienne à laquelle vous avait fait allusion était assignée à résidence, non seulement la nuit, mais également le jour. Ce qui n’existe pas dans notre canton. Vous ne pouvez

66 Séance du mardi 7 février 2017 donc tout simplement pas faire cette comparaison. Vous me pardonnerez, mais comparer le régime birman de l’époque et l’Etat de droit qui règne en Suisse, c’est faire preuve de beaucoup d’audace. En ce qui concerne les délais et le contrôle a priori, je l’ai dit le contrôle a posteriori par la justice est soutenu formellement par le Tribunal cantonal. Il résulte même de la loi fédérale qui prévoit que la mise en détention administrative doit relever d’une autorité et que cette décision doit, dans un délai de 96 heures, être contrôlée par une instance judiciaire. C’est bien précisé : c’est le contrôle a posteriori qui doit relever d’une instance judiciaire et pas la décision initiale. Ce n’est pas moi qui l’invente, ce n’est pas le Conseil d’Etat qui l’invente — qu’il soit de gauche ou de droite, monsieur Dolivo — c’est la loi fédérale qui le stipule précisément. J’aimerais rappeler un dernier élément : on dit que l’on invente une disposition qui serait contraire à Montesquieu, à la séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, lorsque la police arrête une personne accusée d’avoir commis un délit, elle la place en zone carcérale. Ce placement est décidé par qui ? Par la police, autorité administrative. Aujourd’hui, lorsque des gens sont placés en zone carcérale par la police, il n’y a pas de contrôle a priori d’une instance judiciaire. Ce contrôle vient a posteriori, exactement comme nous prévoyons de le faire, exactement comme l’immense majorité des cantons suisses le prévoit. Ce n’est pas en peignant le diable sur la muraille ou en le taxant de manière aussi excessive des griefs que vous avez formulés que vous dénaturerez le caractère équilibré de ce projet. Même M. Maillefer, au nom du groupe socialiste, dit qu’il ne s’opposera pas aux mesures de mise en application de l’initiative votée par le peuple. La logique de cette position est de voter l’entrée en matière et de proposer ensuite des amendements sur les dispositions que vous refusez. Vous refusez le principe même d’une loi d’application, parce qu’au fond ce sont les renvois que vous refusez de manière générale. Au nom du Conseil d’Etat, je vous appelle à entrer en matière. Nous devons avoir une loi d’application. Celle que nous vous proposons est équilibrée ; elle respecte le droit fédéral et elle s’inscrit dans une politique qui est elle-même équilibrée. (Applaudissements.) La discussion est close. L’entrée en matière est admise par 73 voix contre 58 et 2 abstentions. Le débat est interrompu.

______La séance est levée à 17 h 10.

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JANVIER 2017 GC 179

EXPOSE DES MOTIFS ET PROJET DE LOI modifiant la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil (LGC) et RAPPORT de la Commission thématique de la modernisation du Parlement chargée de la mise en œuvre la motion Véronique Hurni et consorts au nom de la Commission thématique des pétitions – Pour que les pétitions ne demeurent plus anonymes (15_MOT_078) * * * * * 1. CONSIDERATIONS GENERALES 1.1 Motion Véronique Hurni et consorts La « Motion Véronique Hurni et consorts au nom de la Commission thématique des pétitions – Pour que les pétitions ne demeurent plus anonymes » a été déposée le 8 décembre 2015. Elle demande que l’art. 106, alinéa 2 de la LGC soit modifié afin qu’après examen par le Bureau, les pétitions dont « le ou les auteurs ne peuvent pas être identifiés » ne soient pas renvoyées à la commission chargée des pétitions. Leur classement sans suite serait annoncé au Grand Conseil par le président. La Commission thématique des pétitions (CTPET) a déposé cette motion parce qu’elle a été confrontée à un cas où le pétitionnaire était d’une certaine manière anonyme, en tous les cas introuvable avec les coordonnées transmises avec sa pétition manuscrite. 1.2 Examen de la motion Véronique Hurni par la Comopar Le Bureau a confié l’examen de cette motion à la Commission thématique de la modernisation du Parlement (Comopar). Bien que ce soit suite à un cas isolé que la CTPET a déposé cette intervention, la Comopar a estimé que cette motion traite d’un aspect auquel le législateur n’avait probablement pas pensé. Non seulement pouvoir identifier le pétitionnaire n’est pas contraire à l’article 31 Cst qui fonde le droit de pétition, mais encore cela est fort utile pour pouvoir l’entendre et pour le tenir informé du suivi de sa pétition, notamment de la date du débat au Grand Conseil. Toutefois, la Comopar a constaté que la formulation proposée par la motion devra être affinée en cas de prise en considération, celle proposée ne semblant pas judicieuse, avis que partage la motionnaire. Finalement, c’est à l’unanimité que la Comopar recommandait au Grand Conseil de prendre en considération cette motion, et de la renvoyer à l’examen d’une commission du Grand Conseil. 1.3 Prise en considération de la motion par le Grand Conseil Dans sa séance du 1er mars 2016, à l’unanimité le Grand Conseil suivait la recommandation de la Comopar : il prenait dès lors en considération la motion et la renvoyait à une commission pour l'élaboration de l'EMPL en découlant. Le Bureau a par la suite chargé la Comopar de la mise en œuvre de cette motion, laquelle, en vertu de l’article 126a LGC, est investie de la mission de rédiger un exposé des motifs et projet de loi qui mette en œuvre la Motion Véronique Hurni.

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1.4 Modifications légales proposées Art. 106 Annonce et examen préalable Dans le rapport de prise en considération de la motion, la Comopar précisait : « la formulation devra être affinée en cas de prise en considération de la motion, celle proposée ne semblant pas judicieuse, avis que partage la motionnaire ». En l’état, l’article 106 LGC stipule que : – tout dépôt d'une pétition est annoncé lors de la prochaine séance du Grand Conseil, laquelle pétition est tenue à la disposition des députés au Secrétariat général (al. 1) ; – après examen par le Bureau, les pétitions conçues en termes inconvenants ou injurieux ne sont pas renvoyées à la commission chargée des pétitions et leur classement sans suite est annoncé au Grand Conseil par le président (al. 2). Suite à la prise en considération de la motion, il s’agit de modifier la loi afin que les pétitions dont le ou les auteurs ne peuvent pas être identifiés ne soient pas renvoyées à la commission chargée des pétitions. Le droit de pétition est inscrit dans la Constitution du canton de Vaud. L’article 31 Cst stipule que « 1 Toute personne a le droit, sans encourir de préjudice, d'adresser une pétition aux autorités et de récolter des signatures à cet effet. 2 Les autorités examinent les pétitions qui leur sont adressées. Les autorités législatives et exécutives sont tenues d'y répondre . » A la discussion, il apparaît que le problème de l’identification des auteurs d’une pétition est très rare et concerne essentiellement des situations où un administré fait usage à titre personnel du droit de pétition. En effet, les pétitions munies de nombreuses signatures ont en général un ou plusieurs représentants facilement identifiables. Il apparaît de plus que la plupart des pétitions munies d’une seule signature qui sont adressées au Grand Conseil portent sur une situation ou un dossier personnel. Si son auteur n’est pas identifiable, la commission des pétitions se voit dans l’impossibilité d’auditionner son auteur, ce qui entraverait notablement l’examen de ladite pétition. Une pétition signée par une seule personne peut également aborder une question d’intérêt général ou alarmer le Grand Conseil sur une situation ; dans de tels cas, il pourrait être dommageable qu’elle soit automatiquement classée si son auteur n’est pas identifiable. Aussi, la Comopar a-t-elle dans un premier temps estimé que l’utilisation de la formule potestative ou de l’expression « en règle générale » laisserait dans ces situations rares la latitude nécessaire au Bureau du Grand Conseil de renvoyer une pétition dont l’auteur n’est pas identifiable à la commission des pétitions. Suite à la consultation du Conseil d’Etat et de la commission des pétitions, la Comopar a finalement estimé que si tel était le cas, un député aurait tout loisir de la reprendre à son compte : en effet, le dépôt d’une pétition est annoncé lors de la prochaine séance du Grand Conseil, laquelle pétition est tenue à la disposition des députés au Secrétariat général. C’est dans ce sens que la Comopar propose de modifier l’alinéa 2 de cet article. Adéquation au droit supérieur La Comopar a demandé au Service juridique et législatif (SJL) un avis sur la proposition de la motion et quant à la formulation la plus adéquate, en lui soumettant le projet mis en consultation auprès du Conseil d’Etat et de la commission des pétitions. Dans son avis du 6 mai 2016, le SJL constate que :

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« Si la question peut être controversée, la majorité de la doctrine soutient qu’une pétition déposée anonymement peut être déclarée irrecevable (Corsin BISAZ, Elektronische Petitionen, Anonymität und Beantwortungspflicht in AJP 2015, p. 293, sp. 297 et références citées). Il apparaît effectivement que pour que le droit de pétition ait un sens, le pétitionnaire doit avoir la possibilité d’être entendu par l’autorité. L’exercice d’un droit individuel implique également que la personne, physique ou morale, existe, ait la capacité de discernement et soit reconnaissable. Le fait de ne pas examiner une pétition dont l’auteur n’est pas identifiable, comme le propose la motionnaire, qui se réfère à la situation où le nom et l’adresse indiqués par le pétitionnaire étaient inconnus malgré les recherches effectuées, ne peut dès lors être considéré comme une violation du droit de pétition garanti par la Constitution fédérale ou cantonale. » Dans le même avis, le SJL rend attentif qu’il n’est pas judicieux de limiter la possibilité de classer les pétitions dont l’auteur ne peut être identifié aux pétitions individuelles, car « cette distinction risque […] de créer des inégalités de traitement inadmissibles ». Concernant les termes à utiliser, le SJL précise que : « littéralement, les termes de "pétitionnaire" et d’ "auteur d’une pétition" recouvrent à notre avis exactement la même notion, et désignent la personne qui marque le désir d’être associé au dépôt d’une pétition, quelle qu’en soit la forme. La désignation "signataire" suppose pour sa part que la pétition doit être signée et tend donc à fixer des conditions formelles à l’exercice du droit de pétition. La notion de "représentant" des péti- tionnaire/signataires vise apparemment le cas d’une pétition collective dans laquelle il serait prévu que ses auteurs confient à l’un d’entre eux, ou à un tiers, la charge de les représenter vis-à-vis de l’autorité saisie. » Formulation retenue Vu l’avis du SJL et le retour de la consultation, la Comopar propose la formulation suivante à l’art. 106, al. 2 LGC : « Après examen par le Bureau, les pétitions conçues en termes inconvenants ou injurieux ne sont pas renvoyées à la commission chargée des pétitions ; il en va de même des pétitions dont aucun auteur ne peut être identifié. Leur classement sans suite est annoncé au Grand Conseil par le président ».

2. PROPOSITION DE LA COMOPAR Vu les considérations ci-dessus, la Comopar propose au Grand Conseil l’adoption d’un projet de loi mettant en œuvre la motion Véronique Hurni.

2.1 Commentaire sur le projet de loi modifiant la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil (LGC) Art. 106 Annonce et examen préalable Alinéa 2 Vu les considérations ci-avant, la Comopar propose la rédaction suivante : 2 Après examen par le Bureau, les pétitions conçues en termes inconvenants ou injurieux ne sont pas renvoyées à la commission chargée des pétitions ; il en va de même des pétitions dont aucun auteur ne peut être identifié. Leur classement sans suite est annoncé au Grand Conseil par le président.

3. CONSULTATION Le projet mis en consultation auprès du Conseil d’Etat et de la commission des pétitions proposait de préciser dans la loi qu’ « en règle générale » les pétitions dont aucun auteur ne peut être identifié ne sont pas renvoyées à la commission des pétitions. Le Conseil d’Etat saluait la proposition de laisser une

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marge d’appréciation au Bureau du Grand Conseil, alors que la commission des pétitions estimait au contraire que, vu que les dépôts de pétitions sont communiqués, un député aurait en tout temps la possibilité de reprendre à son compte une pétition dont l’auteur ne peut être identifié. Au final, par six voix pour la suppression de l’expression « en règle générale », quatre voix pour le maintien et deux abstentions, la Comopar s’est ralliée à la position de la commission du Grand Conseil et a dès lors modifié son exposé des motifs et projet de loi en conséquence. 3.1 Conseil d’Etat En vertu de l’art. 126a LGC, la commission en charge de présenter un rapport et un projet de loi ou de décret est tenue de consulter d’office le Conseil d’Etat. Celui-ci remet son avis dans un délai de deux mois au moins. L’avis du Conseil d’Etat est transmis au Grand Conseil et figure de ce fait en annexe. 3.2 Commission des pétitions La Comopar a consulté la commission des pétitions sur son projet de loi, avec le même délai de réponse que celui demandé au Conseil d’Etat. La réponse de la commission des pétitions à cette consultation figure également en annexe. La Comopar a suivi la position de la commission des pétitions et revu son projet en conséquence, notamment quant à la possibilité pour le Bureau de pouvoir, dans certains cas, transmettre à la commission du Grand Conseil une pétition dont l’auteur n’est pas identifiable.

4. RAPPORT DE LA COMOPAR SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA MOTION 4.1 Motion Véronique Hurni et consorts au nom de la Commission thématique des pétitions – Pour que les pétitions ne demeurent plus anonymes (15_MOT_078) Le Grand Conseil examine les pétitions qui lui sont adressées ; il est tenu d’y répondre (article 31 de la Constitution vaudoise). Après un examen par le Bureau, les pétitions conçues en termes inconvenants ou injurieux ne sont pas renvoyées à la commission chargée des pétitions. Leur classement sans suite est annoncé au Grand Conseil par le président (article 106, alinéa 2 de la Loi sur le Grand Conseil (LGC)). Une pétition, recevable selon les critères mentionnés ci-dessus, et munie d’une seule signature, a été déposée au Grand Conseil par courrier et annoncée le 17.02.2015. Elle a été retenue et transmise le jour même à la commission chargée des pétitions. Dans le cadre du traitement d’une pétition, la commission détermine l'objet de la pétition et arrête ses conclusions (107 alinéa 1 LGC): – en recueillant tous les renseignements utiles, notamment en sollicitant l'avis de l'autorité concernée ; – en entendant en règle générale le ou les pétitionnaires ou leurs représentants. Dans le cadre du traitement de cette pétition, il n’a pas été possible d’entendre le pétitionnaire, qui n’a pas laissé d’adresse, de téléphone, ni de courriel valables. Après recherches auprès de la commune mentionnée dans l’adresse de contact ainsi qu’auprès du Service de la population (SPOP), il n’a pas été possible de contacter et à fortiori de convoquer le pétitionnaire. Les motionnaires souhaitent éviter qu’à l’avenir, de telles pétitions, considérées comme anonymes, puissent continuer à être déposée auprès du Grand Conseil et traitées par la commission des pétitions. Ils demandent que l’art 106 alinéa 2 de la LGC soit modifié dans ce sens, à savoir :

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– Après examen par le Bureau, les pétitions conçues en termes inconvenants ou injurieux, ou dont le ou les auteurs ne peuvent pas être identifiés , ne sont pas renvoyées à la commission chargée des pétitions. Leur classement sans suite est annoncé au Grand Conseil par le président. Renvoi à une commission sans 20 signatures. (Signé) Véronique Hurni et 31 cosignataires 4.2 Rapport de la Comopar La Comopar estime que le projet de loi modifiant la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil qu’elle soumet pour approbation au Grand Conseil répond à la prise en considération de la motion Véronique Hurni par le Grand Conseil.

5. CONSEQUENCES DU PROJET DE LOI 5.1 Légales et réglementaires La présente révision partielle de la Loi sur le Grand Conseil (LGC) évitera que la Commission des pétitions du Grand Conseil doive automatiquement examiner une pétition dont le ou les auteurs ne peuvent être identifiés, tout en sauvegardant les cas où une telle pétition porte sur un objet qui mérite tout de même d’être examiné. 5.2 Autres Néant.

6. CONCLUSIONS Vu ce qui précède, la Commission thématique de la modernisation du Parlement a l'honneur de proposer au Grand Conseil : – d’adopter le projet de loi ci-après modifiant la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil (LGC) ; – d’accepter le rapport de la Commission thématique de la modernisation du Parlement sur la Motion Véronique Hurni et consorts au nom de la Commission thématique des pétitions – Pour que les pétitions ne demeurent plus anonymes (15_MOT_078) Bussigny, le 16 janvier 2017 La présidente : (Signé) Claudine Wyssa

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Texte actuel Projet PROJET DE LOI

modifiant la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil (LGC) du 16 janvier 2017 LE GRAND CONSEIL DU CANTON DE VAUD vu le projet de loi présenté par la Commission thématique de la modernisation du Parlement décrète Article premier

1 La loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil est modifiée comme il suit : Art. 106 Annonce et examen préalable Art. 106 Annonce et examen préalable

1 Tout dépôt d'une pétition est annoncé lors de la prochaine séance du Grand Conseil. 1 Sans changement. Dès cette annonce, les pétitions sont tenues à la disposition des députés au Secrétariat général du Grand Conseil.

2 Après examen par le Bureau, les pétitions conçues en termes inconvenants ou 2 Après examen par le Bureau, les pétitions conçues en termes inconvenants ou injurieux ne sont pas renvoyées à la commission chargée des pétitions. Leur injurieux ne sont pas renvoyées à la commission chargée des pétitions ; il en va de classement sans suite est annoncé au Grand Conseil par le président. même des pétitions dont aucun auteur ne peut être identifié. Leur classement sans suite est annoncé au Grand Conseil par le président. Article 2

er 1 La présente loi entre en vigueur le 1 juillet 2017.

2 Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution de la présente loi. Il en publiera le texte conformément à l'article 84, alinéa 1, lettre a) de la Constitution cantonale et la mettra en vigueur, par voie d'arrêté, conformément à l’alinéa 1. Ainsi adopté, en séance de la Commission thématique de modernisation du par lement, à Lausanne, le 16 janvier 2017 La présidente de la Commission thématique de modernisation du parlement : C. Wyssa Le secrétaire général du Grand Conseil : I. Santucci

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7. ANNEXES

7.1 Réponse du Conseil d’Etat à la consultation

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7.2 Réponse de la Commission des pétitions à la consultation

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Texte actuel Projet PROJET DE LOI modifiant la loi du 12 décembre 1979 d’organisation judiciaire (LOJV) du 30 janvier 2017 LE GRAND CONSEIL DU CANTON DE VAUD vu le projet de loi présenté par la Commission thématique des affaires judiciaires décrète

Article premier

1 La loi du 12 décembre 1979 d’organisation judiciaire est modifiée comme il suit :

Art. 86 Organisation Art. 86 Organisation

1 Le Tribunal neutre est constitué par le Grand Conseil, qui nomme au début de 1 Le Grand Conseil élit les cinq membres du Tribunal neutre et l es deux suppléants chaque législature pour la durée de celle-ci cinq membres et deux suppléants. La pour une durée de cinq ans à compter du 1 er janvier de l’année qui suit le procédure d’élection des juges cantonaux et de leurs suppléants est applicable. renouvellement du Grand Conseil. Ils sont rééligibles. La procédure d’élection des juges cantonaux et de leurs suppléants est applicable. 2 Sans changement. 2 Sans changement. 3 Sans changement. 3 Sans changement. 4 Sans changement. 4 Sans changement. 5 Sans changement. 5 Sans changement. 6 Sans changement. 6 Sans changement.

TITRE VI Disposition transitoire

Article 2

1 Les membres du Tribunal neutre et leurs suppléants élus pour la période du 1 er juillet

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Texte actuel Projet 2012 au 30 juin 2017 demeurent en fonction jusqu’au 31 décembre 2017.

Article 3

1 La présente loi entre en vigueur le 1er juillet 2017. 2 Le Conseil d'État est chargé de l'exécution de la présente loi. Il en publiera le texte conformément à l'article 84, alinéa 1, lettre a) de la Constitution cantonale et la mettra en vigueur, par voie d'arrêté, conformément à l’alinéa 1. Ainsi adopté, en séance de la Commission thématique des affaires judiciaires, à Lausanne, le 30 janvier 2017.

N. Mattenberger : Le président de la Commission thématique des affaires judiciaires I. Santucci : Le secrétaire général du Grand Conseil

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ANNEXE 1 : LETTRE DU 18 JANVIER 2017 DU CONSEIL D’ETAT SUITE À SA CONSULTATION PAR LA CTAFJ

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g JANVIER 2017 RC-321 (maj.)

RAPPORT DE MAJORITE DE LA COMMISSION chargée d’examiner l’objet suivant : Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 18 décembre 2007 d'application dans le Canton de Vaud de la législation fédérale sur les étrangers (LVLEtr)

1. PRÉAMBULE La commission nommée pour examiner l’objet cité en titre s’est réunie à quatre reprises, le 31 octobre 2016, les 15 et 29 novembre 2016, le 12 décembre 2016. Elle était composée de Mme Fabienne Despot, confirmée dans son rôle de présidente et rapportrice, de Mmes Anne Baehler Bech, Christelle Luisier Brodard, Claire Richard, Annick Vuarnoz (31.10 et 15.11), Myriam Romano Malagrifa (29.11 et 12.12 en remplacement d’A. Vuarnoz) de MM. Jean-Luc Bezençon (31.10, 15 et 29.11), Alexandre Démétriadès (31.10, 15 et 29.11), Jean-Michel Dolivo, Raphaël Mahaim, Denis-Olivier Maillefer, Axel Marion, Yvan Pahud, Jacques Perrin (12.12 en remplacement de Jean-Luc Bezençon) Michel Rau, Nicolas Rochat Fernandez (12.12 en remplacement d’Alexandre Démétriadès), Jean Tschopp, Pierre-Alain Urfer. Mme la Conseillère d’Etat Béatrice Métraux, Cheffe du Département des institutions et de la sécurité (DIS), (séances du 31.10 et des 15 et 29.11), ainsi que de M. le Conseiller d’Etat Philippe Leuba, Chef du Département de l’économie et du sport (DECS) étaient également présents. Ils étaient accompagnés de M. Jacques Antenen, commandant de la Police cantonale (séance des 15 et 29.11), de M. Patrick Suhner, remplaçant du commandant de la Police cantonale (séance du 31.10), de Mme Christèle Borloz, cheffe du service juridique EM de la Police cantonale, de M. Steve Maucci, chef du Service de la population (SPOP) et de M. Jean-Vincent Rieder, chef de la division asile et retour au SPOP. Les notes de séance ont été tenues par M. Yvan Cornu, secrétaire de commission. M. Fabrice Lambelet a assuré le suivi des amendements en séance. Ils en sont vivement remerciés.

2. TRAVAUX DE LA COMMISSION Avant toute chose, la commission s’est retrouvée dans la situation délicate de traiter un EMPL sous embargo jusqu’au 3 novembre 2016, dans une version non définitive devant être encore relue par les services de l’Etat. Un tableau établi par le SPOP a ensuite été adressé pour indiquer les modifications retenues. Une version définitive de l’EMPL a finalement été disponible à partir de la deuxième séance. La commission a également été nantie des divers documents suivants : • Liste des écoles reconnues par le SPOP. • Directive commune DGES-SPOP du 14.02.14 fixant les critères de reconnaissance des Hautes écoles financées par les des sources privées. • Statistique des durées de détentions administratives et de l’exécution des renvois. • Organigramme des décisions d’expulsion en procédure pénale et de renvoi en procédure administrative.

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La commission a procédé aux auditions suivantes : • M. Jean-François Meylan, président du Tribunal Cantonal (TC) ; • M. Vincent Corpataux, premier président du Tribunal des mesures de contrainte (TMC) ; • M. Bernard Dénéréaz, procureur cellule STRADA du Ministère public (MP) ; • Me Irène Schmidlin et Me Hüsnü Yilmaz, représentant l’association des Juristes progressistes vaudois (JPV) ; • Me Antonella Cereghetti, bâtonnière et Me Aline Bonnard, représentant l’ordre des avocats vaudois (OAV) . a) Les représentants du TC et du TMC relèvent l’urgence certaine que revêt le projet : les tribunaux commencent déjà à recevoir des actes d’accusation comportant des réquisitions d’expulsion pénale. S’agissant des mesures de contrainte administratives, ils apprécient ainsi les innovations principales : 1) Le transfert de la décision du magistrat au SPOP, avec un contrôle judiciaire maintenu : conforme au droit fédéral qui prévoit de passer d’une requête à une décision de la part du service compétent, contrôlée par le juge. 2) Un contrôle judiciaire qui passe du juge de paix au TMC : le TMC, qui existe depuis 2011, offre un certain nombre d’avantages par rapport au juge de paix, notamment du fait qu’il fonctionne 24h/24h et 365j/365j. Le TMC agit d’ailleurs déjà comme juge supplétif du juge de paix de Lausanne durant les week-ends. Le TMC possède aussi une infrastructure mieux adaptée qui permet l’accueil de détenus accompagnés de policiers. 3) L’introduction d’un délai de 96 heures au lieu de celui de 24 heures, avec une cautèle à l’article 16, alinéa 2, qui prévoit que le TMC procède à un examen sommaire dans un délai de 24 heures. Le délai de 96 heures, prévu par le droit fédéral, donnera un peu plus de temps aux autorités administratives et à la police, ainsi qu’aux magistrats saisis pour contrôler le dossier, et permettra au détenu administratif d’être assisté d’un avocat, ce qui n’est pas possible dans un délai de 24 heures. Selon le président du TC, ces points correspondent à un alignement du droit cantonal sur le droit fédéral. S’agissant de l’ordre judiciaire, on peut dire que ce projet était attendu car il reprend des propositions discutées il y a plus de trois ans lors des assises de la chaîne pénale. Le délai de 24 heures pour un contrôle sommaire serait la dernière « vaudoiserie » qui subsisterait dans ce projet de loi. Les autorités judiciaires peuvent toutefois s’accommoder de ce compromis politique. Il est prévu que le TMC examine immédiatement les dossiers, comme s’il s’agissait d’une requête d’effet suspensif. On peut cependant s’interroger sur l’utilité de la procédure : en matière de mesures de contraintes administratives prises par le SPOP pendant la période du 1.1.2016 au 15.9.2016, seule une requête a été refusée sur 81 décisions de mise en détention administrative prises par le SPOP. Sur un total de 66 recours concernant l’interdiction de résidence, l’assignation à résidence et la détention administrative, seuls deux recours ont été admis, dans le domaine de l’assignation à résidence. Le président du TC en conclut que les requêtes du SPOP sont bien fondées dans une très large majorité des cas. Le TMC traite environ 2'500 dossiers par année ; il estime pouvoir assimiler 175 affaires supplémentaires. Les ressources actuellement en place, y compris au greffe, sont considérées comme suffisantes pour absorber les affaires supplémentaires. De toute manière, un examen de tous les dossiers est déjà pratiqué à réception du dossier. Le premier président du TMC estime plus logique de traiter ces causes de détentions administratives au TMC, sachant que le juge de paix est plutôt confronté à des affaires familiales. Il rappelle la disponibilité accrue du TMC par rapport au juge de paix. Sur le souci relevé par un commissaire que l’autorité compétente pour la décision de mise en détention administrative soit en même temps l’autorité qui la met en œuvre immédiatement, le président du TC indique qu’à sa connaissance, tous les cantons ont donné la compétence de prendre la décision et de procéder à l’arrestation, à leur service administratif (service de la population) ou, pour Genève, à la police cantonale. Ce système existe donc depuis longtemps dans d’autres cantons et ceci sans difficulté. Il est d’ailleurs indiqué et prévu dans le droit fédéral que le canton désigne l’autorité

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cantonale compétente et prévoit un contrôle de la légalité par un magistrat. Il n’est pas prévu que la décision elle-même doit être prise par un magistrat. Concernant le délai d’entrée en vigueur de la LVLEtr, l’aspect de l’expulsion pénale est effectivement entré en vigueur au 1er octobre 2016, par contre la partie relative aux mesures de contrainte administratives est indépendante de ce délai. Le juge du fond prononcera ou pas une expulsion pénale, avec copie du jugement à l’office d’exécution des peines et au service de la population. La compétence de ce dernier, chargé de l’exécution de l’expulsion, n’est pas encore ancrée dans la loi. b) Le représentant du MP rappelle que le texte légal entré en vigueur au 1er octobre 2016 prévoit une expulsion judiciaire des délinquants de deux types : • La première catégorie est définie à l’article 66a CP qui prévoit un catalogue d’infractions en vertu desquelles les délinquants qui ont commis ces actes doivent être expulsés. Ce catalogue est assorti d’une clause de rigueur qui permet au juge de ne pas prononcer cette expulsion, sur divers critères. • Le second type est l’expulsion non obligatoire ou facultative qui permet au juge d’expulser un délinquant qui a commis n’importe quel crime ou délit qui existe en droit suisse. Il s’agit potentiellement d’un nombre d’infractions extrêmement important. La décision de prononcer cette décision est laissée à l’appréciation du magistrat. Un député relève que la loi fédérale introduit une marge de manœuvre pour le MP ou pour le tribunal par rapport à l’article 121 de la Constitution fédérale tel que voté par le peuple suisse. Il peut s’agir de se prémunir de l’expulsion de cas particulièrement délicats et rares, sans que la volonté du peuple puisse être considérée comme trahie. Cependant, le procureur général du canton de Genève semble vouloir étendre la tolérance à l’ensemble des résidents et ne considérer la décision d’expulsion que pour les étrangers de passage sans permis. Le député demande s’il faut s’inquiéter d’une application aussi éloignée du texte constitutionnel également en terre vaudoise. Concernant la pratique des Ministères publics en matière d’expulsion des personnes étrangères condamnées, le procureur renvoie aux recommandations et lignes directrices publiées par la Conférence des procureurs de Suisse. Il reconnaît des sensibilités différentes entre les cantons mais la future pratique dans le canton de Genève ne l’intéresse qu’à titre informatif. Un député rappelle les quatre procédures possibles dont dispose le procureur pour traiter un cas : le classement sans entrée en matière, le classement après analyse du dossier, le traitement par ordonnance pénale et le renvoi en accusation devant un tribunal. Selon le député, l’ordonnance pénale n’est plus une voie compatible avec l’article 66 CP. Il demande si le Ministère public compte changer ses pratiques et procéder par voie d’accusation dès qu’un renvoi est potentiellement envisageable. On peut craindre que pour les cas traités par ordonnance pénale, les personnes n’oseront plus contester cette ordonnance au risque de se voir imposer de surcroît une expulsion. Le procureur considère qu’il n’y a plus de choix : si une expulsion est envisagée et qu’elle est requise, le Ministère public passera par l’acte d’accusation. Selon le CP et le message du Conseil fédéral, la voie de l’ordonnance pénale n’est plus possible dans un tel cas, dès qu’une expulsion est demandée, cela nécessite une mise en accusation devant le Tribunal d’arrondissement qui va décider en toute indépendance. Un député rappelle que près de 80% des cas sont traités par une ordonnance pénale décidée par le MP. Faut-il redouter que des personnes condamnées ne fassent pas recours contre l’ordonnance pénale de crainte que l’acte d’accusation entraîne une décision d’expulsion ? Le procureur confirme que si une personne fait opposition à une ordonnance pénale, son dossier est transmis au tribunal, et l’ordonnance pénale du procureur vaut alors acte d’accusation. Si une instruction supplémentaire doit être menée, le procureur peut décider soit de recondamner la personne, soit de la mettre en accusation. Par contre, le fait de faire opposition n’implique pas nécessairement un risque pour la personne d’être exposée à une expulsion. c) Les représentants des JPV tiennent à rappeler en préambule l’importance qu’ils portent à la liberté personnelle, et notamment la liberté de mouvement, ancrée dans la Constitution fédérale. La détention

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administrative est une atteinte grave à ce droit, et la mise en détention administrative peut être décidée sans infraction pénale, sur le seul fait d’être en Suisse sans autorisation de séjour. Les décisions de rétention, d’assignation à résidence ou d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée sont également des restrictions importantes à la liberté personnelle. La décision de prononcer une détention administrative doit répondre à différentes conditions ─ dont l’évaluation du risque que la personne concernée se soustraie au renvoi ─ et doit répondre à des conditions spécifiques, au principe de la proportionnalité, en appliquant les mesures efficaces les moins coercitives. Les JPV estiment que des décisions aussi importantes nécessitent un examen approfondi, doivent rester de la compétence du pouvoir judiciaire et ne peuvent pas être confiées à une autorité administrative. Le service de la population (SPOP) serait juge et partie, notamment sur la question des démarches concrètes et possibles pour exécuter ou non le renvoi. Les JPV estiment le SPOP compétent pour requérir la détention administrative, mais la décision devrait être prononcée par l’autorité judiciaire au terme d’une audience avec un défenseur et un interprète. Les JPV considèrent que la justice de paix est riche d’années d’expérience et de pratique, et au fait des conditions spécifiques de la détention administrative, même si les assises de la chaîne pénale ont qualifié d’exotique sa compétence en matière de mesures de contrainte. Si la décision était confiée directement à l’autorité judiciaire suite à un examen complet dans le respect du droit d’être entendu, les JPV considèrent qu’il serait possible de renoncer au contrôle prima facie. Un tel examen sommaire risque d’ailleurs de figer la suite de la procédure, en ce sens que les juges tendent à valider systématiquement la première décision. En parallèle avec la détention provisoire, les JPV constatent qu’il est possible au TMC d’organiser une audience dans les 48 heures, avec un défenseur et un interprète. Ce délai de 48 heures serait un compris acceptable dans le cadre des 96 heures maximales prévues au niveau fédéral. Les JPV estiment que la police ne devrait pas avoir de compétence pour ordonner ou lever l’interdiction de périmètre, et par rapport à des laissez-passer, car la nécessité d’une démarche administrative ou d’une intervention médicale n’incombe pas à la police, d’autant plus que s’il y a un refus, on ne comprend pas quelles seraient les voies de recours. Ils s’inquiètent de la transmission des informations du SPOP à la police et des critères pour ordonner une levée. Pour les JPV, le texte est rédigé de telle manière qu’on essaie d’éviter la présence de l’avocat à l’audience : l’article qui spécifiait le droit de désignation d’un conseil d’office est remplacé par la possibilité de demander au Tribunal, qui statue, la désignation d’un conseil d’office. La personne devrait pouvoir demander la désignation d’un défenseur, dès le départ. La présidente relève que la possibilité offerte, dans le nouveau délai de 96h, d’une assistance et d’un traducteur, engendrera des coûts importants, très souvent à la charge de l’Etat. Le rôle de défenseur pourrait-il être systématiquement délégué à un avocat stagiaire ? Les JPV notent la nécessité qu’un avocat breveté soit responsable du dossier et assure le suivi de l’avocat stagiaire. La délégation à l’audience d’un avocat stagiaire est tout à fait possible. d) Les représentants de l’OAV mettent l’accent sur le double contrôle de la mise en détention administrative par le TMC, telle que mentionnée à l’article 16, alinéas 1 et 2. A ce sujet, l’OAV se pose la question de la nécessité du double examen tel que prévu et craint que l’avocat soit à nouveau un alibi, désigné uniquement pour l’audience et que le TMC ne veuille pas se déjuger par rapport à l’examen préalable qu’il a lui-même fait. Un examen extrêmement sommaire des conditions générales pour déterminer rapidement si la détention est manifestement infondée serait préférable, n’engageant pas le TMC, avec un délai ramené à 48 ou 72 heures pour un examen plus complet de la détention. Cette procédure allégerait le travail du juge du TMC et laisserait le temps nécessaire à l’avocat, désigné suffisamment tôt, pour réunir les pièces nécessaires. Aux articles 16 et 24, l’information qui doit être donnée à la personne qu’elle peut demander un avocat n’est pas stipulée suffisamment clairement. La formulation de l’art.16, alinéa 3, chiffre 3, « la possibilité de se faire assister par un

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conseil lors de la comparution devant le Tribunal » inquiète les représentantes de l’OAV car elles veulent précisément que le défenseur ait le temps d’effectuer son travail avant l’audience. Le Conseiller d’Etat relève qu’avec un contrôle judiciaire unique à 72 heures, les avocats pourraient s’organiser pour assurer la défense. Le chef du SPOP indique que l’information est assurée via l’art.16, alinéa 5. Selon l’OAV, l’avocat d’office doit être désigné par le TMC selon les règles en vigueur. L’OAV est d’avis que les décisions d’interdictions de périmètre et d’assignations à résidence devraient aussi être prises sous contrôle judiciaire par le biais du TMC, et ne pas être de la seule compétence du service (le SPOP) ou de la police, même si le SPOP connaît le mieux la réalité du terrain. L’OAV demande s’il y a des dispositions particulières sur les mineurs dans le présent projet de loi. Il signale également une qualité très inégale des interprètes qui exercent au TMC. Le TMC devrait faire appel à des interprètes qualifiés. Concernant les art.11 (Contrôle judiciaire) et 16a (Examen de détention), le délai de notification de la décision du TMC n’est pas ancré dans la loi. Ce délai de contrôle correspond-il à la notification de la décision ? Un député demande la position de l’OAV sur le transfert de compétence judiciaire à une autorité administrative, en termes d’exécution même de la décision qu’elle a prise. Les représentantes de l’OAV considèrent que le système du juge de paix était un bon système. Dans la mesure où le législateur choisit de transférer la compétence de cet examen au SPOP (ce qui répond à une certaine logique puisque le SPOP détient tous les éléments), il faut alors les garanties d’un contrôle judiciaire rapide et efficace, qui ne soit pas une simple validation de la décision du SPOP. Il y a le problème d’un service qui est juge et partie. En résumé l’essentiel est qu’un contrôle judiciaire soit exercé et que la personne dispose d’une défense effective. Le TMC est reconnu comme l’autorité judiciaire compétente pour la détention. A la question de favoriser l’appel à des avocats stagiaires, l’OAV explique que c’est effectivement une bonne occasion de former des stagiaires, mais que tout avocat stagiaire est sous la responsabilité d’un avocat breveté. Une nomination directe des avocats stagiaires ne serait pas conforme à la loi sur la profession d’avocat. A propos de l’augmentation des causes traitées par le TMC, l’OAV confirme que les délais sont actuellement tenus par le Tribunal, mais ne peut se prononcer quant à sa capacité à absorber 8 à 10% de cas supplémentaires. S’agissant d’une restriction de liberté, l’OAV ne soutient pas la délégation de compétence à la police, sans compter que le contrôle juridictionnel se fait par le biais du TC, ce qui prend du temps. La personne interdite de périmètre, comme celle assignée à résidence, doit attendre longtemps avant que soit prononcé un éventuel élargissement.

3. POSITION DU CONSEIL D’ETAT L’entrée en vigueur, au 1er octobre 2016, des dispositions légales mettant en œuvre l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels signifie que les cantons doivent adapter leur loi d’application. En février 2016, le DECS et le DIS ont mis en place un groupe de travail composé de représentants de tous les services concernés par le renvoi des étrangers criminels : la Police cantonale, le Ministère public, l’Ordre judiciaire, le Service pénitentiaire et le Service de la population. Sous la présidence de l’ancien procureur Jean-Pierre Chatton, ce groupe de travail a été chargé de proposer toutes les modifications législatives cantonales nécessaires pour s’adapter à la modification du Code pénal. En avril 2016, le Conseil d’Etat a d’emblée désigné le Service de la population (SPOP) comme autorité cantonale chargée de l’exécution des expulsions judiciaires prononcées par les tribunaux. Cette solution a été jugée opportune dès lors que le SPOP est actuellement compétent pour exécuter les décisions administratives de renvoi.

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La LVLEtr doit être adaptée pour ancrer la compétence du SPOP d’exécuter les décisions d’expulsion et de se prononcer sur les décisions de reports des renvois. Il s’agit également de : • fixer dans la loi cantonale la collaboration existante entre le SPOP et la PolCant ; • préciser les compétences exercées entre le DIS et le DECS ; • définir les critères de reconnaissance des écoles privées ; • préciser des dispositions relatives à la protection des données ; • fixer la répartition des émoluments perçus en matière de police des étrangers entre le Canton et les communes ; • régler les modalités d’arrestation dans les locaux du SPOP, point sur lequel le Conseil d’Etat a décidé de maintenir les dispositions actuelles ; • régler les compétences du SPOP en termes d’assignation au lieu de résidence et de détention administrative. Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale s’appliquant, les infractions commises avant le er 1 octobre 2016 ne sont pas soumises à la nouvelle législation. Dès lors, le droit fédéral ainsi que les adaptations de la loi vaudoise ne déploieront probablement leurs effets qu’à partir de mi-2017. Des renforcements d’effectifs, prévus dans le budget 2017, touchent les différents services suivants qui verront leur travail augmenter : la PolCant, le SPOP, le SPEN, ainsi que l’Ordre judiciaire. Sur la base des condamnations de 2015 et des estimations de 2016, le Conseil d’Etat prévoit qu’environ 500 personnes seraient expulsées aux termes de la nouvelle loi fédérale d’application qui prévoit une liste d’infractions déclenchant le renvoi quasi systématique. Un certain nombre de ces personnes sont toutefois déjà expulsées aujourd’hui, suite à des condamnations pénales qui engendrent notamment des retraits de permis B ou de permis C. Il convient donc de prendre toute projection avec grande prudence. Les autres modifications, concernant en particulier la police des étrangers, résultent des propositions des assises de la chaîne pénale.

4. DISCUSSION GÉNÉRALE Repères législatifs L’article 121 de la Constitution fédéral a été complété par ses alinéas 3 à 6 suite à l’acceptation par le peuple et les cantons de l’initiative populaire proposée par l’Union Démocratique du Centre « Pour le renvoi des étrangers criminels », le 28 novembre 2010. Après les cinq ans donnés au législateur, selon la disposition transitoire, la version adaptée de plusieurs lois fédérales est en vigueur au 1er octobre 2016, dont : • le Code Pénal (CP) art 66a, 66abis et 66b • le Code pénal militaire (CPM), art. 49a, 49abis et 49b • la loi fédérale sur les étrangers (LEtr), art. 73, 79. La loi d’application dans le Canton de Vaud de la législation fédérale sur les étrangers (LVLEtr) doit être également adaptée. En fait, l’essentiel de l’adaptation est réalisé au niveau du Ministère public, adaptation sur laquelle le Grand Conseil n’a pas de possibilité d’intervenir. La LVLEtr subit essentiellement d’autres adaptations proposées par le Conseil d’Etat et non imposées par le droit fédéral, soit : • le transfert au SPOP de la compétence en matière de détention administrative ; • la protection des données (dans le cadre de la gestion électronique des dossiers) ; • la reconnaissance des écoles. Les deux derniers points répondent à des demandes dans le cadre d’arrêts du Tribunal fédéral.

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Organigramme des décisions avec voies de recours Un organigramme comparatif actuel/futur sur les étapes dans la mise en détention administrative est présenté en Annexe 1 du présent rapport. Sur demande de la commission, le Conseil d’Etat a fourni un organigramme complémentaire, qui schématise les étapes dans la décision de détention administrative ou d’assignation à domicile, de la notification de renvoi, de son exécution et des possibles voies de recours (cf Annexe 2). Compétences transférées au SPOP en matière de détention administrative Une modification importante du projet est le transfert de compétence, actuellement dévolue au juge de paix du district de Lausanne, au SPOP. Un député s’en inquiète ; il mentionne qu’actuellement la détention administrative des étrangers fait l’objet d’une décision de la justice de paix qui peut faire l’objet de recours en termes de procédure judiciaire (art.75 à 80 LEtr). De même pour les mesures de rétention (art.73 LEtr). Le Conseiller d’Etat rappelle que dans leurs conclusions les assises de la chaîne pénale, réunies en juin 2013, recommandaient de transférer la compétence de placement en détention administrative de la justice de paix au SPOP avec un contrôle judiciaire, comme cela se pratique déjà dans tous les autres cantons. Il précise que la rétention relève déjà, dans la procédure actuelle, d’une décision administrative du SPOP, sous contrôle judiciaire a posteriori. En tel cas, il n’y a donc pas de transfert de compétence. Il est précisé que les décisions prises actuellement par la justice de paix, prononcées dans le futur par le SPOP, par exemple celles d’assignation à résidence, seront susceptibles d’un recours auprès du TC (art.30, projet LVLEtr). Un député précise que les décisions en matière de détention administrative feront l’objet d’un contrôle du TMC, puis la décision pourra faire l’objet d’un recours. Le député s’interroge quant aux voies de recours relatives aux compétences du service à mettre en œuvre les décisions d’expulsion judiciaire, ou à statuer sur leur report (art.3, al. 1, chiffre 3ter, projet LVLEtr). Le Conseiller d’Etat précise que les tribunaux compétents se prononcent à la fois sur la peine pénale et sur la décision associée d’expulsion. Ces condamnations peuvent faire l’objet de recours judiciaires jusqu’au TF. Il ajoute qu’une autorisation administrative de séjour peut être retirée suite à une condamnation pénale. Le SPEN assure l’exécution de la peine pénale alors que le SPOP est ensuite responsable de l’exécution de l’expulsion. Cette phase d’expulsion peut intervenir au moment de la libération conditionnelle après l’exécution de deux tiers de la peine. Un recours, auprès de la Cour de Droit Administratif et Public (CDAP) puis du TF, peut alors uniquement porter sur la décision administrative d’exécution de renvoi, au moment où cette dernière est notifiée par le service. A ce stade, la personne recourt contre les conditions dans lesquelles le renvoi est appliqué. Compétences transférées au Tribunal des mesures de contraintes Le TMC est une autorité judiciaire de première instance rattachée au Tribunal cantonal (TC) et sur laquelle le gouvernement et l’administration n’ont aucun pouvoir. Les magistrats membres du TMC sont nommés par le TC. Le TMC est notamment compétent pour ordonner la détention provisoire, statuer sur la mise en liberté, décider de l’hospitalisation à des fins d’expertise, constater l'illégalité des conditions de détention avant jugement. La Chambre de recours pénale est l’instance de recours contre toutes les décisions prises par le TMC. Le chef du SPOP précise que les décisions d’exécution de renvoi ou d’expulsion sont prises par les mêmes instances administratives et judiciaires. Il ajoute que le canton de séjour de la personne concernée est compétent pour l'exécution du renvoi, y compris si la décision vient du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). La personne retenue doit actuellement être entendue par le juge de paix dans les 24 heures. Selon le projet de loi, son dossier sera immédiatement transféré devant le TMC qui aura le même délai maximum de 24 heures pour examiner la décision du SPOP (examen prima facie) et qui pourra éventuellement lever la détention. Dans un délai de 96 heures dès la mise en détention, le TMC statuera au terme d’une audience. Ce délai permettra à la personne d’être effectivement assistée d’un avocat, alors que le délai actuel de 24 heures ne le permet très souvent pas.

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Sur ce point, le Conseil d’Etat, dans l’esprit de la révision de la loi sur l’asile, a cherché un équilibre entre l’efficacité de la procédure administrative et l’octroi de droits supplémentaires, notamment celui d’être concrètement assisté d’un avocat. Il est relevé que la justice de paix, qui traite essentiellement des curatelles, des questions familiales et des questions civiles, n’est pas l’instance idéale dans le domaine de la LVLEtr et que le TMC serait une autorité plus appropriée pour ce type de décisions hautement émotionnelles. Il a clairement été démontré, lors des assises de la chaîne pénale de 2013, que la justice de paix n’était pas l’organe adéquat pour traiter les cas de détention administrative. En transférant la compétence au TMC, le Conseil d’Etat estime avoir donné en toute transparence un contrôle judiciaire supplémentaire à l’instance la plus adéquate. Certains cas sont déjà traités par le TMC le week-end et ensuite revus par le juge de paix le lundi. En revanche, le délai de 24 heures pose un problème pour organiser le transfert de personnes dans un autre canton compétent pour l’exécution du renvoi. Compétences transférées à la police cantonale en matière d’interdiction de périmètre Concernant le transfert de compétence en matière d’interdiction de périmètre du juge de paix du district de Lausanne à la police cantonale en application de l’article 74 LEtr, il est rappelé que la motion Claudine Wyssa (13_MOT_025), transformée d’ailleurs en postulat, demandait à la base que le juge de paix de chaque district puisse prononcer ce type de mesure. Dans le cadre de la révision de la LVLEtr, le Conseil d’Etat a estimé qu’il était beaucoup plus simple administrativement de donner la compétence à la police cantonale en matière d’interdiction de périmètre. Appréciation générale Un groupe de députés marque son soutien au projet de loi ; ils relèvent qu’il convient de légiférer rapidement au niveau vaudois suite à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 des nouvelles dispositions de la LEtr. Le transfert de nouvelles compétences au SPOP concernant l’exécution des expulsions judiciaires paraît judicieux, avec les cautèles prévues au niveau judiciaire. De même pour le transfert de la compétence du contrôle judiciaire des détentions administratives au TMC. Les dispositions de la mise en détention administrative qui donnent la compétence au service de notifier la décision semblent justifiées, c’est du reste la pratique dans tous les autres cantons. Le délai de 96 heures facilitera la présence d’un conseil à l’audience fixée par le TMC. Ce délai de 96 heures permettra aussi d’éviter de devoir relâcher des étrangers faute de pouvoir organiser leur transfert vers le canton compétent pour l’exécution de leur renvoi. Par contre, les avis sont partagés concernant l’examen prima facie de la décision du SPOP par le TMC. Plusieurs députés émettent des doutes quant à son utilité ; la démarche paraît lourde et inefficace. Il est relevé que les autres cantons suisses ne connaissent pas ce type de procédure. Etant donné qu’il y a très peu de places dans les établissements, tant à Favra qu’à Frambois, les dossiers qui conduisent à une décision de détention administrative comportent d’autres problèmes que l’infraction à la LEtr. L’option d’une erreur crasse dans ce type de décisions prises par le SPOP paraît peu réaliste, ce d’autant plus que dans les 96 heures le TMC statue à l’issue d’une audience avec la possibilité pour la personne d’être assistée par un avocat. Un autre député trouve au contraire que le contrôle prima facie dans les 24 heures permet au TMC de lever une détention avec effet immédiat en cas de décision abusive du service. Il soutient également le délai de 96 heures pour la tenue de l’audition, ce qui garantit la présence d’un avocat. Un autre finalement considère que l’examen prima facie revêt un aspect alibi car le tribunal prendra sa décision uniquement sur la base du dossier du SPOP. Il dénonce le mélange de genres entre l’expulsion judiciaire, son exécution et la détention administrative, et déplore la décision politique de transférer un certain nombre de compétences au SPOP. Le Conseil d’Etat répond qu’il présente un projet équilibré qui améliore l’efficacité du système vaudois et qui comprend ce premier contrôle sur dossier dans le respect du droit des gens. On octroie

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effectivement plus de droits que dans les autres cantons, tout en faisant attention que cela ne pénalise pas l’efficacité du dispositif. La validation du TMC dans les 24 heures permet le transfert de la personne en détention administrative ; il faut savoir que la loi ne permet pas à la police cantonale de garder la personne 96 heures en zone carcérale. Les autres cantons prévoient d’autres délais dans le cadre de leur législation. La police cantonale précise qu’elle ne garde que très brièvement - c’est-à-dire quelques heures, au maximum une nuit - les personnes qui doivent être conduites au centre de détention administrative. Les autres cantons ont effectivement une autre organisation. La compétence de garder l’étranger en détention jusqu’à 96 heures, que possède par exemple la police cantonale genevoise, n’existe pas sur Vaud. Le contrôle prima facie dans les 24 heures serait donc considéré comme un élément important du dispositif vaudois. La critique qu’une décision de mise en détention administrative soit prise par une autorité administrative est balayée : aujourd’hui déjà, sur 82 requêtes de mise en détention administrative en vue du renvoi, le juge de paix a suivi les conclusions du service dans 80 cas. Compétences et tâches du SPOP et des divers services et engagement de personnel Dans le cas d’un étranger qui est en prison, le service commence à organiser le renvoi environ une année avant sa mise en liberté conditionnelle. Comme mentionné précédemment, la personne peut ensuite faire recours contre la notification de renvoi. Si elle refuse son retour, le service devra éventuellement utiliser la détention administrative, puis le renvoi forcé dans un avion affrété spécialement à cet effet. Le SPOP ne pourra remettre en cause une décision judiciaire d’expulsion ; il gardera cependant une marge de manœuvre dans les modalités du renvoi. L’entrée en vigueur de l’initiative entraînera certainement un plus grand nombre d’expulsions. Pour traiter les expulsions supplémentaires qui pourraient être prononcées, le chef du SPOP confirme que le Conseil d’Etat a accordé trois ETP à son service, dont deux analystes de dossier à la division asile et retour et un juriste pour les aspects en lien avec les recours. La situation devra être réévaluée en fonction du nombre de cas réels. Un premier bilan devrait être effectué au printemps 2017 afin de vérifier si les effectifs prévus dans le budget sont adaptés, suivi d’une analyse régulière de la situation quand l’initiative aura déployé ses pleins effets dans deux ou trois ans. Au sein du DIS les effectifs seront renforcés avec deux ETP à la Police cantonale pour la rédaction de rapports plus complets, un ETP au SPEN pour l’office de l’exécution des peines et un ETP au TC pour l’examen des dossiers. Exécution du renvoi Un député ne s’explique pas les délais extrêmement serrés prévus pour la mise en œuvre de l’expulsion (96 heures), alors que la décision pénale aura été prononcée plusieurs années auparavant. Le Conseiller d’Etat rappelle que la loi fédérale fixe le délai de 96 heures dans lequel un contrôle judiciaire doit s’exercer. Une fois un étranger retenu par la police, la décision de mise en détention administrative doit effectivement être prise rapidement, afin de permettre le transfert au Centre de détention administrative de Frambois (Genève). Il n’est pas possible de laisser la personne dans les locaux de la police. Une personne peut être gardée au maximum 18 mois en détention administrative, mais une fois la décision de renvoi notifiée, le but est d’effectuer le renvoi dans un délai raisonnable. En moyenne, la durée de détention n’excède pas 30 jours. Pour information, il n’y a ni femmes, ni mineurs détenus à Frambois. Les cantons de Genève, Vaud et Neuchâtel ne disposent que de 40 places pour la détention administrative en vue de renvoi, dans les établissements de Favra et Frambois, alors que le canton de Zurich, à lui seul, en possède par exemple une centaine. Dans ces conditions, le chef du SPOP estime que la quasi-totalité des personnes en détention administrative ont au moins une condamnation pénale autre que l’infraction à la LEtr. Le SPOP utilise plus fréquemment l’assignation à résidence, en conformité d’ailleurs avec le règlement Dublin III.

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De l’application des décisions Un député constate un durcissement dans la loi des modalités d’arrestation vis-à-vis des étrangers qui sont entrés en Suisse malgré une interdiction. Il souligne aussi un élargissement des compétences de perquisition, qui peuvent avoir lieu, dans certains cas, à n’importe quelle heure de la nuit, y compris le dimanche. Sur l’estimation de 500 expulsions annuellement, le député demande si le Conseil d’Etat connaît le nombre de cas où l’expulsion ne pourra pas être mise en œuvre, par exemple quand la personne refuse le retour, sachant que les mesures de contrainte sont appliquées de manière très exceptionnelle. Il demande aussi si le Conseil d’Etat a fait une estimation du nombre de personnes qui reviennent en Suisse après avoir été expulsées. Le chef du SPOP répond qu’il n’existe pas d’estimation dans ces deux cas de figure. Il précise que la nouvelle loi ne concerne pas directement les modalités de retour de la personne. Aujourd’hui déjà, certaines personnes ne peuvent être renvoyées dans leur pays. A titre d’exemple, il n’est actuellement pas possible de renvoyer un Algérien ou un Erythréen qui s’oppose à son retour. Cette situation ne va pas changer avec la nouvelle loi, car la Suisse dépend de décisions d’autres pays. Pour des personnes qui n’ont pas commis de délits pénaux et qui acceptent de rentrer, l’aide au retour est privilégiée afin que ces personnes puissent mieux vivre dans leur pays et avoir moins tendance à revenir en Suisse. Concernant les renvois Dublin, un conseil a été mis en place via une association internationale qui permet de savoir notamment où la personne va atterrir et où elle va être logée, notamment en Italie. Un député n’accepte pas le principe de la détention administrative. Il observe que la personne auditionnée par le tribunal sera déjà privée de liberté suite à une décision administrative. Cette situation laisse à penser que la décision a déjà été prise au moment de l’audience. Il indique que la justice de paix transforme parfois des réquisitions de détention administrative du SPOP en assignations à résidence, mais ces cas n’apparaissent pas dans l’EMPL. Le Conseiller d’Etat déclare qu’il en va de la crédibilité de l’Etat de faire en sorte que les décisions de renvoi prises, notamment par les tribunaux, soient exécutées ; il s’agit de contraindre la personne qui refuse de se soumettre à la loi.

5. DISCUSSION ARTICLE PAR ARTICLE - 1ÈRE LECTURE Deux lectures sont prévues afin d’assurer la cohérence des articles en cas d’amendement. Les articles n’ayant pas fait l’objet de discussion sont considérés comme adoptés et non rappelés ci-dessous. Un député demande de procéder à un vote préliminaire qui permettrait de connaître les positions au sein de la commission concernant le transfert de compétence pour prononcer des mesures de détention administrative à une autorité administrative, le SPOP. La discussion est renvoyée lors de l’étude de l’article en question, l’un des premiers discutés (art. 3, alinéa 1, nouveau chiffre 3bis). Art. 1 Objet et but L’article 1 du projet de loi est adopté à l’unanimité. Art. 3 Compétences du service Plusieurs commissaires se déclarent opposés au chiffre 3bis et proposent de le supprimer, argumentant que le transfert de compétences au SPOP ne respecte pas la séparation des pouvoirs entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, dont dépend le service. Dans la situation actuelle, les décisions de mise en détention sont prononcées par la justice de paix, autorité relevant du pouvoir judiciaire (à noter que cette situation est reconnue comme non optimale). Le TMC devrait être, selon eux, l’autorité compétente. Ceci vaut spécifiquement pour le volet administratif. Dans le cas de l’acceptation d’une telle proposition, ces commissaires estiment qu’il serait alors légitime de demander un renvoi de l’EMPL au Conseil d’État. Ils s’appuient sur des doutes émis par l’OAV. Le Conseiller d’État répond que le projet permettra une réelle défense, ce qui constitue une amélioration significative des droits de la personne et ce qui explique que l’OAV reconnaisse une certaine logique au projet. Quant aux représentants du TC et du TMC, ils ont considéré que le transfert

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de la décision du magistrat au SPOP correspond à un alignement du droit cantonal sur le droit fédéral et que le projet, attendu, reprend des propositions discutées lors des assises de la chaîne pénale. L’ordre judiciaire soutient ce transfert de compétence au SPOP. Le président du TC indique d’ailleurs que ce système existe déjà sans problème dans 25 cantons suisses, et que le droit fédéral prévoit un contrôle judiciaire, ce qui signifie donc que la décision relève d’une autorité administrative. En d’autres termes, il serait aberrant que l’ordre judiciaire effectue un contrôle judiciaire d’une décision qu’il a prise lui-même. La Conseillère d’Etat confirme que les représentants du TC ont exprimé leur attente de la modification légale, tant devant une délégation du Conseil d’Etat que devant la CCDJP (Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police), dans les mêmes termes que ceux formulés devant la commission. Ils n’y ont absolument pas remis en question la délégation de compétence au SPOP. S’agissant de la compétence du TMC, la Conseillère d’État précise que ce Tribunal effectue le contrôle judiciaire. A travers ce contrôle rapide, les droits des personnes sont garantis. La Conseillère d’Etat conclut en présentant le projet comme un bon équilibre politique, qui inclut notamment l’interdiction d’arrestation dans les locaux du service lorsque l'étranger s'y rend pour répondre à une convocation ou recevoir une prestation d'urgence, de même l’impossibilité de la détention administrative pour les femmes et les enfants mineurs. Plusieurs députés apportent leur soutien au projet de loi tel qu’il est présenté par le Conseil d’Etat, donc également au transfert de compétences au SPOP, en appuyant l’argumentation avancée par les représentants du Conseil d’Etat, et en rappelant que les statistiques présentées démontrent que les décisions actuelles du SPOP sont très largement confirmées par le TMC. Le projet est considéré comme équilibré, efficace et humain. Ceux qui sont également très attachés à la séparation des pouvoirs constatent toutefois que des services de l’Etat, ainsi la police cantonale, prennent déjà des mesures contraignantes sous contrôle judiciaire. Un député critique cette comparaison, précisant que la police ne prend pas la décision de mettre en détention, mais le TMC, sur demande du procureur. Il considère que la compétence de mettre en prison, donnée à une autorité administrative, constitue une exception unique en droit suisse, dans tous les autres cas la décision reste judiciaire. Il s’inquiète qu’une décision de mise en détention d’étrangers n’ayant souvent pas commis de délit de droit commun, est du seul fait de l’administration, même si elle est soumise à un contrôle. Le Conseiller d’Etat et le commandant de la police répondent que c’est la police qui interpelle la personne, l’arrête et la place en cellule, lors d’une infraction. Il s’agit bien d’une décision de l’administration policière. La police a 48 heures pour soumettre le cas d’une personne arrêtée au procureur, lequel a ensuite le même délai de 48 heures pour soumettre le cas au TMC. Il leur est rétorqué que la logique est toute autre puisque la police procède uniquement à des mesures d’urgence et d’instruction. La présidente met au vote le chiffre 3bis de l’article 3, tel que rédigé dans le projet de loi : Le chiffre 3bis du projet de loi est adopté par 8 voix pour et 7 voix contre. La parole n’étant pas demandée pour les autres chiffres, la présidente fait voter l’article 3 : L’article 3 du projet de loi est adopté par 8 voix pour, 5 voix contre et 2 abstentions. Art. 3a Collaboration avec la police cantonale Sur décision du Conseil d’État suite à l’interpellation 10_INT_329, un étranger en situation irrégulière n’est plus amené menottes aux pieds à la justice de paix. Un député tient à s’assurer que la disposition de l’article 3a, alinéa 2 ne modifie pas le traitement des personnes, la police restant soumise aux décisions politiques du Conseil d’Etat.

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Le Conseiller d’Etat rappelle que l’article 3 stipule les compétences du SPOP et qu’ensuite, à cet article 3a, le service sollicite le concours de la police cantonale mais ne peut lui donner d’instructions sur les modalités de l’intervention. La police reste sous l’autorité du Conseil d’Etat et de la cheffe du département des institutions et de la sécurité (DIS), sans modification par rapport à la pratique actuelle. L’article 3a du projet de loi est adopté par 8 voix pour et 7 abstentions. Art. 4 Bureaux communaux de contrôle des habitants L’article 4 du projet de loi est adopté à l’unanimité. Art. 5 Compétences du chef du département L’article 5 du projet de loi est adopté à l’unanimité. Art. 7 Reconnaissance des écoles La commission a reçu la directive commune DGES–SPOP, du 14 février 2014, fixant les critères de reconnaissance des Hautes écoles financées par des sources privées, ainsi que la liste des écoles reconnues par le SPOP, applicable aux ressortissants d’Etats tiers, état au 6 septembre 2016. L’article 7 du projet de loi est adopté à l’unanimité. Art. 11 Contrôle judiciaire L’article 11 du projet de loi est adopté à l’unanimité. Art. 12 L’article 12 du projet de loi est adopté à l’unanimité. Art. 13 Autorités compétentes Un député relève qu’il n’est pas précisé, contrairement à la détention, comment l’ordre d’assignation d’un lieu de résidence est notifié, dans quelles conditions et sous quelles formes. Le chef du SPOP indique qu’il s’agit d’une décision administrative, signifiée par écrit, avec un droit de recours au TC et copie aux avocats. L’article 30 du présent projet de loi indique l’autorité de recours et le délai de 10 jours dès notification de la décision attaquée. La Conseillère d’Etat explique que la procédure est identique pour une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, ordonnée par la police. Un député se déclare ouvert au transfert de compétence à la police pour ordonner les interdictions de périmètre, car ces mesures sont nettement moins graves que la mise en détention ou l’incarcération par exemple. Cette disposition présente une certaine cohérence avec le cas d’application au hooliganisme. La compétence transférée au service pour ordonner l’assignation d’un lieu de résidence lui paraît par contre discutable. La voie de recours pose problème, sachant que, conformément à sa pratique, la CDAP (Cour de droit administratif et public) ne traitera pas ce type d’affaire dans un délai inférieur à 3 ou 4 mois. Il s’agirait d’une sérieuse atteinte aux droits fondamentaux de la personne. Le député propose de rendre le TMC compétent pour ordonner ou lever une assignation d’un lieu de résidence. Le Conseiller d’Etat signale qu’en adoptant l’article 3, la commission a validé la compétence du SPOP pour placer une personne en détention administrative ce qui représente une mesure plus forte que l’assignation d’un lieu de résidence. Si, pour la détention administrative, il est admis que le TMC soit l’autorité de contrôle, il apparaît incohérent que ce Tribunal devienne alors l’autorité pour ordonner une mesure d’assignation d’un lieu de résidence. Le député comprend l’argument du Conseiller d’Etat ; une contreproposition serait de prévoir la même voie de recours devant le TMC, à la place de la CDAP. Discussion sera poursuivie à l’article 30 « Autorités de recours ».

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La cheffe du service juridique de la police précise, à la demande d’un député, que les interdictions de périmètre au niveau cantonal, actuellement déjà ordonnées par la police, sont prononcées uniquement en matière de hooliganisme. En ce qui concerne la violence domestique, la police judiciaire est compétente pour prononcer des expulsions immédiates du domicile contre un conjoint violent. Ce prononcé est immédiatement contrôlé par la Chambre civile du Tribunal d’arrondissement, dans les 24 heures. Dans ce cas, la police va prononcer l’interdiction à titre d’extrême urgence, mais il y a immédiatement un contrôle judiciaire. Par contre, plusieurs communes, notamment celle de Lausanne, ont actuellement confié la compétence à la police communale de prononcer des interdictions de périmètre à l’encontre de personnes qui causent un trouble de l’ordre public. Cette compétence concerne plusieurs domaines du droit, pas uniquement le trafic de stupéfiants, et pas seulement les étrangers. La cheffe du service juridique de la police rappelle que le Grand Conseil a pris en considération, en juin 2013, une motion Mathieu Blanc (12_MOT_005) qui demande de mettre en place le même système au niveau cantonal. Le Conseil d’Etat doit présenter une modification de loi qui permette à la police cantonale de prononcer des interdictions de périmètre sur tout le territoire cantonal. La Conseillère d’Etat indique que le département attendait le débat sur le présent projet de loi avant de répondre à la motion Mathieu Blanc. A la question de députés, la cheffe du service juridique de la police répond que le terme « région déterminée » est repris du droit fédéral, précisément de l’article 74 LEtr dont le titre s’intitule : « Assignation d'un lieu de résidence et interdiction de pénétrer dans une région déterminée ». Le périmètre varie au cas par cas. Il n’est pas possible d’interdire de périmètre sur tout le territoire vaudois, ni même sur toute une commune. A ce sujet, le Tribunal fédéral a d’ores et déjà rendu un certain nombre d’arrêts qui fixent très clairement les périmètres. Vu l’absence de garantie juridictionnelle de contrôle, un député s’oppose à transférer la compétence au SPOP d’ordonner une assignation d’un lieu de résidence ; il estime que cette compétence devrait être donnée au TMC et propose l’amendement suivant : « Le service Le Tribunal est compétent pour ordonner ou lever une assignation d’un lieu de résidence (art. 74 LEtr). » Cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. La présidente met au vote l’ensemble de l’article 13. L’article 13 du projet de loi est adopté par 8 voix pour, 6 voix contre et 1 abstention. Art. 14 Laissez-passer L’article 14 du projet de loi est adopté à l’unanimité. Art. 15 Autorité compétente Selon la position de principe de certains députés, discutée en préambule, l’amendement suivant est proposé : « Le service Le Tribunal est compétent pour ordonner la détention conformément aux articles 75 à 80a LEtr, respectivement lever la détention lorsque les conditions ne sont plus remplies. L’amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. La présidente met au vote l’article 15. L’article 15 du projet de loi est adopté par 8 voix pour, 5 voix contre et 2 abstentions.

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Art. 16 Ordre de détention Une députée relève que les nouveaux articles ne stipulent pas expressément que la personne peut disposer d’un conseil dès l’ouverture de la procédure. Dans le but que la personne soit clairement informée, un amendement est proposé à l’article 16, alinéa 3, chiffre 3, visant à remplacer la formulation « la possibilité de se faire assister par un conseil lors de la comparution devant le tribunal ;» par « un conseil d’office est désigné simultanément à l’ordre de détention ; ». Le Conseiller d’État relève que cette formulation revient à priver la personne du choix d’être assistée ou non, le défenseur étant désigné d’office même si la personne ne le souhaite pas. Le texte du Conseil d’Etat n’impose pas un conseil. De plus, les personnes avec des revenus choisiront un conseil, sans que ce dernier leur soit commis d’office, aux frais du contribuable. Une députée souligne que l’OAV n’a pas mentionné la nomination d’un conseil d’office obligatoire, mais a émis un doute s’agissant de la notification de la possibilité de se faire assister par un avocat. Elle s’oppose ainsi à l’amendement déposé. Un député fait observer que la désignation de conseils d’office en matière pénale est courante et obligatoire en cas de détention. La personne ne réalise pas forcément l’intérêt d’être défendue, ou ne lit pas la mention sur l’ordre de détention qu’elle a la possibilité de se faire assister par un conseil ; ce sont alors aux avocats désignés de sauvegarder les droits de cette personne. Le député considère que c’est un minimum de prévoir la désignation d’un conseil, comme cela se fait au pénal. Un député ajoute que des personnes peuvent rencontrer des problèmes de compréhension pour des raisons de langue, d’où l’importance de désigner automatiquement un conseil d’office. Un député rappelle que l’OAV avait également mentionné un problème concernant l’incompétence de certains traducteurs. Il demande si l’aide d’un traducteur fait partie des conseils auxquels a droit la personne et/ou si l’avocat peut cumuler le rôle de traducteur. Le chef du SPOP relève l’obligation d’informer inscrite à l’article 16, alinéa 5. Si une personne a déjà un avocat dans la procédure d’asile, ce dernier sera automatiquement informé sans délai de la mise en détention. Le dossier est envoyé immédiatement au moment de l’arrestation ; le TMC voit ainsi si la personne demande un conseil d’office, ou dispose d’un avocat de son choix. Un député s’étonne que les personnes mises en détention pénales bénéficient de la garantie de la présence d’un conseil d’office, alors que celles qui sont mises en détention administrativement, qui n’ont donc commis aucune infraction pénale, ne disposeraient pas de garantie de défense. Selon le Conseiller d’Etat, un conseil d’office est requis lorsque la personne n’a pas de défenseur, et non pas lorsqu’elle a manifestement les moyens de payer son défenseur, voire plusieurs conseils. A propos des modalités d’exécution et de la possibilité de se faire assister d’un conseil, les règles usuelles de procédure pénale ou administrative spécifient que la personne doit comprendre la décision qui lui est notifiée. Et concernant la procédure pénale suisse, la loi prévoit un certain nombre de cas où la défense est obligatoire, mais il ne s’agit pas nécessairement d’une défense d’office, alors qu’une mise en détention pénale est plus grave qu’une mise en détention administrative. L’amendement tel que proposé ne correspond ainsi pas aux dispositions prévues dans le droit fédéral. Un député confirme la différence entre conseil d’office et conseil obligatoire. L’amendement proposé concerne le cas de défense obligatoire, qui peut être assurée par un défenseur privé. L’article 131 du Code de procédure pénale (CPP) intitulé précisément « Mise en œuvre de la défense obligatoire » stipule à son alinéa 1 que « en cas de défense obligatoire, la direction de la procédure pourvoit à ce que le prévenu soit assisté aussitôt d'un défenseur ». Une autre formulation est proposée afin que le service pourvoie à ce que la personne soit assistée aussitôt d’un défenseur. En analogie avec la procédure pénale, le Conseiller d’Etat estime que le défenseur devrait être désigné par le TMC, plutôt que par le service. Le député indique qu’au niveau pénal, il s’agit bien de l’autorité de poursuite (le procureur) qui pourvoit immédiatement à ce que la personne soit assistée. Le Conseiller d’Etat demande si le SPOP lui-même devra tenir une liste des

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conseils d’office. Au pénal, le TC dispose d’une telle liste, constituée d’entente avec l’OAV, et désigne les conseils selon un système de rotation. Le député estime que la désignation des avocats respecterait la même logique que celle appliquée actuellement par les justices de paix quand ces dernières désignent un conseil d’office en amont. Diverses formulations sont discutées, touchant les alinéas 3 et 4 ; celle retenue par les députés désireux de rendre le conseil obligatoire est reprise ci-dessous. Une députée s’oppose à cet amendement ; il lui paraît que la possibilité de se faire assister par un conseil est suffisante, d’autant plus qu’il existe déjà une cautèle à l’article 24, alinéa 3, qui spécifie qu’après 30 jours de détention, le Tribunal désigne un conseil d’office. Cela correspond à un conseil obligatoire après 30 jours. De plus, il faut relever la contradiction entre le chiffre 3 de l’alinéa 3 (s’il est maintenu) qui donne la possibilité de se faire assister d’un conseil, et l’alinéa 4 (s’il est amendé), qui rend le conseil obligatoire. La présidente fait voter la dernière proposition d’amendement, seule retenue des diverses propositions discutées, qui concerne l’article 16, alinéa 4, et dont la formulation et l’emplacement devront être vérifiés par les juristes de l’administration : « Le service transmet immédiatement l’ordre de détention au Tribunal en vue de la désignation d’un conseil, lorsque la personne n’en est pas pourvue, du contrôle de la légalité de la mesure prise et de l’adéquation de la détention (art. 80, al. 2 LEtr). » L’amendement est adopté par 8 voix pour et 7 voix contre. Une députée demande que, pour la deuxième lecture, la commission connaisse les conséquences financières d’un tel amendement. La présidente met au vote l’ensemble de l’article 16. L’article 16, tel qu’amendé par la commission, est adopté par 8 voix pour et 7 voix contre. A la séance du 12 décembre 2016, le SPOP et le SJL répondent à la demande de la commission de mise en cohérence de l’ensemble de l’article 16 et de l’article 24 lié (cf discussion sous art.24) comme suit : Art. 16 al. 3 chiffre 3 : « la possibilité l’obligation de se faire assister lors de la comparution devant le Tribunal par un conseil de son choix ou désigné d’office ; » Art. 16 al. 3 chiffre 5 : « Il informe sans délai le représentant légal d’autre part, le mandataire constitué dans la procédure d'asile, de police des étrangers ou pénale, ou la personne que désigne l'intéressé et le conseil désigné par l’intéressé de la mise en détention de ce dernier. » A la demande de la commission, le département des institutions et de la sécurité (DIS), en consultation avec l’OJV, a transmis une estimation des surcoûts relatifs à la désignation obligatoire d’un conseil, qui seraient, avec toutes les réserves d’usage, d’environ CHF 150'000.-, évalués sur 100 cas par année. Article 16a Examen de la détention Nombre de députés contestent la pertinence de l’examen sommaire, dit prima facie, pour les raisons suivantes : 1) Le deuxième examen risque de n’être qu’une répétition de cet examen initial peu approfondi. 2) Le double examen, d’abord sommaire puis circonstancié, n’apporte pas une réelle plus- value. 3) Il s’agit plus d’un compromis politique que d’une amélioration concrète. Un député envisagerait plutôt un système où une décision judiciaire unique serait avancée à 72 heures, telles que suggérées par l’OAV, avec une option d’une défense dès le début, et un examen judiciaire, unique et rapproché, de la décision du SPOP. Il propose de supprimer l’alinéa 2 de l’article 16a et de raccourcir à 72 heures le délai à l’article 16a, alinéa 1. Cette proposition de fixer un délai de 72 heures mettrait le Canton de Vaud dans une situation particulière par rapport aux autres cantons qui appliquent, à une ou deux exceptions près, le délai fédéral de 96 heures. Une députée demande si ce délai est réaliste dans la pratique et s’il permet d’assurer un conseil ou l’organisation du transfert d’étrangers vers le canton compétent pour

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l’exécution de leur renvoi. Le Conseiller d’Etat signale que le délai restreint obligerait le Tribunal à traiter les dossiers plus rapidement et la police à accélérer ses procédures. Il s’agirait tout de même d’une amélioration significative par rapport à la situation actuelle où l’autorité judiciaire doit statuer dans les 24 heures, même s’il considère que le délai de 96 heures serait préférable. Il ne devrait pas avoir de répercussion particulière pour le SPOP. Les représentants de la police et du SPOP confirment que le délai actuel de 24 heures se révèle inap- plicable au niveau opérationnel, particulièrement les fins de semaine ou lorsque l’exécution du renvoi dépend d’un autre canton. La police se retrouve dans la situation de devoir relâcher l’étranger, ce que les autres cantons ne comprennent évidemment pas. Actuellement ce système fonctionne mal. Les jours fériés, les magistrats du TMC interprètent de manière différente la base légale actuelle. Certains juges prennent la responsabilité de garder l’étranger jusqu’au lundi matin alors que d’autres vont décider de le relâcher. Un député se réfère aux délais du code de procédure pénale : 48 heures au procureur pour demander la mise en détention et 48 h au TMC pour se prononcer. Le Tribunal aura donc un peu plus de temps en matière de mise en détention pour les étrangers et devrait mieux fonctionner avec un délai à 72 heures. Sans assurances que les objectifs de la loi puissent être atteints dans ce délai de 72 heures, une députée propose conserver le délai de 96 heures et de supprimer l’alinéa 2 (l’examen sommaire). En l’état, le Conseiller d’Etat ne peut donner de garantie absolue que le délai de 72 heures fonctionnera dans tous les cas futurs de renvoi. Un député propose d’étendre le délai à 96 heures spécifiquement pour les cas de transferts de personnes dans un autre canton, et les amendements suivants : Art.16a alinéa 1 : le Tribunal statue sur la légalité et l’adéquation de la détention ou de son maintien dans un délai de 96 72 heures. Ce délai est porté à 96 heures lorsqu’il concerne une personne détenue relevant d’une autorité d’un autre canton. , conformément à l’article 80, alinéa 2 LEtr. » Art.16a alinéa 2 : abrogé. La présidente procède au vote en bloc de ces amendements. Les amendements aux alinéas 1 et 2 sont adoptés par 13 voix pour et 2 abstentions. La parole n’étant plus demandée, la présidente soumet au vote l’article 16a amendé. L’article 16a, tel qu’amendé par la commission, est adopté par 13 voix pour et 2 abstentions. Art. 17 Abrogé ; Art. 18 Mise en liberté ; Art. 20 Abrogé ; Art. 21 Abrogé ; Art. 22 Abrogé ; Art. 23 Abrogé La parole n’est pas demandée concernant les articles ci-dessus. Les articles 17, 18, 20, 21, 22 et 23 du projet de loi sont adoptés à l’unanimité. Art. 24 Assistance d’un conseil Cet article est fortement lié à l’amendement adopté par la commission à l’article 16 et doit donc être adapté en conformité, tel que proposé par les services. Un député inquiet de l’obligation faite de l’assistance d’un conseil soumet deux propositions ; premièrement, que l’on fasse systématiquement appel à des avocats stagiaires, sous la responsabilité d’un avocat breveté ; deuxièmement, que l’Etat engage des avocats pour ces cas particuliers, avec un contrat d’une année non renouvelable leur laissant toute liberté vis-à-vis de leur employeur. Le Conseiller d’Etat trouve que l’engagement d’avocats payés par l’Etat mettrait très sérieusement en péril le principe d’indépendance de la défense, et rendrait le travail desdits avocats peu intéressant et peu varié. En pratique, ce type de dossiers est souvent traité par des avocats stagiaires, mais sous la responsabilité de leur maître de stage. L’OJV a évalué un coût par dossier d’environ CHF 2'000.-, à ce propos, un député demande s’il serait possible de fixer un tarif maximum par dossier. A cette question, le Conseiller d’Etat répond que le

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Tribunal cantonal fixe un barème horaire pour la rémunération des avocats d’office, ce montant est en dessous du tarif pratiqué généralement par la profession. Les honoraires sont justifiés en fonction du temps passé à l’exécution de son mandat ; ce type d’affaires est en général peu complexe. Le TC contrôle les frais et honoraires des avocats d’office. La présidente ouvre la discussion sur l’ensemble des amendements, formulés par le SPOP et le SJL, afin qu’ils soient en cohérence avec la modification adoptée à l’article 16 concernant l’assistance obligatoire d’un conseil : 1 La personne qui fait l'objet d’un ordre de détention peut se faire assister est assistée par un conseil. 2 Elle peut demander au Tribunal, qui statue, la désignation d’un conseil d'office. A réception de l’ordre de détention, le Tribunal désigne un conseil d'office à la personne qui n’est pas assistée par un conseil de son choix. 3 Si la détention dure plus de trente jours ou lorsque les besoins de l'assistance l'exigent, le Tribunal désigne un conseil d'office à la personne qui n'a pas fait le choix d'un conseil. Abrogé 4 Abrogé L’article 24 amendé est adopté par 8 voix pour, 1 voix contre et 6 abstentions. Art. 25 Rémunération du conseil d'office L’article 25 du projet de loi est adopté à l’unanimité. Art. 26 Régime et conditions de détention / Art. 27 Réclamation Les articles 26 et 27 du projet de loi sont adoptés à l’unanimité. Art. 28 Modalités d'arrestation Un député dépose un amendement qui vise à supprimer le chiffre 2 de l’alinéa 3 ; 3 Le second alinéa ne s'applique pas : 1. aux étrangers ayant été condamnés pénalement ; 2. aux étrangers qui ont franchi la frontière malgré une interdiction d’entrée en Suisse. Cet article 28 pose l’interdiction d’arrestation dans les locaux du SPOP. Le député considère que la première exception a pour objectif de se mettre en conformité avec l’initiative pour le renvoi des étrangers criminels, alors que la deuxième vise des personnes sans passé pénal. Il estime qu’une personne peut entrer sur le territoire suisse sans nécessairement savoir qu’elle se trouve dans l’illégalité. Le Conseiller d’Etat rappelle que le système qui prévoit de ne pas pouvoir interpeller un certain nombre d’étrangers en situation irrégulière dans les locaux du SPOP est une spécificité vaudoise. Ailleurs, ce type de limitation n’existe pas. Il précise que le chiffre 2 ne concerne pas tous les étrangers illégalement entrés en Suisse, mais seuls ceux qui sont renvoyés dans leur pays, après avoir déposé une demande qui leur a été refusée et s’être vus formellement notifié une interdiction de revenir en Suisse. Cette clause vise uniquement les étrangers qui reviennent en Suisse, malgré l’interdiction qui leur a été prononcée lors de leur premier renvoi. Les étrangers sont ainsi dûment informés et il convient de faire respecter ces décisions ; c’est la crédibilité même du système qui est en jeu. Un député tient à préciser que, dans la pratique, l’interdiction d’entrée n’est souvent pas notifiée à la personne, dans 80 à 90% des cas, soit parce que la personne a disparu, soit parce qu’elle est déjà rentrée, et la notification ne peut être faite. Il suppose ainsi que ni la personne ni son conseil ne savent qu’une interdiction d’entrée en Suisse a été prononcée. Le Conseiller d’Etat note qu’un étranger qui a déposé une demande, puis fait un recours et qui est ensuite expulsé, parfois par vol spécial, ne peut objectivement ignorer que l’asile lui a été refusé. Le chef de service indique que l’interdiction d’entrée est notifiée directement à la personne, qui en prend

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connaissance dans la cadre de la procédure d’expulsion. Une telle interdiction n’est pas prononcée contre une personne disparue. Une députée rejette fermement l’amendement proposé : il en va du respect de la loi et du crédit des autorités. En effet, il s’agit de personnes qui ont épuisé toutes les voies judiciaires et qui savent clairement, par une notification en bonne et due forme, qu’elles n’ont pas le droit de revenir sur le territoire suisse. Un député demande que l’exception ne se porte pas sur les personnes disparues, donc seulement aux personnes qui ont reçu une notification. Un député considère que l’on encourage ainsi la personne à disparaître pour ne pas se faire notifier l’interdiction d’entrée. Le Conseiller d’Etat confirme que ces modalités d’arrestation peuvent également toucher les clandestins qui ont été expulsés du territoire une première fois, à qui il a été notifié une interdiction d’entrée en Suisse et qui, malgré cette décision, reviennent. Un député demande de préciser, soit par un amendement, soit dans le rapport de la commission, qu’il s’agit bien d’une interdiction formelle et dûment notifiée. Il estime que la différence n’est pas suffi- samment faite entre l’interdiction de fait et l’interdiction de droit. Il rappelle qu’il existe une tradition vaudoise qui consiste à traiter différemment les personnes avec un passé pénal de celles qui n’en ont pas. Cette nouvelle exception, formulée au chiffre 2, durcit le cadre légal. Le Conseiller d’Etat répète que cette disposition au chiffre 2 ne touche pas le clandestin qui décide de rester en Suisse et qui se rend au SPOP, mais elle s’applique à la personne qui a franchi la frontière après la notification d’une interdiction d’entrée, et qui, malgré cela, revient sur le territoire suisse. Cela signifie que la personne a déjà été renvoyée une première fois. L’acte de notification de l’administration au moment du renvoi est clair et limpide dans toutes les langues. En réalité, la personne ne veut simplement pas entendre la décision de l’administration. Le chef de la division asile et retour explique que l’interdiction de séjour (IS) n’a pas d’effet si la personne n’est pas sortie de Suisse. L’interdiction d’entrer en Suisse est une décision prise par le SEM qui est notifiée à la personne. Il s’agit souvent de personnes qui partent sous contrainte et qui se voient notifier la décision à l’aéroport avant de prendre leur vol de retour. Le recours est possible depuis l’étranger. La base de données de la Confédération différencie les décisions établies, celles dûment notifiées et celles qui ont fait l’objet d’un recours, qui sont alors complétées de la décision du Tribunal administratif fédéral (TAF). Un député indique que le Canton de Vaud doit mettre en vigueur une loi fédérale, sans introduire d’exceptions ou particularités vaudoises. Une position trop permissive créerait un appel d’air. Le chef de service indique que les personnes renvoyées par vol spécial sont surtout des personnes ayant été condamnées pénalement. Dès lors, le chiffre 2 couvre aussi majoritairement des personnes avec un passé pénal. Pour l’année 2015, 760 personnes sont parties contrôlées dont 367 avaient des antécédents pénaux et dont le reste (donc 393 personnes) n’avait pas de casier judiciaire. Le chef de service ajoute que 199 personnes ont bénéficié d’aide au retour et 111 sont parties vers un Etat Dublin. La présidente soumet au vote l’amendement qui consiste à supprimer le chiffre 2 à l’alinéa 3 : 2. aux étrangers qui ont franchi la frontière malgré une interdiction d’entrée en Suisse. Cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. Un député dépose l’amendement ci-dessous à des fins de clarification de la procédure : 2. aux étrangers qui ont franchi la frontière malgré une interdiction d’entrée en Suisse dûment notifiée à l’intéressé. Cet amendement est adopté par 8 voix pour et 7 voix contre. Une députée souhaite discuter des cas qui relève de la procédure Dublin, qui font l’objet d’une longue explication dans l’EMPL et qui apparaissent comme un problème majeur. Elle relève que les modalités d’arrestation et les exceptions qui en découlent sont des particularités purement vaudoises.

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Le Conseil d’Etat apparaît partagé sur la question. Certains considèrent qu’on ne peut pas attirer une personne pour lui délivrer l’aide d’urgence et l’arrêter, en quelque sorte la piéger, dès qu’elle arrive dans les locaux du SPOP ; c’est la solution qui a primé dans le texte de l’EMPL. D’autres estiment qu’il faut appliquer une politique globalement cohérente face à une personne qui s’est vue notifier une décision d’expulsion, c’est-à-dire que l’ensemble des services de l’Etat concourent à l’exécution de cette décision, souvent validée par les tribunaux. Il existe une problématique des personnes qui, dans le cas d’une procédure Dublin, se soustraient à l’exécution d’un plan de départ qui a été notifié. Pour illustrer son propos, la députée cite l’EMPL en page 8 où les problèmes fréquents et l’incohérence entre la décision de transfert Dublin et le droit d’aide d’urgence sont relevés, incohérence qui suscite incompréhension et frustration au sein de la population vaudoise. Elle dépose l’amendement suivant qui vise à ajouter un chiffre 3 à l’alinéa 3, de cet article 28, présenté plus loin. Un député considère que les accords Dublin seraient plutôt favorables à la Suisse qui, n’étant pas un pays bordier, peut appliquer le renvoi vers le pays de premier accueil. Dans ce contexte, il ne souhaite pas introduire une exception supplémentaire pour les personnes relevant d’une procédure Dublin. Le Conseiller d’Etat confirme que le Conseil d’Etat a effectivement examiné l’opportunité d’ajouter une exception supplémentaire à laquelle il a finalement renoncé. La présidente met au vote l’amendement proposé : Art.28 al. 3 chiffre 3 (nouveau) : aux étrangers qui, dans le cadre d’une procédure Dublin, se sont soustraits à l’exécution d’un plan de départ préalablement notifié. Cet amendement est adopté par 8 voix pour et 7 voix contre. La parole n’étant plus demandée, la présidente soumet au votre l’ensemble de l’article 28, tel qu’amendé par la commission : L’article 28 amendé est adopté par 8 voix pour, 3 voix contre et 4 abstentions. Art. 29 Exception L’article 29 du projet de loi est adopté à l’unanimité. Art. 30 Autorité de recours Un député demande que la voie de recours ne soit pas au TC, mais propose d’appliquer le même type de procédure que pour les ordres de détention. La Cour de droit administratif et public (CDAP) du TC mettrait entre 3 et 6 mois pour trancher de tels cas d’assignation à résidence. Le député explique qu’il s’agit de mesures d’astreinte et de privation de liberté assez importantes, pour lesquelles l’effet suspensif ne serait pas accordé. Pour ces raisons, il propose l’amendement suivant, dont l’emplacement définitif reste à discuter, à envisager également dans un article 13a ou 16b traitant de l’autorité de contrôle : Les décisions relatives à l’assignation d’un lieu de résidence prises par le service en vertu de l’article 13, alinéa 1 sont soumises au contrôle du Tribunal des mesures de contrainte, sur requête motivée déposée dans les dix jours dès la notification de la décision. Il suggère une procédure plus simple par rapport à une décision de détention, sans contrôle systématique dans les 72 ou 96 heures, mais s’inscrivant dans un délai de 10 jours pour saisir le TMC qui doit statuer, sa décision pouvant ensuite faire l’objet d’un recours au TC conformément aux dispositions de cet article 30, alinéa 1. L’exigence de double instance serait concrétisée de cette manière. La cheffe du service juridique de la police relève que, d’un point de vue pratique, la CDAP serait qualifiée pour les recours contre les décisions du SPOP, mais pas pour examiner les recours contre le TMC. Devant le manque de clarté sur la procédure et l’emplacement de l’amendement, celui-ci est renvoyé en deuxième lecture et l’article 30 n’est pas modifié.

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L’article 30 du projet de loi est adopté à l’unanimité. Art. 31 Procédure ; Art. 32 Perquisition ; Art. 33 Fouille ; Art. 34 Réclamation ; Art. 35 Traitement des données ; Art. 36 Communication au service ; Art. 37 Communication par le service ; Art. 37a Accès par procédure d'appel ; Art 38 Information aux personnes concernées ; Art. 39 Répartition des émoluments ; Art. 40 Abrogé Les articles 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 37a, 38, 39, 40 du projet de loi sont adoptés à l’unanimité.

6. DISCUSSION ARTICLE PAR ARTICLE - 2ÈME LECTURE Seuls les articles discutés en deuxième lecture sont mentionnés ci-après, dans le cas contraire la décision adoptée en première lecture est confirmée tacitement. Art. 3 Compétences du service Un député reprend le développement du premier débat et dépose l’amendement suivant qui vise à supprimer le chiffre 3bis, à l’alinéa 1 de l’article 3, qui donne au service les attributions de : 3bis prononcer, mettre en oeuvre et lever les mesures de rétention (art. 73 LEtr), d’assignation d’un lieu de résidence (art. 74 LEtr) et de détention administrative (art. 75 à 80a LEtr). Cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. La présidente met ensuite au vote l’article 3 dans son entier. L’article 3 du projet de loi est adopté par 8 voix pour et 7 voix contre. Article 13 Autorités compétentes A l’alinéa 1, un député s’oppose à la compétence du service pour prononcer une assignation d’un lieu de résidence et il dépose l’amendement suivant, déjà soumis en première lecture : Le service Le Tribunal des mesures de contrainte est compétent pour ordonner ou lever une assignation d’un lieu de résidence (art. 74 LEtr). Cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. Concernant les voies de recours dans les cas d’assignation à résidence, discutées sous l’article 30 en première lecture, un député revient sur sa proposition, en déplaçant l’alinéa 1 de l’article 13 dans un nouvel article 13a. L’alinéa 1bis de l’article 13 deviendrait l’alinéa 1. Le député estime nécessaire de donner la possibilité à la personne d’aller directement devant le TMC. Cette procédure permettrait aussi de « filtrer » les recours qui vont au TC, c’est-à-dire qu’une personne qui aura reçu rapidement une décision du TMC n’ira pas forcément engorger le TC par la suite, même s’il en a le droit. Art 13a Assignation à résidence 1 Le service est compétent pour ordonner ou lever une assignation d’un lieu de résidence (art. 74 LEtr). 2 Le Tribunal statue sur la légalité et l’adéquation de l’assignation à résidence sur requête motivée déposée dans les 10 jours dès la notification de la décision. Le chef de service précise que si cet amendement est adopté, il faudra aussi modifier et préciser l’article 30 « Autorité de recours ». Un député propose, dans le cas de l’acceptation de l’amendement, de modifier le titre de l’article 13 : « Autorités compétentes Interdiction de périmètre ». L’amendement est critiqué car il complexifierait la démarche et alourdirait le système en ajoutant un échelon supplémentaire dans le système de l’assignation à résidence : le service, le TMC et ensuite le TC. Le député précise qu’il s’agit du même système que celui appliqué pour la détention (mise en détention de la compétence du service, contrôle du TMC, recours au TC, puis au TF) mais dans une

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variante plus légère où le TMC n’est saisi que sur requête. Il craint que sans cette possibilité les recours viennent engorger le TC. La cheffe du service juridique de la police suppose que la cour compétente pour traiter les cas de recours ne sera probablement pas la CDAP ; il s’agirait probablement de créer une nouvelle structure entre le TMC et la CDAP, déterminée par l’ordre judiciaire. Le député pense que l’on devrait rester dans une procédure de droit administratif. La présidente soumet au vote en bloc les amendements suivants : Art. 13 Autorité compétente Interdiction de périmètre 1 Le service est compétent pour ordonner ou lever une assignation d’un lieu de résidence (art. 74 LEtr). 1 La police est compétente pour ordonner ou lever une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 74 LEtr). 2 Abrogé. Art 13a Assignation à résidence 1 Le service est compétent pour ordonner ou lever une assignation d’un lieu de résidence (art. 74 LEtr). 2 Le Tribunal statue sur la légalité et l’adéquation de l’assignation à résidence sur requête motivée déposée dans les 10 jours dès la notification de la décision. Ces amendements, aux articles 13 et 13a nouveau, sont adoptés par 8 voix pour et 7 voix contre. Les deux articles 13 et 13a amendés sont ainsi adoptés. Art. 16 Ordre de détention La présidente rappelle la modification retenue par la commission en première lecture, en faveur de la désignation d’office d’un conseil. Les arguments en faveur et en opposition de la modification sont repris. La présidente fait voter les amendements séparément : 3 L’ordre de détention mentionne notamment : 1. les motifs, la durée et le lieu de la détention ; 2. l’existence d’un contrôle judiciaire dans un délai de 96 heures les délais prévus à l’article 16a ; L’amendement au chiffre 2 de l’alinéa 3 est adopté à l’unanimité moins une voix. 3. la possibilité l’obligation de se faire assister lors de la comparution devant le Tribunal par un conseil de son choix ou désigné d’office; L’amendement au chiffre 3 de l’alinéa 3 est adopté par 8 voix pour et 7 voix contre.

5 Il informe sans délai le représentant légal d’autre part, le mandataire constitué dans la procédure d'asile, de police des étrangers ou pénale, ou la personne que désigne l'intéressé et le conseil désigné par l’intéressé de la mise en détention de ce dernier. L’amendement à l’alinéa 5 est adopté par 8 voix pour et 7 voix contre. La présidente met au vote l’article 16 dans son ensemble. L’article 16 amendé est adopté par 9 voix pour, 3 voix contre et 3 abstentions.

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Art. 16a Examen de la détention La présidente soumet au vote la formulation adoptée en première lecture. L’article 16, tel qu’amendé en première lecture, est adopté par 12 voix pour et 3 abstentions. Art. 24 Assistance d'un conseil La présidente soumet au vote la formulation de cet article 24, en cohérence avec l’article 16 modifié, notamment la formulation potestative remplacée par la formulation obligatoire (art. 24 al. 1). L’article 24, tel qu’amendé en première lecture, est adopté par 8 voix pour, 4 voix contre et 3 abstentions. Art. 28 Modalités d'arrestation Un député dépose un amendement qui vise à supprimer les chiffres 2 et 3 (nouveau) de l’alinéa 3. La présidente soumet séparément au vote les divers amendements. En premier lieu, la suppression du chiffre 2 à l’alinéa 3 : Cet amendement est refusé par 8 voix contre et 7 voix pour. Ce chiffre 2 étant ainsi maintenu par la commission, la présidente soumet au vote l’amendement adopté en première lecture qui introduit l’exigence de notification : 2. aux étrangers qui ont franchi la frontière malgré une interdiction d’entrée en Suisse dûment notifiée à l’intéressé. Cet amendement est adopté par 8 voix pour, 5 voix contre et 2 abstentions. La présidente soumet séparément au vote l’amendement qui vise à supprimer le chiffre 3 (nouveau) de l’alinéa 3, voté en 1ère lecture : Cet amendement est refusé par 7 voix contre, 7 voix pour et 1 abstention (voix prépondérante de la présidente). L’amendement, retenu en 1ère lecture, est ainsi adopté. 3. aux étrangers qui, dans le cadre d’une procédure Dublin, se sont soustraits à l’exécution d’un plan de départ préalablement notifié. La présidente soumet au vote l’ensemble de l’article 28. L’article 28, tel qu’amendé par la commission, est adopté par 7 voix pour, 3 voix contre et 5 abstentions. Art. 30 Autorité de recours Un député dépose donc l’amendement suivant pour être cohérent avec les articles 13 et 13a : 1 Les décisions prononcées par le service et par la police en vertu de l’article 13, ainsi que les décisions prononcées par le Tribunal dans le cadre du présent chapitre, peuvent faire l’objet d’un recours au Tribunal cantonal. Pour clarification, il est précisé que le « présent chapitre » est le chapitre IV « mesures de contrainte et exécution du renvoi » qui couvre les articles 8 à 34. La parole n’étant plus demandée, la présidente passe au vote : L’article 30 amendé est adopté par 10 voix pour et 5 abstentions. Art. 32 Perquisition Le Conseiller d’Etat confirme que la dérogation aux horaires de perquisition prévue à l’alinéa 3 n’est possible qu’en cas de contraintes horaires dues à un renvoi forcé prévu et à un horaire d’avion.

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7. VOTE DE LA COMMISSION Le projet de loi, tel qu’amendé par la commission, est adopté par 7 voix pour, 7 voix contre et 1 abstention (voix prépondérante de la présidente). Vote de la recommandation d’entrée en matière sur le projet de loi La commission recommande au Grand Conseil l’entrée en matière sur le présent projet de loi par 7 voix pour, 7 voix contre et 1 abstention (vote prépondérant de la présidente). L’article 2 de l’EMPL, formule d’exécution, est adopté tacitement par la commission.

Vevey, le 3 janvier 2017 La rapportrice : (Signé) Fabienne Despot

Annexe 1 : organigramme comparatif actuel/futur sur les étapes dans la mise en détention administrative Annexe 2 : organigramme complémentaire.

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Annexe 1 : organigramme comparatif actuel/futur sur les étapes dans la mise en détention administrative

Annexe 2 : organigramme complémentaire

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