Fin duconcert vers 22h. Coproduction Orchestre deParis, Salle Pleyel. Ce concert est surtitré. , piano Matthias Goerne, baryton Douze Poèmes deJustinus Kerner Robert Schumann entracte Les Amours dupoète L’Amour et laVie d’une femme Robert Schumann VENDREDI 24 OCTOBRE 2014 –20H

Matthias Goerne | Christoph Eschenbach | Robert Schumann | Vendredi 24 octobre 2014 1840, « année du lied » : Schumann, qui s’est pendant des années refusé à la voix, se jette à corps perdu dans ce nouveau monde à deux. Voilà dix ans qu’il explore presque sans exception le répertoire de piano. Puis, soudain, « je pourrais chanter à en mourir, comme le rossignol » (à Clara Wieck, en mai). Voilà enfin réunis en un seul et même lieu les élans musicaux du compositeur et les amours littéraires de ce fils de libraire, nourri à la mamelle de la poésie de Goethe ou des tragédies de Shakespeare. En l’espace de quelques mois, il compose quelque cent quarante lieder, réunis pour une bonne part en recueils ou cycles, suivant leurs poètes ou leurs thèmes. C’est avec eux qu’il traverse cette année 1840 si difficile à bien des égards, où le combat incessant contre le père Wieck, ancien mentor, pour épouser sa fille Clara finit par aboutir, en septembre, à un mariage – sans pour autant apaiser toutes les douleurs. Des arrière-fonds littéraires qui nourrissaient sa musique de piano, ses Carnaval et Carnaval de Vienne, ses Danses des compagnons de David et Fantaisie, Schumann passe aux avant-plans poétiques, piochant chez Heine, chez Rückert, Goethe, Kerner ou Eichendorff les poèmes qui lui semblent le mieux refléter ses désirs, ses angoisses et ses obsessions. Sans surprise, c’est l’amour qui y tient la première place ; mais, bien plus que les chants de félicité de deux cœurs unis par le partage d’un tendre sentiment, ce sont souvent des aveux d’inquiétude, de douleur. Histoires impossibles et trahisons, chants de voyage et de nature forment la trame de ce nouveau monde où piano et voix se réunissent et se fondent même parfois, portés par l’absolue nécessité de dire. VENDREDI 24 OCTOBRE

Robert Schumann (1810-1856) Frauenliebe und –leben (L’Amour et la Vie d’une femme) op. 42

Seit ich ihn gesehen (Depuis que je l’ai vu) Er, der Herrlichste von allen (Lui, le plus noble de tous) Ich kann’s nicht fassen, nicht glauben (Je ne puis le comprendre ni le croire) Du Ring an meinem Finger (Toi, bague que j’ai au doigt) Helft mir, ihr Schwestern (Aidez-moi, ô sœurs amies) Süsser Freund, du blickest (Doux ami, tu me regardes) An meinem Herzen, an meiner Brust (Sur mon cœur, sur mon sein) Nun hast du mir den ersten Schmerz getan (Pour la première fois tu m’as fait mal)

Texte : Adelbert von Chamisso. Composition : 11-12 juillet 1840, révision le 7 mai 1843. Dédié à Oswald Lorenz, chroniqueur à la Neue Zeitschrift für Musik. Publication : juillet 1843 chez Whistling à . Durée : environ 20 minutes.

Au cycle masculin de la Dichterliebe (Les Amours du poète), d’après Heine, composé en mai 1840, répond celui du Frauenliebe und –leben (L’Amour et la Vie d’une femme) d’après Chamisso. En creux s’y dessine toute la vie sentimentale d’une femme : rencontre et naissance de l’amour pour un être merveilleux (nos 1 et 2), fiançailles (nos 3 et 4), noces (no 5), grossesse (no 6) et maternité (no 7), et enfin veuvage (no 8). Le recueil poétique, bien que choquant aujourd’hui les sensibilités par la vision de la femme qu’il propose, bien que d’une certaine médiocrité également (mais Schubert n’a-t-il pas, de la même manière, fait des merveilles avec les poèmes d’un Müller ?), attire Schumann par son traitement presque mystique de l’amour, mais aussi par l’importance de thèmes annexes qui font écho à sa propre sensibilité : le rêve, l’anneau symbolique ou encore l’angoisse sous-jacente, qui se fait sentir dans les tournures hésitantes et les couleurs feutrées du premier lied, dans les accords brutaux du troisième, en ut mineur, ou dans les murmures achevant le cinquième, juste avant la marche nuptiale suggérée par le piano. À l’enthousiasme – dans le sens fort du terme – de la jeune fille contemplant l’être aimé, « le plus magnifique de tous » (no 2), sur un battement d’accords répétés, répond celui de la mère contemplant son enfant, bercé par les joyeux arpèges du piano (no 7). Un assombrissement de la dernière partie mène au tableau désolé de la veuve prostrée face au cadavre de son mari : ré mineur funèbre, accords altérés, déclamation désolée aux allures de récitatif forment la trame d’une page ô combien émouvante. Aux derniers mots de la femme, consommant l’adieu au monde, succède un postlude pianistique qui reprend le matériau du lied initial : souvenir du bonheur passé – ou bien explicitation de ce que contenait en germe l’amour naissant, à savoir la perte ?

3 Dichterliebe (Les Amours du poète) op. 48

Im wunderschönen Monat Mai (Au merveilleux mois de mai) Aus meinen Tränen sprießen (De mes larmes éclosent) Die Rose, die Lilie, die Taube, die Sonne (La rose, le lys, la colombe, le soleil) Wenn ich in deine Augen seh’ (Quand je regarde dans tes yeux) Ich will meine Seele tauchen (Je veux plonger mon âme) Im Rhein, im heiligen Strome (Dans le Rhin, dans le saint fleuve) Ich grolle nicht (Je ne gronde pas) Und wüßten’s die Blumen (Et si les fleurs savaient) Das ist ein Flöten und Geigen (C’est une flûte et des violons) Hör’ ich das Liedchen klingen (Que j’entende sonner la chansonnette) Ein Jüngling liebt ein Mädchen (Un jeune homme aime une jeune fille) Am leuchtenden Sommermorgen (Par un radieux matin d’été) Ich hab’ in Traum geweinet (J’ai pleuré en rêve) Allnächtlich im Traume (Chaque nuit en rêve je te vois) Aus alten Märchen winkt es (Du fond des vieux contes) Die alten, bösen Lieder (Les vieux chants méchants)

Textes : extraits du Buch der Lieder de Heinrich Heine. Composition : du 24 mai au 1er juin 1840. Dédié à Felix Mendelssohn. Publication : septembre 1844 chez Peters à Leipzig. Durée : environ 30 minutes.

Alors que l’histoire que conte le Frauenliebe und –leben, petite sœur de cet Opus 48, est celle d’un attachement partagé, consommé en une vie commune, Les Amours du poète sont faites de douleur et de perte – des thèmes éminemment schumanniens, abordés à de multiples reprises, qui s’expriment avec acuité sous la plume parfois corrosive de Heine. Rapidement considéré, à raison, comme le parangon des cycles de lieder, ce Liedercyklus – un terme très fort – est une merveille. La subtilité de son écriture pianistique débarrasse définitivement le clavier du rôle subalterne auquel certains avaient pu le cantonner pour en faire une seconde voix qui soutient, annonce et prolonge le chant, allant parfois jusqu’à suggérer ce qu’il n’a pas la force de dire ou à interroger la véracité de ses propos. C’est aussi bien souvent à lui que revient de tisser les liens qui unissent les lieder les uns aux autres dans ses préludes et postludes, des liens étroits encore accentués par le jeu des figures rythmiques ou mélodiques et, plus encore, par le biais d’une grammaire tonale unificatrice. Chants d’espoir et d’adoration, bientôt assombris par la trahison de la bien- aimée, oscillant pour finir entre morne désespoir et douleur fiévreuse, ces lieder s’achèvent dans le calme, entre rassérènement et tristesse : un ajout schumannien à la conclusion sans appel de Heine, dernier reflet de l’appropriation du discours poétique par le musicien.

4 VENDREDI 24 OCTOBRE

Zwölf Gedichte von Justinius Kerner (Douze Poèmes de Justinus Kerner) op. 35

Lust der Sturmnacht (Plaisir d’une nuit de tempête) Stirb, Lieb’ und Freud’! (Adieu, amour et joie !) Wanderlust (Chanson de marche) Erstes Grün (Premiers bourgeons) Sehnsucht nach der Waldgegend (Nostalgie de la forêt) Auf das Trinkglas eines verstorbenen Freundes (Toast à un ami décédé) Wanderung (Randonnée) Stille Liebe (Amour silencieux) Frage (Interrogation) Stille Tränen (Larmes silencieuses) Wer machte dich so krank? (Qui t’a rendu si malade ?) Alte Laute (Anciennes voix)

Composition : du 20 novembre au 24 décembre 1840. Dédié à Friedrich Weber. Publication : 1841 chez Klemm à Leipzig. Durée : environ 40 minutes.

Composé, lui, deux mois après la ligne de partage des eaux que le mariage représente, le recueil des Zwölf Gedichte von Justinus Kerner (Douze Poèmes de Justinus Kerner) op. 35 ne marque pas, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, d’allègement de l’humeur. Au contraire même : sa fin nous plonge, plus encore que les grinçantes Amours du poète, au plus profond du désespoir. Sur les poèmes de Kerner, ce digne représentant de l’école souabe, également médecin, auquel il revient après quelques essais de 1828, Schumann dessine une suite de chants (ainsi qu’il l’a nommée) à l’organisation moins directionnelle que les deux cycles précédents ; il prend cependant la peine de l’ancrer résolument dans des tonalités bémolisées, de si bémol majeur/sol mineur à mi bémol et la bémol majeur, avec une seule incursion vers les touches blanches de do majeur.

Entamés dans l’élan d’une ballade haletante, aiguillonnés de rythmes de chevauchée (Wanderlust et Wanderung), apaisés dans ses hymnes au printemps (Erstes Grün) et à la nature consolatrice (Frage), ces Zwölf Gedichte appartiennent en partie au genre des Wanderlieder dont Schubert, avec ses deux cycles de La Belle Meunière et du Voyage d’hiver, avait donné en son temps des exemples magnifiques. Mais, comme toujours, amour et douleur y tiennent la place centrale : Stirb, Lieb’ und Freud’!, dès le deuxième lied, annonce dans un langage archaïsant nourri de la fréquentation des œuvres de Bach la couleur tonale des deux derniers numéros, qui renoncent à tout ornement vocal ou pianistique pour porter plus distinctement la voix du musicien-poète, aux prises avec un monde d’où l’innocence s’en est allée.

Angèle Leroy

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BIOGRAPHIES

Matthias Goerne Londres () et New York création par le NSO d’œuvres de La renommée internationale de (Carnegie Hall) ainsi que des concerts Jörg Widmann, Osvaldo Golijov, ainsi Matthias Goerne fait de lui l’hôte avec l’Orchestre de Paris, l’Orchestre que divers programmes vocaux. régulier de nombreux festivals et lieux Philharmonique de Berlin et le San Les engagements de Christoph de concert majeurs. Engagé par de Francisco Symphony, sans oublier Eschenbach l’amènent à diriger d’autres grands orchestres du monde entier, de nombreux engagements avec la ensembles de renom comme les Wiener il est le partenaire recherché de chefs Staatsoper de Vienne dans les rôles Philharmoniker (lors d’une tournée d’orchestre de premier plan comme d’Amfortas, de Kurwenal et de . en Australie, au Japon, à Hong Kong d’éminents pianistes. Matthias Goerne En 2014-2015, Matthias Goerne se et Macao), le London Philharmonic s’est produit sur les principales scènes produira en récital de Lieder avec (à Londres et Oman, avec Yo-Yo Ma et d’opéra du monde comme Covent Piotr Anderszewski à Londres, Vienne et Renée Fleming), l’Orchestre de Paris, Garden, le Teatro Real de Madrid, Berlin, en concert avec le Philharmonia l’Orchestre Symphonique de la NDR de l’Opéra National de Paris, la Staatsoper Orchestra ( de Britten), Hambourg, l’Orchestre Philharmonique de Vienne et le de l’Orchestre Philharmonique Tchèque, de Munich et l’Orchestre de l’Académie New York. Cet artiste toujours soucieux le Chicago Symphony, le Hong Kong Nationale Sainte-Cécile de Rome. Aux du choix de ses rôles incarne Wolfram, Philharmonic (Wotan dans L’Or du États-Unis, outre ses concerts avec le Amfortas, Kurwenal, Wotan et Oreste Rhin en version concert) et en tournée National Symphony, il se produit en ainsi que le rôle-titre de Wozzeck d’Alban avec l’Orchestre Philharmonique tant que chef invité avec les orchestres Berg, du Château de Barbe-Bleue de de Vienne (Le Chant de la Terre de symphoniques de Boston et Houston Béla Bartók et de de Mahler). Matthias Goerne créera en mai ainsi que l’Orchestre de Philadelphie. . Le talent de Matthias 2015, avec l’Orchestre de Paris sous Il interprète par ailleurs les trois grands Goerne s’exprime également dans une la direction de Paavo Järvi et dans cycles de lieder de Schubert en récital à vaste discographie qui lui a valu de la nouvelle salle de la Philharmonie Paris avec Matthias Goerne. Enregistrant nombreuses récompenses, dont quatre de Paris, le Concerto pour voix et depuis cinq décennies pour divers grands nominations aux Grammy Awards et très orchestre de Marc-André Dalbavie, labels, Christoph Eschenbach possède récemment un International Classical œuvre dont il est le dédicataire. une discographie impressionnante aussi Music Award. Il est actuellement engagé bien comme chef d’orchestre que comme dans un projet d’enregistrement en Christoph Eschenbach pianiste. Son récent album consacré à onze disques d’une Édition Schubert Directeur musical du National Symphony Kaija Saariaho avec l’Orchestre de Paris chez harmonia mundi. De 2001 à 2005, Orchestra (NSO) et du John F. Kennedy et la soprano Karita Mattila a reçu en Matthias Goerne a enseigné comme Center for the Performing Arts de 2009 le Midem Classical Award dans professeur honoraire d’interprétation du Washington, Christoph Eschenbach est la catégorie Musique contemporaine. Lied à la Hochschule Robert Schumann régulièrement invité par les meilleures On notera également son enregistrement de Düsseldorf. En 2001, il a été nommé formations orchestrales et maisons audio et vidéo du cycle complet des membre honoraire de la Royal Academy d’opéra du monde entier. Sa saison symphonies de Mahler, disponible of Music de Londres. Né à , 2011-2012 a été jalonnée de temps forts, en téléchargement gratuit sur son il a étudié avec Hans-Joachim Beyer dont le projet Musique de Budapest, site. Avec pour mentors George Szell à Leipzig puis avec Elisabeth Prague et Vienne au Kennedy Center et Herbert von Karajan, la carrière Schwarzkopf et Dietrich Fischer-Dieskau. qui l’a impliqué en tant que chef, de Christoph Eschenbach l’a amené à Ces dernières saisons ont été pianiste et mentor. Il a dirigé le NSO occuper le poste de directeur musical marquées par divers temps forts pour neuf concerts sur six programmes de l’Orchestre de Paris (2000-2010), de comme des récitals de Lieder avec différents et donné des récitals avec l’Orchestre de Philadelphie (2003-2008), Christoph Eschenbach et Leif Ove Matthias Goerne et Dan Zhu. Cette du Festival de Ravinia (1994-2003), Andsnes à Salzbourg, Vienne, Paris, saison a également enregistré la de l’Orchestre Symphonique de la

7 NDR de Hambourg (1998-2004) et de l’Orchestre Symphonique de Houston (1988-1999). Il a également été directeur artistique du Festival du Schleswig-Holstein (1999-2002) ainsi que chef titulaire et directeur artistique de l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich (1982-1986). Décoré de la légion d’honneur, il est commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres, officier dans l’ordre du Mérite de la République Fédérale Allemande et commandeur de ce même ordre au vu de ses réalisations exceptionnelles. Il a reçu le Prix Leonard-Bernstein dans le cadre du Pacific Music Festival dont il a été codirecteur artistique de 1992 à 1998. : 1-1056849, 2-1056850, 3-105851 2-1056850, : 1-1056849, | Licences Repro imprimeur France

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