Introduction

Créer une nation de toutes pièces, une nation ad hoc, dont le contenu répond aux objectifs politiques de celui qui la met en avant et lui permet de légitimer sa position, n’a rien d’impossible. A partir du cas d’un jeune Etat indépendant depuis 1991, la République de Moldavie, nous verrons comment une telle nation peut se créer, comment elle peut évoluer et comment son contenu répond à certains impératifs du moment. En 2001, le parti des communistes de République de Moldavie (Partidul Comunistilor din Republica , pcrm) était le premier parti politique, qui se revendique explicitement de la continuité avec le communisme soviétique, à parvenir au pouvoir dans le monde postcommuniste depuis la chute de l’Union soviétique 1. Après deux mandats et une stabilité gouvernementale de huit années, l’année 2009 marqua un changement de pouvoir et le début d’une longue crise politique, symptôme d’une crise identitaire profonde du pays, de ses autorités et de ses habitants, qui passe ces dernières années entre autres par une lutte autour de symboles 2. En témoigne le démontage, il y a peu, de la statue de Lénine à Cotova, petit village du nord du pays, suite à la décision unanime du conseil municipal: « Notre pays a eu des seigneurs qui ont montré leur amour pour la patrie. Ce qu’a fait Lénine, ce n’est pas de l’histoire, c’est du poison », a précisé le conseiller à l’origine du vote qui a envoyé la statue de « l’idole bolchévique » au musée local. C’était sans compter sur la réprobation de certains villageois qui, réunis devant le socle vide, ont crié à l’« illégalité » de

1 L. March, « Power and Opposition in the Former . The Communist Parties of Moldova and Russia », Party Politics, 12/3, 2006, p. 342. 2 J. Danero Iglesias, « Moldavie : La crise politique en cache une autre », P@ges Europe, 10 septembre 2012 – La Documentation française © DILA, www.ladocumentationfrancaise.fr/ pages-europe (consulté en juillet 2013). 8 nationalisme et pouvoir en république de moldavie la décision et réclamé le retour de Lénine 3. A Donduseni, autre village du nord du pays, la statue du dirigeant bolchévique a été décapitée en mars 2012. Les vandales courent toujours ; ils risquent d’ailleurs tout au plus une amende, l’œuvre n’étant pas répertoriée au Registre national des monuments protégés par l’Etat 4. Mais Lénine trône encore dans le parc des expositions de la banlieue de Chisinau. Pourtant, en avril 2012, un groupe de vétérans de la guerre avec la Transnistrie avait annoncé sa ferme intention, dans les dix jours, de « creuser un trou, d’amener du ciment, du sable, de faire du béton, de le mettre en terre et de refermer » afin qu’il soit clair que « c’est là que gît Ilitch ». Sympathisants du pcrm et forces de l’ordre ont alors protégé la statue de celui que les vétérans qualifient de « terroriste numéro un » 5. Parallèlement, la lutte passe aussi par l’utilisation de symboles identitaires qui se font concurrence : ainsi, à Chisinau des membres de la Ligue de la Jeunesse russe ont l’habitude de distribuer des rubans tricolores de Saint-Georges, symboles de la lutte contre le fascisme, à l’occasion du 9 mai, date anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale en Union soviétique, puis en Russie. Au même moment, des membres de l’association Démocratie à la Maison distribuent d’autres rubans, aux couleurs du drapeau roumain cette fois 6. Autre exemple, certains districts tenus par les communistes brandissent volontiers ce qu’ils considèrent comme le « drapeau historique de la Moldavie » indépendante, qui reprend le blason moldave sur fond d’une bande rouge et d’une bande bleue, couleurs qu’aurait utilisées le héros national, Etienne le Grand, au Moyen Age. Dénué de toute valeur historique pour les autorités centrales, ce drapeau permet aux communistes d’exprimer leur « désobéissance civique » face à un pouvoir dont ils contestent la légitimité et de revenir aux valeurs qui, selon eux, ont toujours caractérisé la Moldavie. Dans le contexte d’un Etat indépendant depuis vingt ans à peine, on peut considérer tous ces éléments comme des manifestations, selon l’expression de Michael Billig, d’un « nationalisme banal » naissant, par lequel les représentations quotidiennes de la nation créent une solidarité et un sens d’appartenance imaginaire pour les membres d’une communauté 7. Les éléments qui constituent ce nationalisme banal aujourd’hui en Moldavie ne sont pas figés et sont sans cesse remis en question, comme le montrent les exemples que nous venons de citer. La définition du qui « nous » sommes, de quel

3 [s.a.], « Il vor pe Lenin înapoi (Ils veulent Lénine à nouveau) », Timpul, Chisinau, 28 septembre 2011 (consulté en septembre 2011) ; [s.a.], « Lenin demolat la Drochia si înlocuit cu Stefan cel Mare » (Lénine démoli à Drochia et remplacé par Etienne le Grand), Unimedia, Chisinau, 28 septembre 2011, www.unimedia.md (consulté en septembre 2011). 4 [s.a.] « « Calaii » lui Lenin, nepedepsiti (Les « bourreaux » de Lénine, impunis) », Jurnal.md, Chisinau, 28 mars 2012, www.jurnal.md (consulté en avril 2012). 5 I. Modiga, « Lenin a ramas in picioare (Lénine est resté sur pieds) », InfoPrut, Bucarest, 20 avril 2012, www.infoprut.ro (consulté en avril 2012) ; [s.a.] « Veteranii au venit sa distruga monumentul lui Lenin de la Moldexpo » (Les vétérans sont venus détruire le monument de Lénine de Moldexpo), Jurnal.md, Chisinau, 20 avril 2012, www.jurnal.md (consulté en avril 2012). 6 I. Papuc, « Panglica Sf. Gheorghe – o obraznicie a propagandei rusesti (Le ruban de Saint-Georges – une impertinence de la propagande russe) », Timpul, Chisinau, 19 avril 2011. 7 M. Billig, Banal Nationalism, Londres, Sage, 1995. introduction 9 est « notre » passé, de ce que « nous » voulons en faire, n’est pas simple aujourd’hui en Moldavie. Les autorités n’ont pas forcément la même conception du « nous » que la population et elles n’hésitent pas à l’imposer. Sur cette base, et au-delà de cette actualité récente, notre ouvrage se concentre sur les manifestations de ce nationalisme banal, mais pas seulement, car l’intention y est en effet de resituer la définition du « nous » moldave dans son contexte politique actuel. Notre objectif est d’étudier un nationalisme dans son ensemble et de déterminer comment certains acteurs le mobilisent. Ce nationalisme, qui a joué un rôle essentiel dans la Moldavie indépendante, est appelé « moldovénisme » ; il a dans un premier temps promu l’existence et l’indépendance d’une nation moldave distincte 8. C’était celui du pcrm que contestait les « roumanistes » qui, dans un premier temps aussi, niaient l’existence d’une nation moldave distincte et insistaient sur l’appartenance des Moldaves à la nation roumaine. Alors que la statue de Cotova a été démontée par une décision d’un conseil municipal composé de partis politiques à tendance « roumaniste », c’est le moldovénisme du pcrm qui est l’objet de notre ouvrage. Ce syntagme, « moldovénisme du pcrm », indique la perspective adoptée : étudier un nationalisme promu par un parti au pouvoir, observer comment et pourquoi ce parti met en avant une nation particulière, comment et pourquoi il construit discursivement une nation. En nous inspirant d’un auteur comme John Breuilly, qui voit dans le nationalisme une affaire de politique avant tout où l’objectif central des nationalistes est d’atteindre ou de conserver le pouvoir 9, nous cherchons à démontrer que la nation telle qu’esquissée par les nationalistes est un concept vide et flottant, une construction ad hoc qui répond à une série d’intérêts et de stratégies politiques circonstanciées. Cette construction est alors destinée à légitimer le positionnement de celui qui la valorise. Pour atteindre cet objectif, nous avons suivi une série d’étapes qui ne peuvent être dissociées et ne font sens que dans leur enchaînement. En postulant que le moldovénisme est un nationalisme, le premier chapitre évoque les théories du nationalisme en science politique. En suivant la classification des théories du nationalisme établie par Antoine Roger 10, nous nous intéressons à des auteurs comme Breuilly 11, Paul Brass 12, Craig

8 Le terme moldovénisme vient du terme moldovean signifiant « moldave » en roumain. « Moldovénisme » se dit Moldovenism en roumain. En anglais, on rencontre les formes « moldovanism » ou « moldovenism » dans la littérature ; en français, on trouve parfois la forme « moldovanisme » mais nous lui préférons une forme calquée du roumain. 9 J. Breuilly, Nationalism and the State, 2e éd., Chicago, The University of Chicago Press, 1994. 10 A. Roger, Les grandes théories du nationalisme, Paris, Armand Colin, 2001. 11 J. Breuilly, op. cit. 12 P. Brass, Ethnicity and Nationalism. Theory and Comparison, New Delhi, Sage, 1991. 10 nationalisme et pouvoir en république de moldavie

Calhoun 13, Guy Hermet 14, Liah Greenfeld 15, Eric Hobsbawm 16 ou Rogers Brubaker 17 qui conçoivent le nationalisme comme un instrument de légitimation politique. Dès lors, définissant le nationalisme comme un discours et une construction discursive qui autorisent la légitimation de certains acteurs, nous avons défini une méthode qui permet d’analyser ce nationalisme concrètement aujourd’hui. Nous l’empruntons à l’analyse critique de discours, et en particulier à celle pratiquée par Ruth Wodak, Rudolf de Cillia, Martin Reisigl et Karin Liebhart qui ont déconstruit le discours sur la nation en Autriche 18 selon une approche « discurso-historique » 19, qui lie le discours au contexte dans lequel il s’inscrit. Sur ces bases, les deuxième et troisième chapitres de notre ouvrage analysent historiquement la naissance du moldovénisme et le resituent dans le contexte de la République de Moldavie actuelle. Plutôt qu’une simple mise en contexte, ces chapitres décrivent comment différents projets nationaux ont été mis en avant en Moldavie avant l’indépendance de la République en 1991 et comment ils ont influencé la situation actuelle caractérisée par la montée en puissance d’un projet national particulier. Ce contexte problématisé repose donc sur le cadre théorique qui constitue le premier chapitre de notre ouvrage et permet de jeter les bases de la recherche empirique : ces deux chapitres montrent en effet comment le moldovénisme a pris de l’importance dès l’indépendance de la République de Moldavie et donné le ton à la politique nationale du pcrm entre 2001 et 2009. La recherche empirique au cœur de notre ouvrage est liée à la construction discursive de la nation dans le discours moldovéniste. Ce discours est celui des autorités moldaves après l’indépendance, le pcrm, au pouvoir entre 2001 et 2009, qui apparaît comme le « champion du moldovénisme » 20, c’est-à-dire comme le parti qui a redonné vigueur à ce nationalisme et lui a donné une force particulière. Plus spécifiquement, la recherche empirique reprend deux cas particuliers dans deux chapitres distincts. Dans le chapitre iv, nous déconstruisons les discours prononcés par Vladimir Voronine, figure emblématique du pcrm et président de la république entre 2001 et 2009. Dans le chapitre v, nous étudions cette construction au cours d’une campagne électorale en 2009 à partir de la communication du pcrm. Comme ce moldovénisme est contesté, voire dénoncé comme grossier par certains, chacun de ces chapitres empiriques compare le discours moldovéniste au

13 Cr. Calhoun, Nationalism, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1997. 14 G. Hermet, Histoire des nations et du nationalisme en Europe, Paris, Le Seuil, 1996. 15 L. Greenfeld, Nationalism. Five Roads to Modernity, Cambridge, Harvard University Press, 1992. 16 E. Hobsbawm, Nations and Nationalism since 1780. Programm, Myth, Reality, Cambridge, Cambridge University Press, 1990. 17 R. Brubaker, Nationalism Reframed. Nationhood and the national question in the New Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1996 18 R. Wodak, R. De Cillia, M. Reisigl et K. Liebhart, The Discoursive Construction of National Identity, 2e éd., Edimbourg, Edinburgh University Press, 2009. 19 M. Meyer, « Between theory, method, and politics : positioning of the approaches to cda », in R. Wodak et M. Meyer (éd.), Methods of Critical Discourse Analysis, Londres, Sage, 2001, p. 22. 20 L. March, « From Moldovanism to Europeanization ? Moldova’s Communists and Nation Building », Nationalities Papers, 35/4, 2007, p. 601-602. introduction 11 discours de ceux qui le contestent. Ainsi, le chapitre iv compare les discours du président Voronine à ceux de Mihai Ghimpu, figure emblématique du roumanisme actuel en Moldavie et président intérimaire de la république entre 2009 et 2010. Le chapitre v compare la communication électorale du pcrm avec celle de l’ensemble des partis politiques en compétition. Nous montrons ainsi comment le pcrm construit discursivement la nation et comment il peut légitimer sa position dans le contexte de la Moldavie des années 2000. Dans le cas d’une recherche sur le nationalisme, la Moldavie actuelle présente un intérêt scientifique certain, lié à une « concentration » 21 de problèmes posés par le passage vers l’économie de marché et à la construction de nouvelles institutions démocratiques, mais aussi en raison de questions relatives à l’identité de sa population, au régime séparatiste de Transnistrie, à son orientation géopolitique, etc. 22. Tous ces sujets se retrouvent en filigrane dans notre ouvrage mais nous ne les étudions pas tous en profondeur et nous nous concentrons sur cette identité nationale contestée dans une approche particulière. Au-delà de l’actualité du problème, l’intérêt d’étudier la question nationale en République de Moldavie aujourd’hui se base avant tout sur le constat suivant : l’intérêt pour la Moldavie en général passe, dans la littérature scientifique surtout, par une étude de la Transnistrie et d’un conflit gelé et peu d’auteurs s’intéressent à une problématique interne. Plaque-tournante supposée de toutes sortes de trafics, la Transnistrie aujourd’hui se révèle un sujet d’étude souvent bien plus attrayant scientifiquement que la République de Moldavie en tant que telle 23 : ce « musée du communisme », cette « République socialiste soviétique zombie », ou cette « dernière colonie de Staline » 24 paraît en effet assez exotique face au « pays le

21 J.-M. De Waele et C. Zgureanu-Guragata, « La Moldavie : Un cas exemplaire des difficultés de la Transition post-soviétique », in J.-M. De Waele et C. Zgureanu-Guragata (éd.), « La Moldavie entre deux mondes ? », Transitions, XV/2, 2006, p. 11. 22 Ibid. 23 Voir par exemple N. Cojocaru et S. Suhan, « . The Socio-Ideological Context of Invented Identities », in J.-M. De Waele et C. Zgureanu-Guragata (éd.), op. cit., p. 153-171 ; B. Coppieters et al., Europeanization and Conflict Resolution. Case Studies from the European Periphery, Gand, Academia Press, 2004 ; B. Coppieters, « Form and Content in Soviet and Post-Soviet Nationality and Regional Policies », in M. Waller, B. Coppieters et A. Malashenko (éd.), Conflicting Loyalties and the State in Post-Soviet Russia and Eurasia, Londres, Frank Cass, 1998, p.12-32 ; F. Parmentier, « Construction étatique et capitalisme de contrebande en Transnistrie », in J.-M. De Waele et C. Zgureanu-Guragata (éd.), op. cit., p. 135-152 ; N. Popescu, « Europeanization and conflict resolution : a view from Moldova », Journal on Ethnopolitics and Minority Issues in Europe, 5/1, 2004, p. 1-17. 24 S. Tröbst, « « We are Transnistrians ! » : Post-Soviet Identity Management in the Dniester Valley », Ab Imperio, 1, 2003, p. 437-466. 12 nationalisme et pouvoir en république de moldavie plus pauvre d’Europe » 25, pays encore moins connu du grand public que la Syldavie 26. D’aucuns étudient aussi la Moldavie dans le prisme de ses relations extérieures avec l’Union européenne et la Fédération de Russie 27. Transnistrie, Union européenne et Russie représentent alors les thèmes principaux de la recherche sur la Moldavie. La vie politique interne de la Moldavie a suscité cependant plusieurs études sur les sujets mentionnés plus haut : des études sur le clivage structurant la vie politique 28, sur le pcrm 29, sur la langue moldave dans ses relations avec la langue roumaine 30, sur l’identité nationale 31. De plus, la littérature en langue roumaine ou russe abonde sur ces thèmes 32. Notre étude présente se sert de ces recherches antérieures mais elle

25 Par rapport à ce cliché, sur internet dans un forum, à la question « Quel est le pays le plus pauvre d’Europe ? », la réponse d’un internaute est sans appel : « La Moldavie. Coincée entre l’Ukraine et la Roumanie, sans accès à la mer Noire, et avec une région qui veut faire sécession : la Transnitrie. Des siècles d’oppression russe, turque, autrichienne... Un pays magnifique ! ». Voir les questions/réponses de Yahoo : fr.answers.yahoo.com/question/ index?qid=20110529020133AAHnDaL (consulté en septembre 2011). 26 Pays imaginaire d’Europe de l’Est dans les albums de Tintin. 27 Voir par exemple B. Buduru et D. Popa, « Moldova : Country at a Crossroads », in J.-M. De Waele et C. Zgureanu-Guragata (éd.), op. cit., p. 171-190 ; C. King, « Marking Time in the Middle Ground : Contested Identities and Moldova Foreign Policies », Journal of Communist Studies and Transition Politics, 19/3, 2003, p. 60-82 ; O. Marinescu, « Between and Russia : A Map of Chisinau’s Diplomatic Discourse », Romanian Journal of Society and Politics, 3/1, 2003, p. 165-191 ; C. Neukirch, « Moldovas Eastern Dimension », in A. Lewis (éd.), The eu and Moldova. On a Fault-line of Europe, Londres, The Federal Trust, 2004, p. 133-143 ; W. Van Meurs, « La Moldavie ante portas : les agendas européens de gestion des conflits et l’initiative « Europe élargie », La revue internationale et stratégique, 54, 2004, p. 141-151. 28 Voir par exemple C. Guragata, « Le discours politique « nationaliste » et son rôle dans la formation des partis politiques en République de Moldavie après 1991 », in J.-M. De Waele et C. Zgureanu-Guragata (éd.), op. cit., p. 91-109 ; L. Way, « Weak States and Pluralism : The Case of Moldova », East European Politics & Societies, 17/3, 2003, p. 454-482. 29 Voir par exemple L. March, « Power and Opposition ». 30 Voir par exemple M. Bruchis, One step back, two steps forward : on the language policy of the Soviet Union in the National Republic (Moldavian : a look back, a survey, and perspectives, 1924-1980), Boulder, East European Monographs, 1982 ; M. Ciscel, « A separate ? The Sociolinguistics of Moldova’s Limba de Stat », Nationalities Papers, 34/5, 2006, p. 575-597. 31 Voir par exemple M. Cazacu et N. Trifon, Un Etat en quête de nation. La République de Moldavie, Paris, Non Lieu, 2010 ; N. Dima, From to Moldova : The Soviet Romanian Territorial Dispute, Boulder, East European Monographs, 1991 ; J. Eyal et Gr. Smith, « Moldova and the », in Gr. Smith (éd.), The Nationalities Question in the Post-Soviet States, New York, Longman, 1996, p. 223-244 ; C. King, The Moldovans. Romania, Russia and the Politics of Culture, Stanford, Hoover Institution Press, 2000 ; M. Schrad, « Rag Doll Nations and the Politics of Differentiation on Arbitrary Borders : and Moldova », Nationalities Papers, 32/2, p. 457-496. 32 De nombreux auteurs étrangers sont traduits en roumain, comme K. Heitmann, Limba si politica în Republica Moldova (Langue et politique en République de Moldavie), Arc, Chisinau, 1998 ou contributeurs à l’ouvrage collectif : M. Heintz (coord.), Stat slab, cetatenie incerta. Studii despre Republica Moldova (Etat faible, citoyenneté incertaine. Etudes au sujet de la introduction 13 s’en démarque dans les chapitres empiriques. En effet, une étude systématique de la construction discursive de la nation dans la Moldavie des années deux mille n’a jamais été effectuée. Luke March analyse le discours moldovéniste du pcrm en lien avec un discours pro-européen 33 ; Stela Suhan fait de même pour le discours qui a permis au pcrm d’accéder au pouvoir 34 ; d’autres ont analysé en profondeur l’insistance moldovéniste sur une langue moldave singulière ainsi que le tour moldovéniste donné à des manuels d’histoire 35. Mais aucune étude n’a, à ce jour, été publiée selon la méthode et les données proposées ici. Enfin, et surtout, ce processus de construction discursive d’une nation, afin de légitimer un parti au pouvoir, permet d’analyser et de comprendre des processus identiques déjà mis en œuvre au xixe siècle dans d’autres régions du monde. En effet, même si l’étude de cas est limitée ici dans le temps et se fait selon des données particulières, la façon dont le discours de certains acteurs construit la nation moldave aujourd’hui, n’est pas forcément différente de la façon dont se sont construites les nations belge, française, allemande ou italienne. Malgré des différences majeures de contexte, une dynamique similaire apparaît et le processus analysé aujourd’hui dans le cas moldave peut donner des clefs pour comprendre la formation d’autres nationalismes et d’autres nations ainsi que leurs implications. En reliant un nationalisme actuel à un processus récurrent, nous pouvons apporter de nouveaux éléments de réflexion théorique quant au nationalisme en général et montrer que le moldovénisme et sa nation moldave ad hoc participent d’un nationalisme banal dont les caractéristiques le sont moins.

République de Moldavie), Bucarest, Curtea Veche 2007. Parallèllement, et de manière plus importante, de nombreux auteurs moldaves et roumains se sont penchés sur ces questions, au point qu’en Moldavie, certains chercheurs considèrent que la thématique de la question nationale moldave est un « sujet mort » en Moldavie, sur lequel « tout a déjà été dit ». 33 L. March, « From Moldovanism to Europeanization ? ». 34 S. Suhan, « Le parti des communistes de la République de Moldavie. Mémoire communiste du communisme et identité politique (2000-2004), in J.-M. De Waele et C. Zgureanu-Guragata (éd.), op. cit., p. 111-134. 35 Voir par exemple E. Anderson, « Backward, Forward, or Both ? Moldovan Teachers’ Relationships to the State and Nation », European Education, 37/3, 2005, p. 53-67 ; E. Anderson, « Formarea Patriotilor sau a cetatenilor democrati. Predarea istoriei si provocarile sistemului educational pentru cetatenie în Republica Moldova (La formation des patriotes ou des citoyens démocrates. L’enseignement de l’histoire et les provocations du système d’enseignement pour la citoyenneté en République de Moldavie) », in M. Heintz (coord.), op. cit., p. 215- 230 ; E. Anderson, « « They are the priests » : the role of the Moldovan historian and its implications for civic education », Compare, 37/3, 2007, p. 277-290 ; S. Ihrig, « Discursul (ne) civic si nemultumirile exprimate de el (Le discours (non-)civique et les mécontentements qu’il exprime) », in M. Heintz (coord.), op. cit., p.191-214 ; S. Musteata, « Identitatea nationala între istorie si politica (L’identité nationale entre histoire et politique) », in M. Heintz (coord.), op. cit., p.175-190 ; V. Solonari, « Narrative, Identity, State : History Teaching in Moldova », East European Politics & Societies, 16, 2002, p. 414-445 ; S. Roper, « The Politicization of Education : Identity Formation in Moldova and Transnistria », Communist and Post- Communist Studies, 38/4, 2005, p. 501-514 ; W. Van Meurs, « Carving a Moldovan Identity out of History », Nationalities Papers, 26/1, 1998, p. 39-55.