Steven D. Levitt et Stephen J. Dubner, Superfreakonomics, Edition Denoël (traduction française), Collection Folio Actuel, 2010 (édition originale : 2010)

Dans Superfreakonomics, la suite de leur premier ouvrage , Stephen D. Levitt, professeur d’économie à et Stephen J. Dubner, journaliste au New York Times souhaitent s’intéresser à la microéconomie. Il ne s’agit pas ici d’expliquer l’inflation, la récession ou les chocs financiers comme le fait la macroéconomie, mais bien de de chercher à comprendre les choix faits par les individus : ce qu’ils achètent, le nombre de fois où ils se lavent les mains, ou s’ils deviennent ou non terroristes. Les deux auteurs partent d’une hypothèse simple : les êtres humains ne font qu’obéir aux incitations, et celle-ci se vérifie dans de nombreux exemples de la vie quotidienne.

Introduction : les zones d’ombre de l’économie

De manière à priori surprenante, et Stephen Dubner commencent par expliciter trois exemples : d’abord ils montrent, que statistiquement, un piéton ivre risque huit fois plus d’être tué qu’un conducteur ivre. Ils abordent ensuite la situation difficile des femmes en Inde et affirment, d’après les résultats obtenus par Oster et Jensen, que c’est la télévision qui, en tant que « premier contact avec l’extérieur » pour de nombreux villageois, aurait permis d’améliorer la condition des femmes en Inde, et que même les « préférences décalées » (terme utilisé par les économistes pour montrer la différence entre la façon dont les gens disent se comporter et celle dont ils se comportement vraiment) attestent de cette évolution. Enfin, ils s’intéressent au problème du crottin de cheval dans les villes du début du XXème siècle, lequel, bien qu’utilisé dans le commerce, est devenu très problématique en ville, et a même donné lieu à des conférences d’urbanisme.

Le problème du crottin de cheval, les conséquences non voulues de la télévision en Inde, et le risque à marcher en état d’ivresse ont tous un aspect économique : ils sont une illustration de l’ « approche économique », expression de Gary Becker. Comme Levitt et Dubner, Becker avait étudié au début de sa carrière des sujets qui ne paraissaient pas avoir de lien avec l’économie (le crime, l’addiction aux drogues…). Mais pour cet économiste qui a renoncé à l’idée d’un homo oeconomicus, le comportement des individus est commandé par un ensemble de valeurs et de préférences. L’approche économique n’est pas un moyen mathématique d’expliquer l’économie, mais un moyen d’observer le monde différemment, de comprendre comment les gens prennent leurs décisions et comment ils changent d’avis. En plus, l’approche économique permet d’envisager le monde tel qu’il est vraiment, sans y introduire des préjugés favorables ou défavorables. C’est finalement comprendre les vraies motivations des individus.

Il est alors nécessaire de réduire des comportements à de froids calculs de probabilités, pour établir le « personnage type ». A ceux qui s’en plaindront, Levitt et Dubner répondent : « Si toute règle comporte des exceptions, il est néanmoins bon de connaître la règle, […], de savoir quelle est la valeur de référence » (page 37).

I. Quel est le point commun entre une prostituée et un père Noël de grands magasins ?

Aujourd’hui encore, les femmes gagnent toujours moins que les hommes (30% de moins aux Etats-Unis aujourd’hui) : on peut y voir le résultat d’une discrimination de genre, comme le résultat d’une inégalité de motivation, les femmes abandonnant plus souvent leur travail que les hommes pour s’occuper de leurs enfants. Pourtant, il existe un secteur d’activité dans lequel elles sont dominantes : la prostitution. Certes, les prostituées gagnaient plus il y a un siècle que maintenant, et cela est largement dû à la loi de l’offre et de la demande. Les politiques mises en place à l’époque (telle que la loi faisant de la prostitution un délit) n’ont fait que la renforcer : la demande toujours aussi importante a entraîné la rareté du service, ce qui a aussitôt fait augmenter les prix. Si la rémunération des prostituées a ensuite baissé, c’est parce que l’offre a chuté : avec l’évolution des mœurs, les relations sexuelles non marchandes préconjugales ou extraconjugales, ont progressées.

En tout cas, une étude sur la prostitution demande des données, lesquelles sont plus ou moins difficiles à obtenir : les témoignages des prostituées peuvent être fortement biaisés. Les méthodes traditionnelles se révèlent donc peu utiles. Ventakesh, chercheur en sociologie, a décidé d’utiliser une démarche différente : la collecte des données en temps réel, par l’intermédiaire d’enquêteuses qui observaient les transactions puis questionnaient les prostituées afin d’obtenir des variables précises (informations sur le client, sa couleur de peau, le prix et le lieu du service, etc.). Il en résulte un portrait type de la prostituée de Chicago : celle-ci travaille 13 heures par semaine et gagne 27 dollars par heure. On pourra aussi voir que la prostitution est géographiquement très concentrée, et que la proportion de prostituées aujourd’hui a fortement baissé.

Ventakesh montre par ailleurs que les prostituées pratiquent une discrimination sur les prix : un client noir paiera moins cher qu’un client blanc, en particulier parce qu’elles recourent à des stratégies différentes selon la couleur de peau du client (donner directement le prix ou demander d’abord). De même, les tarifs ont évolué (et surtout baissé) avec les pratiques sociales, certaines pratiques sexuelles devenant plus ou moins courantes. La présence ou non d’un proxénète joue également sur les prix : lorsque Ventakesh s’y est intéressé, il a déjà montré que les proxénètes ont affaire à une clientèle différente de celles des prostituées indépendantes. Ensuite, le prix sera plus élevé pour le client, et le salaire plus élevé pour la prostituée, avec le bénéfice de la sécurité et de la neutralité de la police en plus (les services d’un proxénète sont donc plus rentables que ceux d’un agent immobilier, comme le souligne Levitt et Dubner).

En fait, c’est une grande diversité de variables qui influent sur les prix : type de prestation, caractéristiques du client, lieu de consommation, présence d’un proxénète, et surtout, la demande.

Quel est donc le point commun entre une prostituée et un père Noël de grand magasin ? Les deux profitent des offres d’emploi saisonnières liées au pic de la demande (en particulier pendant les périodes de congé). Ainsi, comprendre la loi de l’offre et de la demande dans le secteur de la prostitution, c’est à coup sûr y trouver la source d’une richesse inespérée, comme Allie, qui a abandonné son poste d’informaticienne pour devenir « escort-girl ».

II. Pourquoi souscrire une assurance-décès quand on s’apprête à commettre un attentat suicide ?

La science a déjà montré le rôle du ramadan (les femmes enceintes qui jeunes ont plus de chance de voir leur enfant déficient visuellement ou auditivement), du prénom (un individu avec un prénom qui commence par « a » a plus de chance de réussir qu’un autre qui commence par « z »), ou de la date de naissance (être né en fin d’année peut se révéler être très handicapant pour intégrer une junior league) sur la destinée sociale de l’individu. Pourrait- on de la même manière déterminer des variables favorisant un individu à devenir terroriste ?

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’économiste Alain Krueger montre que les terroristes sont moins nombreux à provenir d’une famille pauvre et plus nombreux à avoir fait des études secondaires que l’ensemble de la population libanaise. Les terroristes étant extrêmement peu nombreux, il est difficile de les mettre hors d’état de nuire. Ian Horsley, programmateur, a pourtant pu mettre au point un programme informatique destiné à traquer les terroristes : l’algorithme se fonde sur un certain nombre de variables (la possession d’un téléphone portable, être locataire plutôt que propriétaire, la probabilité d’avoir un compte d’épargne), ainsi qu’une variable tenue secrète, qui mesure l’intensité d’un comportement bancaire particulier. Au Royaume-Uni, Horsley a ainsi pu obtenir une liste de 30 individus hautement suspects.

L’efficacité du terrorisme repose sur le fait que les coûts sont supportés par tous, et pas seulement les victimes directes (crainte de nouveaux attentats, pertes de liberté et de temps dans les aéroports, etc.) : ainsi, les conséquences des attentats du 11 septembre 2001 ont été plus importantes qu’il n’y parait. § D’abord ils ont provoqué une plus forte réticence à prendre l’avion et de nombreux cas de stress post- traumatiques, d’où… une augmentation des accidents de la route. § Ensuite, ils ont forcé à détourner de nombreux financements de leurs objectifs initiaux ; § Ils ont posé le problème de la capacité d’accueil des services d’urgences des hôpitaux, ce qui a aussi permis de les améliorer. En particulier, Craig Feied et Mark Smith ont décidé de réorganiser le service des urgences du Washington Hospital Center, et la seule façon d’améliorer les soins était d’améliorer les flux d’informations. Des enquêtes (et notamment la collecte des données en temps réel) ont été réalisées et ont montré que les médecins consacraient 60% de leurs temps à la gestion de l’information, et seulement 15% à leurs patients. Feied et Smith ont ainsi mis au point un système encyclopédique, puissant, modulable et ultrarapide, Azyxxi, qui a permis de faire passer le service des urgences du WHC de la dernière place du classement de la région à la première. Le système a ensuite été racheté par Microsoft et est rapidement devenu la norme dans tous les hôpitaux.

Ce qui nous amène à la difficile mesure de la compétence médicale : la mesure est complexe parce les malades ne sont mis en relation de façon aléatoire avec les médecins, et que l’impact des décisions d’un médecin n’est parfois décelable qu’après un laps de temps plus ou moins long. Pour étudier l’efficacité d’un médecin urgentiste, la mesure de l’évolution de l’état de santé selon le médecin traitant semble la plus efficace… Plus encore, ce qu’il faudrait vraiment, c’est mener une expérience contrôlée, visant à aiguiller chaque patient vers un médecin pris au hasard (même si celui n’a pas les compétences pour la maladie en question). Mais en fait, au vu des résultats, la compétence médicale dépend du fruit du hasard, en particulier des maladies, mortelles ou non, à soigner. Pour autant, on peut quand même distinguer, selon Levitt et Dubner, des médecins meilleurs que d’autres : et les meilleurs médecins sont une forte probabilité d’avoir fait leurs études dans l’une des meilleures universités et d’avoir été internes dans un hôpital réputé. Finalement, le médecin est un facteur important dans le traitement de la maladie, mais le type d’affection, le sexe et le niveau de revenu sont aussi des facteurs importants.

Comme tout être humain, les médecins répondent aussi à des incitations, dont bien sûr, le profit. C’est pourquoi nombreux médicaments sont prescrits, par exemple contre le cancer, alors qu’ils sont strictement inutiles voire nocifs. Pour vivre plus longtemps, il faudrait plutôt éviter les médecins (une étude a montré une chute de la mortalité lorsque des médecins partaient en congrès ou étaient en grève), recevoir un prix Nobel, ou être un élu du Baseball of Fame…

III. De l’apathie à l’altruisme, et inversement

Lorsque Kitty Genovese a été assassiné en 1964, sous les yeux de témoins qui n’auraient pas appelé la police, la question s’est posée de savoir si les êtres humains étaient toujours soumis à l’ « effet badaud », et plus globalement, s’ils étaient naturellement antipathiques. Les économistes ont d’abord recherché les facteurs qui ont favorisé la la délinquance à cette époque : en vérité, cela demanderait des expériences grandeur nature tout bonnement irréalisables. Mais on peut envisager que le système pénal (avec la baisse des rations d’arrestation), le baby-boom entre 1960 et 1980, et l’apparition de la télévision, ont entrainé une hausse de la délinquance. Mais en vérité, l’affaire Kitty Genovese ne se serait pas déroulée comme elle a été racontée dans les journaux : il semble qu’il n’y ait eu que très peu de témoins oculaires (et en plus la vision était mauvaise de nuit), et que quelque uns d’entre eux aient effectivement appelé la police, mais pour une querelle de ménage, pas pour un meurtre.

C’est à cette époque que Gary Becker a cherché à comprendre les valeurs que les individus reliaient à leurs choix. Ainsi, l’altruisme est, comme toute action humaine, guidée par des incitations : l’altruisme peut même être une stratégie – dans l’espérance d’un héritage par exemple. L’altruisme a particulièrement intéressé les économistes, puisqu’il remet en cause l’homo oeconomicus rationnel. Les expériences visant à étudier l’altruisme ont souvent pris la forme de jeux, comme le Dilemme du Prisonnier de John Nash, devenu ensuite Ultimatum. Le but est le suivant : un joueur reçoit 20 dollars, et a le choix d’en donner une partie ou non au deuxième joueur. La probabilité la plus forte que le premier joueur partage la somme moitié-moitié, ce qui ne correspond pas à l’attitude rationnelle : garder tout pour soi. On observe aussi cet altruisme dans le don de rein : bref, pour l’économie comportementale qui se développe alors, l’être humain était programmé pour être altruiste.

John List est un de ces adeptes de l’économie comportementale, mêlant économie traditionnelle et psychologie. Celui-ci a tenté d’autres expériences : pour l’une d’entre elles, un acheteur devait dire combien il était disposé à payer pour une vignette de baseball, et le vendeur remettait à l’acheteur une vignette supposé correspondre au prix proposé. Lorsque vendeurs et acheteurs étaient observés par John List, les individus respectaient globalement les prix ; en revanche, lorsqu’ils n’étaient directement observés, les vendeurs escroquaient les acheteurs à souhait. John List s’est ainsi mis à douter que l’altruisme soit vraiment inné chez l’homme. Pour trancher, il a proposé des versions différentes d’Ultimatum : si le premier joueur avait le droit de prendre de l’argent au deuxième joueur, en plus de pouvoir lui en donner, dans la majorité des cas il ne donnait rien. Et si, dans une dernière version, l’argent n’était pas donné mais gagné par les joueurs, le premier joueur ne donnait ni ne prenait de l’argent, par honnêteté. Bien sûr, il faut voir ici que les expériences de laboratoire ne correspondent pas forcément à la réalité (à part peut-être la dernière version d’Ultimatum), notamment parce qu’il existe un biais de sélection et un biais d’observation qui modifient les comportements : ne pas passer pour un être mesquin, aider l’enquêteur en lui fournissant les conclusions auxquels il veut justement aboutir. Finalement, John List montre que de nombreux actes qui paraissent altruistes ne le sont pas en réalité.

IV. Simple et bon marché : quand la solution est à portée de main

Levitt et Dubner donnent plusieurs exemples de « solutions simples et bon marché » trouvés au cours de l’histoire : contre la fièvre puerpérale provoquée par l’inoculation de particules cadavériques, les médecins avaient obligation de se laver les mains avec de l’hypochlorite de calcium mélangé à de l’eau. Pourtant, arrogance et déficit de perception jouent encore beaucoup sur le nombre de fois où les médecins se lavent les mains : le lavage plus fréquent des mains des médecins requiert encore toutes sortes d’incitations, des messages courtois aux véritables incitations financières (bons d’achat, etc.) Quant à la révolution agricole au milieu du 19ème siècle, elle a été permise par un engrais bon marché : le nitrate d’ammonium. De même, le pétrole a permis de succéder à une ressource qui se faisait rare : l’huile de baleine. La polio a été éradiquée par un simple vaccin, et le risque d’accidents en voiture a été contré par l’invention de Robert Strange McNamara : la ceinture de sécurité – celle-ci a réduit le risque mortel d’accidents de 70%. Il a ensuite été inventé l’airbag, et les sièges surélevés pour les enfants. Certes, toutes ces inventions ne sont pas simples et bon marché : la recherche du vaccin contre la polio a été longue et difficile, et les sièges pour enfants ne sont ni simples, ni bon marché. Sont-ils en plus de cela si nécessaire ? Steven Levitt et Stephen Dubner ont voulu vérifié si la ceinture de sécurité seulement ne suffisait pas, et ont réalisé des crash tests : finalement, le siège surélevé permet uniquement d’éviter des blessures légères par rapport à la ceinture. D’autres problèmes paraissent n’avoir aucune solution simple et bon marché : c’est le cas des catastrophes naturelles, et en particulier des ouragans. Pourtant, un chercheur et ses collègues semblent avoir trouvé une solution très simple visant à dissiper l’énergie thermique avant qu’elle ne s’accumule et se transforme plus tard en ouragan : un flotteur qui repousse l’eau chaude de la surface dans les eaux plus profondes. En outre, le système pourrait aussi permettre de restaurer l’équilibre écologique des océans.

On voit donc que chaque nouvelle invention répond à des incitations.

V. Quel est le point commun entre Al Gore et le mont Pinatubo ?

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le monde craignait en 1970, non pas le réchauffement climatique, mais le refroidissement de la planète. Aujourd’hui, la menace est complètement inverse. Elle serait en majeure partie due aux activités humaines (émission de gaz à effet de serre par les véhicules, centrales, etc.) mais aussi aux ruminants de la planète, et à des effets naturels. Ces différentes raisons, l’impossibilité de procéder à des expériences et l’incertitude qui entoure le phénomène font du réchauffement climatique un problème complexe. Pour Levitt et Dubner, il ne s’agit pas de tomber dans la religion anti-émission de gaz à effet de serre. Finalement, le réchauffement de la planète est une externalité de notre consommation et l’on ne peut pas avec certitude désigner un coupable qui internaliserait ces externalités. , un groupe de chercheurs (qui ont notamment eu l’idée des flotteurs avant-ouragans) ont réfléchi au problème du changement climatique. Pour eux, si le réchauffement climatique est une réalité et si l’homme y est bien pour quelque chose dedans, en revanche la rhétorique du changement climatique est trop simpliste et exagérée : le secteur des transports par exemple, ne serait responsable que d’un quart des émissions de gaz à effet de serre, et les modèles climatiques sont beaucoup trop rudimentaires. En outre, le principal gaz à effet de serre n’est pas le C02, mais la vapeur d’eau ; et planter des arbres ne ferait qu’empirer la situation…

Il existerait de nouveaux moyens de combattre le réchauffement climatique. L’un est fondé sur les conséquences d’une éruption volcanique en 1991, lorsque le volcan Pinatubo s’était réveillé et, dans une immense éruption, avait projeté du souffre dans la stratosphère. L’une des conséquences avait été la baisse des températures sur Terre. Les chercheurs d’Intellectual Ventures ont ainsi eu l’idée d’un gigantesque tuyau maintenu par des ballons d’hélium, qui injecterait du souffre dans la stratosphère, comme un volcan, pour refroidir la Terre : il se formerait la « couverture de Budyko ». Ce serait ainsi la géo-ingénierie qui stabiliserait le climat. Bien sûr, l’immense « tuyau vers le ciel » pourrait engendre des problèmes : il pourrait entrainer des guerres ou être une excuse pour polluer davantage. Une solution serait alors de rallonger les cheminées de centrales disposées à des endroits stratégiques dans le but de diffuser le souffre dans la stratosphère, ou encore, de favoriser la création de nuages océniques qui réfléchiraient les rayons solaires et refroidirait la Terre.

Quel est donc le point commun entre Al Gore, célèbre défenseur de la planète, voulant à tout prix réduire les émissions de gaz à effet de serre et acteur du film The Inconvenient Truth, et le mont Pinatubo ? Chacun proposent une méthode pour réduire le réchauffement climatique, mais leurs méthodes sont bien éloignées pour ce qui est du rapport coût/efficacité.

Epilogue : les singes sont des humains comme les autres

Keith Chen a réalisé une expérience sur des singes pour voir s’ils pouvaient utiliser de l’argent. Le chercheur a d’abord enseigné aux singes la valeur de l’argent (une pièce correspondait à un certain nombre de friandises). Lorsqu’il a fait varier les prix, les singes ont réagi de manière rationnelle : quand le prix d’une friandise augmentait, les singes en achetaient moins ; quand le prix baissait, ils en achetaient plus. Mais les singes étaient aussi capables d’un comportement irrationnel : confronté à un jeu de pile ou face, dans lequel un chercheur donnait un grain de raisin en cas de défaite ou en rajoutait un en cas de victoire, et un autre chercheur donnait deux grains de raisin en cas de victoire, et en ôtait un en cas de défaite, les singes manifestaient une préférence pour le premier chercheur. En d’autres termes, ils souffraient, comme les humains, d’une « aversion pour la perte ». Un autre évènement est survenu quelque temps après : un hold-up, au cours duquel un singe s’est emparé de monnaie sans acheter de friandises (il a ensuite fallu les soudoyer pour récupérer la monnaie). Les chercheurs ont enfin assisté à la naissance de la prostitution chez les singes. Pour ne pas détruire les structures sociales des singes, les expériences ont ensuite été arrêtées. En tout cas, elles montrent que les singes ne sont pas si différents des humains et qu’ils peuvent manier la monnaie comme eux.

Conclusion : à travers ces différents exemples, Steven Levitt et Stephen Dubner ont essayé de comprendre les choix faits par les individus, comme Gary Becker avait déjà commencé de le faire avant eux. Cette recherche des motivations d’un individu ne s’applique pas seulement à la consommation, mais aussi aux formes de prostitution, au choix de devenir terroriste ou non, de trouver une solution au réchauffement climatique, ou encore d’adopter une attitude altruiste… Tous ces comportements requièrent des incitations.