L’ANCIENNE ÉGLISE DE PIRAJOUX, (par Noël PIROUX)

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La présence d’une église à Pirajoux remonte sans doute à plus d’un millénaire. PIRAJOUX en effet était situé sur une voie romaine conduisant de Mâcon à Besançon en passant par Montrevel. Notre petite bourgade qui a donné naissance, au fil des métamorphoses, au village que nous connaissons aujourd’hui constituait un lieu de péage entre la BRESSE et la FRANCHE- COMTÉ. Les transformations successives du nom de PIRAJOUX aux cours des siècles, évoquent, pour certaines la notion de frontière ou de péage, d’après certains historiens.

Selon Samuel GUICHENON : « Entre les familles nobles de BRESSE » CELLE DE PIRAJOUX n’estoit pas la moins considérable. Leur nom en latin estoit PETRAUIGO qu’on a traduit PIERREJOUG, puis par adoucissement PIRAJOUX ».

Ce qui fait dire à ROCH de PILLOT de COLIGNY, généalogiste et historien, qu’il se trouvait en ses lieux, une porte frontière, dont le joug (ou linteau) était en pierre. Pour d’autres, le nom de PIRAJOUX tirerait son origine de PIETRA JOVIS qui signifie la pierre de Jupiter !... Cette version fut formellement contestée par Eugène DUBOIS, célèbre historien bressan, qui voyait dans le nom de PETROJUGO la signification de PETROSUM JUGUM c’est à dire : colline pierreuse, ce qui n’est pas vraiment le cas.

Selon Robert FAVERGE, historien membre de la société d’émulation du JURA, PIRAJOUX proviendrait plutôt du latin PIETRA JUXTA : la pierre frontière.

- En 1184, PETRAYOR aurait signifié pierre de limite, le suffixe OR se retrouvant dans le mot origine !... Ou, plus simplement, ne serait ce pas le mot péage qui, en patois bressan, dérivé du franco provençal, parlé depuis le quatrième siècle, aurait donné par déformation le nom de PIRAJOUX. Phonétiquement, ces deux noms sont très proches.

On peut supposer que la voie romaine passant par PIRAJOUX se poursuivait par COLIGNY, pour rejoindre BESANCON. Or, le chemin de PIRAJOUX à COLIGNY était jusqu’à la fin du XIX siècle celui de MONTRICHARD.

La voie romaine suivait-elle le même itinéraire ? Probablement, c’est ce que pourrait expliquer l’emplacement choisi pour édifier l’ancienne église qui se trouvait dans le cimetière. Celui-ci a toujours existé là où il se trouve aujourd’hui.

Nous ne connaissons à ce jour aucun plan de cet édifice, néanmoins, le cadastre de 1836 représente bien l’église à l’intérieur du cimetière. Et selon nos aïeux, la croix qui se dresse à cet endroit aurait été érigée à la place de l’autel de l’ancienne église. Nous n’avons jamais pu vérifier cette affirmation. Elle semble cependant plausible. La première trace que l’on retrouve dans les archives remonte à 1184, année où Frédéric de BARBEROUSSE donna la confirmation en la « CAPELLA de PEYTAYOR », laquelle fut d’abord une simple chapelle rurale placée sous le vocable de ST PHILIPPE et ST JACQUES. Elle devint l’annexe et la filleule de l’église de COLIGNY dont le curé dépendait de l’évêché de ST CLAUDE.

- Durant plusieurs siècles, des vicaires de COLIGNY assurèrent le service (voir l’histoire du presbytère). Deux d’entre eux, Messires BENOÎT VUILLERMIER et Jean NURIN reçurent le 18 septembre 1613, Monseigneur Denis Simon de MARQUEMONT, pour une visite pastorale dont le procès verbal laisse apparaître que les ornements et les accessoires du culte y étaient plus que modestes, et que l’édifice se trouvait dans un état pitoyable. « Le bastiment estoit à tomber ».

Outre l’absence fréquente de prêtres qui venaient de COLIGNY et se trouvaient dans l’impossibilité de se rendre à PIRAJOUX en raison des débordements nombreux su et du mauvais état des chemins, il faut ajouter le manque de moyens financiers.

La dîme, prélevée par le curé de COLIGNY seulement sur les habitants des hameaux proches, (la Rionnière, les Blaizoux et tout le nord de la paroisse n’étaient pas concernés), revenait pour un sixième seulement à la paroisse de PIRAJOUX, ce qui représentait en tout « à chascune année, huit quarteaux de bled tant froment que seigle ».

A cela, il convient d’ajouter le revenu des Chapelles comprises dans l’église. Elles étaient au nombre de quatre. L’une, à côté du chœur, « côté bise », sous le vocable de ST ANTOINE, de la fondation des seigneurs de PIRAJOUX, en laquelle le curé de COLIGNY certifiait y avoir trois messes hebdomadaires pour quinze florins de revenu, lesquels n’étaient pas payés car aucun service n’était célébré par manque d’habits et d’ornements et du fait que le bâtiment était prêt à tomber.

De l’autre côté du chœur, « côté vent » se trouvait une autre chapelle de la fondation des sieurs de MONT RICHARD ayant pour recteur Messire Emmanuel de . Trois messes hebdomadaires pour quinze florins de revenu qu’assuraient une vigne située à COLIGNY en la COMBAZ de la contenue de six hommées, une autre vigne déserte appelée la Géline située audit lieu contenant douze hommées, deux prés de la contenance de six charrées de foin, et une rente de blé de huit coupes environ. Cette chapelle se trouvait dépourvue d’habits et d’ornements hormis une chasuble et une nappe. Cependant, cette partie du bâtiment était « en bonne réparation ».

Au devant du chœur, une autre chapelle sous le vocable de ST PIERRE et ST MICHEL s’appelait la chapelle des Jaillards sans revenus, ni services, ni ornements. Auprès de celle-ci, une autre érigée autrefois pour les prêtres de PIRAJOUX s’appelait encore : « la chapelle des prêtres ». C’est en celle-ci que se célébraient les offices « ladicte église causant la ruine au droit du grand aultel parrochial ». Le revenu de cette dernière consistait en certains anniversaires fondés par divers particuliers et s’élevait annuellement à la somme de dix livres.

Denys Simon de MARQUEMONT, évêque de ST CLAUDE, ne pouvait que constater le délabrement de cette paroisse tant sur le plan matériel et financier, que spirituel. IL trouva les statues de ST JACQUES et de ST SÉBASTIEN vieilles, difformes, ridicules, et ordonna de les enlever de l’église pour les enterrer au cimetière parce qu’elles « n’excitaient pas à la dévotion ». Pas plus que le prieur de COLIGNY lui même, qui prélevait bien les dîmes mais ne respectait pas ses engagements stipulés dans une « transaction », à savoir : fournir le luminaire et la communion pour la célébration des grand’messes (lorsqu’elles avaient lieu) de même que faire sonner les cloches qui étaient au nombre de deux dans le clocher « ruiné et tout découvert ».

De ce fait, les habitants de PIRAJOUX intentèrent un procès qui durera plus de trente ans contre le prieur de COLIGNY pour avoir manqué à ses devoirs. (Est- ce de cette époque que date l’engouement modeste des paroissiens de PIRAJOUX pour la pratique du culte divin ?.)

Monseigneur de MARQUEMONT se devait de redresser cette situation et rédigea l’ordonnance suivante, que j’ai tenu à vous transcrire à la lettre :

« Les scindicqs de l’église susdicte estant tout à fait ruinée de manière que le service divin ne s’y faict plus et ne s’y peut faire pour le manifeste danger dont menace la voutte toute entr’ouverte et crevassée, nous ordonnons qu’à la diligence dudict curé de COLLIGNAC dont dépend ladicte église et des paroyssiens dudict lieu de PIRAJOUX sera contraint par toutes voyes dures et raisonnables à faire réparer au plus tost iceluy Sanctuayre, implorant pour nostre regard le bras séculier et l’aide et l’autoriyé de Messires les juges royaulx pour estre la réparation fort nécessaire et pressée. Et cependant ordonnons qu’en la chapelle des sociétaires dudict PIRAJOUX en laquelle se faict maintenant le service des paroyssiens dudict lieu de PIRAJOUX feront faire un petit tabernacle de bois peinct et vernissé fermant à clefy qui sera posé sur l’autel de ladicte chapelle pour en iceluy entremis et conservé le très saint sacrement de l’aultel. Et aussi sera faict en ladicte chapelle un petit buffet dans la muraille pour y mettre les saintes hyles, les reliques et le calice afin que tout soit osté de dessoulz de cette voutte si ruineuse. Exhortons aussy les mesmes paroyssiens que peu à peu ils fournissent l’église de nappes. Corporaulx, chasubles et aultres choses nécessaires pour célébrer la sainte messe, desquelles ladicte église est quasi tout à fait dépourvue. Ordonnons que les sieurs de PIRAJOUX feront réparer la chapelle qu’ils ont en ladicte église, qui est tout à faict ruinée. De mesme ordonnons que pour la chapelle de sainte Anne en la mesme église, le tout dans six moys. Enjoignons à l’archiprebtre de Collignac de tenir la main à l’éxecution de cette nostre ordonnance et qu’il nous avertisse au plus tost de ce qui s’y fera. Faict audit PIRAJOUX où nous estions pour notre visite Le dix huictiesme septembre 1613 ».

- Quarante deux ans plus tard, c’est Monseigneur Camille de NEUVILLE qui effectue une visite pastorale. En près d’un demi-siècle, la situation s’est plutôt améliorée. L’arrivée en 1649 de Pierre Florent de Villeneuve curé de PIRAJOUX n’y est sans doute pas étrangère. Cet homme de caractère soutient qu’il ne dépend en aucune manière du curé de COLIGNY, mais ce dernier prétend le contraire. Il en résulte « diverses plainctes contre le dit VILLENEUVE, considérables et griefves ». Mais celui-ci persiste et collecte vraissemblablement la dîme pour la consacrer entièrement au profit de la paroisse de PIRAJOUX, de telle sorte que l’évêque trouve le 13 septembre 1655 une église relativement convenable.’ Le ciboire est d’airain, le saint sacrement y est proprement conservé. Les fonds baptismaux, les saintes huyles et ornements se trouvent dans la netteté et la propreté requises, ainsi que toute la nef et le chœur, hormis en quelques endroits où il y a eu quelques sépultures depuis peu.’

En revanche, la chapelle des sieurs de MONTRICHARD , gentilshommes de COLIGNY est dépourvue d’ornements, et bien que bénéficiant d’une bonne rente, il ne s’y fait aucun service. Monseigneur de NEUVILLE ordonne aux sieurs de Montrichard de faire pratiquer le service en leur chapelle « à peine d’encourir les censures ecclésiastiques ». En 1660, la seigneurie de PIRAJOUX est divisée entre les familles DE PARPILLON , LOLLAIN et DAVILLON. Sans doute est-ce la raison pour laquelle la chapelle de Saint Antoine des sieurs de PIRAJOUX n’a plus ni fondation ni service en 1669.

- Le siècle qui suivra ne semble pas avoir été moins tumultueux. L’église présente de nombreux signes de faiblesse, et les paroissiens, dont certains pourtant, semblent posséder quelques moyens, n’hésitent pas à assigner leur curé en justice à propos de la dîme de plus en plus contestée, et ce à plusieurs reprises. On sent dès la seconde moitié du XVIII siècle un vent de révolte qui commence à gronder.

Pourtant à la suite d’une visite pastorale exécutée par Monsieur CHARRIER Vicaire général, une ordonnance du 12 juillet 1771 rendue par l’archevêque de LYON, stipule certaines réparations à effectuer à l’église, au clocher, au cimetière et au presbytère. Les travaux, adjugés, le 16 décembre 1779, au sieur CROZET, pour un montant de 2434 livres seront pris en charge à concurrence de 1855 livres par sieur DAUJAT, cette dépense concernant la chapelle qu’il possède en l’église.

- Le 18 novembre 1780, le nommé CROZET expose avoir fini tous ces ouvrages et en avoir même fait « par augmentation, plusieurs qui étoient indispensables ». Il demande la reconnaissance du tout. Un rapport d’expert daté du 23 mai 1781 accorde à l’adjudicataire un supplément de 186 livres.

- Puis, la Révolution survient, on sait que ALBITTE, a exercé à PIRAJOUX son zèle, comme dans tout le département. Sur ses ordres les cloches seront descendues du clocher pour être acheminées à BOURG, avant d’être stockées dans la prairie de Pont de Vaux, en attendant d’être refondues en canons. Le clocher et le colombier du presbytère seront démolis, les bois devant être destinés à l’usage de la marine. Ceux ci s’avérant impropres à cet emploi, ils seront vendus au profit des indigents de la commune. C’est à cette époque que seront démolies également la plupart des croix qui se dressent au bord des chemins, tels qu’en bas de la Charrière, entre le Bourg et les Gommets, à la Rionnière, aux Blaisoux, aux Converts, en bas du Bourg, et sans doute d’autres, dont nous ignorons l’existence.

- Enfin, la tourmente de la révolution s’estompe, l’église de plus en plus chancelante a néanmoins survécu. On assistera même quelques décennies plus tard à ce retournement de situation peu banal à PIRAJOUX. En effet, l’arbre de la liberté, (un peuplier), emblème par excellence de la révolution menace de tomber et d’endommager le toit du presbytère ou de l’église. Il sera donc abattu, et son bois utilisé à la restauration du clocher !...Après quoi, il faudra bien y installer à nouveau une cloche.

- Vers la fin 1796 ou le début de 1797, le directoire de BOURG permet aux communes de « récupérer » des cloches au centre de stockage de la prairie de Pont de Vaux, celles ci devant être utilisées pour la sonnerie des heures et non pour le culte divin.

- Certains maires, bien inspirés, n’hésitent pas à se rendre à PONT-de-VAUX afin de s’en approprier, comme par exemple le maire de qui en récupère trois, celui de CRAS SUR , quatre, celui de COLIGNY…et d’autres encore. En 1821, la commune de CRAS décide d’agrandir son église, il lui faut pour cela se procurer de l’argent. C’est ainsi qu’elle vendra à la commune de PIRAJOUX une de ses quatre cloches. Celle ci passant du clocher de l’ancienne église à celui de la nouvelle, sera refondue en 1964.

-L’édifice quant à lui, vétuste et menaçant survivra aux quatre premières décennies du XIX siècle, causant beaucoup de soucis au conseil municipal, et aux paroissiens. Puis vers 1845 le verdict du préfet tombe comme un couperet. C’en est assez, l’église menace de s’effondrer, il faut la reconstruire.

-C’est alors que survient le projet de la nouvelle église, qui divisera la population dans une virulente polémique sur le choix de son emplacement, les uns avec le Maire François MORESTEL souhaitant qu’elle soit reconstruite aux Boidets près de la Rionnière, les autres avec l’adjoint Denis DAUJAT ayant choisi l’emplacement où elle se trouve aujourd’hui. Ainsi commence l’histoire de la nouvelle église !...... à suivre...

Noël PIROUX

Sources Archives : Départementales, municipales, diocésiennes.

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