REVUE DE PRESSE

« DANS LES GRIFFES DE LA HAMMER »

NICOLAS STANZICK: [email protected] // 00 33 (0)6 76 42 59 56 // www.myspace.com/hammergothic

LE BORD DE L’EAU EDITIONS: [email protected] // 00 33 (0)5 56 20 19 21 // http://www.editionsbdl.com

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TABLE DES MATIERES

Première édition 2008

DEVILDEAD.COM – 10 juillet 2008 ...... 5 LECOINDELŒIL.COM – 11 juillet 2008 ...... 7 ECRANLARGE.COM – 11 juillet 2008 ...... 12 24 HEURES – 14 juillet 2008 ...... 18 ALLOCINE.FR – le 15 juillet 2008 ...... 20 TOUTLECINE.COM – 15 juillet 2008 ...... 21 COMMEAUCINEMA.COM – 18 juillet 2008 ...... 22 LA NOUVELLE REPUBLIQUE – 21 juillet 2008 ...... 24 CRITIKAT.COM – 22 juillet 2008 ...... 25 CRITIKAT.COM – 23 juillet 2008 ...... 28 THEHAMMERCOLLECTION.NET – 2 aout 2008 ...... 35 CHARLIE HEBDO – 13 aout 2008 ...... 36 TELERAMA.FR – 16 aout 2008 ...... 37 LA CHARENTE LIBRE – 19 aout 2008 ...... 40 SCIFI-MOVIES.COM – 20 août 2008 ...... 41 LA CHAINE ACTION – 26 aout 2008 ...... 43 LIBRAIRIE LISVOIR – 26 aout 2008 ...... 44 L’ECRAN FANTASTIQUE – septembre 2008 ...... 45 MAD MOVIES – septembre 2008 ...... 46 PARIS MATCH – 4 septembre 2008...... 47 FRANCE CULTURE – 6 septembre 2008 ...... 48 SINE-HEBDO – 10 septembre 2008 ...... 49 LES INROCKUPTIBLES – 16 septembre 2008 ...... 50 IDFM 98– 16 septembre 2008 ...... 51 MAD-MOVIES.FR – 17 septembre 2008...... 52 BOUJUM-MAG.NET – 26 septembre 2008 ...... 53 ARTE.TV.FR – 27 septembre 2008 ...... 56 RADIO STRASBOURG – 27 septembre 2008 ...... 60 INFO-CULTURE.COM – 27 septembre 2008 ...... 61 LIBRAIRIE GRAND GUIGNOL – 28 septembre 2008 ...... 62 COMMEAUCINEMA.COM – 1er octobre 2008 ...... 64 LE MONDE DES LIVRES – 3 octobre 2008 ...... 66 FRANCE 2.FR – 8 octobre 2008 ...... 67 CENTRE PRESSE – 20 octobre 2008 ...... 69 LA GAZETTE DE LA REGION – 30 octobre 2008 ...... 70

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ANSIBLE.OVER-BLOG.NET – 31 octobre 2008 ...... 71 CINEFANTASTIQUE.BE – octobre 2008 ...... 81 BIFI.FR – octobre 2008 ...... 87 ACTUALITE POITOU CHARENTES – octobre 2008 ...... 89 LE MATRICULE DES ANGES – novembre 2008 ...... 90 ZONEBIS.COM – 17 novembre 2008 ...... 91 FRANCE 3 – 18, 22 & 23 novembre 2008 ...... 93 RADIO LIBERTAIRE – novembre 2008 ...... 94 VIVRE EN VIENNE – décembre 2008 ...... 95 CENTRE PRESSE – 23 janvier 2009 ...... 96 POSITIF – Février 2009 ...... 97 CINE CLASSIC – 14 Février 2009 ...... 98 CINE CLASSIC – 5 mai 2009 ...... 99 LES FILMS LIBERENT LA TETE .BLOGPOST.COM – 26 juillet 2009 ...... 100 LE ROYAUME DES AVIS .OVER-BLOG.COM – 9 novembre 2009 ...... 103

Nouvelle édition enrichie et augmentée 2010

MAD MOVIES – mai 2010 ...... 105 LE FILM ETAIT PRESQUE PARFAIT.HAUTETFORT.COM – 22 juin 2010 ...... 106 WWW.DEVILDEAD.COM – 23 juin 2010 ...... 107 WWW.PLACE-TO-BE.FR – 26 juin 2010 ...... 108 WWW.ECRANLARGE.COM – 26 juin 2010 ...... 109 WWW.CRITIKAT.COM – 29 juin 2010 ...... 111 MAD MOVIES – juillet/aout 2010 ...... 114 HTTP://WATCHINGHAMMER.BLOGPOST.COM – 4 juillet 2010 ...... 115 WWW.MORDUEDEVAMPIRES.FR – 4 juillet 2010 ...... 117 LA GAZETTE DE LA REGION – 8 juillet 2010 ...... 119 WWW.DEVILDEAD.COM – 12 juillet 2010 ...... 120 WWW.CLONEWEB.NET – 20 juillet 2010 ...... 123 WWW.AVOIR-ALIRE.COM – 20 juillet 2010 ...... 125 LA NOUVELLE REPUBLIQUE – 21 juillet 2010 ...... 127 FRANCE 3 : LE BLOG DE PATRICK BRION – 30 juillet 2010 ...... 128 RADIO CAMPUS – 3 aout 2010 ...... 130 HTTP://BLOG.VAMPIRISME.COM – 5 aout 2010 ...... 131 WWW.KINOK.COM – 10 aout 2010 ...... 133 WWW.PSYCHOVISION.NET – 16 aout 2010 ...... 137 LA LIBERTE – 21 aout 2010 ...... 139 3

WWW.HORREUR.COM – 23 aout 2010 ...... 143 L’ECRAN FANTASTIQUE – septembre 2010 ...... 153 LES DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE – 5 septembre 2010 ...... 154 LES VISIONS DE LA GORGONE – Septembre 2010 ...... 155 1000CINELIVRES.CENTERBLOG – 8 septembre 2010 ...... 156 LA QUINZAINE LITTERAIRE – 15 septembre 2010...... 158 RANATOAD.BLOGSPOT.COM – 16 SEPTEMBRE 2010 ...... 159 STALKER DISSECTION DU CADAVRE DE LA LITTERATURE – 24 septembre 2010...... 161 BRAZIL – 28 septembre 2010 ...... 168 LES ECHOS D’ALTAïR – 29 septembre 2010 ...... 169 WWW.FILMS-.COM – 29 septembre 2010 ...... 170 PSIKOPAT – 1er octobre 2010 ...... 171 ALLOCINE.FR – 6 octobre 2010 ...... 172 WWW.DVDCLASSIK.COM – 7 octobre 2010 ...... 182 WWW.NOTULUS.COM – 17 octobre 2010 ...... 186 L’ECHO, LU POUR VOUS – 18 octobre 2010 ...... 187 FRANCE 2.fr – 21 octobre 2010 ...... 188 WWW.EXCESSIF.COM – 22 octobre 2010 ...... 190 L’ECHO REPUBLICAIN – 22 octobre 2010...... 191 LE COURRIER PICARD – 28 octobre 2010 ...... 192 BIBA – 1er novembre 2010 ...... 193 OISE HEBDO – 3 novembre 2010 ...... 194 FRANCE BLEUE FREQUENZA MORA – 10 décembre 2010 ...... 195 CORSE MATIN – 11 décembre 2010 ...... 196 LES CAHIERS DU CINEMA – 1er janvier 2011 ...... 197 20 MINUTES – 18 janvier 2011 ...... 198 FRANCE BLEUE ISERE – 20 janvier 2011 ...... 199 LIBERATION – 15 et 16 janvier 2011 ...... 200

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DEVILDEAD.COM – 10 juillet 2008 http://www.devildead.com/indexnews.php3?NewsID=4162

Dans les griffes de la Hammer

L'histoire de la maison de production britannique Hammer Films est un sujet maint fois rabâché au travers de divers ouvrages. Rien de surprenant puisque, encore aujourd'hui, les films d'épouvante produit par la firme anglaise continuent de séduire le public. Mais si l'on remonte cinquante années en arrière, la réception de ces œuvres n'était pas une cause entendue. Bien au contraire et, d'une manière générale, le "Cinéma Fantastique" n'avait pas forcément bonne presse. Aujourd'hui, Nicolas Stanzick consacre un ouvrage autant à la Hammer Films qu'au mouvement de ceux qui ont découvert et défendu ce cinéma plongé dans un ostracisme moral. Ce pavé de plus de 450 pages adopte donc une approche véritablement inédite pour traiter un sujet pourtant débattu de très nombreuses fois !

L'ouvrage de Nicolas Stanzick se découpe en deux grosses parties. La première suit le parcours de la Hammer Films entrecoupé d'interventions de plusieurs intervenants ainsi que d'extraits de critiques datant généralement de la sortie originale des œuvres. Les informations historiques sont alors confrontées aux souvenirs des cinéphiles "hors normes" de l'époque et les avis de la presse du moment. La lecture s'avère passionnante en nous exposant un état socioculturel des lieux au travers de la firme qui aura, sans en avoir conscience, cristallisé et rapproché les amoureux d'un cinéma ignoré ou rejeté. Autant que l'histoire de la Hammer et de ses films d'épouvante, on nous décrit la naissance d'un mouvement revendicatif qui mènera à l'édition des premiers fanzines et magazines traitant du "Cinéma Fantastique". Rigoureux, l'auteur s'est documenté et a épluché une grande partie de ce qui a été publié au sujet de la Hammer Films. A cet effet, la bibliographie à la fin de livre est pour le moins pointilleuse et laisse entrevoir l'étendue du travail accompli pour la conception d'un tel ouvrage.

A l'image des DVD aujourd'hui, la seconde partie du livre fait office de gros suppléments. On y retrouve compilé la dizaine de très longues interviews réalisées par l'auteur et qui ont servi de soutien à 5 l'élaboration de l'ouvrage. Si certains passages apparaissent déjà dans la première partie du livre, la version intégrale de ces entretiens permet de tracer le parcours de chacun des intervenants pour le replacer dans sa démarche et sa passion. Aussi captivant que la démonstration de l'auteur, on y découvre divers points de vue et réflexions livrés de façon plus brute. Bien qu'ayant comme sujet principal la Hammer Films, ces entretiens plongent encore plus dans l'histoire d'une cinéphilie fantastique et francophone vis-à-vis de laquelle certains interlocuteurs se montrent parfois attachants mais surtout pertinents dans leur discours. On y retrouve ainsi les fondateurs de Midi Minuit Fantastique , Michel Caen et Jean-Claude Romer, le créateur de l'Ecran Fantastique , Alain Schlockoff, ainsi que d'autres défenseurs du cinéma dans sa grande diversité à l'image de Noël Simsolo, Norbert Moutier, Gérard Lenne ou Jean-François Rauger.

"Dans les Griffes de la Hammer " n'est pas un livre de plus consacré à l'histoire de la Hammer Films. C'est surtout l'évocation de la maison de production britannique au travers de la réception de ses films sur le territoire français. L'ouvrage sort aujourd'hui, 10 juillet, au prix de 29 euros.

Christophe Lemonnier

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LECOINDELŒIL.COM – 11 juillet 2008 http://www.lecoindeloeil.com/index.php?page=content_detail&id=22&type=livres&PHPSESSID=f4ecc6c1e8a2ee544405de333d3b6354

Chroniques de l'amère

Dans les griffes de la Hammer est un ouvrage, entre sociologie et livre sur le cinéma qui retrace l'avènement de la contre culture en France. Mouvement qui avait pris pour emblème les films de la célèbre société de production britannique et son réalisateur attitré, Terence Fisher. Les chroniques de Thomas Roland et Francis Moury sont suivis par une rencontre avec Nicolas Stanzick, auteur du livre.

Livre de cinéma mais aussi livre d’histoire, l’ouvrage de Nicolas Stanzick est le fruit du travail d’un passionné et érudit du cinéma fantastique. Aussi féru de ce genre longtemps méprisé et de rock n’ roll, l’auteur, critique de cinéma et musicien, connaît bien son sujet, la contre-culture. Car, à travers la réception en France des films issus des studios Hammer, la célèbre firme britannique, il dresse aussi un portrait virulent d’un certain pan de la culture française.

L’auteur fait aussi le récit d’une naissance d’une cinéphilie, la fantasticophilie. Pour cela, il revient sur l’histoire de ces salles mythiques qui ont contribué à l’émergence de cette cinéphilie que sont les salles de quartier. Et, en filigrane des extraits d’articles et des propos de diverses personnalités, critiques d’alors et spectateurs devenus critiques d’aujourd’hui, Nicolas Stanzick montre l’évolution de la pensée française vis à vis du cinéma fantastique. Notamment avec l’évocation d’un personnage clé, considéré comme le précurseur et le chef de file de la contre-culture en France, Jean Boullet. Une épopée rendue captivante par la somme de documents qui étayent les propos de l’auteur. Ainsi, le livre est enrichi de photos inédites de Terence Fisher et Peter Cushing, d’anecdotes, de retours biographiques et autres analyses. Dont plusieurs, très pertinentes, de la mise en scène de Terence Fisher, de l’érotisme dans les productions Hammer… Des analyses que l’auteur réussit avec succès à inclure dans les différents aspects sociaux que revêtait le mouvement de la contre culture à l’époque.

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Car Dans les griffes de la Hammer en plus d’être un livre de sociologie et d’histoire est aussi et avant tout un grand livre sur le cinéma fantastique. Une œuvre qui mérite sa place sur l’étagère des cinéphiles et fantasticophiles entre Le cinéma fantastique et ses mythologies de Gérard Lenne, L’art fantastique de Marcel Brion ou encore Cinéma et histoire et Marc Ferro. Indispensable.

Thomas Roland

Entretien avec Nicolas Stanzick

Comment définiriez-vous la contre-culture ?

Nicolas Stanzick : La contre-culture, c’est une culture qui, à un moment historique donné, n’est pas reconnue de façon institutionnelle, une culture perçue et assumée comme subversive. Le fantastique a longtemps relevé de cette définition en France. Ici, le genre était non seulement méconnu mais voué aux gémonies. A la mort de Bela Lugosi en 1956, Positif peinait par exemple à citer une quinzaine de films parmi la centaine à l’actif du hongrois. L‘acte fondateur de cette contre-culture intervient avec le lancement en 1962 de Midi minuit fantastique , première revue européenne consacrée au cinéma fantastique. Ce numéro Un lance une ligne éditoriale inédite où le goût des monstres côtoie celui du sexe et du sang. Pour la cinéphilie classique, une telle revue cultivait le paradoxe d’être à la fois infantile (le fantastique c’est pour les enfants !), et de s’adresser à un public de pervers (l’horreur procure des sensations malsaines !). Ce numéro Un consacré à Terence Fisher était d’autant plus frondeur que loin de chercher un semblant de respectabilité en se consacrant par exemple aux classiques du cinéma hollywoodien des années 30, il se plongeait dans une actualité cinématographique brûlante qui venait de susciter un tollé. Il faut par exemple se rappeler la croisade contre le fantastique sanglant menée par l’ancêtre de Télérama , Radio-Cinéma-Télévision lors de la sortie du Cauchemar de en 1959. Bref, Midi-Minuit Fantastique est né d’un acte de provocation, se choisissant la Hammer pour emblème. Ce fut le début de l’élaboration d’un discours critique propre au fantastique, le début d’une véritable cinéphilie fantastique. Le choix de la couverture de ce numéro Un est révélateur à cet égard : on y voyait une photo de plateau impossible, tirée de La Nuit du loup-garou , avec le monstre qui étrangle sa mère : dans le film, celle-ci meurt en couche. C’était une sorte de meurtre pensé comme un coït, une reformulation du couple Eros et Thanatos, avec un zeste d’inceste perceptible uniquement par ceux qui avaient vu le film. En étalant ainsi ces thématiques subversives, cette transgression esthétique, il y avait une façon de dire « ce que nous aimons dans ces films, c’est le sexe et le sang. » C’était un appel tonitruant à l’égard de tous les amateurs isolés d’alors, un appel à rejoindre ce mouvement naissant. Plus largement, la Hammer relève de ce qu’on appelait la « culture pop ». D’une certaine manière, c’est sans doute avec Le Cauchemar de Dracula que l’on perçoit les premières traces d’un mouvement qui mènera à la revendication d’une sexualité libre, folle et débridée qui sera par exemple celle des Rolling Stones avec Satisfaction en 1965. Dracula mettait à mal la morale bourgeoise et s’assumait autant comme un fantasme masculin (le grand séducteur auquel on s’identifie) qu’à un fantasme féminin (le prince nocturne qui vient visiter les chambres à coucher et qui n’existe peut-être, in fine, que dans le songe des femmes). Bref, le rock’n’roll, le fantastique, tout cela relevait de la contre-culture et ce n’est donc pas un hasard si après le grand bouleversement culturel de 1968, un phénomène de mode, si ce n’est de légitimation durable, apparaît. Les premier articles positifs de Télérama sur la Hammer datent de cette période. Idem pour les Cahiers du cinéma . Et Dracula et les femmes de Freddie Francis, qui n’est pas le meilleur de la série, fut célébré par tout le monde en 1969, des journaux de l’extrême gauche à ceux d’extrême droite. Rattrapée par son temps, la contre-culture Hammer était tout simplement en train de devenir une culture stricto sensu.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

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N.S : La raison principale est très simple. En France, il n’y avait pas de livres sur la Hammer et ça me semblait être plus qu’un manque : une véritable injustice. Il y a eu certes des textes brillants, ceux de Jean- Pierre Bouyxou, de Gérard Lenne ou de Jean-Marie Sabatier par exemple, mais jamais dans le cadre d’un ouvrage dédié au studio. A l’inverse, en Grande-Bretagne et aux USA, des dizaines ont été écrits. Amateur du studio depuis l’enfance, j’avais vraiment à cœur d’écrire un jour ou l’autre sur le sujet. Mais je ne voulais pas faire quelque chose de semblable à ce qui avait déjà été fait : classique analyse de film ou récit des conditions de production… J’ai une formation d’historien avant de m’intéresser au cinéma. J’ai donc voulu faire une histoire de la Hammer qui restituerait l’impact de ses films dans leur temps, en me focalisant sur les regards, positifs ou négatifs, qui se sont portés sur eux. C’était une façon de faire entrer de plein pied la Hammer dans l’histoire culturelle générale des années 60 et 70. Choisir la France pour cadre d’une histoire d’un studio si typiquement britannique peut surprendre, a priori. Mais dès mes premières recherches en bibliothèque, ce parti-pris s’est avéré payant. Face à la querelle Télérama /Midi- Minuit Fantastique , une évidence s’imposait : une bataille culturelle dont la Hammer est devenue l’emblème avait eu lieu, presqu’une bataille d’Hernani autour du genre, le fantastique, et de son expression, un « cinéma bis » du sexe et de la violence. L’esthétique et les thématiques de la Hammer choquaient les conceptions moralisantes du cinéma et les convictions religieuses des premiers. Pour les seconds, faire de l’horreur cinématographique une valeur à défendre revenait à lancer un pavé dans la marre, six ans à peine avant les pavés réels de 1968. Aborder la Hammer sous cet angle inédit, c’était pour moi une façon de révéler une part de la vérité intime de ces films. Et au delà, c'était une façon d’écrire une histoire de la cinéphilie fantastique française via son emblème de naissance, la Hammer. D’ailleurs, la firme londonienne a été tellement importante ici que lorsqu’au détour des années 70 elle commence à incarner une tradition, une forme de fantastique en perte de vitesse, c’est néanmoins la Hammer qui, à nouveau, va sceller l’avenir de la cinéphilie fantastique. Lors de la venue en France de Terence Fisher et Peter Cushing au festival du film fantastique de Paris en 1973, ce fut comme la passation d’une génération cinéphile à une autre, celle qui allait bientôt adorer le cinéma de Romero, Fulci, Carpenter, Raimi… Pour ces jeunes fantasticophiles, la Hammer est devenue une anthologie de classiques, une école permettant non seulement l’initiation à un genre, mais au cinéma dans son ensemble. Et en allant « communier » avec ces films toujours à l’affiche du Brady ou du Colorado, temples parisiens dévolus à l’horreur, cette nouvelle génération allait réinventer sa dimension contre-culturelle originelle. Si voir un film de la Hammer n’est plus un acte subversif en 1975, les jeunes Christophe Gans, Christophe Lemaire ou Jean-François Rauger, prolongeaient dans ces salles prétendument mal famées la gestuelle des grands ainés de Midi-Minuit Fantastique. Ils mythifiaient ainsi leurs propres gestes et se vivaient comme les témoins rebelles d’une époque pourtant révolue. Bref la contre-culture n’est pas qu’un simple moment de l’histoire de la cinéphilie fantastique française : avec la Hammer, elle est devenue partie intégrante de son identité. Pourquoi est-ce avec la Hammer que tous s’est cristallisé ? Peut-être tout simplement, parce qu’il n’ y a pas à proprement parler de cinéma de genre en France. Il y a eu certes de très grands films fantastiques comme Les mains du diable , Le Baron Fantôme , Les yeux sans visages , les films de Méliès ou ceux de Cocteau, mais ils restent des tentatives isolées, des prototypes qui réfléchissent sur ce que pourrait être un genre fantastique français. Et à chaque fois, face à ces films, la critique parle plus de l’auteur que du genre lui-même. Il y a une vraie méfiance culturelle en France par rapport au fantastique. La Hammer a comblé en quelque sorte ce vide, a répondu à une demande. Elle n’était pas seule à le faire : Bava, Corman, Freda, Franco ont pris leur part dans ce mouvement. Mais par la permanence de son style, son choix d’aborder les grands mythes du cinéma fantastique, la Hammer a fini par devenir un vrai symbole du genre. Détail révélateur, il faut attendre les Dracula et Frankenstein de Fisher, pour qu’enfin on ait droit à des traductions dignes de ce nom des romans de Stoker et de Shelley…

Il y a pourtant une littérature fantastique en France…

N.S : Cazotte avec Le diable amoureux lance effectivement un siècle de littérature fantastique qui passera par Balzac, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Maupassant, Mérimée... Mais à l’inverse de l’Allemagne avec l’expressionnisme, des USA avec la Universal ou de l’Angleterre avec la Hammer, au XXéme siècle cette littérature fantastique française n’a abouti à aucune exploitation cinématographique en série. Or, un 9 cycle comme celui des films gothiques de la Hammer doit être compris comme l’expression économique d’une culture bien établie. Ce n’est pas un hasard si dans les années 60 et 70, la bande dessinée, les fanzines, la littérature de genre en France relèvent aussi de la contre-culture.

Quel a été votre premier choc cinématographique ?

N.S : Le premier film que j’ai vu au cinéma vers 1981 : Les Blues Brothers de John Landis. Ca a été d’ailleurs autant un choc cinématographique que musical. En ce qui concerne le fantastique, tout est venu du Retour du Jedi , notamment à cause du plan où Darth Vader enlève son masque en forme de tête de mort pour révéler le visage émouvant d’un vieillard qui a visiblement beaucoup souffert. Je ne le savais pas encore, mais il y avait du Fisher dans cette séquence, celui des Deux visages du docteur Jekyll , film méconnu en France mais que j’adore. Mon goût pour la Hammer quant à lui est né d’une frustration : j’avais six ou sept ans lorsque je suis tombé sur un article de Télé 7 jours qui parlait du Dracula historique et mythologique, avec de nombreuses photos à la clef. C’était à l’occasion de la diffusion du Cauchemar de Dracula à la Dernière séance d’Eddy Mitchell en 1985. Ma sœur m’a lu l’article et, immédiatement, j’ai été fasciné. J’étais trop petit pour voir le film, mais ça a été le début d’une quête pour moi : voir tous les films de vampires possibles et inimaginables. Ce qui m’a d’ailleurs amené à découvrir le cinéma dans son ensemble : Fisher, Browning, Herzog, Polanski, Dreyer, Coppola, Maddin… On pourrait facilement faire une histoire générale du cinéma mondial en ne se concentrant que sur les seuls films de , tant le genre s’est immiscé dans toutes les époques, dans tous les types de productions et s’est vu illustré par des auteurs très différents. J’ai fini par voir mon premier Fisher en 1987 : Dracula, prince des ténèbres . Un coup de foudre. Au point que le lendemain, j’ai voulu l’adapter en roman. J’ai du passer des heures à dessiner une couverture très colorée avec un Christopher Lee particulièrement menaçant sur fond de château gothique... C’est amusant, je suis retombé par hasard sur ce dessin il y a quelques jours et je me suis rendu compte que c’était finalement une sorte de prémisse du visuel retenu pour Dans les griffes de la Hammer .

Combien de temps vous a pris l’écriture du livre ?

N.S : Le livre résulte d’une envie très profonde. C’est un travail de cinq ans avec des phases intensives et d’autres de maturation. C’était d’abord une recherche d’histoire initiée en 2003 pour la Sorbonne. Mes directeurs, Christian-Marc Bosséno et Annie Fourcaut trouvaient pertinente mon envie d’aborder le sujet sous cet angle culturel. Mais, dès cette période, j’avais en tête d’en faire un livre. Mieux : je voulais en faire le livre que j’avais toujours espéré voir publié un jour. J’ai ensuite retravaillé le texte parce que dans sa forme initiale, il n’était pas destiné au grand public. J’ai ajouté des entretiens que je n’avais pas pu réaliser à l’époque. Et lors de la rétrospective Fisher à la Cinémathèque Française, j’ai rencontré Alain Pozzuoli, un amoureux du fantastique, directeur de collection aux éditions Scali. L’édition à proprement parler a pris une année.

Pensez-vous que la contre-culture a encore un sens aujourd’hui ? De plus en plus de films fantastiques se fourvoient dans la réaction…

N.S : La notion de contre culture est devenue problématique. Le relativisme culturel aidant, tout est potentiellement objet de culte, tout a vocation désormais a être légitimé. Le fantastique est devenu le genre dominant au détour des années 70 en termes de box-office et il appartient désormais à tout le monde. Dans ces conditions, la cinéphilie fantastique parvient-elle à continuer d’exister de manière aussi claire que dans le passé ? Et qu’en est-il des films eux-mêmes ? La fonction même du genre est d’être subversif : le fantastique c’est toujours le récit du plus grand désordre qui puisse être, à savoir la mise à mal de l’ordre rationnel des choses. Plus simplement, le fantastique c’est l’exploration de notre part d’ombre : Dracula, Hyde, Frankenstein réalisent nos fantasmes et à travers eux nous faisons l’expérience de notre dualité. C’est précisément ce qui était condamné chez la Hammer par la critique bien-pensante, avant le tournant de 1968 qui vit le discours subversif de la Hammer laisser la place à celui de La Nuit des morts-vivants , Massacre à la tronçonneuse , Suspiria , Halloween … On vit une époque curieuse dans laquelle l’idéologie réactionnaire récupère volontiers à son compte le langage progressiste pour le vider de sa 10 substance. C’est par exemple Sarkozy qui se revendique de Jaurès. C’est gravissime, mais à mon sens il ne peut s’agir d’une véritable victoire idéologique. Ce n’est qu’un tour de passe-passe, une illusion qui aura du mal à perdurer à l’épreuve des faits. Alors oui, il y a des films fantastiques réacs aujourd’hui, des films gores obscurantistes comme La Passion du Christ de Mel Gibson, qui est un film non seulement antisémite mais qui propose une esthétique sanglante ras les pâquerettes, pornographique (au mauvais sens du terme, je précise), aux antipodes des Fulci, Romero ou du Burton de Sweeney Tod. Mais en même temps le fantastique réac a toujours existé : il suffit de voir le nationalisme de certains films SF des années 50 pour s’en convaincre. Et puis, il y a toujours des films puissants qui ne se laisse pas piéger par la confusion idéologique de notre temps et qui maintiennent le genre bien vivant et le renouvelle parfois : je pense aux espagnols qui ont fait REC ou Les proies , aux anglais de Shaun of the Dead ou de The Descent , et aux vieux de la vieille comme Romero qui avec Diary of the Dead a fait un film qui m’a littéralement stupéfié.

Il y a des magazines qui continuent pourtant d’étiqueter comme subversifs des films fantastiques tout ce qu’il y a de plus réactionnaires…

N.S : Il y a certes une gestuelle critique cristallisée dans les années 60 qui est aujourd’hui un peu figée et que l’on retrouve à l’occasion : « c’est fun et gore, donc c’est subversif. » Dans les années 60, ça faisait sens, ça participait d’un discours critique beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît. Mais figer aujourd’hui cette « politique des horreurs », c’est prendre le risque de desservir le genre en péchant par anachronisme. Cette gestuelle critique existe donc, mais je pense qu’elle est loin de résumer la ligne de revues comme Mad Movies ou L’Ecran fantastique dont on sent bien qu’elle ne cessent de se poser la question non seulement de l’actualité du genre, mais de la cinéphilie fantastique.

Certains voient, aujourd’hui, un complot contre le cinéma de genre alors que si des films fantastiques sont mal distribués, c’est aussi qu’ils n’ont pas marché outre atlantique…

N.S : Oui, mais en même temps c’est un fait historiquement avéré. Les distributeurs français ont toujours eu une défiance vis à vis du genre. Frankenstein s’est échappée , par exemple, avait cartonné en Angleterre et avait même réalisé l’exploit de devancer Le Pont de la rivière Kwai au box-office américain. Auréolé de ce succès, le film arrive en France : à Paris, quatre salles et deux semaines d’exploitations seulement ! Pire : en province, il a fallu parfois attendre des années avant de le voir. Il y a donc une méfiance culturelle et économique. De ce point de vue là, je comprends les éditos actuels de Mad Movies dénonçant une sorte de complot. Certes c'est une posture un peu exagérée, mais ce n'est finalement qu’une remise au gout du jour des conceptions de Jean Boullet, qui légua à la cinéphilie fantastique ses mythologies personnelles. Pour ce père fondateur de la fantasticophilie, le cinéma et la cinéphilie française ne cessait d’expier un pêché originel, celui d’avoir manqué la rencontre avec les monstres de la Universal. Peut-être en est-on toujours là...

Propos recueillis par Thomas Roland. Entretien réalisé le 6 juillet 2008 à Paris.

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ECRANLARGE.COM – 11 juillet 2008 http://www.ecranlarge.com/article-details-9253.php

Dans les griffes de la Hammer - La France livrée au cinéma d'épouvante

Sur le livre de Nicolas Stanzick, Dans les griffes de la Hammer - La France livrée au cinéma d'épouvante (1957-2007) , éditions Scali, Paris le 10 juillet 2008.

Nous avons achevé avant-hier soir, vers 3 heures du matin, les 470 pages que compte ce mémoire universitaire méthodiquement transformé et augmenté, durant 4 ans, en un authentique livre d'histoire du cinéma. A tel point qu'il compte aujourd'hui en annexe 10 entretiens fleuves - dont un avec votre serviteur - constituant à eux tous la moitié du volume.

Et sans oublier une bibliographie supérieure à tout ce qui existait en langue française ainsi que des tableaux de box-office historique indispensables à connaître, des notes très soignées et précises, et enfin des illustrations N.&B. soigneusement choisies, dont certaines sont fondamentales pour la remise en situation « hic et nunc » de la Hammer films. Stanzick souhaitait un cahier central en couleurs : il ne l'a pas obtenu de son éditeur. Mais pouvoir contempler une photo du cinéma Colorado du Boulevard de Clichy ou la fameuse photo du la semaine de l'exclusivité du Cauchemar de Dracula avec la queue des spectateurs du Boulevard Bonne Nouvelle, vaut bien qu'on se passe de la couleur !

Si certains lecteurs veulent contempler les couleurs originales de la célèbre et magnifique photo de plateau de Christopher Lee en créature dans The Curse of Frankenstein [Frankenstein s'est échappé ] de Terence Fisher qui ouvre le chapitre 1, ils pourront toujours tenter de se procurer le numéro « spécial Hammer » paru en 1996 des « Archives Nostalgia » d'Occafilm, préfacé par Ronald V. Borst, illustré par les magnifiques archives de Lucas Balbo. Nous avons pu mettre la main dessus, pour un prix dérisoire, à l'occasion de la triste vente Dionnet l'année dernière : curieux hasard ou clin d'œil du destin, de la Némésis 12 grecque qui veille jalousement au sort des mortels. Bref... Et si ces mêmes lecteurs veulent, en outre, contempler en couleurs les belles couvertures de la revue « Midi-Minuit Fantastique » qui ouvrent le chapitre contenant l'entretien avec Romer, il ne leur restera plus qu'à se ruer dans la boutique de Norbert Moutier (lui aussi faisant partie des « entretenus », d'ailleurs) qui pourra peut-être leur en vendre un, ou bien à se rendre chez Cinédoc où nous avions complété en son temps notre propre collection ! Au demeurant, certaines images (celle de Caen et Lee prise sous l'entrée du cinéma) proviennent directement de la revue « Midi-Minuit Fantastique » difficilement trouvable aujourd'hui. Et qu'il n'oublie surtout pas d'acheter les « Creepy », « Eery » et « Vampirella » qu'il y trouvera s'ils couvrent les années 1970-1975 : il s'y retrouvera davantage encore !

Le livre de Stanzick donne envie au lecteur de faire tout cela - sans parler de l'envie de revoir les Hammer films cités tout du long de son voyage au centre de la mémoire : cela va sans dire et Seven sept va probablement devoir ressortir des DVD de sa collection Hammer sortie en 2005 - nous en sommes certains, et c'est un de ses grands mérites. Il est animé d'une flamme élaborée et réfléchie, claire et distincte sans pour autant qu'aucune obscurité ni aucune ambivalence ne soit négligée. Elle est communicative. Elle s'intéresse d'ailleurs à la manière dont la Hammer fut « communiquée » et reçue en France durant 50 ans. René Prédal avait déjà ébauché ce genre de recherches en s'attachant à l'histoire de « Midi-Minuit Fantastique » d'une part, à l'histoire de la réception par la presse française des films de Fisher d'autre part.

Mais l'ambition de Stanzick dépasse ce simple support : Stanzick a visé et, souvent - pas toujours car la réalité reconstruite ne peut pas valoir la réalité vécue : ni l'information, si précise soit-elle, ni l'interprétation si intelligente soit-elle aussi, ne peuvent parfois compenser le temps passé : le mouvement global est en revanche très correctement restitué - réussi à peindre, en la reconstruisant précisément dans son ordre chronologique, la réception affective, sociale, intellectuelle, esthétique du cinéma d'horreur et d'épouvante par les différents publics de la Hammer en France. Ce n'est pas rien et ce livre est une date dans l'historiographie du cinéma, équivalente en importance à celle de la rétrospective Terence Fisher à la Cinémathèque Française en 2007, au sujet de laquelle nous renvoyons le lecteur à notre article paru ici même l'année dernière.

Stanzick n'a certes pas vécu la première moitié de la période dont il parle puisqu'il est né en 1978. Son travail est donc équivalent, du point de vue méthodologique, à celui de Georges Sadoul lorsque ce dernier traitait du cinéma muet. Comme le fondateur de l'histoire française du cinéma, Stanzick a établi scrupuleusement les différents types de sources (orales, filmiques, papier, etc.) auxquelles il a demandé l'information sur ce passé fabuleux. Il a rencontré trois, voire presque quatre générations de témoins vivants et d'acteurs directement impliqués, à un titre ou à un autre, dans le passage de relais du « témoin » Hammer films en France. Il a compulsé les livres et revues parues en France de 1957 à nos jours sur le sujet et il les a compulsés très soigneusement. Il n'a pas tout compulsé, bien entendu et nous avons relevé avec un sadique plaisir (nuancé de mélancolie : notre savoir est aussi la rançon de notre âge) quelques lacunes. En revanche, il nous semble que telle quelle, cette bibliographie est la plus complète jamais parue en France sur la Hammer, jusqu'à une seconde édition qui l'enrichira encore peut-être.

Car il manque quelques numéros de l'importante revue « Ecran », par exemple : ainsi le N° 37 de 1975, pp.17-22 et 68-69 n'est pas cité alors qu'il contient à la fois une savoureuse critique de la version « caviardée hard » de La Nuit de la grande chaleur de Fisher et un ample article assez étonnant de Gérard Lenne sur « Le Fantastique hors du ghetto » comprenant une sorte de révision mélancolique de certains Hammer comme Le Cauchemar de Dracula ou Le Redoutable Homme des neiges de l'Himalaya , à l'occasion de la rétrospective Hammer de la Convention du cinéma fantastique qui se tenait cette année-là au Palais des Congrès. Révision à laquelle, nous le disons à Lenne s'il nous lit, nous ne souscrivions pas lors de ladite et à laquelle nous ne souscrivons toujours pas : y souscrit-il aujourd'hui lui-même, s'il relit ces lignes ? Nous sommes certains que non, lorsque nous écoutons son commentaire passionné de l'art de Vincent Price dans le DVD Bach Film de la collection Serial Polar, en supplément à l'intéressant et très rare Shock d'Alfred Werker avec Price.

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Avouons-le de prime abord : nous avons commencé par dévorer les 10 entretiens et n'avons lu qu'ensuite la première partie historique. Autrement dit, nous avons lu le livre à l'envers ! Non seulement parce que nous voulions relire notre propre entretien au plus vite - son intégrité est intacte et parfaitement retranscrite : nous précisons qu'il conclut en quelque sorte le livre, par un choix qu'il appartiendra au lecteur d'apprécier, ou par le hasard de la chronologie puisqu'aussi bien le nôtre est le seul effectué en 2007 alors que tous les autres furent effectués en 2004 - mais encore et surtout parce que nous voulions ensuite dévorer ceux des 9 autres afin de comparer leurs souvenirs et leurs positions aux nôtres !

Commençons par dire un mot de ceux avec Michel Caen (né en 1942) et Jean-Claude Romer (né en 1933), qui furent les fondateurs - avec Alain Le Bris toujours resté dans l'ombre depuis, et sous le patronage spirituel nécessaire du grand Jean Boullet (1921-1970) - de la revue « Midi-Minuit Fantastique », la revue qui détermina l'avènement d'une authentique cinéphilie fantastique française au début des années 1960. Romer s'était récemment expliqué sur cette période dans un entretien clair publié sur Devildead.com et n'ajoute pas grand chose à ce qu'on a pu lire. Caen en revanche précise bien des points, et l'entretien vaut d'être lu car il s'exprime rarement à présent sur cette période. Il est d'une grande lucidité et s'avère parfois très étonnant.

Noël Simsolo et Jacques Zimmer étaient des critiques généralistes. On lit leur commentaires rétrospectifs sur cette période avec un intérêt réel lorsqu'ils apportent des précisions ou des anecdotes historiquement positives mais on aurait préféré, on le dit franchement, avoir un entretien avec des témoins de la même génération, comme Jean-Pierre Bouyxou ou Paul-Hervé Mathis, à la place de ces deux-là. On aurait préféré, disons-nous, car même si Zimmer a effectivement ouvert les colonnes de La Revue du cinéma - Image et Son et de la Saison cinématographique à quelqu'un du calibre de Jean-Marie Sabatier, ladite Revue et ladite Saison crachèrent pendant très longtemps sur le genre et sur ses cinéastes. A commencer par Zimmer lui- même qui crachait sur Les Vierges de Satan allègrement dans la Saison cinématographique 1970 et qui laissait paraître, dans cette même Saison , les critiques les plus ignobles jamais écrites sur les Fisher non moins majeurs que sont Frankenstein Must Be Destroyed [Le Retour de Frankenstein] et Les Deux visages du Dr. Jekyll . Simsolo clame admirer Fisher depuis toujours : c'est vrai. Le problème c'est que le reste des cinéastes Hammer ne trouve pas souvent grâce à ses yeux et qu'il a une assez forte tendance à en dire du mal à la même époque : on a lu dans cette même Saison sous sa plume au tournant des années 1970 des critiques parfaitement méprisantes - et qui sont elles-mêmes parfaitement méprisables - de films fantastiques remarquables, strictement contemporains de ceux de la Hammer, comme le très beau The Oblong Box [Le Cercueil vivant] de Gordon Hessler ou appartenant à la Hammer comme le passionnant Les Cicatrices de Dracula de Roy Ward Baker. Leur ralliement un peu trop appuyé aujourd'hui à la cause Hammer n'arrive pas tout à fait à nous convaincre, c'est le moins qu'on puisse dire.

Ensuite Gérard Lenne qui a publié d'abord le beau « Le Cinéma fantastique et ses mythologies » qui demeure l'un des grands livres sur le genre au tournant des années 1970, publié chez les Dominicains des éditions du Cerf : sa réédition de 1985 chez Henri Veyrier, supérieure à l'original à tous points de vue - absence d'index nomini mise à part : on aurait aimé que le livre de Stanzick en disposât aussi, soit dit en passant - renie heureusement son vocabulaire et son raisonnement structuraliste initiaux, mais conserve la flamme amoureuse initiale.

Moutier et Schlokoff complètent les deux premières générations de cinéphiles : l'un est créateur d'un fanzine qui fut l'émule de celui de Pierre Charles, l'autre le créateur de la Convention du cinéma fantastique. Ils ont été au cœur des choses, et l'entretien avec Schlokoff précise bien des points essentiels. Celui de Moutier offre par sa sincérité un aspect « brut de décoffrage » qui réjouira les tenants du premier degré.

Christophe Lemaire et Jean-François Rauger sont nés la même année que nous ! Nous appartenons bien à la troisième génération, non pas de terroristes comme dans le médiocre film de R.W. Fassbinder, mais de hammeriens. Lemaire est un peu une contrepartie ironique de Moutier puisqu'il est un critique qui se veut d'abord témoin, rapporteur factuel et surtout pas critique, tandis que Rauger est une profonde 14 contrepartie analytique de Schlokoff, si on veut filer la métaphore des parallélismes d'attitudes d'une génération à l'autre. Ils se répondent et se complètent bien, de ce point de vue. Est-ce que les trois de 1960 font la paire ? On vous laisse répondre.

Quant à nous, « Moury par lui-même » n'étant pas encore au programme de la section "Ecrivains de toujours" de la belle collection « Microcosme » aux éditions du Seuil - cette collection existe-t-elle encore : ce fut une des plus belles du XXe siècle ? - un commentaire par nous même de notre propre entretien n'aura pas lieu.

Abordons à présent la première partie historique du livre. Commençons par quelques critiques, et relevés d'erreurs : le négatif vient toujours d'abord. Outre d'assez nombreuses coquilles, il y a quelques erreurs, même si assez peu sur l'ensemble qui est globalement très sérieux. Page 39, ce n'est pas Tony Faivre qui a traduit Dracula de Bram Stoker aux éditions Gérard & Cie, collection Marabout, Bibliothèque fantastique mais bien Lucienne Molitor. Faivre avait rédigé une importante introduction à cette traduction. Quant aux éditions Gérard & Cie, elles furent domiciliées à Verviers en Belgique, mais Verviers est une ville, pas un éditeur ! Page 409 nous confirmons que le titre français exact d'exploitation du film de Guest est Le Redoutable homme des neiges de l'Himalaya et non pas L'Abominable homme des neiges . Page 440, le titre exact du livre de Michel Laclos paru en 1958, est « Le Fantastique au cinéma » et non pas « Le Cinéma fantastique ». Enfin, last but not least, nous ne sommes le concepteur éditorial du Catalogue annuel de L'Etrange Festival que pour les années 2003, 2004, 2005 et 2006 mais les années antérieures furent rédigées sans nous. Sur le fond, il y a en outre matière à discussion. Il nous semble ainsi que la distinction entre les deux périodes de la revue MMF (1962-1966 et 1966-1971) n'est pas peut-être pas aussi tranchée que Caen veut bien le dire et qu'elle ne fut pas si tranchée non plus dans l'esprit des lecteurs. MMF demeurait de toute manière une revue marginale, lue par une infime fraction de la population, et c'est surtout auprès d'une élite critique que de tels changements furent éventuellement porteurs de sens immédiat.

Dès l'origine, au demeurant, il y avait du cinéma classique Universal au programme de la revue et pas uniquement de la Hammer, comme Nicolas le sait bien : un n°spécial King-Kong , un autre sous le patronnage de Zaroff . Les années expressionnistes allemandes - à ce propos, nous pensons aussi qu'on peut qualifier l'expressionnisme allemand muet de véritable premier âge d'or du cinéma fantastique : Stanzick a tout à fait raison de l'écrire - et les années Universal 1931-1945 furent bien représentées dans MMF. MMF et la Hammer symboles d'une contre-culture hippie ou rock ? Franchement, nous ne le croyons pas car nous avons vécu très souvent à cette époque des projections dans lesquels lesdits hippies se moquaient cordialement ou agressaient vertement les productions Hammer qu'ils jugeaient globalement réactionnaires, archaïques et sans intérêt. Que certains critiques français aient tenté de transformer la Hammer en instrument de libération esthétique, le fait est patent. Mais ce ne fut absolument pas la manière dont le public populaire ni même le reste du grand public reçut ces films. Inconsciemment en revanche, et même d'un point de vue sociologique si on accepte l'idée d'un inconscient collectif actif différent des consciences individuelles le constituant, la thèse de Stanzick peut se défendre mais elle nous semble une reconstruction artificielle plus qu'une vérité, nous devons bien l'avouer.

La Hammer au demeurant ne critique pas la société victorienne qu'elle représente. Et en outre, cette société et sa matière scénaristique ne sont pas « gothiques » stricto sensu : ce terme est un peu inapproprié. Il y a des traces de roman noir gothique et frénétique - tel qu'un Maurice Lévy l'avait étudié vers 1970, avant sa magnifique étude sur H.P. Lovecraft - dans les films de la Hammer mais à part les films - mineurs - consacrés à Robin des Bois par Fisher et un ou deux autres cinéastes sous contrat, aucun Hammer ne se passe au Moyen-âge. Peut-on dire que la scène de destruction du comte Dracula à la fin du Cauchemar de Dracula soit matricielle du cinéma gore ? Une ou deux années auparavant, Riccardo Freda avait déjà filmé, avec les effets spéciaux fournis par Mario Bava, une destruction corporelle assez similaire -

15 qui allait certes moins loin mais qui était déjà très poussée, même si pas jusqu'à la décomposition - de la belle actrice Gianna Maria Canale à la fin de I Vampiri .

Au demeurant le cinéma « gore » commence où celui de la Hammer s'achève : il joue sur d'autres pistes. Hershell Gordon Lewis est un cinéaste passionnant mais il n'a guère de lien avec la position éthique et esthétique d'un Terence Fisher. Et il ne faut pas oublier que les chefs-d'œuvre produits et/ou réalisés par Baker et Berman comme Jack L'Eventreur (1958), L'Impasse aux violence (1959), Le Sang du vampire (1959) vont parfois aussi loin voire plus loin dans ce domaine, sans oublier d'autres productions anglaises indépendantes de la Hammer, celles de la Tigon, de la Amicus, etc. Qu'on songe au Cirque des horreurs de Hayers par exemple. La Hammer n'a pas eu le monopole de l'horreur graphique en 1960, loin de là. L'Horrible Dr. Orloff de Franco date de 1960 et Le Moulin des supplices de Ferroni, aussi de 1960. Sans oublier non plus Les Yeux sans visage de notre grand Franju qui est probablement le plus grand film fantastique français jamais réalisé au XX e siècle. Dracula prince des ténèbres est écrit par Sangster sous pseudonyme mais d'après un sujet de John Elder alias Anthony Hinds. Lequel des deux a-t-il déterminé le script et son évolution ?

Pourquoi, enfin, avoir négligé délibérément les films fantastiques « non-gothiques » de la Hammer ? La note qui précise cette décision ne nous a pas du tout convaincu. Pourquoi, au nom d'un être de raison nommé « gothique », se priver, amputer du corpus Hammer, des titres aussi passionnants que les trois Quatermass - les deux premiers films de Guest déterminèrent par leur succès l'orientation définitive de la firme dans le fantastique en 1955-1957 - et d'autres titres tout aussi passionnants : les films préhistoriques comme Un Million d'années avant Jésus-Christ de Don Chaffey ou Femmes préhistoriques de Michael Carreras, les films d'aventure fantastique comme Le Peuple des abîmes de Michael Carreras sont ainsi totalement absents. Paranoïac de Francis et Les Etrangleurs de Bombay de Fisher le sont aussi.

A présent, les bons points ! Du point de vue historique nous ignorions que La Revanche de Frankenstein de Fisher avait été un échec relatif au box-office international et que c'est cet échec qui avait déterminé la mise en route, sur des bases scénaristiques différentes, et avec Freddie Francis à la place de Terence Fisher comme cinéaste, de [L'Empreinte de Frankenstein] : le point est un pur point d'histoire économique du cinéma qu'il faut savoir dorénavant. Bouyxou lui-même, lorsqu'il rédigea son beau « Frankenstein » (éd. Premier Plan, 1969) n'en était apparemment pas conscient. Un bon point pour Nicolas Stanzick qui amène cette information importante en lumière ici et maintenant. Il n'est jamais trop tard pour préciser un point d'histoire de la Hammer.

Et Stanzick nous a apporté d'autres informations d'une même importance à l'occasion : il bénéficie des recherches antérieures et a su les exploiter, les clarifier, les rassembler d'une manière claire, cohérente, souvent élégante. On le voit, il demeure dans ce livre des points sur lesquels nous sommes réservés et sur lesquels nous pourrions discuter. Mais au total, compte tenu de l'ensemble du travail, ils sont raisonnablement rares et porte plutôt sur l'interprétation que sur des erreurs factuelles. Certains résumés sont même très utiles et novateurs : celui sur Jean Boullet est très bien et donne envie de lire le livre complémentaire de Denis Chollet.

Et encore une fois, tout le reste, même si matière à discussion pointue, demeure une source sûre d'information pour tout étudiant ou curieux désireux de couvrir ce sujet et cette période. Les deux derniers chapitres sont un exemple de compréhension correcte : nous nous y sommes absolument retrouvés nous- mêmes décrits objectivement par Stanzick, avec une acuité et une parfaite intelligence du contexte, rétrospectivement. Nous les citons de préférence aux premiers chapitres car ici, nous sommes nous aussi témoins de première main, ce qui nous donne un avantage certain pour en juger.

Bref : un livre qui complète très utilement, par un point de vue original et d'une manière synthétique, les grands classiques de l'histoire française du cinéma fantastique déjà publiés de 1958 à nos jours. Et le premier grand livre sur le cinéma fantastique paru dans notre pays au XXIe siècle : nous sommes fiers d'être présents dans cette somme. Nous en souhaitons au plus tôt une réédition agrémentée cette fois-ci 16 d'un Index nomini qui en rendra plus commode la consultation, corrigée de ses assez nombreuses coquilles, dotée d'un cahier couleurs supplémentaire. Mais tel quel, à acheter sans plus attendre car l'objet est déjà assez beau.

Francis Moury

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24 HEURES – 14 juillet 2008 http://www.24heures.ch/actu/culture/2008/07/14/dents-hammer

Les dents de la Hammer

S'il y a une image emblématique de la Hammer, c'est le visage blême de Christopher Lee, regard hypnotique, canines saillantes et ensanglantées: dès Le cauchemar de Dracula en 1958, Lee incarne définitivement le comte transylvanien. Il est Dracula.

S'il y a une image emblématique de la Hammer, c'est le visage blême de Christopher Lee, regard hypnotique, canines saillantes et ensanglantées: dès Le cauchemar de Dracula en 1958, Lee incarne définitivement le comte transylvanien. Il est Dracula.

Et pour cause, explique Nicolas Stanzick dans Les griffes de la Hammer : si les classiques d'Universal, les Dracula et autres Frankenstein d'avant-guerre, sont déjà parqués en fin de soirée à la TV américaine, les spectateurs français (et par extension suisses) n'en ont que de vagues souvenirs.

Autrement dit, la plupart découvrent ces grandes figures du cinéma et de la littérature fantastique avec la Hammer: un dépucelage qui se fait au pas de charge, à mesure que le petit studio anglais recycle le catalogue Universal. Les vampires, la créature de Frankenstein, les loups-garous, les momies, les zombies, le fantôme de l'Opéra, tous les monstres du septième art se bousculent dans les «remakes» de la Hammer.

La claque est d'autant plus forte qu'elle a lieu en Technicolor. Exit le noir & blanc, place aux couleurs tapageuses, à dominance rouge sang. Et la Hammer, en tête son réalisateur star Terence Fisher, en rajoute: l'horreur n'est plus suggérée comme chez Universal, elle est explicite, physique, gore. Violents (pour l'époque...), ces films sont aussi sexy Fisher a fait de Dracula un Don Juan pervers, lorgnant les décolletés plongeants des «Hammer Girls» et subversifs par leur réalisme. Tous situés en pleine Angleterre victorienne, reconstituée avec maniaquerie, ils bousculent les valeurs pudibondes qui imprègnent encore 18 l'Europe. D'où les cris de putois des critiques français qui découvrent ces productions à la fin des années 50. Un accueil glacial qui ne les empêchera pas de réussir des scores honorables au box-office... et d'engendrer une cinéphilie fantastique en France, avec son lot de magazines spécialisés.

Autant qu'à l'histoire de la Hammer, c'est à ce processus que s'attaque Nicolas Stanzick, chroniqueur au Nouvel Obs et à l' Ecran fantastique , s'appuyant sur une somme impressionnante de coupures de presse et d'interviews. Un récit souvent captivant qui invite aussi à se (re-) plonger dans les petits chefs-d’œuvre gothiques du studio anglais. Que ça soit ou non votre tasse de thé.

Nicolas Berlie

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ALLOCINE.FR – le 15 juillet 2008

http://www.allocine.fr/video/laminute/default_gen_cmedia=18823538&hd=0.html

La Minute vidéo du 15 juillet 2008

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TOUTLECINE.COM – 15 juillet 2008 http://www.toutlecine.com/cinema/l-actu-cinema/0000/divers-00004251-a-lire-jetez-vous-dans-les-griffes-de-la-hammer.html

A lire : jetez-vous Dans les griffes de la Hammer

C'est en 1935 que la société Hammer Films voit le jour, mais il faut attendre 1957 pour que le mythique studio britannique frappe d'effroi et de stupeur le public, en revisitant les grandes figures du cinéma et de la littérature fantastique. Avec des films tels que Le Cauchemar de Dracula , La Nuit du loup-garou ou bien encore Le Retour de Frankenstein , la Hammer dépoussière un genre tombé en désuétude grâce à un mélange subtil d'hémoglobine et d'érotisme.

Grimés en vampires, Christopher Lee ou Peter Cushing ont contribué à bâtir cette légende gothique et funeste, en compagnie du réalisateur quasi attitré du studio, Terence Fisher. Nombreux sont les cinéastes à s'être par la suite nourris de l'esthétique de la maison Hammer, close en 1979, parmi lesquels John Carpenter, Tim Burton ou Quentin Tarantino.

Près de trente années plus tard, la firme ressuscite et les vampires avec, grâce à Beyond the Rave , long métrage diffusé sur Myspace (voir l'article : Horreur en série sur Myspace). Et ce n'est pas tout : les amateurs du genre pourront se replonger dans la fascinante histoire du studio grâce au livre de Nicolas Stanzick, Dans les griffes de la Hammer . Critique pour TélécinéObs ou bien encore L'Ecran fantastique , l'auteur apporte un nouvel éclairage sur le sujet grâce à un récit détaillé, vivant, agrémenté de nombreuses interviews. Dans les griffes de la Hammer est paru le 10 juillet aux Editions Scali.

Florent Rodier

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COMMEAUCINEMA.COM – 18 juillet 2008 http://www.commeaucinema.com/a-lire=le-studio-hammer-ressort-ses-griffes-grace-a-nicolas-stanzick,126568.html

Le studio Hammer ressort ses griffes grâce à Nicolas Stanzick

Le Cauchemar De Dracula, Le Chien Des Baskerville, La Nuit Du Loup-garou, Le Retour De Frankenstein, c’est lui. Lui, c’est le mythique studio Hammer Films situé à Londres, fondé en 1935 et qui a enfanté les plus célèbres films d’horreur et gothiques européens à partir des années 1950. Nourris des films fantastiques américains des années 1930, il a repris à son compte les personnages et les figures du genre de cette époque : Dracula, Frankestein, le loup-garou ou la momie. Le sang coule à flot, l’érotisme affleure et le conservatisme culturel et social de l’époque est violemment fustigé.

Fermé en 1979, englouti par la vague des blockbusters, le petit studio londonien est racheté par Endemol l’année dernière. Il a diffusé cette année sur internet, via Myspace , un nouveau long-métrage sous forme de petits épisodes, intitulé Beyond The Rave. Un film de vampires comme il se doit.

C’est à ce studio mythique et tombé dans l’oubli que Nicolas Stanzick a voulu rendre hommage à travers son premier ouvrage Dans les griffes de la Hammer . Passionné de cinéma fantastique et de culture rock depuis tout jeune, ce trentenaire fut critique ciné au Nouvel Observateur , La Saison télévisée , L’écran fantastique et a participé à l’écriture du Dictionnaire du cinéma populaire français .

L’ouvrage est construit en deux parties. Dans la première, l’auteur revient sur le phénomène Hammer en France, qui grâce à ses films a permis de faire connaître le vampirisme ainsi que la littérature fantastique de Bram Stoker ou Percy Bysshe Shelley. Tout un pan du cinéma des années 1960 et 1970 est ainsi consacré et ancré dans l’histoire du septième art. La seconde partie est consacrée à des entretiens avec de célèbres cinéphiles français qui racontent leurs expériences personnelles avec ce studio et ses films. Un choix que Nicolas Stanzick justifie ainsi : « Il était impératif pour moi de fournir davantage qu’une réflexion

22 théorique et de donner au livre une véritable épaisseur humaine. Ces deux parties sont faites pour dialoguer entre elles. (…) On peut entamer le livre par l’une ou l’autre ».

Si la littérature anglo-saxonne sur le sujet est bien fournie, celle française est plus modeste. Nul doute que cet ouvrage, à la couverture soignée et réussie, constitue un éclairage nouveau sur l’histoire européenne du film fantastique.

Bertrand Enjalbal

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LA NOUVELLE REPUBLIQUE – 21 juillet 2008

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CRITIKAT.COM – 22 juillet 2008 http://www.critikat.com/Dans-les-griffes-de-la-Hammer.html

La France et l’âge (du prince) des ténèbres « Dans les griffes de la Hammer » écrit par Nicolas Stanzick

La France et le cinéma de genre, ce n’est pas une histoire facile. La France et le fantastique, c’est encore moins simple. Et lorsqu’on parle de la maison de production Hammer, chère aux cœurs des cinéphiles fantastiques, la question est d’autant plus d’importance qu’elle est liée à la naissance de la cinéphilie fantastique française. C’est la thèse de Nicolas Stanzick, défendue avec passion dans le premier ouvrage consacré à la réception historique et sociologique du corpus de la Hammer en France.

En 1985, dans La Rose pourpre du Caire , Tom Baxter le personnage de cinéma tend la main à Cécilia la femme au foyer malheureuse et rêveuse. Va t-elle choisir de le rejoindre de l’autre côté de la réalité, dans l’écran ? Peu nous importe, sinon l’image : le mythe cinématographique qui tend la main à son spectateur, c’est, pour les deux, admettre que l’un ne peut vivre sans l’autre.

Pour Woody Allen, comme pour beaucoup d’autre, le rapport à l’écran (et non à l’image, mais bien à son cadre) montre le besoin chez le spectateur d’autre chose qu’un pur divertissement. Entrer au cinéma est entrer dans un temple, ou le simple mortel va assouvir son besoin intime de sacré, de recréer ses icônes, et de leur redonner un culte. Paradoxe délicieux, ce rapport à l’écran est probablement plus l’apanage d’une population bien définie, que de toutes les autres "races" cinéphiles : les amateurs de fantastique bis , une population pourtant bien étrangère à la pompe et à dignité généralement associée au sacré. Et pourtant : Boris Karloff, Vincent Price, George Romero, Musidora, Roger Corman, Terence Fisher, John Carpenter, Bela Lugosi, Christopher Lee, d’Elsa Lanchester, James Whale, Peter Cushing... ce sont bien parfois des 25 icônes de l’impiété la plus éhontée auxquelles sont rendus les cultes les plus divers. Et parmi toutes ces sombres étoiles, une brille plus encore pour les cinéphiles fantastiques : la maison de production Hammer Films.

La France a toujours entretenu un rapport extrêmement conflictuel vis-à-vis du cinéma de genre : chaque réalisateur hexagonal - ou peu s’en faut - qui s’est frotté à la question semble avoir voulu œuvrer dans un genre, tout en le réinventant intégralement. On connaît les réussites de cette arrogance. Lorsque le fantastique est concerné, l’affaire se corse, car la France critique et les élites n’ont longtemps voulu voir dans ce genre qu’un plaisir enfantin, régressif, indigne enfin. Qu’une population fidèle se presse aux entrées des quelques salles alternatives œuvrant dans le genre au tournant des années 50-60 n’a pas semblé, au départ, bousculer outre mesure les jugements de valeur. Lorsque le fantastique était l’œuvre de Cocteau dans La Belle et la bête , de Franju dans Les Yeux sans visage ou de Carné dans Les Visiteurs du soir , c’était avant tout un film de leur auteur avant d’être un film de genre. Mais c’était avant l’arrivée de la Hammer sur nos écrans.

Nicolas Stanzick retrace, dans son Dans les griffes de la Hammer , les rapports de la France d’alors et du studio anglais, et particulièrement de son réalisateur-phare, Terence Fisher. Parler de la Hammer dans ses années là, ce n’est pas seulement parler de Peter Cushing et de Christopher Lee, de Frankenstein s’est échappé ou de Dracula, prince des ténèbres . Autour du studio et de son corpus - principalement axé sur une politique de remake des grands films de monstres de l’âge d’or Universal - s’est formé à cette époque une caste cinéphile encore inédite dans l’hexagone : les cinéphiles fantastiques. Michel Caen en tête, ils seront à l’origine de Midi-Minuit Fantastique , la première publication dédiée au genre en France. Mais surtout, cette première génération de midi-minuistes apportera ce qui avait toujours manqué au genre fantastique : la reconnaissance critique. Et Nicolas Stanzick de souligner à quel point ce bouleversement n’est pas seulement le fait du seul cinéma de la Hammer, mais de son positionnement dans l’Histoire. Midi- Minuit , la Hammer, Mai 1968... Subversif, pétri de transgression, le cinéma de la Hammer se charge de symboles sociaux parfois étonnants. C’est donc une génération d’amateurs, érotomanes réjouis et partisans dandies d’un cinéma fauché et inventif, qui deviendra la figure de proue de la reconnaissance, particulièrement, de l’œuvre de Terence Fisher, de la Hammer, et du fantastique en général, dans un contexte de France révolutionnée.

Mythes et légendes président à la cinéphilie dépeinte par Nicolas Stanzick, et tout bon fantasticophile vous le dira : on ne succombe aux sirènes du fantastique que via l’imaginaire, suscités par les interdits et les visions manquées. Bénie soit la censure, pour avoir interdit tant de film aux jeunes cinéphiles que nous étions ! Combien nous avons fantasmé sur ces films inaccessibles... L’affiche du Cauchemar de Dracula et sa belle pâmée dans les bras du Comte vampire a bien pu susciter l’émoi dans les cœurs (pour le moins) des amateurs à l’époque de sa sortie - autant que dans ceux des futurs découvreurs du genre, des décennies après. Et ce, d’autant plus que le film n’était que peu visible. L’imaginaire préside à l’appréciation de ces films, autant pour les films eux-mêmes que pour tous les gimmicks des salles d’exploitation. L’auteur de Dans les griffes de la Hammer dresse donc un portrait étonnant d’une France fantasticophile, ancrée dans une époque, à l’aune de ce besoin de créer aussi bien que de combler l’imaginaire.

En présentant avec une culture consommée une analyse du style et des retombées de la Hammer en France, Nicolas Stanzick aurait pu certainement livrer un essai passionnant. Fort heureusement, l’auteur est un cinéphile fantastique bis consommé, et le revendique au détour de son histoire de la Hammer. Lors d’entretiens-fleuves avec les grands acteurs de l’époque Midi-Minuit fantastique , mais également lorsqu’il se fait le héraut d’une culture orale qui participe autant que les films eux-même à la légende de la Hammer. Pour parachever le tout, l’auteur émaille son évocation d’analyses passablement incongrues, mais réjouissantes et convaincantes (voir pour cela l’analyse pointue de l’importance sociale et culturelle de l’acceptation de Dracula dans un film de Pierre Richard ou l’extraordinaire retour sur la première page de MMF ).

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Qu’importe si Nicolas Stanzick a raison, dans son analyse de cette première page ? Pour tout fantasticophile, l’idée est défendable, même si c’est avec mauvaise foi, même si les faits réels parlent contre. L’importance, c’est de créer un mythe. Dans les griffes de la Hammer réussit ainsi parfois le prodige de faire partager à son lecteur, fut-il totalement éloigné du monde des cinéphiles fantastiques, la passion intrinsèque à cette cinéphilie. Dans les pages de ce livre, qu’on eut malgré tout aimé plus richement iconographié - et où la couleur rouge aurait eu tellement bien sa place ! - ce n’est pas Tom Baxter qui emporte Cécilia au delà de l’écran, mais le Baron Frankenstein, Dracula, le loup-garou ou la femme-reptile qui nous saisissent et nous emmènent. Et disons-le : voilà un enlèvement dont on ne saurait se plaindre...

Vincent Avenel

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CRITIKAT.COM – 23 juillet 2008 http://www.critikat.com/Nicolas-Stanzick.html

Nicolas Stanzick pour la sortie de son livre "Dans les griffes de la Hammer »

Comme vous posez la question à vos interviewés dans Dans les griffes de la Hammer , qu’est-ce qui vous a amené à connaître et à apprécier la Hammer et le Fantastique en général ?

Nicolas Stanzick : En ce qui concerne le fantastique, ça a d’abord été un choc en salle à l’âge de cinq ans, lorsque j’ai vu Le Retour du Jedi en 1983. La séquence où Dark Vador enlève son masque m’avait bouleversé. Il révélait deux visages : son masque atroce, qu’on connaît tous et qui est une sorte de tête de mort menaçante, et caché derrière, le visage d’un vieillard qui visiblement avait beaucoup souffert. Cette double image, rétrospectivement, est certainement l’origine de mon goût pour le fantastique, et aussi de mon goût pour Fisher ( Terence Fisher, réalisateur phare de la Hammer (NDLR)). Il y avait incontestablement du Fisher dans cette séquence-là. Il y avait le Fisher que j’adore, celui qui s’attache systématiquement à filmer la dualité de ses personnages, celui des Deux visages du Dr. Jekyll , celui de La Nuit du loup-garou , celui du Cauchemar de Dracula . Dans ce dernier film par exemple, la superposition des visages de Christopher Lee est exemplaire : Dracula nous est d’abord présenté avec un plan large où il apparait en haut d’un escalier, majestueux, en aristocrate racé jusqu’au bout des ongles, tout à fait sociable, puis un quart d’heure plus tard, Fisher introduit à nouveau le personnage en un gros plan légendaire qui nous le présente cette fois en monstre assoiffé de sang, ne communiquant plus que par grognements et sifflements. Le fantastique pour moi, c’est vraiment cela : dépeindre le double en tout homme, cette zone mystérieuse de l’âme humaine où réel et imaginaire se contaminent et deviennent indissociables. Mon goût pour la Hammer stricto sensu lui, m’est venu lors de la diffusion du Cauchemar de Dracula à La dernière séance , en 1985. Tout est né en fait d’une frustration : un article à cette occasion dans Télé 7 jours sur le mythe de Dracula, très accrocheur, m’avait profondément fasciné. Je voulais absolument voir le film, et vu l’heure tardive de diffusion, je n’ai pas pu assister à la séance. En 1987, j’ai 28 finalement vu Dracula, Prince des ténèbres . J’avais déjà vu Le Bal des vampires de Polanski quelques mois auparavant, mais cette fois-ci, il y avait vraiment l’idée que c’était l’original, le vrai Dracula, avec Christopher Lee himself. J’ai eu très peur, mais j’ai aimé au point de tenter de l’adapter en roman dès le lendemain, en rebaptisant l’histoire « Comte Von Krolock, prince des ténèbres », manière de faire fusionner Polanski et Fisher. C’est assez amusant, car j’ai même dessiné une couverture à cette occasion qui – je m’en suis rendu compte en retombant dessus par hasard il y a quelques jours – n’est pas très éloignée de l’affiche signée Guy-Gérard Noël retenue pour Dans les griffes de la Hammer : Dracula yeux injectés de sang et canines proéminentes, sur fond de château maléfique… Peut-être est-ce lié à cette expérience fondatrice, mais ce troisième Dracula réalisé par Fisher n’a jamais manqué depuis de susciter en moi cette excitation, cette angoisse originelle : la première partie est un modèle de montée progressive et inéluctable vers l’Horreur, avec cette atmosphère de cauchemar éveillé qui reste très inquiétante aujourd’hui encore. Quelques mois après ce Dracula, il y a eu Le Chien des Baskerville , vu en groupe cette fois au cours d’un gouter d’anniversaire chez un ami : certains enfants, dont je n’étais pas peu fier de ne pas faire parti, n’ont pas tenu le choc, et on a donc été obligé d’interrompre la séance après la fabuleuse séquence d’introduction qui voit le sadique Hugo de Baskerville poignarder une jeune domestique avant de se faire dévorer par le chien infernal dans de vieilles ruines gothiques…

Donc aimer la Hammer, c’est avant tout une histoire de mythologie personnelle ?

N.S. : C’est tout à fait ça. D’ailleurs, quand on pose la question à tous les cinéphiles qui à un moment donné ont cheminé en compagnie de la firme anglaise, tous racontent des expériences plus ou moins similaires. C’est le récit de telle ou telle photo d’exploitation vue à la dérobée en passant devant le Midi-Minuit, le Brady ou le Colorado, temples parisiens du cinéma fantastique, ce sont les longues années d’attente au cours desquelles on fantasme les films faute d’avoir la possibilité de les voir, c’est le sentiment très conscient de braver un interdit lorsqu’enfin on finit par voir son premier Hammer. Toute l’histoire de la Hammer en France, tient finalement dans l’invention d’une mythologie qui s’est imposée au détour des années 60 et 70.

Dans votre livre, vous privilégiez l’approche socio-historique, au détriment de celle, plus attendue de l’histoire du cinéma. Pourquoi ?

N.S. : Beaucoup de livres en Angleterre et aux Etats-Unis sont déjà sortis sur la Hammer, ses conditions de production ou le travail de ses metteurs en en scène ; en France, il y a eu des textes brillants, mais jamais dans le cadre d’ouvrages strictement consacrés au studio londonien : les écrits de Jean-Marie Sabatier, Gérard Lenne ou Jean-Pierre Bouyxou par exemple font toujours référence aujourd’hui. J’étais donc face à un paradoxe : j’allais écrire le premier livre français consacré à la Hammer, mais il me fallait néanmoins apporter quelque chose de neuf. Je suis historien de formation et il m’a semblé très vite que remettre les films dans leur contexte pourrait se révéler être un choix payant. On perçoit mal aujourd’hui la violence du phénomène Hammer en son temps : non seulement en termes graphiques à l’écran, mais au-delà, dans l’accueil réservé par la critique établie et l’opinion dominante. Le Cauchemar de Dracula , Frankenstein s’est échappé ont suscité de véritables tollés médiatiques. Les amateurs, qui allaient fonder la cinéphilie fantastique française, et les tenants d’une cinéphilie plus classique, se sont livrés une véritable bataille d’Hernani. J’exagère à peine… En France, c’est avec le déferlement des productions Hammer qu’on s’est véritablement initié au genre, c’est avec les films signés Fisher qu’on a découvert les grands mythes du fantastique comme Dracula, Frankenstein, le loup-garou ou la momie. Même les romans de Bram Stoker ou Mary Shelley n’ont eu droit à des éditions dignes de ce nom qu’une fois le phénomène Hammer bien installé, au milieu des années 60. Pour moi, parler de ces films dans le contexte français des années 60, celui des grandes heures de la cinéphilie, de la culture pop, de Mai 68, mais aussi de la persistance de pesanteurs morales d’un autre temps, c’était tout simplement leur rendre justice. C’était à la fois une manière d’écrire une histoire de la cinéphilie fantastique française via le prisme de la Hammer, mais aussi une façon de rendre intelligible une part de la vérité intime de ces films, généralement passée aux

29 oubliettes lorsqu’ils sont vus ou commentés aujourd’hui : leur intense charge subversive initiale et leur faculté à transmettre une mythologie cinéphile à tous ceux qui un jour s’y sont frottés.

Que signifie de sortir un tel livre aujourd’hui ?

N.S. : Il y a plusieurs éléments de réponse. Certes la Hammer est un cinéma marqué dans le temps et qui appartient à une époque bien révolue. Mais il y a aujourd’hui un intérêt réel et renouvelé pour ce studio culte. Les éditions Metropolitan/Seven 7 ont par exemple récemment sorti une très belle collection de vingt DVD, intitulée « Les trésors de la Hammer » et celle-ci a visiblement été un succès commercial. Des sites internet comme www.thehammercollection.net sont entièrement consacrés au studio anglais et chaque jour, des fans y échangent via les forums leur point de vue sur ces films vieux de cinquante ans ! Plus symptomatique encore, la Cinémathèque française a organisé l’année dernière la plus importante rétrospective jamais consacrée à Fisher et celle-ci a fait autant figure de légitimation définitive du cinéaste que de reconnaissance officielle de la cinéphilie fantastique. Même sur le front de l’actualité pure, les choses bougent : la Hammer renaît aujourd’hui officiellement alors que ce retour était annoncé – espéré – depuis des années. Le studio vient de produire Beyond the Rave , un long métrage diffusé sous forme de feuilleton sur Myspace : ce n’est pas un film de cinéma à proprement parler, mais pourquoi pas ? Et par rapport à la France, quand on voit que Mad Movies ou L’Ecran fantastique sont toujours des succès de kiosques, que les festivals consacrés au genre pullulent (Gerardmer, l’Etrange Festival, Le festival de Strasbourg…), ou que des chaines spécialisées comme Ciné Fx trouvent leur public avec une programmation riche en inédits et particulièrement exigeante, on comprend vite que la cinéphilie fantastique n’a rien perdu de sa vitalité. Peut-être n’est-elle pas aussi subversive qu’auparavant, mais elle a toujours une identité très marquée. La Hammer lui a tenu lieu d’emblème pendant ses jeunes années : revenir sur son histoire, c’est donc aussi se poser des questions fondamentales sur soi-même lorsqu’on se revendique cinéphile fantastique…

Comment avez-vous vécu les entretiens avec les personnes interviewées dans votre livre, qui constituent à elles seules trois générations de cinéphiles fantastiques ?

N.S. : Au-delà de la mine d’anecdotes édifiantes, d’analyses pertinentes et de témoignages primordiaux, j’ai d’abord vécu ces entretiens comme des moments très émouvants. J’étais en quelque sorte face aux héros d’une fabuleuse histoire : ils sont les grands aînés fondateurs de la cinéphilie fantastique française, et immanquablement ils m’ont souvent parlé de cette époque de leur vie avec une nostalgie communicative. Même si certains d’entre eux sont passés à autre chose depuis, l’émergence de cette cinéphilie reste un moment privilégié de leur parcours. Quand on discute avec Michel Caen ( fondateur de la revue Midi-Minuit Fantastique (NDLR)), on se rend compte que c’est quelque chose qui le travaille très fortement émotionnellement, encore aujourd’hui et je le comprends bien volontiers : il a connu de vrais succès financiers en fondant bien après Midi-Minuit Fantastique des revues comme Zoom ou Vidéo News , mais la reconnaissance du fantastique en France, c’était rien de moins que le combat de ses 20 ans.

Un des premiers charmes des films de la Hammer, c’était leur rapport aux contraintes qui pesaient sur ces films, en raison de leurs petits budgets…

N.S. : Je ne dirais pas que c’était un des premiers charmes de la Hammer. Ce serait sans doute un peu réducteur de présenter les choses ainsi, car il y a bien des manières d’aborder ce cinéma : le genre, ses auteurs, son esthétique sanglante alors inédite, son travail sur les mythes, sa situation singulière dans l’histoire du cinéma, entre classicisme et modernité… Chaque amateur peut être séduit par l’un ou l’autre de ces aspects. Je dirais en revanche que cette manière de penser la contrainte du petit budget comme la condition d’une plus grande créativité, c’était toute la noblesse de ce cinéma. Les réalisateurs et techniciens de la Hammer se vivaient comme des artisans, et cette modestie leur a finalement souvent permis d’atteindre à l’art le plus authentique.

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Vous n’abordez que peu le cinéma de Roger Corman, avec Vincent Price, le pendant américain de la Hammer…

N.S. : C’est avant tout pour une raison historique. Les films de Corman, tels que Le Masque de la mort rouge ou L’Enterrement prématuré , sortent pour la plupart vers 1969-70 en France, soit des années après leur production. C’est d’ailleurs grâce aux fondateurs de Midi-Minuit fantastique, Michel Caen et Jean- Claude Romer, qu’on a pu les voir ici : les films qu’ils programmaient au Studio de l’Etoile se voyaient ensuite distribués en province. Seuls La Chute de la maison Usher et La Chambre de torture sont sortis dès les années 1963-1965. Bref, au moment où l’essentiel du cycle Poe de Corman débarque enfin sur nos écrans, une période clef de la cinéphilie française est déjà scellée : les opus fondateurs du cycle Hammer ont été vus et assimilés, les premiers revirements critiques post-68 ont déjà eu lieu et Midi-Minuit Fantastique s’apprête à disparaitre. Plus largement, le livre ne cherche pas du tout à asséner l’idée que la Hammer proposait un cinéma supérieur à celui de l’américain Roger Corman, de l’espagnol Jess Franco ou des italiens Riccardo Freda et Mario Bava. Les années 60 ont été un véritable âge d’or du cinéma fantastique, le troisième après celui l’expressionnisme allemand et celui de la Universal. C’était une période privilégiée dans laquelle la Hammer a joué un rôle de leader et a suscité hors de l’Angleterre mieux que des démarquages audacieux, des films finalement souvent très personnels. Personnellement, j’aime autant Bava que Fisher. La sensualité latine du gothique italien me touche autant que la fantasmagorie erotico-sanglante victorienne. Ceci étant précisé, lorsqu’on se focalise sur ce qu’ont pu incarner tous ces films ici, même si Le Masque du démon , Crime au musée des horreurs ou Le Voyeur ont été des chocs aussi forts que Le Cauchemar de Dracula , la Hammer a incontestablement joué le premier rôle dans le champ des débats cinéphiles du temps et dans le rapport de France au fantastique. Il y a des raisons très simples à cela. Non seulement, les films produits par la Hammer étaient les plus nombreux, mais en ressuscitant les grandes figures du cinéma fantastique avec une rigueur toute personnelle, en jouant le jeu d’une équipe spécialisée où les mêmes metteurs en scènes, acteurs et techniciens se cotoyaient, la Hammer a crée un univers identifiable qui se prolongeait de films en films. C’est devenu un label en tant que tel, synonyme de fantastique, autant pour les amateurs que pour le « camp adverse » dont Télérama avait pris la tête. Le débat a donc fini par porter principalement autour de la Hammer. Et ce n’est pas un hasard si, au détour des années 1970, une nouvelle génération de cinéphiles fantastiques apparaît via la transmission d’un corpus cinématographique au sein duquel la petite compagnie londonienne a vraiment la première place. Ces nouveaux amateurs - pour résumer la génération Starfix – seront ceux qui suivront religieusement la rétrospective annuelle consacrée à la Hammer au Festival Fantastique de Paris au Grand Rex. Ils seront ceux qui parallèlement, suivront les multiples rediffusions des classiques de Fisher, Sharp ou Gilling au Brady, au Colorado... Pour eux, la Hammer est devenue une anthologie de classiques qui non seulement permettait une initiation au genre et au cinéma en général, mais à une cinéphilie rêvée et idéalisée : celle, subversive et un peu révolue des années Midi-Minuit Fantastique . Bref, la Hammer est devenue une mythologie en tant que tel. Bava, par exemple, était adulé lui aussi, mais était dépourvu de mythologie propre…

Est-ce que ce cinéma bis , fauché, obligé d’être malin pour faire face au manque de moyen, a encore une actualité aujourd’hui ?

N.S. : Il continue à exister dans le regard de ceux qui l’ont aimé. Le cinéma de Burton, de Tarantino ou de Rodriguez fait très souvent référence au cinéma bis . Je trouve leur démarche souvent passionnante, même si je ne comparerais pas leurs films aux originaux dont ils s’inspirent. Un film comme Boulevard de la mort parle finalement plus de Tarantino lui-même que de Russ Meyer. Idem avec Sleepy Hollow qui en dit beaucoup plus long sur Burton que sur le trio Bava/Corman/Fisher dont l’influence est par ailleurs manifeste. Je trouve ces films fascinants parce qu’ils projettent sur l’écran des souvenirs très personnels, des émotions cinéphiles fondatrices. Ces films sont les fantasmes de leurs auteurs, certainement pas de vaines collections de citations qui disserteraient sur le cinéma de genre. Quand je vois Johnny Depp dans Sweeney Todd par exemple, il me semble absolument évident que Burton s’amuse avec son acteur fétiche, le souvenir de Boris Karloff en tête, comme un gamin rejouerait dans sa chambre ses séquences de cinéma 31 préférées avec de petites figurines… D’ailleurs, ses premiers courts-métrages, Vincent ou Frankenweenie parlaient explicitement de cela. Je trouve cette démarche non seulement très émouvante et jubilatoire, mais avec le talent de réalisateur d’un Burton derrière la caméra, ça touche carrément au sublime. Il me semble que ce rapport cinéphile et mémoriel au cinéma de genre a été initié avec Star Wars . Spielberg, toujours encouragé en ce sens par Lucas, lui a emboité le pas avec Les Aventuriers de l’arche perdue et se suites. La génération Tarantino a pris depuis la relève. C’est une démarche quelque peu post-moderne qui correspond à un autre moment de l’histoire du cinéma, l’après cinéma de genre : le genre est mort, que faire désormais si ce n’est filmer les émotions qu’il a jadis suscitées en nous ?

Le genre est mort ?

N.S. : Non, je ne pense pas. C’est évidemment une vue de l’esprit. Le genre ne meurt jamais, les cinéastes trouvent toujours une manière pour le réinventer, le reformuler, le renouveler. Lucas pour revenir sur son exemple, avait l’ambition de combler le vide de la disparition du western avec son premier Star Wars : à mon sens il a pleinement réussi, si ce n’est quantitativement en termes de production de films, du moins qualitativement en termes de contenu vis-à-vis d’un très large public. Terence Fisher a réussi le même exploit en redonnant vie au cinéma d’horreur gothique qui était considéré comme mort et enterré depuis les années 40 et les comédies fantastiques d’Abott et Costello. Le genre ne meurt jamais donc, mais une certaine économie de cinéma – celle du cinéma bis , des salles d’exploitation – est bel et bien morte en revanche vers la fin des années soixante-dix. La disparition de la Hammer comme firme productrice de cinéma en 1979 ne signifie pas autre chose

Est-ce que selon vous il existe encore un réseau comme celui des salles d’exploitation ? Est-ce le public alternatif est toujours au rendez-vous ?

N.S. : Le public alternatif est présent dans les festivals spécialisés. Il existe d’autre part les salles alternatives, des salles art & essai… Cela dit, l’art & essai, c’est déjà autre chose que le cinéma bis .

Est-ce que justement, le cinéma bis et l’art & essai ne se sont pas rapprochés, alors que le cinéma bis acquiert une certaine noblesse ?

N.S. : Ce n’est pas tout à fait exclu – pas mal de gens travaillent en ce sens. Jean-François Rauger par exemple fait un boulot formidable depuis qu’il est à la tête de la programmation de la Cinémathèque française. L’histoire du cinéma bis , ses auteurs, ses œuvres phares, ses sous-genres se sont largement popularisés grâce à lui et ont atteint un public bien différent de celui des salles de quartiers des années 60 et 70. D’ailleurs, il ne se contente pas de promouvoir le cinéma bis en tant que tel : il va jusqu’à défendre des auteurs qui ont œuvré dans le bis comme des auteurs à part entière. C’est pour cette raison qu’on a eu droit à des rétrospectives Mario Bava, Terence Fisher ou Jess Franco.

Est-ce que Jess Franco à la Cinémathèque, ça ne lui enlève pas une certaine… prestance ?

N.S. : Je ne crois pas. J’étais là à la soirée d’ouverture, en présence de Franco. C’est aujourd’hui un vieux monsieur qui a plus de 250 films derrière lui, et il était très ému de cette reconnaissance tardive. Personnellement, j’avais des a priori sur lui, mais ils ont vite volé en éclats : dès qu’on l’écoute parler de son cinéma, dès qu’on se plonge plus avant dans sa filmographie labyrinthique, on découvre un cinéaste tout à fait passionnant, porté sur un érotisme aussi expérimental que personnel. On lui a souvent reproché de faire n’importe quoi, de tomber dans le mauvais porno, le mauvais fantastique, d’être prêt à toutes les compromissions. Le mérite d’une rétrospective comme celle-là est de remettre les pendules à l’heure. C’est une vraie manière de tordre le cou à sa réputation de tâcheron paresseux du Z. Les longues séquences où Lina Romay, sa compagne depuis plus de 30 ans, se caresse dans La Comtesse noire ou dans Doriana Gray , ne sont en rien du remplissage vide d’inspiration par exemple. Ce sont de longues scènes hypnotiques, radicales, où les zooms obsessionnels sur la vulve offerte tiennent lieu de manifeste esthétique : Franco est un cinéaste qui filme par pulsion, qui filme la pulsion, et qui plus simplement est amoureux fou de son égérie. C’est réellement très beau… Klimt faisait-il quelque chose de si différent 32 lorsqu’il réalisait des esquisses au crayon de ses modèles, yeux clos, le corps tendu par le plaisir des caresses intimes ?

Le cinéma bis s’accommode donc très bien d’une certaine notoriété ?

N.S. : Pourquoi pas ? A la limite, peut-être qu’à l’époque de sa production, ce cinéma n’avait pas vocation à être légitimé, d’où les postures de francs-tireurs des cinéphiles fantastiques de l’époque. Ces films à petit budget, se rentabilisaient très bien sans reconnaissance critique et trouvaient leur public naturel avec tous les déracinés des boulevards : promeneurs solitaires, travailleurs immigrés, étudiants, clochards, érotomanes divers et autres dandys… Mais aujourd’hui, avec de meilleures conditions d’exploitation, avec la fin de la ghettoïsation de ce cinéma, il s’agit tout simplement de découvrir de bons films. Le cinéma n’est qu’un finalement : le terme « cinéma bis » n’est que l’expression des clivages d’une époque.

Est-ce qu’il est nécessaire pour un amateur de cinéma bis de passer derrière la caméra ? Est-ce que ça vous a effleuré l’esprit ?

N.S. : Je ne pense pas. Il m’arrive de m’amuser avec une caméra, mais il existe un pur plaisir de spectateur dont je me satisfais pleinement. En revanche, je suis guitariste dans un groupe de rock’n’roll qui s’appelle Ultrazeen , et toute cette culture de la série B, du cinéma de genre nous inspire assez régulièrement. On a fréquemment fait notre entrée sur scène avec le générique de Django de Sergio Corbucci, et on vient d’écrire un morceau qui s’appelle « Wolverine ». D’une manière générale, ce cinéma a souvent inspiré la culture punk. Il suffit de réécouter les Cramps par exemple pour s’en convaincre, ou ce groupe marseillais de Surf Music pas très connu mais absolument génial, Hawaï Samuraï , qui a sorti un titre intitulé « Le Masque du démon ».

Qu’est-ce que vous pensez du fantastique actuel, notamment français, anglais… ?

N.S. : Je connais assez mal le fantastique français actuel. Pour les quelques films que j’ai vu, ils me semblent souvent faits avec talent, conviction, honnêteté, mais ils pèchent néanmoins par excès de bonnes intentions. Ces films parviennent assez rarement à s’inscrire dans une véritable culture du genre : ils réfléchissent davantage sur ce que pourrait être le cinéma fantastique français s’il existait de manière décomplexée. De plus en plus de films fantastiques français sortent, certes, mais toujours avec cette ambition de faire LE film fantastique français ultime qui imposerait le genre ici. Résultat, ces films sont souvent des prototypes, de purs produits mentaux, qui peuvent être très intéressants et attachants, mais qui n’ont pas la toute puissance d’évocation propre d’ordinaire au cinéma fantastique. Jean-Marie Sabatier disait que « le réalisateur de film bis a une sorte de rôle mediumnique », qu’il se fait « le traducteur spontané des mythologies collectives, objectives… ». C’est peut-être cette modestie du geste qui fait défaut ici. Ce qui ne veut pas dire qu’un film de genre doit être impersonnel pour être réussi, bien au contraire. Quoi de plus personnel qu’un film de Fisher, Bava, Romero, Carpenter, Argento ?... En Angleterre, les choses se font de manière plus naturelle. C’est toujours une terre d’élection du fantastique. Les films de Neil Marshall comme The Descent , ou ceux de Simon Pegg, Shaun of the Dead et Hot Fuzz , sont à la fois ambitieux et suffisamment modestes dans leur rapport au genre pour fonctionner pleinement et apporter du neuf. Hot Fuzz par exemple, puise très intelligemment dans la culture de la Hammer ou dans cet ovni qu’est The Wicker Man , qui n’est pas certes pas un Hammer, mais qui peut faire figure de film- testament de la Hammer presqu’au même titre que Frankenstein et le monstre de l’enfer : le film de Simon Pegg est pour moi autant une manière comique et décalée de rejouer tout ce pan de cinéma, qu’une façon de lui offrir un nouveau classique... En Espagne aussi, sont également sortis des films très intéressants ces derniers mois : REC ou les Proies , jouent la carte d’une horreur viscérale qui a visiblement des choses virulentes à asséner sur la prétendue modernité de nos sociétés occidentales.

Selon votre livre, la Hammer a cessé d’exister alors qu’elle a cessé d’être en phase avec son époque. La firme renaît de ses cendres aujourd’hui, qu’est-ce que ça vous inspire ?

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N.S. : Beaucoup de curiosité ! C’est la première chose. Au-delà, ce qui me frappe c’est qu’un groupe comme Endemol, qui s’est fait connaître par la télé réalité, et qui appartient donc à un univers qui n’a strictement rien à voir avec que qu’à pu incarner la Hammer dans les années 60, rachète le studio pour lui faire réaliser des films de d’horreur gothique à base de vampires. C’est assez ironique et drôle, mais au- delà, c’est aussi le signe que la Hammer a une identité qui ne vacille pas, même aux yeux des professionnels des médias d’aujourd’hui. Après je me doute bien qu’on ne va pas reproduire ce qui s’est passé dans les années 1960 : la rencontre d’un très grand auteur, Terence Fisher, avec une équipe technique formidable : des producteurs qui avaient une vraie culture du genre, Anthony Hinds, James Carreras ; des chefs opérateurs comme Jack Asher ; des grands acteurs comme Peter Cushing, Christopher Lee ; un compositeur comme James Bernard… Il y a eu vraiment un certain nombre d’élément qui ont fait que ces films étaient passionnants et représentaient avec une rare acuité leur temps. Il est très improbable qu’une telle conjonction d’éléments ait lieu de nouveau. Mais il est vraiment sympathique de se dire que la Hammer est toujours vivante…

Finalement ce n’est que justice que la Hammer renaisse de ses cendres…

N.S. : Exactement ! [rires] Après tout, on a bien vu Dracula renaître sept fois...

Merci, Nicolas.

Propos recueillis par Vincent Avenel

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THEHAMMERCOLLECTION.NET – 2 aout 2008 http://www.thehammercollection.net/critiquelivrestanzick.htm#critiqueb

Une injustice enfin réparée !

"Dans les griffes de la Hammer" est le premier livre en français écrit sur la Hammer Films. Injustice, entre autres, parce qu'il en existait déjà une multitude en anglais.

Ce livre de Nicolas Stanzick est des plus agréables à lire. Il se distingue des autres livres écrit sur le sujet en ce sens qu'il nous fait comprendre dans sa première partie, pourquoi le cinéma fantastique était si peu populaire en France. Pourquoi les films de ce studio étaient si mal vus et même rejetés par les revues sur le cinéma de l'époque.

On y parle des pionniers, qui ont créé la première revue sur le cinéma fantastique (Midi-Minuit Fantastique ou MMF), qui ont osé tirer une pierre dans la marre et ainsi donner naissance à la reconnaissance de ce genre cinématographique en France au travers des films de Terence Fisher et de la Hammer. Cinéma fantastique qui pourtant était né dans ce même pays grâce à Méliès, mais qui fut oublié par la suite.

La seconde partie du livre fait témoigner sous forme d'entrevues, plusieurs personnalités de cette époque. Ils nous parlent de cet accouchement difficile, des salles de cinéma mythiques où étaient projetées ces films (Midi-Minuit, Le Colorado, etc.), de la distribution chaotique de ceux-ci dans les différentes salles du pays, et bien plus...

Aujourd'hui la Hammer Films est reconnue de plus en plus à travers le Monde. Ce livre en est un bon exemple. L'injustice est enfin réparée.

Daniel Frenette 35

CHARLIE HEBDO – 13 aout 2008

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TELERAMA.FR – 16 aout 2008 http://www.telerama.fr/cinema/que-sont-les-loup-garous-de-la-hammer-devenus,32082.php

Que sont les loups-garous de la Hammer devenus ?

La Hammer, ce mythique studio anglais qui fabriqua, des années 50 au milieu de la décennie 70, la crème du cinéma d'épouvante, fait l'objet d'un livre, "Dans les griffes de la Hammer". Rencontre avec son auteur, Nicolas Stanzick.

Avant de briller au firmament de la cinéphilie fantastique, la Hammer fut d'abord une société de distribution, fondée en 1934 par Enrique Carreras et William Hinds. Après-guerre, la firme britannique, indépendante et familiale, se lance dans la production de films de science-fiction. En 1955 et 1957, elle connaît ses premières réussites, avec (Le Monstre ) et Quatermass II (La Marque ). A la fin des années 50, la Hammer rachète les droits du catalogue fantastique d'Universal. De quoi dépoussiérer tout un bestiaire englouti : vampires, momies, gorgonnes et autres créatures peu amènes. C'est d'ailleurs le succès mondial de Frankenstein s'est échappé , magistrale reprise en main par Terence Fisher d'un mythe un rien mité (depuis le déclin du cinéma d'épouvante américain, la créature multi-suturée végétait dans les tiroirs d'Universal), qui précipite l'entrée de la Hammer dans son âge d'or. Période bénie qui ne s'achèvera qu'en 1977, avec La fille du diable , de Peter Sykes.

En vingt ans d'un cycle fantastique à succès, honni par la critique officielle et adulé par les adeptes du cinéma bis, le studio britannique a forgé sa légende, ses grands noms – les réalisateurs Terence Fisher et Jimmy Sangster, les acteurs Christopher Lee ou Peter Cushing – et sa griffe. Productions à petit budget, esthétique gothique souvent ancrée dans la période victorienne, scénarii imprégnés des thèmes de la littérature horrifique anglaise, de Bram Stocker à Mary Shelley, utilisation d'un technicolor flamboyant et subversive alchimie de sexe et de sang : les films de la Hammer se reconnaissent au premier coup d'œil.

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En 2007, à l'instar des morts vivants chers à son cœur, la Hammer renaissait de ses cendres, rachetée par la société Endemol. Destinées dans un premier temps à Internet et au marché DVD, les nouvelles productions de la firme s'inscrivent résolument dans la tradition maison. Depuis juin dernier, un long métrage fantastique estampillé Hammer, Beyond the Rave, de Matthias Hoene, est disponible sur Myspace.

Enfin, le studio fait l'objet d'un livre de ce côté-ci de la Manche : Dans les griffes de la Hammer . Un ouvrage signé Nicolas Stanzick, qui s'intéresse surtout à l'accueil et à l'impact des productions de la Hammer en France. Riche d'enseignements sur les cris d'orfraie d'une critique hexagonale bien timorée, ce livre évoque également la naissance de notre propre cinéma fantastique et, à travers plusieurs entretiens fleuve, la passion dévorante qu'inspira aux cinéphiles mordus de cinéma bis « le phénomène Hammer ».

Comment avez-vous découvert les films de la Hammer ?

Nicolas Stanzick : Tout a commencé par une vision manquée : c'était en 1985, j'avais sept ans et l'émission La dernière séance diffusait Le Cauchemar de Dracula . J'avais été absolument fasciné par les photos qui illustraient l'article dans notre programme télé mais, vu mon âge, mes parents m'avaient interdit de regarder le film. A partir de là, je me suis mis à surveiller toutes les diffusions de films de vampires. Ma deuxième vision manquée a eu lieu un peu plus tard, lors d'un goûter d'anniversaire. Mes copains et moi, on a commencé à regarder la cassette vidéo du Chien des Baskerville , un vrai condensé du style Hammer, avec demeure gothique, héros sadien et nobles dépravés. Hélas, nous n'avons pu aller au bout : en voyant l'effet que le film produisait sur nous, la mère de mon pote s'est empressée d'appuyer sur stop... A 9 ans, j'ai enfin assouvi mon fantasme en voyant Dracula, prince des vampires . Ça a été un vrai coup de foudre et le début d'une quête cinéphile. Telle est la voie classique suivie par beaucoup de cinéphiles fantastiques : une frustration originelle, qui nourrit un fantasme débouchant lui-même sur une passion dévorante.

Pourquoi avoir choisi de traiter principalement l'accueil et l'impact des films de la Hammer en France ?

N.S. : En France, mon livre est le premier à être spécifiquement consacré à la Hammer. En Angleterre et aux Etats-Unis, en revanche, les ouvrages sur le studio anglais sont légion et je ne tenais évidemment pas à les reproduire bêtement. Plutôt que de traiter le sujet du point de vue de l'histoire du cinéma, j'ai donc eu l'idée de partir des témoignages de ceux qui avaient découvert les films de la Hammer sur les écrans français. Ce choix m'est apparu d'autant plus évident qu'il existe un lien très fort entre la naissance de la cinéphilie fantastique, avec la publication des premières revues dédiées au genre, et l'arrivée du cycle fantastique de la Hammer dans nos salles. Ce dernier a en effet permis une redécouverte du genre et de ses mythes de ce côté-ci de la Manche. Indirectement, la déferlante Hammer a ainsi tiré des oubliettes les œuvres de Bram Stocker et Mary Shelley, mais aussi les films d'épouvante produits par Universal dans les années 30, les Bela Lugosi et les Boris Karloff. Toute une jeune génération de cinéphiles a découvert Dracula sous les traits de Christopher Lee.

Peut-on parler d'un phénomène Hammer en France ?

N.S. : Il y a bien eu phénomène mais d'une manière bien différente de celui qui toucha le monde anglo- saxon. Lorsque sort le premier Frankenstein de la Hammer, en 1957, il remporte un succès phénoménal aux Etats-Unis, devançant Le Pont de la rivière Kwaï au box office ! Là-bas, le film est très vite devenu un classique. A la même époque, il est sorti dans trois ou quatre salles à Paris. Le « phénomène » Hammer chez nous est à chercher du côté de l'accueil critique plutôt que du succès public. Très rapidement, on assista à une véritable lever de bouclier de la critique officielle : L'Humanité dénonçait un « spectacle scatologique », propre à détourner les citoyens du spectacle autrement révoltant de l'horreur réelle du monde ; Télérama voyait dans Le Cauchemar de Dracula , et plus particulièrement dans la figure antéchristique du comte, une école de la perversion, susceptible de former des générations de détraqués... Plus généralement, les films de la Hammer étaient considérés avec le mépris que l'on porte aux objets infantiles. Le scandale venait aussi, voire surtout, de l'érotisme trouble qui était l'une des marques de fabrique des productions Hammer, dominées par une esthétique érotique du sang. Dracula est réveillé par 38 le désir et la plupart des films du cycle dénonçait la persistance contemporaine des valeurs puritaines de la société victorienne. Face à ce tollé critique, des jeunes cinéphiles proches des mouvements de la contre- culture sont montés au créneau en créant des revues, en développant une espèce de « politique des horreurs » qui contribua à rendre visible le cinéma bis.

Qui sont les héritiers actuels de l'esthétique Hammer ?

N.S. : Toutes les productions fantastiques ultérieures doivent quelque chose à la Hammer. Cela concerne même un Romero, qui a priori incarne une forme de rupture avec la firme anglaise. Dans Le Jour des morts vivants , il a multiplié les hommages à Terence Fisher. Mais le plus évidemment influencé par la griffe Hammer est sans doute le cinéaste Tim Burton. Chez lui, l'hommage s'incarne moins dans un jeu de citations que dans une saisissante imprégnation visuelle : il recrée à l'écran les ambiances qui l'ont si fortement impressionné lorsqu'il regardait, enfant, les films de genre. Il suffit de voir Sleepy Hollow pour s'en convaincre : l'atmosphère du film emprunte autant aux codes de la Hammer qu'au gothique italien, mais il y a cette permanente confrontation de l'enfance au fantastique et à l'horreur. De manière générale, les réalisateurs qui emploient aujourd'hui Christopher Lee, l'inoubliable Frankestein et l'inimitable Dracula de la Hammer, se retrouve dans la sphère d'influence du studio mythique : Peter Jackson (Lee joue Saroumane dans Le Seigneur des anneaux ) ou George Lucas, qui a truffé l'épisode trois de la saga Star Wars de références à La Nuit du Loup Garou . En France, il me semble qu'en réalisant Le Pacte des Loups , Christophe Gans a donné un aperçu de ce que la Hammer aurait produit si elle avait tourné des films chez nous : le recours aux mythes locaux, la bête du Gévaudan, le shéma narratif construit autour d'une communauté villageoise terrorisée ou encore le jeu sur les couleurs et les costumes.

Quelle place tient-elle dans la cinéphilie fantastique actuelle ?

N.S. : Les temps ont changé, la cinéphilie fantastique n'existe plus en tant que mouvement contre-culturel et subversif. Cela dit, elle est encore bien vivante et son goût de l'imaginaire et des mythes ne se dément pas. Qui plus est, elle dispose aujourd'hui d'une multitude de supports et médias, au premier rang desquels Internet et les chaînes câblées. Quant au souvenir de la Hammer, il est régulièrement entretenu par la sortie de grosses collections DVD et des rétrospectives [en juillet 2007, la Cinémathèque organisait une grande rétrospective Terence Fisher, ndlr].

Comment voyez-vous l'avenir de la Hammer ressuscitée ?

N.S. : Cette renaissance a longtemps fait figure d'Arlésienne : on en parlait et rien ne se produisait. Cette fois, ça y est et je suis curieux de voir comment les nouveaux maîtres de la firme vont moderniser sa griffe : Endemol et la Hammer sont à des années-lumière l'un de l'autre mais le rachat de la firme, et la volonté affichée d'Endemol de relancer le tournage de films gothiques, prouvent que la marque Hammer est économiquement viable et esthétiquement, toujours aussi identifiable.

Mathilde Blottière

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LA CHARENTE LIBRE – 19 aout 2008

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SCIFI-MOVIES.COM – 20 août 2008 http://www.scifi-movies.com/francais/chronique.php?data=danslesgriffesdelahammer

Dans les griffes de la Hammer

Voici un nouveau livre sur la Hammer. Nouveau ? Pas vraiment ! Surprenant ? Sûrement !

Par l'intermédiaire des éditions Scali, Nicolas Stanzick, auteur passionné par le cinéma fantastique, le rock et la contre-culture nous livre le premier ouvrage consacré en France à la maison Hammer. Fondé en 1935, le studio britannique est devenu l'enseigne culte d'un cinéma novateur et provoquant. Fer de lance d'un genre nouveau initié avec un cycle gothique à partir de 1957, le style Hammer s'impose pendant deux décennies pour demeurer aujourd'hui encore gravé dans nos mémoires. La recette de ce succès ? Il viendra de la récupération du bestiaire Universal des années 30 (Dracula, Frankenstein, la Momie et consort) délaissé par les studios américains qui, au passage, ont bien du s'en mordre les doigts !

Le livre, un beau pavé de 464 pages, diffère largement de tout ce qui a été auparavant écrit sur le sujet. Il s'attache en effet davantage à la révolution qu'a créé le mythique studio de cinéma en France qu'à l'approfondissement cinématographique de ses productions. Bref Nicolas Stanzick observe surtout le brouhaha qu'ont provoqué les œuvres sorties de ses entrailles et diffusées dans les salles parisiennes qu'il ne critique celles-ci - la chose ayant sans doute été mille fois faite. Et par ce biais, c'est l'analyse de toute une société française et de son évolution cinématographique vis-à-vis d'un genre qui s'amorça, grâce à la Hammer, dans les années 60, qui est passé au peigne fin… au point que l'auteur soupçonne un instant cette petite révolution culturelle d'avoir joué sa part dans les évènements de mai 68.

L'autre originalité de Dans les griffes de la Hammer , ce sont les nombreuses interviews parsemées qui viennent appuyer les thèses de l'auteur. Directement dirigées par Nicolas Stanzick lui-même, elle font

41 intervenir les journalistes, amateurs invétérés et autres précurseurs qui ont vécu l'expérience Hammer, le cinéma bis et qui ont plus ou moins volontairement œuvré pour l'émancipation du cinéma fantastique en France.

Ce bel ouvrage est scindé en deux parties quasi distinctes. Dans la première il y est fait l'analyse de cette étrange relation qui a existé entre le peuple français et le fantastique avant l'arrivée des productions Hammer, date où la ciné culture fantastique hexagonale était quasi inexistante contrairement à la Grande- Bretagne et aux pays anglo-saxons en général. Appuyé par de nombreux témoignages, on y apprend l'anarchique distribution des films, la façon dont quelques salles parisiennes devenues cultes telle le Midi Minuit qui fit des films de la Hammer sa principale spécialité, se créant un noyau dur d'amateurs assidus que l'on nommera les Midi-Minuistes . La censure faite à ces œuvres, mélange savant d'érotisme et de sang, qui ne ressemblent à aucune autre y est étudiée de près. On se régale à découvrir comment la critique de l'époque - des Cahiers du cinéma et autre Positif - , virulente à souhait, retourne finalement sa veste devant l'engouement général. On assiste à la naissance de la revue Midi-Minuit Fantastique puis au combat qu'elle mène pour la démocratisation non seulement des films de Terence Fisher mais plus généralement pour le film fantastique, le film de genre et le cinéma bis.

La deuxième partie du livre est consacrée à la retranscription de longues interviews. Si cela s'avère de prime abord déconcertant, voire peut-être rébarbatif, car on ne s'attend pas à trouver ce genre d'information dans un tel ouvrage, cela se révèle au final judicieux car les entretiens menés par l'auteur avec les divers intervenants sont porteurs d'enseignements fascinants. On y découvrira donc les interviews de Jean-Claude Romer, Michel Caen, fondateur de la revue Midi-Minuit Fantastique , de Alain Schlockoff père du Festival du Film Fantastique de Paris et de la revue L'Ecran Fantastique qu'il dirige encore aujourd'hui et de bien d'autres instigateurs de cette montée en puissance du film fantastique en France. A lire certains récits, et même sans les avoir vécues, on se sent presque nostalgique de ces années de croisades menées du fond de ces (cette) salles mythiques…

Agrémenté de 41 photos en noir & blanc, le livre est au format 135 x 215 mm. Sa couverture est magnifiquement illustrée par un extrait de la superbe affiche française de LE CAUCHEMAR DE DRACULA - le film le plus prestigieux de la Hammer - chatoyant de couleurs à l'instar des productions de la firme qui, en la matière, donneront bien des idées à d'autres réalisateurs tel Mario Bava.

Le cinéma est avant tout une expérience collective et Dans les griffes de la Hammer en est un très beau recueil, tourné vers le studio britannique. Il est paru le 10 juillet 2008.

DoctorSF

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LA CHAINE ACTION – 26 aout 2008 http://www.youtube.com/watch?v=aa5sgn_Xu2w

Emission Ciné-choc du 26 aout 2008

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LIBRAIRIE LISVOIR – 26 aout 2008 http://www.librairie-lisvoir.com/blog/index.php/2008/08

Dans les griffes de la Hammer

Dans les griffes de la Hammer de Nicolas Stanzick est notre coup de cœur de la rentrée ! Un essai passionnant sur la célèbre maison de production Hammer, qui relança et modernisa des personnages cultes du fantastique, comme Dracula, en faisant appel notamment au grand Terence Fisher et à l'acteur Christopher Lee, devenus de véritables figures de proue. Nicolas Stanzick se penche plus particulièrement sur l'impact des films de la Hammer sur le public français, la critique, et la cinéphilie, alors qu'ils remettaient en cause les bonnes mœurs de l'époque. Sans la Hammer, le cinéma ne connaîtrait pas beaucoup de grands films et réalisateurs inspirés par ses productions. L'auteur a réalisé pour son études de nombreuses recherches et interviews tout en développant une théorie qui lui est propre, un ouvrage passionnant.

Cécile Giraud

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L’ECRAN FANTASTIQUE – septembre 2008

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MAD MOVIES – septembre 2008

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PARIS MATCH – 4 septembre 2008

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FRANCE CULTURE – 6 septembre 2008 http://blogs.myspace.com/index.cfm?fuseaction=blog.view&friendId=392554290&blogId=478629628

Mauvais genres « dans les griffes de la Hammer »

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SINE-HEBDO – 10 septembre 2008

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LES INROCKUPTIBLES – 16 septembre 2008

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IDFM 98– 16 septembre 2008 http://blogs.myspace.com/index.cfm?fuseaction=blog.view&friendId=392554290&blogId=478822526

Emission Pot-Bouille n°15 animé par Bertrand Puard

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MAD-MOVIES.FR – 17 septembre 2008 http://www.mad-movies.com/mad/event-1697-NICOLAS-STANZICK-EN-DEDICACE.html

Vous êtes fan de la Hammer ?

Eh bien c'est le moment de bouger et d'aller au MK2 bibliothèque (128/162, avenue de France 75013 - Paris, M°14 Bibliothèque François Mitterand) afin de rencontrer Nicolas Stanzick, auteur de l'excellent bouquin Dans les griffes de la Hammer . Vous pourrez repartir avec un livre dédicacé si vous êtes sages et ça, c'est plutôt un beau cadeau !

Ça se passe le samedi 20 septembre à partir de 16h30 et c'est ouvert à tous. Fausto Fasulo

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BOUJUM-MAG.NET – 26 septembre 2008 http://www.boojum-mag.net/f/index.php?sp=liv&livre_id=1651

Le gout Hammer

Dans les salles de cinéma des années soixante et soixante-dix, Dracula ne cessait de renaître de ses cendres et Frankenstein n’arrêtait pas de ranimer des cadavres. Nicolas Stanzick a voulu, lui, faire revivre toute cette période.

Il existe des jeunes gens étranges, capables d’éprouver de la nostalgie pour une époque qu’ils n’ont pas connue. Il est vrai que, dans le domaine du cinéma, le dvd a largement contribué à bouleverser la concordance des temps, puisque sont présentés chaque semaine comme des « nouveautés » des films sortis sur le grand écran il y a plusieurs décennies. Quoi qu’il en soit, Nicolas Stanzick, simple trentenaire, a voulu savoir « comment c’était », dans les sixties et dans les seventies , pour tous ceux qui ont découvert dès leur « première exclusivité » les films de la Hammer.

Pour les béotiens qui ne sauraient pas ce qu’est, ou plutôt ce qu’a été la Hammer, rappelons en deux mots que c’est cette compagnie britannique qui, dans les années cinquante, eut la bonne idée de ressusciter, entre autres, deux grandes figures du cinéma fantastique, Dracula et Frankenstein. Le rôle du Comte revint presque toujours, pendant un quart de siècle, à Christopher Lee ; celui du Docteur à Peter Cushing.

Mais, comme nous l’avons déjà laissé entendre, Nicolas Stanzick s’intéresse moins à la Hammer qu’à ses « victimes », moins aux œuvres elles-mêmes qu’à leur réception (comme on dit dans tous les ouvrages de critique littéraire publiés depuis vingt ans), et c’est pourquoi il a intitulé son copieux ouvrage — plus de quatre cents pages — Dans les griffes de la Hammer . Si ce titre n’est pas suffisamment clair et si d’aucuns

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Le volume se compose de deux parties à peu près égales : la première que, faute de mieux, on qualifiera pour l’instant d’historique, raconte le contexte (revues de l’époque consacrées au cinéma fantastique, salles spécialisées aux devantures couvertes de peintures criardes représentant des monstres de tout poil, Festival du Film fantastique et de science-fiction de Paris…) ; la seconde réunit toute une série d’interviews de gens qui « y étaient » et qui, pour la plupart, ont été les chevilles ouvrières de différentes revues de cinéma. L’auteur de ces lignes, qui — douloureux privilège de l’âge — a croisé et même assez bien connu un certain nombre de ces jeunes hommes dont certains sont maintenant sexa- et même septuagénaires, s’est évidemment précipité sur cette seconde partie. Il convient de saluer le remarquable travail d’intervieweur accompli par Stanzick : tout comme on ressuscitait Dracula au début de chacune de ses nouvelles aventures, il a, d’une certaine manière, en posant les questions qu’il fallait, redonné un coup de jeune à tous ces messieurs. Alain Schlockoff par exemple, qui a un peu tendance depuis quelque temps à recourir au pilotage automatique pour diriger sa revue l’Écran fantastique , retrouve ici, quand il évoque le rôle qui était le sien en tant qu’organisateur du Festival de Paris, l’énergie tranquille, la précision et la rigueur d’analyse qui faisaient son charme dans les années soixante-dix. Noël Simsolo s’affiche comme le Croisé qui sut imposer aux Infidèles le culte de la Hammer (et aussi celui des westerns de Sergio Leone). Gérard Lenne évoque l’émerveillement qui fut le sien lorsqu’il découvrit pour la première fois l’affiche du Cauchemar de Dracula qui illustre la couverture de l’ouvrage… Bref, on s’y croirait. Il paraît que même les lecteurs jeunes choisissent de lire le livre en commençant par cette seconde partie. Ils n’ont pas tort.

Car la première partie, de fait, est plus problématique. Il lui manque l’objectivité historique à laquelle elle prétend, dans la mesure où elle se nourrit essentiellement des témoignages qui composent la seconde partie (il y a même un certain nombre de redites qui auraient pu être évitées). La bonne foi de tous ces anciens n’est pas en cause, mais l’on sait que rien n’est plus fallacieux que la mémoire, et quand l’un d’entre eux se souvient d’une salle du Festival de Paris muette et fascinée par le réalisateur Terence Fisher et son interprète Peter Cushing, nous nous souvenons, nous, d’un Cushing certes ravi du prix qui venait de lui être attribué, mais lisant, pour montrer sa gratitude, un texte en français auquel il ne comprenait lui- même absolument rien et auquel le public ne comprenait strictement rien non plus, tant son accent anglais était effrayant.

En outre, s’interroger sur l’effet qu’ont pu produire tous ces Hammer Films à l’époque ne devrait pas dispenser de poser la question, certes un peu délicate, de leur valeur intrinsèque. Indubitablement, Christopher Lee ne manquait pas de prestance et a offert un Comte bien plus respectable que la caricature proposée avant guerre par Bela Lugosi. Assurément, et c’est ce qui a fait le succès de la Hammer, il y avait dans chaque film un soin artisanal qui imposait le respect et qui, comme l’explique Christophe Lemaire (le moins ancien des « anciens » interviewés), faisait qu’on savait chaque fois qu’on se retrouverait en pays de connaissance. Ce soin artisanal, méticuleux, ne rendait que plus forte la charge subversive de certaines histoires. On ne voyait pas grand-chose dans les films de la Hammer — et d’ailleurs, c’est quand les poitrines des héroïnes ont commencé à se dénuder franchement que la décadence de la firme a commencé —, mais on y racontait des choses qu’on n’oserait peut-être plus raconter aujourd’hui : le prêtre du village se révélait être le serviteur le plus zélé de Dracula ( Dracula et les femmes ) ; une fille de bonne famille, sur les conseils du Comte, n’hésitait pas à occire son propre père ( Une Messe pour Dracula ). Et, comme on le souligne assez souvent dans l’ouvrage, la Hammer a, à sa manière, annoncé Mai 68.

Mais il ne faudrait pas pour autant considérer comme chef-d’œuvre tout film produit par la Hammer, et dissimuler sous le terme magique de « film-culte » quelques navets bien réels. Il est de bon ton de chanter les louanges des Vierges de Satan . Mais faut-il vraiment s’extasier devant les décors outrageusement bariolés de ce film et l’absence quasi-totale d’intrigue (au nom de l’occultisme, on tourne pendant une heure autour de trois bougies posées sur le plancher en attendant l’apparition d’un monstre à tête de bouc) ? Et la Nuit du loup-garou ? Malgré toute la séduisante bestialité d’Oliver Reed, il faut parfois se tenir

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à son fauteuil pour résister à Morphée. Enfin, quand Simsolo proclame que Frankenstein et le monstre de l’Enfer est un grand film, on se demande comment il ne voit pas la laideur — en partie reconnue par le réalisateur lui-même — qui caractérise cette dernière (ou presque) entreprise de la firme.

Ultime reproche, peut-être : le sujet même que s’est imposé Nicolas Stanzick. Bien sûr, ce serait faire preuve de la plus grande mauvaise foi que lui reprocher d’avoir écrit le livre qu’il a choisi d’écrire, et qu’il a la franchise, on l’a vu, de définir dès son titre. Il n’en reste pas moins qu’il y a une ou deux lacunes un peu gênantes dans l’affaire. D’abord, et même si, on veut bien le croire, c’est la critique française qui a donné à la Hammer ses lettres de noblesse, la Hammer n’a pas seulement pris dans ses griffes des citoyens français. Il eût été intéressant de savoir ce qui se passait à la même époque de l’autre côté de la Manche ou de l’Atlantique. La première partie fournit quelques indications à ce sujet, mais qui restent vraiment très succinctes. Ensuite, si l’on admet le principe même d’un ouvrage traitant plus d’une certaine cinéphilie française que de la grandeur et décadence d’une société de production cinématographique britannique, on se dit qu’on aurait pu aussi parler d’autres films qui faisaient partie du même paysage. Les spectateurs qui allaient voir les Frankenstein de la Hammer allaient aussi voir des films de Jean Rollin (ah ! cette Vampire nue, ce Frisson des vampires... ), des gialli italiens, des films d’horreur mexicains, des films de Roger Corman… Comme on l’a dit, Simsolo ne peut s’empêcher d’évoquer Sergio Leone, qui n’a pourtant rien à voir avec la Hammer, quand on lui demande de parler de la Hammer, mais, ce faisant, il n’est pas vraiment « hors sujet ».

C’est pourquoi, tout en saluant l’ampleur impressionnante du travail de Nicolas Stanzick, nous suggérons à celui-ci de ne pas s’arrêter en si bon chemin et de s’abandonner à d’autres griffes pour concocter le grand livre qui n’a encore jamais été publié en France sur le cinéma bis des années soixante-quatre-vingt.

FAL

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ARTE.TV.FR – 27 septembre 2008 http://www.arte.tv/fr/accueil/mouvement-de-cinema/2271042.html

Cinéma trash : rencontre avec Nicolas Stanzick

Rencontre avec Nicolas Stanzick, auteur du livre « Dans les griffes de la Hammer » (Editions Scali), lors du premier Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, le FEFFS , organisé du 23 au 28 septembre par l’association Les Films du Spectre.

Nicolas Stanzick signe avec « Dans les griffes de la Hammer » une étude fouillée et vivante sur la naissance de la cinéphilie fantastique en France, à travers le phénomène Hammer. Il rend ainsi hommage au studio anglais et à son réalisateur phare, Terence Fisher.

Une définition du mot trash ?

Nicolas Stanzick : Le mot trash pour moi a d’abord une connotation musicale. Je pense au métal : je pense à Metallica quand j’entends trash. Après, au cinéma, j’y vois le prolongement de tout le cinéma d’exploitation des années 70, du cinéma bis et de tout ce qui peut être déviant au bon sens du terme. Tout ce qui va choquer le bourgeois en gros…

La Hammer était « trash » à ses débuts.

N.S. : À ses débuts, oui, c’était le cinéma trash de l’époque, même si aujourd’hui on voit ça comme de respectables classiques du Septième Art. À l’époque c’était vraiment quelque chose qu’il ne fallait pas voir, qu’il fallait interdire aux jeunes spectateurs, mettre dans un ghetto de salles bien ciblées –les salles des boulevards (NDLR : dont la fameuse salle Midi-Minuit). Oui, c’était vraiment quelque chose de scandaleux.

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La firme Hammer a récemment été rachetée par le groupe Endemol –c’est-à-dire la télévision trash par excellence ! Ça vous évoque quoi ?

N.S. : Beaucoup de question ! Oui, c’est la télévision trash, pourquoi pas, il y a peut-être une connexion de ce point de vue-là, en tout cas dans la manière dont, par exemple, Télérama a pu condamner à l’époque la firme Hammer et condamne aujourd’hui la téléréalité. Mais en même temps, il me semble que c’est quand même deux choses très-très différentes. La Hammer, c’était quelque chose de subversif, de transgressif, qui relevait d’une contre-culture. La téléréalité c’est quelque chose qui relève de la télévision grand public dans ce qu’elle a de moins excitant. De ce point de vue-là, je ne pense pas que ça aille dans la même direction. Donc je suis très curieux de voir ce qu’Endemol peut faire de la Hammer. Je ne pense pas qu’on puisse de toute manière répéter ce qui a été fait dans les années 60, c’est-à-dire cette espèce de rencontre miraculeuse entre un grand auteur, Fisher, et une équipe technique qui était brillante, une intuition sur les mythes fantastiques, comment les rénover, comment faire quelque chose de vraiment moderne … Je ne pense pas qu’on puisse reproduire ça. Maintenant, bon, il y a une tradition Hammer, qu’est-ce qu’on peut en faire trente ans après ? Ça c’est une vraie question.

Dans votre livre il y a une question que vous posez à tous vos témoins/intervenants, j’imagine qu’on vous la retourne souvent depuis la parution, mais je m’empresse tout de même de vous la poser à mon tour : comment est-ce que vous avez découvert la Hammer ?

N.S. : Je me suis intéressé à la Hammer très tôt, dans l’enfance, à cause d’une vision manquée. C’était en 1985, j’avais 7 ans et dans « La dernière séance », l’émission d’Eddy Mitchell, en deuxième partie de soirée ils avaient passé « Le cauchemar de Dracula ». J’avais vu des photos dans le magazine télé que mes parents achetaient, je voulais absolument voir ce film et évidemment, c’était trop tard, j’étais trop petit, on m’avait donc interdit de le voir. J’ai dû attendre quelques années en fantasmant cet univers-là, ces films-là, tout ce décorum et j’ai finalement vu mon premier Dracula en 1987 ou 88. C’était aussi « La dernière séance ». Et le lendemain de cette vision, je m’étais mis en tête de faire un livre qui serait une adaptation en nouvelle de ce Dracula. Et je me suis aperçu récemment que la couverture que j’avais dessinée à cette occasion, finalement ressemble comme deux gouttes d’eau au visuel qui a été retenu pour « Dans les griffes de la Hammer »… Et il y a eu une autre vision manquée très importante, c’était à un goûter d’anniversaire chez un copain, on avait 9 ou 10 ans, et l’un d’entre nous avait la VHS du « Chien des Baskerville » de Fisher. On a vu la toute première séquence où Sir Hugo de Baskerville pourchasse une jeune servante et finit par l’assassiner dans une sorte de rituel érotique, dans des ruines gothiques, la nuit, et finit par se faire dévorer par le chien infernal… Et en fait, cette petite bande de potes n’a pas supporté cette première séquence, on a été obligé d’interrompre le film. Moi, je voulais absolument voir la suite, j’étais même très fier de ne pas avoir eu peur, d’au contraire aimer ça. Ça m’avait marqué, le fait qu’on ne pouvait pas regarder ça avec tout le monde, que c’était quelque chose de très spécial. Il y avait quelque chose de transgressif dans le fait de voir ces films.

Par la suite, comment est-ce que vous avez construit votre cinéphilie ?

N.S. : Autour de la figure de Dracula, Christopher Lee, tout ça. C’est la figure du vampire qui m’a amené à découvrir plein de cinéastes différents. D’ailleurs, si on prend cette catégorie -le film de vampire- dans l’histoire du cinéma, c’est quelque chose qui peut mener à toutes les filmographies du monde, qui peut mener à tous les types de cinémas. En gros, ça m’a amené à découvrir Murnau, Tod Browning, Werner Herzog, Polanski, le cinéma bis aussi, Fisher, Bava et compagnie. Et autour de ça, après, je me suis intéressé au cinéma dans son entier, pas seulement au fantastique. Autour de Fisher, aussi, je pense que j’ai eu un goût pour un certain nombre de cinéastes classiques et notamment pour Hitchcock. On sent qu’il y a vraiment, chez Fisher, cette même volonté de rigueur dans la construction, dans ses histoires, dans sa mise en scène, il se comporte un peu comme un architecte. Et également un intérêt pour Fritz Lang parce que chez Fisher, comme chez Lang, il y a cette volonté de mettre en scène la dualité, le double au sein de tout homme. Chez Lang, on retrouve très régulièrement la figure de l’innocent qui devient tueur malgré lui, au 57 gré des événements, ou parce que tout à coup ses pulsions s’emparent de lui et il est pris dans une espèce de spirale qui fait que. Chez Fisher, on retrouve ça dans son traitement des mythes, son traitement des monstres à l’écran. C’est vraiment l’un des grands cinéastes du double, aussi.

Comment est-ce que vous vous situez par rapport aux midi-minuistes et autres personnes qui, à l’époque, ont pris la plume pour défendre l’objet de leur culte, en l’occurrence la Hammer ?

N.S. : Ce n’est plus le même contexte. C’est vrai qu’eux défendaient l’objet de leur culte, moi avec ce livre, j’ai tendance à défendre le culte en tant que tel pour dire que leur démarche, culturellement, a été importante. Ils ont écrit des grands textes, qui étaient dans l’héritage du surréalisme, pour défendre Fisher… Et puis dans le simple fait que cette cinéphilie-là est entrée en interaction avec les autres et a finalement contaminé toutes les autres. En 69 c’est vraiment très étonnant de voir que des Cahiers du cinéma à Télérama en passant par la presse communiste et la presse d’extrême droite : à un moment donné tout le monde dit le plus grand bien de la Hammer. C’est quand même étonnant. Quelques années auparavant, Midi-Minuit Fantastique ils étaient bien les seuls ! Finalement, je pense qu’ils ont amené quelque chose, une manière d’appréhender le cinéma, une manière de discerner de la beauté là où personne n’était capable d’en discerner, jusque-là, dans des objets horrifiques… Dans des objets érotico- horrifiques ! Parce que ça, c’était très important, la cinéphilie midi-minuiste des années 60 c’était aussi le fait d’érotomanes. Une salle comme le Midi-Minuit passait ET des films fantastiques ET des films érotiques ! Où est-ce que je me situe, moi, par rapport à tout ça ? Ben dans leur héritage. Oui, je me revendique comme un cinéphile fantastique même si, par ailleurs, je défends des auteurs. Et je suis dans leur héritage aussi pour une autre raison toute simple : j’écris par exemple aujourd’hui dans une revue qui s’appelle L’Ecran Fantastique, qui est née en 1969, créée par Alain Schlokoff. Et le fait est que L’Ecran Fantastique, c’est l’une des revues, avec Mad Movies et Midi-Minuit Fantastique, c’est l’une des revues symboliques de tout ce mouvement-là.

Et aujourd’hui vous la trouvez où cette excitation –si vous la trouvez d’ailleurs- qu’il y a pu avoir autour de la Hammer ?

N.S. : Dans des festivals, comme celui de Strasbourg, dans le fait de découvrir des films, de voir qu’il y a des passionnés qui tentent des choses. Après, les contextes sont différents. Il est très difficile de savoir si aujourd’hui la cinéphilie fantastique continue d’être subversive. Ce n’est pas du tout évident. Elle l’était à l’époque. Aujourd’hui on nage en plein relativisme culturel, tous les objets en théorie se valent, donc du coup, c’est beaucoup moins simple d’assumer cette part-là de subversion qui était au cœur de cette cinéphilie-là. Mais néanmoins, c’est une cinéphilie qui est toujours vraiment vivante : on le voit avec des festivals comme celui-là, on le voit avec les revues d’époque qui sont toujours des succès de kiosques. Midi-Minuit Fantastique n’existe plus, mais Mad Movies et L’Ecran Fantastique ça marche du feu de dieu ! L’excitation est dans le fait que tout cet héritage vit et vit bien.

Qu’est-ce que vous feriez découvrir dans la case trash d’Arte ?

N.S. : Il y a un cinéaste qui ne passe jamais à la télévision, Jess Franco, qui a fait des choses absolument passionnantes. Je l’ai vraiment découvert à la Cinémathèque Française lors de la rétrospective qui a eu lieu en juin/juillet dernier. Parce que jusque-là, j’avais un peu les mêmes a priori que tout le monde, hérité de ce qu’on pouvait lire ici ou là dans la presse, à savoir : « Jess Franco ce tâcheron du bis espagnol, etc ». Et en fait non, pas du tout. C’est un cinéaste vraiment passionnant. Je rêverais de voir, par exemple, dans la case cinéma trash certains de ses films des années 70 où il va du fantastique vers le porno. Quand il filme Lina Romay, son égérie, dans « La comtesse noire », il mêle des moments érotiques avec des moments trash, hardcore, mais c’est ni plus ni moins qu’une déclaration d’amour absolu. Il l’aime passionnément, s’il pouvait la pénétrer de sa caméra, il le ferait ! C’est ce qu’il fait avec ses zooms d’ailleurs. Et ça ne ressemble à rien d’autre, ça ne ressemble pas du tout au cinéma porno classique, c’est finalement assez expérimental. En fait, il y a une vraie démarche d’artiste derrière tout ça. Il y a même une démarche de

58 mélomane, on sent qu’il est guidé par l’idée de mélodie, d’improvisation… Ça, j’aimerais bien le voir dans la case trash, ce serait quelque chose !

Un très grand merci à Nicolas Stanzick, ainsi qu’aux organisateurs du FEFFS et à Alain Walther de la Fnac Strasbourg.

Entretien réalisé à Strasbourg le 27 septembre 2008 par Jenny Ulrich.

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RADIO STRASBOURG – 27 septembre 2008

http://blogs.myspace.com/index.cfm?fuseaction=blog.view&friendId=392554290&blogId=479652315

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INFO-CULTURE.COM – 27 septembre 2008 http://www.info-culture.com/public/manifestation/37926/fr

Nicolas Stanzick et Caroline Munro : Dans les griffes de la Hammer Festival européen du film fantastique de Strasbourg

Date : le 27/09/2008 à 16h30

Contact : http://www.fnac.com/strasbourg

Organisateur : Fnac Strasbourg

Lieu : Forum de la FNAC, Maison Rouge, Place Kléber, à Strasbourg

Rencontre avec Caroline Munro, comédienne qui a débutée sa carrière dans les mythiques studios de l'épouvante britannique, et l’auteur du livre « Dans les griffes de la Hammer » (éditions Scali). Une rencontre proposée dans le cadre du Festival européen du film de Strasbourg, du 23 au 28 septembre 2008 aux cinémas Star et Star St Exupéry à Strasbourg.

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LIBRAIRIE GRAND GUIGNOL – 28 septembre 2008 http://librairie-grandguignol.blogspot.com

Cinéma de genre : deux récentes parutions capitales

Nicolas Stanzick vient de publier aux éditions Scali un livre de première importance, sur l'histoire de la réception en France du cycle de films gothiques, fantastiques de la célèbre firme Hammer. C'est tout à fait passionnant car cette histoire est aussi celle de la naissance de la cinéphilie fantastique dans l'hexagone et, par ricochet et de manière plus générale, de l'apparition de la notion de cinéma bis.

Le livre se divise en deux parties : la première concerne l'étude livrée par l'auteur, quand la deuxième est la retranscription des entretiens menés par Nicolas Stanzick auprès de dix acteurs majeurs de cette cinéphilie (notamment les fondateurs de la revue Midi-Minuit Fantastique, mais aussi Norbert Moutier, Gérard Lenne, Noël Simsolo...). Le tout se lit avec un très grand plaisir. Voici donc enfin un ouvrage en langue française à placer entre ses livres de chez Creation Books ou FAB Press. Seul bémol : "Dans les griffes de la Hammer" nous paraît un peu cher, avec ses 29 euros. Cela dit, il s'annonce déjà comme un futur classique.

Voilà comment l'auteur présente son travail :

"ne pas s'attacher aux conditions de production des films, ce qui a été fait maintes fois, mais livrer une histoire de la Hammer en France . A priori l'idée peut paraitre étrange, mais à y regarder de plus près on a là la matière d'une histoire passionnante. En effet, lorsqu'on se focalise sur ce qu'ont pu incarner les films ici, on découvre que c'est avec le cycle Hammer qu'on s'est initié au cinéma fantastique en France. Et ici, en terres cartésiennes, ce n'était pas le plus simple des apprentissages, loin de là! Se souvient-on par exemple qu'il a fallu le déferlement des Frankenstein et des Dracula de Terence Fisher sur nos écrans pour que les livres de Stoker et de Shelley aient enfin droit a des traductions dignes de ce nom? Se souvient-on qu'avant le célèbre Cauchemar de Dracula , pour une immense majorité de français, le nom du comte était

62 inconnu et le vampirisme une notion très floue? Se souvient-on qu'avant le numéro un de Midi-Minuit fantastique consacré à Terence Fisher en 1962, le cinéma fantastique n'avait quasiment pas droit de cité dans la presse? Se souvient-on du tollé qu'ont provoqué les premiers films du cycle? Télérama à l'époque est allé jusqu'à parler "d'école de perversion" qui allait "créer des générations de détraqués"!... Se souvient-on du retournement de veste général lorsqu'après 1968, toute la presse généraliste et cinéma, Télérama , Les Cahiers du Cinéma et Positif compris, ont fini par saluer en Terence Fisher un très grand auteur? Se souvient-on des conditions de diffusions de ces films dans de légendaires salles de quartiers spécialisées, souvent considérées comme dangereuses, mal famées, en tout cas porteuses elles mêmes de savoureuses mythologies?... Bref, se focaliser sur l'exploitation et la réception de la Hammer en France, c'était un moyen pour moi d'inscrire tout ce pan de cinéma dans l'histoire culturelle des années 60 et 70 au sens large. Mieux, c'était un moyen de révéler une part de la vérité intime de ces films grâce au prisme des regards successifs, positifs ou négatifs, qui se sont portés sur eux au cours de leur tumultueuse histoire. Et au delà, c'était aussi un moyen de tenter d'écrire la première histoire de la cinéphilie fantastique française en m'attachant à son signe de ralliement pendant les deux premières décennies de son existence : la Hammer Films. Le livre se divise en deux parties. Le récit proprement dit de tous ces événements et de longs entretiens avec des figures historiques de la cinéphilie fantastique française qui racontent leur expérience personnelle de la Hammer : Michel Caen et Jean-Claude Romer (fondateurs de Midi-Minuit fantastique), Alain Schlockoff (fondateur de l' Ecran Fantastique ), Jean-François Rauger de la Cinémathèque, Gérard Lenne (auteur d'un livre très important sur le ciné fantastique au début des années 70), Jacques Zimmer (rédac chef de feu La Revue du cinéma ), Noel Simsolo (un ex de la grande période des Cahiers du cinéma , absolument fou de Fisher...), Christophe Lemaire (Cofondateur de Starfix avec Christophe Gans), Francis Moury, critique bien connu des forumers de Classik etc. "

(Propos recueillis ici : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtopic.php?f=2&t=27722 )

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COMMEAUCINEMA.COM – 1er octobre 2008 http://www.commeaucinema.com/a-lire=dans-les-griffes-de-la-hammer-visite-guidee-d-une-epoque,133811.html

Dans les Griffes de la Hammer : Visite guidée d'une époque Moins accrocheur que son titre de parution, le sous-titre "La France livrée à l'épouvante" résume pourtant bien plus justement l'approche originale qu'a adoptée l'essai de Nicolas Stanzick. Loin des innombrables sommes d'analyses savantes ou de documents rares (dont on ne se lasse d'ailleurs jamais) à propos des mythiques studios Hammer, cette présente étude s'est donnée pour mission de décrire avec le plus d'exactitude possible la France qui témoigna de ses premières programmations en salles, à l'orée des années 1960. Peu habituée au registre fantastique, la Critique d'alors choisit d'abord de condamner sans appel cette nouvelle source de frissons, la jugeant vulgaire et subversive. Un groupuscule d'amateurs, en phase avec un réel succès populaire, décida au contraire d'en exprimer ouvertement sa passion à travers une revue spécialisée légendaire, "Midi-Minuit Fantastique" (le motif principal de l'affiche du "Cauchemar de Dracula", repris en couverture, traduit avec justesse l’attirance mêlée de répulsion qu'éprouva la France gaullienne vis à vis de ces films).

Pour les générations suivantes qui continuèrent d'apprécier les qualités propres à la firme de production anglaise, il est difficile de se faire une idée exacte du contexte hexagonal dans lequel ses films furent sporadiquement inaugurés. Ceux nés après 1970 en effet, blasés d'effets "gore" et qui découvrirent sur le petit écran ces "anodins" mais non moins valeureux classiques de l'horreur, ne pouvaient manifestement pas évaluer à sa juste mesure le choc qu'éprouvèrent en salles les baby boomers d'après-guerre. C'est à présent chose possible puisque, plus encore qu'aux témoins nostalgiques de cette glorieuse époque, ce présent livre s'adresserait peut-être davantage aux amateurs plus jeunes, au nombre desquels on comptera, à ce propos, l'auteur lui-même (tout comme d'ailleurs votre modeste serviteur). Car tout ce catalogue fantastique, aujourd'hui abusivement tenu pour acquis, ne saurait entièrement retrouver à leurs yeux sa saveur de fruit défendu sans l'écrin lourdement bien-pensant dans lequel il émergea. 64

C'est avec force témoignages, pièces d'archives et analyses sociologiques que Stanzick nous plante ici le décor très "vieille France" d'une discrète mais fondatrice rébellion, articulée au sein du magazine "Midi- Minuit Fantastique" auquel ce livre rend un vibrant hommage. Tout ouvrage sur le cinéma se doit d'illustrer son propos par des photos pertinentes, ce qui est le cas ici, même si, souvent inédites, elles restent néanmoins éparses.

A l'instar du format DVD qui offre parfois en bonus l'intégralité d'interviews éparpillées par extraits dans les documentaires, ces 400 pages nous présentent, dans leur deuxième moitié, les témoignages complets et enrichissants des personnalités-clé du phénomène "Midi-Minuiste". Fondateurs d'une cinéphilie "bis" qui semble aujourd'hui aller de soi, ils jettent une lumière supplémentaire sur un contexte historique dans lequel leur attitude frondeuse annonça, par bien des aspects, les révoltes contestataires de mai 68.

Œuvre de valeur historique, voire universitaire, "Dans les griffes de la Hammer" sera lu avec un plaisir consommé par tout amateur du cinéma populaire d'antan pour qui le concept de "salle de quartier" laisse inévitablement songeur. Avec Nicolas Stanzick, cette riche source d'imaginaire, notoirement admise comme révolue, reprend enfin tout son sens, toute sa modernité...

Nicholas Dubreuil

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LE MONDE DES LIVRES – 3 octobre 2008 http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-1053264,0.html

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FRANCE 2.FR – 8 octobre 2008 http://culture.france2.fr/livres/coups-de-coeur/

http://culture.france2.fr/livres/coups-de-coeur/47277282-fr.php

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Coup de cœur de France 2 pour la rentrée littéraire

Dans les griffes de la Hammer

Le premier ouvrage français consacré à la célèbre maison de production britannique Hammer, spécialisée dans l’épouvante. Nicolas Stanzick, critique au Nouvel Observateur et à L’Ecran fantastique, signe non pas une histoire de la Hammer, mais étudie la réception de ses films en France, de la fin des années cinquante à 1976, date où la maison de production périclita. Véritable institution outre-Manche, la Hammer réactualisa les grandes figures du cinéma fantastique - Dracula, Frankenstein, la momie, Jekyll/Hyde...- dans les années 60-70, apportant le vedettariat aux acteurs Christopher Lee et Peter Cushing. Elle eût toutefois plus de mal à s’imposer dans une France, à l’époque, frileuse au cinéma fantastique.

L’approche de Nicolas Stanzick à ceci de remarquable, qu’elle s’inscrit dans une perspective sociologique et une étude des mentalités, décryptées par le prisme de l’émergence d’une nouvelle cinéphilie qui participa à la révolution culturelle que devait cristalliser les événements de mai 1968. Rien de calculé dans ce phénomène, mais la condensation à une époque donnée d’un discours subversif, inscrit dans une nouvelle représentation de la violence et du sexe, au cinéma, participative d’un contexte culturel plus général, lisible dans tous les arts.

Nicolas Stanzick rappelle de ce fait l’angle qu’emprunte l’historien et théoricien américain du cinéma fantastique David J. Skal, par sa lecture de sa réception aux États-Unis, dans son remarquable The Monster Show , malheureusement non traduit en France. Si la démarche peut être comparée, l’histoire est bien différente, car très particulière à la France. Aussi la démonstration de Nicolas Stanzick repose pour beaucoup sur la mise à plat des modes de distribution dans l’hexagone des films de la Hammer et surtout sur l’émergence de la première revue européenne consacrée à son genre de prédilection - l’épouvante -, Midi Minuit Fantastique, dès 1962, et qui perdura jusqu’en 1971.

Pour ce faire Stanzick fait appel à de nombreuses interviews des protagonistes qui vécurent et participèrent à une histoire aux résonances bien plus importante qu’il n’y paraît. Midi Minuit Fantastique (MMF, pour les initiés) détermina en effet la reconnaissance de la Hammer, à travers son premier numéro consacré entièrement au réalisateur Terence Fisher qui installa ce qui allait devenir le style Hammer. Jusqu’alors vilipendé par la critique « sérieuse », le vent devait quelque temps plus tard tourner à son avantage, grâce à des textes élogieux, pour aboutir il y a quelques mois à une rétrospective complète de son œuvre à la cinémathèque française, consécration ultime. A travers la réception de la Hammer en France, c’est aussi une critique de la critique cinématographique française qui s’effectue. Non dans un sens négatif, mais analytique.

Bourré d’anecdotes riches et savoureuses, notamment à propos des salles parisiennes spécialisées dans le fantastique, qui participent d’une histoire du cinéma bis, c’est ce parcours, sur quelque 400 pages, que retrace Nicolas Stanzick. Sa verve passionnante, communicative de sa propre passion, est malheureusement entachée de trop nombreuses coquilles, mais qui n’entravent jamais la lecture d’un ouvrage que l’on ne lâche pas et que l’on quitte à regret.

Jacky Bornet

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CENTRE PRESSE – 20 octobre 2008

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LA GAZETTE DE LA REGION – 30 octobre 2008

http://npo.tio.ch/ee/lagazette/default.php?pSetup=lagazette

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ANSIBLE.OVER-BLOG.NET – 31 octobre 2008 http://ansible.over-blog.net/article-24292969.html

Interview Nicolas Stanzick (1 ère partie)

Quel est le point commun entre les vampires, Star Wars et Martin Scorsese ? La Hammer, comme va nous le démontrer Nicolas Stanzick, journaliste spécialisé qui vient de sortir un ouvrage sur cette célèbre firme cinématographique.

Bonjour Nicolas, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Nicolas Stanzick : Je suis né à Poitiers, en 1978. J’ai grandi là-bas, et ne suis parti qu’à 20 ans pour poursuivre mes études d’histoire à Paris I Panthéon-Sorbonne. Je suis guitariste dans un groupe de rock’n’roll, Ultrazeen , et j’écris à l’Ecran fantastique . Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours eu une passion pour le cinéma, en particulier fantastique. Je crois que tout a commencé lorsque j’ai découvert à l’âge de cinq ans Le Retour du Jedi , en 1983. Une séquence m’avait vraiment fasciné, celle où Darth Vader enlève son masque et révélait son visage d’homme. C’est sans doute là que j’ai été séduit par l’un des fondements du fantastique au cinéma, la figure du double. Toute la cinématographie de Terence Fisher, par exemple, est fondée sur cette notion : Dracula a deux visages, celui de l’aristocrate racé jusqu’au bout des ongles, et celui de la bête fauve entièrement régi par ses pulsions. Bien sûr, je n’ai pas compris cela en des termes aussi intellectualisés à l’époque, c’était un choc esthétique plus qu’autre chose. Par la suite, l’autre évènement fondateur de ma cinéphilie a pris la forme d’une vision manquée. C’était en 1985, Le Cauchemar de Dracula est passé à la Dernière séance, l’émission d’Eddy Mitchell, en deuxième partie de soirée. J’avais vu des photos sur le journal télé, et j’avais absolument envie de voir ça. Evidemment mes parents me l’ont formellement interdit [rires] : c’était trop tard, c’était un film d’horreur, ce n’était pas pour les enfants… Hors de question que je voie ça ! De cette frustration est née ma passion pour les films de vampires. Je voulais tous les voir, et principalement ceux avec Christopher Lee dans le rôle de Dracula. 71

Toutes les semaines, je guettais, dans le journal télé, la diffusion d’un de ces films. Ce qui n’arrivait quasiment jamais, bien sûr : le fantastique, ce n’était pas trop la tasse de thé des chaînes hertziennes de l’époque. J’ai dû attendre jusqu’en 1987 pour voir mon premier Dracula, avec Christopher Lee. C’était Dracula Prince des ténèbres . Si le film avais été mauvais, je l’aurais néanmoins aimé tant j’avais attendu ce moment. Comme il était bon, ce fut une vraie révélation, le vrai déclencheur d’une cinéphilie qui m’a mené à m’intéresser à la Hammer dans son ensemble, mais aussi à l’expressionnisme allemand, l’épouvante hollywoodienne classique, au fantastique moderne, à Lynch, Cronenberg, Carpenter et au cinéma en général.

Nous parlons aujourd’hui de l’ouvrage que tu viens de sortir aux Editions Scali, Dans les Griffes de la Hammer . Comment en es-tu venu à t’intéresser à cette firme cinématographique ?

N.S. : Il y a deux éléments d’explication : d’une part ce qui s’est passé dans mon enfance, dont je viens de te parler, et d’autre part mon parcours universitaire. J’ai fait des études d’histoire, mais très rapidement, j’ai cherché à travailler sur le cinéma. Par exemple, en UV d’histoire contemporaine, si on avait un travail à faire sur le fascisme, je me débrouillais pour faire un truc sur le cinéma nazi. Quand est arrivée la maîtrise, donc le moment où il me fallait opter pour un sujet de recherche, la Hammer s’est très rapidement imposé. Je voulais travailler sur le fantastique, je connaissais déjà bien ce pan de l’histoire du genre et le cycle Hammer était en tout point un objet idéal pour l’historien : c’est un corpus qui représente 20 ans de cinéma et qui, idéologiquement, économiquement, esthétiquement est extrêmement cohérent. Comment traiter un tel sujet en histoire ? J’ai choisi un angle totalement inédit, celui des gens qui ont aimé ou non – les deux regards m’intéressaient – ce cinéma, qui l’ont découvert en France dans les années 1960. Bref, c’était une manière d’écrire une histoire culturelle du fantastique en France. Cette démarche me semblait prometteuse. Très vite, au bout d’un mois ou deux de recherches, je me suis rendu compte que ce parti pris allait être beaucoup plus payant que je ne l’avais imaginé. Car en France, c’est vraiment avec la vague de la Hammer Films que la cinéphilie du fantastique a débuté, c’est vraiment avec cette nouvelle galerie de monstre en technicolor que le grand public et la critique dans son ensemble s’est initié au genre. Voilà comment je me suis retrouvé à écrire cette histoire française de la Hammer. En réalité, dès la période universitaire, j’avais déjà en tête d’en faire un livre et cette idée me tenait très à cœur. Car au-delà de mon intérêt intellectuel pour le sujet, il y avait aussi quelque chose de très personnel dans ma démarche. Ecrire une histoire française de la Hammer lorsqu’on est soit même cinéphile, amateur de fantastique et amoureux du studio londonien, c’est aussi interroger ses propres passions, son propre parcours. D’où viens-je ? Où vais-je ? Dans quel état j’ère ? [rires]…

Ton livre semble combler un manque au niveau éditorial. As-tu cependant eu des lectures particulières pour le préparer ?

N.S. : Pour être précis, j’ai passé deux années entières à faire des recherches avant d’écrire la moindre ligne. Ce fut le gros du travail. Je me suis rendu en bibliothèque pour retrouver tout ce qui avait été écrit sur la Hammer à l’époque de sortie des films. Je m’attachais à faire l’histoire de la Hammer en France, il était donc vital pour moi de retrouver les traces de cette histoire. J’ai épluché toutes les revues de cinéma de l’époque de la manière la plus exhaustive possible : Les Cahiers du cinéma , Positif , Cinéma , Ecran , La Revue de cinéma … Mais aussi et surtout Midi-minuit fantastique , la première revue traitant de cinéma fantastique en Europe. A côté de ça, il y avait les livres sortis à l’époque, ceux de Gérard Lenne, Jean-Marie Sabatier, Jean-Pierre Bouyxou. C’étaient des pionniers. Avant l’apparition de la Hammer sur les écrans, il n’y avait absolument rien. Il y avait certes quelques cinéphiles, comme Jean Boulet, qui avaient vu des films Universal dans les années 1930, qui écrivaient à partir de leurs souvenirs dans d’obscures publications, mais c’était tout. Le cinéma fantastique était d’ailleurs considéré au mieux comme infantile, au pire comme « une école de perversion » qui allait créer des « générations de détraqués ». C’est texto ce qu’écrivait l’ancêtre de Télérama , Radio-Cinéma-Télévision, à la sortie du Cauchemar de Dracula en 1959.

Pourquoi avoir intégré une moitié d’interviews dans ton ouvrage, et ne pas en avoir fait un essai classique ? 72

N.S. : En fait, les entretiens viennent s’ajouter à ce que tu appelles « l’essai classique » qui occupent les 200 premières pages du livre. Outre les sources de presse que je mentionnais à l’instant, les chiffres du box- office que je suis allé retrouver au CNC, les affiches françaises d’époque et les pavés de presse, j’ai mis un point d’honneur à constituer moi-même de nouvelles sources en recueillant les témoignages des acteurs de cette histoire française de la Hammer : critiques, fondateurs de revue et de festivals, cinéphiles, amateurs de bis… Au-delà de leur très précieuse utilité pour le texte que j’écrivais, je me suis vite rendu compte que tous ces entretiens constituaient quelque chose d’absolument passionnant en tant que tel, de parfaitement complémentaire avec mon texte. La cinéphilie est une passion pleine de contradictions : elle cherche à se constituer en communauté tout en se nourrissant d’émotions intimes qu’elle ne partage finalement pas si facilement. Retranscrire ces témoignages dans leur intégralité, c’était rendre tangible la dimension sensible, humaine, de cette histoire de la Hammer. Mieux : pour une cinéphilie qui se distingue par son gout des mythes, c’était mettre en avant tout une tradition orale qui est aussi le propre de la fantasticophilie. Ecouter Simsolo raconter s’être battu héroïquement à mains nues pour Fisher dans des ciné-clubs récalcitrants, Lemaire délirer sur ses souvenirs du Brady ou Romer fantasmer les incessantes allers et venues des spectateurs du Midi-Minuit comme de fantomatiques apparitions, ce n’est pas autre chose : même si ces anecdotes sont parfaitement fondées, elles finissent par participer d’une véritable mythologie cinéphile dans leur propos.

Tu n’interroges que des intervenants francophones dans ton ouvrage. Est-ce un parti-pris ? Un hasard ? Une obligation ?

N.S. : C’est un total parti pris. La question sous-jacente de tout l’ouvrage était de comprendre la nature de cette étrange relation qui unit la France et le fantastique. Pourquoi le genre a-t-il été aussi longtemps diabolisé, alors même que c’est ici que fut inventé le cinéma fantastique avec les féeries macabres de Méliès ? Pourquoi l’avènement d’une cinéphilie fantastique n’a-t-il eu lieu que sur le tard, avec la Hammer, alors que des épisodes aussi marquants que le surréalisme, Cocteau, ou les films fantastiques de l’occupation auraient pu jouer un rôle similaire bien plus tôt ? Pourquoi peine-t-on à avoir un genre fantastique domestique ? Exemple symptomatique, en réponse à la Hammer, il y a en Italie tout un mouvement porté par Mario Bava, Riccardo Freda et Antonio Margheretti… Aux Etats-Unis, la réponse ce fut Roger Corman et tout ce qui s’en suivit à l’AIP. Les espagnols ont eu droit à Jess Franco dans les années 1960, Paul Naschy et Armando de Ossorio un peu plus tard… En France, Georges Franju fait avec Les Yeux sans visage en 1960, l’un des plus beaux films fantastiques de tous les temps, un chef d’œuvre absolu : pourtant le film ne lancera strictement aucun mouvement et restera une sorte de prototype de ce qu’aurait pu être le genre ici. Bref, la singularité du rapport français au fantastique, c’est une vraie question.

Et tu as trouvé une réponse à cette question ?

N.S. : Il y a toujours eu, dans notre pays, cette idée que l’auteur était plus important que le genre. Or on a longtemps pensé que le genre fantastique, précisément, était incapable de fournir des auteurs. Certes dans les années 50, les tenants de la politique des auteurs qui œuvraient dans aux Cahiers du cinéma , Godard, Truffaut and co, ont choisi leurs auteurs favoris dans un cinéma commercial américain a priori impropre à en fournir : c’étaient Ford, Hawks, Hitchcock, Sirk, bref les rois du western, du film noir, du film à suspense ou du mélodrame. C’était une sorte de réflexe de dandy typique de la cinéphilie française et qui consiste en un processus d’intellectualisation du trivial. Les cinéphiles fantastiques n’ont d’ailleurs pas fait autre chose la décennie suivante, lorsqu’ils ont désigné Fisher comme leur emblème avec le numéro Un de la revue Midi-Minuit Fantastique . Mais avant cette date, il y a une telle inculture du genre fantastique en France, que tout le monde considère que ses codes sont trop contraignants pour laisser la moindre sensibilité d’auteur s’exprimer. Ce n’est pas du tout un hasard si les fondateurs de Midi-Minuit Fantastique ont défendu la singularité fisherienne : Michel Caen son plus fervent supporter avait vu les classiques de la Universal, adolescent à la télévision américaine. Il mesurait donc toute l’originalité du cinéaste anglais. Ça a été le début d’une vraie « bataille d’Hernani » autour de cette notion de genre, avec d’un côté la jeune

73 cinéphilie fantastique emmenée par Midi-Minuit Fantastique et de l’autre un large front commun qui condamnait violemment ce « spectacle malsain et dégradant ». Les premiers ont crée une communauté de regard autour de ces films en sublimant la transgression esthétique que constituait le subtil alliage de sexe et de sang propre à la Hammer. Ils défendaient cette vision des choses dans des textes d’une redoutable intelligence subversive, souvent héritée d’une tradition surréaliste érotomane, anti-bourgeoise, athée et anarchisante. Ce n’est vraiment pas un hasard si la production Hammer leur a servi en quelque sorte d’emblème. Ces films prenaient un malin plaisir à mettre en scène des monstres qui mettaient à mal les valeurs de la société victorienne, valeurs qui pour une part étaient toujours d’actualité avant 1968. Dracula, dans Le Cauchemar de Dracula , est un formidable révélateur de la phobie sexuelle victorienne. C’est le monstre qui réalise les fantasmes des jeunes filles esseulées, et en même temps il incarne la toute- puissance érotique à laquelle tout homme rêve de s’identifier, mais que la morale commune se doit de combattre. A la fin du film, Dracula se cache dans la cave de la famille bourgeoise à laquelle il s’attaque, très subtile manière de signifier que le vers est dans le fruit. Le démon fait donc craqueler ce carcan bien- pensant, moral, religieux propre à l’époque. Le monstre est une figure du mal du point de vue bourgeois et se révèle être en contre-partie une entité libératrice, émancipatrice. Mais il est également une figure maléfique à un niveau plus universel, et c’est là toute la richesse dialectique des productions Hammer : le drame de Frankenstein ou Dracula, c’est leur volonté de puissance qui les conduit au meurtre, à l’autodestruction, à la tragédie… Subversifs, audacieux, ces films n’en relevaient pas moins d’une longue tradition populaire. Et d’ailleurs la jeune cinéphilie fantastique française, toute intellectualisée et libertaire qu’elle ait pu être revendiquait très clairement son ancrage dans la culture populaire : celle de la rue, du cinéma de quartier, des boulevards… En face, la presse catholique condamnait tout cela au nom d’une atteinte à la foi : faire de Dracula un héros, hors de question ! Sur ce point Télérama était la revue la plus virulente. Quand on relit ce qu’écrivait Gilbert Salachas, on est frappé de voir à quel point il dit du mal de ces films tout en parlant très bien !... [rires] Certes il les condamne, mais il décode avec une rare maestria la signification érotique des films de Fisher : le puritanisme a toujours eu une compréhension très aigue et donc suspecte de la perversion… La presse communiste elle, accusait le cinéma d’horreur de détourner de l’horreur politique réelle du monde. Et la cinéphilie classique se cachait derrière des alibis intellectuels pour masquer ce qui en fait était une vraie gêne face au genre : d’où la création d’une étonnante catégorisation avec l’émergence de la Hammer, celle des « films infantiles pour adulte »… Bref, c’est avec la Hammer qu’on s’est initié ici, non seulement aux grands mythes que sont Dracula Frankenstein et consorts, mais au genre en tant que tel.

As-tu vu tous les films produits par la firme ?

N.S. : Non [rires]. Il y en a trop et tous ne sont pas aisément disponibles. J’ai vu en revanche tous leurs films gothiques. Mon livre se concentre sur eux pour une raison évidente : la Hammer est d’abord célèbre pour son cycle gothique, c’est ce qui identifie le studio autant pour les amateurs que pour le grand public. Certes, on ne peut pas réduire non plus la firme à ça. Ils ont produit aussi des films de science-fiction, des films noirs, des films d’aventure, des films de pirates, des productions d’aventures préhistoriques… Pour prendre le cas de Terence Fisher, il a eu une carrière passionnante bien avant Frankenstein s’est échappé . Il a fait des films noirs tout à fait remarquables. Dès 1952, il a réalisé par exemple un film intitulé The Last Page, une histoire de chantage rondement menée. On y trouve notamment une séquence de meurtre qui n’a rien à envier à celle magnifique, de House by the River de Fritz Lang. Il y a encore bien des films méconnus à découvrir au sein de la Hammer.

Le nom de la firme est indéfectiblement lié à ceux de grands noms du genre : Terence Fisher, Bela Lugosi, Christopher Lee, Peter Cushing. C’est aussi, dans les années 1950, la naissance des franchises cinéma, telles que Dracula et Frankenstein. Penses-tu que la firme était en avance sur son temps en termes d’industrie ?

N.S. : Alors Bela Lugosi pas vraiment. Lorsque la Hammer naît en 1935, l’un des tout premiers films qu’elle produit est un film avec Bela Lugosi : The Mistery of the Marie Celest e. Peut-être était-ce une sorte de

74 signe prémonitoire du penchant pour le fantastique qui allait sceller l’identité de la firme 20 ans plus tard, mais pour autant la collaboration avec Lugosi en est restée à ce film méconnu. Les franchises quant à elles ont toujours existé. La Hammer a eu l’intelligence de reprendre une formule commerciale qui lui préexistait, celle du studio Universal dans les années 1930 avec son bestiaire fantastique développé de films en films, à partir du succès de Dracula et de Frankenstein . Ces séries étaient extrêmement populaires dans les années 1930. Suite au succès retentissant de Frankenstein s’est échappé la Hammer a donc non seulement donné une suite au film, La Revanche de Frankenstein , mais a repris chacun des monstres du bestiaire Universal : Dracula, la momie, le loup-garou, le fantôme de l’opéra, Jekyll/Hyde etc. Au-delà de cette formule commerciale, la Hammer a également repris certains codes du genre initiés de manière spontanée par les géniaux pionniers qu’étaient Tod Browning et James Whale, mais pour le reste, c’était un cinéma d’une radicale nouveauté. La première rupture évidente, c’est évidemment l’usage du Technicolor. Les productions Hammer sont les premières à penser le fantastique en couleurs. Le vrai génie ici c’est Fisher, bien qu’il ne faille pas oublier son admirable chef-opérateur Jack Asher. Par son talent de metteur en scène, sa très grande rigueur dans le traitement des mythes fantastiques, et sa constance d’un film à l’autre, Fisher s’est révélé être véritable créateur de forme. Bien qu’il s’agisse d’abord d’un cinéaste thématique – son évolution vers une totale épure le montre – il est le premier, bien avant Bava, a avoir fait un usage formaliste de la couleur, ce qui lui a permis de développer une esthétique sanglante qui était aussi transgressive pour l’époque que personnelle. Chez lui, le sang est toujours un signe qui renvoie à d’angoissantes questions métaphysiques : il symbolise la pulsion sexuelle chez Dracula, l’idée d’âme au sens philosophique du terme chez Frankenstein. Et néanmoins, ce perpétuel questionnement métaphysique débouche toujours sur l’athéisme : Dracula n’est pas en lutte contre Dieu, mais contre son représentant qui prétend agir en son nom, Van Helsing, et de même l’échec de Frankenstein vient non de dieu mais des limites du monde dans lequel il vit. C’est pour cette raison qu’on a parlé à propos de Fisher de « matérialisme fantastique ». Et lorsque Fisher ne filme pas le sang directement, une tâche rouge se promène systématiquement à l’écran, comme une déflagration qui contraste par sa violence avec les ton pastels ou automnaux qui dominent souvent ses films : c’est tel ou tel effet d’éclairage, un détail de mobilier, un rideau, un tableau, comme le signe d’une pulsion qui sommeille en tout homme et qui contamine nécessairement son point de vue sur le monde. Ce n’est pas pour rien que la critique bien pensante à parlé « d’obscénité de la couleur » chez Fisher. Et l’on touche ici à la deuxième grande rupture vis-à-vis du cycle Universal : les films de la Hammer étaient aussi des films érotiques. Non pas parce qu’on pouvait y voir la moindre nudité (ça n’a jamais été le cas à l’exception de quelques Hammer tardifs des années 70), mais parce que la sexualité était bien souvent le vrai sujet de ces films. Prenons Dracula : certes la composante sexuelle est présente dès Murnau, dès Browning, mais chez Fisher elle n’est plus à la périphérie, elle est le sujet même du film. Pour faire court, La Cauchemar de Dracula , c’est ni plus ni moins qu’un appel à l’orgasme, à une sexualité libre, folle, qui fait fi de toutes les conventions sociales, morales ou culturelles, et Van Helsing combat très clairement le comte vampire en se vivant comme un gardien de l’ordre moral. Ce qui m’amène à la troisième rupture vis-à-vis du cycle Universal : toutes les productions Hammer avaient pour cadre une société et une période historique très précises, l’ère victorienne, tandis que chez la Universal, tout se passait dans une Transylvanie d’opérette à une époque non identifiée. La Hammer a participé d’autre part, avec quelques années d’avance sur les Beatles et les Rolling Stones à l’émergence de la Révolution pop et de la contre-culture. Bref, si l’on reprend l’histoire du cinéma fantastique, il y a d’abord eu l’âge d’or allemand des années 20 qui offrait une sorte de représentation de l’inconscient collectif, puis l’ère américaine de la Universal durant les années 30 qui s’assumait comme la représentation poétique et déréalisée d’un imaginaire fantastique, puis la génération Tourneur, Wise, Robson sous l’égide de Val Lewton qui créa un cinéma de l’indicible et de l’invisible dans la décennie suivante. Avec la Hammer à la fin des années 50, pour la première fois nous avons droit à des monstres de chair et de sang qui évoluent comme autant de forces symboliques dans un monde bien réel : le nôtre.

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http://ansible.over-blog.net/article-24379571.html

Interview : Nicolas Stanzick (2ème partie)

Nota : Nicolas Stanzick étant intarissable, son interview a dû être rallongée, et donc coupée en deux parties. Vous trouverez la première partie ici .

Le vampirisme semble un domaine imaginaire sans limites, alors qu’il est arrivé tardivement en France. C’est pourtant la Hammer qui a sublimé le sujet avec ses multiples adaptations de Dracula. Peut-être y en a-t-il trop eu, non ?

N.S. : Evidemment, un chef d’œuvre comme Le Cauchemar de Dracula n’a pas grand-chose à voir avoir avec sa lointaine et médiocre suite Dracula vit toujours à Londres. Mais c’est la loi du genre. Lorsqu’on observe l’histoire du cinéma fantastique, et en particulier les films de vampire, on s’aperçoit qu’il y a toujours un film qui fait date, puis des suites de moins en moins intéressantes : petit à petit le mythe se vide de sa substance, jusqu’à ce qu’un nouveau film reprenne les choses à la base, les réinvente, les réactualise. Ça a été le cas des Dracula de chez Universal ; le plus beau c’est bien évidemment celui de Tod Browning, tandis que dans Abbott et Costello contre Frankenstein, Bela Lugosi reprend à nouveau son rôle titre sous une forme quelque peu désincarnée. Douze ou treize ans plus tard, la Hammer régénère complètement le mythe en lui imposant une nouvelle iconographie avec Le Cauchemar de Dracula … Etc. Jean Boullet a parfaitement résumé le phénomène dans le n°1 de Midi-Minuit fantastique un célèbre article intitulé Terence Fisher ou la permanence des mythes . Je l’ai déjà dit, la grande force de Terence Fisher par rapport au mythe du vampire, c’est d’avoir pris à bras le corps la dimension érotique de Dracula. Il n’y a pas un plan, dans le film de Fisher, qui ne soit au service de ce questionnement, rien n’est gratuit. Le moindre élément de montage, la moindre transition servent ce propos-là. A l’heure actuelle le mythe se réinvente toujours. Coppola a réussi un film somme avec son Dracula en 1992. C’est un film qui fête à la fois le centenaire du cinématographe (1995) et celui du livre de Stoker (1897) : le comte vampire y apparait

76 comme une métaphore du cinéma qui vampirise le réel pour en projeter un double sur l’écran et le film s’assume donc comme une histoire du cinéma, comme une histoire du mythe de Dracula pendant cent ans d’existence du septième art. Depuis, avec Dracula ou les pages tirées du journal d’une vierge, Guy Maddin a proposé une nouvelle version du mythe, féministe de manière inattendue et passionnante, en suggérant que Dracula n’existerait peut-être que dans le songe des femmes sous forme de fantasme. Bref, on n’en a pas fini avec Dracula et les vampires au cinéma….

La Hammer a cessé ses activités cinéma en 1979, mais elle vient d’être rachetée par Endemol, célèbre société de divertissement qui est le leader de la télé-réalité. Quel est ton sentiment sur ce retour ?

N.S. : Il y a d’abord une crainte, puisque cela s’inscrit dans une tendance actuelle qui voit tous les objets contre culturels de naguère se faire récupérer. Et puis Endemol, c’est quand même tout l’opposé de ce que fut la Hammer dans les années 60 : pas de subversion chez eux, juste une production qui relève de la culture de masse dans ce qu’elle a de moins excitant. Cela dit, il y a tout de même un point commun entre les deux : Télérama condamne aujourd’hui Endemol d’une manière aussi définitive que la Hammer hier…[rires] La manière optimiste de voir les choses serait de regarder leur première nouvelle production, Beyond the Rave , qui a défaut d’être un chef-d’œuvre ni même un bon film témoigne d’une identité Hammer, qui reste extrêmement identifiable aux yeux du public et des professionnels des medias d’aujourd’hui. Car Beyond the rave, c’est ni plus ni moins qu’une histoire de vampire anglais sur un scénario qui manifeste une même volonté de remise au gout du jour que Dracula 73 il y a 35 ans. C’est vrai que Dracula 73 ce n’était pas une grande réussite cela dit… […] Si dans les années à venir, l’identité Hammer est respectée, si – soyons utopistes – elle se réactualise sans se renier, et bien pourquoi pas ? Peut-être que de bonnes choses peuvent naitre de cela. Après tout, ce n’est sans doute pas l’intérêt commercial d’Endemol que de casser le « joujou » Hammer : peut-être y a-t-il des exécutifs intelligents en son sein qui sauront éviter de mauvaises décisions. Donc, ne condamnons pas par avance ces nouvelles productions. Essayons de leur donner leur chance en ayant à l’esprit que le miracle Hammer, cette historique rencontre entre un grand auteur de cinéma, Terence Fisher, de très grands acteurs, Peter Cushing et Christopher Lee, une équipe technique brillantissime, Jack Asher, James Bernard, Anthony Hinds, Roy Asthon ou Bernard Robinson, le tout dans cette époque charnière des années soixante où avant-garde et culture populaire se nourrissaient mutuellement et s’entremêlaient parfois, a très peu de chance de se reproduire. Tel Dracula, la Hammer renaît aujourd’hui de ses cendres et ce seul évènement est en soit bien sympathique…

As-tu vu tous les épisodes sortis jusqu’à présent ?

N.S. : Je n’en ai vu que le début, mais je préfère attendre que le DVD sorte, ce qui devrait survenir sous peu, pour le regarder dans de bonnes conditions. Voir une série sur MySpace, c’est intéressant du point de vue marketing, mais j’ai envie de le voir plus confortablement. Cela dit, bonne nouvelle, j’ai entendu dire récemment que la Hammer s’apprête à produire un deuxième long-métrage, qui devrait avoir droit à une vraie distribution en salles. Il s’agirait d’un film fantastique, mais je n’en sais pas plus.

Tu penses qu’il y aura d’autres films ?

N.S. : A priori oui, le côté rassurant dans le fait qu’Endemol soit derrière la Hammer, c’est qu’ils ont de gros moyens financiers. Donc ils peuvent produire des choses. Après, marchera, marchera pas, on verra, je n’en ai strictement aucune idée.

Aujourd’hui, pour toi, quels artistes semblent prolonger l’esprit de la Hammer ?

N.S. : Très honnêtement, c’est un peu comme si on se posait la question d’une descendance de John Ford… C’est un cinéma qui s’est imposé partout. Tout le cinéma contemporain, à un moment donné, doit quelque chose à la Hammer. Les films de Fisher, Gilling, Sharp et consorts ont vraiment constitué un palier nouveau dans la représentation graphique de l’horreur, de l’érotisme à l’écran. Mieux : ils constituent une anthologie de classiques qui ont renouvelé tous les mythes classiques sur lesquels le cinéma fantastique 77 s’est toujours épanoui et c’est fort de cet acquis que le genre a pu explorer d’autres territoires durant les années 70 et 80. Prenons le cas par exemple d’un Romero qui a priori incarne une rupture vis-à-vis de la Hammer en 1968 avec La Nuit des Morts-vivants. Il me semble que son Dawn of the Dead doit en réalité beaucoup au travail de Fisher et notamment à son film-testament, Frankenstein et le monstre de l’enfer : les scènes de carnages cannibales qui ont fait la gloire de Romero semblent tout droit découler de l’extraordinaire séquence de dépeçage du monstre par la foule des aliénés qui conclue l’ultime opus fisherien. Il me semble même que Day of the Dead est à la fois un hommage explicite aux Frankenstein de la Universal, notamment à cause de Bub le sympathique zombie, mais aussi à ceux de Fisher, à cause du Dr Loomis : à l’instar du baron interprété par Peter Cushing, ce personnage surnommé « Frankenstein » dans le film, fait preuve de la même atrophie du sentiment moral devant l’horreur de ses expériences. A la limite, même avant la rupture Romero il n’est pas absurde de penser que les carrières de Bava, Corman ou Franco auraient pu prendre des tournures très différentes sans l’irruption de la Hammer. Sans Fisher, on aurait peut-être pas eu droit aux délires gothiques de Bava avec ses violentes et oniriques couleurs baroques, et donc sans doute aurions-nous aussi été privé d’Argento ! Voilà le premier élément de réponse, le plus évident, quant à l’influence contemporaine de la Hammer. Il existe d’autre part aujourd’hui un cinéma de genre que l’on peut qualifier de post-moderne, né au détour des années 70 avec Star Wars, et qui à sa manière a largement fait revivre la Hammer à l’écran ces dernières années. C’est par exemple le cas d’un Tim Burton qui dans des films comme Sleepy Hollow ou Sweeny Tod, nous offre bien davantage qu’une vaine collection de citations de ses films gothiques préférés : il réinvestit et projette sur l’écran ses émotions cinéphiles fondatrices, le souvenir de sa découverte du Cauchemar de Dracula , du Chien des Baskerville, de La Gorgone mais aussi Bava, Corman etc. C’est une tendance dans laquelle s’inscrit également Tarantino ou Rodriguez avec Leone en ligne de mire et qui consiste à dire : « le genre est mort, il ne nous reste donc plus qu’à filmer les émotions qu’il a jadis suscité en nous ». Naturellement, si une certaine économie de cinéma est effectivement morte – celle du cinéma bis à laquelle appartenait la Hammer – le genre ne meurt jamais vraiment et des gens comme Tim Burton, Quentin Tarantino ou Edgard Wright contribuent en réalité à le réinventer de manière toute personnelle. Pour moi Sweeny Tod est un authentique chef d’œuvre qui parvient ainsi à faire revivre tout ce pan de cinéma incarné par la Hammer. En France, Christophe Gans a tenté quelque chose du même ordre avec Le Pacte des loups , à ceci près qu’il a ajouté à son introspection cinéphile une réflexion plus intellectualisante sur le rapport de la France au fantastique. En gros, en s’attaquant à un mythe français, celui de la bête du Gévaudan, il s’amuse à fantasmer ce qu’aurait pu donner l’équivalent de la Hammer sur le territoire français, si une telle maison de production avait existé ici. Au-delà de l’influence pour le seul genre fantastique, il me semble que les grands classiques du studio se sont aussi imposés de manière plus universelle. Là il faut faire un distinguo entre l’auteur Fisher et le label Hammer. Prenons quelqu’un comme Scorsese : je crois très sincèrement que sa manière de filmer le sang doit quelque chose à Fisher. Dans Les Infiltrés, j’ai été frappé par cette séquence où l’on voit revenir Nicholson d’une arrière boutique où il vient de torturer quelqu’un, les mains couvertes de sang : on croirait presque voir le sinistre Van Helsing incarné par Cushing, les mains également salies par la mise à mort de quelques vampires… Il me semble que Scorsese emprunte ici à Fisher son esthétique sanglante métaphysique si personnelle et identifiable. De même, je n’exclus pas que son Temps de l’innocence ne doive quelque chose au travail sur les costumes et la reconstitution historique des meilleurs Fisher. D’une manière générale, la plupart des Fisher gothiques sont des chefs d’œuvres qui appartiennent aujourd’hui à la mémoire collective. C’est un cinéma qui s’est imposé et c’est par exemple dans cette perspective qu’il faut comprendre toutes les multiples citations de la Hammer dans le dernier Star Wars : Lucas ambitionne en bon disciple de Joseph Campbell de faire fusionner toutes les grandes mythologies du monde en un « mono-mythe » et tente pour cela une grande synthèse de tous les genres du cinéma et de toutes les cinématographies du monde. Lorsque dans l’épisode III vient le moment de questionner le rapport du héros à la mort, naturellement sont invoqués à travers la figure d’Anakin/Vador les mythes de Dracula (la survie blasphématoire), de Frankenstein (une créature de l’empereur), de Jekyll et Hyde (la schizophrénie du personnage) et les emprunts à Fisher pullulent comme autant d’images qui appartiennent désormais à l’imaginaire collectif : Vador pleurant face à la lave, comme jadis pleurait Léon le loup-garou sur son humanité perdu, Anakin brulé vif dans une gestuelle toute droit sorti du Cauchemar

78 de Dracula etc… Le recours à Peter Cushing et Dave Prowse dans la première trilogie ou à Christopher Lee dans la deuxième ne doit rien au hasard dans cette perspective. Fisher a été célébré l’année dernière dans cette institution qu’est la Cinémathèque française et pour reprendre l’expression de Noël Simsolo, il est désormais « un cinéaste qui arrive tôt ou tard dans le patrimoine cinématographique des gens de moins de cinquante ans qui font des films intéressants aujourd’hui ».

Dans le genre fantastique, quel est ton sujet de prédilection ?

N.S. : Mon péché mignon de jeunesse, c’est bien évidement les vampires. Je suis toujours très curieux de voir les films qui sortent dans ce genre. Mon initiation au cinéma fut faite par le biais des vampires. Quand on s’intéresse à ça quand on est jeune, c’est une manière de découvrir à la fois la série B avec Terence Fisher, mais aussi de découvrir le cinéma lui-même avec Murnau, le côté classique avec Tod Browning, le cinéma d’auteur allemand avec Werner Herzog, la nouvelle vague européenne avec Roman Polanski… Si on prend la thématique du vampire, on pourrait presque faire une histoire du cinéma mondial à partir de cette figure. Cela nous amène à toutes les cinématographies du monde : l’Amérique du Nord, l’Espagne, le Mexique, le Japon, l’Europe centrale, la Russie… Tous les types de cinéma également, la série B, le cinéma d’auteur. Je me suis intéressé à cette figure-là, mais je ne me suis pas cantonné qu’au cinéma fantastique, je suis passionné par le cinéma dans son ensemble. J’adore Fritz Lang, Billy Wilder, Woody Allen, les frères Coen, Eastwood, Cronenberg, Lynch, toutes sortes de cinéastes différents. Par contre, au sein du cinéma fantastique, plus ça va plus j’ai un goût pour le gore, en fait. Plus jeune, j’ai dû être marqué par certaines lectures de Télérama que mes parents achetaient. J’ai été marqué par ce réflexe critique puritain qui met d’un côté les films intelligents parce qu’ils se contentent de suggérer, et de l’autre les productions dénuées d’intérêt parce qu’elles montrent le sang à l’écran. En réalité la dichotomie ne se situe pas là. Le cinéma, ce n’est pas le réel, ce n’est qu’une image, et l’image se charge toujours de signes. Le sang à l’écran est intéressant dès lors qu’il est un signe. Le gore au cinéma a crée une esthétique. Chez Fisher le sang renvoie à la métaphysique, chez Dario Argento le gore sert la représentation de la fantasmatique du tueur, chez Romero les carnages cannibales renvoient à des questionnements politiques.... Et au-delà il y a quelque chose d’extrêmement jubilatoire, de totalement transgressif et libérateur dans le spectacle du sang qui coule à l’écran. C’est l’un des aspects extraordinairement beaux et réussis de Sweeney Todd , de Tim Burton : quel plaisir de voir les gorges tranchées et les corps tombés avec fracas contre le pavé de la cave du barbier diabolique !... [rires] On est tous régis par les figures d’Eros et Thanatos tapis au fond de notre inconscient. Le cinéma gore répond à nos pulsions de manière ludique et nous enrichis parce qu’il nous confronte à notre part d’ombre. C’est une chose qu’ont toujours détesté les moralisateurs, notamment chez la Hammer il y a cinquante ans : un cinéma qui nous révèle notre propre dualité, quelle horreur ! Au final, il n’y a rien de malsain ou de dégradant en soit dans le cinéma gore. Il ne s’agit que d’art, de représentation, d’esthétique. Ces films-là n’ont jamais incité au meurtre. C’est plutôt parce qu’il y a des meurtriers que ces films existent.

En-dehors du cinéma, tu as d’autres loisirs ? Des lectures peut-être ?

N.S. : Je lis beaucoup de livres sur le cinéma ces derniers temps. Mon autre grande passion parallèlement au cinéma est la musique. Je suis musicien depuis longtemps, je suis dans un groupe de rock n’ roll, et pour moi il y a un vrai lien entre ce qui relève de la culture rock n’ roll et celle du cinéma bis, de la série B. J’ai par exemple découvert les Stones vers la fin de l’enfance, en même temps que les films de la Hammer. Pour moi Mick Jagger, Keith Richards ou Johnny Rotten étaient des figures subversives au même titre que Dracula et Frankenstein. Des monstres sacrés qui participaient d’une même culture anglo-saxonne, parfois même typiquement anglaise, et ce sont toujours des influences aujourd’hui. Avec mon groupe, Ultrazeen – on vient de sortir un nouveau disque début juillet – nous faisons régulièrement nos entrées de scène sur le générique du célèbre Django de Sergio Corbucci , célèbre western spaghetti. On vient d’écrire un morceau qui s’intitule Wolverine, en hommage au personnage du comics éponyme et des X-Men. Il va d’ailleurs avoir droit à son propre film en 2009. Bref, tout cela fait partie d’un tout.

As-tu d’autres projets ? 79

N.S. : J’aimerais bien écrire un second bouquin, j’hésite encore sur le sujet. J’aimerais bien continuer sur le cinéma fantastique des sixties, le gothique italien ou les productions de Corman… Il y a encore un vide éditorial en France à ce niveau-là. Pourquoi pas également sortir de la série B et aller carrément vers Star Wars : il y aurait une fabuleuse étude de réception à faire sur le sujet, avec le point de vue de deux générations antagonistes sur deux trilogies produites à 20 ans d’intervalles, deux trilogies qui elles-mêmes ne cessent d’interroger la notion de point de vue chez leurs héros… J’ai en tête un gros projet la dessus. J’ai aussi de projets de radio et de fiction… We’ll see.

Quel est le prochain film fantastique que tu vas aller voir au cinéma, ou que tu vas regarder chez toi ?

N.S. : Je viens de récupérer Caltiki - le monstre immortel , co-réalisé par Riccardo Freda et Mario Bava. Je vais peut-être le regarder ce soir. Ou alors Doriana Gray , de Jess Franco, que je n’ai jamais vu. C’est un film fantastique qui tire vers le porno expérimental. Je suis dans une période Jess Franco depuis la rétrospective qui a eu lieu récemment à la Cinémathèque française. Je me suis vraiment pris d’affection pour son cinéma.

Sur le web on trouve tes interventions sous le pseudo de Kurt Menliff. Ta préférence va vers le corps ou le fouet ?

N.S. : Le corps ou le fouet dis-tu ? Mais l'un ne va pas sans l'autre !...

Propos recueilli par Spooky

(1) professeur, écrivain, orateur et anthropologue américain, célèbre pour son travail dans les domaines de la mythologie comparée et de la religion comparée et notamment pour sa théorie du monomythe. George Lucas dit s’être largement inspiré de son ouvrage célèbre Le Héros aux mille et un visages (The Hero with a Thousand Faces ), paru en français sous le titre de Les Héros sont éternels pour écrire Star Wars.

(2) Réalisateur, scénariste et romancier français. Commentaires

Magnifique interview, longue, dense, intéressante comme je les aime. De quoi revoir ses classiques et ses idées reçues (moi aussi j'aurai mis Lugosi dans l'équipe de la Hammer). J'espère qd même que Nicolas ne nous a pas tout dévoilé et qu'il en a gardé pour son bouquin ;-) Sa page MySpace est riche en image aussi. Bravo Spooky pour cette belle interview.

commentaire n° : 1 posté par : Erwelyn (site web) le: 02/11/2008 21:52:54

J'aime le ton passionné (et passionnant) du bonhomme. D'après les retours que j'en ai eu, son livre est le plus complet à ce jour sur la firme Hammer, et un must have pour tous les amateurs de cinéma de genre. Je vais me laisser tenter par l'achat je pense.

commentaire n° : 1 posté par : Vladkergan (site web) le: 06/11/2008 17:34:57

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CINEFANTASTIQUE.BE – octobre 2008 http://cinemafantastique.be/IMG/pdf/Dossier_Hammer.pdf

Dossier Hammer - "Hammer : le marteau et la plume" Pris dans les griffes de la Hammer… Entretien avec Nicolas Stanzick

Quel est ton parcours personnel jusqu'ici?

Nicolas Stanzick : J’ai grandi à Poitiers où je suis né en 1978. Mon parcours a toujours été guidé par deux passions indissociables pour moi : le cinéma et la musique. Tout a démarré lorsque j’ai vu mon premier film en salle vers 1981 : The Blues Brothers de John Landis. J’étais vraiment petit – 3 ans à peine – et j’ai du dormir la moitié de la séance. Mais j’ai littéralement adoré, autant pour le choc esthétique causé par le blues, la soul et le rock’n’roll que pour le coté magique du cinéma : le noir dans la salle, l’étrange silence du public, l’effet de réalité de l’image, l’écran qui tout à coup s’illumine et semble relier deux mondes, le nôtre, bien réel et celui imaginaire du film… Le cinéma en soit était une expérience fantastique. Toujours dans la petite enfance, le clip de Thriller de Michael Jackson, là aussi réalisé par John Landis a été un autre grand choc visuel et musical : le coté extrêmement macabre et graphique de ce petit chef d’œuvre du court-métrage m’a profondément étonné et séduit. J’en ai fait de nombreux cauchemars, mais je ne ratais jamais une occasion de le revoir dès qu’il passait à la télé. A peu près au même moment, Le Retour du Jedi en 1983 a été le vrai déclencheur de mon gout pour le fantastique. Pas simplement pour le coté surnaturel des situations ou pour l’étonnante galerie de monstres de l’intro avec Jabba the Hutt, mais pour une séquence précise qui à mes yeux offre une définition parfaite de ce qu’est le fantastique au cinéma : celle où Dark Vador enlève son masque effrayant et révèle un deuxième visage, celui d’une victime dont les 81 traits sont ceux d’un vieillard ayant connu une infinie souffrance. Le cinéma fantastique, c’est vraiment cela pour moi, la superposition de deux images contradictoires, le réel et l’imaginaire entremêlés, la représentation du double qui sommeille en tout homme. Je n’ai pas su pourquoi immédiatement, mais j’ai été absolument bouleversé par cette séquence, fasciné par ce personnage schizophrène, et je crois que c’est finalement l’origine de mon goût pour Terence Fisher qui est le grand cinéaste du double : c’était déjà l’un des thèmes de son premier film gothique, Frankenstein s’est échappé en 1957, où la créature interprétée par Christopher Lee était une sorte de double inversé du baron qui l’avait crée, l’un figurant la pulsion, la nature déchainée, l’autre le savoir, la culture consciente d’elle-même. On retrouvait le même genre d’opposition dans Le Cauchemar de Dracula en 1958, toujours avec Lee et Cushing, à ceci près que la dualité de chacun des personnages était cette fois renforcée : Dracula avait tour à tour le visage de l’aristocrate hautain et de la bête fauve, et Van Helsing celui d’un scientifique calme et avisé mais néanmoins capable d’une violence inouïe. Le dernier film de Fisher, Frankenstein et le monstre de l’enfer en 1974 est allé au terme de cette thématique en traitant cette fois de la folie : or qu’est-ce que la folie si ce n’est le dédoublement ?... Bref, Le Retour du jedi a été déterminant pour le gamin que j’étais comme. Dans les années qui ont suivis, je me suis mis à avoir un goût pour les monstres, les icônes maléfiques du cinéma, goût qui est allé de pair d’ailleurs avec ma découverte parallèle des héros rock’n’roll sixties et seventies comme les Stones, Hendrix, les Doors, Led Zeppelin ou les Sex Pistols. Je ne l’ai compris qu’après, une fois adolescent, mais j’aimais le coté rebelle et subversif de tous ces personnages. Dracula ou Frankenstein étaient des personnages mythiques qui personnifiaient le mal du point de vue de la détestable bourgeoisie victorienne, Mick Jagger, Jim Morrison ou Johnny Rotten quant à eux jouaient volontiers les petits démons, non sans jubilation, vis-à-vis des conservateurs de leur temps. Bref, tout cela était un tout pour moi. Si je suis devenu musicien avec de nombreux groupes de rock à partir de 13 ans, j’ai vite réinvesti parallèlement mon gout du ciné au cours de mes études d’histoire en me débrouillant pour travailler là-dessus le plus possible. Lorsque j’ai entamé ma maîtrise en 2003 à la Sorbonne, la Hammer Films s’est imposé immédiatement à moi comme le sujet idéal et finalement le plus personnel possible. J’adorais ces films, je voulais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour travailler à leur légitimation définitive et dès cette époque j’avais à cœur de faire davantage qu’un mémoire universitaire : un livre. Après tout, il n’existait aucun livre à proprement parler sur le studio, même si des gens comme Jean-Marie Sabatier, Gérard Lenne ou Jean-Pierre Bouyxou lui avaient consacré des textes brillants dans le cadre d’ouvrages sur le cinéma fantastique. J’ai opté dès le début de mes recherches pour une perspective inédite : je voulais tenter de faire une histoire culturelle du fantastique en France via le prisme de la Hammer. Plus simplement : je voulais écrire une histoire française de la Hammer en me focalisant sur le regard de ceux qui ont aimé ou détester les films ici, sur les réactions du grand public en termes de box- office, en évoquant les étranges salles de quartier ou ces films étaient diffusés... J’ai achevé la première mouture du texte (le mémoire) au terme de deux années d’intenses recherches. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à écrire comme critique télé et ciné dans différentes publications : d’abord à Télécinéobs le supplément du Nouvel Obs , à La Saison télévisé, puis de manière régulière à l’Ecran fantastique . Courant 2006, au cours d’une soirée à la Cinémathèque, Jean-François Rauger m’a annoncé l’organisation d’une Rétrospective Terence Fisher pour l’année suivante. C’était l’occasion rêvée pour être publié, et il me fallait donc saisir cette chance : j’ai commencé à retravailler le texte, à oublier le public des profs pour m’adresser à celui des cinéphiles et des amateurs d’histoire, à y ajouter des entretiens que je n’avais pas pu faire à l’époque…. Lorsque la rétrospective a enfin eut lieu en juin-juillet 2007, Jean-François Rauger a eu l’amabilité de m’inviter à une table ronde Fisher en compagnie de Jean-Pierre Bouyxou et de Jean- Pierre Dionnet. Ça a été le déclic que j’attendais : Robert de Laroche qui était présent dans le public m’a présenté Alain Pozzuoli qui était directeur de collection aux éditions Scali et les choses se sont vite décidées. Un an après, Dans les griffes de la Hammer est sorti.

D'où t'est venue cette passion pour la firme anglaise?

N.S. : D’une vision manquée ! Et à vrai dire, ce n’est pas si rare chez les cinéphiles fantastiques. C’est le chemin classique : on fantasme les films faute d’avoir la possibilité de les voir à causes des interdictions aux jeunes spectateurs, on attend des années ainsi, et on finit par éprouver une vraie jouissance de la 82 transgression lorsqu’enfin on voit son premier film d’horreur. Même si je n’appartiens pas à proprement parler à la génération Hammer – je suis né quand le studio a cessé de produire pour le grand écran – c’est néanmoins avec la Hammer que ce processus a eu lieu pour moi : tout est né de l’impossibilité de voir Le Cauchemar de Dracula , en deuxième partie de soirée à la télé. C’était en 1985, j’avais sept ans, et j’ai eu beau supplier mes parents de me laisser voir ce film dont notre hebdo télé parlait avec force de photos, rien n’y a fait : j’étais beaucoup trop jeune pour ce genre de choses… Néanmoins, mon père connaissait ces films et m’a expliqué à cette occasion qui était Christopher Lee, ce qu’était la Hammer, il m’a raconté quelques unes de ces séances de minuit à l’époque. Il y avait là quelque chose d’à la fois dangereux et d’attractif, quelque chose qui parlait à l’enfant que j’étais mais qui semblait appartenir à un domaine adulte réservé. Je dois avouer que je ne me suis pas focalisé dès cette période sur la Hammer stricto sensu : mon grand rêve, c’était de voir tous les Dracula avec Christopher Lee, et plus largement tous les films de vampire possibles et inimaginables. Ce qui m’a d’ailleurs amené plus tard à découvrir aussi Polanski, Herzog, Murnau, Dreyer, Browning… Ce genre de films était tellement rare à la télé ! Chaque semaine pendant deux ans, j’ai surveillé mon magazine télé, lorsqu’enfin une nouvelle occasion est intervenue durant l’été 1987 : Dracula prince des ténèbres était programmé sur FR3, à nouveau dans le cadre de la Dernière séance si je me souviens bien. Cette fois ci a été la bonne. J’ai été absolument fasciné, terrorisé et conquis au point que dès le lendemain, je me suis mis en tête d’adapter le film en nouvelle. J’ai d’ailleurs dessiné à cette occasion une couverture dont je me suis aperçu en la retrouvant par hasard l’autre jour, qu’elle ressemble très fortement au célèbre visuel retenu pour Dans les griffes de la Hammer : Dracula, yeux injectés de sang, canines proéminente sur fond de château gothique . Très amusant rétrospectivement ! Peu après ce Dracula enfin visionné, j’ai eu droit à une nouvelle vision manquée fondatrice à propos de la Hammer. C’était au cours d’un gouter d’anniversaire chez un ami, nous avions 10 ans et nous mourrions d’envie de voir Le Chien des Baskerville dont quelqu’un avait la VHS. Finalement nous n’avons pas pu dépasser la légendaire séquence d’introduction, celle du meurtre de la servante et de la mise à mort de Hugo de Baskerville par le chien infernal : certains gamins, dont je n’étais pas peu fier de ne pas faire parti, n’ont tout simplement pas tenu le choc et la séance a donc été interrompue par les parents… Heureusement j’ai pu voir le film très peu de temps après à la télé. Je crois que j’ai vraiment pris conscience de toute la richesse du cycle Hammer, ses Frankenstein, ses momies, son loup-garou etc. grâce à un cadeau de Noël de mes parents vers l’âge de 12 ans : le très beau livre de Gérard Mangin, Les Affiches du cinéma fantastique. C’est un livre que j’ai énormément feuilleté en rêvant de voir chacun des films dont l’affiche était présentée. Je me faisais des filmographies : les Terence Fisher, les Hammer au sens large, mais au aussi les Bava, Freda, Corman, Franco… Durant les années 90, j’ai commencé à en voir un certain nombre grâce aux réeditions en VHS, puis j’ai vraiment comblé mes lacunes en arrivant à Paris en 1998 notamment grâce à la Cinémathèque et au Vidéo-Club de Norbert Moutier rue Pierre Semard.

En quoi les œuvres de la Hammer ont-elles initié la France au ciné fantastique?

N.S. : Pour faire court, disons que c’est avec la Hammer que la très grande majorité des français a fait la connaissance de Dracula, Frankenstein, la Momie ou le Loup-garou ! Rien de moins ! Certes, les productions Universal avaient traversé l’Atlantique durant les années 30, mais tout ce pan de cinéma non seulement n’avait pas été vraiment assimilé par le public de l’époque, mais avait été englouti dans l’oubli le plus total avec la seconde guerre mondiale. Seules quelques figures marginales comme Jean Boullet vantaient les « fabuleux chefs d’œuvre » de cet âge d’or méconnu dans d’obscures revues des années 50. Aux USA, c’était tout l’inverse : les films de Browning ou Whale déjà étaient considérés comme des classiques, et ils étaient régulièrement rediffusés à la télévision. Quand Frankenstein s’est échappé sort sur les écrans américains, tout le monde attend cette remise au gout du jour du mythe, tout en technicolor, et le choc de la nouveauté aidant, le film bat Le Pont de la rivière Kwaï au box-office ! En France, le film fera dix fois moins d’entrées que le film de David Lean… Plus symptomatique encore, c’est parce que les productions ont connus d’honnêtes succès répétés sur les écrans français qu’on a eu enfin droit à des traductions complètes et dignes de ce nom des livres de Stoker et de Shelley… Plus largement, non seulement on découvre en France les grands mythes du cinéma fantastique avec la Hammer, mais pour la première fois est posée la question du genre. Et là on touche à un paradoxe français : il existe depuis 83

Cazotte au XVIIIème siècle une littérature fantastique française qui passe par Dumas, Gautier, Mérimée ou Maupassant, il existe depuis Méliès un cinéma fantastique français enrichi depuis par Cocteau, Carné et d’autres, et néanmoins la question du fantastique comme genre fait au mieux jusqu’en 1957 l’objet d’un total désintérêt critique, au pire l’objet d’un mépris d’une rare virulence. Ici, l’auteur prime, le genre n’intéresse pas : Cocteau c’est d’abord du Cocteau avant d’être du fantastique, et les films fantastiques français sont toujours des prototypes isolés qui ne s’inscrivent pas en tant que tel dans une culture du genre. Anecdote très parlante : alors que la Hammer triomphe à l’écran, Bava lance un mouvement gothique en Italie avec Le Masque du démon en 1960, Corman fait de même aux USA la même année tandis qu’en France, Franju signe un chef-d’œuvre absolu avec Les Yeux sans visage, mais celui-ci ne lancera strictement aucun mouvement ! Bref, avec la Hammer la question du genre fait son entrée dans sur la place publique. Au moment où la critique traditionnelle se lance dans une croisade contre « ce cinéma qui va créer des générations de détraqués et de pervers », la cinéphilie fantastique française naît avec la création de la première revue européenne consacrée au genre, Midi-Minuit Fantastique . Paru en 1962, le numéro Un est consacré à Fisher et fait de la Hammer, pour toute la décennie, son emblème le plus identifiable. Cette jeune cinéphilie est alors un pur produit des années 60 : provocante, subversive, contre-culturelle, à la fois populaire et très cultivée, elle est menée par de jeunes gens, Michel Caen et Jean-Claude Romer en tête, pas peu fiers d’être les seuls rédacteurs en chef mineurs d’une revue interdite aux mineurs… Tout au long des années 60, le midi-minuisme va gagner en influence jusqu’au point de triompher en 1968 : c’est en cette turbulente année que la Hammer s’impose vraiment au-delà des seuls cercles d’amateurs de fantastique. Les Cahiers du cinéma , la plus influente revue de la cinéphilie française s’entend avec sa rivale, Positif, pour sacrer Fisher en véritable auteur moderne, la presse communiste qui condamnait l’horreur fantastique parce qu’elle était censé détourner de l’horreur politique réelle du monde finit par admettre la beauté des productions Hammer, de même que la presse catholique qui jusque là ne voyait dans les aventures du Comte Dracula qu’une attaque en règle contre la religion… Bref, avec la Hammer le fantastique a fini par devenir un véritable phénomène social et culturel qui a triomphé au cours des années 70 avec les premiers grands festivals (celui du Rex par exemple qui comprenait une rétrospective annuelle consacrée à la Hammer), l’explosion du Fandom ( L’Ecran fantastique et Mad Movies naissent respectivement en 1969 et 1972)…

Quelles sont les ruptures amenées par la Hammer par rapport au cinéma de genre traditionnel version Universal?

N.S. : La Hammer a repris l’idée commerciale de la Universal en réutilisant la plupart des monstres de son bestiaire et en produisant de nombreuses suites. Elle a également repris certains codes du genre initiés de manière spontanée par les géniaux pionniers qu’étaient Tod Browning et James Whale, mais pour le reste, c’était un cinéma d’une radicale nouveauté. La première rupture évidente, c’est évidemment l’usage du Technicolor. Les productions Hammer sont les premières à penser le fantastique en couleurs. Le vrai génie ici c’est Fisher, bien qu’il ne faille pas oublier son admirable chef-opérateur Jack Asher. Par son talent de metteur en scène, sa très grande rigueur dans le traitement des mythes fantastiques, et sa constance d’un film à l’autre, Fisher s’est révélé être véritable créateur de forme. Bien qu’il s’agisse d’abord d’un cinéaste thématique – son évolution vers une totale épure le montre – il est le premier, bien avant Bava, a avoir fait un usage formaliste de la couleur, ce qui lui a permis de développer une esthétique sanglante qui était aussi transgressive pour l’époque que personnelle. Chez lui, le sang est toujours un signe qui renvoie à d’angoissantes questions métaphysiques : il symbolise la pulsion sexuelle chez Dracula, l’idée d’âme au sens philosophique du terme chez Frankenstein. Et néanmoins, ce perpétuel questionnement métaphysique débouche toujours sur l’athéisme : Dracula n’est pas en lutte contre Dieu, mais contre son représentant qui prétend agir en son nom, Van Helsing, et de même l’échec de Frankenstein vient non de dieu mais des limites du monde dans lequel il vit. C’est pour cette raison qu’on a parlé à propos de Fisher de « matérialisme fantastique ». Et lorsque Fisher ne filme pas le sang directement, une tâche rouge se promène systématiquement à l’écran, comme une déflagration qui contraste par sa violence avec les ton pastels ou automnaux qui dominent souvent ses films : c’est tel ou tel effet d’éclairage, un détail de mobilier, un rideau, un tableau, comme le signe d’une pulsion qui sommeille en tout homme et qui 84 contamine nécessairement son point de vue sur le monde. Ce n’est pas pour rien que la critique bien pensante à parlé « d’obscénité de la couleur » chez Fisher. Et l’on touche ici à la deuxième grande rupture vis-à-vis du cycle Universal : les films de la Hammer étaient aussi des films érotiques. Non pas parce qu’on pouvait y voir la moindre nudité (ça n’a jamais été le cas à l’exception de quelques Hammer tardifs des années 70), mais parce que la sexualité était bien souvent le vrai sujet de ces films. Prenons Dracula : certes la composante sexuelle est présente dès Murnau, dès Browning, mais chez Fisher elle n’est plus à la périphérie, elle est le sujet même du film. Pour faire court, La Cauchemar de Dracula , c’est ni plus ni moins qu’un appel à l’orgasme, à une sexualité libre, folle, qui fait fi de toutes les conventions sociales, morales ou culturelles, et Van Helsing combat très clairement le comte vampire en se vivant comme un gardien de l’ordre moral. Ce qui m’amène à la troisième rupture vis-à-vis du cycle Universal : toutes les productions Hammer avaient pour cadre une société et une période historique très précises, l’ère victorienne, tandis que chez la Universal, tout se passait dans une Transylvanie d’opérette à une époque non identifiée. C’est toute la force de subversion des films Hammer : les monstres y mettent à mal les valeurs puritaines du XIXème siècle, qui pour une part encore, perdurent durant les années 60. En France, outre l’incompréhension face au genre, le rejet de ces films par les milieux catholiques, communistes et plus largement par tous les « culs-serrés » d’avant 1968 ne s’explique pas autrement. La Hammer a participé en quelque sorte, avec quelques années d’avance sur les Beatles et les Rolling Stones à l’émergence de la Révolution pop et de la contre-culture. Bref, si l’on reprend l’histoire du cinéma fantastique, il y a d’abord eu l’âge d’or allemand des années 20 qui offrait une sorte de représentation de l’inconscient collectif, puis l’ère américaine de la Universal durant les années 30 qui s’assumait comme la représentation poétique et déréalisée d’un imaginaire fantastique, puis la génération Tourneur, Wise, Robson sous l’égide de Val Lewton qui créa un cinéma de l’indicible et de l’invisible dans la décennie suivante. Avec la Hammer à la fin des années 50, pour la première fois nous avons droit à des monstres de chair et de sang qui évoluent comme autant de forces symboliques dans un monde bien réel : le nôtre.

Cinq films incontournables de la firme?

N.S. : Parmi les Dracula, il y a évidemment Le Cauchemar de Dracula (1958), qui à tout point de vue est un film parfait : mise en scène, acteurs, scénario, musique… C’est un film qui réinvente totalement l’iconographie du comte vampire, modernise le mythe tout en revenant à la source du roman et qui formellement est une authentique leçon de cinéma : les apparitions du comte, le travail de cadence dans le montage qui ne cesse d’opposer Van Helsing et Dracula jusqu’à la sublime confrontation finale. Tellement a déjà été dit sur ce film… Parmi les Frankenstein, c’est plus compliqué : Fisher a réussi une saga parfaite, où le personnage du baron incarné par Cushing se renouvelle de manière passionnante d’un film à l’autre. C’est tout simplement l’une des sagas les plus intelligentes du cinéma fantastique, au même titre par exemple que celle de Romero consacrée aux morts-vivants. S’il fallait que je ne retienne qu’un Frankenstein, je dirais peut-être Le Retour de Frankenstein (1969), qui fait du baron un véritable héros luciférien en révolte contre le monde : c’est une grave réflexion sur le Mal, un film d’une noirceur très rare, où la notion anglaise « d’horror », c'est-à-dire d’épouvante psychologique et morale prend tout son sens. Et là aussi c’est une grande leçon de cinéma : la manière dont Fisher construit mathématiquement la montée inéluctable vers l’horreur tient du manifeste esthétique. D’ailleurs dans son Frankenstein suivant, il fait dire à l’un de ses personnages que « les mathématiques sont plus belles encore que la musique », manière de signifier qu’elles débouchent invariablement sur la poésie… En dehors de Dracula et Frankenstein, j’ai un très gros faible pour Le Chien des Baskerville (1959) qui est une parfaite démonstration de la très forte personnalité de Fisher à la mise en scène, de son statut d’auteur de cinéma. Voilà un roman de Conan Doyle dans lequel, Sherlock Holmes oblige, le fantastique n’est qu’un leurre dans une manipulation criminelle. Fisher reprend l’histoire à lettre, mais lui donne une autre signification par ses choix de mise en scène : couleurs, cadrage, découpage... La malédiction agit à un double niveau : comme leurre criminel, à l’instar du roman, mais aussi comme réalité fantastique : les comploteurs qui sont aussi des Baskerville mourront dans la lande désertique la nuit, soit dévorés par le chien infernal, soit noyés dans les marais putrides… La malédiction des Baskerville a bel et bien lieu ici et Sherlock Holmes ne dit donc pas sans raison qu’il lutte non pour la vérité, comme dans les romans, mais contre « les forces du 85 mal ». Bref, Fisher reprend cette histoire qui lui préexiste, et en fait une matière propre passionnante qui s’inscrit pleinement dans sa filmo. Et au-delà, quel sens de l’atmosphère, du suspense et du rythme ! C’est vraiment un idéal de cinéma gothique. Toujours de Fisher, j’adore Les Deux visages du Dr Jekyll (1960) qui est un film quasiment inconnu en France : il n’a eu droit qu’à une exploitation illégale, dans une seule salle parisienne en 1968, et j’espère de tout cœur qu’une édition DVD vienne corriger cette injustice. C’est de loin la meilleure version du mythe, avec la version de Robert Mamoulian en 1932, même si elle prend le contre-pied total du classicisme de cette dernière : Jekyll est cette fois un triste bourgeois barbu et cocu, tandis que son double, Hyde, est un beau jeune homme aussi séduisant que malfaisant et qui deviendra l’amant de la femme de Jekyll ! Sur ce scénario vertigineux, Fisher réalise une tragédie absolument bouleversante et multiplie les idées de mise en scène : toutes les séquences de miroirs sont des modèles du genre. Il a beaucoup été reproché au film, de ne pas avoir joué la carte classique du monstre physique Hyde. C’est au contraire une absolue réussite : le Hyde de Fisher est tellement moderne, qu’il peut à bon droit passer pour une sorte de chainon manquant qui mènera au célèbre Alex joué par Malcom McDowell dans Orange mécanique de Kubrick. Si les deux films sont évidemment très différents, Alex et Hyde ont en commun un sens évident de la séduction, un même goût pour le dandysme et une même passion pour l’ultra-violence, pulsionnelle chez Hyde, intellectuelle chez Alex… Tu me demandes de citer les 5 Hammer les plus importants et je m’aperçois que j’ai tendance à ne citer que des films de Fisher. C’est assez logique : il est le véritable inventeur du label Hammer, il est celui qui a vraiment bâti toute une œuvre en son sein. Cela dit ne soyons pas injuste : il y a eu également quelques autres réalisateur qui ont su, le temps de quelques films, utiliser, prolonger, parfois s’approprier les innovations fisheriennes, pour nous offrir de vraies réussites. Le dytique de John Gilling L’Invasion des mort-vivants/ La Femme reptile , touts deux réalisés en 1966, est mémorable par exemple, avec un fantastique plus ouvertement politique que chez Fisher. De même, Don Sharp a fait un excellent film de vampire avec Le Baiser du vampire en 1963, et Peter Sasdy a réussi un petit chef d’œuvre romantique et pervers avec La Fille de Jack l’éventreur en 1972. Mais hors Fisher, mon préféré reste Roy Ward Baker qui a substitué à l’ambiguë lutte du bien et du mal fisherienne, une fascinante lutte des genres. Son Docteur Jekyll & Sister Hyde en 1971 est de ce point de vue absolument remarquable : loin d’être grivois comme son titre pourrait le suggérer, Baker ose transformer le mythe en une fascinante tragédie transsexuelle.

Propos recueillis par Damien Taymans

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BIFI.FR – octobre 2008 http://www.bifi.fr/public/ap/compte_rendu.php?id=370&typ=0

Actualité patrimoniale : compte-rendu Dans les griffes de la Hammer

Ouvrage prochainement disponible à la médiathèque de la Cinémathèque française. Honorés il y a un an à la Cinémathèque française par une rétrospective consacrée à Terence Fisher, les films de la Hammer, firme britannique qui oeuvra de la fin des années quarante aux années soixante-dix dans le cinéma de genre, notamment fantastique, ne s’étaient encore jamais vu dédier un ouvrage, en dépit de la ferveur d’un certain public. C’est chose faite avec celui de Nicolas Stanzick, jeune auteur d’une trentaine d’années, passionné par le cinéma fantastique, la contre-culture et le rock. Plutôt qu’un ouvrage de fan visant à restituer l’amour pour un certain cinéma bis, ou l’essai d’un esthéticien sur le type de gothique propre à la firme britannique, Dans les griffes de la Hammer se situe, au dire de l’auteur, au croisement de trois champs historiographiques : une histoire de la cinéphilie, une histoire plus générale du cinéma, et une histoire générale du fantastique. L’axe choisi est la réception française des films de la Hammer, axe vu comme un « outil de lecture idéal pour analyser ce qui serait la naissance d’une cinéphilie fantastique hexagonale ». Le fil chronologique organise ce volume, qui, sur vingt ans, de 1957 à 1977, suit l’histoire et les évolutions de cette réception mouvementée.

Le premier chapitre, des années 1957 à 1962, retrace l’arrivée en France des productions Hammer, incarnées notamment par le nom de Terence Fisher, et rappelle le statut problématique et dénié du cinéma fantastique à cette époque-là. La période 1957-1962 concentre les difficultés rencontrées pour imposer son intégrité artistique, en proie à des censures diverses (matérielles, avec des montages français 87 imposés aux copies expurgées des scènes violentes, ou culturelles). L’année 1962, qui se voit consacrer un chapitre entier, marque le début de l’assise reconnue des productions Hammer, appuyées par la création de la revue Midi-Minuit fantastique . Les années suivantes (1962-1966) correspondent à l’épanouissement du genre auprès du public, épanouissement bientôt consacré par sa quasi-institutionnalisation (1966-1971) lorsque les revues de cinéma prestigieuses, telles Positif et les Cahiers du cinéma , commencent à s’y intéresser. Enfin, 1968-1977 voit le passage entre deux générations de cinéphiles, incarnées, pour l’auteur, par la création par Alain Schlockoff du premier festival annuel du cinéma fantastique en France et la parution, en 1973, du livre de Jean-Marie Sabatier devenu une référence : Les Classiques du cinéma fantastique .

Une série d’entretiens menés par l’auteur complète l’ouvrage. Visant à restituer l’itinéraire autobiographico-cinéphilique qui peut conduire un jeune spectateur vers le cinéma fantastique, ces entretiens donnent la parole aux acteurs de l’épopée française de la Hammer, de Michel Caen (l’un des fondateurs de Midi-Minuit fantastique) à Jean-François Rauger (programmateur, entre autres, des séances de cinéma bis à la Cinémathèque) en passant par Noël Simsolo (un défenseur virulent des films de Terence Fisher), et bien d’autres encore.

La rétrospective consacrée à Terence Fisher a eu lieu à la Cinémathèque française en juin et juillet 2007. Par ailleurs, la Cinémathèque organise régulièrement des projections consacrées au cinéma bis.

Axelle Ropert

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ACTUALITE POITOU CHARENTES – octobre 2008

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LE MATRICULE DES ANGES – novembre 2008

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ZONEBIS.COM – 17 novembre 2008 http://www.zonebis.com/news/index.php?post/2008/11/17/%5BReview%5D-Dans-les-griffes-de-la-Hammer

Dans les griffes de la Hammer

On vous avait déjà parlé du livre de Nicolas Stanzick consacré à la firme Anglaise Hammer. Aujourd'hui, Nicolas Felgerolles vous fait partager son enthousiasme suite à la lecture de cet ouvrage unique en France.

Le livre est disponible en librairie et vous est fortement recommandé par l'équipe ZoneBis.

Cyril Despontin

http://www.zonebis.com/forum/viewtopic.php?f=12&t=13235#p147962 Fondé en 1934, la célèbre firme britannique Hammer régna sur le cinéma populaire fantastique, d’aventures et d’horreur européen de la fin des années 50 à la fin des seventies. Celle-ci popularisa dans le monde entier des comédiens comme Christopher Lee ou Peter Cushing. Ravivé par du sang frais en 2007, avec d’une part une rétrospective Terence Fisher à la Cinémathèque de Paris et surtout le rachat par Endemol qui va tenter de redonner un second souffle à la prestigieuse firme. A suivre.

Plutôt que de proposer une ultime étude sur son imposante production, Nicolas Stanzick préfère aborder son sujet sous l’angle sociologique. Partant de la résonnance qu’à pu avoir le studio anglais sur nos contemporains français dés les années 50 jusqu’à aujourd’hui, l’auteur disserte en particulier sur les films de Terence Fisher pour aboutir sur le cinéma de genre en général et ses influences sur la cinéphilie franco- française. En France, après la guerre, hormis les rares films de Cocteau ou de Franju et les productions américaines, il était difficile satisfaire sa curiosité en matière de cinéma fantastique. 91

Que s’est-il donc passé cinématographiquement parlant entre la diffusion des classiques américains d’Universal d’avant guerre et de leurs succédanés anglais débutant dés 1957 avec le « Frankenstein s’est échappé » de Terence Fisher ? Comment la critique, les cinéphiles, la jeunesse de l’époque ont-ils perçus le phénomène Hammer ? Ce renouveau du cinéma de genre ou encore cette révolution (n’ayons pas peur des mots) était-elle la même pour tout le monde ? Comment a-t-on réagi à Télérama ? Et dans la presse dite intello en général ?

Autant de réponses apportées par l’auteur qui se révèlent passionnantes à lire. Ainsi la genèse de revues comme Midi-Minuit Fantastique (et son numéro 1 en 1962 célébrant un illustre inconnu appellé Terence Fisher) ou L’Ecran Fantastique puis le déboulement du fanzinat des années 70 tout comme l’apparition de tout un courant cinéphilique débouchant sur le cinéma bis est ici pertinemment expliqué et analysé. Ce fut difficile pour certains de se mettre au diapason de la modernité (cf. le retournement de veste dans la ligne éditoriale de certaines revues) et d’accepter le cinéma d’horreur comme un genre à part entière pas uniquement destiné à un public de crétins congénitaux. Le parallèle avec la BD est judicieusement souligné.

Cette synthèse de prés de 460 pages de ce qui appartient désormais à l’histoire du cinéma de genre français est appuyé par les pensées, souvenirs parfois empreints de nostalgie et nombreuses anecdotes racontées par quelques personnes ayant vécu au plus prés cette période. Des critiques, historiens du cinéma ou même fanéditeur apportent leurs points de vue : Michel Caen, Alain Schlockoff, Gérard Lenne ou encore Norbert Moutier.

Un chapitre entier est également consacré à l’étude du public de la célèbre salle de quartier du Faubourg Poissonnière à Paris, le mythique temple du bis, le Midi-Minuit. Amen !

Scindé en 2 parties distinctes : la seconde partie compile les interviews des cinéphiles (ou cinéphage pour Christophe Lemaire) tandis que la première partie relate chronologiquement l’influence de la Hammer sur la France.

Ce superbe pavé se clôture sur une imposante bibliographie. La Hammer a indéniablement créé la passion pour le fantastique en général chez toute une génération d’individus. C’est ce que prouve clairement le livre de Nicolas Stanzick.

Fan de la Hammer, fan de cinéma de genre en général, il ne faut guère rater ce bouquin !

Nicolas Felgerolles

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FRANCE 3 – 18, 22 & 23 novembre 2008 http://culturebox.france3.fr/#/hammer/5101/%22Dans_les_griffes_de_la_Hammer%22%2C_un_livre_au_coeur_du_c%E9l%E8bre_studio_de_cin%E9ma_d%27 %E9pouvante

Diffusé au 19/20 de l’Edition Nationale et au12/13 et 19/20 de France 3 Poitou-Charentes

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RADIO LIBERTAIRE – novembre 2008 http://blogs.myspace.com/index.cfm?fuseaction=blog.view&friendId=392554290&blogId=479650500 Les Passagers de la Nuit

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VIVRE EN VIENNE – décembre 2008

La sélection littéraire de la rédaction

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CENTRE PRESSE – 23 janvier 2009

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POSITIF – Février 2009

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CINE CLASSIC – 14 Février 2009 http://www.youtube.com/watch?v=MFxmmqd3kmk

Emission Boulevard du Classic

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CINE CLASSIC – 5 mai 2009 http://www.youtube.com/watch?v=xrnSTatOUes

Emission Boulevard du Classic

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LES FILMS LIBERENT LA TETE .BLOGPOST.COM – 26 juillet 2009

http://www.lesfilmsliberentlatete.com/2009/07/dans-les-griffes-de-la-hammer-de.html

Dans les griffes de la Hammer : Histoire d'une passion cinéphile

Le livre de Nicolas Stanzick fait revivre une époque où, à quelques kilomètres de Londres, était produit le meilleur du cinéma fantastique mondial. Les monstres mythiques, sous les traits de Peter Cushing et Christopher Lee, n'avaient qu'à franchir la Manche pour envahir une France encore très conservatrice.

L'ambition de Dans les griffes de la Hammer est double : relater l'histoire du studio mythique mais aussi celle de la cinéphilie fantastique qui nait en cette fin des années cinquante.

L'auteur date la naissance de la cinéphilie fantastique française avec la distribution en France des premiers films de la Hammer. Les classiques de la Universal avant guerre ne suscitèrent par exemple aucun écho particulier chez les cinéphiles. Interdits de distribution pendant l'Occupation, les séries Frankenstein et Dracula restèrent longtemps inédites en France. Leur seule trace résidait dans les souvenirs de spectateurs de l'époque tels ceux du fantasque Jean Boullet, un des premiers spécialistes français du genre. James Whale et Tod Browning étaient alors majoritairement absents des histoires du cinéma, dont celle, très respectée, de George Sadoul. Seul Ado Kyrou, dans Le Surréalisme au cinéma dresse un portrait affectueux des monstres, dont il fait des symboles de L'Amour fou. Mais pour Kyrou, le Fantastique est d'abord un élément du Surréalisme, mouvement respecté mais déjà ancien pour les jeunes cinéphiles qui reçurent de plein fouet le choc des Hammer Films.

Les enfants de la nuit

Si Frankenstein s'est échappé fit office de détonateur en 1957, c'est Le Cauchemar de Dracula en 1959 qui signe l'explosion d'un auteur, Terence Fisher et d'une maison de production, la Hammer. Les deux films révèlèrent également deux acteurs charismatiques appelés à devenir le couple le plus célèbre du cinéma fantastique : Peter Cushing et Christopher Lee. Si Cushing fascine encore par la richesse de son jeu, capable

100 de passer en un instant d'une retenue toute britannique à une violence excessive, Lee révolutionna la figure du vampire, lui apportant un érotisme sauvage inédit.

Les jeunes cinéphiles, pour la plupart mineurs à une époque où la majorité était fixée à 21 ans, fondèrent alors en 1962 la revue Midi-Minuit Fantastique comme ils auraient pu, quelques années plus tard, monter un groupe de rock. L'analogie entre le Fantastique et la Pop anglaise est d'ailleurs évoquée à maintes reprises dans le livre de Nicolas Stanzick : la Hammer anticipa le vent de libération que les Beatles et les Rolling Stones allaient bientôt incarner. Les rédacteurs Michel Caen, Alain Le Bris, Jean-Claude Romer et le "précurseur" Jean Boullet, nommèrent la revue en hommage à une célèbre salle parisienne, le Midi-Minuit spécialisée dans le Fantastique mais aussi l'érotisme. Symbole du mouvement naissant, Terence Fisher, se voit consacrer le dossier de ce premier numéro et une très agressive couverture tirée de La Nuit du loup- garou (1961). La cinéphilie fantastique, portant alors le nom de "midi-minuisme", était née. Le "midi- minuiste" se définit alors comme un dandy élevant au rang d'oeuvre d'art des objets honnis. Même si leur influence fut moindre, les amoureux du cinéma fantastique rejoignent le geste d'un Truffaut défendant le statut d'auteur d'Alfred Hitchcock.

De Dracula à Mai 68

Si la Hammer et Terence Fisher sont désormais reconnus comme des acteurs importants de l'histoire du 7e art, le "midi-minuisme" demeure un mouvement mal connus. La cinéphilie fantastique aurait-elle encore "mauvais genre" ? Et que dire de ses lieux de prédilections, ces salles de quartiers longtemps considérés comme des coupe-gorges ou des repères de dépravés?

Ainsi, lorsqu'Antoine de Baecque en 2005 consacre un ouvrage historique à la cinéphilie française, c'est encore la rivalité entre les Cahiers du Cinéma et Positif qui est largement évoquée, au détriment de courants plus avant-gardistes tels le "midi-minuisme".

Pourtant, comme le note justement Nicolas Stanzick, les différentes familles de la cinéphilie française des années 60 obéissaient à une dynamique équivalente. Alors que les "jeunes turcs" des Cahiers tenaient leur quartier général à la CF et les journalistes de Positif au Mac-Mahon, les "midi-mnuistes" hantaient la salle du même nom et les "temples" du Fantastique, tels le Colorado ou le Brady. Dans les griffes de la Hammer dresse une cartographie allant des Grands Boulevards à Pigalle, passant par le Quartier latin et s'aventurant même Avenue de la Grande Armée. Ces salles des quartiers populaires ou étudiants s'opposaient aux Champs-Elysées où s'affichait le cinéma traditionnel. De là à dire que le fantastique a anticipé la révolte contre l'ordre établi qui explosera en 68, il n'y a qu'un pas que l'auteur n'hésite pas à franchir. Les couleurs flamboyantes de la Hammer, ces grandes "messes rouges" du sang et de l'érotisme, tranchaient assurément avec la grisaille de la France gaulliste.

De multiples témoignages des premiers spectateurs des films de la Hammer nous font ressentir la véritable révolution qu'a pu représenter un tel cinéma. Si la violence cinématographique se mesure aujourd'hui à l'aune de classiques tels que La Horde sauvage de Peckinpah ou Orange mécanique de Kubrick, le spectateur de 1957 ne disposait d'aucun repaire. Rien ne pouvait préparer aux interventions chirurgicales de Frankenstein ni à l'érotisme trouble de Dracula. Pour la première fois également le sang, en tant qu'élément horrifique, apparaissait en couleur. Ce qui fut alors jugé par les critiques français ne fut pas l'indéniable beauté de la production, ni le talent de Terence Fisher mais bien le Fantastique et l'horreur comme genres scandaleux. Quels furent les motifs d'une aussi virulente résistance française au genre, s'interroge Nicolas Stanzick ?

Une bataille d'Hernani

La très riche documentation critique rassemblée par l'auteur permet de comprendre quel fut le climat hostile qui acceuillit les films de la Hammer. Les productions anglaises suscitèrent une incroyable levée de boucliers autant chez la critique de droite que de gauche. La très influente Centrale, classant les films autorisés pour les catholiques, voyait dans la Hammer le creuset de toutes les perversions. Même la 101 victoire du Bien, obtenue par des moyens violents parfois dignes de l'inquisition, ne pouvait excuser la séduction dont le mal était paré. L'un des héraults de cette croisade contre les films Hammer fut le magazine Radio-Cinéma-Télévision, qui deviendra plus tard Télérama. Cet organe de la gauche catholique conservera longtemps son mépris envers le genre jusqu'à devenir la bête noire de plusieurs générations de cinéphiles. Quant à la critique de gauche, tendance PCF, elle était soit condescendante, considérant les films comme des enfantillages, soit hostile jugeant que le Fantastique détournait les spectateur des horreurs réelles du Monde.

Bien que, dans le sillage de la Hammer, le film d'horreur se développa en Italie et en Espagne, seule la France resta imperméable au genre. Sorti en 1960, Les Yeux sans visage de Franju aurait du poser en toute logique le premier jalon de la production française mais l'expérience resta sans suite. Le succès des productions Hammer aurait pourtant été l'occasion rêvée pour les cinéastes français d'explorer leur propre patrimoine fantastique. Un exemple parmi d'autres : un livre aussi célèbre que Le Fantôme de l'opéra de Gaston Leroux, dont on connait les versions de Rupert Julian, Arthur Lubin, Terence Fisher et récemment Dario Argento, ne bénéficie d'aucune adaptation dans son pays d'origine.

Le livre tente d'apporter quelques réponses, en particulier celle d'une tradition cartésienne française peu apte à se laisser aller au fantastique et à légitimer des productions faisant appel aux sentiments "irrationnels" de la terreur et du désir.

Le crépuscule des monstres

Aujourd'hui, il apparaît inconcevable que les films de Terence Fisher aient été à ce point minorés par une critique qui n'hésitait pas à saluer les petits maîtres du western comme Budd Boetticher. Il faudra attendre bien des années pour que s'opère, après 1968, un revirement critique et que, jusque dans les pages des Cahiers du Cinéma et de Positif, les beauté de l'oeuvre de Terence Fisher, sa cohérence et son intelligence soient reconnues comme telles. Pourtant, à l'instant même où le sigle Hammer devenait un gage de qualité, la firme était déjà sur le déclin. Une nouvelle génération de cinéphiles fantastiques ne tarda pas à émerger au cours des années 70 avec comme nouveaux héros John Carpenter, David Cronenberg ou encore Dario Argento. Pour la "vénérable maison" vint le temps des rétrospectives au Festival du film fantastique de Paris, puis, récemment, son entrée au musée grâce à la rétrospective que consacra la Cinémathèque française à Terence Fisher.

De l'apogée de la Hammer à sa chute, l'auteur dresse le portrait de deux générations d'amoureux du fantastique qui rencontrèrent à travers les films de Terence Fisher, John Gilling ou Roy Ward Baker un certain idéal cinématographique. C'est avant tout l'histoire d'une passion que relate Nicolas Stanzick.

Stéphane du Mesnildot

NB: La lecture de Dans les griffes de la Hammer pourra être complétée par la biographie du fascinant Jean Boullet par Denis Chollet (ed. Feel, 1999) et au long dossier consacré à Jean-Pierre Bouyxou, autre défricheur du cinéma-bis, dans le numéro 77-78 de la revue Lunatique (ed. Eons, 2008)

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LE ROYAUME DES AVIS .OVER-BLOG.COM – 9 novembre 2009 http://leroyaumedesavis.over-blog.com/article-35761953.html

Dans les griffes de la Hammer : le livre évènement!

Dans les griffes de la Hammer revient donc sur cette belle aventure, que celle de Midi Minuit Fantastique , mais également sur l’accueil de cette vague de films en France, et le moins que l’on puisse dire était que ce…difficile. Conspués, ces films n’étaient que très rarement défendus car toujours considérés comme du sous-cinéma. Ainsi, les films de cinéma de quartier de cette époque étaient certes florissants mais ils étaient systématiquement considérés comme du sous-cinéma, pour tout dire même, parfois du non- cinéma.

L’amateur de film devait alors découvrir ces petits films au petit bonheur la chance, en regardant des mauvais pour enfin trouver la pépite. Et des pépites, il y en avait quand même quelques unes parmi les films de Fisher, de John Gilling ou encore de l’Italie, jamais en reste jadis pour reprendre les succès d’alors et les copier, parfois avec talent et inspiration.

De nos jours, nous avons l’impression que seul le cinéma américain serait en mesure de pouvoir reproduire ce phénomène de viviers de talents et de brassage de styles. Mais soyons honnête, ils appartiennent à un passé révolu et Dans les griffes de la Hammer nous y replonge avec délectation.

Outre les chiffres de fréquentation, Dans les griffes de la Hammer revient avec bonheur sur la portée sociologique de ces films, qui demeurent quelque part des défis à la chape de plomb de l’époque d’alors. Je rappelle quand même que, outre la Hammer, il y eut les films du fameux Jésus Franco, mais aussi ceux de Roger Corman (de belles réussites, bien que diffusées après 1968 pour la plupart).

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Ce courant de pensée dominant était alors représenté par Télérama , qui a largement conspué ces films les considérant comme médiocre, dans le meilleur des cas, et que leurs réalisateurs étaient tous sauf des cinéastes. Nous avions alors un combat quasi idéologique soutenu par une petite poignée de pionniers (Michael Caen, Jean Boullet, Jean-Claude Romer puis Alain Schlockoff…) qui nous ouvrirent véritablement la voie.

Dans les griffes de la Hammer revient sur leurs combats en donnant la parole à ces gens, nos aînés, qui actèrent d’abord à leurs échelles puis qui percèrent un trou dans un mur pour finir par faire tomber un pan entier. Dans son entretien, Alain Schlockoff relate avec humour qu’il avait vu la superbe affiche du Cauchemar de Dracula et qu’il pensait alors que Dracula était en réalité la jeune fille poursuivie par le monstre ! Norbert Moutier revient également sur son parcours et nous livre quelques petits secrets de l’époque, toujours savoureux.

Bref, Dans les griffes de la Hammer demeure une œuvre de phare sur l’impact qu’eut ce cinéma à l’époque. Une œuvre complète, sérieuse et indispensable. Ce fut un choc pour ma part de découvrir qu’il fut écrit par une personne née en 1978/79 et qui était déjà capable de concevoir un livre aussi marquant. L'auteur n'a pas connu les films de la Hammer en salles ! Décidément, Nicolas Stanzick a à la fois pondu un fort bel ouvrage incontournable, à fort bien su retranscrire l’ambiance de l’époque tout en rendant un bel hommage à nos prédécesseurs. Vivement son prochain ouvrage !

Bastien Alaya

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MAD MOVIES – mai 2010

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LE FILM ETAIT PRESQUE PARFAIT.HAUTETFORT.COM – 22 juin 2010 http://lefilmetaitpresqueparfait.hautetfort.com/archive/2010/06/22/dans-les-griffes-de-la-hammer.html

Dans les griffes de la Hammer : réédition d'un ouvrage indispensable

Paru une première fois en 2008 chez l’éditeur Scali, Dans les griffes de la Hammer avait rapidement été épuisé, et introuvable depuis. Son auteur, Nicolas Stanzick, y livre une analyse documentée de la réception des œuvres fantastiques du studio Hammer en France, en évoquant en parallèle une histoire du genre sur le territoire, bien réduite avant l’apparition de Frankenstein s’est échappé ! (Terence Fisher, 1957) sur les (quelques) écrans hexagonaux. Le circuit de distribution (à Paris, puis dans les salles de quartier) donne des clés pertinentes pour évaluer la pénétration du genre dans la société française de l’époque. En utilisant affiches, statistiques, entretiens avec des spécialistes, le tout tient une place de choix (et un livre unique dans la langue de Molière) dans le panorama d’études cinématographiques sorties ces dernières années. Fruit d’une thèse de fin d’études, le contenu a été remanié, revu et augmenté pour cette nouvelle édition qui sort ces jours-ci chez Le bord de l’eau. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle fait montre d’un soin évident : maquette flatteuse, magnifiques planches couleurs reprenant des photos d’exploitation ou des affiches françaises d’époque, nouvelle préface par Jimmy Sangster dotée d’un humour typiquement british, c’est un sans fautes.

Composé en deux parties bien distinctes, le livre fait se succéder l’étude à proprement parler à des entretiens éclairants, où l’on retrouve Alain Schlockoff, créateur de la revue L’écran Fantastique , ou plus tard de l’excellente revue Fantastyka ; Francis Moury, critique émérite dont la plume se reconnaît entre mille, digne défenseur des œuvres Hammer ; et aussi Christophe Lemaire, Jean-François Rauger… Des figures incontournables de la cinéphilie fantastique.

Rédigé avec sérieux, érudition et un sens de l’analyse bien dosé, on ne saurait que recommander l’ouvrage à tous ceux qui, comme nous sont des amateurs indéfectibles de la firme. Celle-ci brille encore aujourd’hui d’un feu vif, alimenté par ses films évocateurs où l’on croise sang, violence, canines acérées et donzelles en détresse. Indispensable, on vous dit !

Raphaël 106

WWW.DEVILDEAD.COM – 23 juin 2010 http://www.devildead.com/indexnews.php3?NewsID=6040

Dans les griffes de la Hammer en dédicace

Un peu moins de deux ans après la sortie du livre Dans les Griffes de la Hammer , son auteur propose une version revue et corrigée de son ouvrage dédié, comme son titre l'indique, aux métrages produits par la Hammer Films. Premier constat, le livre change de format et gagne en taille mais aussi en épaisseur. Particulièrement parce que l'auteur profite de cette réédition pour enrichir son ouvrage de nouvelles illustrations, de nouveaux textes, de nouvelles interviews et même d'une préface de Jimmy Sangster, scénariste d'une partie des grands films de la Hammer. Le livre est sorti ces jours-ci et Nicolas Stanzick, son auteur, dédicacera son livre dans les week-ends à venir. Ainsi, il sera à la boutique Movies 2000 pour rencontrer ses lecteurs et les fans de la Hammer le samedi 26 juin de 15h à 19h. Si vous n'êtes pas libre, pas de souci, il sera aussi présent le samedi 3 juillet à la boutique Images au sein du complexe de cinéma MK2 Bibliothèque de 14h à 17h.

MK2 Images 128/162 av. de France 75013 Paris Métro : Bibliothèque/Tolbiac

Nous sommes actuellement en pleine lecture la nouvelle édition mais nous avions déjà parlé du livre au moment de sa première sortie. Vous pouvez retrouver notre avis en cliquant sur la couverture du livre ce qui vous donnera aussi l'opportunité de voir, en bas de page, toutes nos chroniques de films que nous avons rédigé à propos de la Hammer.....

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WWW.PLACE-TO-BE.FR – 26 juin 2010 http://www.place-to-be.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=1096:dans-les-griffes-de-la-hammer-nicolas- stanzick-editions-2010&catid=44:livres&Itemid=64

Dans Les Griffes de la Hammer – Nicolas Stanzick – Éditions 2010

Pour cette réédition 2010 de son livre destiné aux fans de films de genre, Nicolas Stanzick enrichit et augmente les informations à propos d'un studio Britannique historique. Ce sont quelques entretiens appropriés et intéressants comme les anecdotes les plus folles qui sont contés dans un livre original sur lequel tous les cinéphiles et autres amateurs de vampires devront se jeter.

Car, ce livre passionnant mérite absolument une place dans votre bibliothèque.

Le Bord de l'Eau - Collection Ciné-Mythologie - 490 pages - 30 € - Parution : 18 juin 2010

Cécilia Jamart

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WWW.ECRANLARGE.COM – 26 juin 2010 http://www.ecranlarge.com/article-details-9253.php

Note additionnelle sur la 2 ème édition du livre de Nicolas STANZICK, « DANS LES GRIFFES DE LA HAMMER , éd. BDL, Paris juin 2010 :

La première édition épuisée en quelques mois, et pas mal de coquilles et d’erreurs subsistant, une réédition devenait urgente : on se félicite de sa parution. Cette seconde édition comporte deux nouveaux entretiens avec :

- Bernard Charnacé, acteur dont la vocation fut déterminée par son admiration pour le comédien Peter Cushing qu’il rencontra adolescent à Whitstable dans le Kent. Une anecdote personnelle : en 1976 puis en 1977, j’étais à Whitstable comme lecteurs d’anglais par la grâce d’un « joint-venture » entre le l’un des professeurs d’anglais de notre lycée parisien et cette si jolie petite ville anglaise. Il me semble bien avoir croisé Cushing vêtu d’une veste de cuir, conduisant une belle Américaine décapotable, un fugitif instant qui demeure gravé dans ma mémoire. J’ai aussi frappé à sa porte, bien sûr car nous étions tous logés sur place et donc à quelques rues à pied de chez lui, mais son activité était telle à ce moment, comme Charnacé le sait, que j’avais peu de chance de l’y trouver. C’était déjà un miracle de l’avoir croisé. Charnacé fournit de beaux souvenirs dans son entretien mais un bémol critique : il maintient l’idée que les cinq Frankenstein fishériens sont des films athées. Idée soutenue en 1971 par Bouyxou mais vigoureusement démentie par l’intéressé le scénariste Jimmy Sangster dans l’entretien paru à cette époque in Bouyxou & Lethem, La Science-fiction au cinéma , éd. UGE, coll.10/18. Bouyxou étant le second nouvel “entretenu” du livre, cela me fournit une transition, non sans avoir rappelé au passage que cette contradiction entre l’idée de Bouyxou et la position de Sangster est évoquée dans mon propre entretien.

- Jean-Pierre Bouyxou, donc, historien et critique de cinéma (de cinéma-bis essentiellement, mais les connaissances de l’homme sont encyclopédiques et il connaît son John Ford ou son Michael Curtiz aussi bien qu’un autre), programmateur du cinéma fantastique parisien le Styx (c’est Bouyxou qui avait programmé au Styx Les Deux visages du Dr. Jekyll de Fisher : nous avions cité cette anecdote dans notre propre critique du film parue l’année dernière sur Le Coin de l’œil puis en version revue, corrigée et augmentée, sur The Hammer Collection et enfin sur Stalker-Dissection du cadavre de la littérature ) et

109 cinéaste. Nous avons récemment lu ses textes précis et incisifs parus dans le beau volume Paris Match dans les coulisses de Cannes (éd. Glénat, 2010) et les éd. BDL devraient bientôt rééditer son beau Frankenstein (1969) devenu rare… mais que nous possédons évidemment dans la section cinéma de notre bibliothèque ! Bouyxou appartient à la génération « midi-minuiste » et il est un témoin de première main. Attention certains éléments de son entretien ne nous sont pas tout à fait inconnus : la critique morale « croisée » que s’adressèrent mutuellement Terence Fisher et Michael Powell avait déjà été évoquée oralement par Bouyxou lorsqu’il avait présenté le contexte du Grand inquisiteur de Michael Reeves, dans un supplément annexé au DVD Néo Publishing. Et inévitablement, il rebondit (intelligemment) sur la polémique relative à l’athéisme dans les Frankenstein. - une nouvelle préface du scénariste Jimmy Sangster, le scénariste de la Hammer Film que Thomas Roland avait interviewé sur Le Coin de l’œil et qui maintient ici encore que Hurler de peur demeure son film préféré : voir notre critique du film sur ce même site.

- un index augmenté des noms, une filmographie complète et détaillée de la Hammer et l'actualisation de la bibliographie,- beaucoup de nouveaux éléments critiques sur les films eux-mêmes - une augmentation de la partie consacrée à "Hammer et culture pop" - un passage sur Le Bal des vampires de Polanski et son influence (selon nous négative) sur la réception de la Hammer ici - et pas mal d’ajouts ponctuels.

Au final: - le texte de la partie « essai » fait désormais 197 pages Word contre 180 pages précédemment - les entretiens comptent 166 pages Word, contre 124 pages précédemment - la partie « annexes+index+biblio+tables des matières » : 77 pages contre 41 pages précédemment - et le texte complet fait 455 pages contre 360 précédemment.

Une nouvelle édition donc, au format élargi de 23X15cm. Sans oublier un cahier photo en couleurs de 16 pages contenant de belles photos de plateau – certaines très rares (Barbara Shelley dans La Gorgone ), d’autres plus connues - et quelques reproductions d’affiches originales. Une photo pleine page, en noir et blanc, ouvre toujours chaque chapitre et chaque entretien.

Avec là aussi des modifications : Nicolas a ainsi ouvert le nôtre par une image de la version Fisher du Fantôme de l’Opéra , alors que l’édition originale de 2008 l’ouvrait par une image du Dr. Jekyll & Sister Hyde de Roy Ward Baker. Francis Moury

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WWW.CRITIKAT.COM – 29 juin 2010 http://www.critikat.com/Dans-les-griffes-de-la-Hammer.html

L’œuvre au rouge Dans les griffes de la Hammer écrit par Nicolas Stanzick

La France et le cinéma de genre, ce n’est pas une histoire facile. La France et le fantastique, c’est encore moins simple. Et lorsqu’on parle de la maison de production Hammer, chère aux cœurs des cinéphiles fantastiques, la question est d’autant plus importante qu’elle est liée à la naissance de la cinéphilie fantastique française. C’est la thèse de Nicolas Stanzick, défendue avec passion dans la seconde édition, augmentée, revue, et proprement somptueuse, de son ouvrage consacré à la réception historique et sociologique du corpus de la Hammer en France.

En 1985, dans La Rose pourpre du Caire , Tom Baxter le personnage de cinéma tend la main à Cécilia la femme au foyer malheureuse et rêveuse. Va t-elle choisir de le rejoindre de l’autre côté de la réalité, dans l’écran ? Peu nous importe, sinon l’image : le mythe cinématographique qui tend la main à son spectateur, c’est, pour les deux, admettre que l’un ne peut vivre sans l’autre.

Pour Woody Allen, comme pour beaucoup d’autre, le rapport à l’écran (et non à l’image, mais bien à son cadre) montre le besoin chez le spectateur d’autre chose qu’un pur divertissement. Entrer au cinéma est entrer dans un temple, ou le simple mortel va assouvir son besoin intime de sacré, de recréer ses icônes, et de leur redonner un culte. Paradoxe délicieux, ce rapport à l’écran est probablement plus l’apanage d’une population bien définie, que de toutes les autres "races" cinéphiles : les amateurs de fantastique bis , une population pourtant a priori bien étrangère à la pompe et à dignité généralement associée au sacré. Et pourtant : Boris Karloff, Vincent Price, George Romero, Musidora, Roger Corman, Terence Fisher, John Carpenter, Bela Lugosi, Christopher Lee, Elsa Lanchester, James Whale, Peter Cushing... ce sont bien parfois des icônes de l’impiété la plus éhontée auxquelles sont rendus les cultes les plus divers. Et parmi toutes ces

111 sombres étoiles, une brille plus encore pour les cinéphiles fantastiques : la maison de production Hammer Films.

La France a toujours entretenu un rapport extrêmement conflictuel vis-à-vis du cinéma de genre : chaque réalisateur hexagonal - ou peu s’en faut - qui s’est frotté à la question semble avoir voulu œuvrer dans un genre, tout en le réinventant intégralement. On connaît les réussites de cette arrogance. Lorsque le fantastique est concerné, l’affaire se corse, car la France critique et les élites n’ont longtemps voulu voir dans ce genre qu’un plaisir enfantin, régressif, indigne enfin. Qu’une population fidèle se presse aux entrées des quelques salles alternatives œuvrant dans le genre au tournant des années 50-60 n’a pas semblé, au départ, bousculer outre mesure les jugements de valeur. Lorsque le fantastique était l’œuvre de Cocteau dans La Belle et la bête , de Franju dans Les Yeux sans visage ou de Carné dans Les Visiteurs du soir , c’était avant tout un film de leur auteur avant d’être un film de genre. Mais c’était avant l’arrivée de la Hammer sur nos écrans.

Nicolas Stanzick retrace, dans son Dans les griffes de la Hammer , les rapports de la France d’alors et du studio anglais, et particulièrement de son réalisateur-phare, Terence Fisher. Parler de la Hammer dans ses années là, ce n’est pas seulement parler de Peter Cushing et de Christopher Lee, de Frankenstein s’est échappé ou de Dracula, prince des ténèbres . Autour du studio et de son corpus le plus connu - principalement axé sur une politique de remake des grands films de monstres de l’âge d’or Universal - s’est formé à cette époque une caste cinéphile encore inédite dans l’hexagone : les cinéphiles fantastiques. Michel Caen en tête, ils seront à l’origine de Midi-Minuit Fantastique , la première publication dédiée au genre en France. Mais surtout, cette première génération de midi-minuistes apportera ce qui avait toujours manqué au genre fantastique : la reconnaissance critique. Et Nicolas Stanzick de souligner à quel point ce bouleversement n’est pas seulement le fait du seul cinéma de la Hammer, mais de son positionnement dans l’Histoire. Midi-Minuit , la Hammer, Mai 1968... Subversif, pétri de transgression, le cinéma de la Hammer se charge de symboles sociaux parfois étonnants. C’est donc une génération d’amateurs, érotomanes réjouis et partisans dandies d’un cinéma fauché et inventif, qui deviendra la figure de proue de la reconnaissance, particulièrement, de l’œuvre de Terence Fisher, de la Hammer, et du fantastique en général, dans un contexte de France bousculée dans ses mœurs.

Mythes et légendes président à la cinéphilie dépeinte par Nicolas Stanzick, et tout bon fantasticophile vous le dira : on ne succombe aux sirènes du fantastique que via l’imaginaire, suscités par les interdits et les visions manquées. Bénie soit la censure, pour avoir interdit tant de films aux jeunes cinéphiles que nous étions ! Combien nous avons fantasmé sur ces films inaccessibles... L’affiche du Cauchemar de Dracula .. et sa belle pâmée dans les bras du Comte vampire a bien pu susciter l’émoi dans les cœurs (pour le moins) des amateurs à l’époque de sa sortie - autant que dans ceux des futurs découvreurs du genre, des décennies après. Et ce, d’autant plus que le film n’était que peu visible. L’imaginaire préside à l’appréciation de ces films, autant pour les films eux-mêmes que pour tous les gimmicks des salles d’exploitation. L’auteur de Dans les griffes de la Hammer dresse donc un portrait étonnant d’une France fantasticophile, ancrée dans une époque, à l’aune de ce besoin de créer aussi bien que de combler l’imaginaire.

En présentant avec une culture consommée une analyse du style et des retombées de la Hammer en France, Nicolas Stanzick aurait pu certainement livrer un essai passionnant. Fort heureusement, l’auteur est un cinéphile fantastique bis consommé, et le revendique au détour de son histoire de la Hammer. Lors d’entretiens-fleuves avec les grands acteurs de l’époque Midi-Minuit fantastique , mais également lorsqu’il se fait le héraut d’une culture orale qui participe autant que les films eux-même à la légende de la Hammer. Pour parachever le tout, l’auteur émaille son évocation d’analyses passablement incongrues, mais réjouissantes et convaincantes (voir pour cela l’analyse pointue de l’importance sociale et culturelle de l’acceptation de Dracula dans un film de Pierre Richard ou l’extraordinaire retour sur la première page de MMF ).

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Après une première carrière à l’accueil public plus que satisfaisant – qui a, selon ses propres termes, « surpris » l’auteur Nicolas Stanzick –, Dans les Griffes de la Hammer .. avait quitté les rayonnages après la disparition de son éditeur d’alors, Scali. Le Bord de l’eau a eu l’excellente idée de rééditer ce qui est certainement voué à devenir un ouvrage de référence pour les fantasticophiles français. Loin de n’être « qu’une » réédition, elle a permis à Nicolas Stanzick de revoir ses textes, d’étayer plus encore ses approches critiques, de parfaire ce qui était déjà l’œuvre passionnante d’un passionné...

« Dans les pages de ce livre, qu’on eut malgré tout aimé plus richement iconographié - et où la couleur rouge aurait eu tellement bien sa place ! – (…) » : voilà ce que nous disions, il y a deux ans de cela, à la sortie de la première édition de Dans les Griffes de la Hammer . Aujourd’hui, l’ouvrage nous arrive avec une iconographie largement augmentée en noir et blanc, mais également et surtout en couleur : plaisir immense que de voir les reproductions des chefs-d’œuvre que sont les affiches du Cauchemar de Dracula , des Sévices de Dracula – pleine page, quel bonheur ! - ; des photos de tournage et d’extraits splendides de Dr. Jekyll et Sister Hyde , , Dracula 73 , La Gorgone , Frankenstein s’est échappé .

L’amateur un brin nostalgique se laissera ravir, enfin, par l’éphémère et pourtant si belle photographie de la devanture du Brady, annonçant fièrement La Sorcière sanglante et Lèvres de sang – cette photo de gigantesques affiches évoque un cinéma fantastique hyperbolique, et pourtant toujours aux limites de la clandestinité, mû par une vraie passion. « L’époque que j’évoque est révolue, » nous dit l’acteur Bernard Charnacé dans son entretien avec Nicolas Stanzick : « c’est un âge d’or comme en connaissent tous les arts ».

Cet entretien, avec celui mené en compagnie de Jean-Pierre Bouyxou se sont rajoutés à la liste déjà impressionnante de grands noms interrogés dans Dans les Griffes de la Hammer : Michel Caen, Jean- Claude Romer, Jacques Zimmer, Noël Simsolo, Gérard Lenne, Alain Schlockoff, Norbert Moutier, Christophe Lemaire, Francis Moury et Jean-François Rauger sont également de la partie. Et, cerise sur le gâteau, Jimmy Sangster, scénariste de nombre de grands films Hammer, préface l’ouvrage. A mettre ses propos en parallèle avec ceux des interviewés, on se rend compte que nombre de fantasticophiles amateurs de Hammer se sont créé une mythologie. Ainsi, la Revanche de Frankenstein voyait un prêtre guillotiné en lieu et place du baron interprété par Peter Cushing – pour tous, Nicolas Stanzick compris, ce passage du film demeure un symbole de l’impiété, de la provocation libre qui caractérisait les productions Hammer des années 1960.

Mais Sangster le note dans sa préface : il s’agissait avant tout de trouver un expédient scénaristique pour faire revenir le baron, sinon, « on prendrait quelqu’un d’autre » au scénario. Mais on n’œuvre pas dans le fantastique impunément – l’étrangeté, le chaos vous rattrapent. Quoi qu’en dise Sangster, le livre de Nicolas Stanzick nous fait bien comprendre que ce que les spectateurs ont vu dans cette séquence importe plus que la réalité des choses – et que si ce n’est pas Tom Baxter qui emporte Cécilia au delà de l’écran, mais le Baron Frankenstein, Dracula, le loup-garou ou la femme-reptile, qui nous saisissent et nous emmènent, disons-le : voilà un enlèvement dont on ne saurait se plaindre..... Vincent Avenel

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MAD MOVIES – juillet/aout 2010

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HTTP://WATCHINGHAMMER.BLOGPOST.COM – 4 juillet 2010 http://watchinghammer.blogspot.com/2010/07/in-clutches-of-hammer-or- something.html?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+WatchingHammer+%28Watching+Hammer%3A+The+Hammer+Films +Review%29#ixzz0tW3ZboVa

In The Clutches Of Hammer... or something.

Sigh ...wish I could read French! New, expanded edition of Nicolas Stanzick's French Hammer book has just been released. Cool promo video too.

For those who can read French there's more information here .

UPDATE: Nicolas has been in touch and kindly offered some explanation on the title:

"I must probably explain you the title. I can imagine that’s a little bit mysterious for american or english people. In France during the sixties, there was a lot of B-Movies from England, USA, Italy or Germany with this kind of name « Dans les griffes de… ». It can be translated by « In the Clutches of… » or something like that. For Example : - Dans les griffes de l’Homme invisible : « In the Clutches of the Invisble Man » - Dans les griffes du loup-garou : « In the Clutches of the Werewolf »

There is a Hammer Production which have this kind of french name : « The Mummy’s Shroud » by John Gilling, came on screen here in 1968, with this name : « Dans les griffes de la Momie ». So the title of the

115 book is a joke about that… In fact, this is the audience who is in« In the Clutches of Hammer ». That’s the real subject of the book. This is the story of the first people who love this kind of cinema during the sixties in France, the story of all the cultural and political fights to defend it agaisnt the establishment, the story of the first magazine which find with Hammer an ideal of cinema…"

He has also provided a link to the book's MySpace page - where this is an English translation of the pressbook, including an interview.

And a link to all the press reviews (in French) the book has received.

Finally here's a video of the first signing in Paris. As Nicolas says:

"And here, there is a new trailer, about the first meeting with the readers of the new edition of the book, last week in a famous shop for horror fans in Paris, Movies 2000. You’ll find in this video Jean Rollin, the director of the famous french vampires surrealistic movies for 40 years, Jean-Pierre Putters who created the magazine « Mad Movies », Jean-Claude Romer who created with Michel Caen the first european magazine about Fantastic/Sci-Fi/Erotism « Midi-Minuit Fantastique », Noel Simosolo a great critic and writer who was the friend of Sergio Leone…"

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WWW.MORDUEDEVAMPIRES.FR – 4 juillet 2010 http://pagespro-orange.fr/morduedevampires/Fiches/F0816.htm

Dans les griffes de la Hammer

Résumé

Le studio britannique Hammer Films, leader du genre horreur-gothique, fut également un élément charnière du cinéma fantastique. A son apogée (dans les années 60/70), ce studio se distingua par son style unique. Le succès de la firme reposa notamment sur Terence Fisher qui réalisa neuf films référents, ainsi que sur le duo d'acteur Cushing/Lee. Nicolas Stanzick nous propose un historique de la firme, des biographies, les chiffres du box-office, ainsi que les points de vue de la critique et de la censure. Cette étude analyse la situation du cinéma fantastique en France ainsi que le rôle de la Hammer dans l'émergence d'une cinéphilie fantastique française.

Remarques

" Dans les griffes de la Hammer " est le premier ouvrage en français sur ce studio mythique. Cette nouvelle édition de 2010 est enrichie d'entretiens inédits avec des spécialistes du fantastique. La préface est signée par Jimmy Sangster, scénariste de classiques de la Hammer comme " Frankenstein s'est échappé " de 1957 ou encore " Le cauchemar de Dracula " de 1958.

Mythes

Enrique Carreras et William Hinds (dont le pseudonyme était Will Hammer) s'associèrent en 1935 pour créer " Exclusive Films ". En 1949, après la guerre, le studio pris le nom de " Limited ". Par la suite, leurs fils prirent la tête de l'entreprise : James Carreras et Anthony Hinds puis Michael, le fils de James Carreras. La Hammer produisit 50 films entre 1949 et 1957. A partir de 1951, avec les Studios de Bray et la location de vieilles demeures victoriennes, les films gagnèrent une esthétique 117 particulière. A cette époque, les dirigeants de la Hammer signèrent leurs premiers partenariats avec des compagnies américaines, ce qui leur assura un gain d'audience et la possibilité d'engager des stars.

En 1957, " Frankenstein s'est échappé " fut un succès mondial. La Hammer eut la bonne initiative de racheter le bestiaire de créatures fantastiques à Universal, et déclina ces films en plusieurs suites. Les budgets étant généralement assez bas, leurs équipes étaient efficaces et spécialisées. Leurs films suivent des codes immuables : des scénarios inspirés de la littérature gothique anglaise, des décors victoriens, des couleurs originales qui deviendront leurs marques distinctives. La Hammer met en avant une dimension érotique et violente, en représentant des passions jusque-là inavouables : un amour fou à la limite du sadomasochisme.

Lorsque Michael Carreras prend les rênes, il est beaucoup moins enclin au fantastique que son père. Il ne crée plus la surprise et fait même de mauvais choix. Les productions de la Hammer ne sont plus de taille face à des films plus novateurs comme " La nuit des morts-vivants ", " Massacre à la tronçonneuse ", " Suspira ", " L'exorciste ", " Les dents de la mer " ou " La malédiction ". Dans les années 70, les scénarios et les réalisateurs accentuent la violence et la nudité des actrices à l'écran. En 1979, le studio cesse ses activités cinématographiques pour se tourner vers la télévision, jusqu'à la fin des années 80. En 2007, avec son rachat par John de Mol (le fondateur du Groupe Endemol), la Hammer ressuscite en conservant son identité intacte.

Les affiches des productions de la Hammer étaient à la fois terrifiantes et attirantes. Elles représentaient des thèmes tabous pour l'époque, le sexe et la violence, avec un érotisme sanglant.

A la différence de l'Angleterre, qui a une culture plus ouverte à l'irrationnel, la critique française condamna violemment les films de la Hammer. De même que le rock et la bande dessinée, le fantastique était méconnu et jugé comme une sous-culture infantile. L'horreur était le mauvais genre, poussant à la perversion et à l'immoralité. Certains critiques allèrent même jusqu'à déclarer que ces films étaient une école pour les criminels !

En France, les films de la Hammer passaient dans les cinémas de quartier. En adéquation avec les aspirations de la jeunesse, ces productions créèrent de véritables vocations chez les cinéphiles. En mai 1962, Michel Caen et Alain Lebris publièrent " Midi-Minuit-Fantastique " la première revue européenne sur le cinéma fantastique, dont le n°1 était consacré à Terence Fisher.

Avis

Nicolas Stanzick a réalisé un travail de recherche et de documentation considérable. Cette étude, qui donne la part belle au cinéma vampirique, analyse également l'évolution du cinéma fantastique en France. Les entretiens avec des spécialistes français, fans des films de la Hammer à l'époque, sont originaux et intéressants. J'ai particulièrement apprécié les différentes anecdotes des cinéphiles.

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LA GAZETTE DE LA REGION – 8 juillet 2010

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WWW.DEVILDEAD.COM – 12 juillet 2010 http://www.devildead.com/indexnews.php3?NewsID=6106

Deux ans après la parution du livre Dans les griffes de la Hammer , l'ouvrage francophone fait de nouveau parler de lui. Son auteur a en effet eu l'opportunité d'améliorer son livre dédié aux productions de la Hammer Films et surtout à leur réception en France. Enrichi avec de nouvelles interviews, une présentation un peu plus luxueuse et même une préface de Jimmy Sangster, Dans les Griffes de la Hammer version 2010 est disponible depuis quelques semaines. Xavier Desbarats l'a dévoré jusqu'à la dernière page et il vous donne un avis concernant cette nouvelle édition.

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http://www.devildead.com/bouquin.php3?idbouquin=7

Dans les griffes de la Hammer [2010]

Déjà paru en 2008 aux éditions Scali, l’ouvrage Dans les griffes de la Hammer de Nicolas Stanzick retrouve deux ans plus tard la voie des linéaires grâce à l’éditeur Le bord de l'eau. La jaquette demeure à peu de choses près la même et il sera donc bien difficile pour l’acheteur de distinguer l’ancienne de la nouvelle version. La vigilance sera par conséquent de mise, d’autant qu’il n’est pas question là d’une simple réédition. En effet, nous avons tout d’abord droit à un petit rafraîchissement d’ordre cosmétique. Le papier de cette nouvelle édition est plus agréable et les polices de caractère plus petites. L’iconographie est maintenant plus riche et s’offre même deux douzaines de très belles pages en couleur. Le livre gagne ainsi indiscutablement en "standing" mais ce n’est pas tout…

Cette édition 2010 se voit en effet enrichie de deux nouvelles interviews. Bernard Charnacé et Jean-Pierre Bouxyou ont donc maintenant la parole et ce pour un gain d’environ quarante cinq pages. La première partie du livre s’en trouve elle-même quelque peu modifiée, même s’il reste assez difficile de pointer l’exhaustivité des altérations. Enfin, l’ouvrage dans sa version Le bord de l'eau se voit offrir une préface écrite de la main de Jimmy Sangster. Proposée en version originale anglaise, et via une traduction française, cette introduction est un plus indéniable dans laquelle le scénariste phare de la Hammer fait preuve d’un savoureux humour "british". Amusé (et sans aucun doute surpris) par le statut de "Star" qu’on lui accorde, l’homme nous livre une belle poignée d’anecdotes, ouvrant d’une fort belle manière la porte au reste de l’ouvrage.

Nous avions déjà chroniqué l’édition 2008 mais une nouvelle lecture ne fait aucun mal. Il faut dire que le pavé de Nicolas Stanzick est d’une densité tout à fait étonnante et qu’il peut s’avérer intéressant de s’y replonger de temps à autres. L’ouvrage est à ce titre une référence en terme de bibliographie, que l’on parle de livres ou bien de périodiques. On trouvera également en annexe à la liste complète des films de la Hammer, couplés à leurs dates de sortie anglaise et américaine. Les sorties françaises font curieusement l’objet d’une annexe séparée, chose au final assez peu pratique mais ce n’est qu’un détail.

Le dos de ce nouvel ouvrage annonce fièrement "Le premier livre français sur le Studio culte du cinéma fantastique". La chose est partie vraie puisqu’aucun livre francophone ne traitait réellement de la Hammer et des ses productions. Là où l’annonce s’avère quelque peu erronée, c’est que Dans Les Griffes de la Hammer n’est pas à proprement parler un livre sur la société britannique. Les titres ne sont pas tous traités et pour ceux qui le sont, nous ne trouverons pas l’incroyable richesse d’ouvrages anglophones tels que les Hammer Films : The Bray Studio Years et Hammer Films : The Elstree Studio Years. Le titre du livre de Nicolas Stanzick est donc plus évocateur du contenu réel que nous allons découvrir : L’analyse minutieuse d’une tranche de cinéphilie bien particulière, dont le porte-étendard fût effectivement la Hammer.

Si Nicolas Stanzick évoque effectivement largement les films de Fisher, leur esthétique gothique, leur goût du sang et de la chaire, ce n’est pas exactement ce qui ressortira à l’issue de notre compulsion. La démarche relève en effet davantage de la sociologie, étudiant la naissance puis l'"acceptation" d’un mouvement cinéphile dans le contexte de l’époque (1957-1977). Plus que les films eux-mêmes, nous sommes donc invités à découvrir leur arrivée en France, leur réception en forme de douche froide et les balbutiements d’une nouvelle forme de "contre-culture". Pour ce faire, l’auteur déterre d’étonnantes chroniques d’époques, véritables gifles à l’égare de Fisher et de ses œuvres. Mais ce n’est pas tout. Car en plus de ces écrits oubliés, Nicolas Stanzick s’abreuve également de souvenirs. Pour se faire, il interviewe quelques grands noms français qui ont vécu l’émergence du cinéma Hammer et qui ont, pour certains, "milité" en faveur de la reconnaissance du Fantastique. Jean-Claude Romer, Alain Schlockoff et Gérard Lenne (entre autres) sont ainsi de la partie, livrant observations et anecdotes sans retenue. Autant de confessions nostalgiques qui serviront de base à l’analyse de Nicolas Stanzick. On retrouvera ainsi cette

121 mémoire cinéphile au travers de très nombreuses citations dans le texte mais aussi, et en version intégrale, dans la seconde partie du bouquin. En ce sens, la lecture des deux parties d’une traite peut entraîner une sensation de redite assez logique. A vous donc de voir s’il vaut mieux débuter votre lecture par les interviews ou par l’analyse et la remise en contexte que réalise l’auteur. Qu’importe en réalité car l’information est là, riche et souvent pertinente. On pourra pointer quelques cheminements "sociologiques" plus ou moins tirées par les cheveux mais c’est bien là le lot de tout travail d’analyse un tant soit peu avancé. Il est à ce titre amusant de constater qu’un monsieur comme Norbert Moutier s’inscrit à l’opposé de cette démarche, niant pratiquement toute étude pour ne tirer du cinéma populaire qu’un plaisir immédiat, quasi-viscéral.

Retrouver ce type de contrastes et ces différentes approches de la cinéphilie, en plus d'un amour commun et inaltérable pour le Fantastique, est bien l'une des grandes forces de ce Dans Les Griffes de la Hammer. De par son approche relativement inédite et extrêmement documentée, l’ouvrage de Nicolas Stanzick devrait donc séduire sans mal les amateurs de la célèbre firme mais aussi et plus globalement les amoureux d’un cinéma dit "de genre". Autant de raisons qui font de ce livre un incontournable pour le lecteur de DeVilDead…

Xavier Desbarats

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WWW.CLONEWEB.NET – 20 juillet 2010 http://www.cloneweb.net/critiques/critique-livre-dans-les-griffes-de-la-hammer/

Critique livre : Dans les griffes de la Hammer

En juin dernier, on vous parlait d’un bouquin évoquant le mythique studio de la Hammer actuellement disponible dans toutes les bonnes librairies. On a en reçu un exemplaire et Arkaron s’est plongé dans la lecture de l’œuvre pour vous en parler un peu, alors que deux films portant l’emblème du studio s’apprêtent à sortir sur nos écrans. Voici donc exceptionnellement la critique d’un bouquin parlant de cinéma.

En 1979, un petit studio de production de films britannique cessait ses activités. Les années 1970 avaient eu raison de lui. Ce studio, c’était la Hammer Film Production Limited. Peut-être que ce nom ne dit rien aux profanes, mais pour le cinéphile qui a vécu les années 1960, ce nom est l’emblème du cinéma fantastique anglais. De Dracula à Frankenstein, en passant par la momie ou le loup-garou, tous les plus grands mythes autrefois mis en images par Universal dans les années 1930 s’étaient vus revisités par la Hammer. Phénomène culturel, ou plutôt contre-culturel, mine d’or d’oeuvres cinématographiques parfois puissantes, parfois désuètes, la Hammer aura marqué le cinéma occidental de son esthétisme, de sa magie, de son érotisme et de sa subversion. ll y a encore trois ans, alors que l’on pensait la Hammer morte et enterrée, un communiqué de presse des plus inattendus révélait le rachat de la société, et sa remise en route. Du jamais vu dans l’histoire du cinéma: un studio au statut culte renait de ses cendres, et sa nouvelle direction artistique semble prendre le même chemin qu’autrefois. Ses deux premiers « nouveaux » longs métrages destinés à l’exploitation en salle pointent d’ailleurs le bout de leur nez en France. The Resident, de Antti Jokinen avec Hilary Swank et Christopher Lee (!), est programmé pour le 8 septembre, et Let Me In, de Matt Reeves, devrait quant à lui sortir le 17 novembre. L’occasion de vous parler de l’unique ouvrage français entièrement consacré à ce studio et à son importance culturelle: Dans les griffes de la Hammer , de Nicolas Stanzick.

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Avant sa première édition en 2008, il était très difficile de trouver des articles de fond sur la célèbre société de production. De rares articles de Gérard Lenne dans des ouvrages plus généralistes ou, avec de la chance, de vieux numéros de Midi-Minuit Fantastique . Autant dire que cette réédition 2010 de l’ouvrage de Stanzick arrive comme le messie pour quiconque s’intéresse au sujet… ou pas, d’ailleurs.

Le livre se divise en deux grandes parties: la première moitié est un historique analytique en six chapitres de la carrière des films estampillés Hammer, et parfois plus généralement du fantastique, en territoire français. La seconde regroupe de fascinants entretiens entre l’auteur et pas moins de douze personnalités qui font référence en la matière, sur près de 200 pages. L’ouvrage se termine par des informations purement factuelles sur les diffusions, le box-office, et les films eux-même.

Après une préface de Jimmy Sangster, scénariste de certains classiques de la Hammer, la première partie s’ouvre avec une introduction durant laquelle Nicolas Stanzick cerne son sujet, délimite son champ d’étude et définit sa problématique avec précision. Cette mise en bouche est d’ailleurs très représentative du développement: l’auteur parvient sans peine à faire avancer sa démonstration sans oublier l’aspect historique du sujet, et offre ainsi au lecteur une somme considérable d’informations intelligemment intégrées à une réflexion quasi-continue. Les connaisseurs devraient d’ailleurs savoir d’entrée de jeu que Stanzick choisit de limiter le spectre de son exploration au cycle gothique de la Hammer, laissant de fait les autres genres tels que les films noirs ou les films de piraterie. Ce choix s’inscrit dans une logique d’analyse du phénomène de la cinéphilie fantastique naissante en France, et plus particulièrement à Paris, à partir de la fin des années 1950 – ce qui ne l’empêche toutefois pas de revenir avec pertinence sur les décennies précédentes. L’approche de l’auteur est à la fois cinéphile et sociologique. Cet angle d’attaque à deux faces lui permet ainsi d’apporter des réponses développées à des questions relativement complexes, l’aspect éminemment culturel du sujet ne pouvant pas être dissocié des réalités socio-économiques de l’époque.

Le texte de Stanzick s’articule autour de quelques pivots historiques qui lui permettent d’extrapoler librement sans perdre de vue son sujet. Terence Fisher, réalisateur phare de Hammer Films, et le « midi- minuisme », mouvement cinéphile contre-culturel, sont les deux principaux piliers de son argumentaire. Grâce à eux, l’auteur va aborder avec précision une multitude de facettes du prisme cinéphile fantastique français: de l’iconographie érotico-horrifique incontournable (on regrettera à ce titre le faible nombre d’illustrations – les intéressés peuvent cependant se tourner vers le très beau Cela s’appelle l’Horror, de Gérard Lenne), à la banalisation d’un phénomène socio-culturel, en passant par l’évolution détaillée de l’acception d’un cinéma bis par la presse professionnelle (constat résultant d’une situation compliquée qui se retrouve encore aujourd’hui).

Au delà d’un souci du détail remarquable, d’une recherche documentaire irréprochable et d’un travail de longue haleine, Nicolas Stanzick, tant par son style fluide et clair que par l’intégration récurrente de critiques et de témoignages d’époque, fait de son texte un aveu d’admiration et un hommage vibrant à cette partie de l’histoire du cinéma. Trouvant ainsi l’équilibre entre rigueur universitaire et chaleur de l’écrit cinéphile, il parvient à nous faire découvrir – que dis-je? Vivre! vivre l’euphorie des salles obscures du Midi-Minuit ou du Colorado des années soixante et soixante-dix, redonne de l’éclat aux rituels d’une communauté fédérée par la passion des films fantastiques, et nous éclaire sur le statut culte de la Hammer. Ce sentiment est par ailleurs renforcé par la deuxième partie de l’ouvrage, dans laquelle les intervenants relatent avec plaisir leurs expériences « hammeriennes ».

En conclusion, et malgré quelque défauts mineurs comme d’inévitables répétitions dans le développement, ou un réseau référentiel de noms et d’oeuvres parfois difficile à saisir dans son ensemble tant il est étendu, Dans les griffes de la Hammer s’impose comme un livre incontournable pour quiconque s’intéresse à l’histoire du studio ou du fantastique dans le paysage culturel français, voire même pour quiconque s’intéresse au cinéma.

Arkaron 124

WWW.AVOIR-ALIRE.COM – 20 juillet 2010

http://www.avoir-alire.com/article.php3?id_article=14059

Gothic’Arts : Dans les griffes de la Hammer - la critique

Une approche de passionné, ouverte sur la nostalgie adolescente d’une cinématographie à l’ambiance imparable. Un must !

Notre avis : Publié dans la collection Ciné-Mythologies, Dans les griffes de la Hammer n’en est pas à sa première publication. Cet ouvrage chronologique avait été édité une première fois en 2008 chez Scali avant de voir son stock épuisé. La nouvelle publication aux éditions du Bord de l’eau a été largement complétée et enrichie ; elle devient, en près de 500 pages, la référence française concernant le studio britannique de la Hammer. Parmi les nouveautés du bouquin, une préface de Jimmy Sangster, scénariste culte du studio (Frankenstein s’est échappé et Le cauchemar de Dracula ) qui nous révèle que les livres de Bram Stoker et Mary Shelley ont été traduits en France à la suite des succès des opus de la firme anglaise. Le ton est donné.

Truffé d’anecdotes et regorgeant de passion, le livre relate un pan historique de la production de films de genre mais aussi de l’exploitation française. Le goût marqué de l’auteur, Nicolas Stanzick, pour l’ambiance des cinémas de quartier -on appréciera les descriptions légendaires de séances dans des petits temples du bis comme le Brady ou le Colorado -, est indissociable de son appétence pour les reliefs gothiques des séries B d’épouvante produites à la chaîne par la Hammer. Stanzick s’avère féru d’une époque où le spectacle à l’écran s’accompagne de mille aventures épiques dans la salle elle-même.

Les intentions de l’auteur ne se veulent pas encyclopédiques, même si on appréciera en annexe la présence d’une filmographie dense et complète ou d’un tableau du box-office français très précieux de par la rareté des chiffres. Il s’agit davantage de dresser un portrait du cinéma d’épouvante gothique de 1957 à 1977 (époque de la sortie du Cauchemar de Dracula pour la première date et d’ Une fille pour le diable , le 125 dernier film cinéma de la firme, pour la seconde), ce qui le conduit logiquement à passer assez vite sur les productions les moins connotées fantastique de la Hammer.

L’analyse de l’évolution du studio est l’occasion de dresser la radiographie d’un marché en proie aux révolutions culturelles (les années de déclin correspondent à l’apparition de grands auteurs américains comme Spielberg, Hooper,Friedkin ou Romero qui ont ringardisé instantanément l’entreprise de Michael Carreras et Anthony Hinds). C’est également l’opportunité d’un audit, notamment dans le premier chapitre, de la culture des Français en matière de fantastique (littérature ou cinéma). Et il s’avère complexe.

Réflexions d’érudits du genre à l’appui (Norbert Moutier, Alain Schlockoff, Jacques Zimmer...), le genre est redéfini jusqu’au chapitre final consacré à la lente agonie de la compagnie britannique. En pleine banalisation, le bestiaire de la Hammer, avec ses accessoires, ses grosses ficelles et ses home-stars, a finalement commencé à lasser alors que parallèlement les manifestations fantastiques (naissance de fanzines cultes, avènement de grands festivals spécialisés) n’ont eu de cesse de louer le culte de la firme. Stanzick revient avec beaucoup de perspicacité sur les films de cette époque ( Dracula 73 ,Le cirque des vampires , Les 7 vampires d’or ...), en pointant l’inextricable piège auquel était confrontée la société (le mélange des genres avec l’apparition de kung-fu ou l’insertion de personnages hippies pour coller à l’air du temps).

Bien plus qu’un ouvrage sur la Hammer, Dans les griffes de la Hammer s’avère au final un bel ouvrage de passionné où les personnalités cinéphiles d’aujourd’hui manifestent le même regard adolescent qu’il y a 30 ou 40 ans. Avec ce besoin toujours prégnant d’évasion par l’ambiance, sans cynisme ou mépris affiché pour le cinéma contemporain. Stanzick compile, en plus de son introspection personnelle, près de 200 pages d’entretiens glanés entre 2004 et 2010, qui viennent glorieusement étayer les pistes jetées précédemment.

Alors que la Hammer récemment ressuscitée par Endemol (oui, oui, vous avez bien lu, les spécialistes de la télé réalité !) livrera au cinéma dans quelques mois un nouveau rejeton, le remake de Morse ( Let me in , réalisé par l’auteur de Cloverfield ), la parution de cette nouvelle bible du cinéma bis est un must absolu pour tous les aficionados de contes d’épouvante surannés mais aussi pour les curieux qui souhaiteront parfaire leur culture d’un genre populaire longtemps sous-estimé qui a aujourd’hui légitimement trouvé ses lettres de noblesses. Nul doute que cette œuvre sera un ouvrage de référence pour les historiens du cinéma.

Frédéric Mignard

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LA NOUVELLE REPUBLIQUE – 21 juillet 2010

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FRANCE 3 : LE BLOG DE PATRICK BRION – 30 juillet 2010 http://blog.france2.fr/cinema-minuit/index.php/2010/07/30/215887-vendredi-30-juillet-2010#co

Bonjour,

[…]

Au titre des livres, je tiens d'autre part à vous signaler la réédition augmentée de "Dans les griffes de la Hammer" de Nicolas Stanzick aux Editions Le Bord de l'eau. La première édition était épuisée depuis longtemps. On sait l'importance qu'à joué la Hammer dans l'histoire du cinéma britannique et dans celle du cinéma fantastique. L'auteur dresse la filmographie complète de la production de la Hammer, de "The Public Life of Henry the Ninth" (1935) jusqu'à "Let Me in " (2010).

On retrouve au fil du livre les grands classiques "The Quatermass Experiment" de Val Guest et naturellement – et surtout – l'œuvre de Terence Fisher, de "The Curse of Frankenstein" à "Horror of Dracula", de "The Revenge of Frankenstein" à "The Hound of the Baskerville". Très intelligemment, l'auteur a voulu replacer la production de la Hammer et les films de Terence Fisher dans le contexte économique de l'époque. On peut ainsi suivre les recettes des films ainsi que l'accueil critique – souvent pitoyable! – de certains de ces meilleurs films. 128

De même, Nicolas Stanzick a choisi d'interviewer longuement ceux qui ont vécu l'époque de l'âge d'or de la Hammer (Michael Caen, Jean-Claude Romer, Noël Simsolo), rendant compte au passage de l'importance de la salle bien connue qu'était le Midi-Minuit et de la revue qui s'y est référée Midi-Minuit Fantastique. "C'était une façon d'écrire l'histoire de la cinéphilie fantastique française via son emblème de naissance, la Hammer".

L'auteur s'attache avec beaucoup d'intelligence aux thèmes et aux liens avec la littérature (Mary Shelley, Bram Stoker). De même que le Midi-Minuit, désormais disparu, l'âge d'or de la Hammer n'est aujourd'hui plus qu'un souvenir, l'ouvrage de Nicolas Stanzick, permet de faire le point sur les films les meilleurs de la compagnie en attendant de les voir en DVD ou à la télévision…

A bientôt.

Patrick Brion

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RADIO CAMPUS – 3 aout 2010 http://blogs.myspace.com/index.cfm?fuseaction=blog.view&friendId=392554290&blogId=538526559

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HTTP://BLOG.VAMPIRISME.COM – 5 aout 2010 http://blog.vampirisme.com/vampire/?766-stanzick-nicolas-dans-les-griffes-de-la-hammer

Stanzick, Nicolas. Dans les griffes de la Hammer

Terence Fisher, Christopher Lee, Peter Cushing... Plus qu'une date de l'histoire du cinéma qui vit l'épouvante assumer enfin sa dimension érotique et violente ; le cycle gothique produit par la firme britannique Hammer Films fut en France un véritable emblème subversif. Le déferlement sur les écrans à partir de 1957 de Frankenstein s'est échappé, La Nuit du loup-garou ou encore Dracula prince des ténèbres offre l'histoire d'une étonnante bataille d'Hernani faite de luttes esthétiques, de passions cinéphiles sur fond de révolution pop et de bouleversements politico-culturels. En retraçant ces évènements sous la forme d'Un passionnant récit agrémenté d'entretiens fleuves, Nicolas Stanzick livre non seulement le premier ouvrage consacré en France à la maison Hammer, mais il apporte du sang neuf à l'abondante littérature anglo-saxonne déjà parue sur le sujet.

En gros dévoreur d'œuvres sur les vampires, la Hammer est tout sauf une maison de production inconnue pour moi. Même si je n'ai pas encore eu l'occasion de voir tous les films de la célèbre firme de la famille Carreras (rachetée il y a quelques années par Endemol), le Cauchemar de dracula a été un vrai choc visuel, et j'imagine très bien l'impact incroyable qu'il a pu avoir à son époque. Au moment où la Hammer revient dans le paysage cinématographique (récemment avec la web-série Beyond the Rave , prochainement avec le remake de Morse , Let Me In ), l'ouvrage de Nicolas Stanzick, unique en son genre en France, permet de revenir sur les grandes années de la société anglaise.

On découvre ainsi les difficultés qu'ont eu les premiers films a être accepté par la presse cinématographique française, qui a commencé par crier à l'hérésie, en comparant les films de Fischer, Ward et autres Francis à leurs glorieux prédécesseurs Universal, et à leurs démiurges Whale, Browning, 131 etc. Un état de fait qui a permis aux amateurs de donner naissance à une véritable forme de contre- culture, permis grâce aux salles qui diffusaient envers et contre tout ces films, ainsi que par les revues initiées par les amateurs du genre. Des amateurs dont l'impact sur le cinéma de genre est aujourd'hui indéniable, quand on sait que parmi ces amateurs on peut citer des gens comme Schlockoff, Bouyxou, Simsolo, Romer... et que des réalisateurs comme Bertrand Tavernier étaient des inconditionnels de ces salles indépendantes, dont la mythique Midi-Minuit.

L'ouvrage de Nicolas Stanzick rassemble donc un historique complet de l'émergence de la firme anglaise en France, film après film, et la lente reconnaissance des revues et critiques cinéma, qui poussera les amateurs à parfois aller jusqu'en Belgique pour pouvoir découvrir certains des films de la firme, jamais officiellement sortis en France. J'avoue avoir été véritablement pris aux tripes par la passion de ces cinéphiles qui, envers et contre tout, ont lutté pour que Terence Fischer, Peter Cushing ou encore Christopher Lee (pour citer la trinité hammerienne) soient reconnus à leur juste valeur, à l'instar de Bernard Charnacé qui est allé, à l'âge de 16 ans, jusqu'à aller seul en Angleterre pour rencontrer Peter Cushing.

Bien plus qu'un simple historique de la firme qui a, quoi qu'on en dise, fait entrer le cinéma fantastique dans l'âge moderne (pour ne pas dire adulte), c'est une vraie plongée dans une époque qui a permis la naissance d'une sorte de contre-culture cinématographique du genre, dont la Hammer, à travers le cinéma fantastique dont elle est l'un des représentants les plus marquants, aura été un des piliers. Les interviews qui suivent l'essai de Nicolas Stanzick sont tout aussi passionnantes et vivantes, et les annexes achèvent ainsi de compléter cet ouvrage incroyable pour tout amateur de cinéma fantastique digne de ce nom.

A noter que, qu'on ait vu ou pas les films de la Hammer, l'ouvrage de Nicolas Stanzick est une véritable bible, un ouvrage de passionné réellement passionnant, qui, une fois la dernière page refermée, ne donne envie que d'une chose : dévorer tous les films cités.

Vladkergan

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WWW.KINOK.COM – 10 aout 2010 http://www.kinok.com/index.php?option=com_content&view=article&id=391:critique-de-livre-dans-les-griffes-de-la-hammer-de- nicolas-stanzick-editions-le-bord-de-leau&catid=40:livres#comments

Dans les griffes de la Hammer de Nicolas Stanzick

Le titre du passionnant ouvrage de Nicolas Stanzick Dans les griffes de la Hammer pouvant induire en erreur, précisons d’emblée qu’il ne s’agit pas là d’une étude historique consacrée au fameux studio britannique qui dépoussiéra, à l’orée des années 60, les grands mythes du fantastique immortalisés jusqu’alors sur grand écran par les studios Universal (Frankenstein, Dracula, la momie…).

De la même manière, si Stanzick étudie parfois avec finesse et pertinence les enjeux thématiques et esthétiques des grands films de Terence Fisher et consorts ; son essai ne relève pas pour autant de l’analyse filmique et il ne s’agit en aucun cas d’un panorama critique de tous les films tournés sous l’égide du studio. Pour l’auteur, il s’agit avant tout de se concentrer sur un corpus bien spécifique de films (en gros, ceux relevant de ce fantastique gothique si emblématique de la maison) et d’analyser la manière dont il fut accueilli par les cinéphiles français. Exit donc tous les thrillers, les aventures préhistoriques ( Un million d’années avant JC ) et les films de science-fiction de Val Guest (la série des Quatermass ) produits par la firme britannique : ce sont essentiellement les films gothiques de Fisher et de quelques autres (Freddie Francis, Don Sharp, Roy Ward Baker, John Gilling…) qui seront l’objet de l’étude de l’auteur.

En résumé, Stanzick fait œuvre d’historien des pratiques culturelles et montre à travers la réception de ce « cycle gothique » de la Hammer une rupture dans les pratiques cinéphiles française ainsi que la naissance d’une véritable cinéphilie fantastique. 133

Un genre méprisé.

Lorsque sortent sur les écrans français les premiers (futurs) classiques de Terence Fisher ( Frankenstein s’est échappé , Le cauchemar de Dracula …), la critique française est assassine. Soit c’est une condescendante indifférence qui réduit le fantastique à un genre « infantile », soit c’est le tollé chez les bien-pensants de tout bord (des cathos de Radio-Cinéma-Télévision , l’ancêtre de Télérama , aux cocos de L’humanité ) qui voit dans le genre un véritable danger. Citons pour le plaisir les mots de Gilbert Salachas à propos du Cauchemar de Dracula : « Le cinéma qui est un art noble, est aussi, hélas une école de perversion : un moyen d’expression privilégié pour entretenir ou même créer une génération de détraqués et d’obsédés ».

Pour la cinéphilie de l’époque, le genre fantastique n’existe pas. Les grands classiques des années 30 (de King-Kong aux films Universal en passant par Tod Browning) sont devenus quasiment invisibles et le genre ne fait pas recette en nos cartésiennes contrées.

Rejetées quasi-unanimement par la cinéphilie « classique » (même la rédaction de Positif , pourtant marquée par le surréalisme, ne s’intéresse pas aux films gothiques anglais), les œuvres estampillées Hammer vont permettre a contrario la naissance d’une véritable cinéphilie parallèle qui va reconnaître dans les films de Fisher les valeurs subversives et contestatrices qui seront les siennes.

Il y eut d’abord les précurseurs comme Michel Laclos, Jean-Claude Romer et le flamboyant Jean Boullet (personnage totalement anticonformiste, tout de cuir vêtu, passionné par le hors norme sous toutes ses formes et qui n’hésitait pas à réinventer les films que lui seul avait vus) qui consacrèrent en 1962 un numéro « spécial épouvante » dans le cadre de la mythique revue Bizarre éditée par Jean-Jacques Pauvert.

On retrouvera les noms de Romer et Boullet au sommaire du premier numéro d’une revue appelée elle aussi à devenir mythique : Midi-Minuit fantastique , créée par Michel Caen et Alain Le Bris en 1962 (éditée par Losfeld). Comme par hasard, ce premier numéro est consacré à Terence Fisher et, pour la première fois, des cinéphiles s’emparent de ce nom pour en faire un véritable auteur et le symbole même de leurs combats.

Une reconnaissance progressive.

La grande réussite de Nicolas Stanzick, c’est de nous retracer cette histoire d’une « contre cinéphilie » de manière enlevée et vivante. Il nous replonge dans les riches heures des salles de quartiers et évoque avec beaucoup de brio les grandes heures de ce temple mythique que fut le Midi-Minuit , cette salle spécialisée dans les films fantastiques et « sexy » et qui accueillera les films Hammer .

Pour ces jeunes gens qui se passionnent soudainement pour le genre, ces films apportent un grand vent de libération puisque des gens comme Fisher n’hésite pas à figurer plus frontalement la violence et à accentuer la dimension érotique du genre (Dracula est avant tout un grand séducteur de femmes).

D’une certaine manière, les films estampillés Hammer accompagnent, au même titre que le triomphe de la pop anglaise, cette évolution qui conduira au soulèvement de la jeunesse en 1968. A travers ces œuvres gothiques se dessinent les contours de ce qu’on n’appelait pas encore la « contre-culture ».

La thèse de Stanzick est d’autant plus séduisante qu’elle repose sur de nombreux témoignages de « cinéphages » (Caen, Zimmer, Bouyxou, Lenne, Simsolo…) de cette époque (la moitié des 400 pages du livre est consacrée à ces entretiens) et qu’elle est agrémentée de nombreuses anecdotes savoureuses qui font revivre toute l’ébullition de cette époque.

La récupération

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D’abord marginale, cette cinéphilie va peu à peu gagner en respectabilité lorsque les revues « historiques » (notamment les Cahiers du cinéma ) commencent à s’intéresser aux films de Fisher. Après 68, le genre fantastique parvient à gagner une certaine respectabilité et on va voir peu à peu fleurir revues (le fameux Ecran fantastique de Schlockoff) et « fanzines » (dont l’un, Mad Movies , appelé à un incroyable succès en kiosques) mais également des rétrospectives (Cushing, Lee et Fisher vont venir à Paris) et festivals (celui du Grand Rex).

Les films Hammer quittent alors le giron des salles borgnes des boulevards extérieurs pour s’afficher sur les grands boulevards. Si les premiers films de Fisher ont gagné les jalons de « classiques », Stanzick montre que cette reconnaissance s’accompagne également d’une certaine « banalisation » des œuvres qui conduiront le studio a arrêter la production de films à la fin des années 70 pour se consacrer à des séries télévisées (mais depuis, de nouveaux projets sont en chantier !)

Le corpus de films gothiques de la Hammer aura donc été un parfait indicateur de la naissance d’une cinéphile désireuse de rompre avec les aînés et de s’emparer d’un genre, le fantastique, correspondant alors parfaitement à ses préoccupations (désir d’émancipation et de révolte contre l’ordre établi, volonté de transgression – à travers la violence et l’érotisme- de la morale traditionnelle…).

La firme britannique aura également été un repère pour les cinéphiles venus « après » (Lemaire, Rauger, Moury…) qui, chacun à leur manière, (revue, rétrospective à la cinémathèque, Internet) ont contribué à transmettre sa légende et à asseoir sa réputation.

Pour conclure, on peut néanmoins se demander (ce n’est pas un bémol, juste une question) si la grille d’étude proposée par Nicolas Stanzick n’aurait pas pu aussi bien s’appliquer à d’autres cinéastes. Je pense notamment à José Bénazéraf, à Mario Bava, à Jean Rollin ou Jess Franco. Tous ont d’abord été vilipendés par la critique alors que leurs films ont également été le miroir de l’évolution inéluctable des mœurs et pratiques culturelles. Ils firent, eux aussi, l’objet d’un culte confidentiel au départ avant d’être « récupérés » et légitimés à juste titre (le cas de Franco est exemplaire puisque que celui qu’on prenait pour un tâcheron bâclant d’improbables séries Z à fait l’objet d’une rétrospective à la Cinémathèque tandis que Stéphane du Mesnildot lui a consacré un remarquable livre).

Y a-t-il donc une véritable spécificité de la Hammer ? Peut-être d’avoir su imposer une véritable signature autour de laquelle se sont fédérés pour la première fois les cinéphiles amoureux du fantastique et d’avoir imprimé un véritable style à ses productions.

Et quand bien même cette spécificité peut être sujette à caution, cela ne nuit en rien à l’intelligence et à la richesse de ce livre absolument passionnant qu’on dévore d’une traite… Vincent Roussel

Commentaires

0 #1 Edouard Sivière 2010-08-14 13:41 Cher ami, une phrase de ton article me fait tiquer : "même la rédaction de Positif, pourtant marquée par le surréalisme, ne s’intéresse pas aux films gothiques anglais". Je ne sais si elle est induite directement par l'auteur du livre en question mais elle me semble totalement fausse. Au contraire, la revue a été l'une des rares à s'intéresser au genre fantastique dès les années 50 (elle a d'ailleurs partagé un temps le même éditeur que la revue "Midi-Minuit fantastique"). On y trouve justement, en 1961 et sur deux numéros, une étude d'une douzaine de pages par Jean-Paul Torok, titrée "H-Pictures", sur le film d'horreur anglais des années 50 en général et sur Fisher et la Hammer en particulier. En 71, Alain Garsault signe l'article "Corman, Fisher et le fantastique moderne" et en 75 est

135 publié un entretien avec Fisher… Positif n'a donc nullement méprisé le genre et n'a par conséquent pas eu à opérer, comme ses rivales historiques, de "récupération" tardive.

0 #2 V.Roussel 2010-08-23 15:00 Tu as raison, Edouard, mais, paradoxalement, tes remarques ne contredisent pas forcément la thèse de Stanzick. Celui-ci cite bien évidemment l'article de Torok mais souligne, à juste titre me semble-t-il, que ce critique ne représentait pas la ligne directrice de "Positif" et qu'il apparait davantage comme un "électron libre" (qu'est devenu ce mystérieux Torok?). Son article fait alors figure d'exception. "Positif" s'est intéressé au fantastique mais n'a jamais opéré à un suivi régulier des sorties des productions "Hammer". Les articles que tu cites ensuite sont beaucoup plus tardifs, bien après cette fameuse "récupération" du cinéma gothique anglais commencée à la fin des années 60…

0 #3 Edouard Sivière 2010-08-24 01:36 Oui, c'est vrai que Torok était un peu à part et parlait d'une voix singulière au sein de la rédaction du Positif de l'époque. Dans ces années là (fin 50, début 60), c'est lui aussi qui signe les critiques élogieuses du "Voyeur" et du "Masque du démon". Mais je pense qu'il était assez bien suivi sur ce terrain là (le Bava a fait la couve de la revue), F. Hoda, Paul-Louis Thirard et Ado Kyrou, notamment, appréciant aussi le genre et ayant écrit dessus dans les années 50. Toutefois, ill est vrai également que la revue, en dehors de quelques textes dont ceux que j'ai cité, n'a pas effectué un suivi très régulier et que si plusieurs films de Fisher ou de Gilling ont été recensés avec bienveillance, ils ne le sont que dans de brèves notes en fin de publication.

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WWW.PSYCHOVISION.NET – 16 aout 2010 http://www.psychovision.net/livres/critiques/fiche/803-dans-les-griffes-de-la-hammer

Dans les griffes de la Hammer

En 1934, William Hinds et Enrique Carreras fondent une société de production : Hammer Film Productions. Si avant la guerre les deux hommes ne produisent que quatre films, soit trois comédies et un long métrage avec Bela Lugosi, la firme anglaise devient plus importante à partir des années 50. En effet sort sur les écrans en 1955 le chef d'œuvre de Val Guest : "Le monstre", plus connu sous le nom de "Quatermass". Entre SF et horreur, la Hammer prend du galon et en 1957 sort le film qui lance la carrière du studio : "Frankenstein s'est évadé". Une adaptation libre du roman de Mary Shelley, avec devant la camera Peter Cushing et Christopher Lee, et à la mise en scène le génie de Terence Fisher. Revoir aujourd'hui encore ce film, c'est vivre un véritable choc. La Hammer signe alors des films horrifiques, gothiques et crée derrière elle tout un mouvement qui brasse pèle mêle cinéastes, critiques et journalistes etc. C'est ce grand mouvement, cette période absolument géniale que tout fantasticophile rêve de vivre, que nous décrit superbement Nicolas Stanzick. Son livre est un vrai bijou, qui se lit comme un roman, ou l'on apprend beaucoup de choses et avec des interviews superbement menées et parfois même très émouvantes!

"Dans les Griffes de la Hammer" n'est pas un livre qui a pour but de parler de la création et de l'évolution du célèbre studio mais bien plus de l'accueil des films en France. Et c'est affligeant! L'introduction nous rappelle les bases, quand où et comment fut créé le célèbre studio puis ensuite l'auteur entre dans le vif du sujet. Tout commence donc en 1957 avec le fameux Frankenstein. Si certains voient là une œuvre admirable, effrayante, à l'esthétique superbe, d'autres crient à l'atrocité, à la perte de morale, à l'abêtissement. Bien oui, dans un climat ou la nouvelle vague fait ses classes, ce genre de film "divertissant" et malsain est forcément mal vu! Les exemples de critiques mais aussi d'hypocrisie de la part de certains journalistes ou spectateurs que donne Nicolas Stanzick sont tout simplement affligeants. Preuve qu'à la

137 veille de Mai 68, cette révolution avortée que l'on encense encore aujourd'hui, les mœurs françaises étaient quand même bien sclérosées, ou du moins plus prudes que celles de nos voisins britanniques. En effet, si aujourd'hui on regarde le Dracula de Fisher, non sans peur, mais sans être choqué par un certain érotisme ou gore (depuis on en a vu d'autre!) à l'époque se fut un tôlé général, surtout chez ceux qui deviendront Télérama ou autres revues du même genre. Les Cahiers du Cinéma, revue o combien importante à l'époque, tout comme Positif, crie au scandale devant une telle absurdité. Bref, La Hammer en France, qui est diffusée que dans de petites salles, voire dans des salles plutôt spécialisée dans les films dit érotiques, fait mal aux bien pensants.

Mais dans ces salles noires peu fréquentables, c'est une nouvelle cinéphilie qui nait, de nouveaux critiques qui apparaissent et toute une nouvelle "école" qui voit le jour! Une salle entre autre : Le midi minuit. Si vous n'êtes pas forcément connaisseur ou intéressé par le cinéma fantastique et horrifique, son histoire et son évolution, ce nom ne vous dira rien, sauf si bien sûr vous lisez le livre de Nicolas Stanzick. Comme ce dernier donc le rappelle, aujourd'hui on doit presque tout au mouvement qui découla de cette salle et qui donna son nom à une célèbre revue, l'une des premières en France, "Le Midi Minuit Fantastique", qui consacra sa première couverture à Terence Fisher!

"Dans les Griffes de la Hammer" nous replonge alors dans une époque et plus que de nous parler de cinéma, le livre nous apprend beaucoup sur les mœurs du cinéma français à cette époque et dresse un constat absolument terrible. Mais il nous montre aussi comment est née toute une nouvelle école, faite de querelles et de nouveaux festivals organisés par des gens motivés et passionnés tels qu'Alain Shlockoff qui créera d'ailleurs quelques années plus tard la revue "L'écran fantastique" et un célèbre festival, premier dans son genre, sur le cinéma de genre. Il arrivera ainsi à faire venir en France Terence Fisher, Christopher Lee ou bien encore le fabuleux Peter Cushing!

Alors bien sûr si vous voulez un livre remplit d'anecdotes de tournage, rempli de biographies d'auteurs et d'acteurs dit Hammer, passez votre chemin. Le livre de Nicolas Stanzick n'est pas là pour parler uniquement de l'histoire de la Hammer mais bien pour nous parler d'une histoire de France oubliée, il est bien plus une étude des mœurs françaises et de la cinéphilie de notre beau pays qu'un vrai livre sur la Hammer. Il n'en est pas pour autant inintéressant, loin de là! On apprend beaucoup de choses, on découvre des personnalités absolument fantastiques et surtout ce livre est superbe, tant dans sa mise en page, que dans les photos qu'il nous propose de découvrir (ou de redécouvrir) et il faut reconnaître que Nicolas Stanzick a fait un véritable travaille de recherche, complet et abouti et qu'il nous propose sur la moitié de l'ouvrage des interviews passionnantes. L'auteur laisse ainsi la parole à ceux qui ont vécu cette période magique et c'est époustouflant. Une mention toute spéciale à l'interview de Bernard Charnacé (acteur de téléfilms fantastiques notamment), que je ne connaissais pas jusqu'à présent, et qui parle avec émotion de sa découverte de Peter Cushing, de sa rencontre avec l'acteur, alors qu'il n'est qu'un enfant et qu'il traverse seul la manche pour rencontrer son idole, de sa correspondance avec ce dernier qui durera jusqu'au décès de Peter Cushing. C'est beau et émouvant, comme l'ensemble de l'ouvrage de Nicolas Stanzick qui nous invite à revoir encore et encore ces classiques du cinéma fantastique, fondateurs, primordiaux et tout simplement beaux!

Je ne peux que vous conseiller ce livre qui constitue à ce jour la seule véritable étude sur la Hammer en langue française!

Note : 10/10

Le Cimmerien

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LA LIBERTE – 21 aout 2010

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La Hammer dans le sang

Fantastique. Nicolas Stanzick a consacré un ouvrage au mythique studio anglais des années 60. Entretien.

Les vampires sont de retour! Ou plutôt ils n’ont jamais disparu, continuant inlassablement de hanter les rayons des librairies et les écrans, petits ou grands. L’incroyable succès au cinéma de la série Twilight , l’arrivée imminente sur la TSR de la saison 2 de True Blood , la sortie prochaine en DVD du cultissime Nosferatu , de Werner Herzog, avec Klaus Kinski et Isabelle Adjani: autant de signes réjouissants qui prouvent que les émules du sinistre comte Dracula, né en 1897 de la plume de l’Irlandais Bram Stoker, sont toujours bien vivants (façon de parler!) et toujours aussi assoiffés de sang. Et ce n’est pas Nicolas Stanzick qui dira le contraire, auteur d’un livre passionnant sur la Hammer, cette compagnie dont les films d’horreur ont déferlé sur les écrans dans les années 60 (lire ci-contre). Avec Dans les griffes de la Hammer, ce journaliste, féru de rock et de contre-culture, retrace l’histoire du mythique studio anglais vue de Paris, lorsque Dracula, Frankenstein et autres monstres gothiques mis en scène par Terence Fisher étaient l’objet de véritables batailles entre une poignée de cinéphiles passionnés, réunis autour de la revue Midi-Minuit Fantastique et une critique «officielle» largement hostile, ou simplement méprisante vis-à-vis de cette cinématographie à la fois populaire et fondamentalement subversive. Coup de fil à un jeune homme passionné qui a découvert les films de la Hammer alors qu’il n’était encore qu’un gosse, grâce à La dernière séance, mémorable émission d’Eddy Mitchell.

«Le Cauchemar de Dracula , c’est un appel à une sexualité libre» NICOLAS STANZICK

Aujourd’hui, les films de la Hammer font partie des classiques et beaucoup, ceux de Terence Fisher en particulier, sont considérés comme des chefs-d’œuvre. Mais à leur sortie, ce n’était de loin pas le cas, si l’on en croit votre livre...

Nicolas Stanzick: A l’époque, les deux grandes écoles d’influence dans la cinéphilie, c’était l’église catholique d’une part et le parti communiste de l’autre. Et des deux côtés on a rejeté ce cinéma, chaque fois pour des raisons morales. Du point de vue catholique, on pouvait lire des choses du type «ce cinéma-là va créer des générations de détraqués et de pervers », et de l’autre côté, par exemple dans L’Humanité, on condamnait des films qui détournaient des réalités du monde. Pourquoi filmer des horreurs qui n’existent pas, alors qu’il y a eu la bombe H, que la guerre du Vietnam se prépare, etc.

On perçoit dans votre livre une fascination pour les années 60, lorsque le cinéma était vraiment un enjeu de société, esthétique et politique...

Nicolas Stanzick: C’est vrai qu’il y a un aspect complètement fascinant dans cette époque, qui est celle de l’émergence de la contre-culture, dans le sens large du terme. Aimer les films de Fisher et ne pas aimer la Nouvelle Vague, c’est une manière de se positionner, cela engage intellectuellement, politiquement. On pouvait aussi voir ces monstres comme des sortes d’entités libératrices, même s’ils sont détruits à la fin. Et du coup Le Cauchemar de Dracula , c’est un appel à l’orgasme, à une sexualité libre, un signe avant-coureur du I Can’t Get no Satisfaction , des Rolling Stones, qui prône la même chose, sept ans plus tard.

Les choses ont bien changé depuis?

Nicolas Stanzick: Dans les années 60, les films d’horreur relevaient d’un genre populaire qui passait dans les salles de quartier, qui s’adressait à un public le plus fruste qui soit, par exemple celui des clochards ou des travailleurs émigrés qui parfois ne comprenaient même pas le français. Aujourd’hui le fantastique se déploie dans les films à gros budgets. C’est ce qui explique sans doute le changement de nature du 140 vampire dans un film comme Twilight . Il n’y a plus du tout l’idée de malédiction ou de menace. Ce qui était clairement subversif dans les films de la Hammer donne aujourd’hui lieu à un propos ouvertement réactionnaire. Ce sont les premiers vampires mormons que l’on peut voir à l’écran, c’est plutôt étonnant...

Votre livre met aussi en évidence l’absence de culture fantastique en France. Les films de la Hammer ont donc ouvert les portes de l’horreur gothique?

Nicolas Stanzick: Effectivement. En France, quand un cinéaste génial comme Georges Franju tourne Les yeux sans visage en 1959, ça pourrait être une réponse à la Hammer. Et au même moment, en Italie, il y a Mario Bava, Ricardo Fredda, qui lancent le gothique italien, aux Etats-Unis, Roger Corman lance son cycle Edgar Allan Poe, mais en France derrière Franju, il n’y a rien d’autre. Personne ne lui emboîte le pas et du coup tous les films français fantastiques restent des espèces de prototypes. Mais il faut aussi reconnaître que les monstres qui ont vraiment structuré le genre fantastique au cinéma, Dracula, Frankenstein, la momie, le loup-garou, tout ce bestiaire mis en scène par la Universal dans les années 30, était très mal connu en France, tout comme les livres à l’origine de ce cinéma, le Dracula de Bram Stoker, le Frankenstein de Mary Shelley. Il a fallu attendre les films de la Hammer pour qu’ils aient enfin droit à une traduction complète.

Lorsqu’on revoit ces films, on est frappé par leur unité. On retrouve les mêmes acteurs, les mêmes ambiances, on est toujours comme en famille...

Nicolas Stanzick: C’est un univers parfaitement identifiable. D’un film à l’autre on a l’impression de se retrouver dans cette bonne vieille Transylvanie réinventée à la sauce victorienne, les petites boutiques, les sympathiques tavernes, le château, la rivière, parce que c’était toujours tourné au même endroit, à l’ouest de Londres, dans les studios de Bray puis d’Elstree.

Quelle a été l’influence de ces films sur les cinéastes des générations suivantes?

Nicolas Stanzick: La Hammer a marqué un palier dans l’horreur et l’érotisme. Sans elle, il n’y aurait pas eu la décennie suivante, Romero, Dario Argento ou plus tard Joe Dante qui ont tous revendiqué leur amour de la Hammer, au point d’avoir par exemple réembauché Christopher Lee. Avec la Hammer, les limites du fantastique ont été poussées à l’âge adulte. Toute une génération de cinéastes a vu ces films, a grandi avec eux, et du coup leur doit quelque chose. Par exemple dans Le temps de l’innocence de Martin Scorsese, il semble absolument évident que son travail sur les costumes doit beaucoup au travail de précision dans la reconstitution historique qui était à l’œuvre à la Hammer.

Qu’est-ce qui fait selon vous la modernité des films de la Hammer, que certains trouveraient désuets et datés?

Nicolas Stanzick: Le philosophe Gilles Deleuze avait décelé précisément chez Fisher l’idée d’un glissement dans le cinéma fantastique du romantisme vers le naturalisme. Il n’y a plus l’idée du mort-vivant qui pleure sur sa propre malédiction, ce n’est plus Bela Lugosi, en 1931, dans le Dracula de Tod Browning qui dit: «Etre réellement mort, quelle chose merveilleuse ce doit être.» Chez Fisher, pour la première fois, on trouve un Dracula d’une écrasante matérialité, un tyran qui passe d’une proie à l’autre sans états d’âme. Avec la Hammer, on a enfin affaire à un fantastique fait de monstres de chair et de sang, même si chez Fisher, le sang renvoie toujours à quelque chose de métaphysique, la pulsion, le sexe, l’identité. Propos recueillis par Eric Steiner

> Nicolas Stanzick, Dans les griffes de la Hammer, Ed. Le bord de l’eau, 486 pp. Lire également en page 35 notre sélection des meilleurs films de vampires en DVD.

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L’univers de la Hammer

La Hammer prend son essor au milieu des années 50, avec Le Monstre, de Val Guest (1955), Frankenstein s’est échappé de Terence Fisher (1957) et Le Cauchemar de Dracula (1958), du même Fisher. La compagnie a ressuscité les classiques du cinéma et de la littérature gothique (le loup-garou, le fantôme de l’Opéra, la momie) en accentuant leur aspect violent et érotique. Malgré le peu de moyens (trucages pauvres, décors réutilisés d’un film à l’autre, tournages rapides) l’équipe d’artisans de la Hammer, sous l’impulsion de Fisher, a créé un véritable univers cinématographique porté par les deux formidables stars, Peter Cushing et Christopher Lee et une pléiade de seconds rôles épatants. Rattrapée par la concurrence hollywoodienne à gros budgets (L’Exorciste, La Malédiction), elle verra progressivement sa production diminuer, en même temps que sa créativité. Aujourd’hui, il semble que la Hammer ressort de sa tombe et deux nouveaux films sont actuellement en production.

Eric Steiner

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WWW.HORREUR.COM – 23 aout 2010 http://www.horreur.com/interview-60-stanzick,-nicolas.html

Nicolas Stanzick est fan depuis toujours du mythique studio anglais, la célèbre HAMMER . Ce studio est responsable du renouveau du cinéma fantastique dans les années 60, avec l'apport de la couleur, du sang, et de l'érotisme. "Frankenstein s'est échappé" et "Le cauchemar de Dracula" étant le point de départ d'une longue série de films devenus cultes chez les fans.

A ce jour, aucun livre sur la Hammer n'était disponible en français. Personne en France ne s'était penché sur la Hammer jusqu'à lui rédiger un ouvrage complet. L'erreur est réparée. Depuis 2008 précisément, année qui verra sortir l'ouvrage de Nicolas Stanzick aux éditions Scali et intitulé "DANS LES GRIFFES DE LA HAMMER".

Un ouvrage particulièrement intéressant, qui prenait à contre-pied les livres étrangers traitant du même sujet et qui présentaient généralement un historique du studio et une étude de ses films majeurs.

"Dans les griffes de la Hammer" se compose en deux parties distinctes mais complémentaires. La première partie nous présente le studio MAIS d'un point de vue français ! C'est à dire que Nicolas nous explique comment les films de la Hammer qui sortirent dans notre beau pays furent reçus par la presse, par les critiques spécialisés et par le public. C'est en ça que l'ouvrage est foncièrement original et intéressant. Il fallait y penser ! Vous risquez d'ailleurs d'être surpris de l'accueil glacial réservé aux films de la Hammer ou à son réalisateur culte Terence Fisher en France...

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La seconde partie de l'ouvrage nous présente de longues interviews de personnalités bien connues des fans et qui se replongent dans leurs souvenirs pour nous évoquer la Hammer . On trouvera juste étrange que le grand Jean-Pierre Putters n'ait pas été interviewé. Un détail qui n'enlève rien à la somme d'informations délivrées ici et qui trouvent réponse dans l'interview ci-dessous. En juin 2010, le livre ressort aux éditions Le Bord de l'eau dans une édition enrichie et augmentée. Préface de Jimmy Sangster, deux nouvelles interviews et de nouvelles photos, dont un pavé en couleurs viennent s'insérer et enrichir ce que nous connaissions déjà de l'ouvrage.

Horreur.com a décidé de donner la parole à Nicolas Stanzick et vous livre cette interview qui vous en apprendra encore plus...

Quand et avec quel film as-tu découvert la Hammer ?

Nicolas Stanzick : Les choses se sont faites en plusieurs étapes, très tôt dans l’enfance. Tout a commencé par la découverte à 5 ans du Retour du Jedi, en 1983. Un choc, pas simplement à cause du coté surnaturel des situations ou de l’étonnante galerie de monstres de l’intro avec Jabba the Hutt, mais pour une séquence précise : celle où Dark Vador enlève son masque effrayant et révèle un deuxième visage, celui d’une victime dont les traits sont ceux d’un vieillard ayant connu une infinie souffrance. Le cinéma fantastique, c’est vraiment cela pour moi, la superposition de deux images contradictoires, le réel et l’imaginaire entremêlés, la représentation du double qui sommeille en tout homme... Je n’ai pas su pourquoi immédiatement, mais j’ai été absolument bouleversé par cette séquence, fasciné par ce personnage schizophrène. Rétrospectivement, il me paraît évident que ce choc a été à l’origine de mon goût futur pour Terence Fisher qui est le grand cinéaste du double : c’était déjà l’un des thèmes de son premier film gothique, Frankenstein s’est échappé en 1957, où la créature interprétée par Christopher Lee était une sorte de double inversé du baron qui l’avait crée, l’un figurant la pulsion, la nature déchainée, l’autre le savoir, la culture consciente d’elle-même. On retrouvait le même genre d’opposition dans Le Cauchemar de Dracula en 1958, toujours avec Lee et Cushing, à ceci près que la dualité de chacun des personnages était cette fois renforcée : Dracula avait tour à tour le visage de l’aristocrate hautain et de la bête fauve, et Van Helsing celui d’un scientifique calme et avisé mais néanmoins capable d’une violence inouïe. Le dernier film de Fisher, Frankenstein et le monstre de l’enfer en 1974 est allé au terme de cette thématique en traitant cette fois de la folie : or qu’est-ce que la folie si ce n’est le dédoublement ?... Bref, Le Retour du jedi a été déterminant pour le gamin que j’étais, et forcément, lorsqu’en 1985, est passé à la Dernière Séance, l’émission culte d’Eddy Mitchell, Le Cauchemar de Dracula, le déclic hammerien a eu lieu. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, ce déclic a pris la forme d’une vision manquée !... J’avais 7 ans, et j’ai eu beau supplier mes parents de me laisser voir ce film dont notre hebdo télé parlait avec force de photos, rien n’y a fait : j’étais beaucoup trop jeune pour ce genre de choses… Néanmoins, mon père connaissait ces films et m’a expliqué à cette occasion qui était Christopher Lee, ce qu’était la Hammer, il m’a raconté quelques unes de ces séances de minuit à l’époque. Visiblement le final de Dracula et les femmes , lorsque le comte s’empale sur une croix l’avait fortement marqué…. Il y avait là quelque chose d’à la fois dangereux et d’attractif, quelque chose qui parlait à l’enfant que j’étais mais qui semblait appartenir à un domaine adulte réservé. Je dois avouer que je ne me suis pas focalisé dès cette période sur la Hammer stricto sensu : mon grand rêve, c’était de voir tous les Dracula avec Christopher Lee, et plus largement tous les films de vampire possibles et inimaginables. Ce qui m’a d’ailleurs amené plus tard à découvrir aussi Polanski, Herzog, Murnau, Dreyer, Browning, bref le cinéma en général… On pourrait d’ailleurs facilement faire une histoire générale du cinéma mondial en ne se concentrant que sur les seuls films de vampire, tant le genre s’est immiscé dans toutes les époques, dans tous les types de productions et s’est vu illustré par des studios et des auteurs très différents... Mais ce genre de films était tellement rare à la télé. Chaque semaine pendant deux ans après ce rendez-vous manqué avec Le Cauchemar de Dracula , j’ai surveillé mon magazine télé en espérant une nouvelle occasion, ce qui a fini par arriver durant l’été 1987 à nouveau grâce à la Dernière Séance : Dracula prince des ténèbres était programmé. Cette fois ci a été la bonne. J’ai été absolument fasciné, terrorisé et conquis. 144

Qu'est-ce qui t'a plus dans cette découverte et qui t'a donné envie de découvrir d'autres films de cette firme ?

Nicolas Stanzick : Le sentiment de transgression lié à cette fondatrice vision manquée deux ans plus tôt. C’est d’ailleurs là le cheminement classique des cinéphiles fantastiques : on fantasme les films faute d’avoir la possibilité de les voir à causes des interdictions aux jeunes spectateurs, on attend des années ainsi, et on finit par éprouver une vraie jouissance en brisant les interdits lorsqu’enfin on voit son premier film d’horreur. Le gout des mythologies de l’écran devient dès lors indissociable d’une mythologie personnelle... Même si je n’appartiens pas à proprement parler à la génération Hammer – je suis né en 1978, grosso modo quand le studio a cessé de produire pour le grand écran – c’est néanmoins avec la Hammer que ce processus a eu lieu pour moi. J’avais beau être avec mes parents, il était 23h, j’avais 9 ans et j’étais en train de regarder mon premier film d’horreur, mon premier Dracula. J’avais déjà vu Le Bal des vampires de Polanski que j’adorais et adore toujours autant, mais là, avec ce Prince des ténèbres , aucune distanciation n’était possible. Je me retrouvais un peu comme Hutter dans Nosferatu : « Une fois passé le pont, les fantômes vinrent à lui… » La première partie, celle de l’arrivée au château jusqu’à la résurrection de Dracula, avait quelque chose de cauchemardesque : ce sentiment d’horreur inéluctable, de peur panique liée à la montée progressive vers la violence, le sexe et la mort, m’a très longtemps poursuivi. La mise en scène de Fisher, d’une précision diabolique, est fascinante sur ce point. Le personnage joué par Barbara Shelley transmet aussi cela avec une grande finesse. Et puis il y avait la découverte de Christopher Lee, sa première apparition, charismatique à souhait en haut de l’escalier de la crypte… La Mort incarné, ni plus ni moins. J’ai fait de nombreux cauchemars où apparaissait ce visage livide les nuits qui ont suivi. J’ai été également très décontenancé par cette subtile atmosphère gothique, lente et macabre, mais dans laquelle les déflagrations violentes et sanglantes contrastaient soudainement, comme s’il s’agissait de faire craqueler le vernis apparent des choses : le bon petit bourgeois victorien pendu par les pieds et saigné comme un porc pour permettre à Dracula de se réincarner, ce n’était pas rien pour un pour un gamin de 9 ans ! Et pour mes parents non plus d’ailleurs, car tout le monde flippait finalement ! En revanche, je n’ai pas été confronté au fameux Technicolor de la Hammer ce soir là, car la télé était en noir et blanc. Mais j’ai pu corriger cette lacune très peu de temps après lors d’un gouter d’anniversaire chez un pote. Il avait enregistré à la télé Le Chien des Baskerville que nous avons commencé à regarder. Certains enfants, dont je n’étais pas peu fier de ne pas faire parti, n’ont pas tenu le choc : on a donc été obligé d’interrompre la séance juste après la fabuleuse séquence d’introduction qui voit le sadique Hugo de Baskerville poignarder une jeune domestique avant de se faire dévorer par le chien infernal dans de vieilles ruines gothiques… Heureusement, j’ai pu emprunter la cassette et j’ai regardé le film de suite en rentrant chez moi. Nouveau coup de foudre. Je découvrais Peter Cushing, ou plutôt je m’étonnais de retrouver le Grand Moff Tarkin de Star Wars, cette fois dans un rôle de premier plan absolument fascinant : un Sherlock Holmes identifié au Bien mais que l’on sent potentiellement habité par des forces maléfiques. Un rôle pas si différent du Van Helsing qu’il interprète dans Le Cauchemar de Dracula . Et puis il y avait la couleur, sublime, qui créait une atmosphère de comte macabre propice au rêve sans pour autant mettre de côté un certain réalisme qui renforçait la peur. Par la suite on m’a offert le livre de Gérard Mangin, Les Affiches du cinéma fantastique qui est devenu un vrai livre de chevet pour moi. Je voulais voir chacun des films qui y était mentionné et j’ai commencé à faire à ce moment là mes premières filmographies : tous les « Hammer », tous les « Christopher Lee », tous les « Peter Cushing »... J’ai commencé à voir les films grâce aux VHS dans les vidéoclubs, puis en arrivant à Paris en 1998, grâce à la boutique de Norbert Moutier, Ciné BD, dans le 9 ème . Durant les années 2000, le DVD m’a permis de combler les dernières lacunes.

Le Cauchemar de Dracula est souvent cité comme étant LA pièce maîtresse de la firme. Es-tu d'accord avec ça ? Pour toi, quels sont les films à voir absolument pour quelqu'un qui voudrait découvrir la Hammer ?

Nicolas Stanzick : C’est clair que la réputation du Cauchemar de Dracula réalisé par Terence Fisher en 1958, n’est pas usurpée. A tout point de vue, c’est un film parfait : mise en scène, acteurs, scénario,

145 musique… C’est un film qui réinvente totalement l’iconographie du comte vampire, invente un esthétique sanglante fascinante et riche de sens, modernise le mythe tout en revenant à la source du roman et qui formellement est une authentique leçon de cinéma : les apparitions du comte, le travail de cadence dans le montage qui ne cesse d’opposer Van Helsing et Dracula jusqu’à la sublime confrontation finale. Et il y a cette idée géniale : traiter Dracula d’abord comme un mythe érotique, en toute conscience. Certes l’érotisme n’était pas absent dans les versions de Murnau ou de Tod Browning, mais là, plus question de laisser les choses à la périphérie : c’est le sujet même du film. Dracula est désormais le monstre qui réalise les fantasmes des jeunes filles esseulées, et qui en même temps incarne la toute-puissance érotique à laquelle tout homme rêve de s’identifier, mais que la morale commune se doit de combattre. A la fin du film, Dracula se cache dans la cave de la famille bourgeoise à laquelle il s’attaque, très subtile manière de signifier que le vers est dans le fruit. Le démon fait craqueler ce carcan bien-pensant, moral, religieux propre à l’époque. Il est l’image de la pulsion sexuelle, libérée de toute entrave et c’est pour cette raison qu’il est combattu si férocement. Il est frappant de voir que le film nous raconte, non pas la lutte du vampire avec Dieu, mais celle du vampire contre celui qui prétend agir au nom de Dieu, Van Helsing : or celui-ci n’est en en fait que le gardien de l’ordre moral, social et culturel… Bref, le film a ouvert la voie à ce que Fisher avait théorisé sous le nom de « matérialisme fantastique » : un fantastique fait de monstres de sang et de chair qui évoluent comme autant de forces symboliques dans un monde bien réel : le nôtre. Le Cauchemar de Dracula est donc incontournable, mais il ne saurait faire oublier les autres chefs-d’œuvre qu’a produits la Hammer. Avec les Frankenstein, en cinq films, Fisher a réussi une saga parfaite, où le personnage du baron incarné par Cushing se renouvelle de manière passionnante d’un film à l’autre. C’est tout simplement l’une des sagas les plus intelligentes du cinéma fantastique, là aussi totalement marqué par ce matérialisme fisherien qui débouche sur l’athéisme. S’il fallait que je ne retienne qu’un Frankenstein, je dirais peut-être Le Retour de Frankenstein (1969), qui fait du baron un véritable héros luciférien en révolte contre le monde : c’est une grave réflexion sur le Mal, un film d’une noirceur très rare. En dehors de Dracula et Frankenstein, j’ai un très gros faible pour Le Chien des Baskerville (1959) qui à nouveau démontre la forte personnalité de Fisher : le roman de Conan Doyle, Sherlock Holmes oblige, est une manipulation criminelle dans laquelle le fantastique n’est qu’un leurre. Fisher reprend l’histoire à lettre, mais lui donne une autre signification, beaucoup plus personnelle, dans laquelle les mêmes forces obscures que chez Dracula et Frankenstein sont implicitement à l’œuvre… Tout cela avec un indéniable sens de l’atmosphère, du suspense et du rythme. C’est vraiment un idéal de cinéma gothique. Toujours de Fisher, j’adore Les Deux Visages du Dr Jekyll (1960). On est ici aux antipodes du classicisme du mythe : Jekyll est un triste bourgeois barbu et cocu, tandis que son double, Hyde, est un beau jeune homme aussi séduisant que malfaisant et qui deviendra l’amant de la femme de Jekyll… Sur ce scénario vertigineux, Fisher réalise une tragédie bouleversante et intensément subversive. Son Hyde peut à bon droit passer pour une sorte de précurseur du personnage d’Alex joué par Malcom McDowell dans Orange mécanique . Si les deux films sont très différents, Alex et Hyde ont en commun un sens évident de la séduction, un même goût pour le dandysme et une même passion pour l’ultra-violence, pulsionnelle chez Hyde, esthétique chez Alex… La Nuit du Loup-garou (1961) est un autre magnifique condensé des thématiques fisheriennes : la dualité, la monstruosité vécue comme le fruit non d’une malédiction divine mais d’un monde gangrené par la Mal, l’amour qui donne sa dignité aux hommes mais ne permet pas leur rédemption... Oliver Reed a offert ici l’un des plus beaux monstres de la Hammer avec son impressionnant maquillage qui rappelle celui de Cocteau pour La Belle et la Bête . L’Invasion des mort-vivants réalisé par John Gilling en 1966, est mémorable pour son fantastique plus ouvertement politique que chez Fisher : dans un village de Cornouailles, des zombies putréfiés s’élèvent de leur tombe pour travailler en secret dans la mine du châtelain local, féru de culture vaudou… C’est une sorte de chaînon manquant entre la tradition gothique du zombie et la modernité qu’incarnera Romero. Dans un autre genre, j’adore Le Fascinant Capitaine Clegg (1961) de Peter Graham-Scott avec Peter Cushing. C’est une histoire de pirates sur la côte anglaise au XVIIème siècle, sur fond de superstitions villageoises et de fantômes hantant les marais avoisinants à la nuit tombée… C’est un film d’aventure très fun, avec un rythme tout en rebondissements jubilatoires, et qui n’est pas sans rappeler le génial Moonfleet de Fritz Lang. Val Guest a réalisé en 1957 Le Redoutable Homme des neiges dont je n’exclus pas qu’il fut l’une des sources

146 d’inspiration pour Hergé pour Tintin au Tibet : là aussi on a un mix parfait d’aventure et d’étrange, avec une réalisation parfaite, tout en suspense, un cinémascope en noir et blanc de toute beauté et un scénario assez culotté pour l’époque. Peter Sasdy quant à lui a réussi un petit chef d’œuvre romantique et pervers avec La Fille de Jack l’Eventreur en 1972. Mais hors Fisher, mon cinéaste préféré au sein de la Hammer reste Roy Ward Baker qui a substitué à l’ambiguë lutte du bien et du mal fisherienne, une fascinante lutte des genres. Son Dr Jekyll et Sister Hyde en 1971 est de ce point de vue absolument remarquable : loin d’être grivois comme son titre pourrait le suggérer, Baker ose transformer le mythe en une fascinante tragédie transsexuelle… Voilà les dix premiers titres qui me viennent à l’esprit, mais je pourrais vous en citer des dizaines d’autres. La Hammer c’est un vivier inépuisable…

A quelle occasion as-tu développé l'idée de faire un ouvrage sur cette firme ?

Nicolas Stanzick : L’envie est née dès cette découverte enfantine de Dracula prince des ténèbres dont je t’ai parlé tout à l’heure. Dès le lendemain, je m’étais mis en tête d’adapter le film en nouvelle… J’avais relié les premières pages écrites avec du scotch et dessiné une couverture qui rétrospectivement ressemblait très fortement au visuel du Cauchemar de Dracula retenu pour le livre : Dracula, toutes canines sorties, quelques gouttes de sang perlant ici ou là… [rires] Donc, quand quelques années plus tard, quand j’ai cherché un sujet de recherche pour ma maitrise d’histoire à la Sorbonne, un sujet qui me tiendrais à cœur, et sur lequel je pourrais travailler pendant un bon bout de temps sans me lasser, la Hammer s’est tout naturellement imposée. En fait, dès cette époque là, en 2003, j’avais en tête de faire de tout cela un vrai bouquin. Je ne comprenais pas pourquoi aucun livre consacré à la Hammer n’était sorti en France. Je voyais ça comme une injustice à réparer. Vaste programme !...

Combien de temps t'a t'il fallu pour rédiger ton ouvrage, entre les interviews et la rédaction de la première partie ?

Nicolas Stanzick : C’est un boulot de 7 ans. Naturellement avec des pauses, des périodes de maturation, des coups d’accélérateur etc. Pour la première mouture, celle de la fac, j’ai fait deux ans de recherches avant d’écrire la moindre ligne. J’ai compulsé en bibliothèque tout ce qui avait pu être écrit sur la Hammer en France en dépouillant numéros après numéros sur plus de 2O ans la plupart des revues de cinéma et titres de la presse généraliste : Midi-Minuit Fantastique, Les Cahiers du cinéma, Positif, Images et Sons, Télérama, L’Ecran Fantastique, Mad Movies, Le Monde, L’Humanité, Arts… Je me suis mis en quête des chiffres d’exploitation, les salles qui avaient sorti les films, le box-office, éléments que j’ai finis par retrouver en recoupant les données du CNC et les revues professionnelles de l’époque… Et puis il y avait les entretiens… J’ai mis un été à temps plein pour les retranscrire, puis quatre mois à écrire le reste. Ça a donné un mémoire déjà assez volumineux que j’ai soutenu en 2005. En gros, l’ossature du bouquin actuel. Courant 2006, au cours d’une soirée à la Cinémathèque, Jean-François Rauger m’a annoncé l’organisation d’une Rétrospective Terence Fisher pour l’année suivante. C’était l’occasion rêvée pour être publié, et il me fallait donc saisir cette chance : j’ai commencé à retravailler le texte, à oublier le public des profs pour m’adresser à celui des cinéphiles, à y ajouter des entretiens que je n’avais pas pu faire à l’époque…. Lorsque la rétrospective a enfin eut lieu en juin-juillet 2007, Jean-François Rauger a eu l’amabilité de m’inviter à une table ronde Fisher en compagnie de Jean-Pierre Bouyxou et de Jean-Pierre Dionnet. Ça a été le déclic que j’attendais : Robert de Laroche qui était présent dans le public m’a présenté Alain Pozzuoli qui était directeur de collection aux éditions Scali et les choses se sont vite décidées. Un an après, Dans les griffes de la Hammer est sorti. Le livre a marché au-delà de mes espérances : en deux mois il s’est retrouvé épuisé ! Et puis là, coup de tonnerre : Scali a fait faillite. Du coup pas de réimpression, tout était à refaire... J’ai alors pris le parti de faire vivre le bouquin par d’autres moyens, en multipliant les conférences sur le sujet, et surtout en démarchant la presse le plus possible. J’avais récupéré pas mal d’exemplaires, je me suis donc transformé en attaché de presse de mon propre livre. Un an plus tard, en septembre 2009, j’ai rencontré Vincent Lowy, directeur de collection chez les Editions du Bord de l’eau, qui a immédiatement été emballé par l’idée de ressortir le livre dans une version augmentée, plus luxueuse et richement

147 illustrée. Ça a été à nouveau 6 mois de travail assez intense et Dans les griffes de la Hammer dans sa « nouvelle édition enrichie et augmentée » est sorti le 18 juin dernier.

Es-tu satisfait du travail effectué par les éditions du Bord de l’eau ? Cette nouvelle édition correspond-t- elle à tes attentes ?

Nicolas Stanzick : Pleinement ! Ça a été l’occasion d‘aller au bout de ce que j’avais en tête pour ce livre et le Bord de l’eau m’a vraiment soutenu dans cette démarche. Dès la première édition en 2008, je rêvais que Jimmy Sangster, le scénariste du Cauchemar de Dracula et de tant d’autres classiques, un homme cinéma mais également de plume donc, écrive la préface. Lorsque le projet de nouvelle édition augmentée est devenu concret en début d’année, je l’ai appelé un matin, et en trois minutes c’était réglé ! Dans tous nos échanges par la suite, j’ai pu constater qu’il agit comme il écrit ses films : il va droit à l’essentiel, sans fioriture ! [rires] Il m’a envoyé son texte par la poste, avec un timbre à l’effigie du Cauchemar, trois semaines seulement après nos premiers échanges. Son texte est non seulement riche, bourré d’anecdotes mais carrément surprenant de vivacité d’esprit et de mémoire. Il cite par exemple une interview vieille de 40 ans faite avec Jean-Pierre Bouyxou à l’époque du tournage des Horreurs de Frankenstein . Jean-Pierre n’en croyait pas ses oreilles lorsque je lui ai dit qu’il était nommément cité ! Et puis, il y a cet humour à froid typiquement anglais… Les Editions du Bord de l’eau et moi-même avons été tellement emballés par sa préface que nous avons choisi de la publier dans sa version traduite en français, mais également dans sa version originale anglaise. C’était vraiment une manière idéale d’introduire le bouquin. J’ai pu rajouter d’autre part quelques entretiens que je regrettais de ne pas avoir fait en 2008 : Jean-Pierre Bouyxou en faisait parti. Il est intarissable sur la Hammer et son parcours est absolument passionnant : il a été de toutes les aventures de la contre-culture, fantastique, BD, situationnisme, porno, attentats pâtissiers… Bernard Charnacé également, qui à 15 ans est devenu l’ami de Peter Cushing au cours d’une virée anglaise et a ainsi découvert sa vocation d’acteur : son témoignage est non seulement brillant, éloquent, mais généreux et authentiquement émouvant. J’ai pu également retravailler le texte principal : développer certains aspects, faire des ajouts, tenir compte parfois de remarques pertinentes qu’on avait pu me faire. Et puis il y a l’iconographie : non seulement on a pu placer des photos inédites (celle de la fameuse rencontre Johnny-Cushing : merci à mon ami le photographe Jean-Louis Rancurel qui me l’a passée !), mais les illustrations sont cette fois réellement abondantes : un cahier couleur de 24 pages, et 35 photos noir et blanc pleine page, en en tête de chapitre. Là-dessus, le Bord de l’eau a fait un formidable travail de maquette pour ce qui est de la mise en page, du choix des polices, du papier, du format (plus grand qu’en 2008). Non seulement le livre me parait plus simple à lire sous cette forme, mais il a vraiment gagné en densité et en standing.

Tu as choisi un angle très intéressant pour ton livre, car tu évoques comment les films de la Hammer ont été perçus et reçus en France. Qu'est-ce qui t'a intéressé dans ce thème et pourquoi n'avoir pas fait simplement un livre nous présentant la firme, son historique, ses films, ses réalisateurs...?

Nicolas Stanzick : En France, il n’y avait pas de livre sur la Hammer alors qu’en Grande-Bretagne et aux USA, des dizaines avaient été écrits. Je voulais donc à la fois combler un manque et amener du neuf par rapport à ce qui avait déjà été écrit: plutôt que de raconter pour la énième fois l’histoire des conditions de production des films, l’histoire interne du studio, j’ai donc opté pour une histoire de la Hammer qui restituerait l’impact culturel de ces films dans leur temps, en me focalisant sur les regards, positifs ou négatifs, qui se sont portés sur eux. Je voulais suivre les traces de leur réception par le grand public, dans la presse, dans les revues cinéphiles, retrouver l’odeur des salles de quartier qui les diffusaient, recueillir les témoignages des pionniers qui surent déceler avant tout le monde la beauté de ces films littéralement démolis par la critique de l’époque : cinéphiles, fondateurs de revues, militants de la contre-culture… C’était une façon de faire entrer de plein pied la Hammer dans l’histoire culturelle générale des années 60 et 70. Or choisir la réception française pour ce studio si éminemment britannique n’était pas si paradoxal que ça. Loin de là ! Ici c’est avec la Hammer que la très grande majorité des français a fait la connaissance

148 de Dracula, Frankenstein, la Momie ou le Loup-garou. C’est avec ces films qu’on s’est posé la question du genre. Mieux : c’est avec la Hammer pour emblème que les amateurs d’un cinéma du sexe et du sang dans le sillage de la revue Midi-Minuit Fantastique ont enfin revendiqué ouvertement leur gout, créant ainsi une véritable bataille d’Hernani annonciatrice des bouleversements de mai 68… Bref, non seulement je tenais là une histoire inédite et passionnante, celle d’un apprentissage difficile du fantastique en terres cartésiennes, mais c’était aussi le moyen de faire affleurer la vérité intime de tout ce pan de cinéma.

La France et le cinéma fantastique n'ont jamais fait très bon ménage, on le voit encore aujourd'hui. Pourquoi à ton avis ? Les français sont-ils trop cartésiens pour apprécier l'univers fantastique ?

Nicolas Stanzick : En effet c’est un vrai problème ! C’est d’ailleurs la question sous-jacente de tout l’ouvrage : pourquoi cette étrange relation qui unit la France et le fantastique ? Pourquoi le genre a-t-il été aussi longtemps diabolisé, alors même que c’est ici que fut inventé le cinéma fantastique avec les féeries macabres de Méliès ? Pourquoi l’avènement d’une cinéphilie fantastique n’a-t-il eu lieu que sur le tard, avec la Hammer, alors que des épisodes aussi marquants que le surréalisme, Cocteau, ou les films fantastiques de l’occupation auraient pu jouer un rôle similaire bien plus tôt ? Pourquoi peine-t-on à avoir un genre fantastique français ? Le cartésianisme français est un élément de réponse parmi d’autres, car les choses sont en fait plus complexes. Je crois qu’il y a toujours eu, dans notre pays, cette idée que l’auteur était plus important que le genre. Or on a longtemps pensé que le genre fantastique, précisément, était incapable de fournir des auteurs : ses codes étaient considérés comme trop contraignants pour laisser la moindre sensibilité d’auteur s’exprimer. L’arrivée tonitruante de la Hammer a donc été l’occasion pour la critique et le public de se saisir de cette notion de genre, avec d’un côté la jeune cinéphilie fantastique emmenée par Midi-Minuit Fantastique et de l’autre un large front commun qui condamnait violemment ce « ce cinéma qui allait créer des générations de détraqués et de pervers », dixit Télérama ! Les premiers ont crée une communauté de regard autour de ces films en sublimant la transgression esthétique que constituait le subtil alliage de sexe et de sang propre à la Hammer. Ils défendaient cette vision des choses dans des textes d’une redoutable intelligence subversive, souvent héritée d’une tradition surréaliste érotomane, anti-bourgeoise, athée et anarchisante. Ce n’est vraiment pas un hasard si la production Hammer leur a servi d’emblème. Ces films prenaient un malin plaisir à mettre en scène des monstres qui mettaient à mal les valeurs de la société victorienne, valeurs qui pour une part étaient toujours d’actualité avant 1968. Le monstre hammerien est une figure du mal du point de vue bourgeois et se révèle être en contrepartie une entité libératrice, émancipatrice. Mais il est également une figure maléfique à un niveau plus universel, et c’est là toute la richesse dialectique des productions Hammer : le drame de Frankenstein ou Dracula, c’est leur volonté de puissance qui les conduit au meurtre, à l’autodestruction, à la tragédie… Subversifs, audacieux, ces films n’en relevaient pas moins d’une longue tradition populaire. Et d’ailleurs la jeune cinéphilie fantastique française, toute intellectualisée et libertaire qu’elle ait pu être revendiquait très clairement son ancrage dans la culture populaire : celle de la rue, du cinéma de quartier, des boulevards… En face, la presse catholique condamnait tout cela au nom d’une atteinte à la foi : faire de Dracula un héros, hors de question ! La presse communiste elle, accusait le cinéma d’horreur de détourner de l’horreur politique réelle du monde. Et la cinéphilie classique se cachait derrière des alibis intellectuels pour masquer ce qui en fait était une vraie gêne face au genre : d’où la création d’une étonnante catégorisation avec l’émergence de la Hammer, celle des « films infantiles pour adulte »… Bref, c’est avec la Hammer qu’on s’est initié ici, non seulement aux grands mythes que sont Dracula Frankenstein et consorts, mais au genre en tant que tel. Pour autant, comme cette initiation s’est faite sous la forme d’une contre-culture, on est toujours un peu dans cet héritage intellectuel aujourd’hui. Certes, le fantastique est beaucoup plus admis que par le passé et il triomphe au box-office. Mais il y a toujours ce même plaisir à hurler contre « ces salauds de Télérama » chez les bissophiles et il y a toujours ce complexe – ce péché d’orgueil ou cette audace, c’est selon – chez les frenchies qui s’essaient au genre : faire LE film qui enfin imposerait le fantastique ici. C’est une manière de maintenir la mythologie de la citadelle assiégée, de l’inscrire dans l’ADN de la cinéphilie fantastique française. Et tant mieux d’ailleurs : pour une cinéphilie qui

149 se nourrit avant tout de mythologies, malgré le relativisme culturel ambiant, c’est peut-être le signe d’une vraie vivacité.

Parmi tous les intervenants présents dans la seconde partie de ton ouvrage, pas de Jean-Pierre Putters. Ca m'a étonné. Tu n'as pas eu l'occasion de le rencontrer ou il ne correspondait pas à ce que tu voulais transmettre dans ton livre ?

Nicolas Stanzick : Jean-Pierre Putters aurait eu tout à fait sa place dans le livre, c’est évident. C’est une figure incontournable de la cinéphilie fantastique française, et les premières années de Mad Movies , à l’époque où ce n’était encore qu’un fanzine, ont fait la part belle à la Hammer. En fait la raison de son absence dans le livre est toute bête : nous ne nous sommes rencontrés que très récemment, il y a quelques semaines. Et nous avons sympathisés depuis, puisque j’ai fait ma première signature pour la nouvelle édition le 26 juin dernier dans sa mythique librairie Movies 2000. On peut d’ailleurs consulter une petite vidéo de l’évènement à cette adresse : http://vimeo.com/12998272 Pour être tout à fait honnête, il y a d’autres personnes dont le témoignage aurait tout à fait trouvé sa place dans le livre : Jean-Pierre Dionnet, Alain Venisse, Alain Petit, Jean-Claude Michel, Christophe Gans… Et un nom en appelle toujours un autre. En fait, c’est sans fin : avec 12 entretiens réalisés de plus de 2h chacun, et un pavé de 500 pages en main, il fallait bien que je me fixe une limite un moment donné... Cela dit, je suis en train de songer à une adaptation documentaire du livre : ce sera j’espère l’occasion d’ajouter tous ces noms prestigieux.

Quel a été la réaction des intervenants quand tu leur as soumis ton idée de faire ce livre et de vouloir recueillir leur témoignage ?

Nicolas Stanzick : Je crois qu’ils étaient à la fois surpris et flattés. Ils ont tous immédiatement accepté et se sont prêtés au jeu avec une grande sincérité. Personnellement, cette série d’entretiens a été pour moi le moment le plus enrichissant de toute cette aventure. Au-delà de la mine d’anecdotes édifiantes, d’analyses pertinentes, de témoignages primordiaux, de points de vue complémentaires ou totalement divergents recueillis, ça a d’abord de vraies rencontres, des moments souvent très émouvants. J’étais en quelque sorte face aux héros d’une fabuleuse histoire : ils sont les grands aînés fondateurs de la cinéphilie fantastique française, et immanquablement ils m’ont souvent parlé de cette époque de leur vie avec une nostalgie communicative. Même si certains d’entre eux sont passés à autre chose depuis, l’émergence de cette cinéphilie reste un moment privilégié de leur parcours. Quand on discute avec Michel Caen par exemple, le fondateur de la revue Midi-Minuit Fantastique , on se rend compte que c’est quelque chose qui le travaille très fortement émotionnellement, encore aujourd’hui et je le comprends bien volontiers : il a connu de vrais succès financiers en fondant depuis des revues comme Zoom ou Vidéo News , mais la reconnaissance du fantastique en France, c’était rien de moins que le combat de ses 20 ans.

As-tu rencontré Christopher Lee ou d'autres personnalités qui ont fait la Hammer ?

Nicolas Stanzick : J’ai rencontré Christopher Lee alors que j’étais encore étudiant, au cours d’une émission sur France Inter. Je venais tout juste de finir la première mouture de mon texte – la version universitaire – et j’ai profité d’une pause due au journal de midi pour me précipiter à sa rencontre et lui offrir. En voyant la photo de la couverture de l’époque, une photo d’Oliver Reed et Yvonne Romain dans La Nuit du loup- garou , il m’a regardé et m’a dit dans un français parfait « Vous savez, c’est très ancien tout ça… » Comme si son public pouvait l’ignorer ! [rires] J’ai juste eu le temps de lui répondre qu’il s’agissait de recherches historiques faites à la Sorbonne puis j’ai dû revenir à ma place. Je ne suis pas sûr qu’il ait immédiatement compris de quoi il s’agissait. Je crois qu’il a pris le manuscrit pour un scénario… Quelques minutes plus tard, pendant une pause musicale, la lumière du studio s’est tamisée, de telle sorte que qu’on ne distinguait plus Lee que par sa grande silhouette noire à la fois reconnaissable entre mille, irréelle et menaçante. Pendant que le chanteur du jour s’égosillait à côté, il était là, impassible, à feuilleter sous mes yeux mon texte… Petit moment hammerien magique ! Depuis je lui ai envoyé la première édition de Dans

150 les griffes de la Hammer et ne vais pas tarder à faire de même avec la nouvelle. Il m’a très gentiment donné quelques contacts au sein de la Hammer actuelle pour me remercier. J’ai rencontré également Caroline Munro en 2008 au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, manifestation à laquelle nous étions tous les deux invités. Elle est tout simplement adorable ! C’était un vrai privilège de pouvoir se balader avec elle un après-midi entier dans les rues de Strasbourg, à discuter à bâtons rompus. Elle est intarissable sur ses débuts – elle s’est retrouvée figurante avec un certain David Bowie dans Smoke over London en 1966 ! – mais aussi sur la Hammer. Une anecdote amusante qu’elle m’a racontée : après avoir tournée la fameuse scène de Dracula 73 où Alucard l’asperge de son sang, elle a du quitté le studio très rapidement, sans avoir le temps de se démaquiller pour filer à une soirée où elle était attendue. Sur le chemin, elle est tombée sur des flics qui ont failli tourner de l’œil en la voyant !... [rires] Par la suite au cours de ce même festival, nous avons été les invités d’une table ronde consacrée à la Hammer. Là aussi ça a été un moment assez magique.

Tu as un nouveau projet de livre en préparation ?

Nicolas Stanzick : Maintenant que « les Griffes » est à nouveau disponible, je peux enfin passer à autre chose. Depuis quelques temps, j’ai deux projets en tête que j’ai l’intention de lancer assez rapidement : l’un concerne Roger Corman, l’autre les Rolling Stones. Mais là aussi, je veux aller à la source et multiplier les entretiens : ça suppose donc quelques petits voyages à Los Angeles, en Angleterre etc. Un nouveau challenge très excitant…

Warner ou Seven Sept ont édité de nombreux films de la Hammer en dvd en France (pas toujours dans des conditions optimums, notamment au niveau du cadrage mais bon...), est-ce pour toi une sorte de victoire pour la firme dans notre beau pays ? Penses-tu que la nouvelle génération abreuvée de films hardcore aura envie de découvrir ces "vieux" films ?

Nicolas Stanzick : Non seulement, c’est une victoire, mais celle-ci dépasse le cadre de l’édition DVD. Il y a trois ans a eu lieu la plus importante rétrospective jamais consacrée à Terence Fisher à la Cinémathèque française . Quand on se souvient des salles où passaient ces films à l’origine – les désargentés Brady et Colorados ou se côtoyaient fantasticophiles militants, clochards, travailleurs immigrés, flâneurs des boulevards, étudiants solitaires, prostituées à la petites semaine et toute une faune marginale des plus curieuses – le choc est rude en comparaison : une prestigieuse salle postmoderne sur les quais de Bercy ! Voilà un signe évident de légitimation. Et si l’on regarde la province, il y a tous les ans des petites rétrospectives ou soirées Hammer : Amiens, Strasbourg, Dijon, Poitiers, et bientôt la Cinémathèque corse. Bref, le culte est toujours aussi fort, mais cette fois il se nourrit de sa reconnaissance unilatérale, même s’il y aura toujours des esprits étroits ou de peu de culture pour trouver ce cinéma « kitsch », « rigolo » ou « nanardesque »… Quant à la jeune génération, je le constate tous les jours, elle va sans problème au-delà de l’aspect en apparence désuet de la Hammer. De toute évidence, c’est un cinéma marqué dans le temps, un cinéma qui ne se fait plus du tout, et l’horreur graphique qui a envahi les écrans par la suite a diminué mécaniquement la virulence originelle des films. Néanmoins, la Hammer a été beaucoup plus qu’un nouveau palier dans le gore et l’érotisme. Ça a été un travail fondamental sur les grands mythes du cinéma fantastique, et c’est fort de cet acquis que le genre a pu s’aventurer depuis dans de nouvelles directions. Autrement dit ce sont d’authentiques classiques. Or il est toujours nécessaire à un moment ou à un autre de revenir vers les classiques. C’est tout simplement ce que font les jeunes cinéphiles aujourd’hui, souvent avec beaucoup de plaisir : la fascination pour Dracula, Frankenstein et les monstres en général n’a pas disparu, bien au contraire, et la poésie de ce cinéma est peut-être encore plus évidente aujourd’hui qu’à l’époque où il était un objet de scandale. Ce qui n’empêche pas d’aimer en même temps le fantastique ou le gore actuel. Enfin, même si cette économie de studio propre à la Hammer, avec budgets de série B, avec des stars récurrentes et une logique de franchises a disparu – c’est néanmoins un cinéma qui continue de vivre aujourd’hui à travers d’autres. Tim Burton par exemple, a amené tout un public à découvrir la Hammer en nous offrant Sleepy Hollow et Sweeny Tod , qui fixaient en quelque sorte sur pellicule le

151 souvenir des émotions enfantines du cinéaste face à la découverte des classiques du studio. George Lucas ou Peter Jackson ont fait de même, non seulement en employant de manière très référentielle Christopher Lee, mais en offrant un travail sur les mythes finalement dans l’héritage de Terence Fisher. Et plus globalement, toute une génération de cinéastes a grandi devant les films de la Hammer et prolonge aujourd’hui certains de ses apports fondamentaux. Quelqu’un comme Scorsese, dont on ne peut pas dire qu’il œuvre dans le gothique, se révèle très souvent éminemment fisherien dès qu’il filme le sang… Autant de choses qui permettent aux cinéphiles actuels de remonter à la « matrice Hammer », d’en saisir toute la beauté, toute la modernité.

Si tu devais résumer la Hammer en quelques mots, que dirais-tu ?

Nicolas Stanzick : Un subtil cocktail de sexe et de sang, avec une bonne dose de flegme britannique, d’humour macabre, le tout sur fond d’horreur gothique technicolor…

Propos recueillis par Stéphane Erbisti

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L’ECRAN FANTASTIQUE – septembre 2010

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LES DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE – 5 septembre 2010

http://sitemap.dna.fr/articles/201009/05/hammer-films-la-bible,culture-et-loisirs,000002244.php

Hammer Films, la bible A la veille de l'ouverture à Strasbourg du Festival européen du film fantastique (ce sera du 14 au 19 septembre, on y revient la semaine prochaine), à noter la sortie en librairie d'une édition « enrichie et augmentée » de Dans les griffes de la Hammer de Nicolas Stanzick, qui en est un habitué et qu'on pourra d'ailleurs croiser lors de la prochaine édition.

En presque 500 pages bien serrées, il s'agit du premier ouvrage en français consacré à la légendaire maison Hammer, qui fut dans les années 60 le très britannique berceau du revival européen de l'horreur cinématographique traditionnelle - au même moment, le fantastique italien déployait ses fastes autour de Mario Bava et quelques autres.

L'auteur retrace les événements qui entourèrent les sorties, à partir de 1957, de Frankenstein s'est échappé , de La Nuit du loup-garou ou de Dracula, prince des ténèbres , et l'étonnante bataille d'Hernani qui s'ensuivit au sein des milieux cinéphiliques français. Arc-bouté sur quelques passionnants entretiens fleuves des acteurs de l'époque (Michel Caen, Jean-Claude Romer, Noël Simsolo, Jean-Pierre Bouyxou, parmi d'autres), centré sur une étude circonstanciée qui évoque successivement « le droit à l'horreur » (la période 57/62), l'émergence des cinéphilies nouvelles (avec l'émergence de la salle et de la revue Midi-Minuit), le culte qui en fut la conséquence immédiate, enfin la « normalisation critique » de la fin des années 60 et la fin des studios.

Jérôme Mallien « Dans les griffes de la Hammer » de Nicolas Stanzick, aux éditions Le Bord de l'eau.

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LES VISIONS DE LA GORGONE – Septembre 2010 http://www.lesfilmsdelagorgone.fr/webzine/gorgonehs1.pdf

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1000CINELIVRES.CENTERBLOG – 8 septembre 2010 http://1000cinelivres.centerblog.net/78-1000cinelivres-75-dans-les-griffes-de-la-hammer-de-nicolas-stanzik-le-bord-de-l-eau- editions-2010-

DANS LES GRIFFES DE LA HAMMER de Nicolas Stanzick Le bord de l’eau éditions 2010

Rappelons que ce sont les seules griffes dans lesquels nous sentions bien tant sans le savoir, elles nous motivaient répondaient à nos peurs viscérales, à nos phantasmes par sa dimension érotique fortement avancée à notre instinct par sa violence permettant ainsi par un déferlement d’images attirantes de canaliser nos peurs et nos envies.

Ce cinéma fut il de par là un cinéma subversif se demande l’auteur, ses salles de projection par leur localisation sont assez parlantes, loin des circuits traditionnels et familiaux pour d’autres lieux que la morale réprouve soit des quartiers plus populaires (1)

Ce cinéma là montré du doigt comme auparavant la Science Fiction (2) va éclore grâce à cette firme que Nicolas Stanzick nous présente avec une magnifique préface de Jimmy Sangster scénariste de renom (3), firme née en 1935 qui s’ouvrit pour notre plus grand bonheur au cinéma fantastique à là fin des années 50. Il se demande qu’elle peut être l’horreur dans toute sa splendeur dégagé dans ses œuvres obscures, baroques à souhait qui nous firent connaitre Peter Cushing et Christopher Lee acteurs marginaux que les plus grands réclameront plus tard (4)et en quoi ces dernières révolutionnèrent le genre , instituèrent des clans emportèrent des torrents de passions et ce contestations jusqu’à passer pour un cinéma avilissant mettant dos à dos esthéticiens du septième art et ciné phages sur fond de métamorphose socio culturelle via la nouvelle vague et mai 68.

Ce cinéma anglo saxon nous explique son auteur - qui récapitule sa production , cite tous les articles et tous les critiques la –que la Hammer a inspiré la créations de revues inoubliables en France et marqué moult esprit qui ici interviennent lors de longs entretiens (200 pages ) de Michaël Caen ( co-fondateur de la 156 revue de cinéma « Midi minuit fantastique en 1962 ) à Jean François Rauger en passant par Gérard Lenne, Jean Pierre Bouyxou, Noel Simsolo (l’un des plus forts analystes du cinéma) Alain Schlockoff ( créateur de la plus belle revue du genre « L’écran fantastique ») Gérard Lenne (auteur de Histoires du cinéma fantastique, Seghers, 1989 ; Cela s'appelle l'Horror, Librairie Séguier, 1990). Il souligne que ce genre rejeté méritait honneurs après avoir connu la gloire (La cinémathèque avait organisé un hommage à Terence Fisher le plus grand auteur du genre à la Hammer)

(1) Certains de ces cinémas se trouvaient aux alentours de Strasbourg Saint Denis et Pigalle ((Midi minuit – Scarlett) (2) Deux genres que l’on célèbre de nos jours (3) Frankenstein s'est échappé (The Curse of Frankenstein) 1957 de Terence FisherLa Revanche de Frankenstein (The Revenge of Frankenstein) 1958 de Terence Fisher Le Cauchemar de Dracula (Horror of Dracula) 1958 de Terence Fisher La Malédiction des pharaons (The Mummy) 1959 de Terence Fisher Les Maîtresses de Dracula () 1960 de Terence Fisher (4) De Spielberg à Lucas en passant par Tim Burton et Peter Jackson

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LA QUINZAINE LITTERAIRE – 15 septembre 2010

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RANATOAD.BLOGSPOT.COM – 16 SEPTEMBRE 2010 http://ranatoad.blogspot.com/2010/09/dans-les-griffes-de-la-hammer_16.html

Dans les griffes de la Hammer

Voici la version revue et augmentée de cet essai publié il y a deux ans aux défuntes Éditions Scali.

Nicolas Stanzick prend le parti non de faire une chronologie historique du fameux studio avec biographies des acteurs et réalisateurs principaux et affiches des titres phares (pour cela je conseille Hammer, House of horror de Howard Maxford que l'on peut encore trouver d'occasion en cherchant bien, sinon il se prête très bien si on me le demander gentiment) mais plutôt d'analyser, grâce à des témoignages passionnants, la réception d'un style nouveau à l'époque.

Grâce aux interviews de cinéastes, critiques, créateurs de fanzines et acteurs il retrace la fondation de la revue Midi-Minuit , l'inauguration du cinéma du même nom, qui se situait dans la veille salle de cinéma de la cinémathèque en face du grand Rex. Les rôles des salles spécialisées comme le Styx et le Bradysont sont aussi évoqués comme la réception des films de Terence Fisher, adoré des aficionados et trainés dans la boue par la revue Télérama pour ne citer qu'elle, qui leur opposait des films plus "respectables" comme les premiers Polanski et Incubus, plus films d'auteurs (et qui ont plus tard retourné leur veste). La naissance de la presse spécialisée avec l' Ecran fantastique et Mad Movies et les premières conventions les critiques commencent à comprendre les intérêts stylistiques et thématiques de la firme anglaise sont particulièrement mise en avant.

L'auteur montre très bien, à travers la multiplicité des points de vue, le mal que nous avons à nous représenter à quel point les films proposés par la firme était subversifs par rapport aux critères de la censure et des interdits sociaux de l'époque alors que nous avons parfois le sentiment que des films comme Hostel ou les Saw sont devenus banales, ou pire, la norme de nos jours.

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Un cahier central en couleurs reprend des photos des titres les plus connus ainsi que des affiches d'époque, des couvertures de la presse spécialisées et des photos de rencontres avec Peter Cushing, Paul Naschy ou Christopher Lee.

Les annexes aussi sont passionnantes: au programme "diffusion française du cycle gothique de la Hammer"de 1957 à 1987, diffusion en festival, box-office 1957 à 2000 et filmographie et bibliographie (revues, fanzines, livres, et sites webs).

En conclusion il s'agit d'un essai autant destiné aux fans hardcore du studio, qui retrouveront des interviews d'intervenants essentiels pour la diffusion du cinéma fantastique, qu'à ceux qui souhaiterons découvrir et comprendre l'atmosphère critique de l'époque!

Taly Lefèvre

Nicolas Stanzick, éditions Le Bord de l'eau, collection "ciné-Mythologies", mai 2010.

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STALKER DISSECTION DU CADAVRE DE LA LITTERATURE – 24 septembre 2010 http://stalker.hautetfort.com/archive/2010/09/23/dans-les-griffes-de-la-hammer-nicolas-stanzick-francis-moury.html

À propos de Nicolas Stanzick, Dans les griffes de la Hammer – La France livrée au cinéma d’épouvante (1957-2007) (seconde édition revue, corrigée et augmentée, Éditions Le Bord de l'eau , 2010).

NB : par souci bibliographique et historique, nous avons pratiquement conservé la dichotomie entre notre première critique de l’édition originale et notre seconde critique sur la nouvelle édition. La partie écrite en 2008 à l’occasion de sa première édition n’a été modifiée que sur quelques détails de forme, pas sur le fond qui demeure globalement valable, à l’exception du paragraphe contenant nos critiques des coquilles, lacunes ou erreurs qui ont été à présent corrigées dans la nouvelle édition, à l’exception aussi des remarques matérielles sur la première édition, modifiées depuis.

Critique de l’édition originale parue en 2008

Nous avons achevé les 470 pages que compte ce mémoire universitaire méthodiquement transformé et augmenté, durant quatre ans, en un authentique livre d’histoire du cinéma. À tel point qu’il compte aujourd’hui en annexe dix entretiens fleuves – dont un avec votre serviteur – constituant à eux tous la moité du volume. Et sans oublier une bibliographie supérieure à tout ce qui existait en langue française ainsi que des tableaux de box-office historique indispensables à connaître, des notes très précises, et enfin des illustrations N.&B. soigneusement choisies, dont certaines sont fondamentales pour la remise en situation hic et nunc de la Hammer Films. 161

Stanzick souhaitait un cahier central en couleurs : il ne l’a pas obtenu de son éditeur. Mais pouvoir contempler une photo du cinéma Colorado du Boulevard de Clichy ou la fameuse photo du cinéma Midi- Minuit la semaine de l’exclusivité du Cauchemar de Dracula avec la queue des spectateurs du Boulevard Bonne Nouvelle, vaut bien qu’on se passe de la couleur ! Si certains lecteurs veulent contempler les couleurs originales de la célèbre et magnifique photo de plateau de Christopher Lee en créature dans The Curse of Frankenstein [Frankenstein s’est échappé ] de Terence Fisher qui ouvre ouvre le chapitre 1 de notre livre, ils pourront toujours tenter de se procurer le numéro «spécial Hammer» paru en 1996 des «Archives Nostalgia» d’Occafilm, préfacé par Ronald V. Borst, illustré par les magnifiques archives de Lucas Balbo. Nous avons pu mettre la main dessus, pour un prix dérisoire, à l’occasion de la triste vente Dionnet l’année dernière : curieux hasard ou clin d’œil du destin, de la Némésis grecque qui veille jalousement au sort des mortels. Bref… Et si ces mêmes lecteurs veulent, en outre, contempler en couleurs les belles couvertures de la revue Midi-Minuit Fantastique qui ouvrent le chapitre contenant l’entretien avec Romer, ils ne leur restera plus qu’à se ruer dans la boutique de Norbert Moutier (lui aussi faisant partie des «entretenus», d’ailleurs) qui pourra peut-être leur en vendre un, ou bien à se rendre chez Cinédoc où nous avions complété en son temps notre propre collection ! Au demeurant, certaines images (celle de Caen et Lee prise sous l’entrée du cinéma) proviennent directement de la revue Midi-Minuit Fantastique (MMF ) difficilement trouvable aujourd’hui. Et qu’il n’oublie surtout pas d’acheter les Creepy , Eery et Vampirella qu’il y trouvera s’ils couvrent les années 1970-1975 : il s’y retrouvera davantage encore ! Le livre de Stanzick donne envie au lecteur de faire tout cela – sans parler de l’envie de revoir les films Hammer cités tout du long de son voyage au centre de la mémoire : cela va sans dire et Seven Sept va probablement devoir ressortir des DVD de sa collection Hammer parue en 2005 – nous en sommes certain, et c’est un de ses grands mérites. Il est animé d’une flamme élaborée et réfléchie, claire et distincte sans pour autant qu’aucune obscurité ni aucune ambivalence ne soient négligées. Elle est communicative. Elle s’intéresse d’ailleurs à la manière dont la Hammer fut «communiquée» et reçue en France durant 50 ans. René Prédal avait déjà ébauché ce genre de recherches en s’attachant à l’histoire de Midi-Minuit Fantastique d’une part, à l’histoire de la réception par la presse française des films de Fisher d’autre part. Mais l’ambition de Stanzick dépasse ce simple support : Stanzick a visé et, souvent – pas toujours car la réalité reconstruite ne peut pas valoir la réalité vécue : ni l’information, si précise soit-elle, ni l’interprétation si intelligente soit-elle aussi, ne peuvent parfois compenser le temps passé : le mouvement global est en revanche très correctement restitué – réussi à peindre, en la reconstruisant précisément dans son ordre chronologique, la réception affective, sociale, intellectuelle, esthétique du cinéma d’horreur et d’épouvante par les différents publics de la Hammer en France. Ce n’est pas rien et ce livre est une date dans l’historiographie du cinéma, équivalente en importance à celle de la rétrospective Terence Fisher à la Cinémathèque Française en 2007, au sujet de laquelle nous renvoyons le lecteur à notre article paru ici même l’année dernière.

Stanzick n’a certes pas vécu la première moité de la période dont il parle puisqu’il est né en 1978. Son travail est donc équivalent, du point de vue méthodologique, à celui de Georges Sadoul lorsque ce dernier traitait du cinéma muet. Comme le fondateur de l’histoire française du cinéma, Stanzick a établi scrupuleusement les différents types de sources (orales, filmiques, papier, etc.) auxquelles il a demandé l’information sur ce passé fabuleux. Il a rencontré trois, voire presque quatre générations de témoins vivants et d’acteurs directement impliqués, à un titre ou à un autre, dans le passage de relais du «témoin» Hammer films en France. Il a compulsé les livres et revues parues en France de 1957 à nos jours sur le sujet et il les a compulsés très soigneusement. Il n’a pas tout compulsé, bien entendu et nous avons relevé avec un sadique plaisir (nuancé de mélancolie : notre savoir est aussi la rançon de notre âge) quelques lacunes. En revanche, il nous semble que telle quelle, cette bibliographie est la plus complète jamais parue en France sur la Hammer, jusqu’à une seconde édition qui l’enrichira encore peut-être. Car il manque quelques numéros de l’importante revue Écran , par exemple : ainsi le n ° 37 de 1975, pp.17-22 et 68-69 n’est pas cité alors qu’il contient à la fois une savoureuse critique de la version «caviardée hard» de La Nuit de la grande chaleur de Fisher et un ample article assez étonnant de Gérard Lenne sur «Le Fantastique hors du ghetto» comprenant une sorte de révision mélancolique de certains Hammer comme Le

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Cauchemar de Dracula ou Le Redoutable Homme des neiges de l’Himalaya , à l’occasion de la rétrospective Hammer de la Convention du cinéma fantastique qui se tenait cette année-là au Palais des Congrès. Révision à laquelle, nous le disons à Lenne s’il nous lit, nous ne souscrivions pas lors de ladite et à laquelle nous ne souscrivons toujours pas : y souscrit-il aujourd’hui lui-même, s’il relit ces lignes ? Nous sommes certains que non, lorsque nous écoutons son commentaire passionné de l’art de Vincent Price dans le DVD Bach Film de la collection Serial Polar, en supplément à l’intéressant et très rare Shock d’Alfred Werker avec Price.

Avouons-le de prime abord : nous avons commencé par dévorer les dix entretiens et n’avons lu qu’ensuite la première partie historique. Autrement dit, nous avons lu le livre à l’envers ! Non seulement parce que nous voulions relire notre propre entretien au plus vite – son intégrité est intacte et parfaitement retranscrite : nous précisons qu’il conclut en quelque sorte le livre, par un choix qu’il appartiendra au lecteur d’apprécier, ou par le hasard de la chronologie puisqu’aussi bien le nôtre est le seul effectué en 2007 alors que tous les autres furent effectués en 2004 – mais encore et surtout parce que nous voulions ensuite dévorer ceux des 9 autres afin de comparer leurs souvenirs et leurs positions aux nôtres ! Commençons par dire un mot de ceux avec Michel Caen (né en 1942) et Jean-Claude Romer (né en 1933), qui furent les fondateurs – avec Alain Le Bris toujours resté dans l’ombre depuis, et sous le patronage spirituel nécessaire du grand Jean Boullet (1921-1970) – de la revue Midi-Minuit Fantastique , la revue qui détermina l’avènement d’une authentique cinéphilie fantastique française au début des années 1960. Romer s’était récemment expliqué sur cette période dans un entretien clair publié sur Devildead.com et n’ajoute pas grand chose à ce qu’on a pu lire. Caen en revanche précise bien des points, et l’entretien vaut d’être lu car il s’exprime rarement à présent sur cette période. Il est d’une grande lucidité et s’avère parfois très étonnant.

Noël Simsolo et Jacques Zimmer étaient des critiques généralistes. On lit leur commentaires rétrospectifs sur cette période avec un intérêt réel lorsqu’ils apportent des précisions ou des anecdotes historiquement positives mais on aurait préféré, on le dit franchement, avoir un entretien avec des témoins de la même génération, comme Jean-Pierre Bouyxou ou Paul-Hervé Mathis, à la place de ces deux-là. On aurait préféré, disons-nous, car même si Zimmer a effectivement ouvert les colonnes de La Revue du cinéma – Image et Son et de la Saison cinématographique à quelqu’un du calibre de Jean-Marie Sabatier, ladite Revue et ladite Saison crachèrent pendant très longtemps sur le genre et sur ses cinéastes. À commencer par Zimmer lui-même qui crachait sur Les Vierges de Satan allègrement dans la Saison 1970 et qui laissait paraître dans la même les critiques les plus ignobles jamais écrites sur Le Retour de Frankenstein et Les Deux visages du Dr. Jekyll . Simsolo clame admirer Fisher depuis toujours : c’est vrai. Le problème c’est que le reste des cinéastes Hammer ne trouve pas souvent grâce à ses yeux et qu’il a une assez forte tendance à en dire du mal à la même époque : on a lu dans cette même Saison sous sa plume au tournant des années 1970 des critiques parfaitement méprisantes de films fantastiques remarquables, strictement contemporains de ceux de la Hammer, comme le très beau The Oblong Box [Le Cercueil vivant ] de Gordon Hessler ou appartenant à la Hammer comme le passionnant Les Cicatrices de Dracula de Roy Ward Baker. Leur ralliement un peu trop appuyé aujourd’hui à la cause Hammer n’arrive pas tout à fait à nous convaincre, c’est le moins qu’on puisse dire.

Ensuite Gérard Lenne qui a publié d’abord le beau Le cinéma fantastique et ses mythologies qui demeure l’un des grands livres sur le genre au tournant en 1970, publié chez les Dominicains des Éditions du Cerf : sa réédition de 1985 chez Henri Veyrier, supérieure à l’original à tous points de vue – absence d’ index nomini mise à part : on aurait aimé que le livre de Stanzick en disposât aussi, soit dit en passant – renie heureusement son vocabulaire et son raisonnement structuraliste initiaux, mais conserve la flamme amoureuse initiale.

Moutier et Schlokoff complètent les deux premières générations de cinéphiles : l’un est créateur d’un fanzine qui fut l’émule de celui de Pierre Charles, l’autre le créateur de la Convention du cinéma fantastique. Ils ont été au cœur des choses, et l’entretien avec Schlokoff précise bien des points essentiels.

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Celui de Moutier offre par sa sincérité un aspect «brut de décoffrage» qui réjouira les tenants du premier degré.

Christophe Lemaire et Jean-François Rauger sont nés la même année que nous ! Nous appartenons bien à la troisième génération, non pas de terroristes comme dans le médiocre film de R.W. Fassbinder, mais de hammeriens. Lemaire est un peu une contrepartie ironique de Moutier puisqu’il est un critique qui se veut d’abord témoin, rapporteur factuel et surtout pas critique, tandis que Rauger est une profonde contrepartie analytique de Schlokoff, si on veut filer la métaphore des parallélismes d’attitudes d’une génération à l’autre. Ils se répondent et se complètent bien, de ce point de vue. Est-ce que les trois de 1960 font la paire ? On vous laisse répondre. Quant à notre propre entretien, «Francis Moury par lui- même» n’étant pas encore au programme de la collection «Microcosme», section «Écrivains de toujours» des Éditions du Seuil, un commentaire par nous-même de notre propre entretien n’aura pas lieu : nous devons en laisser le soin aux lecteurs.

Abordons à présent la première partie historique du livre.

Commençons par quelques critiques, et relevés d’erreurs : le négatif vient toujours d’abord. Outre d’assez nombreuses coquilles, il y a quelques erreurs, même si assez peu sur l’ensemble qui est globalement très sérieux. Page 39, ce n’est pas Tony Faivre qui a traduit Dracula de Bram Stoker aux éditions Gérard & Cie (collection Marabout, Bibliothèque fantastique) mais bien Lucienne Molitor. Faivre avait rédigé une importante introduction à cette traduction. Quant aux Éditions Gérard & Cie, elles furent domiciliées à Verviers en Belgique, mais Verviers est une ville, pas un éditeur ! Page 409 nous confirmons que le titre français exact d’exploitation du film de Guest est Le Redoutable homme des neiges de l’Himalaya et non pas L’Abominable homme des neiges . Page 440, le titre exact du livre de Michel Laclos paru en 1958, est Le Fantastique au cinéma et non pas Le Cinéma fantastique . Enfin, last but not least , je ne suis le concepteur éditorial du Catalogue annuel de L’Étrange Festival que pour les années 2003, 2004, 2005 et 2006 mais ceux des années antérieures et postérieures n’ont pas été rédigées par moi-même. Sur le fond, il y a matière à quelques critiques.

Il nous semble ainsi que la distinction entre les deux périodes de la revue MMF (1962-1966 et 1966-1971) n’est pas peut-être pas aussi tranchée que Caen veut bien le dire et qu’elle ne fut pas si tranchée non plus dans l’esprit des lecteurs. MMF demeurait de toute manière une revue marginale, lue par une infime fraction de la population, et c’est surtout auprès d’une élite critique que de tels changements furent éventuellement porteurs de sens immédiat. Dès l’origine, au demeurant, il y avait du cinéma classique Universal au programme de la revue et pas uniquement de la Hammer, comme Nicolas le sait bien : un n ° spécial King-Kong , un autre sous le patronage de Zaroff . Les années expressionnistes allemandes – à ce propos, nous pensons aussi qu’on peut qualifier l’expressionnisme allemand muet de véritable premier âge d’or du cinéma fantastique : Stanzick a tout à fait raison de l’écrire – et les années Universal 1931-1945 furent bien représentées dans MMF .

MMF et la Hammer symboles d’une contre-culture hippie ou rock ? Franchement, nous ne le croyons pas car nous avons vécu très souvent à cette époque des projections dans lesquels lesdits hippies se moquaient cordialement ou agressaient vertement les productions Hammer qu’ils jugeaient globalement réactionnaires, archaïques et sans intérêt. Que certains critiques français aient tenté de transformer la Hamme en instrument de libération esthétique, le fait est patent. Mais ce ne fut absolument pas la manière dont le public populaire ni même le reste du grand public reçut ces films. Inconsciemment en revanche, et même d’un point de vue sociologique si on accepte l’idée d’un inconscient collectif actif différent des consciences individuelles le constituant, la thèse de Stanzick peut se défendre mais elle nous semble une reconstruction artificielle plus qu’une vérité, nous devons bien l’avouer. La Hammer au demeurant ne critique pas la société victorienne qu’elle représente. Et en outre, cette société et sa matière scénaristique ne sont pas «gothiques» stricto sensu : ce terme est un peu inapproprié. Il y a des traces de roman noir gothique et frénétique – tel qu’un Maurice Lévy l’avait étudié vers 1970, avant sa magnifique étude sur H. P. Lovecraft ou du fantastique (parue dans la collection 10/18) – dans les films de la Hammer 164 mais à part les films – mineurs – consacrés à Robin des Bois par Fisher et un ou deux autres cinéastes sous contrat, aucun Hammer ne se passe au Moyen-âge.

Peut-on dire que la scène de destruction du comte Dracula à la fin du Cauchemar de Dracula soit matricielle du cinéma gore ? Une ou deux années auparavant, Riccardo Freda avait déjà filmé, avec les effets spéciaux fournis par Mario Bava, une destruction corporelle assez similaire – qui allait certes moins loin mais qui était déjà très poussée, même si pas jusqu’à la décomposition – de la belle actrice Gianna Maria Canale à la fin de I Vampiri . Au demeurant le cinéma «gore» commence où celui de la Hammer s’achève : il joue sur d’autres pistes. Hershell Gordon Lewis est un cinéaste passionnant mais il n’a guère de lien avec la position éthique et esthétique d’un Terence Fisher. Et il ne faut pas oublier que les chefs- d’œuvre produits et/ou réalisés par Baker et Berman comme Jack l’Éventreur (1958), L’Impasse aux violences (1959), Le Sang du vampire (1959) vont parfois aussi loin voire plus loin dans ce domaine, sans oublier d’autres productions anglaises indépendantes de la Hammer, celles de la Tigon, de la Amicus, etc. Qu’on songe au Cirque des horreurs de Hayers par exemple. La Hammer n’a pas eu le monopole de l’horreur graphique en 1960, loin de là. L’Horrible Dr. Orloff de Franco date de 1960 et Le Moulin des supplices de Ferroni, aussi de 1960. Sans oublier non plus Les Yeux sans visage de notre grand Franju qui est probablement le plus grand film fantastique français jamais réalisé au XX e siècle. Autre problème : Dracula prince des ténèbres est écrit par Sangster sous pseudonyme mais d’après un sujet de John Elder alias Anthony Hinds. Lequel des deux a davantage déterminé le script et son évolution ? Pourquoi, enfin, avoir négligé délibérément les films fantastiques «non-gothiques» de la Hammer ? La note qui précise cette décision ne nous a pas du tout convaincu.

Pourquoi enfin, au nom d’un être de raison nommé «gothique», se priver, amputer du corpus hammer, des titres aussi passionnants que les trois Quatermass – les deux premiers films de Guest déterminèrent par leur succès l’orientation définitive de la firme dans le fantastique en 1955-1957 – et d’autres titres tout aussi passionnants : les films préhistoriques comme Un Million d’années avant Jésus-Christ de Don Chaffey ou Femmes préhistoriques de Michael Carreras, les films d’aventure fantastique comme Le Peuple des abîmes de Michael Carreras sont ainsi totalement absents. Paranoïac de Francis, Hurler de peur de Seth Holt, pour ne citer que certains des «policiers horrifiques» de la Hammer et le film d’aventures (traversé d’éclairs d’épouvante) Les Étrangleurs de Bombay de Fisher le sont aussi.

En somme le livre de Nicolas Stanzick traite d’une partie de la production fantastique de la Hammer, mais pas de toute la production fantastique de la Hammer, ce qui est gênant, encore moins de toute la production Hammer, tous genres confondus, ce qui n’est pas gênant.

Après les critiques, les bons points !

Du point de vue historique nous ignorions que La Revanche de Frankenstein de Fisher avait été un échec relatif au box-office international et que c’est cet échec qui avait déterminé la mise en route, sur des bases scénaristiques différentes, et avec Freddie Francis à la place de Terence Fisher comme cinéaste, de The Evil of Frankenstein [L’Empreinte de Frankenstein ] : le point est un pur point d’histoire économique du cinéma qu’il faut savoir dorénavant. Bouyxou lui-même, lorsqu’il rédigea son beau «Frankenstein» (Éditions Premier Plan, 1969) n’en était apparemment pas conscient. Un bon point pour Nicolas Stanzick qui amène cette information importante en lumière ici et maintenant. Il n’est jamais trop tard pour préciser un point d’histoire de la Hammer. Et Stanzick nous a apporté d’autres informations d’une même importance à l’occasion : il bénéficie des recherches antérieures et a su les exploiter, les clarifier, les rassembler d’une manière claire, cohérente, souvent élégante.

On le voit, il demeure donc dans ce livre des points sur lesquels nous sommes réservés et sur lesquels nous pourrions discuter. Mais au total, compte tenu de l’ensemble du travail, ils sont raisonnablement rares et porte plutôt sur l’interprétation que sur des erreurs factuelles. Certains résumés sont même très utiles et novateurs : celui sur Jean Boullet est très bien et donne très envie de lire le livre complémentaire de Denis Chollet. Et encore une fois, tout le reste, même si matière à discussion pointue, demeure une source sûre 165 d’information pour tout étudiant ou curieux désireux de couvrir ce sujet et cette période. Les deux derniers chapitres sont un exemple de compréhension correcte : nous nous y sommes absolument retrouvés nous- mêmes décrits objectivement par Stanzick, avec une acuité et une parfaite intelligence du contexte, rétrospectivement. Nous les citons de préférence aux premiers chapitres car ici, nous sommes nous aussi témoins de première main, ce qui nous donne un avantage certain pour en juger. Bref : un livre qui complète très utilement, par un point de vue sociologique original et d’une manière synthétique, les grands classiques de l’histoire française du cinéma fantastique déjà publiés de 1958 à nos jours. Et aussi le premier grand livre sur le cinéma fantastique paru dans notre pays au XXIe siècle : je suis naturellement fier d’être présent dans cette somme. Nous en souhaitons au plus tôt une réédition agrémentée cette fois-ci d’un «Index nomini» qui en rendrait plus commode la consultation, corrigée de ses assez nombreuses coquilles, pourquoi pas dotée d’un cahier couleurs supplémentaire. Mais tel quel, à acheter sans plus attendre car l’objet est déjà assez beau.

Note critique additionnelle sur la seconde édition parue chez BDL

La première édition épuisée en quelques mois, et pas mal de coquilles et d’erreurs subsistant, une réédition devenait urgente : on se félicite de sa parution d’autant qu’elle tient bien compte de la liste d’ errata et de corrigenda que nous avions adressées à l’auteur à cette occasion.

Cette seconde édition comporte des nouveautés, à commencer par deux nouveaux entretiens avec :

- Bernard Charnacé, acteur dont la vocation fut déterminée par son admiration pour le comédien Peter Cushing qu’il rencontra adolescent à Whitstable dans le Kent. Une anecdote personnelle : en 1976 puis en 1977, j’étais à Whitstable comme lecteurs d’anglais par la grâce d’un «joint-venture» entre l’un des professeurs d’anglais de notre lycée parisien et cette si jolie petite ville anglaise. Il me semble bien avoir croisé Cushing vêtu d’une veste de cuir, conduisant une belle Américaine décapotable, un fugitif instant qui demeure gravé dans ma mémoire. J’ai aussi frappé à sa porte, bien sûr car nous étions tous logés sur place et donc à quelques rues à pied de chez lui, mais son activité était telle à ce moment, comme Charnacé le sait, que j’avais peu de chance de l’y trouver. C’était déjà un miracle de l’avoir croisé. Charnacé fournit de beaux souvenirs dans son entretien mais un bémol critique : il maintient l’idée que les cinq Frankenstein fishériens sont des films athées. Idée soutenue en 1971 par Bouyxou mais vigoureusement démentie par l’intéressé le scénariste Jimmy Sangster dans l’entretien paru à cette époque in Bouyxou & Lethem, La Science-fiction au cinéma (Éditions UGE, coll.10/18). Bouyxou étant le second nouvel entretenu du livre, cela me fournit une transition, non sans avoir rappelé au passage que cette contradiction entre l’idée de Bouyxou et la position de Sangster est évoquée dans mon propre entretien.

- Jean-Pierre Bouyxou, donc, historien et critique de cinéma (de cinéma-bis essentiellement, mais les connaissances de l’homme sont encyclopédiques et il connaît son John Ford ou son Michael Curtiz aussi bien qu’un autre), programmateur du cinéma fantastique parisien le Styx (c’est Bouyxou qui avait programmé au Styx Les Deux visages du Dr. Jekyll de Fisher : nous avions cité cette anecdote dans notre propre critique du film parue l’année dernière sur Le Coin de l’œil puis en version revue, corrigée et augmentée, sur The Hammer Collection et enfin ici-même) et cinéaste. Nous avons récemment lu ses textes précis et incisifs parus dans le beau volume Paris Match dans les coulisses de Cannes (Éditions Glénat, 2010) et les Éditions BDL devraient bientôt rééditer son beau Frankenstein (1969) devenu rare… mais que nous possédons évidemment dans la section cinéma de notre bibliothèque ! Bouyxou appartient à la génération «midi-minuiste» et il est un témoin de première main. Attention certains éléments de son entretien ne nous sont pas tout à fait inconnus : la critique morale «croisée» que s’adressèrent mutuellement Terence Fisher et Michael Powell avait déjà été évoquée oralement par Bouyxou lorsqu’il avait présenté le contexte du Grand inquisiteur de Michael Reeves, dans un supplément annexé au DVD

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Néo Publishing. Et inévitablement, il rebondit (intelligemment) sur la polémique relative à l’athéisme dans les Frankenstein.

- une nouvelle préface du scénariste Jimmy Sangster, le scénariste de la Hammer Film que Thomas Roland avait interviewé sur Le Coin de l’œil et qui maintient ici encore que Hurler de peur demeure son film préféré : voir notre critique du film sur ce même site Le Coin de l’œil . À noter que le film préféré de Sangster n’est pas pris en compte dans le livre de Stanzick en raison de la «coupure gothique» opérée a priori dans son étude.

- un index augmenté des noms, une filmographie complète et détaillée de la Hammer et l'actualisation de la bibliographie,

- beaucoup de nouveaux éléments critiques sur les films eux-mêmes,

- une augmentation de la partie consacrée à Hammer et culture pop ,

- un passage sur Le Bal des vampires de Polanski et son influence (selon nous négative) sur la réception de la Hammer ici,

- et pas mal d’ajouts ponctuels.

Au final :

- le texte de la partie «essai» fait désormais 197 pages Word contre 180 pages précédemment, - les entretiens comptent 166 pages Word, contre 124 pages précédemment, - la partie «annexes+index+biblio+tables des matières» : 77 pages contre 41 pages précédemment - et le texte complet fait 455 pages contre 360 précédemment. Cette nouvelle édition au format élargi de 23x15cm comporte un nouveau cahier de photos en couleurs de 16 pages contenant de belles photos de plateau – certaines très rares (Barbara Shelley dans La Gorgone ) et d’autres plus connues – et quelques reproductions d’affiches originales. Une photo pleine page, en noir et blanc, ouvre toujours chaque chapitre et chaque entretien. Avec là aussi des modifications : Nicolas a ainsi ouvert le nôtre par une image de la version Fisher du Fantôme de l’Opéra – que nous avons critiqué sur le site Écranlarge à sa sortie DVD zone 2 par Bach Films – alors que l’édition originale de 2008 l’ouvrait par une image du Dr. Jekyll & Sister Hyde de Roy Ward Baker.

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BRAZIL – 28 septembre 2010

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LES ECHOS D’ALTAïR – 29 septembre 2010 http://morbius.unblog.fr/2010/09/29/bouquins-ensorcelants/

Bouquins ensorcelants

Je viens de les recevoir et je brûle d'impatience de les dévorer l'un et l'autre ! D'abord le fameux bouquin de Nicolas Stanzick, Dans les griffes de la Hammer (éd. Le Bord de l'Eau), merveilleux pavé de presque 500 pages sur la célèbre firme britannique de cinéma d'horreur gothique. Ce titre, édité en 2008, demeurait introuvable depuis quelque temps car épuisé. Le revoilà dans une version remise à jour, encore plus riche, encore plus envoutante, encore plus destinée aux amateurs de ce cinéma à l'ancienne où Peter Cushing et Christopher Lee hantaient quasiment sans relâche la pellicule ! “En retraçant ces événements sous la forme d'un passionnant récit agrémenté d'entretiens fleuves, Nicolas Stanzick livre non seulement le premier ouvrage consacré en France à la maison Hammer, mais il apporte du sang neuf à l'abondante littérature anglo-saxonne déjà parue sur le sujet. Voici le récit de la condamnation morale unanime d'un genre et de la naissance conjointe de la cinéphilie fantastique française, petite communauté joyeusement libertaire et populaire, adepte fièrement revendiquée d'un cinéma du sexe et du sang”, nous dit-on en quatrième de couverture ! Bien entendu, inutile de chercher Dans les griffes de la Hammer à Nouméa : introuvable au bataillon ! Et après nos pauvres commerçants râlent parce que l'on commande trop sur le net… Je me gausse (rire diabolique, façon Dracula).

Morbius

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WWW.FILMS-VAMPIRES.COM – 29 septembre 2010 http://www.films-vampires.com/actu-dans-griffes-hammer-avis-010170

Dans les griffes de la Hammer - Avis

Nicolas Stanzick est un passionné de cinéma fantastique. Sa passion, il l'a, en quelques sortes, mise à notre disposition en se lançant dans la rédaction de " Dans les griffes de la Hammer ".

"Dans les griffes de la Hammer" est un livre qui revient sur le mythique studio qui a définitivement changé le visage du cinéma fantastique. ...Et qui "fantastique", dit "vampire" ;) C'est à la Hammer que l'on doit les nombreux Dracula avec Christopher Lee : Le Cauchemar de Dracula, Dracula Prince des ténèbres, Dracula et les femmes, etc.

Les films de la Hammer, totalement nouveaux et subversifs à leur sortie, ont d'abord été considérés comme du cinéma pour "dégénérés" avant de recevoir, quelques décennies plus tard, tous les honneurs.Ce se que nous raconte avec beaucoup d'enthousiasme et un grand travail de recherche Nicolas Stanzick dans son livre.

Amoureux du cinéma fantastique, vous ne pouvez pas rater cela !

Et si vous n'êtes pas convaincu, vous le serez à coup sûr par cette interview de l'auteur, tout aussi passionné et passionnant que dans son livre : http://www.dailymotion.com/video/xewbxu_dans-les- griffes-de-la-hammer-inte_shortfilms

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PSIKOPAT – 1er octobre 2010

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ALLOCINE.FR – 6 octobre 2010 http://www.allocine.fr/article/dossiers/cinema/dossier-18591494/?page=1&tab=0

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/interviews/

DANS L'ANTRE DE LA HAMMER... 172

A l’occasion de la sortie cinéma de "Laisse-moi entrer", premier long-métrage financé par la Hammer depuis 1979, retour sur une maison de production mythique du cinéma anglais avec l'amicale participation de Nicolas Stanzick. Prêts à frissonner ? Dossier réalisé par Corentin Palanchini

Présentation de la Hammer http://www.allocine.fr/article/dossiers/cinema/dossier-18591494/

De quoi parle-t-on ? La maison de production indépendante Hammer Film voit le jour en 1934 grâce au britannique William Hinds, comédien à l'époque, qui usait du pseudonyme de Will Hammer. Enrique Carreras, immigré espagnol installé à Londres, se joint à lui et ils fondent ensemble Exclusive films. Leur marque de fabrique ? Des séries B pas chères qui rapportent suffisamment à la firme pour la faire perdurer. Leurs premiers films sont des comédies The Public Life of Henry the Ninth ou -déjà- de l'épouvante : The Mystery of the Marie Celeste avec Bela Lugosi. En 1939, les fils des deux producteurs, James Carreras et Anthony Hinds, reprennent en main la société. Sitôt la Seconde Guerre mondiale achevée, Exclusive films devient Hammer Film Productions Limited. Elle adapte alors des téléfilms, et le succès survient avec la série science-fiction des Quatermass , six épisodes d’une série diffusée sur la BBC en 1955. La série, réalisée par Val Guest, conte les aventures du professeur Quatermass aux prises avec des forces extraterrestres. L’Angleterre est conquise, et la Hammer constate que le fantastique fait recette. Quatermass fait l'objet de plusieurs autres séries, et le succès est toujours au rendez-vous.

L'horreur comme marque de fabrique L'idée majeure de la compagnie est de refaire un Frankenstein. Le livre est libre de droits, et le rachat est une formalité. C’est le réalisateur Terence Fisher qui participe avec Frankenstein s'est échappé (1956) à un tournant majeur de la firme. Il impose un "style Hammer" à son histoire et réinvente le mythe de la créature du roman de Mary Shelley. Le succès est phénoménal, et la Hammer rachète les droits sur les classiques de la littérature gothique à Universal, et déverse un flot de films reprenant les personnages de Dracula, la momie ou du loup-garou. Le style Hammer : de la création originale et un style gothique. Le public adhère, et la maison de production devient mythique. Plusieurs films vont affirmer ce style : Le Cauchemar de Dracula (1957), La Revanche de Frankenstein (1958), Le Chien des Baskerville ( 1958), La Malédiction des pharaons (1959). Suivent en plus des suites aux aventures du baron Frankenstein, de Dracula et de la momie- Les Deux Visages du Docteur Jekyll (1959), La Nuit du loup-garou (1960), Le Fantôme de l'Opéra (1961).Et les films s'enchaînent ainsi jusqu'en 1970. Le public répond présent et en redemande, à l'inverse de la presse qui regorge d'imagination dans la critique acerbe.

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/videos-films/?cmedia=19149016

Le déclin 173

Il commence en 1970, avec l'apparition de films mineurs, qui compensent une faiblesse scénaristique par la surenchère de cynisme ( Les Horreurs de Frankenstein ), voire d'autres astuces comme mêler vampires et kung-fu ( Les Sept Vampires d'or ), vampires et hippies ( Dracula 73 ) ou vampires et nudité ( Comtesse Dracula). La Hammer est également concurrencée par le cinéma italien des Mario Bava, Antonio Margheriti, Lucio Fulci et Dario Argento. De même, aux États-Unis une vague de films repousse les limites de l'horreur en faisant du gore, supplantant la Hammer et la reléguant au second plan. La Nuit des morts- vivants (1968), L' Exorciste (1973), Massacre à la tronçonneuse (1974) sont autant de nouvelles références du cinéma d'horreur. Le studio Hammer fonctionnera au cinéma jusqu’en 1979, puis se tournera vers la télévision dans les années 80, avant de disparaître. Mais comme les créatures fantastiques qu'elle a remis au goût du jour, la Hammer renaît de ses cendres en 2010 en supervisant Laisse-moi entrer et d’autres productions à venir dont une série télé : le Hammer Theatre of Horror , encore en développement. La peur est éternelle, et les monstres (sacrés) ne meurent jamais...

La réception en France des films de la Hammer

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/videos-films/?cmedia=19149015

L'apport de Terence Fisher http://www.allocine.fr/article/dossiers/cinema/dossier-18591494/?page=2&tab=0

Terence Fisher est définitivement associé à la firme Hammer. Avant d'être un réalisateur que certains qualifieront de sulfureux, l'homme est pressenti par ses parents pour intégrer l'armée. En 1920, il est engagé comme matelot et au bout de cinq ans, obtient le grade de second. A 23 ans, il décide de changer de cap et est engagé comme marchand de tissu. A ses heures perdues, il découvre le cinéma, qui devient vite sa passion. Dès lors, et à force d'abnégation, Fisher devient monteur. Il le restera onze ans, avant de pouvoir passer à la réalisation de son premier film, un moyen-métrage intitulé Colonel Bogey (1948), déjà dans le registre fantastique. Son premier long-métrage, Le Mystère du camp 27 , raconte l'histoire d'un professeur qui a perdu sa fille pendant la seconde guerre mondiale et qui la retrouve adoptée par un nazi, qui a profité de l'amnésie de la jeune personne. Fisher l'a considéré "plaisant à réaliser" , mais le film n'a pas rencontré le succès espéré. En 1951, William Hinds l'engage dans sa firme Hammer Film Productions et Fisher réalise pendant cinq ans des films de commandes -des polars surtout- qui lui permettent de faire ses armes en tant que réalisateur. En 1956, il doit un film à la Hammer, qui veut faire du fantastique, genre qui a l'air de plaire au public. Le scénariste Jimmy Sangster profite du fait que le personnage de Frankenstein est libre de droits pour écrire une nouvelle histoire sur le baron et sa créature. Ce sera Frankenstein s'est échappé (1956), avec Peter Cushing et Christopher Lee. Le succès est immédiat et Terence Fisher enchaine avec Le Cauchemar de Dracula , joué par Christopher Lee. C'est également un triomphe, et Fisher devient le réalisateur atitré de la firme. Il déclinera le baron Frankenstein sur quatre autres films entre 1958 et 1974, et Dracula dans Les Maîtresses de Dracula (1960) et Dracula, prince des ténèbres (1966). Entre ces franchises, Fisher tourne des films un peu moins célèbres, mais qui ont tous un succès raisonnable au box 174 office : La Malédiction des pharaons , dérivé de La Momie (1932), La Nuit du loup-garou (1961), Le Fantôme de l'Opéra (1962).

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/videos-films/?cmedia=19149017

Entre ces classiques, Fisher tourne des curiosités comme The Man who Could Cheat Death (1959), remake du sérum de longue vie de Ralph Murphy, dans lequel un homme rallonge sa vie en prélevant une glande secrétée par les jeunes personnes. Etrangeté toujours avec Les Etrangleurs de Bombay , qui montre entre deux scènes d'une rare violence (suggérée) une secte d'assassins indiens adorant une déesse sanguinaire au temps de la compagnie des Indes. Enfin, il signe un film de capes et d'épées mineur : Le Serment de Robin des Bois (1960). Les films se succèdent avec La Gorgone (1965), inspiré de la mythologie grecque, des séries B de science-fiction, puis le retour au "style Fisher" dans Les Vierges de Satan (1967), qui voit Christopher Lee tenter de sauver un de ses amis d'un rituel satanique organisé par une secte de fanatiques. Le film mérite d'être découvert, d'autant qu'il est assez proche d'égaler certains classiques de la firme. Deux films marqueront les adieux de Fisher au cinéma : Le Retour de Frankenstein (1969), dans lequel le Baron se transforme en machine à tuer cruelle et impulsive, et le moins réussi (faute de moyens) Frankenstein et le monstre de l'enfer (1974). Terence Fisher approche des 70 ans, et il repose définitivement la caméra. Il décèdera d'un cancer le 18 juin 1980, en laissant nombres de créatures orphelines.

Les hommes de l'ombre de la Hammer

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/videos-films/?cmedia=19149018

Frissons incontournables http://www.allocine.fr/article/dossiers/cinema/dossier-18591494/?page=3&tab=0

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En exemple, cinq films incontournables de la Hammer en tant que firme d'horreur. Tous sont l'œuvre de Terence Fisher qui, pour sortir ses films, devait perpétuellement jongler avec la censure britannique.

Frankenstein s'est échappé ! (The Curse of Frankenstein ) 1956 Le comte Frankenstein est condamné à la guillotine et reçoit la visite d'un prêtre qui le confesse. Il a cherché à créer un moyen de redonner la vie, mais très vite a dérivé et a pensé à créer la vie de toute pièce. Terence Fisher pose avec ce film ce qui sera la marque de fabrique d'une firme toute entière. Le glauque très "Grand-guignol" de certaines scènes, notamment les actes du baron, de plus en plus obsédé par sa création, marquera à tout jamais une génération de cinéphiles. Le mythe commence...

Le Cauchemar de Dracula (Horror of Dracula ) 1957 Un jeune homme a décidé de mettre fin aux meurtres du comte Dracula, un vampire responsable du meurtre de plusieurs personnes innoncentes. Hélas, il périt avant d'avoir accompli sa mission. Le docteur Van Helsing trouve le journal du défunt et décide à son tour d'en finir avec le monstre. Nouveau personnage à être dépoussiéré, Dracula devient charmeur, séducteur, et surtout, montre ostensiblement ses redoutables canines. Le sang abondant qui en coule lors d'une scène de succion est toute à la fois amusante et fait frémir dans les cinémas de quartier. A déguster sans modération !

Le Chien des Baskerville (The hound of the Baskerville ) 1958 Sherlock Holmes et le Dr Watson partent enquêter sur une famille dont les membres disparaissent mystérieusement. Peter Cushing est on ne peut plus à l'aise dans la peau du célèbre détective londonien, et Christopher Lee (Baskerville) est pour une fois du côté des victimes. En adaptant le roman à son style gothique (en ajoutant notamment la scène de la grotte), Terence Fisher donne à son film moins l'aspect d'un polar que d'un thriller horrifique. Les scènes chocs des précédents films sont absentes, mais compensées par une histoire bien interprétée et menée tambour battant.

La Malédiction des pharaons (The Mummy) 1959 Trois archéologues trouvent le tombeau d'une princesse égyptienne et libèrent par erreur son puissant gardien. Si le scénario reste très proche du film original ( La Momie , 1932), Terence Fisher démontre tout son talent de metteur en scène, notamment grâce à l'aide de son directeur photo Jack Asher. La musique de Franz Reizenstein mérite également d'être soulignée, de même que la prestance de Christopher Lee en gardien de tombeau égyptien millénaire.

La Nuit du loup-garou (The Curse of the Werewolf ) 1960 Un mendiant est enfermé par le marquis Siniestro. Dans la même geôle est bouclée une servante sourde- muette. Le mendiant viole la jeune fille, et elle donne le jour à un petit garçon nommé Léon. Sauf que ce petit a une particularité : il se change en loup-garou à chaque nuit de pleine lune. Le film est d'un pessimisme profond et d'une grande tristesse. La vie du loup-garou est une tragédie et le film une complète réussite, portée par un Oliver Reed à la fois touchant et terrifiant.

La Hammer et la censure britannique

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http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/videos-films/?cmedia=19149020

De l'horreur... mais pas que ! http://www.allocine.fr/article/dossiers/cinema/dossier-18591494/?page=4&tab=0

Si la Hammer est réputée pour ses films d'horreur gothique, il faut savoir qu'elle a aussi produit nombre de genres différents. Trois exemples parmi beaucoup d'autres :

Up the Creek - Val Guest - 1958 Un officier se voit confier le commandement d'un vaisseau de la Royal Navy, mais est contraint de suivre les directives loufoques de Doherty, son subordonné. La Hammer s'attaque à la comédie, et celle-ci met en scène un tout jeune Peter Sellers dans son premier grand rôle. Le film vaut essentiellement pour cette curiosité, qui permet de découvrir les débuts de l'acteur. Up the Creek a eu du succès, si bien qu'il donna lieu à une suite, toujours pour la Hammer, et mise en chantier la même année : Further Up the Creek .

Tout près de Satan - Robert Aldrich - 1959 - Un groupe de soldats allemands prisonniers est libéré pour une mission de déminage à Berlin en échange d'une forte somme d'argent. La règle ? Si l'un d'eux meurt, sa part est divisée entre les survivants. En 1959, la Hammer coproduit un film avec les États-Unis, et attire Robert Aldrich, réalisateur déjà célèbre. Sujet de prédilection du metteur en scène, Tout près de Satan est un honnête film de guerre, réunissant Jack Palance et Jeff Chandler. Seul bémol, le studio a coupé une demi-heure de film sans prévenir Robert Aldrich. Ce dernier, furieux, tenait à ses scènes sans lesquelles le film n'avait plus de sens. Son opposition lui coûta son nom au générique en tant que producteur.

Un million d'années avant J-C - Don Chaffey - 1966 Le 100e film de la Hammer sera son premier film préhistorique ! Il narre la vie de Tumak, banni de sa tribu. Sur sa route, il rencontre la belle Loana, qui décide de quitter elle aussi son clan pour l'accompagner. La promotion du film se fera sur la plastique de Raquel Welch, seulement vêtue d'un bikini en peaux de bêtes. L'histoire oppose les hommes et les dinosaures sur fond d'éruption volcanique, pour un scénario des plus banals, remake d'un film de Hal Roach datant de 1940. Avec des effets spéciaux forcément datés, Un Million d'années avant J.-C. s'en sort grâce aux prestations de Raquel Welch (qui deviendra une icône grâce à ce rôle) et John Richardson, bestial à souhait.

Les "gueules" de la Hammer http://www.allocine.fr/article/dossiers/cinema/dossier-18591494/?page=5&tab=0

Peter Cushing A tout "saigneur" tout honneur, figure emblématique de la Hammer, Peter Cushing a été à six reprises le Professeur Frankenstein, cinq fois Van Helsing pourchassant Dracula, et Sherlock Holmes traquant Le Chien des Baskerville . Ceci sous la direction des réalisateurs phares de la firme : Freddie Francis, Don Sharp ou 177

évidemment Terence Fisher. A noter ses rôles plus ponctuels, comme le shérif de Nottingham du Serment de Robin des Bois , le "fascinant" Capitaine Clegg , ou l'archéologue affrontant la momie dans La Malédiction des pharaons .

Suzan Farmer Ses yeux bleus, sa chevelure blonde et sa poitrine généreuse fond d'elle la proie rêvée des studios Hammer, qui l'engagent dans Les Pirates du diable en 1964 dans lequel elle tient le premier rôle féminin. Elle est ensuite sacrifiée à Dracula, prince des ténèbres . Elle retrouve Christopher Lee pour Raspoutine, le moine fou (1966), son dernier film sous la banière de l'horreur. Suzan Farmer ne renie pas ce qu'elle doit à la firme, puisqu'elle a participé à certains commentaires audio des DVD anglais consacrés à la Hammer.

Christopher Lee Grand, émacié, passionné de sciences occultes, il est pour la plupart des gens le Dracula par excellence, et incarne avec une sensualité non voilée l'infâme et immortel vampire. Ne souhaitant pas s'enfermer dans ce rôle comme le fit son prédécesseur Bela Lugosi, Lee change constamment de registre avec la monolithique créature de Frankenstein ou en Momie revenue d'entre les morts. Il livre sans doute sa meilleure prestation dans Raspoutine, le moine fou (1966).

André Morell Avec sa fine moustache et ses 50 ans bien sonnés, André Morell prête son visage au Dr Watson du Chien des Baskerville de Terence Fisher. Il apparait par la suite dans des productions comme L'Invasion des morts- vivants (1965), Dans les griffes de la momie (1966) ou La Déesse des sables (1967) Hors Hammer, on a pu notamment le voir en Sextus dans le Ben-Hur de William Wyler.

Oliver Reed Homme à la carrure impressionnante, Reed fut souvent relégué au rang d'homme de main. La Hammer lui offre ses premiers rôles d'importance avec Le serment de Robin des Bois, Les Deux Visages du Docteur Jekyll et La Nuit du loup-garou (1961). S'ensuivent deux films de pirates qui scelleront sa collaboration avec la Hammer : L'Attaque du San Cristobal et Le Fascinant Capitaine Clegg . Il n'a jamais stoppé sa carrière et est décédé au cours du tournage de Gladiator , dans lequel il incarnait Proximus. Ses scènes furent terminées par effets spéciaux.

Michael Ripper Un des seconds rôles pillier de la Hammer, Ripper a commencé sa carrière avec la firme britannique et (1956). Il lui a été fidèle et joué dans plus de films de la maison de production qu'aucun autre acteur. Au total plus d'une vingtaine de films, certains parmi les plus connus : La Revanche de Frankenstein (1958), Le Fantôme de l'Opéra (1962), jusqu'aux Cicatrices de Dracula (1970).

Barbara Shelley LA star féminine de la Hammer. Rousse pulpeuse, Barbara Shelley est transformée en vampire dans Dracula, prince des ténèbres . Elle incarne une terrifiante Gorgone en 1964, avant de combattre Les Monstres de l'espace (1967) et d'être manipulée par un Raspoutine impitoyable ! Elle est ce qui s'appelle aux Etats-Unis une " scream queen ", une actrice habituée aux films d'horreur, dans le rôle de victime.

Les affiches Hammer... Tout un programme ! http://www.allocine.fr/article/dossiers/cinema/dossier-18591494/?page=6&tab=0

La Hammer s'est également rendue célèbre par ses affiches aux couleurs si particulières et au contenu suggestif. Petit panorama et un peu d'Histoire :

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http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/videos-films/?cmedia=19149019

Les scènes cultes commentées http://www.allocine.fr/article/dossiers/cinema/dossier-18591494/?page=7&tab=0

Cinq scènes cultes commentées par le spécialiste français de la Hammer !

Frankenstein s'est échappé !

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/videos-films/?cmedia=19149022

Le cauchemar de Dracula

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/interviews/?cmedia=19149023

La nuit du loup-garou

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http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/interviews/?cmedia=19149024

Le fantôme de l'opéra

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/interviews/?cmedia=19149025

Raspoutine, le moine fou

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/interviews/?cmedia=19149026

L'héritage Hammer http://www.allocine.fr/article/dossiers/cinema/dossier-18591494/?page=8&tab=0

Après tous ces films, après tant d'années... Que reste-t-il du mythe Hammer ? Eléments de réponses avec Nicolas Stanzick.

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http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-489307/videos-films/?cmedia=19149021

Approfondir le mythe http://www.allocine.fr/article/dossiers/cinema/dossier-18591494/?page=9&tab=0

Pour aller plus loin...

Livres . La Bible française sur la Hammer s'intitule Dans les griffes de la Hammer de Nicolas Stanzick, récemment rééditée dans une version corrigée et augmentée chez Le Bord de l'eau Editions , 2010. Ouvrage complet et rempli d'anecdotes et d'interviews. Le site de l'auteur : http://www.myspace.com/hammergothic . Terence Fisher de Stéphane Bourgoin, édité chez Ediling , collection Filmo, 1984 : un ouvrage de 128 pages, un des seuls livres français sur le célèbre réalisateur britannique. Une référence, encore trouvable dans le commerce.

DVD Zone 1 : "Hammer Horror Series", qui contient des films de haute tenue : Les Maîtresses de Dracula, La Nuit du loup-garou, Le Fantôme de l'Opéra, Paranoïaque, Le Baiser du vampire, Meurtre par procuration, Le Fascinant Capitaine Clegg, L'Empreinte de Frankenstein). Editeur Universal : 2 DVD double-face.

DVD Zone 2 Les deux coffrets Hammer (Vol 1 et Vol 2) édités par Seven 7 contiennent en majorité des films mineurs. Et aucun autre coffret digne de ce nom n'a été sorti. En revanche, la plupart des films marquants de la Hammer sont tous disponibles à l'unité.

Raretés à découvrir Dr. Jekyll et Sister Hyde et Les Cicatrices de Dracula (Chez Studio Canal).

Dossier réalisé par Corentin Palanchini.

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WWW.DVDCLASSIK.COM – 7 octobre 2010

http://www.dvdclassik.com/Critiques/livre-griffes-hammer.htm

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Dans les griffes de la Hammer Un livre de Nicolas Stanzick

Sorti une première fois en 2008, l’ouvrage Dans les griffes de la Hammer avait permis à l’auteur, Nicolas Stanzick, de composer un superbe portrait de la France découvrant un cinéma fantastique et de la transgression jusqu’à alors trop peu connu de la population. De nombreux ouvrages sur la plus mythique des firmes britanniques ont vu le jour, mais pour la plupart en langue anglaise. Parmi les plus récents et les plus documentés, citons le très bon The Hammer Story , récapitulant l’ensemble de la filmographie hammerienne, et le très émoustillant Hammer Glamour , faisant la part belle aux jolies femmes ayant participé aux productions de la firme. De l’informatif donc, avec moult anecdotes, belles photographies et autres reproductions d’affiches, mais en langue anglaise. Or, quand l’éditeur Scali annonce la sortie du premier ouvrage français consacré à la Hammer Films, cela crée l’évènement. De plus, Nicolas Stanzick ne se contente pas d’offrir un florilège d’informations sur l’histoire de la Hammer, mais emprunte une toute autre direction. Car si l’ouvrage doit être en langue française, écrit par un Français, autant qu’il se concentre sur une part historique capitale de l’importance cinématographique de la Hammer Films, c'est-à- dire sa réception en France.

En effet, tombant au beau milieu d’une guerre intellectuelle entre différentes castes de cinéphiles (je simplifie volontairement à dessein pour résumer, certes un peu grossièrement), les films d’horreur de la Hammer créent un double impact : un affrontement extrêmement vif entre les cinéphiles, et surtout le dépucelage de la France par le cinéma fantastique. Les productions de la Universal, entre autres, n’ayant que rarement eu les honneurs d’une exploitation en salles dans l’Hexagone, c’est donc avec étonnement, et avant tout un immense parfum de nouveauté, que les Français accueillent cette vague de films d’horreur gothique inaugurée par Frankenstein s’est échappé de Terence Fisher, en 1957. A partir de cette année-là, et ce jusqu’au début des années 1970, la Hammer va fermement opposer défenseurs et détracteurs, créant également un courant d’amoureux du cinéma fantastique alors inédit. Du cinéma transgressif, aux thèmes cinglants et aux images sanglantes, mené par des metteurs en scène rompus aux budgets les plus étriqués et aux calendriers de tournage les plus restreints. De Freddie Francis à Roy Ward Baker, en passant bien entendu par Terence Fisher (le plus grand de tous, aujourd’hui à raison considéré comme un auteur), la Hammer rayonne sur toute l’Europe, ainsi qu’aux USA. Interprétant des rôles inoubliables, Peter Cushing (le baron Frankenstein) et Christopher Lee (le comte Dracula) deviennent instantanément des stars. A leurs côtés figurent les plus belles femmes de l’époque : Susan Denberg, Linda Hayden, Julie Ege, Veronica Carlson, Valerie Leon, Caroline Munro, , Barbara Shelley, Madeline Smith… La Hammer réussit un savant alliage d’érotisme, de peur et de baroque, au sein de couleurs très appuyées. Du jamais vu.

C’est à propos de tous ces éléments, et de bien plus encore, que Nicolas Stanzick propose une étude ciselée, précise, résultat de plusieurs années de travail. Il construit son ouvrage dans un ordre chronologique respecté à la lettre, suivant des thèmes clairement définis, en s’appuyant sur une somme documentaire très impressionnante (critiques de l’époque, réactions journalistiques, magazines, livres, archives…) et sur les témoignages d’une douzaine de véritables connaisseurs du genre, tous historiens du cinéma et/ou cinéphiles passionnés. Le texte de Stanzick est toujours convaincant, grâce à un recul salvateur et à un regard réfléchi sur cette époque. Il cite les films gothiques de la Hammer un par un, revenant sur leurs sorties respectives, sur les avant-premières, les critiques incisives des détracteurs et la passion réactive des défenseurs. Non seulement, ce livre sur la Hammer s’avère unique en son genre de par le point de vue qu’il épouse, mais il devient également par ce biais un document historique précieux sur une époque cinéphile de grande importance. Dépassant même le cadre hammerien qu’il dresse page après page, Dans les griffes de la Hammer est à tout point de vue un ouvrage unique sur l’histoire du cinéma de genre en France.

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Malheureusement mal compris par l'éditeur Scali , l’engouement autour de sa sortie aura vite raison des ventes du livre, tiré à peu d’exemplaires et épuisé en à peine deux mois. L’éditeur met cependant la clé sous la porte, laissant alors vaquant les droits du livre. Mais le destin fait bien les choses et un éditeur consciencieux ( Le Bord de l’eau ) rachète les droits et procède à un retirage. Cependant, loin de n’être qu’une simple remise en rayons du même ouvrage, Dans les griffes de la Hammer réapparait lifté, augmenté, encore plus passionnant.

Tout d’abord, on retrouve la structure première du livre tel qu’il était déjà présenté en 2008. Ainsi ré- accède-t-on aux deux parties principales qui le composaient auparavant : une première partie (environ 180 pages) concernant la réception des films de la Hammer en France, et une seconde partie composée de douze entretiens avec des personnalités cinéphiles françaises ayant bien connu le phénomène à sa sortie (environ 200 pages). Toutefois, les changements apportés sont légion. La mise en page est bien meilleure, plus claire, mieux espacée, mettant davantage en valeur le texte de Stanzick en rapport avec les nombreux extraits qui parcourent son étude. Les polices d’écriture employées pour les titres et le texte sont beaucoup plus agréables, donnant aussi une identité plus forte à l’ouvrage. Les nombreuses coquilles présentes dans l’ancienne édition sont désormais corrigées (les fautes d’orthographe et la retranscription de certains titres de films), et il ne me semble pas en avoir relevé à nouveau. Autre changement, et pas des moindres : les très nombreuses notes figurent désormais en bas de page, ce qui constitue un plus indéniable. Il n’y a plus besoin de se référer à la fin du livre, un réflexe qui était assez fastidieux à la longue. Ensuite, concernant le fond, les ajouts sont tellement nombreux qu’il serait trop difficile de tous les cibler. Parmi les plus importants d’entre eux, notons une préface inédite de Jimmy Sangster, scénariste de la Hammer (de grande valeur, proposée en traduction française et en version originale… chapeau à l’éditeur !), énormément d’ajouts ponctuels sur les textes déjà écrits (précisions, éclaircissements…), de nouveaux paragraphes entiers ici et là, sans oublier des arguments parfois étayés sur des pages entières nouvellement apparues. L’étude comble ainsi certaines lacunes (rares) que l’on pouvait éventuellement trouver précédemment. Plus complet, plus intéressant, plus pertinent.

En seconde partie, les dix entretiens sont de nouveaux présentés, avec notamment deux ajouts supplémentaires, portant ainsi le nombre de ces entretiens à douze. On retrouve donc les passionnants entretiens avec Michael Caen, Jean-Claude Romer, Jacques Zimmer, Alain Schlockoff, Norbert Moutier, Christophe Lemaire, Jean-François Rauger, Francis Moury (tous des cinéphiles passionnés, confrontés directement au genre, selon les générations, certains étant plus jeunes que d’autres), et enfin Noël Simsolo et Gérard Lenne (historiens du cinéma plus généralistes, mais intéressants quand il parviennent à repositionner l’importance de la Hammer dans un contexte cinématographique plus général). Chaque entretien est passionnant à lire, de Michel Caen (qui connaissait Terence Fisher) à Alain Schlockoff (créateur, entres autres, du magazine L’Ecran fantastique , mais aussi de feu Fantastyka ), en passant par Norbert Moutier (au parler toujours très franc) et Francis Moury (réellement concerné par un genre qu’il connait sur le bout des doigts)… Les deux nouveautés concernent les entretiens avec Bernard Charnacé, dont la passion pour Peter Cushing le mènera à rencontrer ce dernier chez lui (une histoire très émouvante déjà narrée dans le sublime et très rare Fantastyka n°9, un numéro exceptionnel sur l’acteur), et Jean- Pierre Bouyxou, historien du cinéma davantage orienté vers le bis, mais à la connaissance de toute manière réellement encyclopédique sur l’ensemble de cet art. Cette série de douze entretiens se lit presque d’une traite, tant les propos délivrés se rencontrent, s’affrontent, et font vivre l’esprit Hammer de l’époque au- delà de toute considération émise par l’étude de Stanzick. Ces rencontres, incontournables témoignages sur cette période, ont bien sûr permis à l’auteur de solidifier ses raisonnements par leur introduction ponctuelle au sein de l’étude (sous forme de morceaux choisis). Mais les proposer en version intégrale à la suite de son étude est une merveilleuse idée, que l’on peut d’ailleurs juger capitale à posteriori.

L’apport substantiel de photographies change également l’aspect de l’ouvrage. Un grand nombre de photographies en noir & blanc (mais aussi de reproductions d’affiches) émaille cette traversée d’un autre temps. On y voit beaucoup de clichés rares, tels que celui-ci où l’on voit une dame passer devant une

184 affiche très impressionnante ou bien celui-là où l’on découvre un Peter Cushing conversant avec Johnny Halliday. Très souvent de qualité, ces trésors sont imprimés sur le même papier que le texte. Un papier élégant qui confère à ces illustrations une tenue générale très honorable. Mais l’authentique bijou iconographique est encore à venir, sous la forme d’un cahier de 24 pages en couleurs sur papier glacé au centre du livre. Photographies d’exploitation (de très célèbres clichés - Frankenstein s’est échappé , Le Cauchemar de Dracula , La Malédiction des Pharaons , La Nuit du loup-garou -, comme de plus rares - La Gorgone , Le Fantôme de l’opéra ), des reproductions d’affiches (très colorées, magnifiques), quelques clichés des beautés hammeriennes (Marie Devereux, Veronica Carlson, Ingrid Pitt…), des couvertures de magazines désormais épuisés et devenus légendaires ( Midi-Minuit fantastique , Fantastyka ), et des photographies de Fischer, Cushing et Lee en compagnie parfois de Michel Caen. Un cadeau supplémentaire dont on ne se remet toujours pas.

Pour finir, les annexes atteignent maintenant plus de 75 pages. Une troisième partie officieuse, que beaucoup ignoreront, mais qui mérite pourtant largement le détour. Je dirais même que sa lecture peut paraitre quasi obligatoire. On y trouve les premières dates de sortie française pour chaque film gothique de la firme, mais aussi les dates de diffusions au travers de festivals et le box-office français lors des premières exclusivités et exploitations globales pour une trentaine de films (sources : Le Film français et le CNC). Par la suite se profile une longue filmographie exhaustive avec d’assez complètes fiches techniques. Dernier morceau de choix, sans aucun doute le plus long : une hallucinante bibliographie comptabilisant (je pense) la totalité des parutions sérieuses sur la Hammer, y compris sur Internet. Son importance a autant de valeur pour l’auteur (en rapport avec la crédibilité catégorique de ses recherches) que pour le lecteur désireux de faire le tour des innombrables parutions sur le sujet. Un complément de choix. Un index bien construit et une table des matières viennent clôturer ce pavé.

Nicolas Stanzick a réussi un ouvrage particulièrement inattendu, sans aucun doute l’un des meilleurs livres parus sur la Hammer. Félicitons également Le Bord de l’eau pour avoir su (pu) rééditer cette perle pour une seconde édition aussi riche que définitive. Quoique dotée d’excellentes qualités (et comprenant le texte matriciel et déjà très abouti de Stanzick), la première édition fait par ailleurs bien pâle figure en comparaison quand on y pense. En tout cas, à la lecture de Dans les griffes de la Hammer , je fus pris de deux envies soudaines. La première, d’aller à nouveau visionner les DVD des films Hammer (et en particulier les sublimes Frankenstein de Fisher). La seconde, d’aller relire goulument tous mes vieux numéros de Fantastyka . Merci à Nicolas Stanzick pour avoir écrit pareil ouvrage, essentiel, et qui fera date (à n’en pas douter) parmi les livres parus sur le cinéma fantastique en France, mais aussi dans le monde. Indispensable.

Julien Léonard

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WWW.NOTULUS.COM – 17 octobre 2010

http://www.notulus.com/affiche_news/1657/dans_les_griffes_de_la_hammer_un_ouvrage_de_nicolas_stanzick.html

"Dans les griffes de la Hammer" un ouvrage de Nicolas Stanzick

Le livre de Nicolas Stanzick, "Dans les griffes de la Hammer" paru en 2008, a été réédité en juin 2010, chez les éditions "Le bord de l'eau", dans une version enrichie. En effet, ce livre de 490 pages est divisé en deux parties. L'une, dans laquelle l'auteur étudie la réception des films Hammer (société de production de films d'horreurs) en France. L'autre, où nous pouvons retrouver différents entretiens avec de célèbres cinéphiles fantastiques français, racontant leurs expériences avec les films Hammer.

Le livre nominé au Grand Prix de l'Imaginaire 2010, se compose de la façon suivante : - une préface de Jimmy Sangster, le scénariste des classiques de la Hammer - une iconographie abondante : 24 pages en couleur, 35 pages en noir et blanc - un texte enrichi - des entretiens avec des cinéphiles

Ce livre rencontre un réel succès et pour preuve voici les propos recueillis par Nicolas Stanzick : "Lorsque Dans les griffes de la Hammer est sorti pour la première fois en 2008, il y a une réaction affective immédiate du public. J'avais travaillé en solitaire pendant cinq ans et tout à coup, divine surprise, l'évidence s'imposait : à en juger les nombreux témoignages positifs, c'était visiblement le livre que les fous de la Hammer attendaient… Le livre s'est retrouvé épuisé en deux mois seulement, et chaque semaine jusqu'à aujourd'hui, j'ai reçu des messages d'amateurs qui désespérément le recherchaient…"

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L’ECHO, LU POUR VOUS – 18 octobre 2010

http://blogs.lecho.be/lupourvous/2010/10/dans-les-griffes-de-la-hammer-et-la-chute-roman.html

Dans les griffes de la Hammer et La chute (roman)

Edition enrichie d’une première version publiée en 2008 chez Scali (maison d’édition hélas disparue), Dans les griffes de la Hammer permet de redécouvrir cette bible relative au cinéma fantastique britannique. L’ouvrage rédigé par Nicolas Stanzick et publié aux éditions du Bord de l’eau plonge le lecteur dans un passé pas si lointain, quelques décennies tout au plus, où le fantastique occupait l’antenne les nuits (de pleine lune ou pas). Souvent sur les chaînes de la BBC. Que l’adolescent des années 80 qui ne s’est jamais levé en pleine nuit pour visionner ces films de la Hammer où l’horreur se teintait d’un léger érotisme nous jette le premier pieu pointu. Ces films peuplés de monstres, de vampires ou de créatures de Frankenstein ont rejoint au fil du temps deux autres pans de la culture populaire qui ont connu les affres de la critique avant d’être admirés, encouragés : le rock’n roll et la bande dessinée. Comme Elvis Presley a incarné le rock, la Hammer a symbolisé le genre fantastique bien fait. Des films réalisés avec des trucages souvent réussis (pour l’époque) et des acteurs devenus stars au fil du temps : Christopher Lee ou Peter Cushing, inquiétants à souhait. Outre l’histoire de ces studios, l’ouvrage donne lieu à de longs entretiens avec des cinéphiles aussi connus que Noël Simsolo ou Gérard Lenne. De quoi partager souvenirs et extraits de tournage. Pour l’anecdote, le dernier film d’horreur produit par la Hammer, Une fille pour le diable, est sorti en 1977. A la fin de la lecture, on ne peut s’empêcher de ricaner face aux propos de François Truffaut repris dans le volume. « On peut se demander s’il n’y a pas incompatibilité entre le mot cinéma et le mot Angleterre. On ne trouve que deux cinéastes dont l’œuvre résiste à l’épreuve du temps : Charlie Chaplin et Alfred Hitchcock. » Cet ouvrage dédié à un pan mythique du cinéma fantastique prouve à foison le contraire. Comme le dit fort justement Tim Burton, « les productions de la Hammer avaient une atmosphère incroyable. Elles étaient flamboyantes et très osées. Il s’en dégageait une certaine forme de jubilation ainsi qu’une beauté saisissante. »

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FRANCE 2.fr – 21 octobre 2010

Dans les griffes de la Hammer (Réédition enrichie)

Ouvrage sur la célèbre maison de production de l'épouvante, "Dans les griffes de la Hammer", se voit réédité et enrichi. Le livre de Nicolas Stanzick est augmenté d’une préface de Jimmy Sangster, scénaristes des plus beaux fleurons de la compagnie et d’un beau cahier photos couleur et noir et blanc qui enrichissent un premier tirage aujourd’hui épuisé.

Nicolas Stanzick, critique au Nouvel Observateur et à L’Ecran fantastique signe non pas une histoire de la Hammer, mais étudie la réception de ses films en France, de la fin des années cinquante à 1976, date où la maison de production périclita. Institution outre-Manche, la Hammer réactualisa les grandes figures du cinéma fantastique - Dracula , Frankenstein , la momie , Jekyll/Hyde ...- dans les années 60-70, apportant le vedettariat aux acteurs Christopher Lee et Peter Cushing. Elle eût toutefois plus de mal à s’imposer dans une France, à l’époque, frileuse au cinéma fantastique.

L’approche de Nicolas Stanzick à ceci de remarquable, qu’elle s’inscrit dans une perspective sociologique et une étude des mentalités, décryptées par le prisme de l’émergence d’une nouvelle cinéphilie qui participa à la révolution culturelle que devait cristalliser les événements de mai 1968. Rien de calculé dans ce phénomène, mais la condensation à une époque donnée d’un discours subversif, inscrit dans une nouvelle représentation de la violence et du sexe, au cinéma, participative d’un contexte culturel plus général, lisible tant dans tous les arts.

Nicolas Stanzick rappelle de ce fait l’angle qu’emprunte l’historien et théoricien américain du cinéma fantastique David J. Skal , par sa lecture de sa réception aux États-Unis, dans son remarquable The Monster Show , malheureusement non traduit en France. Si la démarche peut être comparée, l’histoire est bien différente, car très particulière à la France. Aussi la démonstration de Nicolas Stanzick repose pour 188 beaucoup sur la mise à plat des modes de distribution dans l’hexagone des films de la Hammer et surtout sur l’émergence de la première revue européenne consacrée à son genre de prédilection - l’épouvante -, Midi Minuit Fantastique , dès 1962, et qui perdura jusqu’en 1971.

Pour ce faire Stanzick fait appel à de nombreux interviews des protagonistes qui vécurent et participèrent à une histoire aux résonances bien plus importantes qu’il n’y paraît . Midi Minuit Fantastique (MMF, pour les intimes) détermina en effet la reconnaissance de la Hammer , à travers son premier numéro consacré entièrement au réalisateur Terence Fisher qui installa ce qui allait devenir le style Hammer, la Hammer touch . Jusqu’alors vilipendé par la critique « sérieuse », le vent devait quelque temps plus tard tourner à son avantage, grâce à des textes élogieux, pour aboutir il y a deux ans à une rétrospective complète de son œuvre à la Cinémathèque française , ultime consécration. A travers la réception de la Hammer en France, c’est aussi une critique de la critique cinématographique française qui s’effectue. Non dans un sens négatif, mais analytique.

Bourré d’anecdotes riches et savoureuses, notamment à propos des salles parisiennes spécialisées dans le fantastique, qui participent d’une histoire du cinéma bis, c’est ce parcours, sur quelque 400 pages, que retrace Nicolas Stanzick, avec une verve communicative de sa propre passion.

Jacky Bornet

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WWW.EXCESSIF.COM – 22 octobre 2010

http://www.excessif.com/cinema/actu-cinema/news/dans-les-griffes-de-la-hammer-l-ouvrage-reference-6111615-760.html

Dans les griffes de la Hammer, ouvrage référence signé Nicolas Stanzick sur le studio culte, fait à nouveau l'actualité.

Après une première édition en 2008, Dans les griffes de la Hammer (500 pages avec illustrations et cahier photos) est ressorti en Juin 2010 aux éditions Le Bord de l'eau dans une nouvelle édition enrichie et augmentée. Cet ouvrage de référence écrit par l'auteur Nicolas Stanzick retrace les évènements du studio mythique qui produisit La Nuit du loup-garou ou Dracula prince des ténèbres et rendit célèbre des acteurs comme Terence Fisher, Christopher Lee ou encore Peter Cushing... Le livre de Nicolas Stanzick, constitué d'entretiens fleuve, est la première oeuvre littéraire française sur la maison Hammer. Pour tous les fans du genre fantastique, Dans les griffes de la Hammer est un indispendable. Il complètera avec pertinence la visions de ces longs-métrages souvent mal aimés dans l'Hexagone. L'ouvrage bénéficie de la préface de Jimmy Sangster, scénariste de plusieurs classiques de la Hammer. Nicolas Stanzick participera à deux évènements fin Octobre. A l'approche d'Halloween , vous pourrez faire signer vos exemplaires : . Le 28 octobre à 19h : Soirée Halloween consacrée à la Hammer, avec extraits de films, conférence, débats... (Le Comptoir des mots, 239 rue des Pyrénées, Paris 20ème - M°Gambetta) . Le 29 octobre à 14h : Signature à la Librairie des Signes à Compiègne. (Librairie des Signes, 17 rue Pierre Sauvage, Compiègnes) Nicolas Schiavi

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L’ECHO REPUBLICAIN – 22 octobre 2010

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LE COURRIER PICARD – 28 octobre 2010

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BIBA – 1er novembre 2010

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OISE HEBDO – 3 novembre 2010

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FRANCE BLEUE FREQUENZA MORA – 10 décembre 2010

http://sites.radiofrance.fr/chaines/france- bleu/?nr=f00be783ae379544adaec164e179e218&aafbde4b4320a496fdb89d91dd08be07_container_id=55515&aafbde4b4320a496fdb89d91dd08be07_contain er_mode=instances&aafbde4b4320a496fdb89d91dd08be07_article_id=542619

Pour écouter l’émission :

http://hammergriffes.free.fr/Hammer/Presse/Audio/Fr%c3%a9quenza%20Maura%20-%2010%20d%c3%a9cembre%202010.BWF

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CORSE MATIN – 11 décembre 2010

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LES CAHIERS DU CINEMA – 1er janvier 2011

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20 MINUTES – 18 janvier 2011 http://www.20minutes.fr/article/654464/corbeille-l-epouvante-lumiere

L’épouvante en lumière

Cinéma L'Institut consacre son 10e vendredi d'horreur à la Hammer

Un laboratoire de Frankenstein, un Dracula et son cercueil, et beaucoup de brouillard. L'Institut Lumière sera très loin de ses ambiances classiques de conférences vendredi. Car Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les Griffes de la Hammer , viendra présenter à 20 h les plus beaux moments de la célèbre maison de production anglaise de films... d'épouvante dans les années 1950 et 1960. Avant la projection du Dracula prince des ténèbres (1966) de Terence Fisher à 22 h, soit le film le plus ancien proposé depuis les débuts de l'Épouvantable vendredi, qui fêtera sa 10e édition.

Un public jeune et mordu

L'aventure a débuté le 19 décembre 2008 avec la nuit Rob Zombie, un succès « franchement étonnant » avec ses 320 entrées. « Nous tenions un concept qui n'existait nulle part ailleurs, à savoir une soirée festive entre fans de fantastique », explique le programmateur Fabrice Calzettoni. John Carpenter, Wes Craven ou encore Dario Argento ont suivi, mais cette fois avec une ambiance gothique assurée par AOA. De quoi fidéliser des fans jeunes (autour de 25 ans) et « très différents des abonnés de l'Institut Lumière ». Certains en arrivent aujourd'hui à lancer « plutôt mourir que manquer un épouvantable vendredi », sourit Julien Pouget, président d'AOA.

Jérôme Pagalou

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FRANCE BLEUE ISERE – 20 janvier 2011

http://sites.radiofrance.fr/chaines/france- bleu/?nr=9007dc8d18be77b634915139c052712b&22e4dc3fa08e36dd6f5e2dfb11e83970_container_id=700&22e4dc3fa08e36dd6f5e2dfb11e83970_container_ mode=instances&22e4dc3fa08e36dd6f5e2dfb11e83970_article_id=557761

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LIBERATION – 15 et 16 janvier 2011

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