Jacques Martin Était Un Esprit Libre, Impertinent
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Christine Albanel, la ministre de la Culture et de la Communication : "Jacques Martin était un esprit libre, impertinent, très drôle et bourré de talents. Il savait chanter, imiter, il était un découvreur de talents et a marqué énormément le paysage. On le regrette et j'ai beaucoup de peine." Stéphane Collaro, animateur au Petit Rapporteur aux côtés de Jacques Martin : "Jacques Martin a été l'une des rencontres les plus importantes de ma vie. 1 Malgré l'affection de ses proches, sa vie était devenue un calvaire et il ne le méritait pas. On est parti de l'amitié et de ce goût commun pour la farce et la dérision et cela a donné naissance au Petit Rapporteur. On y retrouvait cet esprit bon enfant, l'envie de rire de tout. C'était sa nature qui contrebalançait un déchirement profond. Il était très introspectif et inquiet. Jacques avait un talent extravagant. C'était un être complexe et attachant. Le Petit Rapporteur a été l'invention d'un ton nouveau à la 2 télévision". Danièle Gilbert : "A la télé, nous sommes tous des enfants de Jacques Martin. J'ai été connue avec et grâce à lui. Il m'a tout appris: il improvisait et il fallait réagir au quart de tour. Il avait le sens du mot "populaire". J'aime les êtres hors du commun et il en était un (...) Il était incroyablement culotté. La télé l'est beaucoup moins aujourd'hui. Il osait tout alors qu'aujourd'hui la soi-disant audace devient formatée". 3 Philippe Bouvard : "Jacques Martin, c'était une impertinence totale, une grande imagination. Il a inventé des concepts d'émissions. C'est très rare. La preuve, aujourd'hui, on va chercher nos concepts à l'étranger. C'était un artiste complet. Il savait tout faire et avait tous les dons: il savait danser, faire des claquettes, jouer la comédie, chanter, écrire... C'était le roi de l'improvisation. Je me demande ce qu'il ne savait pas faire. Il ne savait pas être heureux". 4 Jean-Pierre Foucault, partenaire de Jacques Martin au Théâtre de l'Empire pour le jeu L'Académie des 9: "Jacques Martin était une référence. Il savait tout faire. C'était un showman idéal doté d'une culture exceptionnelle. Quels que soient les domaines, il excellait. Jacques Martin était l'incarnation de la télévision, avec l'impertinence en plus, à une époque où elle n'avait pas lieu d'être sur la télévision d'Etat. Il avait un pouvoir et un culot immense. Il est toujours resté un artisan". 5 Patrick de Carolis, PDG de France Télévision : "Jacques Martin était un homme exceptionnel de la télévision et je veux vraiment lui rendre hommage. C'est quelqu'un qui a écrit quelques-unes des plus belles pages du service public. Il était doué de tous les talents, c'était tout simplement un homme de scène. Il avait compris que la télévision publique devait s'adresser à tous les publics. Il pouvait passer de l'impertinence du Petit Rapporteur à la tendresse de L'école des Fans. Il avait sa gouaille, son talent, son 6 dynamisme. Je crois que les générations qui ont grandi avec la télévision, ont grandi avec Jacques Martin". Pierre Bonte, l'un de ses anciens complices du Petit Rapporteur : "Jacques Martin était l'homme le plus brillant que j'ai connu à la télévision". Piem ou Pierre de Montvallon, qui avait participé à ses émissions satiriques : "Jacques Martin a su utiliser la télé de manière brillante et audacieuse. Je suis 7 très attristé par ce départ". Pierre Tchernia : "Dès son arrivée, Jacques Martin a porté un coup de lumière particulier sur les variétés, sur les émissions de télévision et de radio, avec un ton qui était le sien. Dans L'école des Fans, la place qu'il occupait vis-à-vis des enfants était remarquablement intelligente, parce qu'il réussissait à se mettre dans la position où c'était l'enfant qui était intelligent et lui qui était un imbécile". 8 Danièle Evenou, ancienne compagne de Jacques Martin avec lequel elle a eu deux garçons : "Il osait se moquer et avait 3.000 idées à la seconde. Avec de l'humour, il se permettait tout. Toutes les idées se retrouvaient toujours autour de la cuisine, qui était aussi sa grande, grande passion". Laurent Gerra : "Je suis très, très triste de la disparition de mon papa de télévision, grâce auquel j'ai appris le métier. Jacques 9 Martin était un artiste complet, Il avait un sens de la dérision incroyable. Il a tout osé, il m'a presque désinhibé sur des choses que j'avais peur de dire. J'étais très fier de bosser avec lui. Je me rappelle un homme très cultivé, aux muliples références, quelqu'un d'hédoniste". Paul Bocuse a salué la mémoire de Jacques Martin, "un vrai chef qui avait une passion pour la cuisine". 10 Les intellectuels, "z’étuelles", comme l’écrivait Boris Vian, n’apprécient guère Jacques Martin. Ils te boudent, le supportent avec haussement d’épaules ou, dans le meilleur des cas, le traitent de bateleur. De fantaisiste aussi... C’est ce qu’officialise, par exemple, l’AFP, 11 lorsqu’elle annonce : "le fantaisiste Jacques Martin sera le récitant du conte symphonique pour enfants de Prokofiev Pierre et le Loup, le 9 décembre, à 18 h 30, au théâtre des Champs-Elysées." Fantaisiste, le Petit Larousse définit le mot: "artiste de music-hall qui chante ou raconte des histoires". Dès lors, Jacques Martin, cette étiquette collée au dos de sa valise, lunettes à demi-foyer sur le nez, escalade allègrement les indices d’écoute et de vision. D' Entrez les artistes à Thé dansant, de 11 h 15 à 17 heures, Dimanche 12 Martin capte l’attention de 4 à 11 millions de téléspectateurs, monopolise enfants et parents au long d’une Ecole des fans qui dure depuis 1977, et multiplie par quatre ou cinq les revenus publicitaires que se disputent ses tranches horaires. Au sortir de son marathon, déshabillé du rose qui l’enlumine, Jacques Martin se retrouve seul dans sa loge. Et c’est peut-être là, ou dans son bureau style TSF du théâtre de l’Empire, qu’il vaut mieux le cueillir. A chaud. "Je gomme les termes à la mode" 13 La voix est lasse, mais le réflexe prompt. Déjà, il sait, et sans avoir revu sa prestation au magnétoscope, ce qui clochait. La plaisanterie facile qui échappe. La grimace de timidité. Il détecte ses failles et parfois les invente : "C’est très difficile de parler à un auditoire qui, de quart d’heure en quart d’heure, varie d’âge et de profession. Sur mon carnet de bord, 14 je sais le nombre d’agriculteurs qui nie regardent et celui des architectes, des banquiers -ils sont rares- ou des instituteurs. Ce!a m’a amené, d’ailleurs, à la sémantique. Avant le Journal télévisé, je peux parler d’hydrographie. Après. je m’arrange, je traduis. Passionné du mot compréhensible par tous, je gomme les termes à la mode, et les raye de mon vocabulaire. “Obsolète”, par exemple, on le retrouve partout. A titre indicatif, cela veut dire: “qui n’est plus en usage”. Eh bien, fidèle à sa définition, j’évite." 15 Ne jamais se servir de ce qu’on sait aux dépens de ceux qui le comprennent mal, miser sur l’optimisme quand le vent est aux Cassandre, telles sont les devises de Jacques Martin. Partant de ces simples constatations, il accepte de se ranger "dans la catégorie des crétins, des incultes et des analphabètes". 16 "Vous exagérez... -Non. J’ignorais que d’être populaire voulait dire pour beaucoup n’être que populeux. Et cela me fait mal. Les articles qui m’écorchent, je les conserve dans mon portefeuille. En bon Lyonnais que je suis, j’imagine toujours, entrant dans un café, que toute Ja ville les a lus. Paris, heureusement, est dilettante. Et je peux boire un verre sans qu’on me regarde trop." En fait, ce qui surprend le plus chez cet homme de planches et de communication, c’est sa volonté -sans vouloir le défendre à tous crins 17 -d’attention aux autres, quels qu’ils soient. Le remords aussi de n’être plus qu’une image de marque. Comme le fut Jean Nohain au temps de Reine d’un jour ". Le Martin, rampe et tube cathodique éteints, se présente lucide, drôle s’il le veut, un tantinet désarçonné. Et même ses constatations aux allures de prêche, en souvenir sans doute d’une adolescence chez les dominicains, aboutissent à une réalité vinaigrée: "il y a deux télévisions. Celle qui nous observe en gros plan, parlant aux autres. Et celle -très égoïste- qui vous 18 surprend dialoguant de Kafka ou des chemins du surréalisme, tandis qu’un animateur, assis devant une table basse, amorce la conversation et joue les érudits dérangés. Caricature? Du tout. Je connais fort bien, ayant eu l’occasion, en remerciement de mes indices de satisfaction, d’interpréter de temps en 19 temps ce rôle rotarien. Mais, on le devine, si je parle d’Oscar Wilde ou, de Mozart, je passe le lundi de Pâques à 22 h 30 avec 0,008 % d’écoute. Tel est le sort et le tort des fantaisiste!" Mais le véritable Jacques Martin se rencontre dans le cheminement de sa bibliothèque. Aux murs, et on sent qu’il les a lus, figurent Chamfort, le cardinal de Retz, Prosper Mérimée, Valery Larbaud, Giraudoux, Stendhal, Marcel Aymé, Anatole France et Jules Renard. Dessinateur: Chavai. "Poète majuscule": 20 Michaux. "Oublié préférentiel", une passion qu’il partage avec Jean Carmet: André Frédérique.