Revue d'histoire religieuse du Brabant wallon

Périodique trimestriel

Comité d'histoire religieuse du Brabant wallon

Centre d'histoire religieuse des Facultés universitaires Saint-Louis 2·004 Tome 18 fascicule 4 quatrième trimestre En couverture :

Le chevet de la chapelle de !'Hospice de Rebecq (Photo de M.-A. COLLET, 2004) LIMINAIRE

Avec ce quatrième et dernier fascicule de l'année 2004, nous avons le plaisir de retrouver le dossier que Gérard Bavay avait entamé en début d'année: l'étude des topographies paroissiales. Rappelons aux lecteurs que l'enquête, menée essentiellement en Hainaut, est un bel exemple de recherches qui pourraient être lancées en Brabant wallon. À n'en pas douter, ce riche dossier stimulera les initiatives dans notre province. La chronique d'histoire scolaire que livre Paul Wynants aborde cette fois l'extrême ouest du territoire néobrabançon. On lira avec intérêt les tribulations du pensionnat et de l'école élémentaire de Rebecq entre 1859 et 1914, où ont œuvré les sœurs de la Providence et que les conflits politiques et la guerre scolaire ont obligées maintes fois à « tirer le diable par la queue ». À côté de ces deux articles, plusieurs rubriques brèves : sous le titre Bibliographie, on trouvera un compte rendu du Guide du chercheur en matière d'histoire du monde catholique au 20e siècle (Wallonie­ Bruxelles) paru en 2003 ; avec la contribution intitulée S.O.S pour le patrimoine mobilier des édifices religieux, le Chirel entend attirer l'attention sur les graves problèmes de vols et de dilapidation du patrimoine de nos églises; enfin, les Rawettes sont l'occasion de quelques mises au point relatives à de précédents articles. Cette année qui se termine est aussi l'occasion pour le Comité de remercier ceux et celles qui soutiennent généreusement le projet du Chirel. Grâce à tous les membres, et aux membres d' honneur et de soutien en particulier, le patrimoine religieux - multiforme - du Brabant wallon peut, à l'échelle qui est celle du Chirel, faire l'objet d'attentions, de sauvegardes, de mises en valeur. À ces remerciements, nous ajoutons ceux que nous tenons à réitérer à celui qui est devenu, au cours de cette année 2004, le président d'honneur du CHIREL BW, l'abbé André Tihon.

Revue d' histoire religieuse du Brabant wallon, 18, 2004, 4, p. 217-218. 218

Bonnes fêtes de fin d'année à toutes et à tous ! Souhaitons que l'année à venir apportera ... de nouveaux abonnés à la revue du Chirel et, aux lecteurs, le plaisir de lire des articles que nous espérons variés et captivants.

Isabelle p ARMENTIER Secrétaire de rédaction

L'église Saint-Remi à Écaussinnes d'Enghien L'égli se (reconstruite sur un plan plus ample au 18c siècle) domine très largement le centre du vil lage et la rivière. Une déclivité très forte la relie au sit e de l'ancien moulin (vers le bas, à droite). Cc dernier est établi en bordure d'un bief alimenté par la Scnncttc et visible à l'avant-plan. (Photo G. BA VA Y) CLOCHERS, PAROISSES ET PAYSAGES EN HAUTE>SENNE

Contribution à l'étude et à l'interprétation des topographies paroissiales Autour du cas des localités du canton de

A. L'héritage des derniers siècles

La mise en place des paroisses en général, du réseau des sites paroissiaux en particulier, ne s'est évidemment pas faite en un jour. Si, dans la plupart des cas, les origines se perdent, peu ou prou, dans la nuit des temps, nous disposons d'indications nombreuses et diverses quant aux initiatives prises dans ce domaine à partir de la fin du 11 e siècle. Progressant du connu vers l'inconnu et donc du présent vers un passé de plus en plus lointain, nous traiterons de cette question selon les principes d'une démarche rétrogressive. Nous ne nous attarderons pas ici sur les paroisses les plus récentes dont l'histoire est bien connue et tient pour l'essentiel aux développements liés de près ou de loin à la Révolution industrielle : paroisse de la Gage (), paroisse de Soignies-Carrières (Soignies) et d'Écaussinnes• Carrières (Écaussinnes-d'Enghien) ou encore église en marbrite, dédiée à sainte Lutgarde, au «village» industriel de Fauquez (aux limites de

Revue d'histoire religieuse du Brabant wallon, 18, 2004, 4, p. 219-248. L'église Saint-Géry de Rebecq Construite en 1866 sur les plans de l'architecte E. Coulon. (Photo M.-A . COLLET, novembre 2004) 221

Ronquières et Ittre). On signalera toutefois à ce propos que le développement des tuileries d'Hennuyères n'a entraîné l'apparition d'aucune paroisse nouvelle mais seulement d'une très modeste chapelle réservée aux offices destinés aux familles des ouvriers d'origine italienne. Nous ne nous attarderons pas non plus sur le cas des églises qui font l'objet d ' une reconstruction plus ou moins complète dans le courant du 18e (cas fréquent, comme à Naast, , Petit-Roeulx-lez-Braine 1 ou ) ou du l 9e siècle. Selon toute apparence , même lorsque le chantier porte sur la totalité de l'édifice, c'est au même emplacement que l'on choisit d'édifier, généralement dans des proportions plus imposantes, la nouvelle église. Le cas de Rebecq constitue un cas particulier puisque la reconstruction qui intervient en 1866, s'effectue non pas sur le site antérieur mais, à une cinquantaine de mètres de là, sur une assiette plus vaste et qui permet de dégager l'espace initial en vue de la création d'une 2 nouvelle place publique . Au début du l 9e siècle, le hameau de la Belle-Croix (à la limite septentrionale d', à plus de quatre kilomètres de l'église paroissiale) compte plus d'une centaine de familles. Sa situation privilégiée sur la chaussée romaine contribue à expliquer l'importance de l'agglomération qui s'y est développée. Un conflit met alors aux prises les habitants du hameau à ceux du "chef-lieu" du village. Ces derniers s'opposent en effet à ce que la chapelle établie dans le hameau soit érigée en oratoire public (à titre de chapelle de secours "sous l'invocation de la Sainte-Croix") et que le second vicaire d'Horrues (qui a déjà sa résidence au hameau) puisse y célébrer le culte. Pour les habitants du hameau, plusieurs arguments militent en faveur de leur revendication : le hameau est populeux et situé à 45 minutes ( à pied, on le devine) de l'église paroissiale, ce qui a pour conséquence que les habitants ne peuvent fréquenter leur paroisse que très rarement; d'autre part, "l'instruction fitt

1. L'archéologie a permis de montrer à de nombreuses reprises que la reconstruction des lieux de culte s'effectuait habitucllcmcnt (et cc depuis le haut moyen âge) sans remettre en question le site initialement choisi. On devine les motifs qui ont pu encourager cette pratique (rester à l' intérieur du cimetière, sauvegarder les parties saines de la bâtisse, garder une implantation« centrale » favorable ... ). 2. L. DELPORTE et R. DEN YS, Un grand chantier au 19e siècle: la construction de la nouvelle église Saint-Gé1y à Rebecq, Dossier du CHIR EL Rebecq-Tubize, n° 3, Rebccq­ Tubise, 1997, 52 p. 222

toujours négligée, lorsque la chapelle de Belle-Croix n'existait pas, ainsi que la résidence du vicaire"; par ailleurs, l'éloignement ne permet pas au curé "d'accourir à une distance de ¾ de lieue, surtout pendant l'h iver ou la nuit"; enfin, une sentence venue de Cambrai et une autre du Conseil de Hainaut (février 1796) ont accordé aux habitants du hameau que "le deuxième vicaire de la paroisse y fasse sa résidence et y administre les sacremens". Pour les habitants de la Belle-Croix, il s'agit d'assurer un droit conquis à l'extrême fin de l'ancien régime et de lier définitivement à leur chapelle le second vicaire traditionnellement associé à leur hameau. Les motivations des habitants du village ne nous sont pas explicitement connues et l'on ne peut s'expliquer leur opposition que par les intentions que les habitants du hameau leur prêtent : "Il est à observer que les habitons d'Horrues, ne sont aussi portés à l'opposition contre cet établissement, que dans la crainte qu'une partie de leur commerce, situé 3 près de leur église, ne se transporte à la Belle-Croix" • On imagine en tout cas assez aisément l'intérêt pour les commerçants implantés au centre du village de recevoir chaque semaine la visite de plusieurs centaines de paroissiens du hameau. Le cas du village d'Horrues et de son hameau de la Belle-Croix témoigne, à la fin de l'ancien régime, de la concrétisation progressive d'une esquisse de paroisse nouvelle en faveur d'une forte communauté quelque peu isolée mais formant un ensemble identifiable aux confins d'une paroisse. La désignation d'un vicaire spécialement chargé du hameau constitue une première étape. Dans un second temps, les habitants du hameau matérialisent leur "autonomie paroissiale" en s'assurant l'édification d'une chapelle et le logement du desservant. On remarquera que l'installation d'un cimetière n'apparaît pas panni les revendications émanant de la communauté de la Belle-Croix. Plusieurs situations du même type se rencontrent durant les deux derniers siècles de l'ancien régime en d'autres points de la région. C'est notamment le cas à Thieusies lorsque, le 1er juillet 1767, l'archevêque de Cambrai charge le doyen de Mons de visiter la commune. li s'agit, de cette manière, de faire suite à une requête des habitants visant l'installation d'une vicairie dans la paroisse. C'est l'occasion de relever

3. Ed. ROLAND, Le canlon de Soignies à l'époque du Co ncordat ... , p. 86-87. 223 divers arguments. Le premier porte sur le nombre de communiants et d'enfants : "il y a dans cette paroisse six cent treize communions et p lus, cent trente deux enfans qui ont atteints l'age de sept ans, savoir deux cent soixante trois communions et soixante quinze enfans dans le corps dud village, cent cinquante quatre communions et quinze enfans dans le hameau de la Saisinne, cent quarante neuf et vingt sept enfans dans celui de la Surieux, finalement quarante sept communions et quinze enfans dans la Roquette et Vallée". Le second argument porte sur des distances : "D'ailleurs cette paroisse a une lieu et demie de longueur sur deux lieux ou environ de circuit avec les circonstances que l'église paroissiale est a peu près éloignée d'une demie lieu du hameau de la Saisinne, dans ses maisons les plus reculées celui-ci des hameaux de Surieux et vallée respectivement des trois quart de lieu et ceux-ci d'une lieu et demi ou environ ce qui presente outre les d[/jicultés qu'il a rencontre en cas de pluie pour avoir accès aud hameau de la Saissine une nécessité indispensable pour l'établissement d'un vicaire ... ". L'accord pour la création de la vicairie sera donné par l'archevêque de Cambrai le 27 aoüt 4 sui vant . On peut deviner qu'une dynamique du même type que celle observée à la Belle-Croix aurait pu s'enclencher dans l'un ou l'autre des hameaux de la paroisse et spécialement au hameau de la Saisinne. C'est précisément du hameau de la Saisinne et de la restauration d'une chapelle "paroissiale" s'y trouvant que traite, au milieu du l 7e siècle, dom Gérard Sacré, religieux de l'abbaye de Saint-Denis en Broqueroie, dans sa fameuse "Pantopographie seigneuriale de l'Eglise et Abbaye de Saint Denys pour les villages [sic] de Saisinne, Th ieusies, Hubert-Fossé, Scirieu, Casteau, Thieudonsart et Soignies". Aux dires de Gérard Sacré, "Saisinne est un petit hameau subiet à l'eglise paroichiale de Thieusies". Toutefois, si la Saisinne relève sur le plan paroissial de l'église de Thieusies, elle relève au plan civil non du seigneur de 5 Thieusies mais bien directement de l'abbaye de Saint-Denis .

4. L. DESTRAIT, Créarion d'une vicairie à Thieusies en 1767, dans Annales du Cercle archéologique du Can/on de Soignies, t. 6, 3c li vraison, 1934, p. 272-274. 5. "Encor bien que ce petir hameau de la saisinne soit subjet, comme dit est, à l'église er paroisse de Thieusies, néantmoins il a mayeur, eschevins et justice a part, comme ressortissant de la seigneurie et bailuage de Sr Denys .. ." 224

Chapelle au lieu-dit "la Saisinne" {Thieusies - Soignies) La chapelle a été reconstruite à la fin du 18c siècle. Elle matérialise cependant une implantation ancienne au cœur d'un fort hameau éloigné du centre du vi ll age. (Photo G. BA VA Y)

li s'y trouvait jusqu'au milieu du l 7e siècle une "chapelle ... bastie de bois fort simplement comme une thoreille couverte de paille ... et ny a personne qui ayt mémoire de l'avoir veu bastir ny mesme ouy des ancestres ... Elle est située en une forte petite warischaye ou commune au croizant des chemins qui passent au travers de ladite Saisinne, sur une petite éminence. En son comprenement, elle pourrait contenir environ ll ou XXX personnes tout au plus". Malgré la présence d'un autel et d'une statue de la Vierge, Gérard Sacré ne croit pas à l'hypothèse "qu'on aurait autres/ois dit la messe en ladite chapelle". Cela n'empêchera pas les moines de l'abbaye bénédictine de restaurer la statue qui est l'objet d'une particulière vénération en ce lieu et d'encourager le culte qui renaît autour d'elle "en présence de plusieurs manants dudit hameau, qui estoyent venu congratuler leur chère patrone et advocate pour l'heureux retour de son image miraculeuse, à laquelle ils ont tousjours esté fort devots, chantant tous les jours au soir les litanies ... ". Poursuivant dans cette voie, les moines entreprennent la construction d'une nouvelle chapelle dont ils posent la première pierre le 24 octobre I 669. Une dernière étape est franchie le 26 septembre 1679 lorsque notre témoin "ayant impetré permission dy celebrer de monseigneur /'illustrissime de Cambrai ... y chante solemnelement la première messe". Par la suite, le 225

curé de Thieusies obtiendra permission de "biner en ladite chapelle / estes 6 et dimanches" .

L'église Saint-François d'Assise de Bornival Exemple d'i nsertion tard ive dans le paysage ( 1603). La cure se trouve très exactement en face de la porte de l'église. Le cimetière, autour du sanctuaire paroissial, est touj ours en usage à l'heure actuelle. (Photo G. BAVA Y)

Continuant à remonter le temps, nous nous pencherons sur Je cas de la paroisse de Bornival, détachée de celle de Monstreux au début du l 7e siècle. L'érection de cette nouvelle paroisse (correspondant à la seigneurie de Bornival) est attribuée au fa it que les fidèles de Bornival devaient, pour se rendre à Monstreux, "suivre des sentiers marécageux 7 infestés de brigands" . L'adéquation d'une seigneurie à une localité au

6. À propos de l'histoire de cette chapelle, d'aill eurs encore reconstruite durant la seconde moitié du l 8e siècle, on li ra le tex te de la "Pantopographie seigneuriale ... " publié par P. MEURI CE en 1962 (2dc édition en 1963), p. 17-23 dont nous avons repris ici les extraits les plus significatifs. 7. V. JENET, Bomival. Histoire d'une commune brabançonne, sl nd, p. 2 1-22; E. de LALI EUX, Les seigneurs de Bornival (/300-1795), Cahier n° 1 I du Chi ret BW, Wavre, 1995, p. 8 1-82 ; M. -A. COLLET, La paroisse, dans Par Monts el Borgnevaus. Catalogue de l'exposition organi sée par des habitants de Born ival et le Chircl de Nivelles, Borni va l, 1995, p. 17-28; P. JADIN, l a seigneurie de Bornival devient paroisse en 1603, dans L 'église 226 profit de laquelle on souhaite la mise en place d'une paroisse apparaît dans ce cas comme un élément favorable. On observera qu'il s'agit ici, à proprement parler, de la création d'une paroisse nouvelle et non, comme nous avons pu le voir dans le cas de la Saisinne ou de la Belle-Croix, d'une simple chapelle de secours mise entre les mains d'un vicaire ou ajoutée aux charges du desservant habituel de la paroisse.

B. L'époque des chapellenies

Les sources du bas moyen âge apportent, elles aussi, leur lot de témoignages à propos de la naissance ou du développement de divers lieux de culte dont le caractère paroissial n'est pas toujours clairement établi. Si le cas de la paroisse Sainte-Aldegonde à Écaussinnes-Lalaing semble clair, il n'en va pas de même pour des lieux de culte tels que la chapellenie de la Houssière (Braine-le-Comte) ou la chapellenie Sainte­ Marguerite au Plouy (Braine-le-Comte).

C'est le 20 avril l 287 que la chapellenie de la Houssière8 est fondée par le comte Florent de Hainaut en un lieu que l'on n'est pas parvenu jusqu'ici à identifier. Avant 1304, cette même fondation passera, sous la dénomination de Chapelle-le-Comte, au béguinage de Braine-le­ Comte. Le chapitre de Sainte-Waudru, luttant pour faire reconnaître son droit de patronat sur toute l'étendue de la paroisse de Braine-le-Comte, se res1gnera en 1304 à ce que le comte et lui-même désignent 9 alternativement le chapelain de la Chapelle-le-Comte . Quant à la

Saint-François 1603-2003, Bornival en Roman Pais de Brabant, li vre souvenir de l'exposition, Nivelles, 2003, p. 14-2 1. 8. Le toponyme Bois de la Houssière désigne une vaste étendue boisée située à l'est de la ville et séparant, aujourd'hui encore, le bassin de la Brainette (côté Braine-le-Comte) du bassin de la Sennettc (côté Écaussinnes, Henripont et Ronquières). Le mot Houssière désigne aujourd'hui deux zones distinctes, la Haute Houssière (côté Tête du Bois) correspondant au bassin naissant de la Brainette en amont de la ville et la Basse Houssière (côté Hennuyères) correspondant au bassin du Sans-Fond. 9. G. WYMANS, Un document inédit relatif à la chapelle de la Houssière à Braine-le­ Comte (février 1304), dans Annales du Cercle archéologique du Canton de Soignies, t. 19, 1959-1960, p. 75-81. On verra également C. DUJARDIN, J. -B.-J. CROQUET et 227 chapellenie fondée par Wauthier de Braine, chevalier, châtelain de Binche, en sa "maison" du Ploich (lieu-dit « le Plouy » à mi-distance de Braine-le-Comte et Petit-Rœulx lez-Braine, en bordure de la Brainette), l'acte de fondation du 5 août 1242 précise que la présentation du chapellain appartiendra au fondateur durant le cours de sa vie et passera ensuite à l'autorité détenant le "personat" sur l'ensemble du territoire de la 10 paroisse, en l'occurrence le chapitre de Sainte-Waudru • L'intérêt de ces deux chapellenies pour l'histoire paroissiale de Braine-le-Comte s'éclaire particulièrement à la lumière de la création d'une troisième chapellenie ayant également Braine-le-Comte comme théâtre et intervenant le 4 juillet 1254. C'est à cette date précise que le chapitre de Sainte-Waudru prend l'initiative d'instituer une chapellenie perpétuelle dans l'église (principale) de Saint-Géry "ad a/tare quod est in media dicte ecclesie parochialis". La motivation de cette initiative ("pro eo quod ecclesia beati Gaugerici in Brania Comitis, pro effrenata multitudine personarum utriusque sexus nimium erat onerata, ad cujus regimen, utile videbatur dari aliquod adjutorium sacerdoti") apporte une lumière vive sur les raisons de cette création et n'est pas sans fournir quelques reflets éclairants pour la compréhension des fondations de chapellenies auxquelles nous venons de faire allusion pour le Plouy ( 12 ans plus tôt) et pour les confins du bois de la Houssière (35 ans plus tard). li faut encore préciser ici que le territoire de la paroisse de Braine-le­ Comte était dès ce moment d' une étendue particulièrement importante et pratiquement identique à l'étendue de la commune avant la fu sion du 1er janvier 1977, soit près de 4000 hectares. Faut-il dès lors s'étonner du démembrement, intervenu peu avant août 1277, au cœur de l'ancienne grande paroisse d'Écaussinnes (dont le territoire correspondait initialement à l'addition de ceux des futures paroisses Saint-Nicolas d'Henripont, Saint-Remi d'Écaussinnes-d'Enghien et Sainte-Aldegonde d'Écaussinnes-Lalai ng) ? On ne possède apparemment aucune indication objective quant aux raisons qui

P. BOURDEAU, l a paroisse de Braine-le-Comre. Souvenirs hisroriques el religieux, Braine-le-Comte, I 889, p. 648. I O. L'acte de fondation de cette chapellenie est publié par C. DUJARDIN, J.-B.- J. CROQUET et P. BOURDEAU, La paroisse de Braine-le-Comre ... , p. 645-646. On verra également à cc propos C. DUJARDIN et J. -B.-J. CROQUET, Glossaire roponymique de la ville de Braine-le-Comte, Braine-le-Comte, 1894, p. 8 et 42. 228 motivèrent cette scission. Tout au plus peut-on deviner que la multiplication du nombre de paroissiens (à l'instar de l'évolution qui se manifeste à la même époque dans la paroisse voisine de Braine-le-Comte, 11 de même d'ailleurs qu'à Soignies ) associée au double hommage rendu par le seigneur d'Écaussinnes d'une part au seigneur d'Enghien (pour la rive gauche de la Sennette où se dressait l'église primitive de Saint-Remi) et, de l'autre, au seigneur du Rœulx (pour la rive droite où se dressera l'église de Sainte-Aldegonde et où se dresse le château primitif) se situent au centre des préoccupations qui conduisent à l'instauration de la nouvelle paroisse de Sainte-Aldegonde, paroisse spécialement destinée aux Écaussinnois installés sur la partie rhodienne de la "vénérable" seigneurie des Écaussinnes (rive droite de la Sennette). Quant à la date à laquelle la paroisse d'Henripont se dissocie de celle d'Écaussinnes, elle n'est malheureusement pas connue avec précision et est en tout cas antérieure à l'octroi de la charte de franchises 12 dont la localité bénéficiera en novembre 1228 • Elle aboutit en tout cas à la constitution d'une paroisse indépendante se caractérisant notamment par une situation orohydrographique relativement extrême (à l'écart de la rivière principale, plus proche d'un chemin de crête que d'un ruisseau et haut perchée sur un versant de la butte sablonneuse du bois de la Houssière), par la concentration de l'ensemble des paroissiens en une seule agglomération humaine (aucun hameau) et par une dédicace "moderne", la paroisse se trouvant placée sous la protection de saint Nicolas.

1 1. Les conflits et débats qui opposent le chapitre de Saint-Vincent de Soignies à leurs plébans, spécialement entre 1204 et 1271 , peuvent être considérés comme des indices de l'importance croissante que prend à cette époque la vie paroissiale dans l'histoire locale sonégicnnc. L'augmentation très vraisemblable et sans doute importante du no mbre de paroissiens durant cette même période expliquerait pour une large part la succession rapide des conflits évoqués par J. NAZET, l es chapitres de chanoines séculiers en Hainaut du X/Je siècle au début du XVe siècle, Mémoire de la classe des Lettres, Académie royale de Belgique, coll. in-8°, 3e série, t. VII , 1993, p. 239-243. 12. Abbé L. JOUS, l es curés d'Ecaussinnes, dans Annales du Cercle archéologique du Canton de Soignies, t. 29, Soignies, 1977- 1979, p. 125-127. La charte d'Hcnripont a été publiée par F. BOTTEMANNE, la charte-loi d'Henripont, dans Annales du Cercle archéologique du Canton de Soignies, t. 6, 1ère livraison, p. 11 - 18. 229

C. Premières lueurs historiographiques

S'avancer plus avant dans le passé des paroisses revient à s'enfoncer dans un domaine où les indications documentaires deviennent de plus en plus rares et de plus en plus sommaires. lei et là, des données se manifestent dont il est difficile de tirer une vision d'ensemble. Certains points sont cependant relativement bien connus. C'est le cas de la genèse paroissiale de Neufvilles (Soignies). En 1090, l'abbaye d'Hasnon perçoit les revenus d'une chapelle située dans l'actuel hameau de Félignies. Un chapelain y est en charge. Ce n'est qu'en 1122 qu'un document mentionne pour la première fois le "nouveau domaine" (nova villa, qui deviendra Neufvilles) en précisant qu'une chapelle (avec chapelain) y est installée, chapelle dont les revenus sont perçus à partir de ce moment par l'abbaye de Saint-Ghislain (suite à une "donation" de l'évêque Burchard de 13 Cambrai) . La proximité des dates nous incite à rapprocher la fondation, probablement ex-nihilo, du nouveau "hameau" de Nova Villa (destiné à devenir Neufvilles) de la fondation de l'abbaye de Saint-Feuillien du Rœulx. C'est en 1125 en effet qu'apparaît la communauté des moines prémontrés qui s'établissent dans une clairière de charbonniers où avaient été (providentiellement ?) découverts les restes mortels du missionnaire et martyr Feuillien. Quelques décennies plus tard, le développement de la communauté paroissiale permettra de dissocier l'essart du Rœulx de l'antique paroisse de Strépy (localité dont l'ancienneté est attestée par les sources évoquant la naissance à cet endroit de Madelgaire, futur mari de 14 Waudru et également identifié sous le nom de Vincent de Soignies) • On soulignera au passage que Strépy se trouve dans le creux de la vallée de la Haine (situation que nous pourrions qualifier d'archaïque) tandis que le Rœulx se trouve pratiquement sur la crête entre la Haine et la Senne (position correspondant plutôt à la phase des défrichements du bas moyen

13 . Ph. DESMETIE, Histoire de la.fondation de Neufi1i/les : du XIe au XIIIe siècle, dans Hainaut-Tourisme, 11 ° 246, février 1988, p. 7-10. 14. G. BA VA Y, Sainte Waudru: de l 'hagiographie mon/aise à l'hagiographie sonégienne. Trace cu/!uelle el genèse hagiographique, dans Annales du Cercle archéologique de Mons , t. 74 (Mélanges o.fferls à Christiane Piérard), Mons, 1990, p. 4 1- 70. 230

âge). Le fait que la nouvelle abbaye soit justement une abbaye de moines prémontrés, dont on sait la vocation particulière dans le domaine paroissial, n'est sans doute pas non plus le fait du hasard. Au passage, on ne peut manquer de rapprocher cette nouvelle paroisse du Rœulx, fondée dans le sillage de l'installation d'une communauté de "charbonniers" (puisque producteurs de charbon de bois) de la chapelle de la Saisinne, établie quant à elle dans l'environnement immédiat d'une communauté de "chaufourniers", à quelques kilomètres de là. Les deux sites connaîtront certes des destins divergents. On ne peut toutefois manquer de rapprocher leurs origines respectives, sous les auspices de communautés monastiques établies à la fin du l le (Saint­ Denis en 1081 pour le site de la Saisirn1e) ou au début du l 2e siècle (Saint-Feuillien en 1125 pour le site du Rœulx). On observera que dans les différents cas qui viennent d'être évoqués 15, les caractères de la niche écologique dont nous avons dressé le tableau dans la première partie de notre étude 16 se trouvent parfaitement confirmés. Ce qui démontre à suffisance que, jusqu'à l'aube du 12e siècle en tout cas, l'ère classique du « semis » paroissial originel , n'est pas véritablement révolue. Le document par lequel le chapitre de Sainte-Waudru de Mons cède au comte de Hainaut la villa de Braine-le-Comte (1150) atteste de l'existence, sans doute déjà ancienne à ce moment, de la paroisse de 17 Braine-la-Willote • Comme on l'a vu ci-dessus, l'opération illustre corollairement le fait que paroisse et seigneurie domaniale peuvent être dissociées ( et cela, ainsi qu'on vient de le voir, malgré la tentation, à laquelle succombera d'ailleurs le comte de Hainaut, d'installer une chapellenie "indépendante" ou "pirate" en la Chapelle-le-Comte, aux

15. En cc compris, donc, Je cas du Rœulx où la nouvelle localité, bien que proche des zones boisées qui occupent la li gne de crête entre la Haine et la Senne, se développe aux sources d'un ruisseau qui la relie directement à la vallée de la Haine. 16. G. BAVA Y, Clochers, paroisses et paysages en Haute-Senne. Contribution à l'étude des topographies paroissiales. Autour du cas des localités du canton de Soignies, dans Revue d 'histoire religieuse du Brabant wallon, t. 18, fas cicule 2, 2e trimestre 2004, p. 73 - 128. 17. C. DUJARDIN, J.-B.-J. CROQUET et P. BOURDEAU, La paroisse de Braine-le­ Comte. Souvenirs historiques et religieux, Braine-le-Comte, 1889, p. 56. L'a/tare de brania wi/lotica est en outre mentionné dans une bulle du pape Lucius Ill , en date de 11 8 1, en faveur du monastère de Sainte-Waudru. 231 abords du bois de la Houssière, dans cette même localité de Braine-le­ Comte). Dans la foulée et pour se limiter au cas d'une localité placée directement en bordure de Senne, soit sur l'un des principaux cours d'eau de la région et, de ce fait, dans un secteur peut-être plus précocement que d'autres doté de structures domaniales et d'équipements paroissiaux, signalons le cas de la localité de Rebecq où, dès 1059, le village (ici la villa ou domaine) appartient au chapitre Sainte-Gertrude de Nivelles 18 tandis que l'église revient en propre à l'abbesse . L'ultime horizon que laissent deviner, à l' issue de notre démarche rétrogressive, les documents écrits qui sont parvenus jusqu'à nous mêle les plus anciennes mentions des noms de nos villages actuels aux cessions d'autels qui s'opèrent en grand nombre à partir des dernières décennies du l le siècle jusque dans les environs de 1150. On observera que le « transfert » de l'autel, coïncidant dans plusieurs cas avec la première mention connue du nom du village ou lui étant en tout cas fort proche dans le temps, peut dès lors être considéré, du moins sur le plan de l'historiographie, comme une sorte d'acte de naissance du village. Genèse villageoise et histoire paroissiale se trouvent ainsi rapprochées d'une manière qui stimule la réflexion. Pourra-t-on, par exemple, en déduire que la cession de l'autel à une institution monastique ou canoniale proche (c'est le cas le plus fréquent) constitue le fait (ou le « signal ») décisif qui fait entrer telle communauté rurale (peut-être encore en voie de regroupement sur Je plan géographique ?) dans la voie d'une histoire civile et religieuse spécifique ? Nous croyons en tout cas utile de poser la question. Le lien ainsi établi entre une communauté des paroissiens et l'abbaye collatrice deviendrait à cet égard l'événement qui détermine de manière définitive ou, à tout Je moins, symbolise au mieux la polarisation des campagnes tout en contribuant sans doute grandement 19 au phénomène d'encellulement • On retiendra en tout cas que cette

18. Le cas est signalé par L. DELPORTE et R. DENYS, Un grand chanlier du /9e s . ... , p. 15. 19. Tel que défini par R. FOSSI ER, Villages el villageois au moyen âge, coll. Vi vre I Hisloire, Paris, 1995. L'cnccllulcmcnt est le processus par lequel l'ensemble du territoire se trouve di stribué en zones nettement définies les unes par rapport aux autres. Cc processus conduit à une distribution plus serrée et progressivement exhausti ve de l' espace habité et/ou 232 polarisation (symbolisée dans la suite par le clocher ... et son coq ?) intervient au moment même où les abbayes et les chapitres se voient chargés et/ou se chargent de la gestion des "autels". On observera aussi que le nouvel encadrement ainsi fourni aux "autels" n'inaugure pas seulement le take off des villages à clocher mais également celui d'un certain nombre d'abbayes qui semblent ainsi (en mesure de) tirer parti de la prospérité qui se manifeste en même temps que cette "remise en ordre". On soulignera encore que ce mouvement, qui suit de près la Querelle des Investitures, conduit à une structuration réactualisée des lieux de culte (toujours en rapport avec une « place centrale», concrétisée à ce niveau par les communautés monastiques). Le développement contemporain des établissements seigneuriaux (mottes, donjons, châteaux ... ) indique que la structure féodale ne semble pas quant à elle, et contrairement à ce que son apparente "défaite" aurait pu suggérer, avoir beaucoup souffert de la "restitution" des autels et des dîmes aux évêques et aux abbayes. La plus ancienne "cession" d'autel dans le canton de Soignies semble remonter à 1093. C'est à cette date que Gérard, évêque de Cambrai, cède au chapitre Saint-Vincent de Soignies l'autel et la dîme d'Horrues20 . Cette cession est la première d'une longue série. En 1110, Odon, évêque de Cambrai, cède l'autel d'Écaussinnes (qui englobe sans doute, comme nous l'avons vu, les trois futures paroisses d'Écaussinnes­ d'Enghien, Écaussinnes-Lalaing et Henripont) au même chapitre Saint­ Vincent21. En 1120, c'est au tour de Burchard, lui aussi évêque de Cambrai, de céder les autels d'Evere et de Schaerbeek au même chapitre Saint-Vincent22 . Trois ans plus tard, le même évêque cède encore au

exploité par l' homme. Le phénomène semble correspondre à un e vague de fond qui se manifeste autant dans le registre des fiefs et des domaines que dans l'organisation paroissiale, voire sur le plan des territoires locaux, et jusque dans les organisations parcellaires. C'est dans cette dernière perspective que nous parlons même parfois d 'emparce l lement. 20. Th. LEJEUNE, Histoire civile et ecclésiastique de la ville de Soignies, Mons­ Bruxelles, 1869, p. 290. 2 1. Ibidem, p. 302-303. 22. Ibidem, p. 305. 233

23 même chapitre l'autel de Steenkerque . En 1138, Nicolas, évêque de 24 Cambrai, cède l'autel de Naast à l'abbaye de Saint-Denis en Broqueroie .

L'église paroissiale Saint-Martin à Horrues (Soignies) Édifice datant pour l'essentiel de la période romane. L'église se trouve sur un promontoire bien ma rqué entre la Senne et son affluent la Gagcole. (Photo G. BA VA Y)

La cession d'autels par l'évêque de Cambrai traduit-elle le fait que ce dernier n'est qu'un intermédiaire dans la "restitution" des biens relevant normalement de l'Église ? Auquel cas, il conviendrait de s'inte1TOger sur la provenance réelle des "églises" ainsi traitées. De même d'ailleurs que sur la procédure ayant permis aux évêques de "réceptionner" ces lieux de culte. Et de même, enfin, que sur la procédure d'attribution (moyennant compensation éventuelle ?) de ces lieux de culte à telle abbaye ou à tel chapitre de chanoines en particulier. Mais nous avons signalé ci-dessus que, pour une part tout au moins, ces cessions d'autels pourraient

23. Ibidem, p. 301. 24. M. RÉVELARD, Naast, dans Trésors d'art de Saint-Denis en Brocqueroie, Mons, 1968, p. 90. 234

également être considérées comme des "concessions" d'autels et donc s'approcher de très prés d'un véritable processus de création d'un semis paroissial original. Cette éventualité apparaît d'autant plus troublante que ces "cessions" ne s'accompagnent (officiellement et sur le plan des apparences à tout le moins) d'aucune contrepartie ni sur le plan financier ni sur le plan des droits. Et qu'en outre ce sont assez souvent des abbayes de création récente (telles l'abbaye bénédictine de Saint-Denis en Brocqueroie ou l'abbaye norbertine de Saint-Feuillien du Rœulx) qui bénéficient de ces cessions d'autels auxquels rien dans l'histoire passée ne peut manifestement leur donner droit. On ne connaît malheureusement pas toutes les dates de "cession" d'autels qui interviennent de cette manière entre la fin du l le et le milieu du 12e siècle. Parfois, une mention plus ou moins précoce pennet malgré tout de préciser le tableau. On sait de cette manière que l'abbaye de Saint-Denis détient l'autel de Thieusies à partir de 1119 au moins, date à laquelle Houdeng est donné à cette même abbaye bénédictine dont, rappelons-le, la fondation remonte à 1081. On sait pour cette même année 1119 que l'abbaye de Saint-Denis possède des biens sur le territoire de Casteau, localité dont l'autel est à la collation de l'abbaye Saint-Pierre d'Hasnon. On a vu enfin que la chapelle de Neufvilles (Nova Villa), dont l'autel relève de l'abbaye de Saint-Ghislain, est attestée dès 1122. li serait certes trop facile de lier la cession d'un autel à l'installation ex-nihilo d ' une structure paroissiale. On a toutefois les plus grandes difficultés du monde à saisir le moindre indice documentaire explicite d'existence d'une paroisse avant la cession de son autel. Et pour cause. Serait-on dès lors en droit de faire remonter l'existence de telle paroisse à la plus ancienne mention de telle localité connue aujourd'hui comme l'héritière de cette paroisse (ne serait-ce que parce qu'elle porte le même nom) ? La paroisse (et donc l'église et le site paroissial) d'Hennuyères (dont l'assiette relève peut-être dès l'origine de l'abbaye de Sainte-Gertrude de Nivelles) existe-t-elle en 765 ? Celle de Rebecq en 877. Et celle de Gislebertruoz (actuellement Petit-Roeulx-lez-Braine, dépendante elle aussi, dès l'origine peut-être de l'abbaye de Nivelles) en 966 ? Celle d'Horrues en 101 7 ? Celle de Braine-le-Comte, attestée par l'existence d'un a/tare de brania willotica à partir de 1181 comme on l'a vu ci-dessus, au moment où apparaît la première mention de la localité (1060) ? Celle de Steenkerque en 1083, celle de Neufvilles (Nova Villa) 235 en 1107, celle de Ronquières en 1177, celle d'Henripont en 1134, celle de Chaussée-Notre-Dame en 1186 et celle de Louvignies en 1197 ?

L'église paroissiale Saint-Martin de Steenkerque Vue prise à partir du sud-ouest. L'église apparaît sur son promontoire naturel. À l'avant-plan, grande plaine alluviale au centre de laquelle la Brainette vient se jeter dans la Senne. (Photo G. BAVA Y)

Panni les indices qui éclairent d'une lumière parfois bien faible la genèse des paroisses, il est possible d'évoquer encore le caractère d'église médiane attribué à telle ou telle église paroissiale. C'est le cas notamment des églises de Naast, de Petit-Roeulx-lez-Braine et de Steenkerque. L'historiographie veut en effet que de telles églises soient d'apparition tardive. La question mériterait toutefois d'être débattue ou approfondie dans la mesure où le patron commun de Naast et de Steenkerque est justement saint Martin (correspondant à une dédicace qui est généralement considérée comme un indice d'ancienneté) tandis que la localité de Petit-Rœulx-lez-Braine est justement l'une des localités les plus anciennement attestées en Haute Senne. Sur le plan de la géographie, on remarquera enfin qu'un certain nombre de paroisses semblent s'associer les unes aux autres pour former des blocs dépendant de telle abbaye ou de tel chapitre. Ainsi des paroisses de Saint-Denis, Obourg, Havré, Ville-sur-Haine, Thieu, Naast, Thieusies, Maurage à l'égard de l'abbaye de Saint-Denis en Brocqueroie. 236

Ainsi également des paroisses de Casteau et Neufvilles (pour partie) à l'égard de l'abbaye de Saint-Pierre d'Hasnon, de celles de Rebecq, Hennuyères et Petit-Rœulx-lez-Braine à l'égard du chapitre Sainte­ Gertrude de Nivelles, de celles de Chaussée-Notre-Dame, Horrues et Steenkerque à l'égard du chapitre Saint-Vincent de Soignies, et de celles de Ronquières et Henripont à l'égard de l'abbaye de Cambron. Toutes informations qui pourraient trahir de grandes paroisses primitives ayant été l'objet, dans un passé plus ou moins éloigné, d'une opération de démembrement. Aux limites de la province de Hainaut, il importe de signaler à cet égard le groupement remarquable des anciennes paroisses de Graty, Marcq, Hoves, Petit-Enghien, Enghien, Ham, Bierghes et Bogaarden, tous lieux dépendant de l'abbaye de Saint-Denis en 25 Broqueroie • Cela fait apparaître comme d'autant plus interpellant l'isolement de la grande paroisse de Braine-le-Comte (relevant du chapitre Sainte­ Waudru à Mons) sans parler du cas très particulier de Virginal. Et cela sans qu'il soit possible de rattacher ces associations géographiques au ressort des diaconés ou à celui des circonscriptions civiles (prévôté de Soignies, châtellenie de Braine-le-Comte .. .)

D. Paroisses et défrichements

Le moment où les paroisses sortent de la nuit des temps de l'historiographie coïncide donc non seulement avec un large mouvement de rénovation des structures (lié à la mise en place d'un important cadre monastique) et de transfert (des laïcs vers les religieux et des évêques vers les communautés monastiques et capitulaires) mais aussi avec des mutations profondes touchant les cadres de la vie sociale et économique. Le lien entre la création d'une paroisse et un phénomène tel que les défrichements semble en tout cas pouvoir être retenu, tout au moins à titre d'hypothèse, dans le cas de plusieurs localités de notre canton. La chose paraît pratiquement certaine pour Neufvilles (vers 1100). La création de

25. M. RÉVELARD, Cane du domaine, dans Trésors d'art de Saint-Denis en Broqueroie, Mons, 1968, p. 32. 237 la paroisse et du site paroissial d'Henripont s'inscrit peut-être dans le prolongement d'un défrichement tardif (12e siècle) dans une clairière du bois de la Houssière. Louvignies (communauté comme paroisse) apparaît également de manière tardive à proximité d'une crête (entre Senne et Dendre) qui a dû rester boisée jusqu'à une date assez avancée. Il pourrait en être de même pour Naast (malgré la dédicace à saint Martin?) dont le territoire se constitue au détriment de la grande masse boisée qui sépare le bassin de la Senne du bassin de la Haine et que grignote pareillement vers le sud une communauté de "charbonniers", en l'occurrence celle qui se trouve à l'origine du Rœulx et, indirectement, de l'abbaye de Saint­ Feuillien. Le nom de Ronquières (de roncaria qui évoque les "ronces") pourrait, lui aussi, suggérer un défrichement assez tardif. Si l'on ajoute à cette brassée de sites peut-être tardifs les demi-églises de Steenkerque et Petit-Rœulx ainsi que l'énorme paroisse de Braine-le-Comte, c'est à une région tardivement investie par les paroisses que l'on pourrait avoir affaire.

Plaine alluviale de la Brainette entre Braine-le-Comte et Petit-Roeulx-lez-Braine L'écosystème de la plaine inondable est remarquablement préservé et, par le fait même, l'intéressante perspecti ve. (Photo C. BAVA Y) 238

Quoi qu'il en soit d'ailleurs de l'antiquité connue ou supposée de telle ou telle paroisse, on soulignera que la plupart d'entre elles se trouvent encadrées de zones souvent étendues qui ne seront essartées que dans le courant des l 2e et, même, l 3e siècles : de là, les grandes « coutures » périphériques du bois de la Haie-le-Comte entre Thieusies, Soignies et Neufvilles ou autour du bois de la Houssière (Haute et Basse Houssière sur Braine-le-Comte, Henripont, Ronquières, Hennuyères ...) , bois de Naast ou confins des bois de l'ancienne abbaye de Saint-Denis. Et c'est ainsi à une sorte de retour vers les principaux fonds de vallée que l'on se trouve conduit pour l'essentiel, spécialement vers Soignies, Horrues, Écaussinnes et (peut-être) Braine-le-Comte et Petit­ Rœulx-lez-Braine. À propos de ces deux derniers sites, on soulignera encore, pour le premier, l'étendue considérable du ressort paroissial (plus de 3000 hectares) et une étymologie qui pourrait traduire une zone médiocrement mise en culture et, pour le second, un toponyme constituant une nette référence à un défrichement, même si tout concourt à montrer que ce défrichement pourrait remonter en fait et pour le moins à la période carolingienne.

E. Genèses hagiographiques (et romaines?)

Avant de conclure, l'historien en quête de sources se trouve encore tenté de relire les récits hagiographiques relatifs aux saints régionaux. Ces textes pourraient en effet véhiculer des indices qu'il conviendrait toutefois de manier avec les plus grandes précautions. On sait en effet que la vita est un produit littéraire dont le contenu reflète davantage le moment de la mise par écrit que le temps de l'événement évoqué. Parce qu'elle est quelque peu étrangère à notre problématique, nous traitons cette question dans une note additionnelle. Si Ghislain, Waudru et Vincent, dans les vitae qui leur sont respectivement consacrées, recherchent des lieux de solitude, c'est probablement que ces personnages sont davantage pensés (et reconstruits ?) comme des contemplatifs en quête d'un lieu où honorer Dieu et exprimer leur engagement radical (au prix d'une éventuelle "vaste solitude") plutôt qu 'à la manière de missionnaires partis à la rencontre de populations locales à évangéliser ou à encadrer (travail tenniné au moment de la mise par écrit de ces récits hagiographiques ?). Le 239 caractère particulièrement restreint, au témoignage même des vitae qui leur sont consacrées, des rapports que ces trois saints entretiennent tant avec la réalité paroissiale qu'avec la sphère des communautés rurales trahit soit la faible part prise par eux dans la conversion des campagnes et l'érection des églises rurales soit le peu de préoccupation de leurs hagiographes respectifs à l'égard des questions relatives à la mise en place ou à la gestion de ces mêmes paroisses et des sites paroissiaux qui les polarisent. C'est peut-être que la question paroissiale ne pose guère ( ou plus) problème au moment où les hagiographes travaillent avec Je plus d'acharnement. Feuillien, pour sa part, destiné à devenir le patron d'une communauté de moines prémontrés (dont on a déjà rappelé la particulière vocation quant aux missions paroissiales), est victime d'une communauté païenne qu'il rencontre par hasard sur son chemin. Si son portrait se ressent ainsi davantage de la référence aux communautés rurales, c'est peut-être qu'il se précise au moment où la question des paroisses se pose (de nouveau?) avec une plus grande acuité (fin du l le siècle). On retiendra en tout cas que les préoccupations paroissiales et les missions de conversion restent largement absentes des vitae régionales. Mais il est une autre dimension de l'hagiographie qui peut être abordée pour éclairer encore, si faire se peut, la question des genèses paroissiales. Elle se manifeste dans les noms des saints qui patronnent les paroisses de la région. À l'opposé de ce que nous venons de constater pour Ghislain, Vincent et Waudru, Martin (trois fois invoqué dans le canton de Soignies, sans compter l'église toute proche d'Obourg et celle de Mignault) apparaît davantage comme le modèle de l'évangélisateur parti à la rencontre de populations déjà fixées que sous l'angle du moine « retranché » dans son abbaye. Géry, patron de Braine-le-Comte, Marche-lez-Écaussinnes, Rebecq et Ronquières, apparaît de même comme un évêque qui convertit les communautés qu'il rencontre sur son chemin. Sans toutefois qu'il paraisse possible de lui attribuer dans les faits la fondation des quatre paroisses dont il est le patron. La dédicace à saint Géry serait alors à placer sur le même pied que la dédicace à saint Martin : l'expression de la reconnaissance de la vocation missionnaire de l'un et de l'autre sans toutefois qu'il s'agisse d'en faire les véritables fondateurs des paroisses 240 concernées. li en va peut-être de même pour saint Remi, patron de la paroisse d'Écaussinnes-d'Enghien. Si Gertrude est la patronne de la paroisse d'Hennuyères, c'est que le domaine local relevait de l'abbaye Sainte-Gertrude de Nivelles (tout comme Vincent est patron de la paroisse de Cambron-Saint-Vincent dont le domaine relevait du chapitre de Soignies). Si Jean-Baptiste est patron de la paroisse de Petit-Rœulx-lez• Braine, c'est peut-être enfin qu'il est le prototype des missionnaires, le premier dont la parole et le geste annoncent une nécessaire conversion. Faut-il, dans cette question de la genèse des sites paroissiaux, s'arrêter aux évangélisateurs du 7e siècle ou à ceux qui, tel Martin de Tours, leur servirent éventuellement de modèles dès la fin de l'antiquité ? La confrontation de l'historiographie des deux collégiales de Soignies et de Nivelles conduit à un autre constat. Les fouilles menées à Nivelles après les destructions de la seconde guerre mondiale ont montré l'existence, sur le site même des sanctuaires mérovingiens nivellois, de traces de l'époque romaine. Sans permettre d'établir de façon péremptoire (comme à Tournai) une continuité entre l'antiquité tardive et le haut moyen âge. Plus récemment, des fouilles menées à moins de cent mètres de la collégiale Saint-Vincent de Soignies ont pennis de mettre au jour des traces certaines de présence romaine. L'étude est à peine esquissée de ce côté et ne permet pas encore de juger du lien entre les derniers empereurs et les premiers missionnaires. On a également pu établir une présence romaine sur la colline montoise. Peut-on, dès lors, rejeter d'office toute hypothèse de continuité, en certains lieux tout au moins, entre la période romaine et les premières grandes fondations monastiques? Nous ne voulions en tout cas pas éviter cette question.

CONCLUSIONS

La paroisse s'enracine profondément dans le territoire et s'inscrit par toutes sortes de liens dans un espace précis. Et cela tant par le choix d'un site (très) particulier pour l'église et le cimetière que par la détermination d'un périmètre géographique et la négociation d'un enclos cimetiéral, généralement au cœur de l'agglomération. 241

Historiquement, cet enracinement repose sur des décisions et des options qui se sont finalement révélées irréversibles. Décisions et options qui furent en même temps l'expression d'un projet largement politique puisqu'il impliqua la prise en main d'un te1Titoire par des évêques, des abbayes et des chapitres de chanoines. Décisions et options qui furent aussi à l'image d'une culture dont, que nous le voulions ou non, nous continuons à être marqués aujourd'hui . C'est pour cette raison qu'il importe d'examiner avec la plus grande attention tout ce que les textes médiévaux (notamment hagiographiques) révèlent à propos de la fondation paroissiale (au milieu d'un espace habité plutôt que dans une solitude, en un lieu doté d'eau et favorable à la vie des paysans plutôt, par exemple, que propice à la fortification). Raison également pour laquelle, d'un point de vue bien différent mais néanmoins complémentaire, il importe de poursuivre l'analyse matérielle des sites actuels et de leur archéologie (voir note additionnelle 2). Car de cette analyse peuvent surgir pêle-mêle questions et réponses, problématiques et stratégies de solution. Au vu de l'importance des structures paroissiales dans la vie des hommes d'hier mais aussi de leur impact sur les aménagements humains qui continuent à marquer l'organisation de notre espace actuel, cette enquête ne nous paraît pas pouvoir être éludée. Elle contribuera notamment à éclairer les décisions qu'il importe aujourd'hui de prendre dans le cadre de l'aménagement de nos milieux de vie.

PAROISSES ET PA Y SAGES

Note additionnell e 1

Le cadre géographique de cette étude est trop étroit pour livrer un dossier de sources suffisamment vaste susceptible d'éclairer de manière complète le processus de fixation primitive des sites paroissiaux. Une telle enquête sera à placer dans la suite de l'approche effectuée dans le cadre de cette étude. Nous voudrions souli gner ici le fait que ces sources existent mais qu'elles nous semblent devoir être interrogées à plus grande échelle. C'est dans cet esprit que nous proposons une ébauche de ce que pourrait être la mise en œuvre de cette approche. 242

Précisons encore que nous visons ici la genèse des sites paroissiaux les plus anciens (voir note additionnelle 2), en l'occurrence ceux que révèlent les sources (rares) du haut moyen âge jusqu'aux environs de 1100. La vita Waldetrudis (Mons) pem1et d'évoquer la fondation non d' une église mais d'un monastère. Les cas de Nivell es et de Soignies (notamment) permettent d'établir que les sites «choisis» pour installer des communautés religieuses düment attestées dès le 7e siècle présentent d'étroites parentés géographiques avec les sites« choisis» (probablement jusqu'au 12e siècle au moins) pour l'implantation d'églises paroissiales. La vita de W audru de Mons signale une première installation sur le haut de la colline montoise. Elle explique la tempête qui ravagea cette première et« orgueilleuse» installation (de là les ruines encore visibles à l'époque sur le sommet de la colline dite mans castrilocus). La vita explique ensuite de quelle manière sainte Waudru, éclairée par ce message venu du ciel, décide de reconstruire son monastère sur le versant de la colline et de lui donner un visage plus modeste. On retiendra de cet épisode le glissement sémiotique entre le haut et le « contrebas », entre l'orgueilleux et le modeste (ou le respectueux). Retenons également que, en procédant de cette manière, la fondatrice du monastère se rapproche de la rivière en s' installant pratiquement à mi-chemin entre la Trouille et le sommet de la colline et ce à l'endroit où ces deux éléments topographiques se rapprochent le plus, à l'emplacement d'une sorte de promontoire intennédiaire. La vita Gisleni raconte de quelle manière une ourse dérobe le manteau de saint Ghislain et le transporte vers son repaire ... évidemment sauvage. Ainsi s'explique le nom initial du site d' Ursidongus. Nous retiendrons que l'auteur de cette biographie (peut-être assez tardive par rapport aux faits) présente comme vraisemblable le fait d'établir un monastère (de nouveau, nous échappons ici à la sphère proprement dite des paroisses) dans un lieu non seulement inhabité mais, qui plus est, particulièrement sauvage et redoutable. L'ourse qui dérobe le manteau du saint et l'aigle qui conduit saint Ghislain vers le repaire de l'ourse, figurent tous deux, jusqu'à la fin de l'ancien régime, sur les armoiries de l'abbaye. Soulignons aussi, à ce propos, que l'initiative du choix du site n'est pas attribuée au fondateur mais à un élément naturel et sauvage ( une ourse) dont Ghislain se dit qu'il apporte un message du ciel. On pourrait gloser sm les traits mythologiques de ce récit. 243

La vita vincentii présente Vincent de Soignies comme l'époux de Waudru (connu dans la vita de cette dernière sous le nom de Madelgaire). Elle dit de quelle manière Vincent est amené à fonder d'abord le monastère d'Hautmont (près de Maubeuge). Le texte du ! le siècle signale que le lieu s'impose à Vincent par la présence d'un périmètre de rosée ou, plutôt, de neige, dans un site que le ciel, en plein été, lui indique de cette manière. De nouveau, le choix du site n'appartient pas au fondateur. De nouveau, c'est Dieu qui passe par une manifestation naturelle extraordinaire pour témoigner du caractère choisi et exceptionnel du lieu en question. De nouveau, c'est vers un lieu de solitude que le fondateur est porté. On retiendra également de ce texte que le «choix» du lieu n'est pas le fruit du hasard mais le résultat d' un événement fort et particulièrement impressionnant. On peut imaginer qu'il n'en allait peut-être pas autrement pour la fondation des sites paroissiaux. Une tradition (tardive?) attachée à la fondation de l'église paroissiale de Pommerœul permet de reprendre pied dans le domaine des sites paroissiaux. Cette tradition est notamment connue par une demi­ douzaine de grands panneaux peints de manière naïve au milieu du 19e siècle et se trouvant toujours conservés dans le bas-côté de ce sanctuaire. Accompagnés de légendes circonstanciées, ces tableaux montrent de quelle manière un pèlerin issu de Ville-Pommerœul (les faits se passeraient vers 1100) est sollicité par la Vierge pour céder un terrain sur lequel une église paroissiale devra être construite. Se transportant sur place, L' homme découvre une parcelle délimitée par quatre verges blanches plantées aux quatre coins du terrain et reliées entre elles par un cordon. On remarquera en passant que ce modèle de délimitation pourrait se rapprocher d' un processus de défrichement et de création d' une surface de culture (selon les techniques de l'encellulement et de l'emparcellement). L' homme y plante en effet du lin qui mûrira miraculeusement en trois jours. Signe que le terrain est « élu » et mystérieusement différent des autres. Signe également qu'il détient une vertu particulièrement positive (dénotée par son étonnante fertilité). Ce scénario rappelle la fondation d'Hautmont (par la couleur blanche et l' intervention divine déterminante) mais concrétise également le geste de fondation sous la forme d'un balisage concret et pratiquement cadastral. L'épisode de la fondation de l'église de Pommerœul serait évidemment à 244 aborder de manière critique, notamment au travers de l'analyse des faits topographiques toujours interprétables à l'heure actuelle. L'épisode de la fondation par Vincent de l'abbaye de Soignies s'intègre à cette tradition d'établissement dans un lieu de solitude. Et cela même si des fouilles récentes ont permis de montrer l'existence de traces d' une installation de tuilier gallo-romain à moins de cent mètres du site mérovingien. On retiendra de cet épisode qu'il s'impose aux auditeurs du temps comme une pratique ou un événement vraisemblable pour eux. En ce début du l le siècle, on n'étonne apparemment personne en disant qu'un monastère apparaît en premier sur un site dont toute habitation antérieure est exclue.

Détail d'un albâtre conservé dans la chapelle Saint-Vincent de la collégiale Saint-Vincent de Soignies En songe, un ange appelle Vincent à aller fonder une église et un monastère à Hautmont (Maubeuge). Par la fenêtre, on distingue la main de Dieu (par l'intermédiaire d'un autre ange) qui indique au sol le pl an du futur sanctuaire. L'hagiographie précise que c'est sous forme de neige (en été) ou de rosée que le plan se trouve ainsi "imposé" (en même temps que le site précis) à Vincent. (Photo G. BAVA Y)

En 1125, la fondation de l'abbaye de Saint-Feuillien (Le Rœulx) s'appuie sur un récit hagiographique qui rappelle l'assassinat du saint dans une ferme isolée à laquelle le héros avait abouti après s'être égaré dans une forêt, loin du chemin balisé qu'il aurait normalement dû suivre. Même s'il place les faits dans un lointain et problématique 7e siècle, 245 l'auteur du récit parle à ses contemporains et est très probablement compris d'eux. Le saint ne choisit pas l'endroit de sa mort. Le lieu de son culte s'imposera à travers une redécouverte opérée très longtemps après les faits et dont le site n'est pas non plus laissé au choix des découvreurs. Un autre aspect de cet épisode montre d'ailleurs l'abbaye venant s'implanter parmi une communauté probablement disséminée de charbonniers. Co,mne on le voit, les indices relatifs à la création des sites monastiques (surtout) et paroissiaux (plus occasionnellement) ne manquent pas. Les quelques coups de sonde que nous venons de rassembler sont pris dans une région relativement étroite mais comportent déjà de nets éléments de convergence : le fondateur ne choisit pas librement le lieu du sanctuaire, une nature d'allure quelque peu mythologique ou - à tout le moins - providentielle joue un rôle de premier plan, et c'est dans un contexte de paysage inhabité que le processus s'enclenche, favorisant des lieux jusque là déserts mais se retrouvant chargés, par l' intervention de la divinité, d' une exceptionnelle charge positive. Précisons le point de vue qui nous semble pouvoir être utilisé dans cette méthodologie de recherche. li ne s'agit évidemment pas de prendre au pied de la lettre les récits (parfois très tardifs) relatifs à ces fondations (ce qui n'exclut pas la possibilité d'y relever certains indices factuels sûrs). Nous préférons les voir comme autant de témoignages en rapport avec le caractère de vraisemblance que le rédacteur et les auditeurs du texte peuvent, ensemble, reconnaître à de telles nanations. Si les hommes du 11 e siècle racontent ou entendent raconter de cette manière le processus de fixation des sites religieux, c'est peut-être que le contenu du récit n'entre pas trop directement en conflit avec la manière dont le monde paroissial est en train de (finir de) se structurer autour d'eux. Ajoutons encore que cet argument doit nécessairement être associé aux conclusions que nous retirons de l'étude des paysages et de la topographie propre aux sites paroissiaux. 246

PAROlSSES ET PAYSAGES

Note additionnell e 2

La chronologie de la fondation des sites paroissiaux pose évidemment problème. Si l'on écarte la question des fondations postérieures au l 2e siècle, on se trouve devant des traces qui ne permettent guère d'avancer une quelconque certitude quant à l'existence de tel ou tel site paroissial dès, par exemple, le 7e siècle. Tant il est vrai qu'une longue nuit historiographique règne à ce propos entre le 7e et le l le siècle. Nuit qui pourrait tout aussi bien masquer une mise en place précoce (dès le 7e siècle) d' un nombre important de sites paroissiaux que dissimuler une structuration tardive de peu antérieure aux cessions d'autels de la seconde moitié du l l e siècle.

L'église paroissiale de Mont-Saint-André Le bâtiment se si tue sur un e crête mais est directement reli é à un fond de va llée. On remarquera un chœur gothique et un mur de clôture de plan circul aire, cc qui tra nche avec les enclos (sans doute plus tardifs) de forme quadra ngul aire. (Phoro G. BAVA Y)

C'est vers l'archéologie qu ' il conviendrait, nous semble-t-i l, de se tourner si l'on veut préciser cette chronologie. Des fo uill es ont été menées depuis plusieurs décennies dans le cadre de sites paroissiaux. Ces 247 fouilles ont généralement privilégié l'analyse de l'évolution du plan de la bâtisse. Régulièrement, l'archéologie démontre l'existence d'un modeste oratoire à la base d'un sanctuaire qui se développe progressivement au fil des siècles. Des tombes chrétiennes apparaissent tant à l' intérieur qu'à l'extérieur du sanctuaire. Les ressources documentaires des cimetières ont été moins sollicitées. Où a-t-on étudié la chronologie et le processus de mise en place de l'enclos du champ de sépulture? Quelle image a-t-on de la réalité archéologique des innombrables cimetières ruraux ? Nous voudrions attirer ici l'attention sur les ressources possibles de la datation par carbone 14. Considéré de ce point de vue, un cimetière est un dépôt de témoins organiques accumulés au fil des siècles au cours desquels il a été utilisé comme lieu de sépulture. Rien ne dit évidemment que le squelette en place et enterré le plus profondément est le plus ancien. Au contraire d'ailleurs, le squelette en place signalera plus probablement une inhumation récente faite au détriment des restes provenant d'inhumations plus anciennes. Pris globalement, les ossements mélangés à la terre des cimetières témoignent de toutes les époques aux cours desquelles des inhumations ont été réalisées à cet endroit. À l'extrême, on peut penser que chaque mètre cube de terre d'inhumation paroissiale est un microcosme du cimetière dans son ensemble et peut témoigner, par l'analyse d' un échantillon suffisamment important d'ossements dispersés, de toute l'histoire de l'utilisation de ce lieu de sépulture. Une ébauche de méthode nous semble pouvoir se dégager de cette manière de voir. Sur base de quelques dizaines d'échantillons prélevés de manière aléatoire (tout Je problème serait évidemment là) au sein du cimetière, il serait possible d'établir un chronogramme montrant non seulement des datations extrêmes (première et dernière inhumations) mais également des densités plus ou moins importantes selon les époques. Les hasards du prélèvement introduiraient probablement de multiples biais susceptibles de perturber l' interprétation des indices ainsi relevés. La confrontation d'un certain nombre d'opérations archéologiques de ce type présenterait l'intérêt de démasquer ces biais et d'offrir une image inédite et, à nos yeux, particulièrement éclairante sur Je processus d'installation et de développement des paroisses, des villages et des paysages ruraux. 248

11 nous semble que l'opération vaudrait à tout le moins d'être tentée. La fouille menée par M. D. Willems du Service del' Archéologie (Hainaut) à l'occasion de l'installation d'une grande cuve à mazout dans le sol de l'ancien cimetière paroissial de Steenkerque a d'ailleurs été menée dans cette perspective. Les résultats sont attendus. lis devront évidemment être confrontés avec l'ensemble des renseignements historiques relatifs à l'église et à son cimetière.

Gérard BA VA Y, Docteur en philosophie et lettres (histoire), Membre de la Chambre provinciale du Hainaut de la Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles Adresse de contact : [email protected] CHRONIQUE D'HISTOIRE SCOLAIRE 3. UN ÉTABLISSEMENT QUI TIRE LE DIABLE PAR LA QUEUE: REBECQ (1859-1914)

Au lendemain de la Révolution de 1830, l'Église de Belgique promeut un « réveil catholique» en vue de ranimer la foi et de reconquérir l' influence perdue depuis la fin du XVllle siècle. À cet effet, elle mobilise les congrégations de femmes. Ces dernières développent leurs activités dans différents secteurs : alphabétisation, soins de santé, prise en charge des orphelins, des vieillards et des handicapés ... Pour l'exercice de telles tâches, elles procurent à bon compte un personnel abondant, compétent selon les critères de l'époque, dévoué et capable d 'assurer la continuité du service par son appartenance à des communautés organisées'. Souvent, les religieuses travaillent dans des conditions difficiles. Dans leur chef, il est vrai, l'ascèse et la mortification, loin d'être subies, sont désirées au nom d' un idéal spirituel. Il n' empêche: l'exercice de responsabilités donne aussi à des femmes, qui pourraient difficilement faire valoir leurs qualités sous un autre statut, l'occasion de s'épanouir au 2 plan personnel et d'influencer leur environnement • Ainsi, la détresse financière des communautés d 'enseignantes n'exclut pas l'ascendant sur des générations d'élèves, appelées à devenir à leur tour des éducatrices. li en est ainsi à Rebecq durant un bon demi-siècle.

1. P. WYNANTS, la vie consacrée, dans Pour une histoire du monde catholique au 20e siècle, Wallonie-Bruxelles. Guide du chercheur, s. dir. J. Pl ROTTE et G. ZEUS, Louvain­ la-Ncuvc, 2003, p. 164. 2. P. WYNANTS, l es religieuses de vie active en Belgique et aux Pays-Bas, /9e-20e siècles, dans Revue d 'Histoire Ecclésiastique, t. 95 , 2000, p. 249. Revue d'histoire religieuse du Brabant wallon, 18, 2004, 4, p. 249-256. 250

1. Une paroisse semi-rurale Traversé par la Senne, le bourg de Rebecq3 est situé sur la route de Bruxelles à Mons, à l'extrême Ouest du Brabant wallon. 11 est plus proche de Braine-le-Comte que de Nivelles, le chef-lieu d ' arrondissement. Vers 1860, il compte près de 3.000 âmes pour environ 650 maisons. Généralement rocailleux et humide, le sol de la commune est fertil e. li permet la cul ture du fro ment, du seigle et de l'avoine, qui coexiste avec l'élevage. Neuf fermes de 50 à 75 hectares, tenues pour la plupart par des exploitants aisés, existent sur le territoire de la localité. L' industrie n'est guère développée à Rebecq. Au milieu du XIXe siècle, on y trouve une petite distilleri e, une tanneri e-corroirie, deux tuileri es, deux blanchi sseri es de toiles, deux fa briques de chicorée et quatre de tabac à priser. S'y ajoutent trois carrières de porphyre, qui exploitent des prolongements du banc de Quenast, mais leur activité est irrégulière. C' est dans les carri ères de la commune voisine que la plupart des ouvriers du lieu travaillent pour gagner leur vie. Proche d'Enghien, la localité fai t partie de la sphère d'infl uence 4 d ' une grande famille aristocratique : les Arenberg • Amplement possessionnés dans la région, ces anciens seigneurs y détiennent encore une influence indéniable. li existe un autre héritage de l'Ancien Régime : lui aussi doté de biens immobiliers importants, le couvent-hospice5 des Augusti nes - une très petite congrégation diocésaine reconnue en 18 11

3. E. DE SEYN, Dictionnaire historique et géographique des communes belges, t. 2, Bruxelles, 1934, p. 1027- 1028 ; J.-J. HO EBANX, notice Rebecq, dans Co mmunes de Belgique. Dictionnaire d 'histoire et de géographie administrative, s. dir. H. HASQUIN, t. 2, Bruxell es, 1980, p. 1246- 1247 ; J. TARLI ER et A. WAUTERS , La Belgique ancienne et modern e. Géographie et histoire des communes belges. Province de Brabant. Canton de Nivelles (communes 111rales), Bruxell es, 1860, p. 165- 173. 4. E. LALOIRE, Généalogie de la Maison princière el ducale d 'Aremberg (/547-1 940), Bru xell es, 1940. 5. R. DENYS, L "hôpital de Rebecq: quelques notes d "histoire, dans Revue d "histoire religieuse du Brabant wallon, t. 16, 2002, p. 2 16-22 1 ; ID, L 'hôpital de Rebecq. Inventaire des archives, dites de Fondation, dans Annales du Cercle archéologique d 'Enghien, t. 9, 1953, p. 291 -303 ; G. VAN HAEPEREN, Chronique du passé. l a congrégation des chanoinesses régulières de Saint-Augustin de I "hospice de Rebecq-Rognon, dans Printemps, 1985, n° 137, p. 29-32 , 11 ° 139, p. 2 1-24 et 11 ° 140, p. 31 -34. 251 par Napoléon Ier - soigne les infirmes, les malades et les vieillards des deux sexes depuis le XIVe siècle. L' établissement fera l'objet de travaux d'agrandissement en 1862-1865. La paroisse est populeuse. Son église gothique, datant du XVIe siècle, est à ce point vétuste que toute restauration est exclue : il faudra procéder à une reconstruction de l'édifice ( 1865-1868). L'opération ne pourra être couverte par les seules subventions de l'État, de la province et de la commune, ni par les souscriptions de familles influentes, dont les Arenberg. 11 faudra faire largement appel à la générosi té des fidèles, tabler sur des charrois effectués gratuitement par des fermiers et même 6 organiser une tombola . C' est dans cette collectivité locale, où les moyens financiers manquent parfois, que les sœurs de la Providence sont appelées en 1858.

2. L'ouverture d'un pensionnat Rebecq possède un pensionnat mixte tenu par des instituteurs laïcs. L'établissement ne donne pas entière satisfaction au clergé : faute de séparation des sexes7, on y soupçonne l'existence de « désordres » et 8 d '« abus » . Les classes sont fem1ées en avri l 1858, à la suite des problèmes de santé des maîtres. 9 L' abbé Crebber , curé du lieu, souhaite fonder une maison d 'éducation pour demoiselles desservie par des religieuses. En août 1858, il prend contact avec la congrégation des sœurs de la Providence, dont la maison-mère est établie à Champion, afin de demander l' envoi de

6. R. DENYS, L 'église Saint-Gé1y à Rebecq, dans Revue d 'histoire religieuse du Brabant wallon, t. 16, 2002, p. 202-205 ; R. DENYS et L. DELPORTE, Un grand chantier du XIXe siècle : la construction de la nouvelle église Saint-Géry à Rebecq, Rebecq-Tubize, 1997. 7. Rappelons qu'à l'époque, l'Égli se est très réservée envers la coéducation : clic mène campagne pour l'instruction séparée des garçons et des filles. Cf. P. WYNANTS, Séparation des sexes ou mixité? Les échos d'un débat scolaire à Argenteuil (/85 1- / 861) , dans Revue d 'histoire religieuse du Bra ban/ wallon , t. 5, 199 1, p. 105- 132. 8. ARCHIVES DE LA MAISON-MÈRE DE CHAMPION (=AMM), lettre de l' abbé Crebber à la supérieure générale , 23- 11 - 1858. 9. Cornélius Crcbber (Rotterdam, 11-10-1 801 - Rebecq, 23-3-1863), ordonné le 17-8- 1824, est successivement vicaire à Wisbecq, puis curé de Rebecq. Merci à André Tihon de m'avoir communiqué ces renseignements, ainsi que les données biographiques relatives aux autres ecclésiastiques cités inji·a. 252 deux institutrices. li fait valoir que la paroisse, dépourvue d'école libre, compte suffisamment de « personnes aisées et de riches propriétaires » 10 pour assurer la viabilité d' un pensionnat . Plutôt orienté vers l'enseignement élémentaire en milieu rural, l'institut namurois n'est pas spécialisé dans la desserte de tels établissements. li accepte cependant d'en tenir quelques-uns, dans 11 l'espoir d'en faire des« pépinières de postulantes » . li ne repousse pas l'offre du curé de Rebecq. Cependant, faute de personnel congréganiste disponible, il ne peut lui procurer, dans l'immédiat, qu'une institutrice laïque. Celle-ci donne cours pendant huit mois. Elle est remplacée par deux sœurs le 1er octobre 1859. Pour faire face aux frais d'établissement des intéressées, l'abbé Crebber sollicite la générosité de ses paroissiens et 12 l'appui du duc d'Arenberg, qui donne 500 francs • Outre le logement, l'ameublement et le chauffage, il s'engage à verser à chaque religieuse un traitement annuel de 375 francs 13. D'emblée, les classes sont bondées. Une troisième sœur est envoyée pour épauler les deux premières enseignantes. Les locaux procurés par le curé sont insuffisants : il faut les agrandir, y ajouter un étage et procéder à d'autres transformations. L'abbé Crebber n'a que 900 francs d'épargne et ses ressources sont rapidement épuisées. li emprunte 4.800 francs, contracte une hypothêque de 7.600 francs, puis 14 obtient l'aide financière de la congrégation • La supérieure du pensionnat est obligée d'aller quêter à Nivelles et dans d'autres villes 15 pour honorer les factures . Elle rogne sur tous les frais de fonctionnement: dans une classe, les élèves n'ont pas de bancs ; elle sont 6 assises sur des planches 1 • Dès qu 'elle a un peu d'argent, la communauté

10. AMM, lettre de l'abbé Crcbbcr à la supéri eure générale, 9-8-1858. 11 . P. WYNANTS, l es sœurs de la Providence de Champion el leurs écoles (1833-1914), Namur, 198 1, p. 35. À Rebecq, cependant, les vocations ne seront pas légion : de 1859 à 19 14, six jeunes filles de la paroisse entreront au novici at de la congrégation (ibid. , p. 3 10). 12. AMM, lettre de l'abbé Crebber à la supéri eure générale, 16-8- 1859. 13. Ibid., convention conclue avec la congrégation, 27-9-1859. 14. Ibid., lettre de sœur Mari e-Clara à la supéri eure générale, 29-3- 1865. 15. Ibid., lettre de sœur Marie-Brigitte à la supéri eure générale, 7-2- 1863. 16. Ibid. , lettre de sœur Marie-Edmond à la supérieure générale, 12- 11 - 1863. 253 s'empresse de rembourser des créanciers et de payer les intérêts des 7 emprunts 1 • Elle ne ménage pas les sacrifices pour nouer les deux bouts.

3. Le passage à l'école communale En 1867, à la demande des autorités locales, deux sœurs de la Providence sont nommées institutrices communales. Elles résident dans la maison jouxtant leurs classes, tout en demeurant placées sous l'autorité 8 de la supérieure du pensionnat1 . Toutefois, une sorte de concurrence malsaine s'établit entre les deux établissements. À l'instigation du vicaire de Rebecq, très attaché au pensionnat, le directeur de la congrégation 19 décide alors de retirer les religieuses de l'école communale . Aussitôt, le bourgmestre s'alarme de cette perspective. li garde secrète la démission des institutrices et écrit à Champion pour demander 20 leur maintien. Le curé, l'abbé Cappuyns , agit dans le même sens. D ' un point de vue pastoral, il ne peut accepter que la préférence soit donnée à quelques pensionnaires au détriment d ' un grand nombre de filles de tous milieux. li se rend en personne à la maison-mère pour plaider la cause de 21 l'école communale • li obtient satisfaction : en fin de compte, c'est le 22 pensionnat qui est supprimé . Les institutrices continuent donc leur travail à la satisfaction 23 générale. En 1868, elles instruisent 164 élèves . Le bourgmestre se 24 montre très favorable à leur communauté . li en est ainsi jusqu'en 1879 : c'est alors que la guerre scolaire commence. Comme dans les autres localités où leur congrégation est active dans l'enseignement officiel, les sœurs de Rebecq reçoivent l'ordre de présenter leur démission : elles s'exécutent durant l'été.

17. /bid., lettres de sœur Mari e-Clara à la supérieure générale, 2-2 et 15-3- 1864. 18. /bid., lettre de sœur Marie-Clara à la supérieure générale, 20- 12- 1867. 19. Ibid. , Annales de I ï11s1i1u1, t. 1-2, p. 374. 20. Englebert Cappuyns (Korbeek-Dijle, 24-12- 182 1 - Bruxelles, 24-2- 1886), ordonné le 2 1- 12-1850, est successivement vicaire à Saintes ( 185 1), desservant de Rebecq ( 1863), puis curé de SS. Jean et Étienne aux Minimes, à Bruxelles ( 1879). 2 1. AMM, lettres de sœur Marie-Norbertine à la supéri eure générale, 16 et 19-8- 1868. 22. Ibid. , Annales de /'lnstilul, t. 1-2, p. 375. 23. Ibid. , lettre de sœur Marie-Norbertine à la supérieure générale, 3- 11 - 1868. 24. Ibid. , lettre de sœur Marie-Norbertine à la supérieure générale, 29-4- 187 1. 254

4. La lutte scolaire 25 Le nouveau curé de Rebecq, l'abbé Corvilain , décide de créer une école catholique de filles avec l'aide d'un comité paroissial. Le 24 août 1879, il demande aux supérieurs de Champion d'y attacher les sœurs 26 déjà présentes dans la localité . li s'engage à leur procurer le logement, l'ameublement, le chauffage et un traitement annuel de 600 francs par 27 enseignante . Les institutrices sont logées dans une maison d'emprunt. Elles qualifient leurs classes de " misérables". L'une d'elles précise : "li y fait terriblement froid, car rien ne ferme dans ce malheureux grenier. Comme l'étage du dessous est occupé par un imprimeur, qui fait grand bruit avec sa presse, et par un tonnelier, dont on entend les coups de marteau, il faut crier à gorge déployée pour se faire entendre des 28 élèves " . Au prix de grands sacrifices et d'emprunts, l'abbé Corvilain fait construire une maison d'habitation avec trois classes, soit deux pour 29 l'école primaire et une pour l'école gardienne . Il est soutenu par les Augustines de l'hospice, dont le bourgmestre libéral prétend qu 'elles procurent "des ressources inépuisables" à l'enseignement confessionneI3°. La lutte scolaire est très vive. Par ses adversaires, le clergé est accusé de proférer des ins ultes à l'égard des libéraux, de tenir des sermons véhéments contre la politique scolaire du gouvernement Frère­ Orban et d' user de menaces : excommunication et refus des sacrements pour les parents d'élèves de l'école communale, privation de la première communion pour leurs enfants. Des propriétaires d'immeubles feraient

25. Désiré-Pierre Corvil ai n (Wavre, 9-3- 1839 - Wavre, 17-2-1899), ordonné le 2 1-9- 186 1, est successivement professeur au petit séminai re de Basse-Wavre ( 1862), professeur de religion à l'école normale de l'État de Nivell es ( 187 1), directeur de cet établissement (1874), desservant de Rebecq ( 1879), curé-doyen de Jodoigne ( 1882), professeur de reli gion à ! 'école moyenne de cette ville ( 1892). 26. AMM, Annales de l 'institut, t. 1-2, p. 375. 27. Ibid. , convention conclue avec la congrégation, 15- 11 -1879. 28. Ibid. , lettre de sœur Ma ri c-Norbcrtinc à la supérieure générale, 9- 11 -1879. 29. Ibid., Annales de l'institut, t. 1-2, p. 375. 30. Témoignage de Cl. Marcoux, bourgmestre, dans Chambre des Représentants. Enquête scolaire, t. 1, Procès-verbaux d 'enquête (octobre 1880 - avril 1881), Bruxelles, 1881, p. 267. 255 pression sur leurs locataires. Les Augustines ag1ra1ent de la même manière à l'égard des vieillards de l'hospice et des laveuses qu 'elles 31 emploient • À en croire un instituteur communal, 8 à 900 personnes 32 n' iraient plus à l'église et ne recevraient plus les sacrements . De leur côté, les sœurs constatent des agissements similaires dans le camps adverse : "On promet, on menace, on punit les pauvres ouvriers qui 33 envoient leurs enfants aux écoles catholiques " • En 1884, la majorité libérale garde le pouvoir à Rebecq. Comme dans maintes localités à l'époque, la plupart des catholiques se lassent de supporter des sacrifices financiers pour soutenir l'enseignement confessionnel. En 1891 , la supérieure note : "M. le curé ne sait plus où il doit aller chercher l'argent pour payer les instituteurs et institutTices. Tout le monde commence à abandonner l'œuvre des écoles et on laisse 34 tout supporter au clergé " . L'année suivante, elle se réjouit de toucher un petit subside de l'État pour l'école gardienne, en ajoutant: "L'argent devient de plus en plus rare ici. M. le curé a eu mille frais cette année. 35 Sur le plan financier, il est dans la plus triste des positions " . En 1892, la commune fait bâtir une école primaire et une école ménagère face aux classes des sœurs, pour tenter de dépeupler celles-ci. Faute de moyens financiers, il est difficile de résister à la concurrence. Le desservant de Rebecq force l'admiration des sœurs: "li est abandonné de tous ceux qui devraient soutenir les écoles. Avec les bonnes sœurs hospitalières, il est seul pour tout payer. li donne tout ce qu ' il a et, à chaque instant, fait preuve de dévouement ". La situation financière de l'établissement s'améliore un peu à partir de 1895, lorsque l'école, reconnue comme" adoptable", est subsidiée par l'État. li n'empêche que 36 le curé doit quêter pour faire face à toute dépense extraordinaire . Et lorsque l'ouverture d' une quatrième classe s'impose, c'est une Augustine, sœur Agnès Minne, qui achète une maison attenante pour en laisser

3 1. Témoignages de Cl. Marcoux, bourgmestre, R.-F. Anciaux et J.-B. Dcvrcssc, instituteurs communaux, ibid., p. 267-268. 32. Témoignage de R.-F. Anciaux, ibid, p. 268. 33. AM M, lettre de sœur Maric-Norbcrtinc à la supéri eure générale, 9- 11 - 1879. 34. Ibid., lettre de sœur Maric-Norbcrtinc à la supérieure générale, 8-6- 189 1. 35. /bid., lettre de sœur Maric-Norbcrtinc à la supérieure générale, 30-6- 1892. 36. Ibid. , lettre de sœur Maric-Norbcrtinc à la supérieure générale, 17- 10- 1896. 256

37 gratuitement l'usage aux institutrices . À la vei ll e de la Première Guerre 38 mondiale, l'abbé Dacosse , curé de Rebecq, demeure préoccupé par " la situation pécuniaire assez triste" de l'école : outre de maigres subventions, il ne reçoit, dit-il, que 400 francs de cotisations des paroissiens et des dons du directeur de l'hospice. Constatant que les forces anticléricales persévèrent dans la "chasse à l'élève", il conclut : " il a fallu lutter et travailler pour arriver au point où nous en sommes : personne ne saura jamais les sacrifices qu'il a fallu faire pour ramener les 39 enfants à l'école catholique " . Qui pourrait le démentir?

L'école communale de Rebecq (Photo M.-A. COLLET)

Paul WYNANTS, Docteur en philosophie et lettres (histoire), Professeur ordinaire aux FUNDP Namur. Adresse de contact : [email protected]

37. Ibid., Annales del ïnsriru r, t. 1-2, p. 375. 38. Hippolyte-Joseph Daeosse (Libertange, 12-8- 1875 - Rebecq, 22-9- 1929), ordon né le 24-9- 1898, est vicaire à Rebecq ( 1898), pui s curé de la paroisse ( 19 11 ). 39. AMM, lettre de l'abbé Dacosse, curé de Rebecq, à la supéri eure générale, 19- 10-19 13. ANDRÉ TIHON PRÉSIDENT D'HONNEUR DU CHIREL BW

L'année 2004 marque un jalon important dans l'histoire du Comité d 'histoire religieuse du Brabant wallon. Vingt et un an après sa fondation par l'abbé Omer Henrivaux - soutenu par une équipe de pionniers préoccupés comme lui par le sort des archives paroissiales - , le Chiret a vu, en cette année 2004, s'achever la direction de son deuxième chef d'orchestre, l'abbé André Tihon. Après une décade et demi « de bons et loyaux services », il a passé le relais à un troisième prêtre, Pierre Jean Welsch, actuel doyen d'Ottignies/Louvain­ la-Neuve/Court-Saint-Étienne. Menant la cadence avec doigté et insufflant, lorsqu'il se devait, les pianissimo, les andante, lesforte nécessaires au bon accomplissement de la partition, André Tihon a sans conteste réussi à faire jouer harmonieusement cet ensemble instrumental disparate - comprenant professionnels et amateurs - qu'est le Chiret. Surtout: il lui a donné une réelle valeur et reconnaissance sur la scène publique. Le succès des colloques, des publications, des balades en témoigne. Un hommage lui a été rendu au nom de l'asbl par Georges De Cat, administrateur trésorier, lors du 20e anniversaire de l'association qui s'est déroulé le 25 octobre 2003 à Louvain-la-Neuve. La présence du chanoine Roger Aubert, pilier de la Revue d'Histoire ecclésiastique et du Dictionnaire d 'Histoire et de Géographie ecclésiastiques, était la bienvenue: les recherches en histoire de l'Église ont plus d' une fois réuni ces deux hommes et le chanoine, qui fut son professeur, est en outre devenu un ami.

Revue d' histoire religieuse du Brabant wallon, 18, 2004, 4, p. 257-260. 258

André Tihon en dialogue avec le chanoine R. Aubert Louvain-la-Neuve, 25 octobre 2003. (Photo M.-A . COLLET) 259

C'est avec enthousiasme que les membres de l'association l'ont intensément acclamé et élu à l'unanimité « Président d'honneur de l'a.s.b.l. CHIREL BW » lors de la dernière assemblée générale qu' il présida le 27 mars 2004. À cette occasion, Guy de Streel, vice-président, brossa sympathiquement le portrait de ce président d' honneur prodigue « aux ordres du jour toujours trop longs». Mais n'est-ce pas là une preuve supplémentaire - s'il en faut - de son investissement intense dans la cause du Chirel ?

André Tihon, Guy de Street, Olivia Sudan et Paul Wynants Apéritif du souper du 20e anniversaire du CHI REL BW à Louvain-la-Neuve, le 25 octobre 2003. (Photo M.-A . COLLET)

André Tihon a heureusement accepté de rester l'éditeur responsable de la Revue d 'histoire religieuse du Brabant wallon et nous l'en remercions bien vivement. 260

Nul doute que ce pasteur pétri d'évangile et de justice, ce docteur en histoire à l' humilité stimulante, cet homme dont nous avons pu à maintes reprises bénéficier des multiples qualités humaines, ce frère bienveillant pour ses deux sœurs devenues grâce à lui sympathisantes du CHIREL BW, et enfin ce «général » soucieux du moral de « ses troupes» nous donnera encore à lire des pages d ' histoire où prédominent la rigueur du chercheur et la passion pour un christianisme incarné. Ces quelques lignes se voudraient un témoignage de la reconnaissance profonde des membres du CHIREL BW pour ce président apprécié et respecté.

Marie-Astrid COLLET, Bernadette JORDENS et Isa belle PARMENTIER CH IR-elles S.O.S. POUR LE PATRIMOINE MOBILIER DES ÉDIFICES RELIGIEUX

En juillet 2004, deux statues appartenant au patrimoine de l'église Saint-Martin de Limal ont disparu. La plus ancienne des deux est une statue de saint Martin en bois du l 6e siècle. Le vol a été constaté par l'abbé Guy Wyttouck qui a alerté le président de la fabrique d'église et les autorités policières locales. En 2000, c'est la statue du même saint Martin mais de l'église des Saint-Martin et Sainte-Adèle d' Orp-le-Grand qui avait subi un sort similaire ... Heureusement, pour cette dernière paroisse, la statue a été retrouvée dans une habitation de Jodoigne ... . Mais le saint Martin de Limal fait toujours courir nos autorités judiciaires. Ce genre de « fait divers » se multiplie dans notre province comme dans les autres. Des bandes organisées en provenance de l'étranger, des voleurs isolés, ... sont responsables de la dispari tion d'un patrimoine qui appartient à toute une communauté paroissiale, villageoise ou urbaine. Notre patrimoine mobilier est en danger et le CHIREL BW se sent une fois de plus interpellé à réagir. Les menaces sont multiples et nous pouvons nous sentir tous concernés, tous appelés à protéger ces œuvres d'art tant celles dont les qualités artistiques sont reconnues que celles, plus humbles, en provenance d'artistes locaux qui ont mis leurs talents au service de la foi. Un « recollement » des biens mobiliers (statues, peintures, mobilier et boiseries, orfèvrerie, ... ) doit être établi chaque année par la fabrique d'église. L'archevêché de Malines-Bruxelles a établi une grille d' inventaire et rappelle sporadiquement cette obligation aux fabriciens. Pourquoi ne pas accompagner cet inventaire de clichés photographiques permettant une meilleure identification de la pièce? Cela faciliterait la

Revue d'histoire religieuse du Brabant wallon, 18, 2004, 4, p. 261-261. 262 réaction policière destinée à confondre voleurs, antiquaires et même acteurs cultuels peu au faîte des limites de leurs responsabilités .. . Les fabriques d'église, pour se défaire ou vendre des objets d ' art appartenant au patrimoine de l'édifice dont ils partagent bien souvent la responsabilité avec la commune, doivent obtenir l' autorisation de l'évêché et du gouverneur de la province et même du ministre de la justice qui a délégation à la place du Roi'. Et pourtant, lors d'une récente réunion organisée, le 23 novembre dernier, à Gilly, par le GeFEC (Groupe des Fabriques d 'église de la Ville de Charleroi) à laquelle participaient près de 60 représentants de paroisses du Grand Charleroi, plusieurs contre exemples ont été signalés. C'est ainsi que j'ai reçu confirmation de la bouche de responsables de l'Institut Royal du Patrimoine artistique (lRPA) que tout récemment, des pièces importantes dont notamment des fonts baptismaux d 'une paroisse du Brabant wallon, venaient d 'être vendues soi-disant en toute légalité, avec la seule autorisation de l'autorité ecclésiastique, à l'occasion d ' une restauration intérieure de l'édifice. Le renouveau liturgique qui sui vit le concile Vatican Il a été, il faut le reconnaître, du moins pour le patrimoine religieux, une catastrophe «iconoclaste». Mais si nous n'y prenons pas garde, l'épidémie iconoclaste risque de perdurer et les vols ne sont pas les seuls responsables de cette dilapidation de notre patrimoine. Grâce à notre nouveau président, la police de Wavre a pris contact au début décembre avec les employées du CHIREL BW dans Je but d'être aidée pour l' identification de pièces suspectes retrouvées au domicile d'un «récidiviste ». Cette rencontre fructueuse m' amène à penser que nous aurions tout intérêt à mieux nous faire connaître des autorités judiciaires de la province. Dans le diocèse de Liège, Mme Laffineur est chargée de mission pour les problèmes de vols. Un espace du site web du diocèse2 est d'ailleurs consacré aux vols et disparitions. Dans cette optique et pour aider les fabriques d'église à répondre à leurs obligations d' inventaire et de protection du patrimoine religieux, notre association est prête à organiser dans le courant del 'année 2005 une

1. Arrêté royal du 16 août 1824, dans le Vade mecum. Partie f abriques d 'église. Archevêché de Malines-Bruxelles, Malines, 1990, rubrique 33. 1 : obj ets d'art ; L. VANDERMOERE, Fabriques d 'église, Bruges, 1979, paragraphe 229, p. 66. 2. http://www.eatho. be/li ege Voir la rubrique « Patrimoine » 263 ou deux réunions en lien avec les responsables de l'IRPA3 el d'autres associations ou institutions en charge du patrimoine mobilier. Voici le genre d'activités que les objectifs de notre association, récemment revisités suite à la nouvelle législation, nous engagent à lancer en faveur d' un patrimoine qui mérite toute notre attention.

Marie-Astrid COLLET-LOMBARD hi storienne au CHIREL BW Adresse de contact : [email protected]

Groupe sculpté : saint Martin partage son manteau avec un pauvre 2e moitié du 16e siècle, bois polychrome, h. env. 75 cm. (Photo Fr. JADOUL)

3. IRPA - Parc du Ci nquantenaire, 1 - 1000 Bruxelles. Tél. 02/739 67 11 - Fax : 02/732 01 05 - http://www.k iki rpa.be. BIBLIOGRAPHIE

PIROTTE (J.) et ZEUS (G.), sous la dir. de, Pour une histoire du monde catholique au 20e siècle, Wallonie-Bruxelles. Guide du chercheur, éd. ARCA et Église-Wallonie, Louvain-la-Neuve, 2003, 784 p. (Collection Sillages).

n sait combien la recherche en Département d'Histoire de l'UCL OHistoire contemporaine, et travaillant à la sauvegarde et à la plus encore en Histoire du 20e mise en valeur des archives siècle, se heurte souvent et produites aux l 9e et 20e siècles d' emblée à un problème de taille : par la mouvance catholique en une pléthore de documents, une Wallonie et à Bruxelles » (p. 5); multitude de sources, un l'autre - l'Église-Wallonie - est foisonnement des pistes que peut « une association de chrétiens suivre le chercheur. Et cela reste wallons qui s'efforcent de stimuler vrai, même si l' on restreint la réflexion et l'action des l'enquête hi storique aux seuls catholiques wallons dans le sens « petits mondes catholiques de d' un engagement plus résolu de Wallonie et de Bruxelles» (p. 18). l'Église dans les enjeux de la 1 li faut donc souligner combien les société wallonne» (p. 5) • ouvrages méthodologiques - tels Deux historiens de l' UCL en ce Guide du chercheur - sont les ont assuré la direction bienvenus dans la communauté scientifique : Jean PIROTTE, scientifique historienne. directeur de recherches du FNRS, et Guy ZEUS, chargé de cours. lis De fructueuses collaborations ont porté cet ambitieux projet Deux associations assurent la depuis son commencement, en « maternité éditoriale» de 1994, jusqu'à son aboutissement l'ouvrage. L'une l'ARCA en 2003. Dans ce travail de longue (Archives du monde catholique) - haleine, ils ont pu bénéficier de la est « un centre de recherche du

1. On pourra consulter les sites Internet de ces deux associati ons (a rca@ hi st.uc l. ac.bc et cgl isc.wa !I on [email protected]).

Revue d'histoire religieuse du Brabant wallon, 18, 2004, 4, p. 264-268. 265 collaboration efficace de Baudouin institutionnels, œcuménisme, . GROESSENS, aspirant du FNRS à catéchèse, religion populaire, l'UCL, et Thierry SCAILLET, Vatican li). assistant dans cette même La deuxième traite des université. catholiques dans la vie politique En plus de ces historiens, qui (partis catholiques, autres signent eux-mêmes plusieurs formations politiques, hors des contributions, une vingtaine partis). d'auteurs issus d'horizons La troisième partie aborde les scientifiques différents - mais problèmes de société auxquels souvent de l'UCL ou d'institutions tentèrent de répondre les liées cette dernière - ont à catholiques (pensée sociale et collaboré à cette œuvre collective organisations socio-profession­ (voir la liste des collaborateurs en nelles, organisations charitables, p. 735-739). Il s'agit d' A. Tihon, action catholique et apostolat des O. Henrivaux, M . Simon, A . laïcs, émergence des femmes, Haquin, P. Wynants, J. Famerée, émergence d' une conscience Cl. Soetens, E. Gerard, J.-L. wallonne). Jadoulle, M. Libon, P. Sauvage, Fr. Rosart, A. Dermience, L. Le quatrième volet du Guide Courtois, P. Gérin, P. de Theux, ouvre l' éventail des rapports avec Ph. Van den Heede, M. Watthee­ les mondes de l'éducation et de la Delmotte, F. Maerten, M. Cheza et création artistique et culturelle M. Costermans. ( enseignement, rôle des intel­ lectuels, presse écrite, parlée et télévisée, BD, cinéma, musique, Un contenu riche littérature et édition, théâtre. Une double introduction, tant La cinquième partie touche aux thématique que bibliographique et problèmes rencontrés lors des deux heuristique, inaugure la publication grandes guerres du 20e siècle et à et balise le terrain. la question de la contestation Viennent ensuite les six parties pacifiste. constitutives de l'ouvrage. La Enfin, une sixième et dernière première est consacrée à la vie partie aborde les relations avec le religieuse proprement-dite (pensée, christianisme outre-mer : la pratique, vie consacrée, sacer­ question des missions, celle des dotale et religieuse, liturgie, cadres 266

Églises de l'époque m1ss1onnaire, orientation documentaire. En les problèmes de coopération. pratique, tous les auteurs n'ont pas Par contre, c'est en vain que adopté ce plan. Plusieurs l'on cherchera dans ce guide, tel contributions n'offrent qu'une que le confesse Jean Pirotte (p. 29- synthèse des connaissances, sans 32) une orientation relative à des livrer d'orientation heuristique ni secteurs tels que monde bibliographique, d'autres ont mêlé agricole/monde religieux et l'on dans une même rubrique devra se contenter d'aperçus problèmes historiographiques et encore largement incomplets dans sources documentaires. En résulte, le domaine des organisations des textes de consistance et de sociales, des « marges religieuses » qualité inégales. En effet, si l'on catholiques (mouvements sectaires peut comprendre, compte tenu de et mouvements contestataires), de l'ampleur des ambitions initiales, la création artistique religieuse qu'il ait fallu laisser dans l'ombre (notamment architecturale), de certains pans de l'histoire ! 'histoire du monde universitaire religieuse (cf. ci-dessus) afin de catholique, des problèmes permettre « malgré tout » la éthiques, de la santé, de la parution de l'ouvrage, il est littérature dialectale ... toutefois dommage qu' un certain nombre d'articles laissent le Bref, malgré ces limites, c'est lecteur sur sa faim. C'est un périple pluridirectionnel, essentiellement le cas pour ce motivant et assez systématique sur troisième volet théoriquement les voies suivies par les acteurs du consacré aux «sources» utiles monde catholique qui nous est pour le traitement de la question. présenté. Et on ne peut que Ainsi, pour ne citer que quelques remercier les auteurs de l'ouvrage exemples, quelle est l'utilité de d'avoir réussi à dresser la renvoyer le chercheur qui complexe et difficile carte des s'intéresserait à La vie liturgique explorations faites et encore à faire ( chap. 5 de la l re partie) dans les sur ce vaste territoire ... dépôts d'archives des « évêchés de En théorie, chaque contribution Liège, Namur, Tournai et présente une articulation en trois ! 'archevêché de Malines­ volets, très « Nouvelle Clio » : le Bruxelles » sans indication plus point des acquis de la recherche, précise ? Quand on connaît les les problèmes en suspens et une difficultés qu'il y a à s'orienter et à 267 consulter les documents de ces L' ouvrage sera certainement « un dépôts d 'archives et du dépôt stimulant pour la réouverture des malinois en particulier, pour pistes, une invitation à ramasser lesquels on ne dispose que large, à butiner hors des champs d'inventaires sommaires, voire pas enclos de l'historiographie d'inventaire du tout, on aurait aimé traditionnelle, à faire miel de toute que l'auteur guide les pas du fleur» (p. 33) tel qu'il ambitionne chercheur avec un peu plus de de le devenir. Mais cet ouvrage précision ; de même, on aurait tient plutôt de la synthèse aimé savoir quelles sont « les collective - riche et stimulante -, diverses revues » (p. l 09) vers que du guide réellement pratique. lesquelles le lecteur est censé se tourner pour accomplir sa Par ailleurs, même si l'on sait recherche. Les exemples de ce que la liste des bibliographies type - car il y en a d'autres - sont régionales et locales proposées fort heureusement contrebalancés dans l'introduction bibliogra­ par des contributions phique (p. 47-48) ne se veut pas rigoureusement menées ( ex. La exhaustive, on ne peut s'empêcher religion populaire, Pensée, de noter l' absence du répertoire organisation et action sociales). bibliographique bruxellois de 2 Robert Réunis . Ce détail - car ce Un regret : le titre n'est ni plus ni moins que cela - Ce que l'on regrettera sans s'avère cependant révélateur d'une doute à la lecture de cette caractéristique qui traverse plus importante publication, c'est que largement la publication : la l'on ait ajouté le (sous)-titre relative discrétion de « Bruxelles » « Guide du chercheur» et que ses par rapport à la présence massive concepteurs le présentent comme de la « Wallonie» dans les « un guide pratique» (p. 33). contributions des différents Qu'il devienne un ouvrage auteurs, et ce en dépit du titre fondamental pour l'élaboration donné à l'ensemble de la d'un projet de recherche en publication. histoire religieuse wallonne du 20e siècle, il n'y a pas à en douter.

2. RÉU NIS (R.), Bibliographie bruxelloise, Bruxelles, 1994, 77 1 p. (Archives et bibliothèques de Belgique, n° spécial 47) 268

En définitive, on recom­ Par contre, voilà un ouvrage mandera certainement aux qui fourmille de pistes, d' idées, de chercheurs en matière d'histoire thématiques, de défis qui, s'ils ne religieuse la lecture de cette guident pas le lecteur et ne le publication, tout en sachant que les rassurent pas sur la voie à suivre, contributions qui s'y trouvent ont sont une invitation puissante et un degré d'achèvement et un enthousiasmante à aller de ]'ava nt. caractère réellement pratique variables, et que l'enquête heuristique ne doit certainement pas s'arrêter aux premières informations que l'on y trouve.

Isabelle PARMENTIER, Docteur en histoire, Chargée de cours aux FUNDP Namur. Adresse de contact : [email protected] "RAWETTES"

Monsieur l'abbé O. Henrivaux nous a signalé une erreur dans la référence d' une illustration de l'article de Gérard Bavay. Revue d 'histoire religieuse du Brabant wallon, tome 18, 2004, fasc. 2, page 101. La photographie est celle de l'église Saint-Nicolas de Sart-Dames-Avelines et non celle de l'église Saint-Martin de Marbais. Merci au président fondateur d'être toujours aussi attentif.

L'abbé Jacques Petit, responsable du service des archives du Vicariat général du Brabant wallon, nous a signalé en complément à l'interview de R. Thysman paru dans la Revue d 'histoire religieuse du Brabant wallon, tome 18, 2004, fasc. 3, p. 172, que l'abbé André de Staercke fut aussi doyen d'Ottignies/Louvain-la-Neuve du 31/07/1983 au 31/08/ 1993 . Merci à Jacques Petit de préserver la mémoire de ses prédécesseurs.

Revue d'histoire religieuse du Brabant wallon, 18, 2004, 4, p. 269. Membres d ' honneur et de soutien 2004

M. l'abbé M. Aerens M. P. Genotte M. P. Anciaux M. J. Georges M . A. Août M. Mme B. Gillon-Cantaert M. Mme P. Barthelemi-Motte M. Mme Ph. Godding Mme M. Bertrand-Férir M . Mme P. Gruenberg M. E. Bierlaire M . Oldenhove de Guertechin M. Mme R. Brabant M. l'abbé O. Henrivaux M . J.-M. Brunelle M. Mme P.-B. Jadin M. l'abbé V. Chambille M. Jaumotte M . l'abbé M. Cheza M. J. Leboucq M. H. Civilio M. J. Leclercq M. M. Culot M. l'abbé A. Lehmann M . Mme Cl. Cuvellier-Mottart M. Mme E. Lombard-Dubucq Mme D. Davister M . Mme L. Martin-Jaumotte M. E. de Lalieux M. A. Meunier M . H. de Suray M. Mme J. Mévisse-Yan Dieghem M. Mme L. Debras-Lavoix M . L. Michaux M . Mme G. Defalque M. J. Michel M. Mme Ph. Degand-Maerevoet M. J.-P. Muller M . L. Delfosse M. Mme A. Parvais-Croquet Mme M .-R. Delvaux M. Mme L. Pasinetti-Vanderpijpen M . Mme R. Denys-Lambert M. J. Peraux M. E. Désirant M. J. Petitniot M. Fr. Orion du Chapois M. R. Philippot M . Mme J. Dupierry M. Mme F. Pierret-Parmentier Mme M.-J. François M. Mme M. Pirard-Schoutteten

Revue d'histoire religieuse du Brabant wallon, 18, 2004, 4, p. 270-271. 271

M. J.-CI. Pirson Mme M. Yan Overbeke M. Mme A. Querton M. A. Yan Steenberghe M. J.-B. Raty M. Mme M. van Zeebroeck M. L. Raucent M. G. Vande Putte Mme M. Reure-Pays M. Mme G. Yanderwilt M. M. Somville M. Mme E. Vanham M. Mme Stroobants-Vitry M. Mme C. Venneersch M. Mme D. Soumillion-Dodelet M. Mme H. Vervier-Digneffe M. Mme A.-M. Terlinden M. H. Yets M. l'abbé A. Tihon M. B. Volant Mme M. Tihon M. R. Wautier M. M. Tilmans M. Mme B. Wuillaume M. P. Yan de Putte M. Mme P. Wynants

AOP- Court-Saint-Étienne AOP - Beauvechain Archevêché - Malines-Bruxelles Centre de documentation et de recherche religieuses - Namur Cercle d'histoire de Lasne Fabrique d'église Saint-Étienne - Lasne-Ohain Fabrique d'église Saint-Nicolas - La Hulpe Faculté Universitaires Saint-Louis - Bruxelles Filles de la Charité de Saint-Vincent-Paul - Wavre Frères Maristes - Genval Monastère du Berlaymont-Chanoinesses de Saint-Augustin - Waterloo Office du Tourisme et Maison du Tourisme - Nivelles Prieuré des Prémontrés - Ophain-Bois-Seigneur-Isaac S.P.R.L. C.R.l.G. - Waterloo Sœurs franciscaines - Wavre Liste arrêtée le 6 décembre 2004 TABLE DES MATIÈRES

Liminaire, par Isabelle Parmentier p.217-218

Clochers, paroisses et paysages en Haut-Senne. Contribution à l'étude et à l 'interprétation des topographies paroissiales. Le cas des localités du canton de Soignies, par Gérard Bavay Seconde partie: les apports de l'enquête rétrospective p. 219-248

Chronique d'histoire scolaire, par Paul Wynants 3. Un établissement qui tire le diable par la queue: Rebecq (1859-1914) p. 249-256

André TJHON Président d'honneur du CHIREL BW, par CHJR-elles p. 257-260

S.O.S. pour le patrimoine mobilier des édffices religieux, par Marie-Astrid Collet-Lombard p. 261-263

Bibliographie, par Isabelle Parmentier Pour une histoire du monde catholique au 20e siècle, Wallonie-Bruxelles. Guide du chercheur p. 264-268

« Rawettes » p.269

Liste des membres d' honneur et de soutien p. 270-271 Table des matières p. 272

Revue d'histoire religieuse du Brabant wallon, 18, 2004, 4, p. 272. Éditeur responsable : André Tihon place Quetelet 1/24 - 1210 Bruxelles

Secrétaire de rédaction : Isabelle Parmentier

Comité de rédaction : Marie-Astrid Collet, Luc Delporte, Michel Dubuisson, Martine Gilmont, Bernadette Jordens, Isabelle Parmentier, André Tihon, Gaston Vanderwilt, Mary Verdickt, Paul Wynants

Revue d'histoire religieuse du Brabant wallon

CONDITIONS D'ABONNEMENT

(Frais de port compris) Euros Euros Belgique (Hors Belgique) ordinaire 15 24 de soutien 20 30 d'honneur 25 40

* * * Depuis 1997, nous disposons de l'agréation pour délivrer l'exonération fiscale pour les dons de 30 euros et plus en supplément du montant de l'abonnement. Les dons peuvent se faire en plusieurs fois. Si vous faites un seul virement, il faut mentionner : 15 euros abonnement, 30 euros don. * * *

Publications du CHIREL BW a.s.b.l. en vente au siège social : Chaussée de Bruxelles, 65 a - B 1300 Wavre Tél.: 010/23 52 79 - Fax: 010/24 26 92 - Courriel : [email protected] Site internet : http://www.chirel.be.tf Compte : 068-203 05 71-97 Copyright (c) by CHIREL BW a.s.b.l. 2004

Toute reproduction du présent ouvrage est bienvenue, pourvu qu'elle nous soit signalée, que la source en soit mentionnée et qu'elle ne soit pas faite dans un but lucratif. Les articles sont publiés sous la responsabilité de leur auteur. TABLE DES MATIÈRES

Liminaire

Clochers, paroisses et paysages en Haut-Senne. Contribution à l'étude et à l'interprétation des topographies paroissiales. Le cas des localités du canton de Soignies Seconde partie : les apports de l'enquête rétrospective

Chronique d 'histoire scolaire 3. Un établissement qui tire le diable par la queue Rebecq (1859-1914)

André TIHON Président d 'honneur du CH/REL BW

S.O.S. pour le patrimoine mobilier des édifices religieux

Bibliographie

« Rawettes »

Avec la collaboration du CENTRE D'HISTOIRE RELIGIEUSE • la jeune Province des FACULTÉS UN IVERSITAJ RES SAJNT-LOUIS, C du MIN ISTÈRE de la RÉGION WALLONNE, de la COMMUNAUTÉ FRANCAISE, (Min istère de la Culture et des Affaires Sociales), de la PROVINCE du BRABANT WALLON j(r du COMMISSARIAT GENERAL AU TOURJSME