Des fastes d’une seigneurie aux mystères d’un village disparu

Hirtzbach mérite une visite approfondie. Le château, le parc anglais et les demeures cossues de l’ Unterdorf s’alignent sagement de part et d’autre du ruisseau, aux berges joliment fleuries à la belle saison. Plus haut, près de la chapelle Sainte-Afre, s’étagent les maisons de l’ Oberdorf . En cours de route, une escapade champêtre et sylvestre conduit au site du village disparu de Sankt-Glückern et au Landfürstenweyer, « l’étang des princes », aux eaux dormantes.

Distance : 8,8 kilomètres – dénivelé : 85 mètres – durée : 3 heures 30 – parcours en partie ombragé, avec d’importants tronçons goudronnés (plan en dernière page)

→ Se garer près de l’église siècle, surmonté de l’aigle de Patmos. Des vitrines protègent les statues en 1. - L’église fut construite en 1834- bois de l’Enfant Jésus et de saint Louis 1837 sur les plans de l’architecte de Gonzague, que l’on portait autrefois Laubser de . Son portail est en procession. flanqué des statues de saint Maurice et de saint Léger, sculptées à Delle par A droite du chœur, s’ouvre la chapelle les ateliers Glorieux. A l’intérieur, le privée des Reinach, les châtelains du maître-autel est surmonté d’un tableau village. Un vitrail présente les armoiries représentant le martyre de saint primitives de la famille. La date de 803 Maurice, peint en 1898 par Martin correspond à son origine légendaire, Feuerstein, avec une erreur : le saint alors que les documents permettent tient un drapeau au lieu d’un labarum effectivement de remonter sa filiation (étendard). La statue de saint Afre jusqu’en 1210. Un autre vitrail montre évoque l’ancienne paroisse de les armoiries que l’empereur Ferdinand l’ Oberdorf ; celle de saint Léger II concéda en 1635 à Jean Henri de rappelle le village disparu de Sankt- Reinach, général commandant de Glückern, deux sites que l’on visitera l’Autriche antérieure, et à ses deux au cours de la promenade. frères. Au-dessus de la porte figure la copie d’une taque (plaque de fonte) de Les autels latéraux, dédiés à la Vierge cheminée, aux armes de Jean Conrad et à saint Wendelin, étaient initialement de Reinach, prince-évêque de Bâle de ornés de statues en bois, maintenant 1705 à 1737. disposées près de l’entrée principale. Derrière les portes, sous le clocher, La famille possédait trois châteaux en l’ancien tableau du maître-autel (1838) Argovie (actuel canton suisse) où elle est de Sébastien Gutzwiller, comme était au service des Habsbourg. Elle se les stations du chemin de croix (1848) réfugia dans le après la dans la nef. bataille de Sempach (1386) et la formation de la Confédération Au plafond, Carlo Limido a représenté helvétique. Jean Théobald, bailli de la la Trinité, ainsi qu’un Christ de gloire seigneurie d’, épousa en 1590 entouré d’anges portant les l’héritière du château de Hirtzbach et instruments de la passion. Dans un Melchior, son plus jeune fils, fonda la buffet Callinet de 1830, Schwenkedel a branche qui y réside depuis. Une installé l’orgue actuel en 1934. Le plaque de marbre noir énumère les chœur est orné de boiseries réalisées membres de la famille inhumés dans par la maison Boehm, de , et l’ancien caveau jusqu’à la construction d’un beau lutrin de la fin du XVIIIe de l’église actuelle. http://www.hirtzbach.fr 1 Saint-André aux bras fortement → En sortant par la porte latérale, incurvés doit son nom à la curula , un tourner à droite, passer le pont et siège bas réservé aux magistrats remonter à gauche la rue principale romains. Les deux bras sont parfois vers . comparés à des cornes, sensées protéger la maison contre les 2. - Hirtzbach (1197 habitants en 1999) puissances maléfiques, et il arrive que signifie « ruisseau du cerf ». Ce petit leur assemblage soit interprété comme affluent de l’, long de 6,7 kilomètres, un symbole de l’union charnelle. a donné son nom et ses armoiries au village. Il est canalisé sur plus d’un La maison n° 51 présente un kilomètre et huit ponts le franchissent, encorbellement. Cette structure, liée à conférant beaucoup de charme à un des préoccupations de prestige ou de ensemble bâti en grande partie dans la décor, autorisait le retrait du rez-de- deuxième moitié du XVIII e siècle. chaussée par rapport à l’étage et protégeait des intempéries les poutres Les maisons n) 39 et 41 portent des basses. Elle se maintint après la inscriptions, avec dates de guerre de Trente Ans, au temps de la construction (1778 et 1780) et noms reconstruction des années 1670. des propriétaires. A côté, l’annexe de l’école maternelle est un bâtiment de La maison n° 59, à bois longs, 1788, démonté au n° 76 rue principale possède des décharges (poutres et remonté ici en 1988, deux cents ans obliques) peu nombreuses et plus tard. Cette heureuse initiative archaïques, caractéristiques de la fin montre que la préservation du du XVI e siècle. Sur la n° 65, sans patrimoine peut aller de pair avec la vie doute des années 1680-1720, la Laube moderne. (balcon couvert) a été fermée et l’agrandissement de l’étage est visible Sur l’autre rive, le mur gouttereau à la structure du pignon. Au n° 74, un (façade la plus longue) de la maison n° charpentier, dépité mais non 42 ne comporte pas de colombages. Il découragé, a inscrit en allemand a dû être remplacé après les (1784), peut-être à l’insu d’un destructions de la Première Guerre propriétaire illettré : « Das Haus ist mondiale. Le centre du village se stark, wohlgemacht. Der Zimmermann trouvait en effet à quelques centaines hat nichts davon gebracht, Aber Lust de mètres de la ligne de front et la und Lieb zu einem Ding, Mach talle population avait été évacuée au Müh und Arbeit gring ». (La maison est Wurtemberg en décembre 1915. Du solide, bien faite Elle n’a rien rapporté même côté, la maison n° 50, aux au charpentier, mais le plaisir et poutrages bien rythmés, date de 1784. l’affection pour une chose rendent On remarque les larges potelets supportables peine et travail). d’allège des fenêtres de la Stube (pièce principale), apparus après 1780 → Au dernier pont, tourner à droite, pour servir parfois de support à des dans la rue des Champs (anneau inscriptions pieuses. Les deux auvents bleu), et se diriger vers une croix de ont été ajoutés à la fin du XX e siècle. mission écotée (en forme de tronc d’arbre), accompagnée d’une statue de La ferme monobloc n° 47 date sans Marie-Madeleine. Prendre à droite doute de la deuxième moitié du XVII e (anneau bleu). Après le virage, siècle. Son pignon possède des s’engager à droite sur un chemin moulurations sur la sablière haute empierré. Au croisement, continuer (poutre horizontale) et une chaise tout droit. A la bifurcation suivante, curule sous une fenêtre. Cette croix de prendre à droite. Arrivé sur un chemin http://www.hirtzbach.fr 2 goudronné, tourner à gauche pour tu es longue ». Un soir, elle apitoya un passer devant une exploitation habitant de Hirtzbach et lui demanda agricole, puis aller tout droit jusqu’à la de la délivrer de la malédiction qui chapelle que l’on distingue à l’orée de pesait sur elle. Il devait s’emparer d’un la forêt. trésor, gardé par des animaux monstrueux dont il n’avait rien à 3. - C’est le site du village disparu de craindre. Mais, pris de panique, Sankt-Glückern, appelé aussi Sankt- l’homme s’enfuit aussitôt et la Luggert ou Saint-Léger. En 1865, on y malheureuse du se résigner à attendre a trouvé des fragments de poteries et cent ans encore pour que pousse le de tuiles romaines, ainsi que des tilleul, avec lequel on fabriquerait un sépultures médiévales. berceau pour le garçon qui, seul, aurait La localité, mentionnée dès 1161, à nouveau le pouvoir de la délivrer un comprenait deux cours colongères jour. (groupe de fermiers régis par une loi commune). L’ Oberhof appartenait au L’église de Sankt-Glückern, encore prieuré d’Oelenberg () et le desservie par un vicaire en 1441, était Niederhof , à celui de Saint-Ulrich. A en si mauvais état en 1756 qu’elle fut quelques mètres, dans les champs, le interdite aux célébrations. On finit par lieu-dit Bergstell , déformation de la démolir en 1833. Seul subsista le Burgstal l, désigne l’emplacement d’un chœur, transformé en chapelle. Elle château ruiné. servit d’observatoire allemand pendant la Première Guerre mondiale, ce qui Encore peuplé en 1354, le village était entraîna sa destruction par l’artillerie déserté un siècle plus tard à cause du française. La chapelle actuelle l’a passage dévastateur des « Anglais » remplacé en 1928. (1376), mercenaires désoeuvrés de la guerre de Cen Ans, ou d’une épidémie → Revenir sur le chemin et prendre à de peste (1427). Les trois survivants droite (anneau bleu). 1,5 km plus loin, se seraient réfugiés à Hirtzbach, au croisement avec un panneau et Altkirch, ce qui donna lieu indicateur, continuer vers Hirtzbach et à des procès interminables pour le Largitzen (anneau bleu et chevalet partage du ban entre 1428 et 1776. vert). Après les lignes à haute tension, prendre à droite sur quelques mètres. Le site du village disparu est souvent chargé de mystère et source de 4. - On atteint le Landfürstenweiher, légendes. On raconte qu’il arrivait aux « l’étang des princes ». Ce plan d’eau paysans, au travail dans les champs de 5 hectares (6,40 au début du XX e voisins, de voir passer des processions siècle) est le plus grand des environs. de dames blanches, alors que dans les Sa profondeur maximale est de 1,65 broussailles, à côté de la chapelle, une mètres. La découverte d’outils femme coiffée d’un long voile était néolithiques dans sa digue révèle une occupée à filer. On ajoute même que occupation précoce du site. Il semble le promeneur peut parfois entendre que les étangs aient été recherchés s’échapper d’un pré marécageux le dès la préhistoire, ce qui explique le tintement étouffé des cloches d’un peuplement dense de l’ouest troupeau englouti. sundgauvien à cette époque.

Il paraît aussi que la dame blanche qui Le Landfürstenweiher faisait partie de habitait le château disparu, errait par la seigneurie de Hirtzbach, intégrée les terribles nuits d’orage, dans les dans la baronnie d’Altkirch. Il bois alentours, en gémissant : « O appartenait donc au cardinal Mazarin éternité, comme tu es longue, comme et à ses héritiers à partir de 1659. Par http://www.hirtzbach.fr 3 voie d’’échange, ces personnages vallées de l’Ill et du Thalbach durant la princiers cédèrent en 1726 Hirtzbach deuxième moitié du XVIII e siècle. aux Reinach, qui devinrent à leur tour seigneurs du lieu et, de ce fait, Morand Kueny a utilisé ici les bois propriétaires de l’étang. Le 4 décembre courts qui assurent à chaque niveau 1914, un engagement à proximité une ossature autonome, technique qui coûta la vie à 33 soldats allemands et a fait son apparition dans la partie 11 français. orientale du Sundgau dès la fin du XVII e siècle. L’épaisse sablière (poutre → Revenir sur ses pas et continuer horizontale) du pignon devient objet tout droit (anneau bleu). On longe le d’inscription et d’ornementation. Le Neuweiher, un étang plus petit (1 nom du charpentier est suivi du hectare et 0,80 mètres de profondeur), millésime, du monogramme du Christ qui appartenait également aux Reinach IHR et du nom des constructeurs : sous l’Ancien Régime. Prendre à Marx Minch et Anna Heitzomenerin. Le gauche vers Hirtzbach, puis avancer nom de l’épouse se termine par « in », toujours dans la même direction marque du féminin en allemand. Au (anneau bleu). Sortir de la forêt. A la XX e siècle, la Stube (pièce principale) bifurcation suivante, descendre à de cette maison fut aménagée en droite par le chemin goudronné auberge, à l’enseigne du Cheval blanc. (anneau bleu). → Un peu plus loin, emprunter à 5. - On longe des terrains que gère le droite le chemin empierré qui passe Conservatoire des sites alsaciens. entre un immeuble moderne et une Cette association, créée en 1976, maison à colombages. acquiert ou loue des parcelles dans le but de leur conserver leurs qualités 7. - On arrive à l’ancienne scierie biologiques et esthétiques. Dans la détruite par un incendie en 1994. La descente, la vue donne, à droite, sur commune, devenue propriétaire du l’ Oberdorf , la partie haute du village, site, a réalisé des travaux pour aussi appelée la « Montagne ». A conserver la chambre d’eau abritant la l’origine, Hirtzbach se composait de roue à aube et le bâtiment adjacent. deux villages : Niederhirtzbach avec En 1602, le châtelain du village, Jean l’église Saint-Maurice, et Béat Grass, avait acheté un moulin à Oberhirtzbach autour de la chapelle grain à cet endroit. Sa fille le transmit Sainte-Afre. par mariage à la famille de Reinach en même temps que le château. → Passer à nouveau devant la croix écotée. Revenir vers le village et En 1855, le moulin et le ribe (servant à traverser le ruisseau. Tourner à écraser le chanvre) comportaient gauche, puis à droite, (au café de la quatre tournants (meules), qui Couronne) pour emprunter la rue de la bénéficiaient d’une puissance de 4,80 Montagne. chevaux, grâce à une chute de 6 mètres et à un débit de 69 6. - La maison n° 1 porte le nom du litres/seconde. La Première Guerre maître-charpentier qui l’a construite en mondiale causa la destruction de tout 1784 (?). Il s’agit de Morand Kueny (+ l’appareillage du moulin à grain. Il fut 1829), de , qui a remplacé par une scie hydraulique, également œuvré à Largitzen, capable de couper les grumes Bettendorf, Grentzingen et dans son mitraillées pour en tirer du bois propre village. Grâce à de telles d’œuvre. Electrifiée en 1952, elle inscriptions, on connaît le nom d’une fonctionna jusque vers 1985. dizaine de charpentiers actifs dans les http://www.hirtzbach.fr 4 L’eau amenée par une buse tombe sur des taches d’huile, que l’on récupérait la roue motrice qu’elle fait tourner. La pour alimenter la lampe brûlant devant vitesse de rotation est ensuite l’autel de la chapelle. La légende multipliée par un système raconte que le jour où un particulier d’engrenages. L’ensemble met en s’en servit pour ses propres besoins, mouvement l’arbre de transmission l’huile cessa d’apparaître. A notre situé au fond du bâtiment. Il porte des époque encore, des forages poulies sur lesquelles étaient fixées les épisodiques ont lieu dans la région à la courroies qui entraînaient les recherche de l’or noir. machines. Sont exposées à l’arrière une affûteuse-meuleuse, une → Après la source, continuer tout mortaiseuse et une toupilleuse (pour droit, puis descendre à gauche (croix réaliser des moulures), au milieu des verte). Au cimetière, tourner à droite et éléments de transmission, à l’avant longer le parc. Pour y pénétrer, tourner une dégauchisseuse et une raboteuse. à gauche en direction de l’église. L’entrée est à la hauteur du château. → Revenir sur ses pas. Tourner à droite et monter tout droit. Après un 9. - Le superbe parc anglais a été large virage, continuer jusqu’à la aménagé en 1816 par le baron Charles maison n° 31, une modeste demeure de Reinach, à son retour des guerres de journalier, comme on en trouve napoléoniennes. Mis à la disposition plusieurs dans l’Oberdorf. Monter le de la commune par ses descendants chemin à droite jusqu’à la chapelle depuis 1982, il invite à une promenade Sainte-Afre. romantique autour d’un ruisseau et de petits étangs où s’ébattent des 8. - Avant 1903, un cimetière entourait canards. le petit sanctuaire qui contient un très beau mobilier baroque. Sur le maître- En face de l’entrée, une île appelée autel du milieu du XVIII e siècle, les avec humour « Sainte Hélène » en statues de saint Blaise (cierges) et de souvenir de l’exil de Napoléon 1 er , est saint Augustin entourent celle de occupée par un chalet destiné à la sainte Afre. Les statuettes réserve de bois. A gauche, dans d’évangélistes proviennent de la chaire l’angle du parc, la dernière glacière du supprimée en 1976, lors d’une Sundgau permettait autrefois de restauration. L’autel latéral gauche est stocker la glace découpée en hiver orné d’une Pietà de la fin du XV e siècle dans les étangs gelés. Elle était avec polychromie du XX e siècle, celui précieuse pour les occupants du de droite d’une statue de sainte Anne château de la fin du printemps au avec la Vierge enfant. Au mur de la début de l’automne. Plus loin, à droite nef, deux tableaux de 1779 montrent, à de l’allée, une cabane servait au gauche, saint Cécile, et à droite, sainte séchage des planches, tandis qu’au Marie-Madeleine. fond du parc, un chalet bâti au XIXe siècle, dans le style particulier au A l’extérieur, une croix du début du canton de Lucerne, permettait XVIII e siècle portait sur le fût les d’entreposer les regains. armoiries des Reinach et des Sickingen. A proximité, un oratoire → En sortant du parc, avant de abrite une source qui servait sans rejoindre l’église, on passe devant le doute de baptistère. Elle était réputée château. miraculeuse pour les enfants atteints de scrofule, forme de tuberculose Avec ses 145 portes et fenêtres, le localisée aux ganglions lymphatiques château de Hirtzbach est l’une des et à la peau. L’eau portait à sa surface seules constructions de Haute- http://www.hirtzbach.fr 5 à mériter pleinement une telle Marie de Sickingen, dont les armoiries appellation. L’aile gauche, en direction figurent sur le fronton. Leur petit-fils, le du corps de ferme, correspond sans maréchal de camp Antoine de doute à l’ancienne maison forte, citée Reinach, y ajouta le milieu du second en 1443 et parvenue aux Reinach en étage peu avant 1776, alors que la 1590. Le corps central et l’aile droite, terrasse, au niveau de l’entrée, ne date par contre, furent bâtis en 1724 par que du début du XX e siècle. Joseph François et son épouse Anne

Le jardin anglais vers 1860

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Plan du parcours Hirtzbach

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