L'œuvre D'emily Brontë : La Vision Et Les Thèmes
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Dans la même collection dirigée par Jacques GOUDET Professeur d Italien Doyen de la Faculté des Langues de l'Université Jean Moulin - LYON III I - Catholicisme et poésie dans le roman de Manzoni I promessi sposi par Jacques GOUDET. II - Du couteau à la plume. Le suicide dans la littérature anglaise de la Renaissance (1580-1625) par Bernard PAULIN. IV - Le monde poétique de l'Arioste. Essai d'interprétation du Roland Furieux par Roger BAILLET. V - L'emploi des cas en védique. Introduction des cas en indo-européen (Série linguistique) par Jean HAUDRY. VI - Le cap de désespérance. L'Afrique du Sud? Un problème. Un avenir par Jean-Louis MAISONNEUVE. Bibliothèque A paraître Précis de grammaire roumaine par Joan BACIU. Commentaire des Oiseaux d'Aristophane par Michel CASEVITZ. Documents Le combat d'Oullins, 29 août 1944 par René LAPLACE. Histoire d'Oullins des origines jusqu'à 1900 par René LAPLACE. Léopold Sedar SENGHOR: Poétique et poésie par Marcel SCHAETTEL. Bachelard critique ou l'alchimie du rêve par Marcel SCHAETTEL. Le cas Monseigneur Lefebvre par Jacques GOU DET. LES HOMMES ET LES LETTRES Collection dirigée par Jacques GOUDET Jean-Pierre PETIT Ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure Professeur à l'Université Jean Moulin (LYON III) L'œuvre d'Emily Brontë LA VISION ET LES THÈMES III 1977 Editions L'HERMÈS 31 rue Pasteur 69007 LYON Dépôt Légal - Septembre 1977 Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays AVANT-PROPOS Les références critiques et les notes ont été réduites au minimum. Prière de se reporter à la Bibliographie, où se trouve le titre complet des ouvrages cités. Les références à Wuthering Heights (WH) comportent des chiffres romains pour les chapitres, arabes pour les pages. Par exemple: XII, 163. Il s'agit de l'édi- tion Daiches (Penguin), qui reproduit le texte d'Emily Brontë, non revu par sa sœur. Les poèmes sont désignés par un H suivi d'un nombre (p, ex: H.83). Il s'agit du numéro dans l'édition Hatfield (v. Bibliog.). Les «Birthday Fragments» sont reproduits dans F. Ratchford, Gondal's Queen, et les devoirs de français d'Emily Brontë dans la biographie de W. Gérin (v. Bibliog.). Le présent ouvrage ne concerne pas la vie d'Emily Brontë, ni les influences littéraires. V. pour cela les études de J. Hewish, et surtout J. Blondel (Emily Brontë). Pour avoir un aperçu de la critique brontëenne présente et passée, on peut se reporter aux anthologies critiques de Miriam Allott (Casebook et Critical Heritage), ainsi qu'à la mienne (Penguin). INTRODUCTION Emily Brontë a conquis la célébrité à l'aide d'un seul roman publié en 1847, dont le succès, très modeste au départ, n'a jamais cessé de s'amplifier, surtout depuis le XXème siècle. Wuthering Heights ne peut pas être assimilé aux romans de son temps. On peut dire, en un sens, que c'est une survivance du romantisme à l'époque victorienne — à condition d'ajouter que le romantisme n'avait rien produit de semblable. Wuthering Heights ne peut guère se comparer qu'aux légen- des d'amour et de mort — dont il fait partie — avec pourtant ceci de particulier: le mystère qu'il suscite et le souvenir qu'il laisse ne sont pas seulement dûs à l'in- tensité et à la démesure, mais à l'évocation d'un décor nordique d'une extraordi- naire présence, dont l'austérité ou la simplicité concrète n'ont vraiment rien d'éche- velé. C'est même l'équilibre entre la dimension mythique et l'humble naturel de la servante-narratrice qui crée la perfection énigmatique de ce roman. Emily Brontë avait également publié avec ses deux sœurs un recueil de poèmes (en 1846), et elle s'y révèle comme un des poètes importants du XIXème siècle. D'autres ont été rassemblés depuis. C'est là l'autre partie de l'œuvre — plus inéga- le, mais avec des réussites de génie. Hormi cela, on ne possède que quelques frag- ments de journal et sept devoirs de français écrits à Bruxelles. La vie d'Emily Brontë est aussi une énigme, d'autant plus tenace que les faits sont rares et la romancière absente de son roman (in propria persona, cela s'en- tend). Mais le présent ouvrage n'est pas une biographie. Au reste, l'essentiel tient en peu de lignes. Patrick Brontë, pasteur de Haworth – village escarpé au bord des landes du Yorkshire —, avait eu six enfants: Maria (1814), Elizabeth (1815), Charlotte (1816), Branwell (1817), Emily-Jane (30 juillet 1818), Anne (1820). Emily perdit sa mère (remplacée alors par une tante) quand elle avait trois ans, et ses deux sœurs aînées en 1825, après leur séjour à la sinistre école de Cowan Bridge (v. sa transposition dans Jane Eyre, le roman de Charlotte). A part cela, elle ne s'absenta guère plus de trois fois du presbytère où elle tenait le ménage de son père – la dernière en 1842 pour accompagner Charlotte à Bruxelles au pen- sionnat de Constantin Heger. Ses deux sœurs furent souvent placées comme gou- vernantes. Son frère Branwell, miné par l'échec, la pitié de soi, la drogue, l'alcool – et sans doute, comme tous les enfants Brontë, la tuberculose — leur infligea le spectacle de sa déchéance de 1845 à septembre 1848, date de sa mort. Trois mois plus tard (19 décembre 1848), Emily mourait à 30 ans, de phtisie galopante semble- t-il, après avoir refusé tous soins. Anne mourait en mai 1849, Charlotte (après s'être mariée) en 1855, et le Révérend Brontë en 1861. Les enfants Brontë rêvaient de création artistique. Très tôt, ils avaient inventé des jeux de rôles - inspirés à l'origine par douze soldats de bois - qu'ils transcri- vaient dans de minuscules carnets. Ils devaient assez vite se scinder en deux groupes: Branwell et Charlotte évoquaient dans leurs écrits le pays imaginaire d'Angria; Emily et Anne, une île fictive du Pacifique nord, Gondal. Leurs chroniques en prose sont perdues, mais les poèmes d'Emily Brontë se réfèrent en partie aux intrigues gondaliennes, dont ils illustraient des moments importants. Emily Brontë ayant pris soin de se retrancher dans un anonymat impénétrable, c'est l'opacité de ses créations, et non sa biographie, que cet ouvrage prétend interroger. L'œuvre entière exprime la hantise du masque, le mystère de l'affabu- lation et de l'intrigue, qu'il s'agisse des poèmes ou du roman. C'est par l'étude de celui-ci que l'on va commencer, les poèmes étant trop disparates pour permettre une étude génétique. Les intrigues sont perdues, les rôles souvent énigmatiques et divers. Dans ces conditions, il est plus normal d'aller du connu à l'inconnu, ou tout au moins de l'œuvre achevée à l'ébauche. La chronologie n'interdit nullement cette approche: Gondal renaissait de ses cendres pour entretenir un éternel présent de l'inspiration romanesque et la rédaction de Wuthering Heights n'a pas mis un terme définitif à l'activité poétique. Dans l'affabulation romanesque ou poétique, l'univers familier est omniprésent. Pourtant, mêlé au légendaire, il apparaît réfracté et rêvé dans une vision imaginaire qui ne perd jamais son unité - et qui doit livrer son intention. Car l'œuvre d'Emily Brontë est celle de la vision – et ceci de deux façons. Tout d'abord, en ce sens que Wuthering Heights est un roman visionnaire et plusieurs poèmes s'apparentent à la mystique; d'ailleurs, les deux parties de l'œuvre explo- rent souvent des expériences voisines. Mais aussi parce que Emily Brontë fait une part exceptionnelle à la perspective. «Entrer dans une œuvre, écrit Jean Rousset (Forme et signification), c'est changer d'univers. L'œuvre véritable se donne à la fois comme révélation d'un seuil infranchissable et comme pont jeté sur ce seuil interdit. Un monde clos se construit devant moi, mais une porte s'ouvre, qui fait partie de la construction». A cet égard, Wuthering Heights est exemplaire. Fuyant la convention omnisciente comme la confession, la romancière vient mimer le travail du lecteur, à qui elle accorde une place parmi les personnages. La nostalgie de la quête est l'essence même de ce roman, qui refoule la plus puissante de ses hantises — l'image des amours enfantines — dans les profondeurs de son histoire et, s'agissant d'une morte passionnément désirée, adopte une «stratégie» narrative telle que l'angoisse de l'irréversible est sensible lors même qu'elle est encore en vie. La quête est présente depuis la perception la plus humble jusqu'à la silhouette prestigieuse des Penistone Crags, archétype de la vision. Le monde imaginaire de Wuthering Heights est déchiffré en notre présence par une conscience dont la raison d'être est l'exploration. Pour le roman comme pour les poèmes, la présente étude concernera les struc- tures d'exploration, avant que soit abordé le monde auquel elles donnent accès. Le but de cette lecture raisonnée est de montrer l'imaginaire à l'œuvre dans une forme et une thématique. Si Wuthering Heights impose avant tout l'obsession d'un point de vue, les quatre fragments de journal qui subsistent laissaient déjà entrevoir un être fait pour voir et décrire — en principe Emily elle-même, aussi impénétrable que le seront ses narrateurs. L'analyse de quelques extraits de ces «Birthday Fragments» permettra d'orienter cette étude: Anne and I have been peeling Apples for Charlotte to make an apple pud- ding and for Aunts nuts and apples Charlotte said she made puddings per- fectly and she was of a quick but lim [ i ] ted intellect Taby said just now Come Anne pilloputate (i e pill a potato [ ) ] Aunt has come into the kitchen just now and said where are your feet Anne Anne answered On the floor Aunt papa opened the parlour door and gave Branwell a letter saying here Branwell read this and show it to your Aunt and Charlotte — The Gondals are discovering the interior of Gaaldine Sally Mosley is washing in the back- kitchin..