Texte et photographies : Pascal Roman Le colporteur est dessiné par Jérome Phalippou

Présentation de la vallée : p 2 et 3 Géographie et géologie : p 4 à 7 Le peuplement de la vallée : p 8 et 9 La vallée au fil du temps : p 10 et 11 Activités économiques d'autrefois : p 12 et 13 Les meulières : p 14 à 17 Les Voirons : p 18 à 21 La vallée aujourd'hui : p 22 et 23 Boëge : p 24 à 28 Bogève : p 29 à 33 ; p 34 à 38 Habère- : p 39 à 43 Habère-Poche : p 44 à 48 Saint-André : p 49 à 53 : p 54 à 58 Villard : p 59 à 63

© Éditions de l'Astronome 2013 F - 74200 THONON LES BAINS - www.editions-astronome.com Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation strictement réservés pour tous pays. ISBN 978-2-916147-83-3 ISSN 1778-4581 Dépôt légal décembre 2013 Achevé d'imprimer en décembre 2013 par Darantière - F - 21800 QUÉTIGNY Le haut de la vallée. La commune d’Habère-Poche au pied du Forchat.

La Vallée Verte comprend huit communes : Boëge, Bogève, Burdignin, Habère-Lullin, Habère-Poche, Saint-André, Saxel et Villard.

LE CANTON DE BOËGE Localisée dans le Chablais en Haute- référence aux vastes champs, pâturages Savoie, la Vallée Verte s'étend sur une et bois qui s'étendent sur les 2 versants de vingtaine de kilomètres dans la haute la vallée. Bien que moderne, l'expression vallée de la Menoge et correspond au Vallée Verte apparaît dès 1221 dans une canton de Boëge qui fait partie de ordonnance de l'évêque de Genève (valle l'arrondissement de Thonon-les-Bains. verdana). Auparavant, le territoire était Depuis le Moyen Âge, le territoire de la dénommé vallée de Boëge. Il était parfois Vallée Verte, périodiquement disputé entre qualifié de Combe Noire en raison de la le Chablais et le , a subi de couleur vert sombre de ses denses forêts. nombreuses variations de découpage administratif (voir p 10). Située aux confins UNE VALLÉE OUVERTE des provinces historiques du Chablais et Traversée par la Menoge, la Vallée Verte du Faucigny, la Vallée Verte se trouve forme une large berceau de verdure également proche du Genevois. Ce n'est entouré de montagnes d'altitude qu'après l'annexion de la Savoie à la moyenne (voir p 4) : les crêtes d'Hirmentaz en 1860, que le canton de Boëge a à l'est (qui culminent à 1 607 m) et la été créé et que la Vallée Verte a été montagne des Voirons à l'ouest. Le définitivement rattachée au Chablais. territoire s'élève en pente douce, de 735 m à Boëge jusqu'à 955 m au chef- LA COMBE NOIRE lieu d'Habère-Poche, et se termine au L'appellation Vallée Verte, remonte aux nord sur les pentes du mont Forchat. Au années 1950. Elle fait bien évidemment sud, au-delà de Saint-André, les

La Vallée Verte, ses huit communes, les principales montagnes et les principaux cols. (OT Vallée Verte/J. Valentin).

2 montagnes laissent place à un large entonnoir qui ouvre vers et la vallée du Giffre, ce qui permet un accès rapide vers et Genève. Sur ses 3 autres côtés, la vallée est entourée de montagnes peu élevées, aux lignes douces et dépourvues de falaises. Les alpages y sont peu nombreux et, durant les beaux jours, les troupeaux se rencontrent partout. Presque plus cultivée de nos jours, la Vallée Verte constitue un immense pâturage, contrastant avec les autres vallées chablaisiennes plus escarpées (telles les vallées d'Aulps, du Brevon ou d'Abondance). De nombreux cols carrossables, ne dépassant pas les 1 200 m, offrent un accès facile à l'ensemble du Chablais (voir p 5).

UNE VALLÉE EN MUTATION Jadis, les principales richesses de la vallée étaient ses forêts et ses pâturages. Auxquels il faut ajouter l'extraction de meules, activité rémunératrice, qui a cessé au 19ème siècle (voir 14 à 17). Comme partout, la Vallée Verte, touchée par l'exode rural, a perdu une grande partie de ses agriculteurs. Pourtant les 5 Que ce soit aux éleveurs de bovins sont toujours présents et leurs troupeaux Voirons ou, comme ici, au possèdent beaucoup plus de têtes de bétail qu’autrefois. sommet du mot Aiguille, la L'exploitation des forêts constitue toujours une ressource très Vierge veille sur la vallée. importante, surtout pour certaines communes très boisées comme Saxel ou Burdignin. Au cours du 20ème siècle, les paysans ont été remplacés par des résidents secondaires suisses et des citadins attirés par la qualité de vie de la vallée LA VALLÉE VERTE et qui profitent de la proximité de Genève et d'Annemasse, tout EN CHIFFRES autant que d'un cadre verdoyant. En 2013, les actifs de la vallée, travaillent pour un tiers à Annemasse et pour un autre - Habitants : 7 254 en tiers en Suisse. Parallèlement, la vallée a su s'ouvrir au 2010. Un peu plus de tourisme, puisque la plupart de ses communes est impliquée 6 000 en 2003. dans la gestion de stations de ski alpin ou nordique. - Superficie : 7 925 hectares, dont 43 % de forêts. - Point culminant : la pointe de Miribel à 1 581 m. - Commune la plus peuplée : Boëge (1 748 habitants en 2010). - Commune la moins peuplée : Saxel (394 habitants en 2010). - Commune la plus étendue : Boëge (1 600 ha). - Commune la moins étendue : Saxel (563 ha).

3 La Vallée Verte s'étend dans la vallée de la haute Menoge.

Vallée de moyenne montagne, la 5 ème Vallée Verte est parcourue par la L’auberge du col de Cou au début du 20 siècle. Menoge qui traverse les communes d'Habère-Poche, Habère-Lullin, Boëge et appartenant au sire de Faucigny, a été Saint-André, alors qu'elle marque la assiégé et détruit par la Maison de Savoie. frontière entre Villard et Burdignin. À Au nord, se trouvent également l'Aiguille hauteur de Boëge, la vallée secondaire du (1 225 m), le sommet de Targaillan Brevon conduit à Saxel, en rive droite de la (1 233 m) et la Tête du Char (1 249 m). Menoge. Alors que Bogève, en rive À l'ouest s'étend la montagne des Voirons gauche, s'étend en direction de Viuz-en- (voir p 18 à 21), culminant à 1 480 m au Sallaz. signal des Voirons et qui offre une vue imprenable sur la Vallée Verte et, bien au- LES MONTAGNES delà, sur la chaîne du Mont-Blanc d'un côté La vallée est fermée au nord par le mont et la région du Léman de l'autre. Forchat, dont le sommet à 1 539 m, se À l'est, la vallée est bordée du nord au sud trouvant sur la commune de Lullin, offre par les montagnes d'Hirmentaz, la pointe une vue étendue sur la Vallée Verte. Le de Miribel (point culminant du territoire replat sommital est occupé par une statue avec 1 581 m), Plaines Joux et le massif de Saint François de Sales qui se dresse à des Brasses. l'emplacement où se trouvait jadis un Enfin, au sud, le mont Vuan, situé dans la donjon fortifié. Ce château de Montforchier, continuité des Voirons, ne s'élève qu'à probablement édifié vers 1308 et 978 m.

Une partie de la vallée vue depuis la route de Bogève. Au centre, le chef-lieu de Villard. De gauche à droite : les Grands Communs, la Tête du Char, le sommet de Targaillan, le Forchat, dont le sommet est dans les nuages.

4 LE TOUR DE LA VALLÉE VERTE

Cet itinéraire de grande randonnée relie, comme son nom l'indique, toutes les communes de la vallée. Ce circuit, long d'une soixantaine de kilomètres, emprunte 5 La Menoge s’écoule paisiblement entre Villard et Burdignin. par moments l'itinéraire du GR Les principaux alpages encore utilisés se trouvent à l'est, ce sont Balcon du Léman. Il Hirmentaz, La Glappaz, Miribel, Ajon et Plaines Joux. peut se commencer au départ d'une des 8 LES COLS communes. Le faire Les cols, peu élevés, permettent un accès facile et rapide vers en totalité demande 3 Annemasse, Genève et Thonon-les-Bains. à 4 jours de marche. Au nord : - Le col de cou (1 117 m), à cheval entre et Habère- Poche, est un lieu de passage très fréquenté par les cyclistes. Il s’ouvre vers les communes de et Cervens, et vers la plaine du Bas Chablais. - Le col des Moises (1 121 m) se situe sur la commune de . À la limite entre cette commune et celle d'Habère-Poche se dresse un oratoire (voir p 47). - Le col des Arces (1 136 m) conduit par une petite route tortueuse vers Lullin. Un oratoire marque la limite entre Lullin et Habère- Poche. - Le col de Saxel (943 m) permet de basculer vers les communes de et Bons-en-Chablais. Au col, se trouve une auberge tenue par la même famille depuis des générations. À l'est : - Le col de Terramont (1 100 m) permet de gagner et la vallée du Brevon. - Le col du Creux (1 288 m), le plus élevé, n'est pas carrossable. Situé entre la montagne d'Hirmentaz et la pointe de Miribel, il donne accès à Mégevette. Au sud : - Le col du Perret relie Bogève à la vallée de la Menoge. - Le col de Ludran (938 m) permet de 5 L’oratoire du col des quitter Saint-André pour basculer vers Arces, marquant la Viuz-en-Sallaz. frontière entre Habère- Poche et Lullin. LES COURS D’EAU La vallée est traversée par la Menoge qui prend sa source dans la tourbière du plateau des Moises, à 1 120 m d'altitude, sur la commune de Draillant. Après avoir traversé les communes d'Habère-Poche, Habère-Lullin, Boëge

5 3 Le service de voiture qui desservait la vallée de Boëge au début du 20ème siècle.

et Saint-André, la Menoge reçoit, au sud de la formation de tourbières par accumulation Boëge, le Brevon qui descend de Saxel. de matières organiques végétales peu ou Elle quitte la vallée en s'engageant entre pas décomposées. La tourbière la plus les Voirons et le mont Vuan, et se dirige importante en superficie est celle du vers le Pont de Fillinges. À Bonne, elle plateau des Moises. La présence d'eau est reçoit le Foron, né sur le territoire de souvent à l'origine des appellations des Bogève. Après un parcours d'une trentaine lieux-dits. Ainsi, Les Moises désigne un de kilomètres, la Menoge se jette dans marécage, La Mouille et Les Mouillettes, l'Arve à Vétraz-Monthoud. Tout au long de une zone humide. Les Lavouets signifie sa traversée de la Vallée Verte, la Menoge petits lacs. Sèchemouille à Villard fait reçoit de nombreux affluents. En rive référence à une zone humide asséchée. droite : le Bruant Rau, le Nant de Carraz, les ruisseaux des Brollets, de Curseille et DES ZONES PROTÉGÉES de la Molertaz. En rive gauche : le Rau Le sommet du massif des Voirons est une d’Arces, le ruisseau des Lavouets, le Nant, zone naturelle protégée, classée site le Révoué Rau. Natura 2000 par arrêté ministériel du Le Brevon (qui porte le même nom qu'une 17/10/2008. La zone de 925 ha s'étend sur des 3 Dranses prenant sa source à 9 communes et est occupée en quasi- Bellevaux) naît dans la forêt communale totalité par la forêt. Elle renferme une flore des Grands Communs, à Saxel et coule riche de centaines d'espèces dont paisiblement vers Boëge. certaines protégées comme le Sabot de Le Foron prend sa source aux Mouillettes Vénus. C'est également un refuge pour la sur la commune de Bogève et s'écoule faune représentée par le chamois, le vers Viuz-en-Sallaz. Ensuite, il rejoint sanglier, le chevreuil, le cerf, la chouette de Fillinges en se rapprochant de la Menoge, Tengmalm, mais aussi le Lynx. Le plateau mais sans la rejoindre. Il ne le fera que des Moises, la pointe de Miribel et les quelques kilomètres plus loin à Bonne. Grands Communs sont également classés Depuis le Moyen Âge, ces nombreux cours en ZNIEFF (Zone Naturelle d'Intérêt d'eau ont été équipés de moulins et de Écologique Faunistique et Floristique). scieries hydrauliques (voir p 12) dont les biefs (canaux d'alimentation en eau) sont LES ROUTES encore parfois visibles. La route départementale 12 traverse une bonne partie de la vallée en passant par LES ZONES HUMIDES Bogève, Villard, Habère-Lullin et Habère- À proximité des cours d'eau se sont Poche. Elle franchit le col de Cou pour formées de nombreuses zones humides descendre vers Thonon-les-Bains. La D20 qui abritent une faune et une flore typiques pénètre au sud de la vallée en venant du et parfois protégées. La présence pont de Fillinges, traverse Boëge et monte constante de l'eau a engendré par endroit vers Saxel. Elle franchit le col pour

6 LES VOIES 3 Le CEN ROMAINES franchit le pont de Fillinges, aux Sous l'occupation portes de la romaine, il est Vallée Verte. probable que 2 voies de communication desservaient la vallée. L'une venait de redescendre vers Bons-en-Chablais. La D22, entre Boëge et Villard, relie ces 2 axes principaux. Au départ de Boëge, la D40 Fillinges et suivait le permet de gagner Burdignin. Parallèle à la D12, elle remonte vers cours de la Menoge et le col de Cou. l'autre partait de Viuz- en-Sallaz, remontait LE TRAM FANTÔME vers Bogève, Au 19ème siècle, le CEN (Chemins de fer Économiques du Nord), redescendait à Villard reliait Annemasse à Sixt. Inauguré en 1892, ce tramway à vapeur et gagnait Burdignin. mettait 3 heures pour effectuer le trajet Annemasse-Samoëns. Des lieux-dit L'Étrat et Cette durée sera réduite de moitié en 1932 lors de l'électrification L'Étraz, qui dérivent de la ligne. Dès 1895, un projet d'embranchement au départ du du latin strata, Pont de Fillinges, et devant desservir toute la Vallée Verte, est à signifiant voie pavée, l'étude. L'extension de la ligne, déclarée d'utilité publique en confirment la présence 1914, est stoppée par le premier conflit mondial. Puis les travaux de ces voies. débutent en 1923. 150 ouvriers, pour la plupart italiens, logés dans une "cantine" bâtie entre Fillinges et Saint-André, construisent 3 ponts : l'un à Boëge, l'autre aux Chapotines à Saint-André et le troisième Chez Préquin, à la limite entre Burdignin et Villard. Des éboulements sur le parcours le long de la Ménoge, l'essor de l'automobile et des liaisons en autocars, conduisent à l'arrêt des travaux en 1926. Un décret ministériel enterre définitivement le projet en 1939. Mais ce n'est qu'en 1961 que le département vote la rétrocession des terrains réquisitionnés pour la mise en place de la voie ferrée… Les 3 ponts n'ont jamais servi, celui de Chez Préquin, édifié sur des terrains instables, a été dynamité en 1948. Dès le début du projet d'extension du CEN jusqu'à Habère- Poche, on envisage de faire monter un train à crémaillère jusqu'à l'hôtel des Chalets, au sommet des Voirons. Décidé en 1892, le projet sera abandonné en 1896.

5 Le moulin de Chez Pagnol à Burdignin sur le cadastre de 1914 et le bief qui dérivait l’eau de la Menoge. Le moulin possédait 3 roues à aubes.

3 Le pont de Boëge devait permettre au CEN de franchir la Menoge.

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