LUCIEN MAZARS

Terre de Mine

BASSIN D'AUBIN/

ffl. Editeur @ 1999 - Fil d'Ariane Editeur N° Editeur : 2-912470 Tous les droits de traduction, de reproductions et d'adaptations strictement réservés pour tous pays.

La loi du 11 mars 1957 n'autorise, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les "copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective" et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration. 'Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'éditeur ou de ses ayants-droit, est illicite" (alinéa 1er de l'ar- ticle 40). Cette reproduction ou représentation, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. A mon cousin Georges Mazars chef-géomètre aux Houillères d'Aubin qui a su me donner l'élan premier. A vous mineurs de tous les Puits d'Aubin et de Decazmlle. A vous Henri Taurinya, Lacroix, Rigalfiies, Ausseil, Peyre, Sentex et Vetter. A vous tous ouvriers, techniciens, ingénieurs, qui m'avez appris ce métier qui fut le mien en me donnant si généreusement, chacun, au fil des jours, une part de votre savoir et aussi de votre amitié. A tous les mineurs, Mes camarades de la nuit, Je dédie ce livre. "C'est toi, le vieux mineur Qui surgit de ton ombre Ton échine Ployée Par un trop grand passé Tes outils sont tombés, Désormais ta main nue Interpelle le temps...

AUBIN Le vieux mineur Statue de bronze de Rhny Coudrain 8 - TERRE DE MINE P R É F A C E

Naus approchions des chantiers de travail Une lueur diffuse apparaissait tout là-bas, à l'extré- mité du boyau, pendant que l'air se chargeait, peu à peu, d'une myriade de particules miroitantes qui s'accrochaient à notre arrière-gorge et la desséchaient. Nous entrions dans un enfer de bruits d'où se dégageait une odeur acide de sueur humaine, mêlée à celle, écœurante, du cambouis et de l'huile surchauffée. Des bandes transporteuses en caoutchouc, aux roule- ments criards, déroulaient rapidement, dans un ruban conti- nu, le flot de houille luisante que déversaient sur elles, en grin- çant, les étroits convoyeurs aux raclettes d'acier. La chaleur devenait lourde, étouffante. La poussière était si abondante qu 'elle formait, à quelques mètres au-devant de nous, un mur opaque sur lequel se brisait le faisceau de nos Phares. Ici, le bruit des convoyeurs s'intensifiait encore, mêlé, roulé avec le halètement convulsif des marteaux, cent fois supé- rieur à celui d'une mitrailleuse en action. Ils étaient là je ne sais combien d'ouvriers, quinze, vingt peut-être, pouvant à peine se mouvoir dans cette longue "allée" large d'un mètre à peine. Derrière eux : le chaos, l'effondrement dirigé mais complet des niveaux supérieurs, venant ainsi combler les vides de l'extraction. Devant : la masse charbonneuse, attaquée de face, sur trois mètres de hauteur. Bottés et casqués ils possédaient pour tout vêtement un pagne et une ceinture de cuir supportant, sur le côté, le rec- tangle épais des accus nécessaires au fonctionnement de leur lampe individuelle. S'arcboutant aux vérins d'acier qui les pro- tégeaient et soutenaient "l'allie ': le corps en équerre, ils maniaient comme un jouet, au bout de leurs bras puissants, le lourd marteau-piqueur, dont la pointe effilée fouillait sans relâche la paroi scintillante. La houille s'amoncelait, emprisonnant à demi les jambes des hommes, pour couler ensuite, d'elle-même, lentement, comme une lave, jusqu'au convoyeur qui l'emportait brutale- ment dans un bruit de ferraille. Entouré d'un halo vaporeux, recouvert d'une fine poussière où la sueur traçait ses maigres chemins sinueux, le mineur, l'œil constamment aux aguets, peinait, de tous ses muscles, affreusement secaué par son outil moderne. Avec ce travail acharné, stimulé même par la ronde infernale des engins mécaniques, nous faisions connaissance d'un monde qui n'avait plus rien d'humain. PREMIÈRE PARTIE

Histoire etéconomique sociale 1825/1998 Le doyen de la mine L'Illustration 1886 L'épopée du charbon Les temps premiers Le charbon, fut, très tôt, utilisé comme combustible. Les Chinois l'exploitèrent mille ans avant notre ère et les Grecs font mention de son utilisation au IV' siècle avant Jésus-Christ. Dans le haut Moyen-Age, les Espagnols s'en servaient comme combustible de forge et, en 853, apparaît une mention écrite de son exploitation en Angleterre, de même qu'en l'an mille en Saxe, et en 1049 en Belgique. En , les premiers gisements exploités furent, très certainement ceux de Saint-Etienne, où, déjà, les forgerons du XII" siècle employaient la houille, appelée communément "Charbon de Terre" ou "Charbon de Pierre". A Carmaux, en 1250, l'on trouve mention d'un péage pour la traverse des charges de charbon sur la rivière du Tarn. Pourtant une certaine méfiance, qui persista d'ailleurs jusqu'au début du XIX' siècle, empêchait le développement de l'utilisation du charbon. La Faculté de Médecine déconseillait fermement son emploi car elle considérait les fumées de sa combustion comme particulièrement suffocantes et nocives. Peu à peu et malgré tout, le besoin aidant, l'usage s'en imposa, amenant à un véritable métier et, autour des lieux d'ex- ploitation, la création d'industries satellites : coutelleries, armu- reries, forges, etc. En 1566, un médecin allemand, "Agricola" publia "De Re Metallica", une véritable encyclopédie qui fait le point des connaissances dans l'art des mines à cette époque avec toute une série de gravures techniques très fouillées. La révolution du charbon Les découvertes de la fin du XVIIIe et du XIXe : machine à vapeur - coke - gaz de houille - électricité, vont entièrement bouleverser l'économie et provoquer une immense révolution technique et industrielle. C'est la révolution du charbon. La production mondiale de charbon va passer, entre 1800 et 1900, de 10 millions de tonnes à 700 millions de tonnes, la pro- duction française passant dans le même temps de 500 000 tonnes à 38,8 millions de tonnes. La production mondiale a été en 1980 de 3 milliards de tonnes environ et devrait atteindre plus de 5 milliards de tonnes d'ici l'an 20001. Ce très dur métier formera des hommes rudes qui, soli- daires, lutteront sans relâche pour une amélioration de leurs conditions de travail. Leur combat aura, pendant plus d'un siècle et demi, sa résonance profonde sur tout le monde ouvrier. 1 - "Présence". Publication Charbonnages de France.

AUBIN Forges et ville, 1860 Les grandes dates 1730 Première pompe à eau à vapeur (Anzin). 1735 Le premier coke (Angleterre). 1791 Les Mines sont à la disposition de la nation. 1803 Découverte du gaz de houille. 21 avril 1810 I ,oi sur les concessions. 3janv. 1813 Interdiction de faire travailler les enfants au-dessous de 10 ans. 1813 Le Transatlantique à vapeur. 1815 Invention de la lampe DAVY 1829 Le chemin de Fer. 1841 Loi sur le travail des enfants en France. 9 sept. 1848 Décret-Loi limitant à 12 heures la journée de travail. 1852 Décret sur les Sociétés de Secours Mutuel. 1864 Reconnaissance du droit de Grève. 1865 Première haveuse à air comprimé (Angleterre). 1866 Nobel met au point la dynamite. 1874 Loi interdisant le travail souterrain aux enfants de moins de 13 ans et aux femmes de tous âges. 1879 Essai de haveuse à air comprimé à Bianzy. 1882 L'électricité. 4 juil. 1912 Loi de 10 heures pour la journée de travail. 23 avril 1919 Loi de 8 heures : "Huit heures de travail - huit heures de vie familiale - 8 heures de sommeil". 1936 Congés Payés. Les quarante heures. 1946 La Nationalisation des Mines. Machine d 'exhaure et recherche des affleurements de charbon. Extraits du : De re métallica - ' Aglimla (1494-1555) ' '!; 1 t ij Du charbon et du fer

Aperçu géologique : caractères généraux A la phase finale de la période carbonifère à l'étage du stéphanien, la région Sud-ouest du Massif Central, qui émergeait des mers primaires, possédait, dans ses terrains cristallins, tout un ensemble de dépressions topographiques. Ces "cuvettes", ces "bassins", plus ou moins profonds, se trouvaient, pour la plupart, créés dans cette zone où convergeait d'importantes fractures de l'écorce terrestre, les puissantes lignes tectoniques que sont les failles d'Argentat et de Villefranche, ainsi que le grand sillon houiller de Commentry dont le prolongement se confond avec la bordure ouest du bas- sin de Decazeville. Notre Bassin fait lui-même suite au chapelet de cuvettes houillères de moindre importance, situées dans ce que les géo- logues appellent le détroit de : bassins d'- , avec la mine de Cruéjouls encore en activité et de Gages-Bertholène. Le Bassin d'Aubin-Decazeville Ce bassin a la forme d'un losange étiré de 18 km de gran- de diagonale et de 9 km de petite diagonale. Dans cette cuvette, ce fossé structurel profond en son centre de 1500 m environ, se sont superposées au cours de temps immenses, six assises, dont les quatre dernières sont à charbon. L'on reconnaît ici, sensible surtout dans ces quatre der- nières assises, un certain rythme cyclique dans la succession des dépôts, ce rythme étant vraisemblablement consécutif à BASSIN HOUIIJER DE DECAZEVILLE Carte géologique un effondrement du socle lorsque la sédimentation atteignait un certain stade. Ces enfoncements successifs, obligeant les couches à se loger dans une surface de plus en plus restreinte permettaient ainsi l'accumulation en grande épaisseur des sédiments. Les quatre assises au charbon ont donné, en partant de la base : 1 - L'assise d'Auzits avec un faisceau charbonneux com- posé de trois couches de charbon relativement minces (leur puissance varie entre 0,40 m et 2,30 m). 2 - L'assise du Banel avec un faisceau charbonneux com- posé d'une série de 5 couches dont la puissance varie entre 0,80 m et 3 m. 3 - L'assise de Campagnac dont la couche principale pos- sédait un énorme anticlinal de 140 m. de puissance, l'un des plus puissants d'Europe. Ce dernier a été exploité par les mines profondes du Puits n01 à et du Banel à Combes (Aubin). 4 - L'assise de Bourran qui possédait une série charbon- neuse extrêmement fournie puisqu'elle représentait environ 50% du volume total du charbon formé dans le bassin. La grande couche de Bourran se présente sous la forme d'un grand anticlinal de 80 à 90 m de puissance. C'est lui, cet anticlinal, qui est encore exploité à la Découverte de Decazeville. Age du Bassin d'Aubin-Decazeville Le Bassin se situe en entier dans le Stéphanien, l'étage de la phase finale de la période carbonifère, dans le Stéphanien supérieur pour sa partie supérieure, et Stéphanien moyen pour sa partie inférieure. (Carmaux se situe en partie dans le Stéphanien moyen et en partie dans le Stéphanien inférieur). Les charbons Ce sont des charbons gras à forte teneur en matières vola- tiles (de 30 à 35%) et en soufre (de 0,7 à 3,5%). La teneur élevée des matières volatiles, ainsi que l'impor- tante proportion de soufre, rendent ces charbons peu propices pour un emploi métallurgique. Employés seuls les charbons de notre Bassin ne peuvent fournir qu'un coke de qualité très médiocre. Nos mines souterraines étaient aussi des mines à feux. Ce phénomène d'inflammation spontanée, dû à l'oxyda- tion des sulfures contenus dans la houille (pyrite et marcassite), est lui-même à l'origine du "Puech que Ard", cette "montagne qui brûle" et qui donne à Cransac ses étuves naturelles. Si nos charbons ont des défauts inhérents à leur compo- sition, ils ont aussi des qualités qui les faisaient rechercher, il n'y a pas si longtemps, lorsque régnaient encore sur l'industrie la vapeur et le gaz de houille. Nos charbons ont un pouvoir calorifique d'environ 7.000 calories et leur richesse en gaz est de 320 ms à la tonne. Mais ce qui fut la cause première de l'ouverture de l'ex- ploitation rationnelle du Bassin, ce fut la présence de minerai de fer (siderose ou carbonate de fer lithoïde) en bancs séparés ou en rognons intimement liés à la houille.

Le fer Le minerai se présente ici sous deux formes essentielles : 1 - le minerai en lentilles ou en bancs de 0,10 m à 0,20 m de puissance. 2 - le minerai en couches résultant de couches de houille qui se sont minéralisées avec des puissances variables. Ce minerai de fer contenait assez de houille pour pouvoir être grillé seul, en tas, muni d'une couverture de terre et sans addition de combustible. Son rendement en fer était de l'ordre de 30 à 40%. Malheureusement sa teneur en phosphore, très variable suivant les points exploités et sa teneur en soufre, toujours très élevée, rendait le minerai peu apte à la fabrication de la fonte1.

1 - Bassins houillers de Decazeville, de Figeac et du Détroit de Rodez par Lucien Mazars, d'après la thèse de P. Vetter. FIRMY La Forézie Premières installations 1828

22 - TERRE DE MINE Premières exploitations dans le pays d'Albin Dans le Bassin d'Aubin-Decazeville, les premiers textes connus faisant état d'une exploitation de "Charbon de Terre" apparaissent au XIVe siècle. Mais c'est surtout sur les anciens cadastres "Terriers" ou "Compoix", des XV1 et XVI' que l'on retrouve, ici, trace de ces "carbonnières" ou "Charbonnières", petites mines à flanc de coteau, exploitées par les paysans du lieu. "Lou puech que ard" La montagne qui brûle Cette exploitation sans méthode (qui durait sans doute ainsi depuis des temps immémoriaux), avait en maints endroits, par oxydation des pyrites contenus dans la masse, provoquée l'in- flammation spontanée de la couche et des niveaux supérieurs constitués par un ensemble schisto-gréseux. Cet immense incendie, qui n'a d'ailleurs jamais cessé, a détruit une grande partie du gisement sur la montagne de Peyrolles ainsi que sur celle dite du "Montet" que déjà les actes du XIII" désignent par "Prodium qued ardet", la "Montagne qui brûle". Premières exploitations dans le pays d'Albin 1 Sur le flanc des collines, à fleur de terre, la houille se ren- contrait à peu près partout.

1 - Aubin a été "Albin" jusqu'à la fin du XVIII siècle. Délaissée pendant les saisons où l'agriculture avait besoin de tous les bras valides, l'exploitation de ce "charbon de terre" prenait toute son importance en hiver, les propriétaires du sol utilisant alors leur personnel domestique à l'extraction souter- raine dans des "Charbonnières". Les galeries couraient ainsi, dans les couches affleurantes, sans méthode et presque sans boisage de soutien. Le charbon s'évacuait à dos d'homme, dans des com- portes en osier, après avoir été chargé à l'aide de larges pelles en bois dont on a retrouvé quelques exemplaires. En 1391, le 24 mars, nous voyons Arnald de Manso, d'Albin, rendre hommage au comte d'Armagnac "pour Guillaume Ayt d'Albin et Romaine Cathala, sa femme, et pour des mines d'Albin sauf pour ce qui est tenu de Me Aymar et Berenger de la Grave". Des mineurs étrangers au pays venaient parfois jusqu'ici apporter leur technique, tel ce Rauleti Lebrun, mineur flamand qui, en 1477, épousa Aygline Petri, veuve de Guillaume d'Adhémar, du château de Poutz'. Les anciennes charbonnières2 L'on retrouve hélas, trop nombreuses sur les registres de catholicité, les conséquences d'un travail sans méthode : - le 12 décembre 1753 le nommé Blaise est mort dans une charbonnière de Cransac. - le 10 novembre 1756, dans la charbonnière du Seigneur Beauregard du village de la Vaysse, paroisse d'Albin, ont été trouvé écrasés Pierre Roques du village des Clots (paroisse de Cransac) âgé de 16 ans et Joseph Médal, de Firmy âgé de 14 ans, tous deux domestiques chez le sieur Beauregard.

1-2 - "Aubin - Son histoire fies origines à III Révolution"par Lucien Mazars. 13 juillet 1787, Jean Firminhac, 22 ans, Pierre Girou, 28 ans et Jean Cerles, 60 ans 4 mois, du village de Valayssac, furent suffoqués par la fumée dans une char- bonnière de Madame de Lassalle. -Jean Cerles ne put recevoir de sépulture ecclésiastique parce qu'on ne put l'en tirer.

Une partie du combustible extrait était destinée à la consommation locale ou transportée à dos de mulet par les "cotalhs" vers l'Auvergne, d'où l'on ramenait des cuirs d'Aurillac, vers le Montalbanais et le Quercy pour l'échanger contre des grains (blé, seigle, orge) complément nécessaire ici à une production toujours déficitaire. Mais la plus grande partie de ce charbon était acheminée vers Bouquiès, sur le , d'où, chargé sur des barques à fond plat, des "gabares", fabriquées elles-mêmes à Notre-Dame d'Aynès, il descendait, en période de crue, vers Cahors, Agen et Bordeaux. Tout le Bordelais le connaissait d'ailleurs sous le nom de "charbon de Cahors". A destination, les "mariniers" vendaient barques et produits et revenaient à pied. Ces exploitations, toutes sporadiques qu'elles puissent être, occupaient une main-d'œuvre nombreuse, sans cela oisive et apportait une aide non négligeable à l'économie de toute la contrée. En 1764 il existait quarante charbonnières en exploitation dans la communauté d'Albin, elles étaient la ressource du pays.

Les concessions minières . Essai sous l'ancien régime Deux essais pour attribuer en concession exclusive l'ex- ploitation des charbons de la région d'Aubin à quelques grands privilégiés, furent tentés par le pouvoir royal, l'un en 1689, l'autre en 1763. Tous deux donnèrent lieu à une réaction violente et meurtrière de la part des populations locales contre les conces- sionnaires du Roi et chaque fois, ici, le pouvoir recula, mettant en sommeil l'application des textes1. . Sous la révolution C'est l'Assemblée Constituante qui, par la loi du 28 juillet 1791, sous l'impulsion de Mirabeau, donna à la législation fran- çaise des mines sa première structure en établissant une diffé- rence entre la propriété du sol, qui reste essentiellement privée et la propriété des substances minérales en sous-sol, propriété minière qui fait partie du Domaine de l'Etat. Les mines de charbon, de fer, et autres étaient donc, dès lors, mises à la disposition de la Nation et pouvaient être concé- dées, l'Etat n'envisageant pas une gestion directe. . Après la révolution Ici, en l'An 12 (1804), les citoyens Joulia de Lassalle et Bachime demandèrent chacun une concession de houille en vertu de cette loi. Mais c'est surtout la Loi du 21 avril 1810, loi fondamenta- le, qui, en réglementant le droit d'exploiter et en créant vérita- blement les concessions a donné pour l'industrie extractive fran- çaise un régime légal à la propriété des sols et sous-sols. Cette loi, en donnant aux concessions un caractère de pro- priété transmissible, a permis la mise en place des grandes socié- tés capitalistes et l'ère des riches Compagnies Houillères qui, peu à peu, regroupèrent les petites concessions et réalisèrent ainsi des concentrations aux énormes possibilités financières. Le Duc Decazes en saisit l'occasion dès 1827.

1 - "A ubin et son histoire". 1825/1827 noirLe pays à sa naissance Aubin 1825 C'était un bourg agricole, que l'on dit venir des temps romains, une très vieille ville de 3000 habitants avec ses artisans, son commerce, ses foires et marchés ; une commune très gran- de avec, tout autour, quelques villages qui profitaient d'un maigre étalement des vallées du Riou-Mort ou de l'Enne ; avec ses vignes, avec ses marécages, Cransac avec sa répu- tation thermale et ses moutons. A l'emplacement de ce qui deviendra très bientôt Decazeville : des prairies et des bois et une seule ferme-château, sur un petit mamelon dominant le ruisseau du Riou-Mort, la ferme de Lassalle. Mais ici, sous tout cela, à fleur de sol, tout autant qu'en profondeur, il y avait du charbon, en couches épaisses et du minerai de fer en quantité ! Et nous étions à l'aurore de l'ère industrielle ! Du fer, il en fallait déjà, mais surtout il allait en falloir, énormément ! Ainsi que de la houille, de ce "charbon de terre", que jusqu'alors on avait, bien sûr, utilisé, mais parcimonieusement ! Il n'y avait que quelques "charbonnières" que les propriétaires du coin exploi- taient à flanc de coteau, à la petite semaine, pour occuper les bras, hors des travaux champêtres, en saison d'hiver. Nous l'avons vu, le produit, transporté à dos de mulet vers les berges du Lot, à Bouquiès, s'acheminait ensuite, au fil de l'eau, sur des barques à fond plat utilisant cette route marchan- de, en saison lorsque les eaux étaient portantes, vers Cahors, Agen et même quelquefois jusqu'à Bordeaux où les audacieux l'employaient comme chauffage. Mais on lui préférait le bois car l'on croyait alors très fort que les fumées dégagées par ce combustible noir altéraient la fraîcheur des visages féminins et faisaient "devenir pulmo- niques" ! Sous Henri II, un édit royal avait défendu aux maré- chaux ferrants d'employer, sous peine de prison et d'amende le "charbon de terre" ou "de pierre]". Avoir du charbon et du minerai de fer en un même point c'était une richesse ! Le minerai pouvait être grillé sur place, par la houille, à la manière anglaise, alors qu'ailleurs on le grillait au charbon de bois. Il est ainsi curieux de constater que ce qui présida à la mise en valeur du Bassin d'Aubin ne fut pas l'idée d'exploitation rationnelle du gisement houiller. Ce fut surtout parce qu'il existait ici un gîte ferrique important que le Duc Decazes et Cabrol décidèrent de tenter cette expérience économique. Ce minerai de fer contenait assez de houille pour pouvoir être grillé seul, en tas, muni d'une cou- verture de terre et sans addition de combustible. Son rendement en fer était de l'ordre de 30 à 40%. Malheureusement sa teneur en phosphore, très variable suivant les points exploités et sa teneur en soufre très élevée, rendaient ce minerai peu apte à la fabrication de la fonte. En 1825, le Duc Decazes, songea à se reconvertir. De ministre et de diplomate il passa allègrement, avec ses capitaux, chef d'industrie, en compagnie de ce Rouergat qu'était Cabrol François Gracchus, polytechnicien de la pre- mière mouture, capitaine de l'Empire, qui avait abandonné la carrière militaire. Autrefois l'on avait essayé et même plusieurs fois, on l'a vu, de donner en concession l'exploitation du charbon de ce pays. 1 - L'usage de la houille comme combustible fut interdit par la Sorbonnejusqu 'au règne d'Henri Iv. Il aurait plu à "quelques grands" de la Cour, au XVII' et au XVIII" siècle et notamment à la Duchesse d'Uzès, en 1682, puis à d'autres en 1769 et 1783, d'avoir les droits exclusifs sur cette exploitation. Devant le brutal grondement armé des paysans et pro- priétaires du lieu, qui estimaient que "charbonnier était maître chez soi", les projets avaient tous, prudemment été ajournés. Mais Decazes et Cabrol réussirent là où tous, avant eux avaient échoué. Le temps il est vrai, avait passé ! Le Duc Decazes et le fer . Qui était Decazes ? Elie, duc Decazes, né à Saint-Martin-En-Laye, dans la Gironde, le 28 septembre 1780, descendait d'une vieille famille de magistrats originaires de la Sauve et installés dans le Libournais depuis la fin du XIII' siècle. La famille fut, un temps possessionnée à Figeac, en Quercy. Jean Decazes était sei- gneur de cette ville en 1460 et Raymond, son arrière petit-fils, obtint d'Henri IV, en 1591, des Lettres de Noblesse enregistrées à la Chambre des Comptes le 18 octobre 1595, en remplacement de ses titres anciens brûlés dans l'incendie de la maison forte de Figeac par les Huguenots. Les Decazes rendaient hommage au roi pour leur fief du Causse de Figeac ainsi que pour leurs maisons nobles de Libourne. Elie Decazes fit ses études de droit à Paris et, en 1806, grâce, entre autres, à l'appui du Comte de Pourtalès, Conseiller d'Etat, l'auteur du Code Civil, fut nommé Juge au Tribunal de la Seine et, ensuite, entra au service de la Mère de Napoléon, la princesse Laetitia, comme "secrétaire des commandements". Sa première femme, fille du Comte Muraire, mourut après quelques mois de mariage, en 1806, et c'est peu de temps après ce deuil, lors d'un séjour qu'il fit à Cauterets, que se pré- senta son destin politique. Il rencontra dans cette station Louis-Napoléon, roi de Hollande et la reine Hortense, à laquelle il plût et qui le prit comme secrétaire, avant de le faire nommer Conseiller de Cabinet du roi son mari, puis Conseiller à la Cour Impériale à Paris en 1811. Rallié à Louis XVIII, il refusa de prêter serment à Napoléon à son retour de l'île d'Elbe. Compris sur la liste d'exil, avec injonction de s'éloigner à plus de quarante lieues de Paris, il se retire en son château du domaine de la Grave en Gironde. A son retour, Louis XVIII, sur recommandation de Talleyrand, le nomma Préfet de police, le 7 juillet 1815, un mois avant qu'il soit député de la Seine, puis le choisit comme ministre de la police dans le gouvernement Richelieu. Désireux de s'attacher les nouvelles valeurs le roi le fait Comte en janvier 1816 et l'élève, en 1818, à la dignité de Pair de France. C'est l'heureuse poursuite d'une carrière de favori, débu- tée avec la reine mère Laetitia, poursuivie avec la reine Hortense et le roi Louis de Hollande. Louis XVIII, malade, impotent, exagérément sensible, fut littéralement subjugué par Decazes qu'il va très bientôt considé- rer comme son fils spirituel. Il lui porte en effet une amitié quelque peu trouble, étrange, bizarre, rejoignant celle qu'il avait déjà eue avec le Comte d'Avaray dans sajeunesse et plus tard avec le duc de Blacas1. Pendant cinq ans Decazes fut, de l'aveu même du Roi "de toutes ses heures et de toutes ses pensées" ! 'Je l'élè- verai si haut qu'il fera envie aux plus grands" disait le monarque. Il est vrai que Decazes était séduisant et portait un charme personnel dans son physique, mais aussi dans ses contacts. Il savait, avec beaucoup de souplesse aller au-devant des désirs du Roi, l'écouter, pour mieux ensuite lui faire admettre ses idées, libérales "par nécessité" et qui trouvaient une si forte opposition dans l'extrême droite qui reprochait au ministre de vouloir, selon ses propres termes, "nationaliser le royalisme". Il aimait la Cour et aussi les belles femmes. "Il y avait dans ses manières, lorsqu'il parlait aux femmes, quelque chose d'em- pressé et même de caressant, qui ressemblait à une déclaration" écrira plus tard la duchesse Decazes dans ses "Souvenirs". Talleyrand, qui ne l'aimait pas, disait méchamment qu'il avait "un peu les allures d'un assez beau garçon perruquier". N'a-t-on pas prétendu qu'il pouvait fort bien être le père du futur Napoléon IIP ? Louis XVIII s'était mis en tête de le remarier et de lui choisir son épouse ! Et il avait choisi une jeune fille de 16 ans, Egédie de Sainte-Aulaire, fille du Comte de Sainte-Aulaire. Mais la duchesse de Brunswick-Bavern, née princesse de Nassau-Sarrebruck, grand-tante liée à la Couronne Danoise par son premier mariage, ne voulait pas d'un Comte pour sa nièce ! Il lui fallait un Duc ! Craignant les réactions de l'opposition le roi Louis n'osa pas élever Decazes à la qualité de Duc Français mais, qu'à cela ne tienne, il lui fit donner le titre de Duc Danois par Frédéric VI roi 1 - Bonafé : "ElieDecazes" 2 - Louis Saurel : "Les suites inattendues d'une excursion de la reine Hortense" Carrefours de l'Histoire - Mai 1958. Et Pierre de Uicretelle : "Secrets et malheurs de la reine Hortense" -1936. de Danemark. Ce dernier, voyant les finances de ses Etats en situation catastrophique, vit là un excellent moyen de s'attirer les sympathies de la France et aussi celles d'un futur Premier Ministre ! Le 12 juin 1818, Elie Decazes est fait Duc de Glucksbierg, à titre héréditaire. Le mariage avec Egédie de Sainte-Aulaire peut alors avoir lieu, le 11 août 1818. Leur fils, Louis, né en 1819, aura pour parrain Louis XVIII et pour marraine la duchesse d'Angoulême. Le nouveau duc poursuit alors une ascension que rien ne paraît pouvoir arrêter. Il est ministre de l'Intérieur en décembre 1818 et Président du conseil des ministres le 20 novembre 1819. Mais le 13 février 1820, le duc de Berry, deuxième fils du Comte d'Artois, donc neveu du Roi, est assassiné par Louvel, à sa sortie de l'Opéra. Le Duc de Berry était l'un de ces ultras farouchement opposés à la politique de Decazes. C'est pourquoi, dès le lende- main 14 février, un député ultra de l', Clauzel de Coussergues, poussé par Châteaubriand, demande la mise en accusation de Decazes pour complicité d'assassinat. La Chambre ne le suit pas mais le ministre est atteint ! La famille royale supplie alors Louis XVIII de renvoyer Decazes et de le remplacer par Richelieu. Une véritable coalition s'active contre le premier ministre qui est contraint de démissionner le 17 février. "L'imprudent ministre, les pieds lui ont glissé dans le sang, il est tombé" ! écrit Châteaubriand le 3 mars 1820. Bien plus, Richelieu exige son départ en exil car il ne peut, dit-il, gouverner si Decazes reste à Paris. Le roi, tiraillé, cède et lui donne à titre compensatoire le poste d'ambassadeur à Londres mais tient à lui prouver une der- nière fois son amitié en le faisant Duc Français. C'est une dernière marque publique d'estime du Roi qui va maintenant passer sous l'influence totale de Madame du Cayla. En décembre 1821, Decazes démissionne de son poste d'ambassadeur et vient siéger à la Chambre de Paris. Mais c'est un homme déçu de la politique, espérant peut- être en un hypothétique retour en grâce, qui volontairement se retire en son château de la Grave. Son espoir, si espoir il y avait, s'effondre totalement à la mort de Louis XVIII le 16 septembre 1824 et avec l'avènement de Charles X. Rallié à Louis-Philippe il deviendra par la suite grand référendaire de la Chambre de Paris jusqu'en 1848, tout en s'oc- cupant maintenant d'industrie. Industriel, Decazes le restera jusqu'à sa démission, âgé de près de 80 ans, de président du Conseil d'administration des Houillères et Fonderies de l'Aveyron en mars 1860. Cette même année, revenant de sa Gironde natale, il est pris d'un malaise en gare de Tours. Transporté à Paris, dans son hôtel, au 26 de la rue Jacob, il y meurt le 24 octobre. Il fut inhumé dans le petit cimetière de Bonzac, près de Saint-Martin-de-Pile en Gironde, où reposaient déjà ses aïeux. Il avait connu six règnes et trois révolutions. Libourne lui éleva une statue en 1865 et Decazeville en fit de même, le 8 octobre 1872. Cet homme, de par ses qualités d'intelligence, de finesse et de ténacité, de par son ambition tenace elle aussi, avait su se bâtir une carrière de grand favori politique et une grande car- rière d'industriel. Son ascension fut incontestablement aidée par son appar- tenance maçonnique. Lucien MAZARS, est né en 1922 à Cransac, dans le bassin houiller d'Aubin/Decazeviïïe. Issu côté paternel d'une famille de mineurs de père en fils et, côté maternel d'une très vieille famille terrienne, il commence sa vie pro- fessionnelle à 16 ans aux Mines d'Aubin à Cransac, comme "galibot". Parallèlement à son travail, il poursuit ses études. Devenu géomètre des Mines, puis ingénieur, il termine sa carrière en 1982 comme ingénieur division- naire, chef d'exploitation de la Découverte à Decazeville. Il est l'auteur de plusieurs études scientifiques, d'ouvrages d'histoire locale et notam- ment de : "Histoire de la révolution en Rouergue". Par attachement à son pays, il devient Conseiller général du canton d'Aubin (1970 à 1994) et maire de cette ville (1971 à 1989). En hommage à la profession minière, il crée, en 1979, le Musée de la Mine, à Aubin.

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