Ce carnet appartient à Henri GANTELET, Maréchal des Logis, 46 ème d’artillerie, 8ème Batterie, secteur 30

En cas de perte de ce carnet ou pour tout autre chose, il devra être envoyé à Madame Henri GANTELET, émigrée à Jussy par Changes (Yonne)

Pièce Martinet Frein : N° 167 Futeaux 1907 Tube N° 1525 FB9 – 1847

Frein N° 590 Futeaux 1894 Tube N° 96 FB1 – 1897

Guerre 1914 – 1915 Vendredi 1 Janvier 1915 - Circoncision Mobilisation – départ – voit le 46 partir – brouhaha infernal – l’on compte que la guerre durera 3 mois – rencontre de nombreux camarades – reste plusieurs jours sans être affecté – on dit que d’amade est à Mulhouse – poudre Turpin ! – recrutement des chevaux camions automobiles – réservistes arrivant en grand nombre restant très longtemps sans être habillés – casernement en désordre – constitution des Batteries de dépôt très lentes à faire –

Samedi 2 Janvier – S.Basile Me fait inscrire à la 73 ème Batterie – Batterie de renforcement se constituant mieux et attendant chevaux de réquisition pour partir – Voit Maurice Grassière qui part aux Batteries de renforcement – Reçois lettre d’Elise, désolée – section de guerre se formant – H.Bouquant y est ainsi que Gaston Roger – bataillons d’Afrique dévalisant tout au quartier national – soldat moitié en civil se baladant à Mourmelon – Pas assez d’officiers pour organiser les réserves – apprenant invasion par la Belgique – armée Belge barrant la route – Nous sommes 600 par Batterie de départ – indiscipline – Fais le peloton aux Alsaciens – Arrivée des Marocains – Les troupes de l’Est remontent vers le Nord – Apprend la mort de J. Tortin – Revue du Commandant – Touchons des chevaux pour nos Batteries – Faisons manœuvre dans le camp – Jeunes officiers arrivés Batterie – Emigrés passant Mourmelon – Départ dépôt – Voit ma famille avant – Embarquons St Hilaire au Temple - Mme Petalet me donne 2 bouteilles de bon vin Soir à « ça » entassés Noyon – Voyons train d’émigrés – débarquons hommes – chaleur lourde – Apprenons gouvernement parti – Français reculent – Logés dans des fermes – Bretons pas sociables – Buvons du cidre Aucune nouvelle famille – envoie télégramme sans réponse – très inquiet réel soulagement par fragments Petit Parisien de Mme Pate – Fais les classes aux Bleus – Désigné par le Commandant pour porter plis aux …très content – voit le théâtre des opérations – me trompe de route la première fois – repasse deux fois dans ma famille – réelle joie – correspond avec toute ma famille sauf ma grand-mère et Léon et Berthe – rencontre Jules Gangand je ne peux pas le reconnaître – Voit E.Odin, A.Thomas – apprends par Mourrich la mort de Raphaël – voit Herbin – voit Robert – fritz – à Noizy le sec voit Ponsinet – Chenet – ai vu Ch. Hemat gare Châlons – vu Léon Guénard St Florentin – vu Angèle Chaumont et Léonie à Troyes - Vu Fernand Journet à Troyes vu Malmy St Hilaire à Troyes vu Ch.Leroy sergent 192 à ….au dépôt de connaissances Tati , Vaillant, Duvivier, Marette, Lhote, Guerin partis Infanterie, Manteaux, Lacroix, Lefort, Husson, Morin, Baudry, vu 4 ème Renaudin, Hateu,

Jeudi 7 janvier – Ste Mélanie Partons de Rennes le 7 janvier, embarquons rue St Hélier – les copains fêtent mon départ on s’embrasse – copieuses libations – va de chez Cocherie à Rennes avec la voiture des officiers – embarquons à 3 heures – le commandant Meyer y assiste et me donne une poignée de main en me disant : « Bonne Chance » - avec nous, le 61 ème embarque quelques chevaux – voyage par Le Mans – Chartres où nous déjeunons à l’Hôtel – partons à midi 19 par Orléans, Montargis, Sens, Troyes et Chaumont où je rencontre Mme Lemaire qui était à la gare à Dontrien au moment de la mobilisation – nous arrêtons une heure et partons pour Bologne où nous touchons du café à la station : halte repas – passons à St Dizier – Revigny où nous voyons un pont sauté et réparé par le génie – Givry en Argonne – Ste Menehould et où on nous dirige sur Dugny – arrivons à 9h du soir nous dormons dans le train et nous débarquons le lendemain.

Samedi 9 janvier – S.Julien Débarquons matin Dugny moitié des chevaux à et Monts – arrivés Houdainville, y voit Gérard Meyer – mange menu confortable avec Dubosc avant de repartir musette égarée – part à cheval pour Dugny poursuit jusque Landricourt puis Lempin où je rentre en possession – reviens à Houdainville où je couche avec Gérard et son chien – ramasse une bûche avec mon cheval en sortant de Lempin aucun mal – repartirai demain de bonne heure pour Monts.

Dimanche 10 janvier – S.Paul Arrive à Monts les cotes 9h du matin – cheval fourbu – suis parti d’Houdainville au jour, passe par ferme Miranvaux où se trouve Maurice Ticot, ne l’ai pas vu – me présente à …, poignée de main, trouve Guinard qui part pour Troyon – me présente au Commandant Hardy – prends des renseignements auprès du Maréchal des Logis Allart que je remplace – porte les ordres à la batterie – voit le capitaine Heudon – mange au bois avec ma pièce – cuisine dans la boue – monte à la crête des Hures avec Loyal pour voir ce qu’il y a à faire – descends avec le lieutenant Thery – ai vu tirer le 120 à la crête des Hures – touche le prêt de mes hommes – lie connaissance avec les sous-officiers – couche à côté de Bernard…ai vu J.Gangand le matin, très désolé : il part pour 6 jours aux tranchées – voit Emile Colin – dit au revoir à Guinard – monte les ordres –voit les chevaux de ma pièce dans la carrière – descends tous les jours au Lieutenant Diem la situation des munitions – porte mon livret au chef – écris à Elise Thérèse Marcel etc…apprends que Winchler doit être au 132 – apprends la présence de Raymond à Miranvaux. Les hommes charrient des pierres pour mettre le cantonnement en état – à ma pièce il y a un nommé Machault de Machault.

Le maréchal des Logis Allart que j’ai remplacé était le beau frère de Léon Daudet de l’Action Française.

Mardi 12 Janvier – S.Arcade Il pleut toujours – monte les ordres – menu pommes sautées viande rôtie – écris l’après-midi chez une bonne femme – fantassin revenant des tranchées ne pouvant plus marcher – ai bien dormi la nuit, je me suis mis dans mon sac à avoine – lie connaissance avec mon Brigadier Bernard, sa femme très religieuse – il est d’Ay

Mercredi 13 Janvier – Bapt. De N.S. Toujours de la pluie – en montant les ordres au capitaine, un avion Boche signalé mais avions français lui donnent la chasse ; il fait demi-tour – Les Boches bombardent Villers en Woëvre – connaissance avec Mr Merjing – partons soir crête des Hures – boue, bûches à volonté – Impossible de trouver abri, enfin après recherches trouvons notre cabane. Médard fait du feu – Mangeons camembert – Ecris à Elise et Léon Soudant – Le H tonne, les Boches ne répondent pas – Quelques coups de fusil isolés – touche une peau de mouton – faisons du feu, séchons nos chaussettes – m’endort sur une planche, Médard veille en fumant la pipe et me laisse dormir jusqu’au matin petit jour – Rien de bien important à signaler.

Jeudi 14 Janvier – S.Hilaire Descendons des Hures – chose importante, je perds le culot de ma pipe, impossible de le retrouver – repassons par Menil où de ce pays, il ne reste que des ruines, nous sommes faits comme des cochons – Je fais un rapport à l’Etat-Major : rien à signaler – monte à ma batterie – Capitaine me signale un cheval crevé à ma pièce – descends à Monts – Chauvet revenu 9 ème Batterie de ….apprends que Winchler se trouve 16 ème Compagnie 2 ème section à Menil par Ponsinet de la Neuville sergent – (Ïle sergent Ponsinet a été tué aux Eparges le 29 Mars en même temps qu’Emile Colin) Rencontre un de mes Bleus : Capeletail 132 que je charge de porter un mot à Winchler – Winchler ne peut venir, il descend des tranchées et a les pieds en marmelade : m’envoie le bonjour – Maurice Ticot est à Mont, je le vois à 6h du soir – le trouve très maigre : 70 livres – très contrarié au sujet de sa femme, aucune nouvelle ; buvons une bonne bouteille, m’annonce enfant Georges Quenet mort – recevons ordre de partir au repos à Houdainville demain – nous couchons - dort bien

Vendredi 15 Janvier – S.Maur Réveil 4 heures – Médard selle mon cheval – rejoint ma batterie, ne voit pas clair à 2 mètres – faisons route de Mont à Houdainville par la pluie battante – casons nos chevaux – faisons la cuisine chez une bonne femme : grand-mère – régime plutôt maigre, viande oubliée à Mont – revois Melinette et compte revoir Gosme demain – apprends que je suis de garde ce soir – Ramasse une bûche dans un tas de fumier – habitants d’Houdainville très bons – apprends que peut-être le premier demi régiment qui était dans le Nord venait nous rejoindre

Samedi 16 Janvier – S.Marcel Séjour à Houdainville – va dire bonjour à Mounich – change de linge et Mounich se charge de le faire laver – Le matin voit Gosme et suis invité à diner avec lui demain soir – Il pleut – Revue de chevaux le matin pour le veto et l’après-midi pour le Colonel – au rapport de 4h, apprends que je suis de jour – le soir, sort avec les sous-officiers, petite bombe – rentre au cantonnement et me couche

Dimanche 17 Janvier – S.Antoine Suis de jour – impossible d’aller à la messe, il y a marches pour la Batterie L’après-midi je prends le café avec Bertrand (Betheniville), Hubert, Chegnault, Mounisch, Muzart, on cause pays. Nous comptions voir Quenet mais il ne vient pas – vers 9 heures, apprends qu’un brigadier de la 9 ème nommé Lamale de Mareuil/Ay est tombé avec son cheval dans le canal et s’est noyé, terrible chose – le soir va diner avec Gosme et Melinette et un autre camarade – Menu : soupe, bœuf, choucroute garnie et fromage, nous nous calons les joues – En sortant nous voyons très bien l’effet de lumières de plusieurs projecteurs – vais retrouver mes camarades, prends le café et ne parviens à me coucher qu’à minuit.

Lundi 18 Janvier – Ch. de S.Pierre Lever de bonne heure – Fais rassemblement pour promenade des chevaux – Le lieutenant Jonenhans nous prend en photographie – Menu maigre : haricots – revue par Jonenhans pour le harnachement – Il fait très froid en ce moment – le soir, coucher de bonne heure.

Mardi 19 Janvier – S.Sulpice Lever de bonne heure – la neige est tombée la nuit, il fait très froid – on cramponne les chevaux – revue d’armes – J’écris chez des personnes très agréables – on admire la photographie de Marie-Thérèse – vais manger à ma pièce et finit la soirée au coin du feu en faisant de nombreuses charades et tours – J’ai reçu également une lettre de Remy Bouquant, il compte venir me voir au prochain repos.

Mercredi 20 Janvier - St Sébastien Matin – Il fait un froid de chien, l’hiver se déchaîne, on réclame le bon feu de la maison paternelle – revue de draps bleus Ordre pour partir dans la nuit – départ 2h1/4 – réveil 1h1/4 chevaux sellés le soir – emprunte 4 F à Jupply suis fauché – ai vu Bertrand il viendra me voir à Monts – encore pas de lettre de mon Elise – soir, organisons un petit souper, menu : haricots, filet porc, salade, fromage, café, on se cale les joues, il est 11h du soir quand nous sortons et nous partons à 1h du matin !…je me jette 2h sur la paille, un copain doit venir m’éveiller, je n’ai qu’à monter à cheval…une pensée à mon Elise et le sommeil me prend.

Jeudi 21 Janvier – Ste Agnès Maurice Clère, vient crier « Debout ! » à 1 heure, on se lève, le lieutenant vient voir si nous sommes levés, nous partons au parc, il fait très froid, ni attelle, difficile là de démarrer les pièces rapport à la gelée – faisons route par fort d’Houdainville, descends de cheval, suis gelé, le projecteur du Rozelier nous éclaire et projette un reflet féérique sur la neige, c’est la guerre telle que Detaille l’a peinte – les chevaux commencent à glisser et s’abattent par moment, ça ne vaut pas un bon lit, en passant en haut du Rozelier la bise siffle sur la neige – arrivons à Monts, dé-selle Jacquelin, et m’étend sur un peu de paille jusqu’au jour – apprenons qu’obus Boches sont tombés sur Mont hier – quelle joie, j’ai reçu deux lettres de mon Elise, bonnes nouvelles, Marie-Thérèse va bien – enterrement d’un sous-officier 9 ème Génie – triste…

Vendredi 22 Janvier – St Vincent Il a neigé la nuit, monte porter les ordres à la batterie, comme menu, impossible de manger la viande, dure comme du bois – à midi on entend un moteur ronfler, tout le monde à son poste, aéro Boche, nous ouvrons le feu, il disparaît – 10 minutes après un autre survient et se fait bombarder de plus belle mais n’est pas atteint – Viens de voir Emile Colin, nous causons du pays – une visite inattendue : Constant Bacquenois qui est avec du 155 à la tranchée de Calonne, il doit revenir après-demain pour avoir du vin ; je le reconduis un bout de chemin, nous causons de nos familles – étant au fort de ….son sous-off était Paul Lemaire de St Thierry – Le soir je reçois 16 lettres quelle joie , il y en a 2 de Levasseur - à 9 heures du soir je lisais encore mon courrier, tout va bien.

Samedi 22 Janvier – S.Raymond Lever comme d’ordinaire, il a gelé très fort, essaye de trouver un litre de lait : impossible, je mange du saucisson que mon Elise m’a envoyé – Le bataillon de Winchler est là, je le cherche et je le vois revenant de nettoyer son fusil. Je le trouve vieilli, il est très fatigué et craint d’y rester – nous buvons une bouteille ensemble et prends rendez-vous ce soir avec lui car il est là pour 3 jours – monte les ordres, le temps est très brumeux : c’est de la neige

Dimanche 24 Janvier - S.Babylas Lever de bonne heure ou le bonheur de pouvoir entendre la messe à Mont par un prêtre soldat – très beau sermon, beaucoup de monde – le canon tonne pendant – je vois Winchler, nous parlons encore du pays – Constant Bacquenois vient le soir chercher du vin – Astica, Balan, Banni viennent de Rennes , bons copains apportent cigares Les Boches nous envoient des pruneaux sur Mont, aucun dégâts

Mardi 26 Janvier - Ste Paule Toujours bombardés, je vois Jules Gangand et nous pouvons parler de nos familles Robin 7 ème Batterie est lui à la côte des Hures, encore un de plus du 46

Soir concert – opéras

Vendredi 20 Janvier – S.Franç.de S. Départ 4h, nous avons eu réveil à 3h1/2, pour Houdainville, il gèle et cela glisse très fort, les chevaux s’abattent, nous faisons la route à pied, nous arrivons à Houdainville vers 7h – Nous allons chez grand-mère qui nous reçoit très bien nous mangeons saucisson – puis désigné pour être de ronde ce soir – Mme Roger nous reçoit très bien et nous nous proposons d’y aller faire un repas durant notre séjour – Ronde avec Médard nous nous amusons et rentrons vers minuit dans le foin –

Samedi 30 Janvier – Ste Bathilde Promenade des chevaux – mangeons avec Bernard café au lait – soupe ;bifteck de cheval – reçois un colis de mon Elise – nous organisons un repas pour demain chez Mme Roger – nous avons fait photographier à Houdainville – Je suis de ronde ce soir avec Médard, nous rentrons un peu tard car je rencontre beaucoup de copains –

Dimanche 31 Janvier – Septuagès Nous avons organisé un gentil petit repas chez de braves gens à Houdainville Mme Roger – Je suis de jour – Je peux pourtant aller à la messe, il y a beaucoup de militaires – La neige tombe à flocons l’après-midi – Le soir petit banquet avec 6 copains – comme menu : choucroute – huîtres – vin blanc café – salade – entrain joyeux – J’ai reçu une lettre de 8 pages de mon Elise : quelle joie également une de Léon Soudant de St Souplet –

Lundi 1 er Février – St Ignace Promenade des chevaux – revue d’armes – Nous nous chauffons chez grand-mère Mme Prudhomme – sur le petit journal je vois sur une photographie l’incendie de Suippes et de l’usine Bunette – Le soir chez Mme Roger vins chaud table tournante – nous nous amusons bien –

Mardi 2 Février – Purification Suis invité à dîner avec Gosme, Mélinette et Cruet – Je reçois une lettre de mon Elise m’annonçant l’envoi d’un paquet contenant un cache-nez – nous avons visite des chevaux par le nouveau vétérinaire – ce matin au repas nous faisons du chocolat – Le soir je vais dîner avec Gosme - menu : soupe, pâté aux allumettes de pythiviers : excellent - bœuf, frites – camembert et cigares – ensuite partie de cartes, soirée très agréable

Mercredi 3 Février – S.Blaise Nous préparons le départ – je suis de garde cette nuit – je reçois le colis de mon Elise : cache- nez, pâté, saucisson, cigares, cigarettes, crayon et un gentil petit mot, quel bonheur de recevoir de bonnes choses de sa bien-aimée – Faisons nos paquetages pour le départ cette nuit – je prends ma garde à 1h1/2, je réveille la Batterie. Nous avons touché des toiles de tente chaque homme –

(Haut de page) Nos obus ont tiré le feu à Sault en Woëvre

Jeudi 4 Février – S.Gilbert Temps calme, la route se fait normalement, il y a clair de lune, nous arrivons sur la position vers 5 heures du matin – en cours de route je suis mal fichu et me sens grippé – en arrivant, je vais à la visite pour avoir un cachet – monte les ordres – temps clair de nombreux aéros sont signalés – tirs contre tombés et les Boches tirent contre les nôtres. A Villers sous Vauchamp un obus tue un caporal du Génie et en blesse trois autres – suis sans argent car j’ai un mandat qui n’est pas encore arrivé, j’en demande un par lettre recommandée – On nous donne de la paille chose rare – reçois une lettre d’Elise – pas encore de mandat

(Haut de page) brûle aujourd’hui. Triste tableau

Vendredi 5 Février – Ste Agathe Me lève de la grange très tard et me fait agonir par le chef – temps magnifique – deux avions Boches viennent, nous en saluons un, il disparaît – je vois Berru d’Aubérive, il est au 132 – La section des Hures démolit une pièce de 105 qui avait canardé quelques jours auparavant – Constant Bacquenois vient me voir – Me rend aux Hures le soir avec Médard, en passant à Menil j’y vois Jules Gangand, il est toujours triste de n’avoir aucune nouvelle. Nous prenons rendez-vous avec lui et Constant pour demain – Nous grimpons aux Hures avec Médard, bûches à volonté, nous sommes en nage – 2 projecteurs français éclairent nous voyons aussi les projecteurs Boches. Arrivons à l’abri, nous faisons du feu – Fantassins et Boches se canardent à volonté – Etant sur la crête, je vois les flammes de marmites Boches sur Riaville

Samedi 6 Février – S.Amand Nuit aux Hures normale. Je descends avec Gosme et ses fantassins. Nous disons bonjour à Jules Gangand en passant le matin à Menil. Je fais mon compte-rendu à l’état-major – Monte les ordres – Duel d’artillerie intermittent – Je parle avec Berru d’Aubérive : il est père de 5 enfants et va dans les tranchées

Dimanche 7 Février – Sexagésime Me lève tard et par ce fait ne peut aller à la messe – mea culpa – encore un fantassin de tué – Le lieutenant Mesman de la crête des Hures a démoli 3 pièces de 105 et un groupe d’officiers Boches qui regardait du sommet des Eparges dans un télescope – Je reçois une lettre recommandée avec 50 balles – Le dégel, de la boue jusqu’aux genoux – un caisson d’obus pour ravitailler les Hures est enlisé dans la plaine – 12 chevaux ne peuvent le sortir, la terre est comme de la glaise. On abandonne le caisson après en avoir retiré les obus au casque. Les boches tirent dessus -

Lundi 8 Février – S.Jean de Matha. Toujours le dégel, je reçois une lettre de mon Elise, toujours tout le monde en bonne santé – Marie-Thérèse dit bien : « Papa »

Mardi 9 Février – Ste Apolline Nous avons fait sauter 40 mètres de tranchées aux Boches – nous devions aller au repos mais au dernier moment, nous recevons ordre de rester sur nos positions, peut-être craignons nous une attaque des Boches, nous touchons un quart de vin le soir, c’est une vraie fête car à Mont impossible de trouver un litre de vin. J’ai rencontré Maillard de Saint Souplet – facteur à Jonchery – Cause souvent avec quelques fantassins de leur vie de tranchée – Ils causent parfois et souvent avec les Boches, surtout lorsque les Bavarois y sont, car ils sont moins mauvais que les Prussiens. Apprend que Fernand Simonet est blessé dans l’Argonne

Mercredi 10 Février – Ste Scholastiq. Préparation d’attaque aux Eparges, nombreuses pièces de canons sont installées dans le bois Haut, tranchée de Calonne, la 9 ème Batterie monte ce soir deux pièces aux Hures, 2 nouvelles pièces de 105 sont installées à la tranchée de Calonne, je fais connaissance avec Clément de Reims - le père qui est prêtre-soldat nous annonce que demain fête de Notre Dame de Lourdes il y aura une messe à 7h1/2, et une à 9h1/2 et vêpres à 3heures – me promet d’aller à une des deux – J’ai écris à Georges Quénet –

Jeudi 11 Février – S.Adolphe Je vais à la messe de 9h1/2 – Eglise très bien décorée de drapeaux. A l’entrée de l’église, 4 des nôtres du 132 sont sur des brancards recouverts du drap des morts et semblent attendre qu’on les conduise à leur dernière demeure – triste vision – très beau sermon sur Lourdes, on chante le cantique bien connu de Lourdes – Je parle avec Clément – une attaque sur les Eparges est proche – Les Boches nous envoient des marmites en grand nombre – Menil toujours bombardé, même la nuit – apprends la mort de mon cousin Thévenard – 2 escadrilles d’aéros Boches nous survolent, nous comptons 12 avions se dirigeant sur Verdun – J’ai lu l’écho de l’abbé Michelet de St Hilaire et retrouve de nombreuses adresses des habitants –

Vendredi 12 Février – Ste Eulalie Réveil ce matin par les marmites Boches tout près de la grange où l’on couche, nous nous levons en vitesse, aucun blessé – La neige recommence à tomber, nous ravitaillons la côte des Hures en obus à dos de cheval, nous mettons 12 obus sur chaque cheval car les chemins sont très mauvais. Je vois un jeune homme de St Hilaire Buiron le matin, il est au 132 et fait partie de la classe 1914 – Je vois aussi le commis boucher de chez Duyois, le nommé Gabriel.

Samedi 13 Février – S.Grégoire Je vois Winchler, il est très malade, une forte bronchite le tient et il a très mauvaise mine. L’attaque se prépare aux Eparges – De nombreux groupes d’artillerie sont venus nous renforcer ; 7 èm e - 8 ème - 9 ème Batteries sont aux Hures – Nous comptons un bombardement de 36 ou 48 heures – Les lignes de téléphone sont triplées et quadruplées – Je vois Siegel du dépôt qui amène des chevaux – Je suis inculpé par un lieutenant d’Infanterie qui veut me faire punir injustement parce que des hommes ont chanté – c’est probablement un officier de parade – crâneur – Il s’appelle : Chedekert !!! Reçois une lettre de Thil, maman va mieux. Je reçois 10 F de papa -

Dimanche 14 Février – Quinquag. (N.L.) Je vais à la messe – très impressionnant : l’église est pleine de soldats – beaucoup communient, que c’est triste – très beau sermon sur Lourdes – Je monte avec Médard à la côte des Hures par Bonzée, suis éreinté en arrivant au sommet – Le lieutenant Thery y est et vient avec moi dans le boyau en avant m’expliquer le panorama et me montre le triangle de visée – Des hommes visitent toutes les lignes de téléphone la nuit en prévision de l’attaque – peut-être pour cette nuit ? nous sommes dans l’abri du colonel avec 3 téléphones. Impossible de faire du feu la nuit, nous sommes gelés de froid et impossible de dormir car on téléphone souvent – Les Boches envoient des fusées éclairantes et des grenades toute la nuit – Je perds ma pipe aux Hures – Le Lieutenant de Pelissier vient nous relever le matin. Nous sommes gelés

Lundi 15 Février – S.Faustin Descends des Hures avec Médard, suis très fatigué et rempli de boue des pieds à la tête – Nous comptons l’attaque des Eparges pour aujourd’hui – Le général Heer est arrivé à Mont et confère avec l’état-major, il doit aller aux tranchées ce soir – Le capitaine m’interroge au sujet de l’affaire du lieutenant d’Infanterie –Serait puni injustement – Je perds ma pipe aux Hures –

Mardi 16 Février – Mardi Gras Je vois Jules Gangand, Winchler. Jules revient des tranchées, il a reçu le colis de mon Elise et a reçu une lettre de maman et une de Louis Longis et de Levasseur Winchler va mieux et compte repartir aux tranchées – On demande mon livret pour une punition ! Je reçois un colis de mon Elise et apprends la mort de ma cousine Marie Tritant – c’est terrible – reçois une carte d’ Alyre Lefèvre et de Breton – Je m’ennuie aujourd’hui

Mercredi 17 Février – Cendres Le bataillon de Jules Gangand qui était à Mont est parti cette nuit, l’attaque est proche, les mitrailleuses n’ont pas cessé de taper cette nuit – Le matin, le chef me donne une paire de chaussures – Je rencontre le lieutenant d’Infanterie qui m’a puni et demande ce qu’il en est, il a regret pour moi – A l’état-major je vois que l’attaque est pour cet après-midi – Monte les ordres et les grosses pièces…à tirer, l’attaque est proche – L’Argonne tape dur et St Mihiel aussi – Un silence calme règne, précurseur de l’attaque ; encore quelques heures et l’on sent que ça va chauffer. Exactement à 2 heures de l’après-midi, sur un signal du 106 qui fait exploser une mine, à la minute même un bruit épouvantable, un ouragan de mitraille, un sifflement sinistre, 200 pièces de canons de tout calibre, 75, 80, 90, 120,100, 220, 140 de marine, crachent à toute volée sur le sommet de la crête des Eparges en y semant la mort dans les tranchées Boches ; il n’y a pas un coin de terrain qui ne soit pas balayé par nos pièces, la terre vole avec les obus…et des nuages de fumée avec les fusants, les maisons de Mont en tremblent, impossible de trouver un mot pour donner une idée de ce que fut ce bombardement qui n’arrête pas une seconde, les Hures, le Bois Haut, la tranchée de Calonne, les pièces de Bonzée, la crête de Menil, de ces endroits partent sans des milliers d’obus, l’infanterie se tient prête à sortir, le 132 sur les Eparges et le 106 du côté de Combres, notre artillerie allonge son tir et nos fantassins sortent, d’abord le 132 qui arrive dans les tranchées Boches et les voit comblées de cadavres Boches, parfois 3 ou 4 entassés l’un sur l’autre, un officier prussien enfoui jusqu’à la ceinture tire encore avec son revolver, mais il est embroché d’un coup de baïonnette dans l’œil, des prisonniers font signe de se rendre mais tirent en voyant les nôtres arriver, mais ils sont tous embrochés sans exception. Le 106 entre en action et s’élance d’un entrain admirable dans la direction de Combres ; le général Heer arrête l’ardeur de son action et le fait rester sur des positions désignées par lui, car le général craint que Combres ne soit minée et ne saute. Nous avons fait une trentaine de prisonniers et l’on compte 500 tués du côté Boche dans les tranchées où ils sont ensevelis, des pieds et des mains passent de la terre. A la tombée de la nuit, la voix du canon se calme, on entend seulement les mitrailleuses. Dans la nuit, les Boches firent plusieurs contre-attaques sans résultat, car nos 75 donnaient sitôt qu’ils sortaient de leurs tranchées, pour le premier bombardement nos pièces ont tiré environ 15 à 20 000 obus en une heure et demie. Les prisonniers Boches sont amenés à Mont et conduits au poste de police du 132 ; ce sont en partie des Bavarois, on les occupe à des corvées dans le pays. Nous occupons une partie de la crête des Eparges et le bombardement va reprendre le lendemain presque à la même heure et avec autant d’intensité. Les Boches répondent aujourd’hui sur les Hures, Menil, Tusnes, Bonzée, Bois Haut…nous leur versons encore quelque chose . Le 67 ème de ligne est en réserve à Mont pour l’attaque ; le bombardement se prolonge toute la nuit sans arrêt ; vers 4h30 un obus de 105 arrive sur Mont dans une écurie de la 9 ème et tue 6 chevaux et blesse un conducteur ; les tuiles volent en éclats, une autre marmite arrive sur le mur du cimetière, juste en face de la maison où se trouve l’état-major, le ravitaillement en obus pour les Hures se fait toute la nuit à dos de cheval. Aujourd’hui troisième jour, le bombardement va encore recommencer sur les Eparges, car hier dans la nuit les Boches firent voir 9 contre-attaques à la baïonnette mais furent fauchés comme des lapins.

Dimanche 21 Février - Quadragésime J’oubliai de dire qu’au 2 ème jour de l’attaque nous avons fait encore des prisonniers Boches et un officier. Hier 20 Février, à 11 heures, l’attaque recommence et les Boches répondent et doivent avoir amené de Metz par le train des renforts. Comme pertes dans ces attaques la pièce à Mélinette a… : 12 servants de tués, un grièvement blessé et Mélinette brûlé à l’œil. Hier, un infirmier de tué, 5 autres blessés, et entre autre Espaque adjudant. Le ravitaillement en obus se fait la nuit, car l’attaque doit reprendre aujourd’hui. Le matin nous attaquons vers 6 heures avec toute l’artillerie – Vers 11 heures l’attaque reprend de plus belle, le 67 ème d’Infanterie doit attaquer ; l’attaque se fait très bien, notre 75 comble de cadavres leurs tranchées, le 67 fait une attaque…en faisant de nombreux prisonniers ; le 106 a atteint la gare de Combres mais est forcé de reculer sur de meilleures positions – Nous tenons presque toute la crête – Le général Heer a dit qu’on l’aurait coûte que coûte. Nous avons beaucoup de blessés, environ plusieurs centaines. Le soir, un groupe de prisonniers Boches de 72 hommes arrive à Mont à 9 heures du soir. Un deuxième groupe de prisonniers de 104 hommes Boches arrive quelques heures plus tard. Parmi eux se trouve un capitaine Boche, ils font partie du 130 ème prussien. Les blessés Français ne cessent de repasser toute la nuit et le matin beaucoup sont atteints de balles explosives. Nous avons encore une pièce aux Hures de la 9 ème Batterie qui a explosé en faisant 5 blessés. Aujourd’hui on se canonne de part et d’autre, les Boches ont amené une quantité de renforts. Notre attaque paraît localisée, les fantassins ont reçu l’ordre de tenir leurs positions. Je reçois l’ordre du chef de porter un ordre aux Hures ; il est 4 heures de l’après-midi, je monte à cheval et passe par Bonzée pour être défilé des Boches mais quel chemin pour atteindre le front !…mon cheval enfonce parfois jusqu’au poitrail et s’enlise par moment, les Boches envoient des marmites sur les Hures, instinctivement je pense à mon Elise, à ma Marie-Térèse et à mes chers parents ; peut-être dans quelques minutes un obus viendra me tuer. J’arrive au pied des Hures, toujours de la boue, de plus en plus, j’attache mon cheval à un buisson car j’aime mieux …..si je peux au sifflement sinistre d’un obus. Partout des trous d’obus, des arbres hachés, j’arrive à la cuisine de la Batterie où je vois des camarades, je monte ensuite aux pièces sur le haut de la crête où je vois Maurice Clère et son peloton de pièces : de vrais rescapés de la mort, car ils ont été entourés de trous d’obus, son caisson est défoncé, sa pièce est trouée sur la crosse et à l’œilleton la crête est une véritable écumoire. Je m’assieds un instant sur la pièce, une marmite arrive, nous baissons la tête, un frissonnement parcourt nos veines mais ce n’est pas pour nous : le coup est long et la marmite éclate dans le bas de la crête. Je redescends pour reprendre mon cheval, je repasse par Mesnil car la nuit est arrivée et j’arrive à Monts, Dieu soit béni, j’arrive sain et sauf. J’apprends aujourd’hui que Berru d’Aubérive, père de 5 enfants, est tué aux Eparges à la première attaque – Nos pertes sont très grosses environ 1800 hors de combat – A l’avis de tous, si nous avions poursuivi les Boches le premier jour, nous aurions enlevé les Eparges et le plateau de Combres avant qu’ils aient pu amener des renforts.

Mercredi 24 Février – S.Mathias Nuit assez calme malgré des rafales d’obus de temps à autre – Toutes les nuits, l’artillerie fait un barrage pour arrêter les contre-attaques allemandes qui sont fréquentes parfois, 8 ou 9 dans la même nuit : ils arrivent en colonnes par quatre, poussés à coup de revolver par leurs officiers, parfois même ces fumiers leur lancent des bombes pour les obliger à sortir de leurs tranchées et à attaquer. Aujourd’hui d’après réception des pertes, on estime nos pertes à environ 3000 hommes hors de combat. Le 67 ème d’Infanterie a 1000 hommes hors de combat. Le 106 en a près de 700, dont l’officier ; vient le 132, le 173. Berru d’Aubérive a été tué à l’attaque ; il est père de 5 enfants et m’avait montré leur photographie quelques jours avant de partir aux tranchées. Il me parlait de son aînée qui était espiègle, de sa femme, et était réputé très bon soldat. Aujourd’hui, 25 Février, 11 cercueils étaient dans l’église, parmi lesquels Chevillon, député de Marseille qui était lieutenant au 132 ème – Le prêtre-soldat a prononcé quelques mots dont voici l’en-tête : « Fleurs de , tombées pour la Patrie sur le sommet des Eparges… » Paroles très émouvantes en ce moment Le colonel du 106 ème prit la parole et saluant d’une voix forte, vibrante et énergique de chef la dépouille de ces braves, bénit leur cercueil et sortit à la tête de ces officiers. Aujourd’hui 25 Février, il neige et fait très froid, Médard a été évacué hier et j’ai un remplaçant – Gosme a été évacué hier pour un flegmon. J’ai rencontré un fils Leroy, le dernier, il est sergent – Canonnade de temps en temps – Il paraît qu’on prépare une attaque du côté de Macheville.

Vendredi 26 Février – S.Nestor Reçois l’ordre d’aller à Houdainville porter un ordre à l’échelon. Je passe par le fort d‘Houdainville, y voit Maurice et Bertrand, et prends rendez-vous au patelin, porte mes ordres et fait faire des œufs sur le plat avec de la saucisse chez Mme Roger-Charlier, de très bonnes gens – Nous faisons un bon repas et causons du pays – Je repars et rentre de nuit au front –

Samedi 27 Février – Ste Honorine Il a gelé – monte les ordres – Des aéros Boches et français survolent réciproquement les lignes – canonnade de part et d’autre –

Dimanche 28 Février - Reminiscere Rien de bien important à signaler – même service de tous les jours. Apprêtons paquetages pour partir à Houdainville.

Lundi 1 Mars – S.Aubin Partons de bonne heure pour Houdainville – la pluie commence à tomber en partant, en arrivant au Rozelière c’est de la neige, de la glace. Je rencontre Bertrand qui va à voir son beau-frère, arrivons trempés comme une soupe, obligés de nous faire sécher –

Mardi 2 Mars – S.Simplice 2ème jour repos – va voir Moumich – nous pouvons organiser un déjeuner avec les sous-off, nous faisons la fête toute la journée

Mercredi 3 Mars – Ste Cunégonde 3ème jour repos revue d’armes le matin et de chevaux à 1 H Le soir soupons avec des copains chez Mme Roger-Charlier, nous mangeons un lapin, homard, dessert

Jeudi 4 Mars – S.Casimir 4ème jour rien de nouveau, sommes épatés de revoir certaines choses que nous avons quittées dans la vie civile

Vendredi 5 Mars S.Adrien Avons Batterie attelée tenue de campagne – mettons en batterie fort d’Houdainville et vois Maurice Ticot, je suis avec le commandant : agent de liaison Rencontre un copain de pension : Froment de la Malmaison, un gros fermier

Samedi 6 Mars –Ste Colette 6ème jour de repos Avons encore Batterie attelée allons vers Verdun, du côté Bellerupt – partons cette nuit – faisons un petit repas qui dure jusque minuit et partons à 2 heures

Dimanche 7 Mars – Oculi Revenons à Monts par un beau temps, ai un peu mal aux cheveux Je vais à la messe, beaucoup de monde – Il y a encore 3 malheureux du 132 qui reposent au pied de l’autel. Constant Bacquenois est venu me voir

Lundi 8 Mars – Ste Véronique Canonnade du matin au soir – La section qui était aux Hures n’y est pas retournée : elle est à Menil-Haut –

Jeudi 11 Mars – S.Euloge Il neige et fait très froid. J’apprends une triste nouvelle, la mort de Georges Allart, blessé dans l’Argonne et mort à Ste Menehould – ai vu Winchler, il va mieux

Vendredi 12 Mars – S.Pol, évêque Il fait un temps superbe, recevons l’ordre d’aller au repos à Houdainville. Constant Bacquenois est revenu – Winchler doit partir en Afrique –

Samedi 13 Mars – Ste Euphrasie Partons 4h du matin pour Houdainville – arrivons vers 9h – beau temps – nous tapons la tête avec les camarades – dis bonjour à Gérard

Dimanche 14 Mars – Letare Maurice Ticot venu me voir – suis logé chez de bonnes gens avec ma pièce – écris à Pierre Pignolet car un cousin aux personnes chez qui je suis logé a été disparu et se trouve dans le régiment de Pierre.

Lundi 15 Mars – S.Zacharie Craignons une alerte pour repartir sur le front – faisons une petite fête avec des camarades

Mardi 16 Mars – S.Cyriaque A 1 heure de l’après-midi, recevons ordre de nous tenir prêts à démarrer à 1 heure du matin, nous allons probablement attaquer

Mercredi 17 Mars – S.Patrice Partons à 1h du matin – nuit noire – arrivons à Monts à 4h – Prenons position aux Hures, toute la Batterie – suis complètement éreinté en arrivant en haut – me couche ou plutôt tombe dans un abri pour dormir – vers midi les 150 rappliquant, nous nous mettons dans nos abris – L’attaque est pour demain, toute la nuit les obus arrivent, ravitaillés par les conducteurs, nous n’avons que 3 pièces car il y en a une en réparation. Les téléphones sont vérifiés Ai été de garde dans la carrière, les balles sifflent toute la nuit –

Jeudi 18 Mars – S.Alexandre On nous amène toujours des obus pour l’attaque – nous attaquons à 3h de l’après-midi – A 3 heures, la danse commence, c’est un vacarme épouvantable, nos 75 crachent à pleine volée ainsi que les Runailho et les grosses pièces, les Boches nous répondent avec du 150, l’effet de ces obus est terrible, ils passent avec un sifflement terrible, les premiers qui passent me font peur, mais petit à petit je m’y habitue – aux pièces de 120 un 105 fusant tue un homme et en blesse deux – Nous cessons le bombardement après 1h ¼ de temps pour permettre à l’Infanterie d’avancer sur la pointe Est des Eparges, c’est le 132 qui doit monter – Pendant le bombardement nous avons cessé pendant 10 minutes pour permettre aux Boches d’amener du renfort et de les canarder ensuite. Le bombardement continue jusque vers 8h du soir –

Vendredi 19 Mars – S.Joseph Nous ne savons pas encore le résultat de l’attaque, on nous dit que du côté de la plaine, cela a très bien marché – Vers 9h du soir, nous savons que nous avons pris Marcheville et le point Est de la côte des Eparges – Nous avons fait environ 200 prisonniers – Le lendemain nous recommençons le bombardement à 4h du soir avec la même intensité que la veille – Nous apprenons que les Boches nous ont repris Marcheville à 10h du soir – Les Boches nous ont fait une section entière de prisonniers et les ont fusillés au fur et à mesure qu’ils se rendaient. Voici leurs procédés à ces barbares – Vers 4h1/4 une pièce de canon de la 7 ème Batterie saute en tuant deux hommes et en blessant plusieurs. Les 2 tués n’ont plus de tête, la pièce est totalement réduite en miettes, c’est un spectacle horrible – 5 minutes plus tard la 4 ème pièce de la 8 ème (Herbillon) saute mais seul le pointeur est blessé, c’est un miracle – Un 150 éclate à 50 mètres de moi et blesse grièvement Merot le brigadier brancardier –

Dimanche 21 Mars - Passion Les Boches font des contre-attaques sans cesse – Le 132 est très éprouvé et doit aller à Sommedienne se reformer – Impossible de sortir de nos abris à chaque instant les marmites éclatent autour de nous – Un 150 est tombé sur la pièce à Herbillon écrasant la pièce mais personne n’est dessous car la pièce avait sauté la veille, c’est encore un miracle

Lundi 22 Mars – Ste Léa On nous apporte la cuisine toute faite et énormément d’eau de vie et du vin – Chaque nuit une pièce est de garde pour faire un barrage quand les Boches attaquent, car à chaque moment ils font des contre-attaques successives – Aux Eparges nous conservons certains points enlevés le premier jour. Nos pertes sont grandes mais celles des Boches doivent être supérieures –

Mardi 23 Mars – S.Victorien Ai été de garde à la carrière avec Finet et le lieutenant Guesman – A 8h1/4 les fantassins lancent les 3 fusées signal de faire un barrage d’artillerie – Je téléphone aussitôt et les 75 des Hures, de Bonzée et du Bois-Haut crachent aussitôt. La nuit se passe calme, les Boches lancent quelques torpilles et marmites. Rien d’anormal dans la journée si ce n’est une contre-attaque Boche le matin qui a été repoussée – Vers 5 heures du soir nous étions tous surpris par une rafale d’obus. J’étais le dernier pour rentrer dans l’abri, il était temps, car les éclats volaient de tous côtés.

Mercredi 24 Mars – S.Timothée Nous reposons des fatigues du dernier combat – Je dors dans l’abri une partie de la journée – A chaque instant, nous agaçons les Boches : tantôt ce sont les Hures, le Bois-Haut, Bonzée et les pièces de la plaine qui tirent – certainement l’attaque reprendra dans quelques jours, des chasseurs à pied sont venus renforcer notre infanterie – Le capitaine Leroux est blessé à la position de Bonzée – Emile Colin, d’après Georges Regnault a été tué au combat des Eparges – Jules Gangand n’a pas été touché car il est venu demander de nos nouvelles à Monts pendant que j’étais aux Hures – nous mangeons très peu, étant en position et de ce fait sommes maigres comme des clous – sur les Eparges nous avons monté des lance-torpilles pour répondre à ceux des Boches –

Jeudi 25 Mars – Annonciation Sommes encore couchés dans l’abri – un téléphoniste arrive en criant : « Tinet est tué ». Les brancardiers montent avec un brancard et quelques minutes après, je vois le corps de Tinet sur le brancard, il est mort et semble dormir, un 77 percutant est venu le frapper au moment où il réparait un fil de téléphone ; son épaule droite est arrachée, ainsi que son côté droit qui est défoncé, sa figure est pâle, d’une blancheur de neige – On le met dans un abri, je le fouille en présence de ses camarades – vais trouver le capitaine, lui remet les lettres de Tinet qu’il visite et trie – Descends à Monts où je remets les lettres au chef. Le corps de Tinet est à l’église avec 2 de mes camarades. Je vais à l’église, découvre son corps et coupe avec des ciseaux deux mèches de cheveux que je mets dans mon portefeuille – Pauvre mère, ce sera la dernière consolation et le dernier souvenir de son fils – couche à Monts et repart le lendemain à 4h –

Vendredi 26 Mars – S.Emmanuel Nous nous préparons en vue d’une attaque – Le capitaine m’envoie l’ordre par téléphone de descendre pour l’enterrement de notre pauvre camarade Tinet – Je descends en vitesse, surtout dans le chemin encaissé du 120 – à peine en bas, quelques percutants arrivent à ma droite. A 6h1/2, nous nous rendons à l’église en groupe, le lieutenant Noir du 4 ème groupe (prêtre) dit les prières des morts et retrace en quelques mots la mort de notre cher camarade mort si bravement, tous nous avons les larmes aux yeux – un peloton rend les Honneurs en armes – une couronne de lierre faite par nous recouvre le cercueil – nous rendons au cimetière, une dernière prière, un bref commandement : « Présentez armes ! », un signe de croix et tous nous rejoignons nos postes en pensant que peut-être demain nous dormirons côte à côte avec celui qui hier était avec nous – J’apprends en revenant qu’un de mes camarades Maréchal des Logis Derrimaud vient d’être blessé aux Hures. Je vais le voir sur son brancard au poste de secours, il est touché d’un éclat d’obus à la cuisse et sera évacué ce soir. Je lui dis Au Revoir . Vais me coucher à Monts pour remonter vers 4h du matin aux Hures.

Samedi 27 Mars – Ste Lydie Remonte aux Hures vers 5h le matin – L’attaque est pour aujourd’hui – Nous apprenons à midi que l’attaque commence à 3h – Les abris des pièces sont garnis d’obus – A 2h 40 la plaine du côté de Marcheville attaque brusquement, nous entendons les obus et la fusillade de ce côté – Il est 3h, l’attaque commence de notre côté, les 75, 120, 90 des Hures ouvrent le feu, les nombreuses batteries voisines crachent sur les Eparges. Le bombardement se fait méthodiquement. Les Boches répondent avec du 150, 105, et 77 – Les abris des pièces sont entourés d’obus, les coups longs passent au-dessus de nos têtes pour éclater du côté du 120 – Les pièces de 220 qui sont au Bois-Haut n’arrêtent pas de tirer – Vers le soir, apprenons que l’Infanterie a pu déboucher et gagner du terrain sur le plateau où de là elle domine les Boches. Vers le point X nous n’avons pas pu déboucher vu le nombre supérieur des forces allemandes, nous n’avons pas de pertes, notre Infanterie en a très peu, mais les Boches ont laissé beaucoup des leurs – Vers le soir à 8h une de leur contre-attaque : repoussée – Toute la nuit des marmites nous éclatent autour de nos abris – Reçu médaille Sacré-Cœur d’Elise

Dimanche 28 Mars – Rameaux Le ravitaillement en obus s’est opéré toute la nuit malgré les marmites Boches – Le matin, calme sur toute la ligne – Quelques coups de canons de temps en temps – Supposons reprise de l’attaque aujourd’hui – Aucune attaque ne se produit. Il paraît que le général Grammort ne veut pas tenter une attaque sur le point X car nous craignons que ce point ne soit miné – Le soir, nous apprenons que l’attaque est suspendue. Seul le Bois-Haut tire avec les 220 et 155 pour détruire les fortifications Boches –

Lundi 29 Mars – S.Eustase M’occupe le matin des distributions d’eau de vie – Matinée assez calme, nous envoyons aux Boches une quarantaine d’obus – Nous faisons photographier par Martin Brig (téléphoniste) – Un avion Boche vient nous survoler et se fait canarder et est obligé de rentrer dans ses lignes – Le 4 ème groupe rejoint Troyon où il était, donc l’attaque est finie – Que de victimes déjà pur avoir cette position !…

Mardi 30 Mars – S.Jonas Les Boches nous laissent un peu tranquilles, presque pas de marmites sur les Hures. Je suis de garde ce soir, à la carrière, comme observateur – Le temps s’est refroidi – Nous ne tirons presque pas, il n’y a que les 220 et les 155 du Bois-Haut et Bonzée qui tirent sur les Eparges – Sur le point X, le général Grammort ne veut pas envoyer d’hommes car les Boches ont miné ce point avec des boyaux en-dessous de leurs tranchées pour les reprendre en cas que notre Infanterie avance – Notre Génie doit miner la crête pour la faire sauter.

Mercredi 31 Mars – S.Benjamin Suis de garde à la carrière, la neige tombe abondamment. Je prends de 6 à 8 h – rien d’anormal, quelques coups de fusils – le lieutenant Josnenhans vient me relever, ce n’est qu’une couche de neige, je reprends ce 2h à 4h, une pièce de 77 qui doit se trouver dans le col de Combres à contre-pente tire sur les Eparges toutes les 20 minutes ; impossible de repérer la lueur car le brouillard est intense et la neige n’arrête pas de tomber. Rejoins ma Batterie et mon abri sur la ligne des pièces après avoir fait mon rapport au lieutenant – Vers 8h nous recevons un ordre de rouler nos couvertures et de nous tenir prêts à descendre des Hures pour reprendre notre place à la Batterie d’avion où nous étions, nous sommes très contents car c’est moins dangereux. Nous descendons à Monts en passant par Mesnil, justement je rencontre Georges Regnault à Monts qui me dit que Jules Gangand y est justement, je vais le voir tout de suite, nous causons du pays. Je dois revenir le voir l’après- midi – Me change de linge car j’en ai besoin – Retourne voir Jules qui doit remonter aux tranchées demain soir – Je remonte à 5h du matin à la Batterie d’avion pour faire la promenade des chevaux avec les conducteurs, il y a 15 jours que je n’ai pas vu mon cheval – Nous allons à Haudiomont impossible de trouver du vin ni de l’alcool – J’achète des cigarettes – On fait évacuer les paysans aux alentours de Verdun car de nouvelles troupes vont arriver – Le train régimentaire est parti d’Houdainville, il est à Ratentout près de Dienne – La 7ème Batterie est partie au repos pour quelques jours.

Agenda Souvenir Journalier – 1915 – Deuxième trimestre – Notes Quelques notes prises au hasard sur cette guerre -

L’armée allemande était déjà prête depuis 8 jours à la frontière alors que nous commencions notre mobilisation – L’envahissement de la Belgique, les Boches nous mettent sur les reins 52 corps d’armées – Nos troupes étant massées en partie sur notre frontière Est, sommes obligés de les reporter sur la frontière Nord – Le général Joffre ne voulait pas entrer en Belgique pour arrêter l’offensive Boche mais le ministre de la guerre de ce moment, Messimy, voulut que nous nous portions au secours de la Belgique, ce fut une erreur terrible et Joffre à ce moment voulait donner sa démission – Cette entrée en Belgique nous a valu la défaite de Charleroi et la retraite magnifique conduite avec calme et sang-froid jusqu’à la Marne où après avoir battu en retraite nous battions les Boches en les forçant de reculer de100 kilomètres – Malheureusement, nous n’avions plus de munitions et nos troupes depuis Charleroi n’avaient pas soufflé une seconde – Si le général Joffre avait été écouté au début, Charleroi n’aurait pas eu lieu, en admettant même que nous reculions un peu, le choc de la Marne se serait produit dans le Nord ou ensuite la guerre de tranchées aurait eu lieu, probablement du côté de St Quentin.

Jeudi 1 Avril – S.Hugues Monte à la batterie d’avion. Hier j’ai reçu une lettre de mon Elise où il y avait quelques petites branches de rameaux qui me porteront bonheur – Fais la promenade des chevaux, allons à Haudiomont, achète des cigarettes – nous couchons et restons dans une cabane dans les bois – Dis au revoir à Jules Gangand qui remonte aux tranchées ce soir. Constant Bacquenois vient nous voir. Je l’accompagne jusqu’à sa tente dans les bois sur la tranchée de Calonne.

Vendredi 2 Avril – Vendredi Saint Fais la promenade des chevaux à Haudiomont – Je vois le sergent Leroy de Pontgirard de la section d’Emile Colin qui est tué – Emile Colin a eu une jambe de brisée par un éclat d’obus dans une tranchée. Leroy lui a serré la cuisse avec une courroie, mais Emile Colin est mort le soir (peut-être faute de soins) car à ce moment, l’attaque battait son plein. Il est enterré aux Eparges – Le sergent Ponsinet de La Neuville est tué également (cousin des Thévenard). Des renforts arrivent, on nous dit que le 2 ème corps entier vient nous renforcer – Fais maigre : morue, salade au lard, sardines, frites

Samedi 3 Avril – S.Richard Il pleut – J’ai joué à la banque hier, j’ai gagné 5 x – Une surprise agréable, Pierre Pignolet est venu me voir, suis très heureux, il m’accompagne à Monts. Son bataillon est dans les bois, tout près de la ferme de Miranvaux, il est venu pour l’attaque. Je l’accompagne dans le bois, nous nous quittons, espérons nous revoir demain – Je joue au poker – Vers 4h le soir, un coup de téléphone à la Batterie nous enjoignant l’ordre de quitter les avions et d’aller reprendre aux Hures nos anciennes positions – Tous, nous aurions mieux aimé rester là – apprêtons notre paquetage – Apprenons que le 1 er , 2 ème , 3 ème corps sont arrivés nous renforcer – Certainement il va se passer quelque chose de grave, peut-être attaque générale – Le soir, je joue encore au poker – Le capitaine nous donne ses ordres pour demain.

Dimanche 4 Avril – Pâques Réveil de bonne heure – Le 31 ème vient nous remplacer – nous descendons à Monts, je fais quelques provisions de conserves, et ensuite je vais à l’église car c’est la fête de Pâques. J’ai la ferme résolution de mettre ma conscience en règle : je vais trouver un prêtre soldat, je lui demande de bien vouloir me confesser et me donner la sainte communion. Je me confesse et reçois quelques minutes plus tard mon créateur, je suis heureux car on ne sait ce qui peut arriver – Nous montons aux Hures par une pluie battante, nous voyons à Monts de nouveaux régiments d’artillerie – Il paraît que l’attaque est pour demain. Nous sommes en nage en arrivant, complètement exténués et harassés de fatigue – Je couche dans un abri, serrés comme des harengs, impossible de se coucher sur le dos, la pluie traverse et nous sommes mouillés – reçois un mot de Lucien Vorth

Lundi 5 Avril – S.Vincent F. Levons de bonne heure – l’attaque est pour aujourd’hui et cependant il pleut et le brouillard est intense – On approvisionne les abris de pièces en obus – Le réglage de tir se fait aussitôt – On nous monte la cuisine toute préparée, avec beaucoup d’eau de vie – Ce n’est pas une attaque partielle mais générale, toute la 1 ère armée prend l’offensive sur tout le front ayant principalement comme objectif : Conflans – Jamyet – Chambley – Le temps s’éveille vers midi – à Monts toutes les voitures sont chargées en vue de l’avance – Tous nous nous regardons, on va encore une fois entendre siffler les marmites Boches. Une proclamation du général commandant rappelle à tous de faire notre devoir jusqu’au bout – Il est exactement 2h40 quand l’attaque commence, les rimailhos du Bois-Haut tirent les premiers et aussitôt ce n’est qu’un enfer épouvantable, pour parler à son voisin, il faut crier car le bruit est tellement épouvantable que l’on est fou – Les premiers obus Boches rappliquent quelques minutes après le commencement : ce sont beaucoup de fusants (105). A 3 heures, l’artillerie cesse 10 minutes de tirer pour permettre à l’Infanterie d’avancer – A 3h10, la canonnade reprend de plus belle – Les Boches tirent avec leur artillerie sur les Eparges en quantité – Notre canonnade ne cesse qu’à la nuit – nous apprenons que l’infanterie est avancée, le 106 ème principalement, qui était à la pointe Ouest avance sur le plateau et a pris trois tranchées, le 132 ème a pris les points L, M, S, A, Z, de notre côté, nous n’avons pas de tués. De la plaine, nous ne savons encore rien – Les pelotons de pièces descendent manger aux abris – Les téléphonistes sont à leurs postes en vue d’une contre-attaque – Nous nous couchons. Dans la nuit, les Boches ont contre-attaqué et nous ont repris une partie des gains d’hier, mais par contre, dans la plaine, nos résultats sont bons, nos troupes ont pris Recquieville , au bois d’Ouchy vers St Mihiel, progrès ! Vers Etain, nous avons progressé. Les prisonniers Boches que nous avons fait aux Eparges (environ 250) sont amenés à Monts et expédiés sur Verdun, plusieurs officiers allemands sont également prisonniers – Deuxième jour : La pluie tombe toujours, le matin, canonnade de part et d’autre – A 3 heures exactement, nous attaquons de nouveau. Vers St Mihiel l’attaque doit être commencée, car c’est un roulement sourd, ininterrompu – Notre infanterie a repris en partie ce qu’elle avait perdu hier ; nous avons eu quelques prisonniers au 132 – Par contre, du côté allemand, nous leur en avons fait également. Sur les Hures, la position n’est presque plus tenable aujourd’hui, nous recevons sans cesse du 150 allongé. Suis de garde cette nuit à la carrière, à chaque moment nous craignons une contre-attaque Boche – les réflecteurs Boches fouillent toute la nuit nos positions, les fusées éclairantes sur les Eparges se succèdent sans interruption – les mitrailleuses n’arrêtent pas de tirer – La pluie tombe à torrents toute la nuit, je suis complètement glacé – J’ai été obligé de dormir à même sur la terre gelée avec un téléphoniste – Les Boches ont seulement envoyé des marmites sur nos tranchées, mais notre 220 du Bois- Haut a répondu sur les tranchées Boches – Les Boches n’ont poussé aucune contre-attaque la nuit – Je rentre à mon abri à 5 heures le matin avec le téléphoniste car le lieutenant Gusman est venu nous remplacer. A peine avons nous fait 300 mètres, que nos pièces ouvrent le feu, les Boches font une contre-attaque en masse, nos 75 tirent à pleine volée pendant une demi- heure – Nous apprenons par téléphone que les Boches nous ont encore repris une partie de nos gains. Le temps est toujours à la pluie, nous sommes tous harassés de fatigue et remplis de boue des pieds à la tête – De la plaine, nous avons de bonnes nouvelles : du côté de Pont-à-Mousson nous avons avancé de 3 à 4 kilomètres, sur Etain cela marche très bien, ainsi que sur Marcheville – La journée se passe en canonnade sans interruption. Je reçois des lettres de Jussy, mes lettres à moi n’arrivent plus – Des prisonniers Boches de la plaine arrivent à Monts. Un ordre est également arrivé aux civils d’avoir à évacuer leurs villages (Mesnil, Monts, Bonzée, Villers, Haudiomont etc..) mesure de juste précaution car beaucoup des habitants de la Woëvre sont avec les Boches et pratiquent l’espionnage – Troisième jour : Nous avons passé la nuit dans nos abris où il pleut comme à la rue, à peine éveillés le matin que retentit le commandement : « A vos postes, nous allons attaquer de bonne heure ! » - A 8h exactement, nous ouvrons le feu, notre tir est très précis, il paraît que les Boches volent en l’air dans les tranchées. L’artillerie allemande entre en scène et son tir est sur les Eparges et sur les Hures, les 150 allongés arrivent avec un sifflement sinistre. Un de ces obus est tombé sur un abri de pièces de la 7 ème Batterie, l’abri a cédé au milieu et a écrasé et réduit en miettes les roues et les boucliers du canon, aucun servant n’est touché, tous étaient terrés dans un coin de leur abri qui de ce côté ne s’est pas effondré – Notre infanterie a pu regagner les points perdus hier et s’est avancée jusqu’à 15 mètres du point X et du point D. Le tir de notre artillerie diminue vers 11h – Les grosses pièces du Bois-Haut, les 120, 90 des Hures, 155 Bonzée tirent – On nous monte la soupe, à peine si nous mangeons – Il est exactement 2h de l’après-midi, l’artillerie Boche ouvre le feu sur les Eparges et sur les Hures ; les 150 allongés rappliquent sur la crête des Hures. Les abris de pièces et de combats sont environnés de marmites sur la corne Est des Eparges – 2 compagnies Boches fortes chacune d’environ 400 hommes sortent des tranchées et foncent sur les nôtres : au premier abord, les hommes du 132 reculent, beaucoup sont faits prisonniers, mais les Boches, non contents de gagner la ligne de tranchées, poursuivent plus en avant, mais l’artillerie qui a été prévenue à temps fait aussitôt un barrage qui par suite de l’avance des Boches se trouve en arrière d’eux, ils sont donc pris entre deux feux, et la plupart sont tués ou faits prisonniers par ceux qui avaient été faits prisonniers par eux ; les quelques-uns qui avaient pu s’enfuir sont cueillis derrière la crête par nos obus à balles. Le colonel Grammat et le commandant Hardy nous envoient par téléphone : « Très bien, très bien, félicitations aux pointeurs ». Nos officiers estiment que cette contre-attaque a coûté aux Boches 4 à 500 hommes. Quatrième jour : A peine levés ce matin, les pelotons de pièces montent à leur poste, car le lieutenant Jonenhaus nous annonce que l’attaque sera ce matin ; nous commençons à tirer vers 9h du matin, la pièce de Maurice Clerc, un de mes bons camarades, après avoir tiré pendant près d’une heure, vient de céder : le tube est gonflé avec une grosse hernie à hauteur de la jaquette, le pointeur et le tireur ont étés projetés de leurs pièces, mais par une veine ou plutôt un miracle, aucun des hommes n’est touché – L’attaque se poursuit avec rage : les fusils et les mitrailleuses crépitent, la voix du canon se fait de plus en plus terrible sur le point D – Le 25 ème bataillon de chasseurs à pieds est prêt à s’élancer à l’assaut sur le point D – A l’heure voulue, l’artillerie allonge le tir et nos braves chasseurs, dans une furie terrible, sortent de leurs tranchées et bondissent dans les tranchées Boches, embrochant ceux qui y étaient restés ; eux ne font plus de prisonniers, car les Boches leur ont joué de trop sales tours – A midi, au moment où je distribuai la soupe, un 105 fusant éclate au-dessus de nous tous ; d’un seul coup, nous sommes à plat ventre dans les bouteillons de soupe, mais Bah, nous nous serrerons encore la ceinture d’un cran, nous y sommes habitués – Je descends à Monts, rencontre des quantités de blessés qui reviennent. Vers le soir, 22 prisonniers Boches sont amenés au poste, sur l’un on trouve plusieurs balles retournées, le général ordonne de le fusiller. Le lendemain, il est emmené au poteau d’exécution à 5 heures du matin, et quelques minutes plus tard, justice est faite ; il appartenait au 50ème d’infanterie prussienne. Je monte un canon aux Hures avec 14 chevaux et 2 à 4 en réserve – le canon arrive à bon port. L’aspect des Hures a un aspect de vraie bataille, la plupart des arbres et des buissons sont hachés par les obus, la crête n’est plus qu’une écumoire et cependant, il faut tirer. J’espère qu’aujourd’hui nous aurons le fameux point X. La 7 ème a eu un tué, un cuisinier qui a été coupé en deux dans son abri par un 150 allongé – La température est froide car les giboulées de mars tombent – Cinquième jour : Nous attaquons vers 3h1/4, le bombardement ne cesse presque pas, le temps est mauvais pour l’attaque mais l’ordre est donné – c’est le 132 ème qui doit monter pour prendre X – Vers 4h1/2, notre infanterie s’élance sur le point X, mais par 3 fois, elle est obligée de céder, les allemands contre-attaquent aussitôt. L’artillerie française tonne de plus en plus, notre infanterie s’élance encore une fois et s’accroche définitivement au point X où nous tenons les deux extrémités et occupé au centre par une centaine de Boches qui ne veulent pas se rendre. Ils sont tués un par un – A 6 heures du soir le 9 avril nous avons la totalité de la crête des Eparges que les allemands avaient juré de ne jamais nous céder. Cette crête leur a coûté des milliers d’hommes, nos pertes sont également fortes – Vers le soir, le Bois-Haut tirait déjà sur Combres et le versant sud des Eparges. A noter une chose qui nous étonne : toutes les grosses batteries allemandes se sont tues aujourd’hui, nous croyons qu’ils ont reculé sur Hattonchâtel – Sixième jour : La neige a encore tombé cette nuit, il fait très froid, les Boches n’ont pas contre-attaqué cette nuit, et en ce moment, nous sommes en haut du plateau et eux en bas – Dans une huitaine, nous espérons avoir le plateau de Combres et couper leur ravitaillement de St Mihiel. Vers le matin, une contre-attaque Boche a pu se maintenir dans un petit fortin sur le point X. Nos fantassins ont été surpris par l’apparition soudaine des Boches de la bouche d’un tunnel souterrain allant de Combres au point X….mais ils ne pourront tenir car deux de nos tranchées sont de chaque côté et l’infanterie doit faire sauter ce tunnel à la métinite. D’après un prisonnier Boche, il y a un autre tunnel Boche allant des bois d’ aux Eparges, les allemands pourraient donc amener des renforts sans être vus de la plaine. De plus leur dépôt de torpilles était dans le caveau d’un cimetière de Combres. Septième jour : Nuit assez calme, j’attrape un mal de reins de coucher sur le dur, nous envoyons quelques obus aux Boches sur la petite partie du point X qu’ils occupent encore…par contre les Boches envoient des obus très haut, probablement pour régler leurs tirs des Batteries qu’ils ont du reculer. Nous apprenons que du côté de Pont-à-Mousson, notre avance est très sensible : 1 à 2 kms de profondeur sur un front de 20 kms. Vers 4h30 de l’après-midi, les 150 allemands que nous avions cessés d’entendre, arrivent sur les Hures ; les premiers coups tombent entre la carrière et les pièces. Nos pièces tirent de temps en temps sur le fortin se trouvant sur X où les Boches sont encore. La nuit des marmites arrivent assez souvent ; nous apprenons que plusieurs obus de 105 sont tombés à Monts et ont tué deux pauvres chasseurs à pied du 25ème B Huitième jour : gelée blanche le matin Vers 8h l’attaque du côté de Marcheville commence : c’est un roulement ininterrompu, il parait que Marcheville est entourée de réseaux de fil de fer de plusieurs centaines de mètres en profondeur. Quelques 150 arrivent sur la crête entre la carrière et les pièces. Je vais l’après-midi à la carrière, vois le capitaine, un 150 tombe à 40 mètres de moi…dans la carrière nous nous couchons tous et nous relevons sans aucun mal. Plusieurs avions Français sont en évolution et règlent le tir de notre grosse artillerie. Vers 5h le soir, la lutte du côté d’Etain semble se poursuivre avec acharnement. J’apprends par téléphone que je suis de garde pour observation à la carrière ; je m’y rends avec un téléphoniste. Je prends la première faction, de 7h à 9h. Un 150 arrive à la pointe, et un gros éclat tombe entre le téléphoniste et moi. Je veux le ramasser, mais l’éclat me brûle. Le phare Boche du côté d’Herbeuville éclaire avec force les Eparges et surtout la corne Est et le versant du côté de Combres…à peine si nous pouvons montrer notre tête, les balles sifflent sans arrêt, 3 batteries allemandes - une à Herbeuville, la batterie 3 bis, et une batterie de 150 du côté de Dommartin – tirent fusants et percutants sur les Eparges, les phares français – un dans le Bois Haut et 2 autres du côté d’Haudimont – projettent leur lumière. La fusillade du côté de Marcheville est intense. Le lieutenant Guesman vient me remplacer. Je reprends mon autre faction de 1h à 3h, rien de bien anormal. Neuvième jour : nous apprenons que l’attaque dans la plaine n’a pas rendu ce que l’on espérait ; nos 155 longs tirent sur Marcheville. Une batterie de 105 est dans un champ près de Fresnes-en-Woèvre, le terrain est très mauvais.. Je remplace un de nos camarades, Maurice Clerc, qui a mal à la gorge. Vers 5h le soir, le draken Boche s’élève et règle un tir avec du 150 sur les Hures. Nous sommes tous terrés dans les abris, un 150 arrive sur un abri de la 7 ème pièce où se trouvait un canon. Cette batterie n’avait plus que cette pièce, les autres avaient sauté. Dixième jour : Belle journée, je vais avec les poilus de la 3 ème pièce, nous tirons de temps en temps, c’est un tir très précis. Le lieutenant Guesman est venu nous photographier. Les Boches ont encore envoyé des obus sur Monts. J’ai une lettre de papa où l’on me dit qu’Alfred Bacquenois est mort. Nos fantassins sur les Eparges reçoivent des obus en quantité et ont tous les jours des tués et des blessés. Nous touchons un litre de vin par homme et de l’eau-de-vie. Vers 6h le soir, un aviatik survole les Hures, nous nous terrons dans les abris, les mitrailleuses tirent dessus. Onzième jour : toujours le beau temps, nos aéroplanes sortent nombreux, nous ne savons pas ce qui se passe en plaine du côté de Marcheville, les obus et balles crépitent sans interruption. Après-midi dans l’abri, je joue au poker avec mes camarades. J’apprends par le Maréchal de Verzy qui est sous-chef et qui vient de recevoir une lettre, que le maire de Wez (maure) est arrêté comme espion : il paraît qu’un certain jour, il a fait des signaux aux Boches en faisant partir des fusées au moment où l’église de Wez était remplie de soldats ; 4 obus seraient arrivés dessus… Douzième jour : j’ai reçu une lettre d’Elise, de Thil et d’Henri Gaillet. Il fait une journée superbe. Nos pièces tirent de temps en temps. Quatre pièces de 155 long vont venir aux Hures. Je reçois l’ordre du capitaine de construire un nouvel abri et de faire renforcer les autres. Les Boches tirent des explosifs fusants sur le Bois Haut. Un peloton de pièce descend à Monts pour se nettoyer, car la plupart sont remplis de poux, ils sont remplacés par un peloton de pièce de la 7 ème batterie. Les Boches nous ont éreintés : 2 pièces de grosse artillerie ont fait sauter un dépôt de munitions dans la plaine. Nuit assez calme sur Monts. Les Boches envoient des marmites. Nous aspirons tous les jours pour aller au repos. Treizième jour : nous allons nous laver à la source dans le bois des Hures. Rien dans les journaux ne nous fait encore prévoir la fin de cette terrible guerre, si seulement c’était bientôt la fin !....Aux Eparges, c’est un spectacle d’horreur dans les tranchées : des cadavres Boches et Français sont dans les tranchées et sont tout noirs, les fils de téléphone des Eparges à l’abri du colonel Grammat aux Hures sont accrochés parfois au bras d’un des nôtres qui, tombé sur la crête et n »étant pas encore mis dans la grande fosse commune, semble encore vouloir prêter son bras à la France en soutenant les fils du téléphone pour envoyer tout à l’heure un ordre qui le vengera - On monte de la chaux aux Eparges car les cadavres commencent à dégager de mauvaises odeurs, peut-être dans quelques temps les épidémies vont arriver –

17 Avril – Temps très beau, nous construisons des souterrains, les Boches tirent des Monts vers midi, mais les coups sont trop courts et tombent en avant du pays – Nous faisons la chasse à l’écureuil et je le tue d’une balle de mousqueton au premier coup – Des explosifs fusants tombent sur le Bois Haut et sur Mesnil Haut – Je reçois une carte de Charles Gaillot qui vient d’arriver au feu, il est au 354 ème d’Infanterie dans le Nord du côté d’Arras – A 10 h du soir, on nous crie « A vos postes » et les pièces tirent l’une sur le phare Boche qui se trouve dans la plaine du côté d’Herbeuville, et l’autre pièce sur les tranchées –

18 Avril : Beau temps – Les 105 Boches arrivent aux Hures vers 9 H du matin en grande quantité ; un moment j’étais en train de relire la carte de Charles Gaillot à la porte de l’abri, un éclat de 105 qui était arrivé sur le haut de la crête me passe tout près de la tête, je rentre vivement à l’intérieur. Notre artillerie répond aussitôt. Nous manquons d’allumettes et impossible de nous procurer du tabac. A l’heure de l’après-midi, la 2 ème pièce de la Batterie saute au premier coup de canon ; de chaque côté du tube, la pièce a cédé, heureusement personne n’est touché ; le peloton de pièces de la 7 ème Batterie qui remplaçait momentanément Hubler et ses hommes en est à sa 2ème pièce qui saute, le tireur avait déjà été blessé à la 6 ème Batterie par un canon sauté. Des 4 canons que nous avions, il ne nous en reste plus qu’un – Les Hommes des pièces ont une véritable frayeur de leurs pièces, ils ont plus peur de leurs pièces que des marmites – Les servants ne restent plus sur leurs sièges quand on tire, tous sont à plat ventre en sortant de l’abri à l’exception du tireur – Les Boches envoient des quantités d’obus sur les Eparges et beaucoup de grenades, vers 2 h nos fantassins sont obligés d’évacuer la tranchée K, les Boches ne peuvent y prendre pied. A 3 h de l’après-midi, nous sommes arrosés par des 105 percutants, un brancardier est tué à 30 mètres de moi, il est projeté en arrière avec une force terrible, les pieds sont arrachés – Il est marié et père de deux enfants – Un 105 tombe à côté de notre abri, nous nous faisons le plus petit possible, car les éclats volent de toutes parts. Un avion français est bombardé par les Boches. Nous regardons les éclatements, mais comme ils sont juste au-dessus de nous, les schrapnels descendent en bourdonnant à nos oreilles, nous rentrons en vitesse. Le soir, nous apprenons que nos fantassins ont pu réoccuper la tranchée K, il y a eu un commandant de tué, un lieutenant blessé et 80 hommes hors de combat – Le ravitaillement en obus se fait de nuit.

19 Avril : Beau temps, allons nous laver à la source ; les 4 pièces de 155 long doivent être installées pour le mercredi 21 Avril, un avion Boche vole au-dessus de nous, la Batterie d’avion tire mais en retard, le service de cette batterie laisse beaucoup à désirer – Quelques 105 tombent sur les Hures à l’heure de la soupe – Vers 2 h du soir, les Boches envoient du 150 à gauche du Mesnil et sur le pays, le soir des 150 tombent sur Mesnil Haut et arrivent par quatre en quantité, l’avion Boche qui nous avait survolé le matin a probablement repéré la Batterie d’avion mais les coups sont beaucoup trop courts, la nuit arrive que les marmites éclatent encore – Les pièces doivent tirer cette nuit, les éléments sont placés d’avance de façon qu’au commandement il n’y ait qu’à mettre le feu – Vers 9 h du soir, je reçois un colis de mon Elise, et il y a du tabac. Quel bonheur, nous commencions à en manquer..

20 Avril : Temps superbe, nous allons couper des sapins pour faire une petite barrière en face de notre abri, le matin je tue encore un écureuil à la 2 ème balle – Quelques fusants arrivent sur les Hures, nous faisons le lapin à chaque minute.

21 Avril : Temps très beau, je reçois une carte de Clovis Rothier qui est à Verdun, 166 ème d’Infanterie, 30 ème Compagnie. Vers 3h de l’après-midi, alors que la 3 ème pièce tire, au 6 ème coup de canon, alors qu’il y a 4 servants dans l’abri, la pièce saute et est complètement pulvérisée ; par un miracle, seul le pointeur est touche, il a une plaie très grande à la tête, une au cou, et le petit doigt de la main gauche brisé. Le pauvre Monneret perd son sang en abondance, et en sortant lui-même de l’abri, il tient sa pauvre tête ensanglantée, c’est un triste tableau à voir… A toute vitesse lorsque j’ai su par un téléphoniste que la pièce avait sautée, j’ai bondi au poste des infirmiers et brancardiers qui accourent aussitôt. Le major est prévenu par téléphone, on lui fait un pansement, le major Hoël arrive, on le descend, le pauvre Monneret nous dit pourtant « Au revoir » et nous parle de sa pauvre femme, tous nous avons les larmes aux yeux ; le major nous assure que sa vie n’est pas en danger (sauf complications), les brancardiers le descendent sur un brancard. Les autres servants ne sont pas atteints, mais tous ont leurs cheveux et leurs sourcils brûlés, tous peuvent se vanter d’être revenus de loin, car dans l’abri le spectacle est lamentable. De toutes les pièces que j’ai vu sauter, c’est la première que j’ai vue dans cet état : le tube est sectionné, moitié a été projeté en avant et tout l’arrière git en arrière de la biche, le frein, les….., appareils de pointage , tout est réduit en bouillie, une roue du côté du pointeur est brisée comme de la paille hachée, en un mot la pièce est réduite comme une bouteille que l’on brise contre un mur de pierre, heureusement qu’au départ du coup les servants étaient à plat ventre, car c’est la 5 ème pièce de la Batterie qui éclate et la 15 ème pièce au groupe (12 pièces) – Les servants ont maintenant une peur terrible de leurs canons, ils vont adopter un système pour mettre le feu par une grande ficelle, en étant en-dehors de l’abri ; la cause de cela doit être de ce fait que les obus étant faits très vivement et n’étant pas bien tournés au calibrage du canon, au moment du départ du coup, le moindre choc qui se produit, fait armer la fusée qui est très sensible, et fait éclater l’obus dans le tube . Etant donné la force de l’explosif, en éclatant, n’importe quel canon ne peut résister. Nous n’avons à 8 ème Batterie en ce moment, qu’une seule pièce de canon.

22 Avril : le peloton de pièces de la troisième est descendu, seule la 5 ème pièce et un peloton de pièces sont restés aux Hures. Quelques fusants tombent en avant de la crête

23 Avril : le temps s’est refroidit dans la journée, rien d’anormal, mais vers le soir, nous subissons un bombardement en règle, les 150 arrivent par quatre et cela dure pendant une heure, la crête semble parfois s’ébranler quand les 150 tombent en percutant sur le sol. A la nuit, les marmites cessent de tomber, le peloton de pièces qui est aux Hures doit tire un coup à chaque d’heure toute la nuit, de façon à permettre à nos fantassins de travailler. Pierre Machet est venu me voir, il est au 25 ème d’artillerie.

24 Avril : Le temps est refroidi, nous jouons au poker le matin, allons prendre le café avec les brancardiers. L’après-midi, nous apprenons que nos 220 ont détruit une batterie Boche, l’église de St Remy brûle, les Boches se vengent dessus.

25 Avril : La nuit que nous venons de passer a été terrible, les 150 allemands n’ont pas cessé de tomber sur la crête – la pièce de 75 qui nous reste a tiré toute la nuit, un coup tous les ¼ d’heure ; le matin nous étions tous dans les abris et blottis tous là dedans nous subissons un bombardement sans arrêt de 150 allongés…ils arrivent par 4, on en compte 24 arrivés en 5 minutes, le bombardement cesse vers midi. Dans l’après-midi, il y a plus de calme. Le soir, nous apprenons avec stupéfaction que les Boches ont percé notre front du côté de St Rémy et fait un bond de 2 kilomètres du côté du Bois-Haut, nos 2 premières lignes de tranchées sont prises…Nous ne savons que penser de l’avance allemande, peut-être ce n’est pas vrai…Enfin, quelques minutes plus tard, nous savons la vérité sur ce qui se passe : entre les villages de St Rémy et Mouilly, les Boches ont fait irruption sur notre première ligne de tranchées et s’en sont emparée…nos fantassins étant surpris ont cédé et se sont replié en vitesse…les Boches ont attaqué notre deuxième ligne de tranchées, s’en sont emparée et leur infanterie s’est infiltrée sur la tranchée de Calonne…2 pièces de 90 qui se trouvaient avancées sont prises par eux, les servants (7) sont tués sur leurs pièces avec une atrocité que les Barbares Teutons sont seuls capables de faire…un de nos servants qui n’était que blessé est achevé par eux, et chose ignoble, ces bandits le mutilent et lui coupent les parties… Pendant ce temps, notre infanterie s’est ressaisie, nos fantassins contre-attaquent…les Boches qui ont tué les servants des pièces sont entrés dans la cuisine abri des artilleurs et s’étaient mis à boire le jus, quand tout à coup, les nôtres arrivent, font les Boches prisonniers et les ramènent en arrière, mais leur compte est réglé d’avance… Nous reprenons les pièces, seuls les appareils de pointage sont brisés, nous avons pu refouler les Boches, mais ils ont pu conserver la côte 340 et notre première ligne de tranchées ; le 106 et le 132 ème qui étaient au repos sont revenus en vitesse – A Monts, les chevaux étaient garnis et prêts à partir, le train régimentaire n’est pas venu et de ce fait, nous n’avons pas à manger. Nous recevons des obus la nuit.

25 Avril : apprenons que des renforts d’Infanterie sont arrivés ; le matin se passe assez calme…vers midi un roulement ininterrompu d’artillerie se fait entendre sur notre droite, du côté de St Rémy…à midi nous n’avons pas mangé, nous n’avons touché aucune nourriture…vers 1 heure de l’après-midi, nous subissons un bombardement que depuis que je suis au feu nous n’en n’avons subi…car depuis leurs 77, 105, 130, 150, 210, 280, et même 305, la pauvre crête des Hures n’est qu’un nuage de fumée d’obus…nous sommes tous dans l’abri et craignons qu’à chaque instant, une marmite arrive sur notre abri… Un téléphoniste arrive, nous disant de faire monter tous les hommes disponibles pour sortir une pièce de la 7 ème de son abri, de façon à pouvoir tirer à 1200 millième à droite…tous, nous avons la conviction que les Boches avancent du côté du Bois-Haut…vers 4 h du soir, une marmite de 305 éclate à 5 mètres de notre abri…je sommeillai à ce moment, nous sommes remués comme des plumes, je me trouve projeté sur les jambes d’un de mes camarades, les éclats, les briques, la terre nous aveugle, nous sentons une odeur de carbure dégagée par la poudre, les fusants se succèdent toujours sans interruption, nous sommes dans des nuages de fumée… La pièce que nous avons sortie de son abri tire sur des Boches qui venaient de St Rémy au village des Eparges, les Boches ont pris des capotes françaises pour que nous les prenions pour les nôtres et ont même un drapeau de la Croix Rouge, mais le commandant Hardy les a vu le premier avec ses jumelles…nous ouvrons le feu et tirons par 4 à explosifs…Les Boches se sauvent et rentrent au Bois-Haut… Le soir, nous apprenons que les Boches tiennent toujours la côte 340, certainement demain il y aura une forte attaque pour reprendre la côte 340. Le soir, la fusillade crépite du côté de St Rémy…nous ne touchons rien ce soir pour manger, seulement quelques biscuits et du singe… De cette attaque allemande qui a réussi à crever notre ligne mais qui par contre a été repoussée, sauf sur un point, il y a certainement une faute de notre part : notre Infanterie n’était pas en force dans les tranchées de première ligne et peut-être y-a-t-il eu du relâchement dans le commandement et le cran de nos fantassins a faibli… Lorsque dans cette attaque, le commandant Hardy a vu les Boches arriver sur le pays des Eparges, l’ordre était donné aux servants et gradés des Hures de se préparer à partir au cas où nous serions forcés..la seule ressource qui nous restait était de faire sauter nos pièces et de nous replier si nous pouvions…c’est une veine que nous n’avons pas été forcés…Dieu merci, nous sommes sains et saufs, car après cela, je ne croyais pas revoir les miens… La nuit de ce bombardement a été assez calme pour les Hures, mais du côté du Bois-Haut, la fusillade est très vive, les fusées éclairantes projettent leurs lumières sur le bois. La nuit se passe assez calme, en comparaison de la journée – à 1 h du matin, nous touchons une bonbonne de vin que deux hommes nous amènent de Monts. 26 Avril : Le matin nous allons voir le trou creusé par le 305 qui est tombé à côté de notre abri, ce trou est terrible : il a 10m de circonférence et 2m de profondeur ; les morceaux que nous avons ramassé attestent de la grosseur du projectile – Du côté du 120 dans le bas de la crête, les trous sont encore plus profonds, étant donné que le terrain est plus mou – Me sentant malade le matin, je descends à Monts pour voir le Major. Je donne la pièce à un homme pour me descendre mon paquetage ; à la visite le Major (Holl) prend ma température qui est normale ; il me dit de me reposer aujourd’hui.

27 Avril : Je joue au poker avec Mangin, Didier toute la journée –

28 Avril : Les Boches bombardent Monts le matin, des renforts importants viennent nous renforcer, 22 prisonniers Boches sont au poste, ils appartiennent aux 50 ème , 73 ème , 146 ème régiment…Aux divers interrogatoires qu’on leur fait subir, les Boches croient encore gagner –

29 Avril : Je reste à Monts ; nous apprenons que la division marocaine vient nous renforcer et se trouve actuellement du côté de Sommedienne – Le 147 ème d’Infanterie est venu nous renforcer aussi – La nuit, la fusillade est très vive du côté de la tranchée de Calonne –

30 Avril : Je vais à Miranvaux où se trouve l’échelon et la 5 ème pièce payer le prêt à nos conducteurs. J’y vois Gonne qui est revenu de l’hôpital de Neufchâteau ; j’y vois aussi G.Regnault qui a vu Emile Ponsinet qui est au 147 ème d’Infanterie. Emile a déjà été blessé d’une balle à la main, a été soigné à Nantes, est revenu au front et a paraît-il 2 doigts d’estropiés…Georges Regnault doit me donner son adresse – Nous rentrons à Monts vers 9h1/2 du matin, il fait un temps superbe – A 10 h , 2 marmites de 150 tombent sur le pays, une en avant et l’autre en arrière. Un camarade m’appelle pour aller à la soupe, je m’apprête à traverser le coin de la mairie quand tout à coup, un sifflement sinistre et en même temps l’éclatement d’un 150 allongé. Au même moment (1/4 de seconde) dans mon esprit, sentant que la trajectoire baissait et que j’étais pris dans l’éclatement de l’obus, une pensée me disait que c’était fini. Je suis enveloppé dans un nuage noir de fumée, de poussière, un bruit épouvantable d’éclats de briques, de terre, vole en tous sens. Les carreaux de la Mairie me tombent sur la tête avec les conduites d’eau, je n’ai même pas eu la présence d’esprit de me coucher, j’ai seulement mis les bras sur ma tête, ayant resté une minute ou deux immobile à la même place. Je rentre en courant à la Mairie, nous ne savons où nous abriter, finalement nous ouvrons la cave et tous nous nous précipitons dedans. Un instant après, je sens que j’ai la jambe fraîche, je tâte en dedans de ma culotte et je ramène du sang. Je regarde et vois un petit trou où s’échappe un mince filet de sang, une brûlure se fait sentir, mais ce n’est pas grave, c’est une légère blessure – Nous sortons au bout d’un ¼ d’heure et je remonte vers le haut du pays. J’apprends à l’instant que l’obus qui a éclaté près de nous a tué un téléphoniste et blessé un brigadier et un homme…c’est un vrai miracle que je ne sois pas atteint… Bien nous a pris de remonter car les marmites tombent avec un fracas épouvantable – une tombe chez Mme Bertin, tuant un homme, une autre à la grange de l’échelon, nous tuant 4 chevaux…et cela dure pendant une demi-heure, 17 chevaux sont tués – Les civils qui sont encore à Monts évacuent. Je monte aux Hures, je dois remplacer le sous-chef –

1er Mai : Journée assez calme sur les Hures, mais Monts est encore bombardé…7 soldats du 128 ème d’Infanterie sont blessés, nous avons encore 7 chevaux tués à la Batterie. L’ordre est alors donné aux soldats qui sont à Monts de partir –

2 Mai : Matinée assez calme – Vers 4h de l’après-midi, nous déclenchons subitement une attaque, une Batterie du 17 ème d’Artillerie se trouvant en position près des vergers de Mesnil, se trouve encadrée de marmites…à un moment un obus tombe dans une soute à munitions et y met le feu…une autre soute est également brûlée. La Batterie est environnée d’une fumée atteignant plus de 30 mètres de haut. Les Hures reçoivent des fusants – nuit assez calme

3 Mai : Levons de bonne heure, allons nous laver à la ….on nous monte la soupe pour la journée : ce n’est guère appétissant. Je vais avec Maurice Clère, de bon matin, faire une promenade sur le plateau des Hures…c’est épouvantable de voir le désastre causé par les marmites – A 3 heures de l’après- midi, nous envoyons quelques pruneaux aux Boches…à peine avions nous tiré qu’une Batterie de 130 autrichienne située du côté de Dommartin et nous prenant sur notre flanc, est réglée sur nous…les coups arrivent par deux et encadrent les pièces…un 130 arrive et percute sur l’abri de la 3 ème pièce (Clère) Les éclats traversent la flèche comme une écumoire, 3 servants qui se trouvaient dans le boyau souterrain qui donne sur l’abri sont enfumés…le premier qui se trouvait à l’écart est légèrement blessé à la joue. A 4 heures du soir, nous apprenons avec joie que nous allons au repos et que nous quittons la position où nous sommes, et même la . Tous nous sautons de joie car n’importe quelle position que nous prendrons ne sera plus terrible que les Hures !!! Nous devons laisser les pièces de canon aux Batteries qui viennent nous remplacer. Le soir, nous faisons…en dehors de notre abri –

4 Mai : On nous apporte la soupe à 3h du matin pour toute la journée…rien qu’à regarder la marmite, on n’a plus faim…nous commençons à apprêter nos paquetages pour le soir quand un ordre arrive par téléphone : le repos est supprimé…nous accueillons cet ordre en murmurant…encore une fois, nous nous mettons une large ceinture pour le repos !!!

5 Mai : Je descends le soir à Monts pour quelques jours, nous couchons dans une maison abandonnée, car tous les civils sont évacués. Nous levons à 4 h pour aller à Miranvaux – Arrivons à l’échelon, je mange avec le fourrier et Charrier, me repose l’après-midi. Vers le soir, de loin la fusillade : encore une attaque allemande –

6 Mai : Nous allons à Haudiomont avec 2 camarades, car les civils doivent partir. J’achète un superbe … (4,50) du vin blanc, bordeaux, vieux marc et mirabelle, rentrons à l’échelon où l’après-midi nous faisons la fête, il y a si longtemps que l’on n’a pas bu quelque chose d’aussi bon !!!

7 Mai : affrète mon … pour remonter ce soir – une lettre d’Elise m’annonce la présence de Louis Tosty à Paris…j’ai la bonne fortune d’aller jusqu’à Monts en voiture avec le vaguemestre…passons par Mesnil, lorsque nous montons, les fusées éclairantes sillonnent la nuit, on dirait un feu d’artifice, l’artillerie se met de la partie - Arrivons à l’abri, nous remplaçons les camarades qui descendent – Je vais avec un camarade porter un pli au commandant à l’abri carré, mais dans la nuit, nous nous perdons : les bois et arbres hachés par les obus barrent à chaque instant le sentier, nous sommes obligés de revenir et d’y aller par le plateau, pourvu que les balles ne nous touchent pas….nous arrivons sans encombre et rentrons de même –

8 Mai : Journée assez calme…tous, nous désespérons d’aller au repos et pourtant l’état-major et le 4 ème groupe sont partis… Hier, sur la tranchée de Calonne, 4 compagnies Boches étaient sorties de leurs tranchées en levant les bras en l’air et en criant : « Kamarad Fransouz… », mais les marocains et les chasseurs à pieds ne s’y sont pas laissés prendre, car la plupart des Boches avaient leurs poches pleines de grenades, nos mitrailleuse les ont fauchés comme des lapins… A 3h du soir, nos officiers aperçoivent sur la crête un officier Boche suivi d’un immense drapeau blanc et d’une trompette qui joue en marchant : c’est un parlementaire qui vient demander une armistice de 3h pour ramasser leurs blessés et enterrer leurs morts. Le général français lui fait répondre qu’aucune armistice n’est accordée, le parlementaire allemand est reconduit en avant de nos lignes par un capitaine français, c’était probablement un coup de traîtrise de la part des Boches –

9 Mai : Il fait un temps splendide, l’après-midi, nous étions en route de jouer aux cartes devant l’abri quand le sifflement d’un obus et en même temps l’éclatement d’un 150 à 25 mètres de l’endroit où nous étions…il était temps…à toute vitesse, nous avons fait un plat ventre dans l’abri – A 4h le soir, je vais porter un ordre en bas de la crête pour arrêter le tir du canon tronqué, car les obus tombent dans nos lignes.

10 Mai : Je descends pour aller passer 4 jours à Miranvaux, il est 6h du matin…je descends les Hures, et rencontre l’aspirant qui m’offre son cheval qui s’en retourne…je traverse la plaine en allant sur Bonzée, un 105 fusant tombe à 200m en avant de moi, j’oblique sur la gauche, un deuxième arrive à 30m sur ma droite, il était temps que je me déplace, nous partons avec le planton de l’aspirant au galop, arrivons à l’entrée de Bonzée où je suis obligé de re-seller mon cheval jusqu’à Miranvaux…nous arrivons sans trop d’encombres…je roupille jusqu’au soir…

11 Mai : Encore fatigué, je ne fais que roupiller et vers le soir je vais me nettoyer

12 Mai : Je vais me promener dans le bois, c’est magnifique…

13 et 14 Mai : nous allons à la promenade des chevaux à Sommedienne, nous en profitons avec Maurice Clère pour faire des provisions avant de remonter aux Hures, nous nous faisons faire une bonne omelette au jambon et buvons une paire de bonnes bouteilles de Champagne…Avec quel plaisir nous digérons tout cela – En revenant je vois un champ de seigle…je suis tout étonné de voir la végétation avancée, il y a une année que je n’ai pas vu cela…

15 Mai : Fais mes préparatifs pour remonter le soir ; du côté d’Arras, cela marche très bien, nous avons pris 20 canons – Ce jour, je reçois une grande lettre de mon Elise qui me donne des nouvelles sur Dontrien…nous allons peut-être revoir les nôtres bientôt – De Dontrien, il reste la ruine – Nous passons par la tranchée de Calonne, j’en profite pour voir Constant Bacquenois…arrivant à sa tente, un camarade me dit qu’il vient de sortir…je continue mon chemin quand je m’entends appeler : c’est Constant qui crie après moi…je lui montre la lettre d’Anaïs au sujet des nouvelles de Dontrien, il m’accompagne jusque Mesnil en passant par les trois juris…je dois le revoir quand je redescendrai – En arrivant à Mesnil, un incendie achève de se consumer, je constate que l’église est encore plus abîmée qu’avant – Nous passons la pause dans les pruniers au-dessus de Mesnil en attendant la voiture qui nous amène nos fourbis – Sommes obligés d’attendre plus de 2 heures, les fusées éclairantes sillonnent le ciel du côté du Bois-Haut – La voiture arrive enfin, nous montons avec notre fourbi sur le dos. Arrivés à la source dans le bas des Hures, nous buvons nombre de quarts d’eau – Arrivons en haut, remplaçons les camarades, il est minuit – Dormons à poings fermés.

16 Mai : Temps splendide, je prends la consigne du matériel ; le sous-chef descend, la journée se passe assez calme, les grosses pièces tirent de temps en temps – L’Italie n’a pas l’air de marcher avec nous – Nous allons faire notre cuisine aux Hures, car nous mangeons trop mal…Le soir, quelques hommes descendent à Mesnil, et rapportent une cuisinière pour faire notre popote, le soir nous faisons concert jusque 11 heures.

17 Mai : Journée assez calme, quelques 150 tombent sur le plateau en avant des pièces, Mesnil brûle encore – D’après renseignements par Constant Bacquenois, le jour où les Boches nous ont percés par la tranchée de Calonne, nous avons eu 15 pièces de démolies, dont 2 mortiers de 220, modèle tout récent qui n’avait pas encore tiré - Le soir, nous étions partis avec un homme pour ramasser des escargots, mais arrivés sur la ligne des pièces, une Batterie de 105 nous tire, les coups tombent sur le chemin du 120 à la 9ème , nous ne pouvons y aller.

18 Mai : Matinée assez calme, à midi comme maintenant, nous faisons la cuisine sur la position, nous mangeons une soupe délicieuse, quelques fusants passent au-dessus de nous – Après-midi assez calme, vers 4h, le 155 de Bonzée a fait du bon travail en faisant sauter un dépôt de munitions Boche, les étincelles montent en l’air à plusieurs centaines de mètres – Sur la situation générale, malgré la démission du cabinet italien Salandra qui est revenu au pouvoir, nous croyons tous que cette puissance va se joindre à nous.

19 Mai : Un coup de téléphone m’appelle de bonne heure pour donner à la ca…les matricules et freins des canons – Le capitaine Heuche descend à Miranvaux…nous apprenons par un caporal du Génie qu’il doit y avoir une attaque le soir…nous n’avons aucun ordre le matin –

20 Mai : Nous apprenons que nous allons céder la position des Hures, les échelons se préparent à quitter Miranvaux. Je reçois un gros colis avec un litre de marc qui est accueilli avec enthousiasme – Nous ne savons pas où nous devons aller, nous savons seulement que c’est le deuxième corps qui nous remplace –

Vendredi 21 Mai – S.Hospice Suis chargé par le capitaine de prendre le matériel en consigne pour le passer au régiment qui va nous remplacer – Le général de Guitant commandant le 2 ème corps d’Artillerie est arrivé aux Hures – Nous comptons les obus, je prends les numéros des tubes et des freins – Dans l’après-midi, les Boches tirent sur Mesnil – Il fait une chaleur atroce – Il paraît que nous devons toucher de nouvelles pièces – L’échelons et la Batterie de tir doivent partir ce matin, seule la section qui est aux Hures reste en attendant la Batterie qui la remplacera.

Samedi 22 Mai – Ste Julie Le capitaine Heuche est parti, le lieutenant Josnenhaus reste avec nous. A 8 h du matin, le 29 ème d’Artillerie, 6 ème Batterie doit venir nous remplacer, les chefs de pièces et pointeurs sont seuls arrivés…ils prennent la consigne du matériel…en allant à la carrière, les officiers craignent une attaque des allemands sur Combres – Nous avons l’ordre de redescendre demain soir à 8 h –

Dimanche 23 Mai – Pentecôte Il fait une forte chaleur – Le 29 ème d’Artillerie signe le bon de décharge du matériel – Les officiers du 46 ème font tirer pour montrer à ceux du 29 ème les éléments de tit – Je descends des Hures à 1 h de l’après-midi, avec quelle joie je quitte cette crête !!!je passe par Bonzée et gagne Monts en tachant de me défiler du bois de Combres – Entre ces deux pays, suis forcé de m’arrêter, je n’en peux plus, encore bon que mon bidon est plein d’eau et que j’ai de l’alcool de menthe – Arrive à Monts, entre à l’église où un spectacle épouvantable s’offre à mes yeux….tout est détruit à l’intérieur…je gagne l’échelon par les bois, je suis en nage… Nous partons à 11h du soir, la 2 ème section descend à 10h – Montons à cheval, il fait un temps splendide – passons par Sommedienne, Dienne, Ancermont, Villers/Meuse, les Monthairous, Tilly-sur-Meuse…nous passons au trot, car nous sommes en vue des Boches, passons à , arrivons à Woimberg à 3h1/4 du matin – Je croyais trouver un village détruit, aucune maison n’est détruite, et chose étonnante, les cafés vendent à boire…nous trouvons du vin et de la bière – Prenons nos cantonnements, je me tape une bonne omelette et me couche car je suis éreinté, je n’en peux plus – Sommes tout à côté du fort de Troyon –

Mardi 25 Mai S. Urbain Vais à la promenade des chevaux, allons dans le bois de Marcoulieu, les champs sont ensemencés , quelle différence avec le coin que nous venons de quitter – Presque tous les hommes fêtent Bacchus, il y a si longtemps que nous n’avons pas été comme cela – Les gens sont assez aimables – Je vais à la pêche à la mannecute après-midi mais revient bredouille.

Mercredi 26 Mai – S.Phil.de N. 5h promenade des chevaux, allons jusque Lahayneix, il paraît qu’il y a beaucoup de sangliers dans la forêt de Marcoulieu – Quelle différence de nourriture avec les Hures, nous mangeons chaud, avec nous dans le pays, des fusilliers marins et de la forteresse.

Jeudi 27 Mai – S.Ildevert 5h promenade des chevaux – Passons des revues cet après-midi – Pouvons avoir du tabac – Journée se passe calme –

Vendredi 28 Mai – S.Olivier Même programme que la veille

Samedi 29 Mai – S.Maximin Suis commandé pour être observateur et je pars le soir avec 3 hommes – avons 8 kms à faire dans la forêt, arrivons à 7h le soir, sommes en pleine forêt… L’échelle a 25 mètres de haut, elle est au carré…je monte en haut où je m’assieds et m’attache…il y a le téléphone, triangle de visée, télémètre, chronomètre et un croquis du secteur…je prends la faction de 9h à 11h – Il fait froid en haut, repère lueurs départ du côté du camp des Romains, fusées éclairantes du côté des Paroches –

Dimanche 30 Mai – Trinité Le commandant de vaisseau est venu observer à notre échelle Le téléphone, qui se trouve aussi dans l’abri où nous couchons, nous réveille souvent la nuit…nous sommes reliés avec , et la côte 329 – En haut, nous découvrons le camp des Romains , fort de Siouville, le bois d’Ailly, fort des Paroches, chapelle Ste Marie, , chapelle St Nicolas, Moulin Haut, Bel Air, La Croix/Meuse, , Bois des Chevaliers, Spada, derrière une crête, fort de Troyon – Nous dominons les tranchées allemandes – A 5h du soir, la 9 ème Batterie ouvre le feu, le 1 er coup tombe juste dans la tranchée Boche se trouvant à droite du bois rectangulaire, les coups suivants sont courts et tombent en avant – sommes remplacés par une équipe de la 9 ème et rentrons à la nuit.

Lundi 31 Mai – Ste Pétronille Je dois faire le service d’observation tous les 3 jours – Vers midi, nous apprenons que le lieutenant Josnenhaus est blessé à la Batterie d’avion…il a paraît-il 2 éclats dans le bras et un à la fesse – Une heure plus tard, nous apprenons qu’un 150 était tombé à 10 m en avant de la 3ème pièce, le lieutenant étant sorti pour voir si les hommes étaient touchés, fut blessé en sortant – Un avion allemand était juste au-dessus des pièces et réglait le tir – La section a épuisé ses munitions.

Mardi 1 er Juin – S.Pamphile Je dois remonter ce soir pour l’échelle observatoire – Fais quelques provisions à Woimbey, je monte avec de nouveaux hommes – Nous partons à 5h et arrivons à 6h1/2 – Je prends la faction de 9h à 11h – Les fusées allemandes se succèdent sans interruption de la direction du camp des Romains. J’en compte 119 de 9h25 à 9h55 – je repère une lueur départ du côté du bois triangulaire – je descends à 11h, le téléphone nous embête dans la nuit –

Mercredi 2 Juin – Ste Eulalie Allons chercher de l’eau, il faut faire 2 kms pour aller à la source – J’observe de 10h à midi, nos pièces tirent sur la Selouze et Dompierre, les Batteries allemandes répondent sur La Croix/Meuse et nos tranchées se trouvent sur la gauche de la chapelle Ste Marie – Il fait un temps sombre qui gêne beaucoup l’observation – Rien de nouveau l’après-midi, la relève s’amène à 7hg – Repartons à Woimbey, j’arrive à 9h.

Jeudi 3 Juin – Fête-Dieu Me lève tard – Je vais me nettoyer au ruisseau – Le soir, je mange avec Médard au café : omelette, salade, desserts – sortons avec les sous-officiers

Vendredi 4 Juin – S.Optat. Apprête mon…pour ce soir – On décore de la croix de guerre 2 sous-officiers : Clerc – Herbillon, et 2 pointeurs : Dimi – Martinet Je pars à cheval sur le bourrin du lieutenant aviateur qui est à l’échelle avec nous – Faisons un poker avec le lieutenant Dechere Je prends la faction de 3h à 5h

Samedi 5 Juin – Ste Valérie 3h du matin, je monte à l’échelle – Brouillard intense, impossible d’observer, je ne vois même pas la bordure de la forêt. Je fume quelques cigarettes en haut. Je remonte de 9h à 11h le matin, il y a encore de la brume. Les Boches tirent sur Bel Air et sur nos tranchées au nord de la côte Ste Marie – crois percevoir les départs d’une Batterie Boche dans les bois de la côte Ste Marie – Nous étudions la carte et l’emplacement des batteries allemandes – Quittons l’échelle pour rentrer à Woimbey – je dors comme un loir.

Dimanche 6 Juin –S.Claude Enfin je vais pouvoir assister à la messe, il y a si longtemps que je n’ai pu le faire, c’est la Fête-Dieu, l’église est très belle et remplie de monde – Nous savons que le général Roques, commandant d’armée doit venir cet après-midi – A 3h, les autos traversent Woimbey sans s’arrêter pour aller aux positions…dans la deuxième auto il y a un civil, c’est Poincaré, il est coiffé d’une casquette – C’est avec regret hier que nous avons appris la chute et reprise de Trzemyls par les austro-boches.

Lundi 7 Juin – S.Lié Je dois remonter ce soir, je me fais faire une petite omelette pour déjeuner – Hier, j’ai reçu la lettre d’Anaïs me donnant de nouveaux détails sur Dontrien – Nous partons à 5h1/2 à pied pour l’échelle, il fait une chaleur torride, arrivons en nage à 7h – je dois prendre la faction de 3h à 5h – Le soir le téléphone nous embête un peu mais nous dormons bien quand même.

Mardi 8 Juin – S.Médard J’écris du haut de l’échelle . 3h du matin, le camarade qui a pris la faction avant me réveille, avec un peu de tiraillement je me lève et monte à mon poste – Il y a de la brume – Derrière moi le bruit d’un moteur : c’est un français, , un autre biplan survient et entre dans les lignes allemandes, il n’est pas inquiété – A 5h, il y a encore du brouillard – La journée se passe assez calme, le matin avons eu la visite du commandant Baumann et du lieutenant conseil – A 6h du soir, je remonte à l’échelle avec le lieutenant, nous avons une vue superbe, découvrons St Mihiel, sur la hauteur on voit les casernes de démolies. Découvrons Lowigneville – Un draken Boche se trouve très loin derrière le bois de Narmont, nous le télémétrons , il se trouve à 13 kms – Revenons le soir à Woimbey, sommes obligés de nous arrêter à la côte 329 au poste téléphonique, car des 105 tombent entre nous et la Batterie d’avion – arrivons à 9h le soir à Woimbey.

Mercredi 9 juin – S.Félicien Me lève de la grange assez tard – Profite du repos que j’ai pour faire laver mon linge à une bonne femme – Rien de bien important aujourd’hui – Le soir nous mangeons une bonne omelette avec 3 de mes camarades, G.Regnault est avec nous.

Jeudi 10 Juin – S.Landry Doit monter ce soir à l’échelle A 5h du soir, recevons l’ordre de préparer nos paquetages, de façon à nous tenir prêts à partir…aucun de nous ne s’attendait à cela, nous roulons manteaux et couvertures, il paraît que nous allons à Troyon, mais rien n’est sûr… Je monte quand même à l’échelle, la nuit se passe assez calme – Je prends la faction de 4h à 6h le matin, tout est bien tranquille…à la jumelle, je distingue très bien St Mihiel – Le soir, nous avons joué au poker avec le lieutenant – Aujourd’hui, nous n’avons pas eu de lettres, nous ne savons pas pourquoi.

Vendredi 11 Juin – S.Barnabé Le matin, le lieutenant conseil avec un officier du 57 ème d’Artillerie vient reconnaître les positions et postes d’observation car c’est ce régiment quoi est à Troyon qui vient nous remplacer et nous, nous allons à Troyon…les Batteries doivent partir cette nuit à 2h, nous serons sans doute relevés ce soir par une équipe du 57 ème d’Artillerie – La 9 ème Batterie vient nous remplacer encore ce soir – Nous rentrons à Woimbey à 9h1/2, les chevaux sont sellés, et beaucoup fêtent le départ de Woimbey…A 11h, nous montons à cheval et à 11h45 le groupe traverse Woimbey, se dirigeant sur Bournemont que nous traversons, passant à Tilly/Meuse – Le temps est calme et la chaleur ne nous incommode pas Minuit – Passons à Villers/Meuse, où nous obliquons à droite…nous traversons la ligne de chemin de fer, et ensuite la Meuse avec un pont de bois construit par le Génie, car le pont de pierre a sauté au mois de septembre. A Villers, se trouve un hôpital d’évacuation. Arrivons à Ambly, où nous croisons le 57 ème qui va nous remplacer à Woimbey – Arrivons à 2h du matin à l’entrée de Troyon, le brouillard est très fort le long de la Meuse, nous faisons halte dans un terrain sur la droite de la route –A 4h, prenons possession de notre cantonnement, ce sont des cabanes couvertes en chaume, assez bien aménagées, derrière ce sont les cuisines et écuries – J’ai omis de dire qu’après avoir traversé la Meuse, nous avons passé le canal latéral au fleuve – Je me jette sur la paille en arrivant, voilà 72 heures que je n’ai pas fermé l’œil.

Dimanche 13 Juin – S.Ant. de P. Achevons de nous installer. Je couche avec mes servants, les conducteurs couchent dans un gourbi à côté des écuries – allons faire notre toilette au canal qui est à 200m de nous – nous sommes sections contre avions, nos pièces se trouvent à côté du fort de Troyon, des hommes sont montés hier pour 3 jours. Le soir, je vais à Troyon même, je vois beaucoup de mes copains du 4 ème groupe, en revenant je rencontre Collard de Cauroy, il est au 5 ème à pied et avec une Batterie de 120 long au bois de la Gauffière – En rentrant à la Batterie, le chef me dit de me tenir prêt pour 3h15 du matin, avec 12 hommes en tenue de campagne et avec des balles – A force de presser le chef de questions, j’apprends qu’une fraction de toutes les armes du secteur assiste le matin à l’exécution d’un homme condamné à mort – A peine si je dors en pensant au tableau que je vais voir tout à l’heure – 1h du matin, réveil…nous apprêtons…je descends au bureau de la place où j’arrive à 2h1/2, me présente à un officier qui me dit d’attendre et de me mettre à la suite de l’Infanterie – 3h…les troupes s’amènent, je pars derrière l’Infanterie avec le 4 ème groupe (11 ème Batterie)…un lieutenant nous commande…Traversons Troyon au pas cadencé, à la sortie nous obliquons à gauche, des sentinelles sont placés tous les 4 mètres, des gendarmes à cheval gardent les crêtes…nous faisons 200m sur le chemin et les troupes se massent à droite dans un vallon…nous formons le carré, nous l’artillerie nous en sommes l’extrême droite, à côté de nous l’intendance, les infirmiers, les chasseurs et tranglots , ensuite l’infanterie, le 211 ème , le 220 ème , le 302 ème …nous sommes environ1000 à 1500 hommes ; A 50 mètres de nous, en avant, nous voyons un petit piquet haut de 1m20 qui va servir tout à l’heure de poteau d’exécution…en face, à 40 pas, 12 hommes d’Infanterie et un officier avec un adjudant : c’est le peloton d’exécution, un commandant du 211 ème nous commande : « Baïonnette au canon !… » A 3h45 une voiture d’ambulance derrière 40 hommes baïonnette au canon…un commandement retentit : « Présentez armes !… » Nous voyons défiler devant nous ces 40 hommes où en tête se trouve un homme sans arme, c’est celui qui va être fusillé…il n’a plus de boutons à sa capote, sans doute il a été dégradé avant…2 prêtres l’accompagnent, il marche très vite en fumant une cigarette…A ce moment, les tambours et les clairons sonnent aux champs, un frisson vous passe dans les veines….Celui qui va être fusillé est de taille moyenne et assez trapu, il a 28 ans, le teint bronzé et la barbe noire…en passant près du peloton d’exécution, il jette son briquet en disant : « voilà pour le meilleur tireur »…il se dirige lui-même sur le poteau où en même temps on lui lie les mains et lui place un bandeau, en se séparant un prêtre lui a donné une poignée de main, il fume toujours sa cigarette…pendant ce temps, sur un signe, le peloton d’exécution vient se placer à 6 pas de lui… Un officier lit la condamnation : « Le soldat Verner du 302 ème régiment d’Infanterie, pour voies de fait et outrages envers un supérieur, a été condamné à la peine de mort. » A peine lecture finie, au milieu d’un silence impressionnant pour tous, l’officier commandant le peloton lève son épée et commande : « Joue, feu ! » Les fusils s’abaissent, les 12 coups partent, confondus en un seul, son corps reste un instant droit, incline légèrement en avant, mais étant attaché par les mains, tombe sur le côté droit du poteau…Au même moment, un adjudant arrive près de son corps et lui donne le coup de grâce en lui logeant une balle dans la tête. Les balles l’ont traversé de part en part, car sa chemise et sa capote formaient des lambeaux d’étoffe derrière son dos. Ensuite, on nous fit défiler devant son corps, l’arme sur l’épaule…le poteau d’exécution était couvert de sang… D’après ce que j’ai pu avoir de détails sur ce soldat, il paraît qu’étant ivre, il s’est jeté sur son commandant avec sa baïonnette et son fusil chargé, il voulait le tuer…mené au poste, a eu des voies de fait envers les supérieurs…son carnet civil avait de nombreuses condamnations – En ne tenant aucun compte de ce que ce militaire avait fait, il ne portait pas sur la figure une mine sympathique. Nous sommes rentrés à la Batterie à 4h1/2 du matin.

15 Juin : Dors jusqu’à 10h, Collard est venu me voir, l’après-midi avons douches.

16 Juin : Des avions Boches se font canarder et rentrent dans leurs lignes Ce soir, suis de garde à Troyon, au poste de la route d’Ambly, prends la consigne et ma feuille au bureau de la place. Je reçois sur carte postale la photo d’Elise et de Marie-Thérèse : je trouve qu’elle me ressemble énormément. Des journalistes français et anglais visitent le front où nous sommes – La 12 ème Batterie part cette nuit pour Monts (paraît-il). Il est impossible d’acheter du vin à Troyon… beaucoup de civils ont déjà eu de nombreuses condamnations pour vendre aux soldats. Il y a un général du 15 ème corps du midi, commandant de place, qui s’occupe probablement plus de cela que de la guerre – Je dois aller aussitôt relevé de ma garde reconnaître les positions de batteries comme éclaireurs. Suis relevé de garde à 5 heures, j’ai porté mon rapport à la place de Troyon – Je remonte avec mes hommes à la Batterie.

17 Juin : Je vais à la promenade des chevaux, nous passons à Ambly, Villers et Ricourt – Je rassemble les éclaireurs pour aller le soir à 5h reconnaître les positions – Mangeons de bonne heure et partons avec Médard et le brigadier Martin à 5h – Traversons Troyon et allons à la position d’avion qui se trouve près du fort de Troyon, revenons près du chemin de halage, le long du canal, de façon à être défilé, nous arrivons à La Croix/Meuse que nous traversons. Ce village est occupé par de l’infanterie, le 211 ème…la partie de village du côté de Troyon n’est pas démolie, mais lorsqu’on a fait 400 ou 500 mètres, l’on a sous les yeux le plus beau tableau de désastre et de destruction qui puisse exister…bien que La Croix soit bombardé tous les jours, sa démolition date du mois de septembre 1914, lors du terrible bombardement du fort de Troyon – Des rues entières ne sont plus que des tas de pierres…passons à côté de l’église qui est en partie démolie, nous voyons qu’à l’intérieur tout le mobilier, statues etc… git pêle-mêle et à moitié brisé…nous attachons nos chevaux à une grille à la sortie du village et allons à pied reconnaître la position de la 7 ème Batterie qui se trouve entre le canal et la route de St Mihiel. Nous ne sommes qu’à 9 kms de cette ville. Etant à côté des abris de pièces, nous sommes obligés de nous abriter, car un avion allemand survole nos lignes…attendons ¼ d’heure, revenons à nos chevaux en passant à côté de l’église….je donne mon cheval à Médard et j’entre pour voir le désastre : tout est brisé, les chaises forment un tas au milieu, des pierres de la voûte gisent en tas, l’autel est brisé, le pignon du mur du côté nord est effondré, des statues de la Vierge et des saints sont encore sur leurs socles et semblent contempler l’œuvre des barbares… Nous allons au bois de Gauffière où se trouve la 9 ème Batterie, nous la reconnaissons et revenons par le canal, quelques grosses marmites arrivent à l’est de La Croix – Nous essayons d’aller à Woimbey, mais il faut traverser la Meuse, nous cherchons un gué mais n’en trouvons pas et rentrons au cantonnement à 8h1/2 du soir. Je suis accroché par un de mes copains de la 9 ème Batterie pour faire un pocker, nous jouons jusqu’à 2h du matin, j’ai perdu 9.50

18 Juin : Vais à la promenade des chevaux, la 12 ème Batterie est partie entre Rupt et Mouilly, nous nous attendons à une attaque sous peu, les nouvelles des journaux sur le front nous font plaisir – Le soir, je joue aux cartes avec l’adjudant, toute la nuit nous entendons passer des voitures sans discontinuer, des voitures pour lancer du pétrole enflammé partent pour les tranchées.

19 Juin : Dimanche - Le vétérinaire vaccine tous nos chevaux à la paupière inférieure de l’œil, on appelle cela : malleini – La matinée se passe calme – A 1h30 de l’après-midi, notre artillerie ouvre le feu brusquement, ce n’est qu’un roulement sans fin…Les Bois Haut ne sont plus qu’un nuage de fumée – Les Boches répondent par quelques marmites, bnos avions font de la bonne besogne, bien que se faisant canarder – Le bombardement s’arrête de temps en temps, mais pour reprendre aussitôt – L’Infanterie qui était descendue des tranchées, est en cantonnement d’alerte – L’action se passe du côté de Mouilly, côte 340, et les Eparges – La nuit se passe au son du canon et des mitrailleuses.

20 Juin : Le bombardement continue sans interruption, nos avions survolent constamment les lignes Boches – Le capitaine visite nos cantonnements – Aujourd’hui, on nous a distribué la citation de la division, ceux qui ont assisté aux attaques des Eparges en ont une, j’envoie cette feuille chez moi – J’apprends par l’adjudant, que je dois retourner à l’échelle de Marcanlieu à mon poste d’observation…je suis très content d’y retourner, nous devons y rester 2 jours.

21 Juin : Reçois l’ordre de partir à 9h le soir pour aller à l’échelle, je prends 6 chevaux de ma pièce et un avant train pour mener les 3 servants, nous passons par Ambly, passons le canal…mon cheval a peur sur le pont et recule, je veux sauter, et en sautant je m’accroche à mon sabre et arrache ma culotte de haut en bas, je roule par terre mais je n’ai aucun mal…la bourrique prend la purge pour la peine…un peu )plus loin, traversons la Meuse sur un pont en bois fait par le Génie, passons à Villers/Meuse, à Tilly/Meuse, Boucquemont et Woimbey où nous nous arrêtons…là, nous trouvons de la bière et du vin, nous faisons force provisions : nous achetons de la salade, huile, vinaigre, oignons, homard, nous disons bonjour aux personnes chez qui ma pièce était – Nous nous dirigeons vers l’échelle observatoire…en passant près d’une section d’artillerie occupée par le 57 ème , un avion Boche survole nos lignes, cette section lui envoie seulement 2 coups de canon, c’est honteux de voir ça…avec les corps du midi c’est toujours la même chose, ils sont froussards et peureux au dernier degré, ils ont seulement de la g….. et c’est tout, aussi nous ne pouvons pas les voir – Arrivons à l’échelle à 6h30 – Le lieutenant Pelissier qui est avec nous est arrivé…les hommes que nous relevons repartent avec l’avant-train Je prends ma faction de 8 à 10h – Beaucoup de fusées éclairantes du côté des Paroches, par contre à ma gauche sur Mouilly, l’artillerie donne toujours et les fusées se succèdent sans arrêt – Je reprends de 4h à 6h le matin, à 5h1/2 une contre attaque Boche se déchaîne, les mitrailleuses donnent sans interruption, le calme ne renaît qu’au bout d’une heure – Nous faisons des frites pour déjeuner.

22 Juin : La journée se passe assez calme ; au loin, sur notre gauche, un grondement sourd se fait entendre…je prends le soir de faction de 8 à 10h, à 8h45 une contre attaque Boche se déchaîne avec une fureur du côté de Vaux-les-Talameix, l’Infanterie française demande le tir de barrage de l’Artillerie par 4 fusées rouges qui retombent en pluie d’étoiles…les mitrailleuses donnent avec violence…quelques minutes après, l’artillerie entre en scène, je vois du haut de mon observatoire les lueurs de départ de nos pièces, les fusées éclairantes de part et d’autre se succèdent sans interruption…à 9h45, le calme renaît peu à peu. Du côté du bois d’Ailly, les troupes des deux côtés paraissent énervées, je repère plusieurs lueurs de départ dans les bois de Gilaumont, Narmont et les capucins – Un téléphoniste me remplace à 10h, nous sommes réveillés par le téléphone constamment – A 10h1/2 une autre contre attaque très violente se fait entendre –

23 Juin : Je monte à l’échelle vers 9h du matin, avec les jumelles je repère une pièce de 15 cm se trouvant derrière le bois triangulaire, les coups de cette pièce tombent sur Woimbey. Le lieutenant signale cette pièce à l’artillerie de Troyon – Je remonte à l’échelle à 1h de l’après- midi. Vers 1h1/2, le draken Boche s’élève, mais il est très loin – A 2h, une pièce de 130 tire sur Tilly, on nous la signale, à force de regarder avec la jumelle je finis par le repérer. Cette pièce se trouve à 675 millièmes à droite du clocher de Bannoncourt ; nous la signalons sur le champ à Troyon artillerie – Peu après, un nouveau draken s’élève derrière le bois de Gilaumont, puis un 3 ème très loin sur Vigneules Hattanchâtel – La pièce de 130 ne cesse de tirer, réglée par les ballons – La relève arrive à 6h, nous repartons…Le lieutenant nous félicite pour l’observation…Arrivons à Woimbey à 7h1/2, nous arrêtons pour attendre la nuit, on ne laisse plus sortir de voitures de jour. Je vais chercher le mot de passe à la salle de service à Woimbey, le bombardement a tué un jeune homme, blessé un jeune fils et 3 soldats, dont deux grièvement – Tous les pays de la vallée ont été bombardés : Boucquemont, Tilly, Villers/Meuse dont on a été forcé de faire évacuer les blessés de l’hôpital – Nous rentrons à 10h, 3 lettres de mon Elise m’attendent, je les lis et me couche.

23 Juin : Je me lève à 9h, car aujourd’hui nous avons repos ; la Batterie qui a tiré hier sur les pays de la vallée tire encore aujourd’hui…les obus passent au-dessus de nos huttes, Villers semble particulièrement visé…les trains qui y venaient ne viennent plus que jusqu’à Ancermont – J’ai reçu un gros colis où un vieux litre de marc s’y trouvait…avec les camarades nous le goûtons, il est excellent et malheureusement bientôt se vide…

24 Juin : Vais à la promenade des chevaux, passons par Genicourt et revenons par Ambly, un orage nous surprend en route et nous sauce comme des lapins. A 1h de l’après-midi, un planton cycliste de l’état-major me donne l’ordre de me rendre au bureau du colonel, c’est sans doute au sujet de la Batterie qui tire sur la vallée…j’y descends sur le champ…Le commandant Wassmann et le lieutenant Demoncin travaillent sur la carte pour avoir l’emplacement exact de la pièce ; je suis interrogé sur ce que j’ai vu, je donne les détails que je connais. Le soir, je vais à la pêche mais ne prends rien. 25 Juin : Promenade des chevaux…en chemin, je trouve un très beau cheval, je le ramène à la Batterie, mais 2h plus tard, on est venu le rechercher - suis retourné à la pêche l’après-midi et rentre encore bredouille. Aujourd’hui, veille de l’anniversaire de ma fille, j’ai envoyé une carte à cette occasion – Georges Regnault m’annonce la mort à Carency (Nord d’Arras), du premier fils de Thiebault, charcutier à Vaudesincourt – Si je ne me trompe, Maillard de St Souplet, facteur à Jonchery/Vesle et que j’avais rencontré l’hiver dernier à Monts au poste de secours du 106 ème d’Infanterie, doit être tué aussi.

26 Juin : Promenade des chevaux le matin Les pays de la vallée sont encore bombardés, des obus tombent en avant de Génicourt ; l’état- major n’est pas d’accord pour déterminer l’e mplacement exact de la pièce, des avions survolant le bois de Narmont et prenant des photographies n’ont rien découvert.

27 Juin : Je dois partir aujourd’hui pour l’échelle observatoire, nous apprêtons notre paquetage…le matin, 4 obus tombent sur Villers – Nous partons à 2h après-midi, passons à Ambly, le pont de la Meuse, Villers qui est évacué…quelques vieilles femmes y sont encore…une maison sur laquelle est tombé un 150, est démolie ; le feu y a été communiqué par l’obus…passons à Tilly, Boucquement où nous laissons souffler nos chevaux 5 minutes…arrivons à Woimbey, je crains d’être attrapé en passant de jour, mais cela se passe bien, nous garons l’avant-train à côté de l’église et allons prendre un verre, nous achetons de la salade, huile, vinaigre, oignons et 5 litres de vin – Quittons Woimbey à 5h30, arrivons à l’échelle à 6h30 – La nuit se passe calme, je prends ma faction le matin où rien d’anormal ne se passe.

28 Juin : Le lieutenant De Pelissier est remplacé par l’aspirant de la 8 ème Batterie, Mr Suquet – le temps n’est pas observable, il y a beaucoup de brume, le soir nous faisons une partie de pocker…je remonte à l’échelle de 11h à 1h du matin, quelques fusées sur le Bois des Chevaliers et le camp des Romains, parfois on voit les éclatements de grenades d’une tranchée à l’autre ; ce que l’on distingue très bien à l’oreille, c’est le roulement des voitures du ravitaillement Boche arrivant dans la nuit sur St Mihiel.

29 Juin : Je remonte à l’échelle le matin : le brouillard n’est pas encore levé – 9h du matin, la pièce de 130 tire un coup, je le signale à l’état-major de Troyon artillerie , en même temps je reçois l’ordre de faire tirer sur la Batterie 777 Boche…lorsqu’elle tirera, c’est la Batterie n°1 de 120 long qui doit tirer dessus…Troyon me demande des détails sur la position de cette pièce…une Batterie de 15 se trouvant un peu plus sur la droite tire sur La Croix – La Batterie 777 Boche ayant tiré deux fusants sur Rouvrois, le 120 long tire dessus pour lui faire fermer sa bouche. L’après-midi, la pièce de 130 tire à nouveau…un capitaine du 4 ème lourd vient nous demander des détails sur ce que nous avons vu au sujet de cette pièce – La relève arrive à 6h, repassons par un autre chemin pour gagner Woimbey où nous cassons la croûte en arrivant…repassons par les pays de vallée et arrivons au cantonnement à 10h du soir – La pièce de 130 a tiré sur Ricourt – J’ai une lettre de mon Elise qui m’attend – Nous couchons tous dans des hamacs, je dors mal, n’étant pas habitué – Demain, nous avons repos.

30 Juin : Je vais à Troyon le matin, j’achète deux lignes pour pêcher dans le canal l’après- midi…nous attrapons de petits vairons pour aller au brochet dans la Meuse ; j’y vais tou l’après-midi, mais je rentre bredouille – Le service de la Batterie est devenu pire qu’au quartier, les hommes et en particulier les conducteurs passent revues sur revues, jusqu’à 3 et même 3 par jour – D’après l’opinion des hommes, ils trouvent cela exagéré, les réservistes sont traités parfois un peu trop à la légère – Le moral des hommes s’aigrit plutôt qu’il ne s’améliore ; beaucoup demande la fin à grands cris – Si un homme se rebiffe un peu fort, on l’envoie aux Batteries de 58, c’est-à-dire aux fameux crapouillots dans les tranchées…les conducteurs font parfois 6 et 7h de pansage par jour, beaucoup sont découragés et pourtant tous sans exception ne demandent qu’à marcher de l’avant sur l’ennemi…mais qu’on ne les embête pas avec des revues et toujours des revues…et si encore c’étaient les officiers ou le capitaine qui passaient les revues, mais non, c’est tout bonnement l’adjudant, un aspirant (classe 1914), ou même un sous-off rengagé qui souvent se croit plus qu’un général… S ces chefs ci-dessus ne fortifient pas le moral et le courage des hommes, qui donc est-ce qui s’en occupera ?… Ce n’est pas en passant des revues sans fin qu’on obtiendra quelque chose des hommes, au contraire, c’est par le douceur, c’est en parlant avec eux de la guerre, de leur pays et de leur famille…le temps passe plus vite pour eux et ils prennent goût à ce qu’ils font.

Jeudi 1 er Juillet – S.Martial Je vais à la promenade des chevaux, tous les jours, nous avons appel à 5h30, allons sur la route de Rupt-en-Woëvre, passons par Genicourt et rentrons à 8h – A 11h, je vais à la pêche dans le canal – Le soir j’y retourne, je prends quelques ablettes…des avions français se font canarder mais ne sont pas atteints.

Vendredi 2 Juillet – Visitation N.-D. Appel 5h30 – Promenade des chevaux – Un nouvel aspirant est venu à la Batterie – Vais encore à la pêche après la soupe, prends quelques poissons…Dans le cantonnement de la 7 ème Batterie, 3 baraques couvertes en chaume brûlent – Je sors à Troyon le soir, nous parvenons à boire une bonne bouteille – Je fais connaissance avec un homme Montbré de Pouillon qui est établi maçon, il est à l’ambulance n° 8 et fait partie du train – Je vais au Salut le soir avec G.Regnault et 4 de mes hommes…Dans l’église de Troyon, beaucoup de monde…Le lieutenant Noir (prêtre) de l’état-major du 46 ème d’Artillerie nous dit quelques mots…me promets d’y retourner quand je pourrais.

Samedi 3 Juillet – S.Anatole Promenade des chevaux Nous devons remonter à l’échelle aujourd’hui – nous partons à 3h de l’après-midi de la Batterie, passons à Ambly, Villers, Tilly, Boucquement et Woimbey où nous nous arrêtons pour prendre un verre, acheter des provisions (vin, salade, oignons, conserves, persil, œufs, pommes nouvelles etc…) et laissons souffler nos chevaux car il fait une chaleur accablante – Repartons à 5h30, et arrivons à l’échelle à 6h20 – Nos chevaux repartent avec la relève descendante – Nous mangeons une bonne salade avec des œufs durs, du homard, maquereaux au vin blanc – Je dois prendre la faction de 3h à 5h le matin – Dans la nuit, vers 1h du matin, une ou plusieurs escadrilles d’avions français repassant les lignes Boches se font canarder, ils venaient sans doute de jeter des bombes sur une ville quelconque allemande.

Dimanche 4 Juillet – Ste Berthe La nuit a été assez calme ; le matin je monte à l’échelle, mais on ne peut rien voir rapport au brouillard – Vers 10h le matin le temps est plus clair, un avion allemand apparaît, une section du 57 ème d’artillerie ouvre le feu, mais les coups sont trop courts…on téléphone aussitôt d’allonger les coups de 500 mètres, l’avion fait demi-tour pour revenir ensuite, et cela pendant ¼ d’heure – A midi une Batterie de 150 Boche tire sur La Croix, cette Batterie se trouve à côté de Geuzey – Les derniers coups tirés par cette Batterie tombent en plein dans La Croix – L’après-midi nous apercevons les départs d’une Batterie allemande se trouvant du côté du bois Gobelard – Le soir, le monte à l’échelle pour prendre la faction de 9h à 11h…l’aspirant monte avec moi, du côté du bois d’Ailly, de Regniville en Haye, les Boches attaquent…leur artillerie tire à pleine volée – A 10h, nous apercevons des signaux avec une lumière du côté du camp des Romains…la nature de ces signaux montre que c’est du Morse – Une autre lumière apparaît du côté de Rouvrois et répond à la première…nous téléphonons aussitôt à l’état-major : peut-être est-ce de l’espionnage… Je repère quelques lueurs départs du côté de St Mihiel – Le reste de la nuit se passe calme – Le matin, il y a toujours du brouillard qui nous empêche d’observer. Deux officiers du 288 ème d’Infanterie passent près de l’échelle, et se trouvent égarés…je leur montre la carte…A un moment donné, un de ces officiers se trouve mal…Je lui fais boire quelques gouttes d’alcool de menthe qui lui font du bien – L’après-midi se passe assez calme. La relève arrive à 6h, le lieutenant Boutry nous explique son ascension en aéro pour repérer la pièce de 130 Boche qui tirait sur Villers…etc… Nous repassons par Woimbey, traversons la prairie et la Meuse sur un espèce de chaland qui n’est pas très confortable, ni sûr.

Mardi 6 Juillet - Ste Angèle De nombreuses lettres m’attendent en rentrant – me couche et me lève tard, car nous avons repos aujourd’hui – on commence à parler des permissions pour le front – nous n’avons aucun doute, si l’on nous donne des permissions, une nouvelle campagne d’hiver se prépare, les journaux préparent l’opinion pour cela – La Batterie se trouve consignée pour aller à Troyon et sortir du cantonnement, rapport à 2 hommes qui se sont fait prendre à Woimbey…tous nous en subissons les conséquences, cela n’est pas juste, aussi le moral des hommes est toujours très tendu envers ceux qui font des décisions – Le service est pire qu’au quartier, et cela pour des futilités de rien du tout…parfois je me demande si certains chefs, officiers ou adjudants et sous-officiers rengagés, se croient en guerre et pensent à refouler les Boches, on croirait vraiment qu’ils prennent plaisir à eng…les hommes, aussi bien réservistes que pères de famille, occupant une situation dans le civil supérieure à eux, plutôt qu’à faire la guerre…quelques-uns de ceux-là, sous-off rengagés, ne vont jamais aux positions et sont nuls en artillerie et sont juste bons à faire sortir le crottin des écuries…parfois, cela est répugnant…les postes les plus dangereux ont toujours été tenus par des sous-off non rengagés et réservistes : les sous-off envoyés au canon de 58 (crapouillots) ont toujours été des réservistes ou de la classe , et pourtant cela n’était pas juste… car celui qui en fait sa carrière devrait avoir à cœur de faire son devoir et même plus… en résumé, ils sont justes bons pour passer des revues ou moucharder leurs camarades.

Jeudi 8 Juillet – S. Procope Je vais à la promenade des chevaux – Collard vient me voir à 9h du matin – La conversation de la Batterie roule sur les permissions, tous aspirent à revoir les leurs. La Batterie d’avion reçoit des marmites de 150 le soir, jusqu’à présent elle n’était pas repérée. Beaucoup d’hommes sont malades en ce moment, beaucoup se plaignent de coliques ; la ration de viande est diminuée de 100 grammes, nous touchons du singe à la place et du corned-beef, les pommes de terre que nous touchons sont pourries…Quelques symptômes de typhoïde à la 7 ème Batterie se sont révélés – on achève de vacciner les hommes contre cela… Des obus sont tombés sur Ranzières. A Troyon, tout est hors de prix, c’est dégoûtant, jusqu’aux journaux que nous payons 0,10 F, pourquoi ne pas mettre le holà à ce vol ?…

Vendredi 9 Juillet – S. Cyrille Le capitaine doit partir en permission ce soir. Nous partons à 9h pour l’échelle, passons par Ambly, Villers, Tilly, Boucquemont où nous achetons de la salade et du vin, passons à Woimbey et arrivons à l’échelle à 6h1/2. Je monte à l’échelle avec l’aspirant pendant que les hommes font la croûte. Un biplan français est en l’air ; bientôt apparaît un avion Boche, type (aviatick), le biplan français fonce sur le Boche, pendant un moment les deux appareils marchent l’un contre l’autre, mais le Boche semble changer de direction et fuit dans ses lignes. Sur la route d’Hattonchâtel, à , j’aperçois des mouvements de troupes en convois, nous les signalons aussitôt à Troyon artillerie. Nous mangeons une bonne salade – A 8h45, la canonnade et la fusillade crépitent du côté d’Ailly, Apremont…nous ne savons pas si c’est les Boches ou nous qui attaquons. Vers 10h, du côté de Mouilly, c’est la même chose – Le frère de Julien Arnoult est venu me voir aujourd’hui avec G.Regnault ; il est au 28 ème d’Artillerie à Rupt-en-Woëvre – Le reste de la nuit se passe calme –

Samedi 10 Juillet – Ste Félicité Le temps est brumeux ce matin, on ne peut guère observer – un de mes hommes est malade. Je monte le matin avec l’aspirant, nous repérons certaines choses – A midi nous mangeons quelques légumes nouveaux pour la première fois. Le fort des Paroches nous signale une Batterie Boche de gros calibre tirant sur le 8 ème corps qui occupe le bois d’Ailly, nous ne pouvons la voir, le temps est trop brumeux – Je monte à l’échelle à 4h, une maison de St Mihiel brûle, sans doute par nos obus… Le draken est derrière le bois, face à Gilaumont – Les tranchées Boches sur le camp des Romains face au bois d’Ailly reçoivent de gros obus de nos pièces – A 6h, un monoplan français dénommé avion de chasse (morane), passe au-dessus de moi, allant vers le camp des Romains, un autre biplan ayant 3 drapeaux français le suit peu après – Le draken Boche est toujours en l’air – Un avion Boche apparaît dans l’air, se dirigeant du côté du camp des Romains, probablement pour repérer les grosses pièces françaises qui tirent dessus - Je signale vers 7h un convoi de voitures passant sur la route d’Hattonchatel-Chaillon – Quelques Boches sur un chemin qui aboutit vers St Mihiel à la route de Nancy, mais ils disparaissent aussitôt.

Dimanche 11 Juillet – S. Benoît La nuit, rien d’anormal, le 288 ème d’Infanterie passe au pied de l’échelle, c’est la relève – Je monte à l’échelle à 9h du matin, il fait un grand vent, et il y a du tangage en haut…J’aperçois à 10h des voitures que je suppose être des automobiles sur la route de Hattonchatel à Chaillon, quelques-unes de ces voitures prennent un chemin longeant la ligne de crêtes et allant vers le Nord – Nous les signalons de suite à l’état-major – L’après-midi le village de La Croix reçoit des obus de 150, il nous est impossible vu le grand vent qu’il fait de voir les départs ; nos tranchées au-dessus de Rouvrois et Lannonville sont bombardées – Un draken s’élève dans la direction du bois de Gilaumont – Quelques avions sont en l’air vers 5h – La relève 7 ème Batterie arrive à 6h – Repassons par Woimbey, Boucquemont où nous pouvons nous arrêter et casser la croûte – Nous arrivons au cantonnement de la Batterie à 9h30 où je lis en rentrant les lettres de mon Elise -

Lundi 12 Juillet – S. Gualbert Me lève tard, car nous avons repos aujourd’hui – J’établis la liste des permissions pour ma pièce, mais il paraît qu’il va falloir un nombre de jours d’environ 300 pour permettre à toute la Batterie d’y aller, que c’est long tout cela… Rien de bien anormal pour le reste de la journée, le village de Troyon nous est toujours consigné…le lieutenant Dienne commande la Batterie provisoirement, en attendant la rentrée du capitaine de permission – Nous avons fabriqué une porte à notre cagna, car la nuit il n’y fait pas chaud, surtout en couchant dans des hamacs – J’ai reçu aujourd’hui une carte de mon cousin Tritant, actuellement à Châlons à l’intendance, une de Jules Gangand – Dans les pays de la région où nous sommes sont placés sur la grand route de grands tonneaux qui contiennent de l’eau stérilisée, de façon à avoir une boisson saine.

Mardi 13 Juillet – S. Eugène Mercredi 14 Juillet – Fête Nationale Hier vers 8h du soir, nous entendions une canonnade du côté de l’Argonne, nous n’y avions prêté aucune attention – Vers 1h du matin, nous sommes presque tous réveillés par un terrible bruit lointain de sourde canonnade, toujours dans l’Argonne…le matin à 5h, cela redouble de violence, nous nous demandons ce qui va se passer par là…A la même heure, plusieurs escadrilles de nos avions tiennent l’air pour surveiller les mouvements de l’ennemi, le bruit du canon redouble de plus en plus – En rentrant de la promenade des chevaux, un ordre arrive de se tenir en cantonnement d’alerte : nous sellons nos chevaux et les avant-trains sont chargés, tout est prêt pour partir au premier ordre…et toujours du côté de l’Argonne le bruit infernal du canon continue sans cesse, nous ne savons exactement si c’est nous ou les Boches qui attaquent – Ne notre côté, du côté de Vaux –les- Talameix, un corps d’armée Boche est signalé…en cas d’attaque et de repli pour nous, nous devons atteler les grosses pièces de 1555 pour les sauver et passer la Meuse…les chevaux restent sellés toute la journée…la Batterie doit se tenir prête à partir au moindre appel – Cet ordre d’alerte est arrivé à l’Artillerie de corps du 6 ème , à 1h du matin, par un motocycliste. Vers 6h du soir, la voix du canon de l’Argonne paraît se ralentir un peu – Nous avons l’ordre de ne pas retirer nos souliers pour nous coucher – La nuit se passe assez calme, mais par contre, la pluie tombe à torrents, quelques-uns de mes hommes sont noyés dans leur hamac…le matin, faisons boire nos chevaux tout harnachés…Hier pour le 14 juillet, nous avons seulement un cigare de l’intendance et un du capitaine, il me semble que c’est un peu maigre – Nous apprenons que les avions que nous avons vus hier matin venaient de bombarder la gare de Vigneulles- les- Hattonchâtel – En Argonne, il paraît que les Boches ont eu des pertes très importantes, et n’ont pas gagné de terrain – A 1h, l’adjudant rassemble la Batterie pour lui faire chanter La Marseillaise. Je trouve drôle que l’on n’ait pas offert 1/4 de vin en plus à ce moment – Comme c’est ma fête demain, nos hommes me présentent un bouquet…je leur paie un seau de pinard Le soir, nous allons à Troyon avec quelques-uns de mes camarades et nous dégustons 4 bonnes bouteilles de Mercier – Les permissions sont suspendues momentanément rapport à l’affaire de l’Argonne .

Jeudi 15 Juillet – S. Henri La pluie n’a pas cessé de tomber toute la nuit, je joue au poker avec mes camarades – Nous organisons un petit déjeuner au bureau avec les sous-off – A 3h partons pour l’échelle, nous passons la Meuse par le radeau, tout se passe bien…nous arrêtons à Woimbey où nous achetons de la salade, des œufs, des petits pois et un poulet…arrivons à l’échelle à 6h1/4 – Il y a encore deux nouvelles lignes téléphoniques : Batterie 4 et 5 et Batterie 23 – Nous faisons un poker dans la casba de l’aspirant…du côté du bois d’Ailly, une violente canonnade se fait entendre…je monte le matin à l’échelle où rien d’anormal ne se produit. J’ai reçu une carte de Marcel où il me dit qu’il est passé infirmier et en ce moment son régiment est au repos à Ste Menehould – G.Regnault a vu le fils de Mr Thiebault de Sommepy qui est au 12 ème chasseurs à cheval…il partait dans l’Argonne, et aurait bien voulu me voir.

Vendredi 16 Juillet – N.D. du M.C. A 7h30 le matin, étant en haut de l’échelle, je découvre 3 draken, un au-dessus de la route de Hattonchâtel, et les deux autres derrière les bois de Gilaumont…un 4 ème apparaît bientôt du côté de St Mihiel – La Croix reçoit une dizaine de 150 qui semblent provenir des bois de Gilaumont – Un avion français se fait canarder, mais n’est pas atteint – Une Batterie Boche, probablement la Batterie 777, tire des fusants sur nos tranchées du côté de la chapelle Ste Marie – Je signale tout cela à l’état-major – La canonnade du côté de l’Argonne redouble de plus belle, sans doute les Boches essaient d’atteindre la voie ferrée Châlons-Verdun…Dans l’après-midi, je compte 7 draken, de notre côté nous avons seulement un ballon captif du côté d’Apremont – Une Batterie française de 155 tire dans les bois de Lanonville, j’aperçois 2 cavaliers qui se dirigent vers les bois de Gilaumont – Le soir, je prends la première faction de 8h à 10h – Je note quelques lueurs départs sur Ailly – A part les fusées qui sillonnent le ciel, rien d’anormal ne se produit.

Samedi 17 Juillet – S. Espérat. Mes hommes qui m’ont succédé à l’échelle le reste de la nuit n’ont rien vu d’anormal – Dans la matinée, nos tranchées de première ligne sur la Selouze, Rouvrois et la chapelle Ste Marie reçoivent quelques obus – Un e Batterie allemande du côté de St Mihiel se fait canarder – La relève arrive à 6h1/4, suis obligé de monter sur l’avant-train car je n’ai pas de cheval pour repartir…tant bien que mal nous repartons, passons par Woimbey et Boucquement où nous nous arrêtons ; nous avons la chance de dégoter des œufs et nous nous faisons faire une bonne omelette – Entre temps, un orage se déchaîne, la pluie tombe à torrents, nous attendons que cela passe…au bout d’un quart d’heure, nous partons en passant par Tilly, Villers et Ambly – Nous arrivons au cantonnement à 10h1/4 du soir – Aussitôt mes lettres lues, je m’endors dans mon hamac.

Dimanche 18 Juillet – S.Camille Aujourd’hui, nous avons repos ; nous apprenons qu’un arrêté militaire vient de donner l’ordre de rouvrir les cafés – Enfin l’autorité militaire a vu clair, nous n’allons plus avoir à nos trousses les fameux pandores du midi, pour qui l’achat d’un litre de vin est plus punissable qu’un soldat qui tremble devant l’ennemi. Certainement il y aura moins d’hommes saouls, car ils n’iront plus boire un litre de « casse- pattes » en cachette dans une écurie et de ce fait sortent gris comme des polonais – Je sors le soir avec mes camarades. Un groupe de permissionnaires est parti de la Batterie – Le capitaine est rentré de permission – A Troyon, nous payons les journaux 0F10

Lundi 19 Juillet – S.Vinc. de P. Je vais à la promenade des chevaux – Cet après-midi, les hommes vont aux douches dans Troyon – Nous allons construire des écuries pour l’hiver – Le tour des permissionnaires n’est pas établi à la Batterie d’une façon impartiale, par exemple les hommes mariés et pères de famille ne partent pas les premiers et pourtant, ceux-là ont des enfants et une femme qu’ils n’ont pas vus depuis un an, c’est honteux de voir ça – On voit à la Batterie des réservistes pères de famille, à la Batterie de tir et des hommes de l’active à l’échelon ou même au train régimentaire. C’est répugnant de voir cela – Ils partent toujours des hommes pour les camps de 58 (crapouillots).

Mardi 20 Juillet – Ste Marguerite Promenade des chevaux, nous allons jusqu’à Monthairons où il y a un gué superbe pour faire boire nos chevaux – Le 171 ème d’Infanterie occupe ce village – A Ambly, il y a le 172 ème – Le commandant et le capitaine visitent les cantonnements l’après-midi – La 12 ème Batterie est revenue de Mouilly et de la tranchée de Calonne – J’ai vu Denisme de Villers-Franqueux et Liesch de Warmeriville – J’ai rencontré également le fils Thiébault de Sommepy qui est au 12 ème chasseurs, ils construisent tous les 4 jours des tranchées à la Gauffière et ensuite vont au repos à Dienne, ses parents sont émigrés dans l’Yonne. Nous allons toucher des masques contre les gaz asphyxiants, c’est un espèce de tampon de ouate avec un tissu qui se met devant la bouche et le nez.

Mercredi 21 Juillet – S. Victor Allons à la promenade des chevaux à Monthairons – Je dois monter à l’échelle à 3h – Le capitaine rassemble les gradés à 2h et nous fait un laïus – Je pars une heure en retard, nous passons par le radeau, les chevaux ne bougent pas trop, arrivons à Woimbey où nous faisons quelques provisions – Sommes à l’échelle à 6h1/4 – Je monte pendant que les hommes préparent la croûte – Beaucoup de nos avions sont en l’air – Une Batterie française de 155 du bois des Charmes tire dans St Mihiel et sur un petit bois près des Capucins où doit se trouver une Batterie Boche – Le lieutenant de Bienval de la 9 ème a installé la T.S.F . où nous sommes – La nuit se passe assez tranquille, à part les fusées éclairantes, rien à signaler.

Jeudi 22 Juillet – Ste Madeleine Le matin, je raidis les cordes qui tiennent l’échelle. Je monte, il y a encore de la brume, j’aperçois d’abord le draken derrière le bois de Gilaumont – Deux de nos avions volent au- dessus des lignes Boches et se font canarder – A 10h, nos tranchées de la Selouze reçoivent du 150mm – A 3h1/2, Maizy reçoit du 105 percutant, à chaque coup que nous verrons, je constate que ce village est détruit de plus en plus – La Gauffière reçoit également des grosses marmites – Le soir, je prends la faction de 9h à 11h – Quelques fusées du côté du camp des Romains, bois d’Ailly, bois des Chevaliers et tranchée de Calonne, au loin dans la nuit, les projecteurs Boches…les nôtres sont à ma gauche – Vers 10h1/2, nos pièces de la Gauffière tirent quelques coups – Je descends me coucher à 11h.

Vendredi 23 Juillet – S. Apollinaire Un téléphoniste me remplace à 11h, rien de bien important à signaler pour le reste de la nuit – le matin, dans notre gourbi, nous constatons que la pluie tombe à torrents, aussi la matinée, nous ne pouvons observer. La pluie cesse vers midi. Je vais me laver à la petite source qui se trouve dans le ravin de Dompavrin – A 3 heures, je repère l’emplacement d’une Batterie Boche, désignée sous le N° 846 – Le lieutenant Boutry (7 ème ) avec 3 téléphonistes, vient nous remplacer à 6h. Je repars sur l’avant-train, passons à Woimbey et rentrons à Troyon après avoir traversé la Meuse sur le radeau – En rentrant au cantonnement, nous apprenons que des bruits de départ circulent, les 2 groupes du 46 ème doivent partir dans quelques jours.

Samedi 24 Juillet – Ste Christine Je me lève tard car aujourd’hui je suis de repos – La pluie continue toujours de tomber presque toute la journée – Les bruits de départ prennent de l’extension, il paraît que tout le corps d’armée doit changer et se diriger sur Bar-le-Duc, pour aller je ne sais où ensuite – Le soir, je sors à Troyon avec 2 copains, il y a toujours beaucoup de troupes, du 211 ème , du 220 ème , du 304 ème , du 12 ème chasseurs à cheval. Dans une maison, nous avons demandé un Dubonnet, on voulait nous le faire payer 0,40 le verre, et un verre de la grosseur d’un dé…nous sommes partis en ne buvant pas, c’est honteux de voir cela…pour ces gens-là, je voudrais que les Boches leur brûlent leurs baraques, et on ne fait rien pour empêcher cela.

Dimanche 25 Juillet – S. Jacq. Le M. Vais à la promenade des chevaux. Georges Regnault et Chauvet partent en permission aujourd’hui – J’ai vu à Troyon l’aîné des Arnoult – La première portion des permissionnaires est rentrée ce matin, d’après la généralité qui sont allés à Paris, les civils dans cette ville n’ont pas l’air de se soucier de la guerre…ils croient que sur le front on a tout ce qu’on veut, la vie à Paris est très gaie et mouvementée, c’est pourquoi ceux qui viennent du front en permission sont écoeurés de voir cela…aussi les parisiens qui rentrent à la Batterie prononcent-ils ces paroles : « Si seulement les marmites Boches arrivaient dans Paris, peut-être cela les ramèneraient-ils à la réalité !.. »

Lundi 26 Juillet – Ste Anne Promenade des chevaux Les Boches ont lancé des marmites en avant du bois de la Gauffière, à l’endroit où le 12 ème chasseurs à cheval creusait des tranchées, 6 hommes sont blessés – je note quelques réflexions au hasard : - des employés du gouvernement sont payés intégralement comme en temps de paix, et en plus touchent un solde militaire – Pourquoi ?… - Pourquoi les sous-officiers rengagés partent-ils en permission avant les réservistes qui, pour beaucoup sont mariés et pères de famille ?… - Les engagés eux font seulement leur métier et sont payés plus qu’en temps de paix tandis que les réservistes ne sont presque pas payés, font un sacrifice plus grand que les autres et beaucoup ont leurs pays envahis…. - Pourquoi les officiers sont-ils payés si cher ?…

Mardi 27 Juillet – Ste Nathalie Il pleut le matin, nous ne faisons pas de promenade des chevaux – Je prépare mon paquetage pour aller à l’échelle et dans le cas où nous partirions après-demain – Nous partons à 4h , traversons la Meuse en radeau, passons à Woimbey où nous faisons des provisions pour emporter – Arrivons à l’échelle à 6h1/2, les chevaux n’ont pas de pied et glissent à chaque pas – Je ne monte pas à l’échelle cette nuit, 2 téléphonistes me remplacent – Dans la cabane où nous couchons, il n’y a plus de paille, aussi le matin on a les reins en pomme cuite, les poux nous ont encore rendu visite une fois…aussi pour la nuit prochaine je me suis construit un hamac dehors avec mes toiles de tente, comme cela je serai toujours garanti contre ces animaux – La nuit s’est passée calme.

Mercredi 28 Juillet – S. Nazaire Le matin, nous avons la visite d’un colonel d’Artillerie du 42 ème , il visite les postes d’observation du secteur – Vers midi, un officier de marine monte à l’échelle pendant ¼ d’heure – Dans l’après-midi, nos grosses pièces tirent sur les tranchées Boches du côté du camp des Romains – Nous voyons sans cesse passer des ravitaillements sur la route d’Hattonchâtel – Chaillon – Quelques-uns de nos avions passent au-dessus de nous vers 6h – 2 draken sont repérés derrière Gilaumont – Je me couche dans mon hamac en plein-air, la nuit se passe calme, et je dors éclairé par la lune.

Jeudi 29 Juillet – Ste Marthe 4h du matin, nos avions tiennent l’air – de 9h à 10h je signale à Troyon Artillerie un bombardement de nos tranchées de Spada, Rouvrois, et Lannonville…ces coups semblent provenir de la Batterie 777 – Le camp des Romains reçoit quelques obus de 155 – un draken se trouve derrière les Bois-Hauts – Des convois Boches passent sans cesse sur la route Hattonchâtel-Chaillon – La relève arrive vers 6h1/2, nous partons en passant par Woimbey, traversons la Meuse en radeau, et rentrons à Troyon.

Vendredi 30 Juillet – S.Germain Me lève tard, car je suis de repos aujourd’hui, un de mes copains du dépôt, Guimard, est venu amener un détachement d’hommes au front, j’en profite pour déguster avec lui mon litre de marc de Bourgogne, le soir nous mangeons à Troyon avec des copains, Denisme et Liesch de Warmeriville sont avec nous.

Samedi 31 Juillet – S. Ignace de L. Vais à la promenade des chevaux, je rencontre le fils Gobron de Rethel, il me dit que le 106 ème doit partir le 3 Août du côté de Bar-le-Duc – Les bruits de départ se précisent de plus en plus, il est certain que tout le 6 ème corps doit aller se reformer en arrière et ensuite aller du côté de l’Alsace.

Dimanche 1 er Août – Ste Sophie Je peux aller à la messe à Troyon. Ce matin, G.Regnault est revenu de permission, il m’annonce la mort de Mazeret, de Ponsinet Fleury de St Martin – La femme de Raphaël Gaillot est paraît-il très malade – Les sections de munitions viennent nous ravitailler en obus – C’est le 2 ème corps qui doit venir nous remplacer, il paraît que nous allons être corps de marche.

Lundi 2 Août – S. Alphonse Promenade des chevaux le matin, ensuite je prépare mon paquetage pour aller à l’échelle…en partant, un orage éclate, la pluie tombe à torrents, nous nous arrêtons un moment, traversons la Meuse en radeau, passons à Woimbey où nous faisons quelques provisions, nous arrivons une heure en retard à l’échelle car les chemins dans la forêt de Marcanlieu ne sont pas praticables, ils tombent à chaque moment – Vers 9h du soir, nous apercevons une grosse lumière Boche ayant la forme d’une grosse étoile et qui se trouve derrière le bois de Marmont – Nous la signalons à Troyon, la pluie continue à tomber de nouveau, et la lumière disparaît.

Mardi 3 Août – S. Etienne Toujours de la pluie sans arrêt – A 9h du matin, je monte à l’échelle et j’aperçois un énorme observatoire Boche dans la forêt de Dommartin-la-Montagne, il a la forme d’une énorme tour ronde, construite en briques et en ciment, au ¾ de hauteur se trouve une plate-forme pour l’observation – Nous la signalons à l’état-major – Sommes obligés de faire notre popote dans la cahute, car il pleut à torrents – Les Boches, depuis la dernière relève, ont beaucoup travaillé, nous constatons qu’une nouvelle tranchée allant vers le bois triangulaire est établie, un long boyau va aussi du bois de Gilaumont à Spada – En arrière, dans Gilaumont, Marmont et Bois-Haut, de nouveaux abris sont construits – La nuit se passe calme, nous recevons toujours de l’eau, les pièces de 455 du bois des Charmes tirent quelques obus.

Mercredi 4 Août – S. Dominique Le matin, je vais me laver à la petite source se trouvant dans le ravin de Domprevin – A midi, nos tranchées de la Selouze reçoivent quelques 105 – St Mihiel reçoit des obus de 155 ou 120, le feu y est mis par nos obus – A l’instant où j’écris, du haut de l’échelle, je vois la flamme même du feu, une Batterie Boche prise sous notre feu, avec nos pièces de 120 et 155, se fait purger de se trouver légèrement à droite de la ville – Une Batterie allemande, sur la lisière du bois de la Pitancerie tire sur les bois des Charmes, ce sont des 77, mais beaucoup n’éclatent pas et sont trop courts – ½ heure après, nos grosses pièces changeant d’objectif tirent sur cette batterie qui se tait – La relève arrive à 6h1/2, nous arrivons à Troyon à 9h du soir.

Jeudi 5 Août – S.Felix Le matin, nous attelons toutes nos voitures pour faire rouler le matériel – Du côté des Russes, nous nous attendons à la chute de Varsovie – Le général Renault, qui commande toute l’artillerie du 6 ème corps reste avec le général Heer au 2éme corps – Les troupes du 2 ème corps commencent à arriver dans notre secteur – e 51 ème d’Infanterie arrive à Ambly pour remplacer le 172 ème .

Vendredi 6 Août – Transfig. N.-S. Allons à la promenade des chevaux à Monthairons – Le 25 ème d’artillerie est parti du côté de Bar-le-Duc – La poste du 6 ème corps est partie à aussi aujourd’hui : nous n’avons pas de lettres…il n’y a plus que l’artillerie de corps du 6 ème qui n’est pas partie.

Samedi 7 Août – S. Gaëtan Attelons nos caissons avec nos couvertures roulées – Les sections de munitions du 6ème corps nous croisent et s’en vont à l’arrière – Médard le trompette qui était à ma pièce, part à Paris pour aller fabriquer des obus – Nous n’avons encore aucun ordre pour partir, pourvu que le général Heer ne nous garde pas avec lui et nous renvoie ensuite aux Eparges.

Dimanche 8 Août – S. Justin Vais à la promenade des chevaux, en revenant je rencontre Bertrand de Betheniville, je parle avec lui un moment, il est toujours au fort d’Houdainville avec Maurice Ticot – Etant rentré au cantonnement, Pierre Machet est venu me voir, il est adjudant au 220 ème d’Infanterie et proposé comme sous-lieutenant. Pierre s’est déjà fait remarquer pour sa bravoure et son mépris de la mort – Le 4 ème groupe (10 ème , 11 ème , 12 ème Batteries) partent cette nuit et sont remplacées par un groupe du 29 ème d’Artillerie, un groupe du 27 ème est remplacé par un du 29 ème …Pourvu que le 3 ème groupe ne reste pas – Marcel est au camp de Châlons – Nous montons à l’échelle, nous repérons la nuit quelques départs Boches.

Lundi 9 Août – S. Vitrice Rien de bien intéressant pour l’observation, nous constatons toujours de nouvelles tranchées et de nouveaux travaux chez les Boches – On nous donne l’ordre de ne plus envoyer de correspondances cachetées, les lettres doivent être remises au bureau et ensuite lues par un officier censeur.

Mardi 10 Août – S. Laurent La nuit à l’échelle se passe assez calme bien que le temps soit chargé d’orage – Les projecteurs de Verdun fouillent le ciel de leurs feux, j’en compte jusqu’à 13 de notre côté, chez les Boches 4 ou 5 projecteurs sont en action du côté du bois, Le …..nos tirs de barrages empêche les Boches d’avancer – Sommes remplacés le soir.

Mercredi 11 Août – Ste Suzanne Ayant repos aujourd’hui, je me lève tard – Chaque Batterie a touché une cuisine roulante – Tous les jours, nous avons de la pluie par orage.

Jeudi 12 Août – Ste Claire Le matin, nous allons à la traction du matériel – Dans le courant de la matinée, nous apprenons que nous allons partir pour rejoindre le 4 ème groupe qui est à 4kms de Bar-le-Duc, l’état-major est avec lui en ce moment – Nous sommes contents de quitter ce pays de Meuse - Le soir, un orage ou plutôt une trombe d’eau inonde nos gourbis, nos paquetages s’en vont à la flotte, il nous faut déménager en toute hâte – Je suis forcé cette nuit, d’aller coucher au bureau – Nous sortons le soir pour le dernier coup à Troyon – Un mot en passant : je souhaite que tous ceux de la Meuse qui ont estampé ou volé le soldat d’une façon dégoûtante en vendant leurs marchandises hors de prix soient envoyés au bagne….

Vendredi 13 Août – S. Hippolyte Dès le matin, les hommes apprêtent leurs paquetages – Une corvée va l’après-midi chercher les caissons et les canons sur la position, la Batterie du 29 ème d’Artillerie est venue avec son matériel – Le chargement des voitures se fait l’après-midi – A la nuit, il nous est donné ordre de réveiller les hommes à 11h et d’être prêts à partir pour 12h30 – De 8h à 10h, la pluie ne cesse de tomber à torrents, heureusement que cela cesse pour partir – Il fait très noir, nous partons à 1h du matin, passons par Gerricourt, Villers et arrivons à l’entrée de Recourt à 2h1/2 le matin, je dors ou plutôt sommeille comme je peux sur un caisson.

Samedi 14 Août – S. Eusèbe Arrivons à l’entrée de Recourt où nous nous arrêtons, la cuisine roulante est mise en action pour nous faire le jus…2 Batteries lourdes du 26 ème d’Artillerie 120 long nous croisent sur la route – A 5h du matin, nous entrons dans Recourt, nous formons le bivouac à la sortie du pays dans une prairie, les chevaux sont à la corde – Je suis commandé de garde, le poste se trouve à 200 mètres du parc – Le poste d’Infanterie se trouve avec moi.