Michel BOIVIN Bernard GARNIER

Les Victimes Civiles de la dans la Bataille de Normandie

1er avril - 30 septembre 1944

CONSEIL GÉNÉRAL DE LA MANCHE

CENTRE DE RECHERCHE D'HISTOIRE QUANTITATIVE - UNIVERSITÉ DE CAEN - CNRS

ÉDITIONS-DIFFUSION DU LYS

Ce livre a été élaboré en collaboration avec le Conseil Général de la Manche (ADBN 44).

LIBERTÉ 44 Conseil Général de la Manche Maison du Département 50008 SAINT-LÔ Tél. 33 05 95 00

Sa publication a également bénéficié du concours : - du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (DISTB) ; - du Ministère des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre, Délégation à la Mémoire et à l'Information Historique.

MINISTÈRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE 37, rue de Bellechasse 75700 PARIS 07 SP Tél. (1) 44 42 10 00 REPU BU QUE FRANÇAISE

L'enquête qui a permis ce livre est le fruit d'une collaboration entre : - le Mémorial de Caen. - le Centre de Recherche d'Histoire Quantitative de l'Université de Caen, URA-CNRS 1 013 ;

Elle a bénéficié de l'aide : - de mairies du département de la Manche ; - de l'antenne de Saint-Lô de l'Université inter-âges ; - de la Préfecture de la Manche. Carte 1 - LA MANCHE EN 1944. INTRODUCTION

Cinquante ans après la Bataille de Normandie, qui s'est déroulée pendant trois mois dans une région densément peuplée, les chiffres les plus fantaisistes circulent encore au sujet des victimes civiles. D'origine le plus souvent inconnue, répétés sans vérifications, ils vont et viennent, en se gonflant ou en se dégonflant, au fil des décennies.

C'est pourquoi, répondant à l'invitation de l'Université inter-âges de Basse-Normandie, nous avons tenté de dresser puis d'examiner la liste des victimes civiles de la Manche dans la Bataille de Normandie. Il s'agit des victimes civiles de bombardements, de mitraillages, de combats, d'actes de violence du fait des armées engagées, d'accidents sur le champ de bataille pendant et après les hostilitésl. Cependant, il est indispensable d'indiquer que sur la liste mémoriale étudiée ne figurent que les victimes civiles connues, domiciliées dans la Manche2 et décédées entre le 1er avril 1944 et le 30 septembre 1944, c'est-à-dire un peu avant, pendant et un peu après les combats pour la libération de la Manche ; des combats qui ont duré du 6 juin au 14 août. A la date initiale retenue correspond une intensification des opérations aériennes préparant le débarquement et, surtout, une augmentation du nombre des victimes civiles. Le nombre mensuel moyen des bombardements recensés3 passe de cinq à six entre 1942 et 1943, puis d'une cinquantaine en mars 1944 à près d'une centaine en avril. Entre ces deux mois, le nombre des victimes civiles est multiplié par sept, passant alors de onze à soixante-quinze. Auparavant le nombre mensuel moyen des victimes civiles est généralement inférieur à la dizaine. Parmi les exceptions, figurent les vingt-neuf tués des bombardements sur Cherbourg dans la nuit du 10 au Il octobre 1940, les quinze tués du bombardement sur Cherbourg au début de l'après-midi du 24 juillet 1941, les trente-cinq tués des bombardements sur l'agglomération cherbourgeoise dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1941. Dans son rapport mensuel de mai 1944, le préfet de la Manche écrit : « Les attaques aériennes qui étaient devenues plus rares dans la première quinzaine de mars ont repris fin mars (...). Au cours du mois d'avril, il y a lieu de noter une intensité plus accrue que celle qui avait été enregistrée jusqu'alors »4. Quant à la date finale, elle est aussi arbitraire et discutable dans la mesure où des Manchois vont mourir ultérieurement, soit des suites de blessures reçues pendant la Bataille, soit d'accidents provoqués par des engins de

1 Les victimes de la déportation ne sont pas prises en compte dans cette étude. Au total, nous en avons identifié cent vingt et une qui étaient domiciliées dans la Manche. Quarante-six d'entre elles ont pris le chemin des camps d'Auschwitz et aucune n'est revenue. Onze autres sont mortes à Mathausen, huit à Buchenwald et à Dachau, sept au Struthof. 2 Les victimes civiles décédées dans la Manche mais domiciliées ailleurs ne sont donc pas prises en compte dans notre étude. Au cours de notre enquête, nous en avons retrouvé 323 dont la liste est annexée à la fin de cet ouvrage (cf. pages 311-326). 3 Par les commissariats de police, les brigades de gendarmerie et la préfecture de la Manche. 4 Rapport du préfet de la Manche, 4 mai 1944 (AN, FI CIII 1166). guerre disséminés un peu partout en grand nombres ou bien dus à la circulation des troupes et du matériel alliés. Par exemple, Françoise Duchemin, âgée de trois mois, blessée au cerveau par un éclat lors du bombardement de le 6 juin 1944, est décédée à l'hôpital des enfants malades à Paris à la fin des années cinquante. Autre exemple, deux enfants, Adrien et Louis Delafosse, sont tués par un engin explosif à Guilberville le 24 octobre 1944. Mais le nombre de ces victimes civiles est relativement faible6.

Au total, nous avons identifié 3 676 victimes civiles de la Manche dans la Bataille de

Normandie. À l'évidence, notre chiffre est très sensiblement inférieur à celui d'Augustin Le Maresquier souvent cité. Le statisticien de La Manche libérée et meurtrie écrivait, en effet, dès mars 1945 : « La Manche compte environ 15 000 morts »7. Le décalage est presque aussi énorme avec le chiffre publié par Henri Amouroux. L'auteur de La grande histoire des Français sous l'occupation et après l'occupation, s'appuyant sur « les études les plus sérieuses » estime que « la Manche aurait compté 14 000 morts »8. Il est vrai qu'en 1978, dans un ouvrage de référence, dirigé par Gabriel Désert, Max-André Brier donne le chiffre de 14 800 morts pour la Manche. Mais il précise : « En réalité, le nombre des morts civils est mal connu et a fait l'objet de longues controverses (...). Le bilan ne peut être établi avec précision »9. Inverse- ment, en 1946, Jean Seguin avance un chiffre inférieur au nôtre ; il fait état de 3 030 morts pour la période de juin à août 194410. En outre, deux enquêtes, l'une administrative et l'autre scientifique, donnent des résultats très proches de celui que nous publions. En février 1945, l'inspecteur départemental de la santé dresse un « bilan provisoire » indiquant 3 943 tués entre juin 1940 et février 194511. Près de vingt ans plus tard, Marcel Leclerc, correspondant départemental du Comité d'histoire de la deuxième guerre mondiale, dénombre 4 377 victimes civiles pour toute la période de l'occupation et de la libérationl2.

Le chiffre retenu a été obtenu en utilisant et croisant le plus grand nombre de sources possibles : les registres de l'état-civil, les monuments aux morts, les enquêtes communales, les publications antérieures, l'enquête sur le terrain. L'état-civil constitue une source indispen- sable mais insuffisante. S'il précise presque toujours l'identité de la victime et assez souvent les conditions de son décès, il ne mentionne pas à chaque fois qu'il s'agit d'un « mort pour la ». Les monuments aux morts sont d'une fiabilité très inégale et d'un intérêt limité. Certains pêchent par défaut, d'autres par excès ; une même victime civile pouvant figurer sur trois monuments, celui de sa commune de domicile, celui de sa commune de décès et celui de sa commune de naissance. Dans la plupart des cas, ils n'indiquent que le nom et le prénom de la victime ; parfois, ils donnent la date de son décès. Les cinq enquêtes communales lancées en 1944, 1947, 1949, 1962 et 1965 sont intéressantes mais incomplètes. En juillet 1944, le sous-préfet de Cherbourg adresse une lettre aux maires de son arrondissement pour leur demander de compter les morts et les blessés de leur commune. La plupart de ces maires répondent sans préciser l'identité des victimes. En 1947, Raymond Lefèvre, correspondant départemental du Comité d'histoire de la deuxième guerre mondiale, interroge les maires entre

5 Dans un rapport du 5 octobre 1946, le représentant départemental du déminage donne un bilan des travaux de son service dans le département de la Manche : 778 209 mines enlevées, 714 874 obus, 178 657 grenades, 20 901 obstacles en mer, 19 375 bazoukas, 1 495 bombes (A.D. de la Manche, série R, n° 67). 6 Nous en avons recensé environ 200. 7 Augustin LE MARESQUIER, La Manche libérée et meurtrie, Corbeil, Imprimerie Crété, 1946, p. 54. 8 Le Figaro Magazine, 2 juillet 1994. 9 Max-André BRIER, "Une province assassinée", p. 311 dans La Normandie de 1900 à nos jours, Toulouse, Privat, 1978, p. 457. 10 Jean SEGUIN, Bilan de guerre en 1944 dans la Manche, , chez l'auteur, 1946, p. 3. 11 Lettre de l'inspecteur départemental de la santé au préfet de la Manche, Coutainville, le 21 février 1945. A noter que ce "bilan provisoire" n est pas tout à fait complet, les victimes civiles des communes de Coulouvray- Boisbenâtre, Hébécrevon, Le Mesnil-Adelée, Le Mesnil-Rouxelin, Remilly-sur-Lozon, Saint-Jean-de-Savigny, Saint-Michel-de-Montjoie et Sainte-Suzanne-sur-Vire n'étant pas prises en compte "faute de renseignements". Mais il tient compte des victimes civiles tuées dans la Manche sans y être domiciliées. 12 Marcel LECLERC, Carte des internés, déportés, fusillés, victimes civiles de la Manche, Saint-Lô, 1964. L'auteur prend aussi en compte les victimes civiles tuées dans la Manche sans y être domiciliées. Carte n° 2 - NOMBRE DE VICTIMES CIVILES PAR JOUR autres sujets sur les victimes civiles de l'occupation et de la libération13 ; mais son question- naire n'est distribué que dans les communes du Cotentin et n'obtient qu'un faible taux de réponses. En 1949, le même correspondant conduit l'enquête sur « L'histoire de l'occupation et de la libération dans le département de la Manche ». Avec l'aide active du préfet Édouard Lebas, il adresse un questionnaire à tous les maires du departementl4. Après plusieurs relances, le taux de réponses dépasse 80 %, mais l'intérêt des réponses est très inégal et souvent décevant. En 1962, Marcel Leclerc, nouveau correspondant du Comité d'histoire de la deuxième guerre mondiale, recense les victimes civiles de cette guerre dans la Manche en demandant aux maires d'indiquer leur nombre total et de préciser les causes de leur décès15. Près de 90 % des maires répondent, mais, le plus souvent, sans indiquer de dates. En 1965, Marcel Leclerc sollicite à nouveau les maires de la Manche pour remplir un questionnaire sur « l'Occupation, la Résistance et la Libération »16. La moitié seulement des destinataires ont répondu et très souvent de manière approximative. Les publications d'articles et d'ouvrages sont relativement nombreuses et de qualité souvent remarquable17. Mais leur approche est beaucoup plus qualitative que quantitative. Quant à l'enquête sur le terrain, elle s'avère tout à fait indispensable pour une recherche sur le passé-présent. Elle permet de vérifier voire de compléter des données en interrogeant des témoins, c'est-à-dire des archives vivantes ; mais elle exige beaucoup de temps, de « diplomatie » et d'esprit critique.

Au cours de l'enquête, une fiche a été établie pour chaque victime avec le plus grand nombre possible de renseignements : nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile, profession, date, lieu et circonstances du décès. Ces données ont fait ensuite l'objet d'un traitement informatique sous la direction de Bernard Garnier.

Les résultats obtenus peuvent être considérés comme globalement intéressants. Sur les 3 676 victimes civiles manchoises retrouvées, nous connaissons la date de décès de 3 640 d'entre elles, soit 99 % ; le lieu de décès de 3 656 (99,5 %), les causes du décès de 2 444 (66,5 %), le sexe de 3 670 (99,8 %), l'âge de 3 601 (98 %), la catégorie socio-professionnelle de 2 283 (75,5 %). Le graphique indiquant le nombre journalier de victimes civiles manchoi- ses tuées entre le 1er avril et le 30 septembre 1944 permet de distinguer quatre phases plus ou moins meurtrières : celles des bombardements préparatoires du 1er avril au 5 juin, des bombardements stratégiques du 6 au 14 juin, des combats pour la libération de la Manche du 6 juin au 14 août, des lendemains de la libération du 15 août au 30 septembre. Bien évidemment, c'est entre le jour J et la mi-août que meurent la plupart des victimes civiles manchoisesl8. Ce sont principalement les bombardements stratégiques et secondairement les combats qui déterminent la carte des lieux de mort. Dans une moindre mesure interviennent les mines, les engins explosifs ainsi que la répression allemande.

13 Sur les dix questions posées, quatre se rapportent à notre sujet : la troisième sur le nombre d'arrestations et de fusillés par les Allemands, la quatrième sur les bombardements et leurs effets avant le 6 juin 1944, la cinquième sur les bombardements et leurs effets après le 6 juin 1944, la dixième sur les victimes civiles de 1940 à 1944. 14 Parmi les quarante-sept questions posées, trois concernent notre sujet : la dix-neuvième sur le nombre des hommes ou des jeunes gens fusiflés par les Allemands, la vingt-sixième sur les victimes des bombardements alliés et la quarante-septième sur le nombre des victimes par faits de guerre. 15 Cinq questions sont posées : quel est le nombre total des victimes civiles domiciliées dans la commune, réfugiées ou de passage ? Quel est le nombre des personnes tuées par les bombardements ? dans les batailles de la libération ? à la suite de crimes ou de violences commis par l'ennemi ? pour tout autre motif ? 16 Une seule question se rapporte à notre sujet ; elle est posée a propos des combats de la Libération : Votre commune a-t-elle subi des bombardements alliés ? Est-il possible de signaler les plus meurtriers ou les plus destruc- teurs ? (dates, nombre approximatif des victimes et importance des destructions). 17 Voir la bibliographie sommaire, p. 110-114. 18 90,1 % des victimes civiles manchoises étudiées sont décédées entre le 6 juin et le 14 août, 5 % entre le 15 août et le 30 septembre, 4,9 % entre le 1er avril et le 5 juin. Pour enquêter dans les six cent quarante-huit communes manchoises de la période considérée, nous avons été aidés par Benoît Chanteloup (cantons du Cotentin), Philippe Gosselin (commune de Remilly-sur-Lozon), Jean-Pierre Launay (cantons du Mortainais), Fabienne Prentout (cantons de l'Avranchin, du Coutançais et du Saint-Lois) ainsi que par douze étudiants de l'antenne saint-loise de l'Université inter-âges de Basse-Normandie : Jules Bodin, Yvonne Gautier, Roger Legigan, Bernadette Levavasseur, Jacqueline Marie, Jeanne Moitié, Paulette Osouf, André Pien, René Ponsardin, Claude Roulland, Roger Sourd, Nicole Turrou (cantons du Coutançais et du Saint-Lois). De plus, les maires interrogés ont bien voulu nous informer et, éventuellement, apporter leurs témoignages recueillis par Corinne Lepauvre et Julie Tricart, secrétaires de « Liberté 44 », l'association du conseil général de la Manche présidée par Claude Halbecq. Sans leur collaboration, ce travail eût été impossible. Qu'ils soient très sincèrement remerciés.

Chapitre 1

LES VICTIMES CIVILES DES OPÉRATIONS PRÉPARATOIRES

1er avril - 5 juin

Introduction

Entre le 1er avril et le 5 juin 1944, cent soixante dix-huit victimes civiles manchoises ont été identifiées.

La majorité d'entre elles sont décédées à la suite de bombardements alliés sur des communes où les Allemands aménagent des systèmes défensifs ou offensifs. Les premiers, comprenant des batteries d'artillerie, des batteries antiaériennes, des radars et constituant pour l'essentiel le Mur de l'Atlantique, sont principalement installés sur les côtes du Coten- tin, de la presqu'île de à la baie des Veys en passant par Cherbourg. Les seconds, se composant de rampes de lancement de VI et V2 en chantier, sont disséminés entre Cher- bourg et Saint-Sauveur-le-Vicomte. Les campements de l'armée allemande et les nœuds de communication font aussi partie des cibles traitées par les aviations britannique et améri- caine préparant le débarquement. Dans une note rédigée le 12 mai 1944, le directeur de la défense passive de l'arrondissement de Cherbourg indique vingt communes « particulière- ment exposées ». Onze d'entre elles font partie de l'agglomération cherbourgeoise : Cherbourg, , Équeurdreville, La Glacerie, , Martinvast, Le Mesnil-au-Val, , Octeville, , Tourlaville. Les neuf autres sont : Brix, - Hague, Gonneville, Maupertus, , Saint-Marcouf-de-l'Isle, Sauxemesnil, , .

Pendant la même période, des Manchois ont aussi péri sous les mitraillages de l'aviation alliée, en particulier des cheminots en service.

À propos de ces mitraillages et de ces bombardements meurtriers, la presse locale ne ménage pas ses critiques et la population se divise ; une population qui ne respecte pas les consignes de sécurité. D'où ce rappel, assorti d'une menace de sanction, de la part du préfet de la Manche : « Il a été constaté que la population n'a tenu aucun compte des règles à observer au cours des alertes. Il est rappelé pour la dernière fois qu'au cours de celles-ci et pendant le passage des avions la circulation est complètement interdite. Les personnes doivent rentrer aux abris ou dans les immeubles voisins de l'endroit où elles se trouvent au moment de l'alerte. La circulation peut reprendre le long du trottoir en longeant les murs lorsque les avions sont passés. Toute personne qui ne se conformera pas à ces règles sera passible d'une amende de cent francs à verser immédiatement »19.

19 L'Ouest-Éclair, 25 mai 1944. 1 - LES BOMBARDEMENTS

Parmi la soixantaine de bombardements préparatoires ayant fait des victimes civiles, quatre ont été particulièrement meurtriers : ceux de La Glacerie et de Brix le 20 avril, du Vicel le 27 avril, d'Urville-Hague et de Gréville-Hague le 1er juin.

1. Le bombardement de La Glacerie

Le 20 avril, peu après dix-neuf heures, des bombardiers escortés de chasseurs, volant à une altitude d'environ quatre mille mètres, venant du nord, passent au-dessus de La Glacerie et lâchent une centaine de bombes pesant environ cinq cents kilos sur le village de l'Église. « Un nuage énorme de fumée et de poussière s'élève, tel un monstrueux champignon, et des appels déchirants se font entendre ».

Les constatations de la police ont permis de relever quatre cent vingt-cinq points de chutes dans un rayon d'un kilomètre. L'objectif militaire visé était vraisemblablement un tunnel en cours d'aménagement sous la colline voisine, à l'entrée du village. Cet objectif n'a pas été atteint ; mais le village et ses habitants ont été durement éprouvés. Seize personnes ont été tuées. La plupart des corps ont été déposés au préventorium transformé en chapelle ardente. De plus, treize personnes ont été plus ou moins grièvement blessées. Elles ont été conduites à l'hôpital Pasteur à Cherbourg. Le village a été transformé en un amas de ruines. Vingt et une constructions ont été complètement détruites et trente-deux autres fortement endommagées. La rue de Néhou a quasiment disparu. Parmi les ruines se trouvent le musée et la maison du corps de garde de la verrerie. L'église, les deux écoles et le préventorium ont subi de gros dégâts mais sont restés debout.

Quelques instants avant cette tragédie, Roberte et Mademoiselle Crosville, membres de la Croix-Rouge, reviennent de chercher du grain chez Toulouze à Cherbourg avec la voiture à cheval. Elles s'arrêtent pour le livrer chez Madame Levavasseur, la boulangère de La Glacerie, qui leur dit : « Ne restez pas là, voilà les avions ». Elles repartent bien vite sans rien décharger. Roberte raconte : « C'était en fin d'après-midi, on a dételé le cheval puis on a entendu des explosions. Quelqu'un est venu me chercher (...). C'était incroyable, affreux. La boulangerie était écrasée. Un jeune homme a été tué et le fils de la boulangère a été projeté par la cheminée. On ne l'a récupéré que le lendemain. Et puis il y avait les enfants Hubert. Je me rappelle d'une petite fille que j'ai portée toute déchirée au préventorium (...). Tous les membres de la famille ont été tués, les quatre enfants et la mère. J'ai découvert aussi Mada- me Bellamy morte »20.

2. Le bombardement de Brix

Brix a été fréquemment bombardée par l'aviation alliée à cause de la présence sur son territoire, aux lieux-dits « le Château de Pannelier », « l'Arbre-Tison » et « le Hameau de Bas », de trois centres de lancement de fusées VI et V2 avec des pistes bétonnées et des garages.

Le bombardement le plus important a eu lieu le 20 avril. D'après un rapport de gendar- merie du 21 avril, « plusieurs centaines de bombes ont été lancées sur Brix, au lieu-dit "La Croix du Parc", détruisant huit maisons et endommageant six autres »21. Selon le témoignage de Désiré Pasquier, « les bombes sont probablement tombées en fin de bombardement du grand chantier de Sottevast, situé à un peu plus d'un kilomètre et destiné à recevoir des

20 Témoignage de Roberte dans : Souvenirs de La Glacerie 1939-1945, p. 57. 21 Rapport du capitaine Wahart, commandant la section de gendarmerie de Cherbourg, au sous-préfet (A.D. de la Manche, R 223). La Glacerie : le village de l'église.

Le Haut-Fourneau près de Granville. L'école du Vicel. usines d'assemblage de V2, et peut-être aussi d'une batterie antiaérienne installée entre le chantier et le bois »22.

Au total, dix habitants ont péri sous les décombres. Le corps de plusieurs d'entre eux n'a été retrouvé que trois jours plus tard.

3. Le bombardement du Vicel

C'est par erreur qu'une douzaine de bombes sont tombées sur les landes et le hameau de La Cour, au Vicel, le 27 avril. L'objectif visé était situé sur la commune voisine de La Pernelle où se trouvaient deux sites militaires allemands : La Pernelle 1 avec six pièces d'artillerie de 105 mm sous casemate, trois postes de direction, trois abris, un grand radar et La Pernelle II avec trois pièces de 170 mm semi-mobiles installées sur des emplacements en terre.

Yannick Rose note que les bombardements alliés sur le site de La Pernelle23 « commencent de manière constante » ce jour-là. Il en dresse la liste chronologique : jeudi 27 avril, dimanche 7 mai, vendredi 12 mai, vendredi 19 mai, lundi 22 mai, mercredi 24 mai, samedi 27 mai (deux fois), vendredi 2 juin (deux fois), samedi 3 juin (14 h et 18 h 30), lundi 5 juin (6 h 30 et 10 h 15), dans la nuit du 5 au 6 juin. A propos du premier de ces bombardements, il cite un témoin : « Le 27 avril, il est passé trois vagues de trois avions. Une bombe est tombée sur l'école du Vicel. C'était pourtant La Pernelle qui était visée ». Puis il donne une explication :

22 Témoignage de Désiré Pasquier, maire de Brix, 12 septembre 1994. 23 Le site aménagé à La Pernelle et codé HKAA 1261 dépendait du KVU Gruppe . Granville : Pointe du Roc.

La Pernelle : l'église. « La technique de bombardement alliée était de prendre, par , la route qui longe la lande (D. 125). Le largage s'effectua trop tard et les bombes tombèrent sur Le Vicel »24.

Ce bombardement a fait cinq victimes civiles et détruit complètement trois maisons et l'école. Heureusement, il a eu lieu un jeudi alors jour de congé pour l'institutrice et ses élèves.

4. Les bombardements de Gréville-Hague et Urville-Hague Le 1er juin, l'aviation alliée s'est attaquée aux défenses allemandes installées à Gréville- Hague et Urville-Hague. A Gréville-Hague, une cinquantaine d'ouvrages constituent l'extré- mité occidentale de la ceinture fortifiée de Cherbourg. Vingt-deux de ces ouvrages sont équi- pés de canons de 75. À Urville-Hague, la plage est défendue principalement par un canon de 105 et deux canons de 50 sous casemates, celles-ci étant accompagnées de plusieurs abris, soutes et tobrouks.

Le bombardement a été massif. D'après le compte rendu de l'attaque aérienne par la défense passive, « environ deux cents avions ont largué plus de mille bombes de deux cent cinquante kilos et la zone habitée a reçu plus de trente bombes à l'hectare ». Quant aux dix- huit victimes civiles, elles ont été tuées sur le coup ; « des débris humains ayant été retrouvés jusqu'à cinquante mètres des impacts »25.

Le correspondant de Cherbourg-Éclair note : « Tout le pays est labouré, bouleversé par les bombes. Ce ne sont qu'entonnoirs béants. Des champs entiers sont retournés, des chemins ont disparu avec leurs arbres et leurs haies dispersées. Le sol est jonché de carcasses de bestiaux »26.

Le lendemain, vers une heure et demie, Urville-Hague subit un second bombardement tuant quatre civils et détruisant huit maisons au « village de l'Eglise ».

5. Le bombardement de Coutainville

Le 25 avril, un avion britannique, vraisemblablement en difficulté, est obligé de se délester de ses bombes. Trois d'entre elles tombent sur Coutainville, tuant trois civils et blessant plusieurs autres.

Un témoin, Madame Armand Schacher raconte : « J'étais sur la porte de la salle à manger lorsque l'avion est passé si près, si bas, veux-je dire, qu'on en a senti le vent puis immédia- tement une bombe. Après être sortie pour voir l'avion (mais j'ai dû regarder du mauvais côté et je ne l'ai pas vu), le bruit de la bombe m'a fait rentrer, puis immédiatement après deux autres bombes ont explosé, les trois explosions ensemble ne durant pas plus qu'une seconde et demie en tout (...). La première bombe est tombée sur l'ancienne épicerie Jardon, blessant affreusement la fille de Madame Legallais à la cuisse et ensevelissant son petit garçon sous les décombres (...). On l'a dégagé tout de suite. L'enfant n'avait aucun mal (...). La deuxième bombe est tombée sur l'atelier de Monsieur Léonard qui était sur le seuil. Il a eu un pied et une cuisse sectionnés. On l'a emporté aussitôt à Coutances ; mais il est mort le soir (...). Madame Jeanne a reçu l'espagnolette qui lui a brisé la cuisse et lui a fait une atroce blessure au bas du dos. Elle est morte le soir (...). Monsieur Jeanne, qui était malade depuis long-

24 Yannick ROSE, Quatre ans d'occupation pour : "La Vigie du Val-de-Saire", p. 38. 25 Compte rendu d'attaque aérienne du 1er juin 1944. Préfecture de la Manche, service de la défense passive (A.D. de la Manche). 26 Cherbourg-Éclair, Fr juin 1944. Carte 3 - IMPLANTATION DES BASES DE VI DANS LA MANCHE 6 juin 1944 Carte 4 - DÉFENSE ET FORCES TERRESTRES ALLEMANDES DANS LA MANCHE 6 juin 1944 Carte 5 - VICTIMES CIVILES PAR COMMUNE DE DÉCÈS

1er avril - 5 juin 1944 temps, presque mourant de tuberculose intestinale, était enseveli sous les décombres de son pavillon. On l'a dégagé après deux heures d'efforts. Il n'était pas blessé, seulement un peu contusionné. Mais il est mort le matin où on enterrait sa femme (...). Madame Legagneur a été blessée aux reins, mais ce n'est pas grave (...). Madame Simon a été blessée deux fois à la cuisse, mais elle circule et cela va bien. La petite bonne du charcutier a eu la figure abîmée .et l'œil touché ; mais cela s'arrange aussi. Une autre petite bonne a été blessée superficiellement au visage. Dans les autres magasins, beaucoup de dégâts, mais, par une chance extraordi- naire, il n'y a pas eu d'autres blessés »27.

II - LES MITRAILLAGES

Les mitraillages de la phase préparatoire ont surtout visé les chemins de fer et atteint des cheminots voire des voyageurs.

Le 22 mai, Fernand Ouitre, chauffeur du dépôt de Cherbourg, a été victime d'un mitrail- lage par l'aviation alliée. « Atteint sur sa machine, blessé à la tête, aux jambes, aux bras, il a dû subir une amputation à l'hôpital de où il est décédé. Son camarade mécanicien, bien que blessé à la tête, a continué avec un magnifique sang-froid à assurer son service »28.

Le 29 mai, l'aviation alliée attaque un train près de La Haye-du-Puits. Deux cheminots sont atteints. L'un, Arthur Lebourg, est tué sur le coup. L'autre, Maurice Flambart, est griève- ment blessé. Le second « d'abord transporté sur sa demande à Barneville, a dû être dirigé peu après sur l'hôpital Pasteur à Cherbourg, en raison de la gravité de ses blessures »29.

Le 3 juin, à quatorze heures quinze, une camionnette des magasins Ratti, se dirigeant vers Villedieu, a été attaquée à la sortie de Valognes par quatre avions britanniques « qui la criblèrent de plusieurs rafales de mitrailleuses. Le chauffeur, Louis Lecacheux, fut tué. Il demeurait, rue de la Comédie, à Cherbourg ; mais il était replié à Villedieu où les magasins Ratti ont fait récemment leur réouverture. Près du chauffeur, Marthe Couesnon, caissière, fut également mortellement blessée. Les deux autres occupants, Alexandre Balley et Marie Bisson, furent blessés »30.

Le même jour, vers seize heures, l'autocar assurant le service entre Périers et Saint-Lô a été mitraillé à Remilly-sur-Lozon. « Il y a eu un mort, Paul Bisson, et quatre blessés : Jacques Yvetot, Roger Durel, sa femme et leur fils Gérard »31. En fin d'après-midi, c'est au tour du train omnibus Carentan-Carteret d'être mitraillé. Le mécanicien, Alexandre Quesnel, a été tué. Le chauffeur et un voyageur ont été grièvement blessés ; le second, Roger Frachon, domicilié à Versailles, est décédé le lendemain à l'hôpital de Saint-Lô.

III - LES RÉACTIONS DE L'OPINION

Les Manchois sont divisés sur la question des bombardements et des mitraillages alliés avant le 6 juin. En règle générale, ils les approuvent dès lors que les victimes sont alleman-

27 Lettre adressée par Madame Armand Schacher à Madame Ferdinand Hanser le 5 mai 1944 (Bulletin municipal d'Agon-Coutainville, été 1994, p. 9). 28 Cherbourg-Éclair, 13 mai 1944. 29 Cherbourg-Eclair, 31 mai 1944. 30 Cherbourg- Éclair, 5 juin 1944. 31 L'Ouest-Eclair, 5 juin 1944. des. En revanche, ils sont plus partagés quand les victimes sont civiles ou lorsque leurs biens sont atteints.

Dans l'introduction de son rapport mensuel de mai, le préfet de la Manche note que « l'intensification brutale de la guerre aérienne sur le Cotentin à partir d'avril a provoqué l'indignation et la stupeur dans la population »32.

Les extraits d'une lettre rédigée le 4 juin 1944 par une Cherbourgeoise s'adressant à son mari prisonnier en Allemagne, traduisent bel et bien une très vive hostilité de sa part : « Mon cher Henri, c'est honteux de massacrer la population civile comme le font les prétendus Alliés (...). C'est bien la peine d'évacuer. Nous sommes en danger partout. Les campagnes environnantes de Cherbourg sont rasées (...). Toutes les nuits, nous sommes en alerte. Je t'assure qu'on ressent de fortes secousses et pourtant ce n'est pas tout à fait Cherbourg (...). Je t'assure que je me lève la nuit et descends en bas. Je ne suis pas la seule (...). Ça ne rigole plus maintenant. Là-bas où tu es, vous devez ramasser quelque chose aussi (...). Est-il possi- ble que certains Français les applaudissent quand ils viennent nous bombarder. Il ne faut pas être bien intelligent. Comme si ce n'étaient pas nos ennemis, ceux-là. Pour ma part, ce sont les miens car ce sont des bandits et des assassins pour faire ce qu'ils nous font. C'est toute la population civile qui ramasse tout. Ce n'est pas cela qui avance la guerre. Ça ne fait que la ruine et la misère partout »33.

De son côté, la presse locale est aussi très critique vis-à-vis de ces interventions aériennes alliées. Pour l'éditorialiste de Cherbourg-Éclair, « c'est chaque jour que nos villages reçoivent la visite des escadrilles britanniques. Avec une persévérance parfois étrange, elles s'acharnent sur certaines localités où l'on chercherait en vain le moindre objectif militaire. Il en va de même des attaques dirigées contre les véhicules sur les routes et qui échappent à tout motif plausible, autre que celui de faire régner la terreur parmi nos populations. Ce but est atteint dans certaines communes où devant la répétition des bombardements qui abattent leurs maisons, causent des deuils cruels et ruinent les exploitations en tuant les bêtes, bouleversant les cultures, les herbages, déracinant les arbres (...). Les cultivateurs n'en pouvant plus fuient leur village déracinés à leur tour par la volonté des destructeurs volants. Le ravitaillement se ressent de cette évasion forcée des cultivateurs victimes de l'aviation britannique. Plus nous irons, plus les effets de cette terreur exercée sur nos campagnes se feront sentir (...). Nos agriculteurs, ruinés par les attaques aériennes, sont des sinistrés »34. Après les bombardements sur Gréville-Hague et Urville-Hague, le quotidien cherbourgeois titre : « Bilan des attaques de l'aviation terroriste dans nos villages »35. Pour Le Courrier de la Manche, il s'agit également de « terrorisme aérien »36.

Conclusion

Au cours des opérations aériennes préparant le débarquement, des familles entières ont péri. Par exemple, le 10 mai, à , une bombe tombe sur la maison de la famille Guilbert. Le père, la mère et les quatre enfants sont tués. Autre exemple, le 2 juin, à Querque- ville, une bombe dévaste la maison de la famille Moulin et tue le père, la mère ainsi que trois des six enfants.

32 Rapport du préfet de la Manche daté du 4 mai 1944 (AN, FI C III 1166). 33 Lettre de Mme M.L. à Mr H.L. (Archives privées). 34 Cherbourg-Éclair, 4 mai 1944. 35 Cherbourg-Éclair, 2 juin 1944. 36 Le Courrier de la Manche, 2 juin 1944. Cependant, compte-tenu de la fréquence et de l'intensité élevées de ces bombardements, le nombre des victimes civiles est relativement faible, la plupart des bombes étant tombées dans les champs ou ayant épargné miraculeusement la population. Citons seulement deux exemples. Le 5 mai, une cinquantaine de bombes sont lancées sur Angoville-au-Plain sans tuer ni même blesser37. Le 19 mai, deux cents bombes de gros calibre sont lâchées sur Anneville-en-Saire, Crasville, La Pernelle, Quettehou et Le Vicel sans faire de victimes38.

37 Rapport du directeur de la défense passive de l'arrondissement de Cherbourg, 11 mai 1944, (A.D. de la Manche). 38 Rapport du capitaine de gendarmerie commandant la section de Cherbourg, 20 mai 1944, (A.D. de la Manche). Chapitre II

LES VICTIMES CIVILES DES BOMBARDEMENTS STRATÉGIQUES 6-14 juin

Introduction

Les bombardements, qui vont dévaster plusieurs villes de la Manche le jour J et les jours suivants, sont stratégiques, non seulement parce qu'ils sont effectués par des bombardiers stratégiques39 emportant chacun trois à six tonnes de bombes explosives ou incendiaires, mais aussi parce qu'ils ont un objectif stratégique : la destruction de plusieurs villes. Ces bombardements ont été demandés avec beaucoup d'insistance par le général Eisenhower. Ils lui ont été accordés malgré l'hostilité du gouvernement britannique et des commandants des forces aériennes stratégiques américaines et britanniques en Europe. Le commandant en chef des forces alliées dans l'opération Overlord voulait par ce moyen paralyser les mouvements de troupes allemandes en direction de la zone de débarquement et ainsi limiter les pertes dans les unités débarquées. Les premiers de ces bombardements ont eu lieu le jour J ; ils ont touché Carentan, Valo- gnes, Saint-Lô et Coutances. Les suivants ont atteint, entre les 7 et 14 juin, les mêmes villes ainsi que celles d'Avranches, , Périers et Saint-Hilaire-du-Harcouët. A l'approche des premières vagues de bombardiers, beaucoup de Manchois sont sortis sur le pas de leur porte pour voir passer ces « grands avions ». Pour jouir du spectacle, certains ont interrompu leur repas. Ils ne le termineront jamais. La scène est partout la même, à la fois brève et terrible : un fracas énorme, un tremblement du sol et des murs, des explosions de bombes, des écrou- lements d'habitations, d'énormes nuages de poussière, des cris de peur, de douleur, de désespoir. Elle s'achève dans l'horreur, la consternation, le deuil. Pour la plupart des gens, la surprise a été totale. Certes, des tracts ont bien été lancés pour avertir la population du danger encouru et lui prescrire en conséquence d'aller se mettre à l'abri dans les campagnes. Mais ils se sont en grande partie égarés dans la nature, parfois à plusieurs kilomètres de leur but. Par exemple les tracts destinés aux Saint-Lois sont tombés à Couvains, Bérigny, Cerisy- la-Salle... Et lorsqu'ils sont tombés au bon endroit, les habitants n'y ont pas cru. C'est le cas d'une Avranchinaise, Marguerite Pettier, qui témoigne : « Le dimanche 4 juin, allongée sur l'herbe, dans un champ, près de Saint-Senier, à trois kilomètres environ d'Avranches, nous profitons en famille d'un après-midi ensoleillé. Ce dimanche était particulièrement agréable (...). Le calme régnait dans cette oasis de verdure (...). Tout à coup, venant du ciel, un gron- dement lourd inhabituel coupait net notre farniente. Ce n'était pas un orage (...) mais des bombardiers. Pris d'une crainte subite, nous regagnâmes Avranches (...). La ville était calme, déserte (...). Les rues étaient parsemées de tracts. Ceux-ci demandaient à la population de quitter au plus vite leur agglomération pour se réfugier dans les campagnes avoisinantes, des

39 Des "Forteresses" et des "Liberator" des VIIIe et IXe US Air Force, des "Lancaster" et des "Halifax" du Bomber Command de la RAF.

Carte 6 - VICTIMES CIVILES PAR COMMUNE DE DÉCÈS 6 juin - 14 juin 1944 bombardements étant prévus dans les jours à venir. Malheureusement, personne ne prit cet avertissement au sérieux. Et les Avranchinais restèrent chez eux. Pourtant, depuis longtemps, dans chaque maison, des paquets étaient préparés en vue d'éventuels départs »40. Certes, des messages radio prévenant les habitants ont bien été émis par les services alliés. Mais ils n'ont pas été entendus, la plupart des postes de T.S.F. ayant été confisqués par les Allemands.

I - LES BOMBARDEMENTS AUTOUR DU JOUR J (6-7 juin) Le Jour le plus long fait partie des dates mémorables. Symbole de joie et d'espérance pour les uns, il reste synonyme de deuil pour d'autres. Ce jour-là, en effet, quatre villes man- choises ont été bombardées et plusieurs centaines de leurs habitants tués.

1. Les bombardements de Carentan Les Carentanais n'ont guère dormi dans la nuit du 5 au 6 juin. Alertés à plusieurs reprises par des sirènes, la ronde des avions alliés et les tirs de la défense antiaérienne allemande, ils entendent, peu après minuit, un ronronnement inhabituel d'avions venant de l'ouest et se dirigeant vers la baie des Veys. Dans le ciel éclairé par les projecteurs alle- mands, ils peuvent voir d'abord des escadrilles d'avions transporteurs remorquant des planeurs puis des parachutistes se balançant au-dessus des marais tandis que dans les rues des Allemands affolés circulent dans toutes les directions. Après une certaine accalmie, de fortes explosions provenant de la côte font trembler la ville dont les habitants les plus prudents gagnent les abris. Les autres les y rejoignent précipitamment, vers quatre heures trente, lorsque les premières bombes tombent sur Carentan et tuent six personnes en provo- quant l'écroulement de plusieurs maisons rue Sébline et rue du Haras. La gare SNCF et la route nationale étaient visées.

Carentan : la gare.

40 Témoignage de Marguerite Pettier dans : Les bombardements d'Avranches par Johan PETTIER, Université de Caen, 1994, p. 5. Des pompiers luttent contre les incendies à Carentan le 17 juin 1944.

Le second bombardement, plus violent, a eu lieu vers quatorze heures trente, avec les mêmes objectifs. Marcel Ledanois raconte : « C'est alors que trois nouvelles vagues d'avions apparaissent au-dessus de la ville et déversent leur chargement. Les bombes descendent en sifflant et explosent. Tout tremble comme si les immeubles oscillaient sur leur base. Dans un fracas de vitres brisées, fenêtres et portes se volatilisent. Par les ouvertures, un immense nuage de poussière étouffante envahit les maisons. On réalise le désastre : au passage à niveau c'est le chaos (...). La voie ferrée est soulevée, tordue, arrachée. À partir de la Natio- nale 13, d'innombrables trous de bombes sont creusés rue Saint-Côme, rue Sébline et autour des Établissements Duval-Lemonnier. C'est là que le docteur Caillard, maire de Carentan, est grièvement blessé alors qu'il se rend à la mairie. Transporté à l'hôpital, il meurt deux heures après, sans avoir repris connaissance. Rue des Villas, une famille entière de huit personnes est pulvérisée dans sa maison atteinte de plein fouet. Dans les ruines, on ne retrouvera aucun corps, mais seulement des lambeaux de chair et d'os. Tout à côté, dans une maison effondrée, la mère et les trois enfants tués sont ensevelis sous les décombres. Le père, blessé, et les autres enfants hurlent d'épouvante. On les transporte à l'hôpital où arrivent dix-huit nouvelles victimes et de nombreux blessés »41.

41 Marcel LEDANOIS, Carentan sous l'occupation allemande et à l'heure de sa délivrance, Carentan, Impri- merie du Cotentin, 1984, p. 12-13. Au total, le 6 juin, vingt-quatre Manchois ont péri sous les bombardements de Carentan ; tous étaient domiciliés à Carentan. Une partie des habitants, effrayés par les explosions des bombes et les hurlements de blessés, se sont réfugiés dans les villages voisins ou enfuis sans savoir où aller.

2. Le premier bombardement de Valognes Les murs de Valognes ont bien tremblé dans la nuit du 5 au 6 juin ; mais les bombes ont explosé, au loin, sur la côte. Au début de la matinée du 6, les Valognais, sortis dans les rues, découvrent les affiches allemandes avec leurs mots d'ordres assortis de menaces de mort en caractères gras. Ceux ayant un poste clandestin apprennent et répandent très vite les nouvelles du débarquement des Américains et de la libération de Sainte-Mère-Église. Depuis l'aube, plusieurs d'entre eux aident des parachutistes américains tombés loin de leur zone d'intervention. Tous s'habituent très vite au bourdonnement des avions, au grondement des canons, aux rafales des mitraillettes. Ils sont d'autant moins inquiets que les Allemands ont quasiment disparu de la ville. Ils s'attendent à être libérés dans les heures suivantes. Ils n'ont pas eu connaissance des tracts les invitant à partir, ceux-ci étant tombés aux alentours, à Montaigu-la-Brisette et principalement.

Des troupes américaines traversant Valognes dévastée.

Aussi, vers quatorze heures, lorsque les forteresses volantes font leur apparition, les Valognais restent-ils calmes. D'ailleurs les bombardiers semblent contourner leur ville dont les rues se remplissent de spectateurs. Puis, assez rapidement, les avions font demi-tour pour lâcher leurs bombes sur le quartier d'Alleaume où il ne reste plus, après leur sinistre passage, que des tas de débris en feu, des cratères géants, et où il est dénombré une quaran- taine de morts. Dans tout le quartier, le désarroi est total. Guillaume Lecadet décrit ainsi le drame : « Des cratères géants se sont ouverts, des maisons se sont volatilisées, d autres se sont affaissées en un tas informe. Des cadavres affreusement mutilés gisent partout (...). Des gens terrifiés émergent des décombres ; des enfants poussent des cris perçants ; des blessés, couverts de sang, sortent de tous côtés. Des appels déchirants se font entendre ; des gens sont emmurés vivants, d'autres agonisent les membres broyés ou étouffent dans l'âcre fumée. Les sauveteurs sont là, répondant aux appels, faisant des efforts surhumains pour dégager ceux qui vivent encore ou achèvent de mourir. Mais il y a des montagnes à remuer et il en est qui mourront de la mort lente, la plus atroce. Des vieillards hébétés s'en vont au hasard ou gémissent. Les ambulances vont et viennent vers l'hôpital. Les infirmiers de la défense passive, les médecins pansent, garrottent, évacuent. Des habitants pleurent devant les ruines de leur foyer »42. Marie Viel, qui est sortie sur de sa cuisine raconte : « Je vois les bombes tomber dans la direction de l'église d'Alleaume, et aussitôt la fumée s'élève. C'est rue de Saint-Malo crie-t-on dans la rue. Ma pensée ne fait qu'un bond : Marie Lemarquand ! Je cours prendre mon chapeau et pars, osant à peine interroger sur mon chemin ceux qui descendaient la rue et, courant avec ceux qui montaient, à la hauteur de l'école maternelle, place du calvaire, j'aperçois Marie, sans chapeau, parlant aux uns et aux autres. Soulagée, je vais à elle et l'embrasse. Quel spectacle ! La maison Mauduit en ruines, et l'on dégage Madame Mauduit ; à gauche des ruines, des civières circulent et j'entends nommer René Voisin, père de quatre enfants, et Bouland jardinier, tués au poste de secours où ils étaient pour porter secours. Neuf personnes d'une même famille, dont plusieurs de Cherbourg venues pour la communion, étaient tuées ; on les ensevelit à la Croix d'Alleaume. Dans l'ancien presbytère, près de l'église, tous les occupants sont tués : la jeune fille, debout, versait du café à la vieille mère assise, telles elles ont été retrouvées. Maurice Pigeon, le peintre si apprécié, tué avec sa mère et sa sœur ; ils s'étaient enfuis. J'aperçois J. Lefillâtre, treize ans, une de mon patronage, tremblante et pleurant d'avoir vu la maison d'en face de chez elle s'effondrer. Je la prends par le bras et l'emmène à la poste pour rassurer sa mère, laquelle y assurait son service »43.

Au total, trente-neuf Manchois sont morts lors du premier bombardement de Valognes, dont trente-six Valognais.

3. Les bombardements de Saint-Lô

Dans la nuit du 5 au 6 juin, les Saint-Lois s'endorment sans inquiétude particulière ; ils sont même plutôt confiants, la rumeur d'une prochaine libération parcourant la ville depuis plusieurs jours. Certes, ils entendent bien des bruits d'avions ; mais la ronde de ces derniers au-dessus de la ville est devenue une habitude. Soudain, vers vingt-trois heures trente, des tirs nourris de la défense antiaérienne les réveillent. Les membres de la défense passive rejoi- gnent aussitôt leur poste. La sirène, qui hurle à maintes reprises, marque le début d'une longue alerte. Un quadrimoteur en flammes s'écrase à . Un bruit sourd et continu, provenant du nord, trouble les Saint-Lois réveillés.

Vers huit heures, alors que tous les habitants de la cité préfectorale sont debout, les rues sont peu fréquentées, la plupart des commerçants n'ont pas encore ouvert leurs boutiques. Cependant la nouvelle du débarquement des Alliés se répand aux quatre coins de la ville. Des Saint-Lois intuitifs situent la zone bombardée du côté de la baie des Veys. Des curieux, rasant les murs, prennent connaissance des affiches allemandes placardées aux carrefours et interdisant à la population de circuler sur la voie publique, de quitter la ville, de fermer les portes cochères de tous les immeubles. C'est la confirmation du débarquement des Alliés et la joie intérieure. Dans la journée, des prévoyants font leurs provisions d'eau et déposent leurs objets de valeur dans les banques ouvertes ou bien gagnent la campagne avoisinante.

42 Guillaume LECADET, Le Versailles normand aux heures tragiques, Coutances, éd. Notre-Dame, 1947, p. 179-180. 43 Témoignage de Marie Viel dans "Valognes se souvient", Bulletin municipal, juin 1994, p. 10. Mais ces derniers sont finalement peu nombreux. Pourtant, à dix heures cinq, a lieu une première intervention de l'aviation alliée sur l'agglomération Saint-Loise. Quatre bombes sont lâchées sur la centrale électrique d', sans grand résultat ; ce qui provoque un second traitement plus efficace, un quart d'heure plus tard. Et, vers seize heures trente, une opéra- tion de mitraillage et de bombardement est menée sur la gare de Saint-Lô. Qu'importe ! Le calme revenu, des badauds regardent flamber des wagons de paille et de blé immobilisés. Il est vrai que dans l'après-midi des informations fantaisistes circulent en ville indiquant « que les Américains ont libéré Carentan et qu'ils seront à Saint-Lô dans la soirée ». Leur optimis- me incite un grand nombre de Saint-Lois à rester dans leur ville pour fêter sa libération.

Mais, peu après vingt heures, tout bascule. Alors que la plupart des Saint-Lois dînent dans l'attente de leur libération et de leurs libérateurs, « une formation de bombardiers quadrimoteurs passe à l'action. Les bombes sont lâchées d'un seul coup »44 et tombent sur la ville qui brûle en plusieurs endroits. Louis Duprey, policier, raconte : « Prenant mon service à vingt heures, j'avais été invité à dîner chez une tante au carrefour de la Bascule, où je fus à dix-neuf heures. On discutait des événements quand, vers vingt heures, on entend des vrombissements. Il faisait très beau. Je sors. Alors, dans le soleil qui baissait, je vis toute une escadrille d'avions qui brillaient (...). Nous sommes sur le pas de la porte pour voir le spectacle. Quand, soudain, ça y est, ils lâchent quelque chose. Ils lâchent des bombes ! On les voyait descendre en chapelets inclinés. C'était le premier bombardement de Saint-Lô (...). J'ai laissé passer l'alerte puis je suis descendu dans Saint-Lô bombardée avec un gendar- me (...). Nous sommes restés jusqu'à vingt-trois heures pour sauver des victimes dont certaines nous étaient connues (...). On a déblayé et sauvé des enfants qui étaient pris sous l'enchevêtrement des poutres, des déblais, des fenêtres, des fils électriques. À la gendar- merie, tout est mélangé ; c'est un fouillis inextricable, un tas de ruines avec des gens dessous (...). Le déblaiement est difficile. Il faut être prudent pour ne pas provoquer d'éboulement. C'est très dur. Il fait chaud et nous dégageons beaucoup de poussière. Les scènes sont déchi- rantes : la mère qui cherche son enfant (...), l'épouse qui réclame son mari que l'on a sorti blessé »4S. La Caisse d'Épargne, la Banque de France, la Feldkommandantur, la mairie sont aussi touchées ainsi que de nombreuses maisons. Des secours s'organisent aussitôt. La lutte contre les incendies est d'autant plus difficile que les moyens pour les combattre sont rares, les deux motopompes municipales ayant été emportées par les Allemands quelques jours auparavant. L'aide aux blessés est souvent très pénible. Certains d'entre eux sont si profon- dément ensevelis sous les décombres qu'il est impossible de les en tirer avant la tombée de la nuit. D'après un rapport de Madame Guillou, membre de la Croix Rouge française, à l'hôpi- tal de la défense passive installé à Saint-Joseph, « l'horreur atteint son comble. Les salles, les couloirs sont remplis de gens blessés, hurlant, réclamant leurs proches ; une mère blessée arrive portant son enfant mort qu'on lui cache aussitôt. Les mourants qui impressionnaient trop les autres blessés sont transportés dans une baraque (...). Le docteur Brisset jugea impossible de continuer à opérer dans cet hôpital maintenant sans fenêtres ni portes et accepta la proposition du Bon Sauveur de recevoir tous les blessés (...). Vers vingt-deux heures trente, tous les blessés sont couchés sur des matelas, dans des lits disponibles, sur de la paille dans plusieurs salles du Bon Sauveur »46. Alors qu'ils ont gagné leurs abris pour dormir, les Saint-Lois restés dans leur ville sont brutalement réveillés, vers minuit et demie par un nouveau bombardement. En une dizaine de minutes, une cinquantaine de bombar- diers lâchent leur chargement sur le centre de la ville. Selon un témoin, Henri Bernard, « les avions se suivent dans un vacarme assourdissant (...), et les bombes se mettent à dégringoler de plus en plus vite. Bientôt elles tombent avec une telle fréquence qu'il n'est plus possible de distinguer les explosions individuelles, et le tout se fond en un roulement de tonnerre infernal

44 Témoignage de Georges Godefroy, 30 août 1994. 45 Témoignage de Louis Duprey dans : La destruction de Saint-Lô par Christophe PANNIER, Université de Caen, 1994, p. 6. 46 Rapport de Madame Guillou, vice-présidente de la Croix-Rouge de Saint-Lô, juin 1944. Saint-Lô : rue Dame-Denise.

Saint-Lô : les remparts. Saint-Lô : le parvis Notre-Dame.

Saint-Lô : la rue Havin et la place de la Préfecture. TABLE DES MATIÈRES

Introduction 5

Chapitre I - Les victimes civiles des opérations préparatoires, 1er avril-5 juin il I-LES BOMBARDEMENTS 12 1. Le bombardement de La Glacerie 12 2. Le bombardement de Brix ••••• 12 3. Le bombardement du Vicel 14 4. Les bombardements de Gréville-Hague et Urville-Hague 16 5. Le bombardement de Coutainville 16 II - LES MITRAILLAGES 20 m - LES RÉACTIONS DE L'OPINION 2 0

Chapitre II - Les victimes civiles des bombardements stratégiques, 6-14 juin 23 I - LES BOMBARDEMENTS AUTOUR DU JOUR J, 6-7 juin 26 1. Les bombardements de Carentan 26 2. Le premier bombardement de Valognes 28 3. Les bombardements de Saint-Lô 2 9 4. Les bombardements de Coutances 3 3 II - LES BOMBARDEMENTS SUIVANT LE JOUR J, 7-14 juin 3 6 1. Les bombardements d'Avranches 36 2. Les bombardements de Valognes, 7 et 8 juin 3 8 3. Le bombardement de Lessay 3 9 4. Le bombardement de Périers, 8 juin 40 5. Le bombardement de Saint-Hilaire-du-Harcouët, 14 juin 42

Chapitre III - Les victimes civiles des combats, 6 juin-14 août 45 I-LE JOUR J 45 1. Le bombardement de Saint-Marcouf-de-l'Isle 4 5 2. Les bombardements de Sainte-Mère-Église 4 7 3. Autres bombardements et mitraillages 4 7 II - LA BATAILLE DU COTENTIN 50 1. La bataille de 51 2. La bataille de 52 3. La bataille de Cherbourg 5 5 III - LA BATAILLE DU SAINT-LOIS ET DU COUTANÇAIS 5 8 1. Le bombardement de Saint-Symphorien-le-Valois 5 8 2. Les bombardements de Couvains 59 3. Les bombardements de Torigni-sur-Vire 5 9 4. Les bombardements de Marigny 61 5. La guerre des haies 62 6. Les bombardements et les mitraillages côtiers 6 7 IV - LA BATAILLE DE L'AVRANCHIN ET DU MORTAINAIS 6 9 1. La libération d'Avranches ...... 69 2. La bataille de Mortain 70 3. La bataille de 74 4. La bataille de ...... 74 Chapitre IV - Les victimes civiles par engins explosifs, 15 août-30 septembre... 75 1 - L'ALERTE AU "DANGER MORTEL" 75 1. Avis, recommandations et circulaires 76 2. Les appels au déminage 77 II - DE NOMBREUX ACCIDENTS MORTELS 78 1. "Terrible accident à Barfleur" 78 2. Des victimes d'explosifs en août 78 3. Des victimes d'explosifs en septembre 79 III - LA "SOLUTION NORMALE" 8 0

Chapitre V - Les victimes civiles de la répression allemande, 1er avril- 30 septembre 83 I - DES VICTIMES INNOCENTES 84 II - DES VICTIMES DÉSOBÉISSANTES 8 6 III - DES VICTIMES RÉSISTANTES 88

Chapitre VI - La répartition géographique et sociologique des victimes civiles 93 I - LA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES VICTIMES CIVILES 93 1. Les lieux de décès 93 2. Les lieux de domicile 98 II - LA RÉPARTITION SOCIOLOGIQUE DES VICTIMES CIVILES 98 1. Deux fois plus de victimes urbaines 98 2. La surmortalité masculine 9 8 3. La surmortalité des personnes âgées 102 4. La surmortalité des professions tertiaires 102

CONCLUSION 105

Chronologie des bombardements 107 Sources 109 Bibliographie sommaire 110

Liste mémoriale, victimes civiles de la bataille de Normandie domiciliées dans la Manche (1er avril-30 septembre 1944) 115 Victimes civiles par lieux de domicile 271 Victimes civiles non domiciliées dans la Manche ou de domicile inconnu (1er avril- 30 septembre 1944) 311

Index des cartes et reproductions ...... ,4*»- 331 Table des matières ...... 333