ARTICLE PARU DANS DU DIMANCHE 26 AVRIL

A qui appartient le pic du Canigó ? La question se veut à dessein provocante. A tous les catalans serait-on tenté de répondre. Culturellement sans doute. Mais juridiquement ? Vite, sortez une carte : on vous dit tout...

alle à manger du premier étage de la mairie de Vernet-les-Bains, il y a approximativement un mois de ça. Petit-déjeuner de travail hebdomadaire au cours duquel chaque adjoint est Stenu de payer sa tournée de croissants. Discussion informelle autour d’une tasse de café. Au détour de la conversation, une question fuse. «Vous savez à quelle commune appartient le sommet du ? ». A l’échelle du Massif, elles sont plusieurs à pouvoir revendiquer leur part de paternité. Mais le pic ? L’emblématique cote 2784,66m ? A qui appartient-elle réellement ? Qui peut légitimement et ju- ridiquement prétendre en êtere le propriétaire ? , , , ou Vernet ?

Petite leçon de géographie « A cette occasion, on s’est rendu compte que beaucoup de gens ignorent que le pic du Cani- gou se situe bel et bien sur le territoire de Vernet-les-Bains. Alors : on a tout bonnement décidé de le faire savoir », pouffe le maire Henri Guitart. Non pas, insiste t-il, dans un quelconque esprit « polémique ». Il n’ignore pas évoluer ici en terrain glissant. Enclenche par conséquent aussi sec les aérofreins. « On ne revendique rien. Le Canigou appartient évidemment à tous les Catalans. Du nord et du sud confondus. Mais il y a quelques vérités géographiques auxquelles on ne peut pas échapper ». Homme de dossier, le 1er adjoint Pierre Bousigue a très sérieusement planché sur le sujet. Et pondu d’ailleurs un petit mémo destiné à étayer le propos. Cartes à l’appui, il détaille la teneur de ses travaux.

Valmanya

Taurinya Casteil

Le pic du Canigou

Vernet-les-Bains

VERNET LES BAINS

CASTEIL

Pour être tout à fait honnête, le sommet de la « montagne sacrée » se partage, en réalité, entre Vernet-les-Bains et Taurinya. « Mais de façon très inégale » relativise Pierre Bousigue. « Taurinya ne détient qu’une étroite parcelle du pic sur le versant nord-est du Canigou. Une façe très es- 2° 27' 15.0" E 15.0" 27' 2° carpée, quasi verticale, dont l’ascension relève carrément de l’alpinisme.» Il poursuit. Si la table N 05.8" 31' 42° d’orientation est bien positionnée à cheval sur la crête, donc entre les deux communes; la croix www.geoportail.gouv.fr/mentions-legales de fer est pour sa part érigée sur la partie plus méridionnale du sommet. Et là : nous sommes à Vernet-les-Bains ». Vernet toujours, côté face ouest des Conques, sur le bassin-versant du Saint- Vincent délimité par une ligne de crête, qui orienté du nord au sud, passe par le pic Joffre, le pic 2015 - IGN © : Longitude : Latitude du Canigó et les arêtes Quazemi de dalt et Quazemi de baix. Vernet encore coté face sud, dans le triangle formé par les pics Quazemi, Canigó et Barbet. « Le pic est à 90% localisé sur notre commune », renchérit Henri Guitart. Envisage-t-il pour autant de mobiliser une équipe de sherpas pour aller planter l’oriflamme de la cité thermale sur le pyramidion sang et or? « Nous voulons le retour de flamme » Il se fend d’un large sourire et reprend la balle au bond. Sans taper en touche. « si quelqu’un peut se prévaloir de l’appellation Canigou, c’est bien nous ». Donc ? « Non : pas de drapeau. Mais on réfléchit sérieusement au projet d’une plaque fixée dans la roche. Qui indiquerait aux randonneurs qu’ils se trouvent, là-haut, sur la commune de Vernet-les-Bains ». Cette affaire d’emprise territo- riale à l’évidence le titille. « Il n’est pas normal que la ville du pic ne reçoive plus la flamme du Canigou pour les feux de la Sant Joan. Nous avons été spoliés. Depuis quelques années, elle arrive à Villefranche-de-Conflent alors que ce sont nos jeunes du Trail Vernet Aventure qui l’ache- minent dans la vallée. C’est par conséquent à nous de l’accueillir. Nous voulons le retour de la flamme. Car nous sommes les plus habilités à l’avoir.»Par sûr néanmoins que Villefranche l’entende de cette oreille. Sujet brûlant s’il en est. Pierre Bousigue tient à dédramatiser le débat. « Savoir à quelle commune est rattaché ce belvédère exceptionnel reste, finalement, assez anecdotique. Car aujourd’hui, l’essentiel est de faire en sorte que l’on puisse y accéder et en profiter libre- ment. Et de veiller, demain, à ce que notre Canigou, montagne sacrée pour les uns, montagne mythique pour les autres, ne devienne pas un jour montagne interdite à tous». Sur ce plan-là : sans l’ombre du moindre petit doute. Jean-Luc Bobin