L'orchis Pallens De La Région D'osenbach
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
L’Orchis pallens de la région d’Osenbach Un siècle déjà…combien de temps encore ? Henri MATHÉ * 1. Généralités sur Orchis pallens L. 1771 : historique, répartition, biotope. Orchis pallens L. a été décrit en 1771 par Carl von Linné dans Mantissa Plantarum altera Generum editionis VI et Specierum editionis II. (p. 292) à partir d’une plante récoltée le 14/06/1759 à Joux dans le canton suisse de Vaud (Lectotype : Haller Hist. Stirp. Helv. 2 : 143 t. 30 (1768)). L’image ci-contre montre « l’acte de naissance officiel » de ce taxon qui est une des rares orchidées à avoir conservé depuis lors son nom scientifique. C’est une espèce balkano-pontique (Delforge 2001) dont l’aire de répartition s’étend des Pyrénées espagnoles au Caucase, sans dépasser au nord le Land allemand de Thuringe (Massif du Harz) et les Tatras polonaises. La limite méridionale de son aire de répartition se situe en Calabre (Monte Pollino), au Péloponnèse (Massif du Taygète) et dans le sud de la Turquie (Monts Taurus). Ses stations sont localisées et l’espèce est partout considérée comme rare. Elle pousse à mi-ombre, sur substrat frais, calcaire à légèrement acide, dans les lisières des bois clairs de feuillus et de résineux ou les pâturages, surtout à l’étage montagnard. Elle apparaît précocement : (mars) – avril-mai-(juin), en fonction de l’altitude (de 120 à 2 400 m) et est surtout présente en France dans les Alpes et les Pyrénées. Les stations alsaciennes se situent en limite nord-ouest de l’aire de répartition de l’espèce et en situation abyssale (400-500 m). Elles font partie des rares stations françaises de l’espèce à l’étage collinéen. Au Bickenberg, l’espèce se rencontre dans une petite zone de la pelouse mésophile oligotrophe (Festuco-Brometalia) à Bromus erectus. Cet habitat d’intérêt communautaire, classé dans les « pelouses sèches semi-naturelles et faciès d’embuissonnement sur calcaire », est considéré comme Bulletin de la Société Française d’Orchidophilie de Lorraine-Alsace – Janvier 2016 Page 7 prioritaire dans la nomenclature Natura 2000 (S. Muller et al. 20021). Ce n’est cependant pas le biotope de prédilection de l’espèce qui affectionne plutôt les près-bois de feuillus aux étages collinéen et montagnard (Cephalanthero-Fagenion, Tilio-Acerion Oberdorfer 2001 – Carpino- Fagenion, Fagion sylvaticae Rameau 1993). Les stations plus forestières signalées autrefois relevaient sans doute d’une de ces associations. L’espèce est protégée au niveau régional en Alsace (Arrêté ministériel du 28/06/1993). Note : Même si l’isolement des stations alsaciennes a pu susciter des doutes sur leur indigénat, il est clair que cet indigénat n’a jamais été contesté par les botanistes qui ont écrit sur l’Orchis pallens d’Alsace. De plus, des indications historiques ponctuelles signalent l’espèce dans le Jura français (Girod-Chantrans 1810, Landwehr 1961, Prost 1991), la Belgique (Flore générale de la Belgique 1855) et le Luxembourg2 ce qui rend plus relatif cet isolement. Par ailleurs, l’espèce est présente en Forêt-Noire voisine (Allemagne). Par contre, les mentions du nom Orchis pallens que l’on trouve sur des planches d’herbier du MNHN dans la région d’Angers sont à oublier et résultent d’une synonymie nomenclaturale avec la forme jaune de Dactylorhiza sambucina. Cette confusion est due à l’Abbé Dubois qui a parlé de D. sambucina sous le binôme Orchis pallens dans sa Flore orléanaise de 1830, et en aucun cas d’Orchis pallens L. 2. Orchis pallens en Alsace La première observation d’Orchis pallens en Alsace est datée de 1905. Elle a été faite par Georg Marzolf jr., chef-jardinier à Guebwiller, dans un bois de robiniers (Akazienpflanzung) de la région d’Osenbach, précisément le 7 mai 1905. Une planche d’herbier conservée à Strasbourg montre deux spécimens d’Orchis pallens récoltés ce jour-là par Marzolf lui-même3. L’étiquette d’origine de cette planche donne quelques indications sur le lieu de découverte : « Ober Elsass. Am Weg von Osenbach nach Osenbür nur Rand eine Akazienpflanzung. Primus invenit et collegit Marzolf jun. Gebweilerensis 7 maio 1905. » 1 Bilan écologique des pelouses calcicoles du Bickenberg (Osenbach-68) préalable à la mise en place de mesures de gestion conservatoire. Equipe de Phytoécologie, Université de Metz 2 Paul Friedrich August Ascherson, Paul Graebner - Synopsis der mitteleuropäischen Flora, Volume 3, 1907 (p. 773) : « Ebenso sammelte sie Rossmann in der Rheinprovinz bei Echtermacherbrück an der Grenze von Luxemburg (F Wirtgen nach M. Schultze br.). Die S. 705 ausgesprochenen Zweifel an dem Vorkommen dieser Art in Luxemburg erscheinen mithin nicht mehr berechtigt ». Rossmann l’a aussi récolté dans la zone rhénane près d’Echtermacherbrück, à la frontière luxembourgeoise (F. Wirtgen d’après M. Schulze). Les doutes émis p. 705 concernant la présence de cette plante au Luxembourg sont donc levés. 3 Note de Roger Engel jointe à la planche : « Ce sont les plantes originales (découverte de la station) » Bulletin de la Société Française d’Orchidophilie de Lorraine-Alsace – Janvier 2016 Page 8 Quelques articles dans des publications botaniques en font vite état : - 1907 : Paul Friedrich August Ascherson, Paul Graebner - Synopsis der mitteleuropäischen Flora, Volume 3 : 773. http://www.biodiversitylibrary.org/item/81558#page/785/mode/1up « Nachtrag zu O. Pallens : Diese Art wurde im Jahre 1905 in Oberelsass bei Osenbach vom Gärtner Marzolf aus Gebweiler entdeckt und von Issler (br.) 1906 daselbst gesehen ». Complément à propos d’O. pallens : Cette espèce a été découverte en 1905, près d’Osenbach en Haute-Alsace, par le jardinier Marzolf de Guebwiller. Issler l’a vue lui-même à cet endroit en 1906. De fait, Emile Issler adresse, le 22 avril 1906, un exemplaire d’herbier à son ami Emile Walter qu’il accompagne du texte suivant : « Je t’adresse en même temps l’échantillon d’Orchis pallens prove- nant d’Osenbach. La plante a été dé- couverte l’année dernière par Monsieur Marzolf de Guebwiller et retrouvée indépendamment par moi cette année, sans chercher longtemps. Tu connais la station. Elle se trouve près du chemin qui mène de la maison forestière d’Osenbuhr à Osenbach, au-dessus d’Osenbach, là où les buissons cèdent peu à peu la place aux Courrier d’Emile Issler à Emile Walter champs… » - 1908 : Emile Issler - Allgemeine botanische Zeitschrift für Systematik, Floristik, Pflanzengeographie, Volume 14 : 101-116. http://www.biodiversitylibrary.org/item/38476#page/117/mode/1up « Die Pflanzengenossenschaften der ober-elsässischen Kalkvorhügel : Orchis pallens**blüht im Vorfrühling, einer Zeit ; in der Kirschleger und andere Botaniker kaum in jenen verlassen Winkel von Osenbach gekommen sind. (p. 114) **Diese Orchidee wächst nicht nur in einer « Akazienpflanzung », sondern kommt noch an mindenstens vier andern Stellen auf Grasland und im Buschwald vor ». Les associations végétales des collines calcaires de Haute-Alsace : Orchis pallens** fleurit dès avant le printemps dans ce coin délaissé d’Osenbach, à une période où Kirschleger et d’autres botanistes ne sont que rarement venus. **Cette orchidée pousse dans une plantation de robiniers mais apparaît également dans 4 autres zones de prairies et de bosquets. En 1913, Emile Mantz mentionne cette découverte à la page 8 de sa Liste des orchidées de la Haute- Alsace : « Orchis pallens L., très rare. Trois colonies dans les environs de Colmar (M, I, !) ». Les abréviations désignent M = Marzolf, I = Issler, ! = Mantz Il y signale par ailleurs (p. 10) sa découverte de l’hybride entre Orchis mascula et Orchis pallens : « Orchis mascula X pallens = Haussknechtii M. Schultze, très rare. Bulletin de la Société Française d’Orchidophilie de Lorraine-Alsace – Janvier 2016 Page 9 Trouvé par (!), en 1908, plusieurs exemplaires dans les environs de Colmar ». Ses carnets botaniques (titrés « Stations de plantes en Alsace trouvées par Emile Mantz ainsi que quelques stations de plantes rares indiquées par d’autres botanistes (X…) et Nomenclatures de mes Excursions botaniques » et « Catalogue de mes plantes classées d’après la Flore suisse de S. Gremli (Edition française de 1898) – Plantes récoltées en Alsace, France, Suisse, Italie – Herbier commencé l’année 1900 ») le confirment : Orchis pallens L Osenbach ‘’ var : pseudopallens. Osenbach Extrait d’un carnet botanique d’Emile Mantz Note sur la variété pseudopallens : Orchis pseudopallens est décrit en 1846 par K. Koch (Beiträge zur Flora der nördlichen Küstenlandes von Kleinasien in Linnaea vol. 19 : 13) mais ce nom illégitime est synonyme d’Orchis pallens. http://www.biodiversitylibrary.org/page/108687#page/16/mode/1up En 1851, H. G. Reinchenbach fils confirme son rang de simple variété (in Icones florae germanicae et helveticae. Vol. 13. p. 48) : Orchis pallens L. var. pseudopallens : labello subintegro, bracteis flores subaequantibus. Gracilior. https://books.google.fr/books?id=LsFcAAAAcAAJ&pg=PA44&dq=Orchis+pallens+var.+pseudopallens&hl=fr& sa=X&ei=81RCVbO4NsjraMntgZAG&ved=0CCgQ6AEwAQ#v=onepage&q=Orchis%20pallens%20var.%20pseu dopallens&f=false Ce qui donne en français (Georges Rouy, 1912. Flore de France ou Description des plantes qui croissent spontanément en France, en Corse et en Alsace-Lorraine. tome XIII. P. 143) : « Orchis pallens L. pseudopallens - Plante plus grêle ; bractées allongées, presque aussi longues que les fleurs ; labelle subentier ou à peine lobulé ». Cette variété n’est signalée qu’en Alsace avec la variété type. http://ia801402.us.archive.org/11/items/floredefranceoud13rouy/floredefranceoud13rouy.pdf Ne pas confondre Orchis pseudopallens K. Koch [1847, Linnaea, 19 : 13] avec Orchis pseudo-pallens Tod. [1842, Orchid. Sicil. : 58] qui est synonyme de Orchis provincialis Balb. ex Lam. & DC. 1806, espèce méditerranéenne qui n’atteint évidemment pas l’Alsace. Mantz fait également mention de sa présence sur les lieux le 8/5/1906, date qui correspond à une récolte de la plante sur la station d’origine. Un de ses carnets botaniques montre qu’il a herborisé à Osenbach et environs aux dates suivantes : Le 8/5/1906 : Osenbach Le 23/5/1906 : Soultzmatt, Osenbach, Bickeberg4 Le 3/5/1908 : Zinkoepfle, Bickeberg 4 Autre graphie pour Bickenberg.