L’ pallens de la région d’Osenbach Un siècle déjà…combien de temps encore ? Henri MATHÉ *

1. Généralités sur Orchis pallens L. 1771 : historique, répartition, biotope.

Orchis pallens L. a été décrit en 1771 par Carl von Linné dans Mantissa Plantarum altera Generum editionis VI et Specierum editionis II. (p. 292) à partir d’une plante récoltée le 14/06/1759 à Joux dans le canton suisse de Vaud (Lectotype : Haller Hist. Stirp. Helv. 2 : 143 t. 30 (1768)).

L’image ci-contre montre « l’acte de naissance officiel » de ce taxon qui est une des rares orchidées à avoir conservé depuis lors son nom scientifique. C’est une espèce balkano-pontique (Delforge 2001) dont l’aire de répartition s’étend des Pyrénées espagnoles au Caucase, sans dépasser au nord le Land allemand de Thuringe (Massif du Harz) et les Tatras polonaises. La limite méridionale de son aire de répartition se situe en Calabre (Monte Pollino), au Péloponnèse (Massif du Taygète) et dans le sud de la Turquie (Monts Taurus). Ses stations sont localisées et l’espèce est partout considérée comme rare. Elle pousse à mi-ombre, sur substrat frais, calcaire à légèrement acide, dans les lisières des bois clairs de feuillus et de résineux ou les pâturages, surtout à l’étage montagnard. Elle apparaît précocement : (mars) – avril-mai-(juin), en fonction de l’altitude (de 120 à 2 400 m) et est surtout présente en France dans les Alpes et les Pyrénées. Les stations alsaciennes se situent en limite nord-ouest de l’aire de répartition de l’espèce et en situation abyssale (400-500 m). Elles font partie des rares stations françaises de l’espèce à l’étage collinéen. Au Bickenberg, l’espèce se rencontre dans une petite zone de la pelouse mésophile oligotrophe (Festuco-Brometalia) à Bromus erectus. Cet habitat d’intérêt communautaire, classé dans les « pelouses sèches semi-naturelles et faciès d’embuissonnement sur calcaire », est considéré comme

Bulletin de la Société Française d’Orchidophilie de Lorraine-Alsace – Janvier 2016 Page 7 prioritaire dans la nomenclature Natura 2000 (S. Muller et al. 20021). Ce n’est cependant pas le biotope de prédilection de l’espèce qui affectionne plutôt les près-bois de feuillus aux étages collinéen et montagnard (Cephalanthero-Fagenion, Tilio-Acerion Oberdorfer 2001 – Carpino- Fagenion, Fagion sylvaticae Rameau 1993). Les stations plus forestières signalées autrefois relevaient sans doute d’une de ces associations. L’espèce est protégée au niveau régional en Alsace (Arrêté ministériel du 28/06/1993).

Note : Même si l’isolement des stations alsaciennes a pu susciter des doutes sur leur indigénat, il est clair que cet indigénat n’a jamais été contesté par les botanistes qui ont écrit sur l’Orchis pallens d’Alsace. De plus, des indications historiques ponctuelles signalent l’espèce dans le Jura français (Girod-Chantrans 1810, Landwehr 1961, Prost 1991), la Belgique (Flore générale de la Belgique 1855) et le Luxembourg2 ce qui rend plus relatif cet isolement. Par ailleurs, l’espèce est présente en Forêt-Noire voisine (Allemagne). Par contre, les mentions du nom Orchis pallens que l’on trouve sur des planches d’herbier du MNHN dans la région d’Angers sont à oublier et résultent d’une synonymie nomenclaturale avec la forme jaune de . Cette confusion est due à l’Abbé Dubois qui a parlé de D. sambucina sous le binôme Orchis pallens dans sa Flore orléanaise de 1830, et en aucun cas d’Orchis pallens L.

2. Orchis pallens en Alsace

La première observation d’Orchis pallens en Alsace est datée de 1905. Elle a été faite par Georg Marzolf jr., chef-jardinier à Guebwiller, dans un bois de robiniers (Akazienpflanzung) de la région d’Osenbach, précisément le 7 mai 1905. Une planche d’herbier conservée à Strasbourg montre deux spécimens d’Orchis pallens récoltés ce jour-là par Marzolf lui-même3. L’étiquette d’origine de cette planche donne quelques indications sur le lieu de découverte :

« Ober Elsass. Am Weg von Osenbach nach Osenbür nur Rand eine Akazienpflanzung. Primus invenit et collegit Marzolf jun. Gebweilerensis 7 maio 1905. »

1 Bilan écologique des pelouses calcicoles du Bickenberg (Osenbach-68) préalable à la mise en place de mesures de gestion conservatoire. Equipe de Phytoécologie, Université de Metz 2 Paul Friedrich August Ascherson, Paul Graebner - Synopsis der mitteleuropäischen Flora, Volume 3, 1907 (p. 773) : « Ebenso sammelte sie Rossmann in der Rheinprovinz bei Echtermacherbrück an der Grenze von Luxemburg (F Wirtgen nach M. Schultze br.). Die S. 705 ausgesprochenen Zweifel an dem Vorkommen dieser Art in Luxemburg erscheinen mithin nicht mehr berechtigt ». Rossmann l’a aussi récolté dans la zone rhénane près d’Echtermacherbrück, à la frontière luxembourgeoise (F. Wirtgen d’après M. Schulze). Les doutes émis p. 705 concernant la présence de cette plante au Luxembourg sont donc levés. 3 Note de Roger Engel jointe à la planche : « Ce sont les plantes originales (découverte de la station) »

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Quelques articles dans des publications botaniques en font vite état : - 1907 : Paul Friedrich August Ascherson, Paul Graebner - Synopsis der mitteleuropäischen Flora, Volume 3 : 773. http://www.biodiversitylibrary.org/item/81558#page/785/mode/1up « Nachtrag zu O. Pallens : Diese Art wurde im Jahre 1905 in Oberelsass bei Osenbach vom Gärtner Marzolf aus Gebweiler entdeckt und von Issler (br.) 1906 daselbst gesehen ». Complément à propos d’O. pallens : Cette espèce a été découverte en 1905, près d’Osenbach en Haute-Alsace, par le jardinier Marzolf de Guebwiller. Issler l’a vue lui-même à cet endroit en 1906. De fait, Emile Issler adresse, le 22 avril 1906, un exemplaire d’herbier à son ami Emile Walter qu’il accompagne du texte suivant :

« Je t’adresse en même temps l’échantillon d’Orchis pallens prove- nant d’Osenbach. La plante a été dé- couverte l’année dernière par Monsieur Marzolf de Guebwiller et retrouvée indépendamment par moi cette année, sans chercher longtemps. Tu connais la station. Elle se trouve près du chemin qui mène de la maison forestière d’Osenbuhr à Osenbach, au-dessus d’Osenbach, là où les buissons cèdent peu à peu la place aux Courrier d’Emile Issler à Emile Walter champs… »

- 1908 : Emile Issler - Allgemeine botanische Zeitschrift für Systematik, Floristik, Pflanzengeographie, Volume 14 : 101-116. http://www.biodiversitylibrary.org/item/38476#page/117/mode/1up « Die Pflanzengenossenschaften der ober-elsässischen Kalkvorhügel : Orchis pallens**blüht im Vorfrühling, einer Zeit ; in der Kirschleger und andere Botaniker kaum in jenen verlassen Winkel von Osenbach gekommen sind. (p. 114) **Diese Orchidee wächst nicht nur in einer « Akazienpflanzung », sondern kommt noch an mindenstens vier andern Stellen auf Grasland und im Buschwald vor ». Les associations végétales des collines calcaires de Haute-Alsace : Orchis pallens** fleurit dès avant le printemps dans ce coin délaissé d’Osenbach, à une période où Kirschleger et d’autres botanistes ne sont que rarement venus. **Cette orchidée pousse dans une plantation de robiniers mais apparaît également dans 4 autres zones de prairies et de bosquets. En 1913, Emile Mantz mentionne cette découverte à la page 8 de sa Liste des orchidées de la Haute- Alsace : « Orchis pallens L., très rare. Trois colonies dans les environs de Colmar (M, I, !) ». Les abréviations désignent M = Marzolf, I = Issler, ! = Mantz Il y signale par ailleurs (p. 10) sa découverte de l’hybride entre et Orchis pallens : « Orchis mascula X pallens = Haussknechtii M. Schultze, très rare.

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Trouvé par (!), en 1908, plusieurs exemplaires dans les environs de Colmar ». Ses carnets botaniques (titrés « Stations de plantes en Alsace trouvées par Emile Mantz ainsi que quelques stations de plantes rares indiquées par d’autres botanistes (X…) et Nomenclatures de mes Excursions botaniques » et « Catalogue de mes plantes classées d’après la Flore suisse de S. Gremli (Edition française de 1898) – Plantes récoltées en Alsace, France, Suisse, Italie – Herbier commencé l’année 1900 ») le confirment : Orchis pallens L Osenbach ‘’ var : pseudopallens. Osenbach

Extrait d’un carnet botanique d’Emile Mantz

Note sur la variété pseudopallens : Orchis pseudopallens est décrit en 1846 par K. Koch (Beiträge zur Flora der nördlichen Küstenlandes von Kleinasien in Linnaea vol. 19 : 13) mais ce nom illégitime est synonyme d’Orchis pallens. http://www.biodiversitylibrary.org/page/108687#page/16/mode/1up En 1851, H. G. Reinchenbach fils confirme son rang de simple variété (in Icones florae germanicae et helveticae. Vol. 13. p. 48) : Orchis pallens L. var. pseudopallens : labello subintegro, bracteis flores subaequantibus. Gracilior. https://books.google.fr/books?id=LsFcAAAAcAAJ&pg=PA44&dq=Orchis+pallens+var.+pseudopallens&hl=fr& sa=X&ei=81RCVbO4NsjraMntgZAG&ved=0CCgQ6AEwAQ#v=onepage&q=Orchis%20pallens%20var.%20pseu dopallens&f=false Ce qui donne en français (Georges Rouy, 1912. Flore de France ou Description des plantes qui croissent spontanément en France, en Corse et en Alsace-Lorraine. tome XIII. P. 143) : « Orchis pallens L. . pseudopallens - Plante plus grêle ; bractées allongées, presque aussi longues que les fleurs ; labelle subentier ou à peine lobulé ». Cette variété n’est signalée qu’en Alsace avec la variété type. http://ia801402.us.archive.org/11/items/floredefranceoud13rouy/floredefranceoud13rouy.pdf Ne pas confondre Orchis pseudopallens K. Koch [1847, Linnaea, 19 : 13] avec Orchis pseudo-pallens Tod. [1842, Orchid. Sicil. : 58] qui est synonyme de Balb. ex Lam. & DC. 1806, espèce méditerranéenne qui n’atteint évidemment pas l’Alsace.

Mantz fait également mention de sa présence sur les lieux le 8/5/1906, date qui correspond à une récolte de la plante sur la station d’origine. Un de ses carnets botaniques montre qu’il a herborisé à Osenbach et environs aux dates suivantes : Le 8/5/1906 : Osenbach Le 23/5/1906 : Soultzmatt, Osenbach, Bickeberg4 Le 3/5/1908 : Zinkoepfle, Bickeberg

4 Autre graphie pour Bickenberg.

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Le 5/5/1909 : Rufach, Osenbach Le 30/4/1914 : Bickeberg, Sonnenkoepfle Le 13/5/1920 : Strangenberg, Zinnkoepfle, Bickeberg Le 15/5/1925 : Wintzfelden, Zinnkoepfle En plus des dates du 8/5/1906 et du 3/5/1908, qui correspondent à des prélèvements d’herbier, il a probablement visité la station d’Orchis pallens à chacune de ces dates, incluses dans la période de floraison de l’espèce. Dans les dix années qui ont suivi sa découverte, Orchis pallens et son hybride avec O. mascula ont été observés et récoltés dans cette zone par quelques botanistes. Plusieurs planches d’herbier datant du début du XXème siècle en attestent :

 Herbier de Bâle : HB52871 : Mantz 3 mai 1908 - Bickeberg près Osenbach (Alsace) sur Muschelkalk HB56182 : Issler 18 avril 1906 et 15 mai 1919 - b. Osenbach (Kalkvorhügel der SüdVogesen) Ober- Elsass

 Herbier de Strasbourg : Marzolf jun. 7 mai 1905 Mantz 8 mai 1906 - Bickenberg derrière Osenbach Mantz 3 mai 1908 – Bickeberg près Osenbach Mantz 9 mai 1908 - colline calcaire du Bickeberg près Osenbach (Alsace) Issler 22 avril 1906

 Herbier de Lyon : LY 7055 : Mantz 8 mai 1906 – Osenbach (Elsass)

A Strasbourg, un double d’un prélèvement effectué par Mantz porte la date (recopiée ultérieurement) du 8 mai 1916. Il s’agit à l’évidence d’une erreur de transcription, à rapporter au 8 mai 1906, car un des carnets botaniques de Mantz indique qu’il ne se trouvait pas en Alsace en 1916.

Trois planches de l’herbier de Strasbourg montrent Orchis xloreziana (sous O. Haussknechtii) : - STR 65877 : une planche avec 2 spécimens – Bickeberg près Osenbach (Alsace) sur Muschelkalk Mantz 3 mai 1908 - une planche avec 1 spécimen – Bickeberg près Osenbach Mantz 3 mai 1908 - la troisième, sans nom de récolteur, porte 1 spécimen récolté en mai 1909 (sans doute par E. Mantz le 5 mai).

Les découvertes de l’espèce et de son hybride sont rappelées ultérieurement par Emile Walter - 1926 : Bulletin de la société botanique de France vol. 73 : 10. http://bibdigital.rjb.csic.es/ing/Libro.php?Libro=5813 Modifications survenues dans la flore d’Alsace et de Lorraine depuis 1870. « Orchis pallens L. var. pseudopallens Reich. - Espèce méditerranéopontique découverte dans le Mesobrometum du Quercetum sessilis, sur le muschelkalk, à Osenbach derrière Rouffach, par Marzolf en 1905. L'hybride avec O. mascula y a été reconnu par Mantz. »

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Emile Walter ne semble pas avoir vu la plante de ses yeux à Osenbach : ses notes personnelles ne font mention que de la présence du taxon en Alsace et de références bibliographiques (voir en annexe).

Note sur l’hybride Orchis mascula x pallens Cet hybride assez fréquent dans les stations où les deux parents5 cohabitent, ce qui est souvent le cas, a été reconnu pour la première fois en 1854 par le magistrat suisse Johannes Lorez (1811-1899)6 comme cela apparaît dans une publication de 1908 : « O. mascula x pallens (O. Loreziana Brgg.) vom Pizokel bei Chur 1854 » (Jahresbericht der Naturforschenden Gesellschaft Graubündens, Volumes 50 à 52, 1908. p. 145) Christian Georg Brügger (1833-1899) le nomme en 1874 dans Naturgeschichtliche Beiträge zur Kenntnis der Umgebungen von Chur (p. 58) sans en donner de description valide. Le même Brügger le décrit valablement en 1880 sous Orchis x loreziana dans Jahresbericht der Naturforschenden Gesellschaft Graubündens (XXIII & XXIV) à la page 118 de son article Wildwachsende Pflazenbastarde in der Schweiz und deren Nachbarschaft : 47-123. La même plante a pour synonyme Orchis x haussknechtii, décrit par Max Schulze en 1884 dans Mitteilungen der Geographischen Gesellschaft für Thüringen zu Jena (Band 2 : p. 225). Jusqu’au XXème siècle, les observations de ce croisement sont limitées à l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. Dans Camus (Catalogue des plantes de France, de Suisse et de Belgique (1888), p. 273), il est cité uniquement en Suisse : « X O. Loreziana Brug. (O. mascula + pallens.) [s.] » Karl Richter, en 1890, dans Plantae Europeae: Enumeratio systematica et synonymica plantarum phanerogamicarum in Europa sponte crescentium vel mere inquilinarum, Volume 1, p. 273 indique : « 58. x 0. Loreziana Briigg. Beitr. z. Kenntn. d. Umg. v. Chur p. 56. (1874.) (mascula x pallens.) Syn.: 0. Haussknechtii M. Schulze Mitth, d. geogr. Ges. in Jena II. p. 228. (1885.) O. Kisslingii Beck in Verh. Z. B. G. XXXVIII. p. 768. (1888.) Thuringia, Austria. » http://bibdigital.rjb.csic.es/ing/Libro.php?Libro=488 La première mention en France est donc celle de Mantz. On trouve en effet dans la Flore de France ou Description des plantes qui croissent spontanément en France, en Corse et en Alsace-Lorraine de Georges Rouy (tome XIII – 1912 - p. 171) sous x O. Lorezianus, la seule indication : « Hab. – Alsace : Osenbach, avec les parents (Emile Mantz in herb. Rouy.) ; à rechercher ». Emile Mantz lui-même confirme que ce taxon est alors nouveau pour la flore de France, dans un article relatant ses découvertes d’Orchis genevensis et Orchis haussknechtii : « Ils sont très rares et n’avaient jamais été signalés en Alsace. Du reste Orchis pallens L. même est rare, et n’a été découvert en Alsace, qu’il y a 4 ou 5 ans. Cet Orchis a sans doute été confondu jusqu’à présent avec O. sambucina, qui lui ressemble et est assez fréquent sur le grès vosgien, tandis que O. pallens ne croît que sur le calcaire et dans une seule localité : une petite colline de muschelkalk, isolée au milieu du grès vosgien. O. pallens a aussi échappé à Kirschleger, qui le mentionne dans sa Flore d’Alsace, mais ajoute : nul dans les Vosges ». Puis, à propos d’O. Haussknechtii : « Signalé en Thuringe, en Autriche et en Suisse dans le canton de Vaud. J’ignore si ces deux hybrides ont déjà été trouvés en France. O. Haussknechtii existe peut-être en Dauphiné ? » La feuille des jeunes naturalistes, 4ème série, 39ème année – n° 464 du 1er juin 1909, p. 161 http://www.biodiversitylibrary.org/page/5974342#page/835/mode/1up Les observations postérieures à celle de Mantz sont rares. Roger Engel, qui a visité la station sur une période de 50 ans, ne l’a formellement identifié qu’une fois !

5 Ils font l’un et l’autre partie de la section Masculae du genre Orchis. 6 Ascherson P. & Graebner P., 1905-1907. Synopsis der mitteleuropäischen Flora. Band III. p. 708. http://bibdigital.rjb.csic.es/ing/Libro.php?Libro=1306

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STR : Marzolf 7/5/1905 HB56182 : Issler 18/4/1906 LY 7055 : Mantz 8/5/1906

STR 65877 : Mantz 3/5/1908 HB52871 : Mantz 3/5/1908 STR : Mantz 9/5/1908 O. xloreziana Au début du XXème siècle, l’Orchis pallens était présent en cinq endroits distincts de la région d’Osenbach, comme le dit Issler lui-même (op. cit.) et comme le rapporte Roger Engel dans une note manuscrite : « 5 petites stations étaient connues de Mr Issler en 1910. Depuis a diminué de fait de récoltage exagéré la plante a à Osenbach son unique station (sic) ». L’espèce semble également avoir été trouvée par Issler dans le Sundgau mais nous ne disposons à ce sujet que d’informations vagues : La végétation du Sundgau, Ochsenbein G. in Saisons d’Alsace n° 61/62 (1977) p. 144. « Herminium monorchis marque également ces pâturages sur les versants sud, vers Lucelle, et se retrouve près du Geisberg à Ferrette, et Issler avait trouvé Orchis pallens plus au sud, à l’ouest de la route allant à Liegsdorf. » La zone probable de cette observation apparaît sur un croquis manuscrit de R. Engel communiqué à Michel Rohmer (ci-contre).

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3. Les stations d’Orchis pallens au cours des ans.

Il existe actuellement trois stations distinctes abritant cette orchidée rare et convoitée, toutes situées dans la région d’Osenbach/Soultzmatt. Elles correspondent assurément aux observations originelles qui font état de biotopes identiques : bois, lisière forestière et prairie. Je suis parti à la recherche de toutes les observations d’Orchis pallens et d’O. xloreziana effectuées durant la période 1905-2015 dans la région d’Osenbach, d’après les publications disponibles, et surtout les notes ou communications personnelles de nombreux naturalistes. Les tableaux suivants donnent un aperçu, année après année, de l’état des populations et de leur évolution dans le temps, suite aux aléas climatiques et/ou aux facteurs anthropiques. Le code utilisé est : bts = boutons floraux ; F1 = début de floraison ; F2 = pleine floraison ; F3 = fin de floraison ; frts = fruits. J’ai distingué trois périodes : 1905-1945 ; 1946-1995 ; 1996-2015. Le peu de données disponibles durant la première période provient uniquement d’exemplaires d’herbiers. Les deux périodes suivantes ont été bien plus prolifiques mais je n’ai cependant trouvé aucune référence pour les années 1946, 1947, 1949, 1954, 1957, 1958, 1960, 1961, 1965, 1966, 1968 à 1971.

3a : 1905-1945. Durant cette période, bien peu de botanistes ont dû voir la plante in situ mais Marzolff, Issler, Mantz sont assurément de ceux-là. Voici les observations avérées :

Date Observateur d’O. pallens O. loreziana Commentaires 7 mai 1905 G. Marzolf (2 individus récoltés) Planche d’herbier STR 18 avril 1906 E. Issler (2 individus récoltés) Planche d’herbier HB 22 avril 1906 E. Issler ( 1 individu récolté) Planche d’herbier STR 8 mai 1906 E. Mantz (2 individus récoltés) Planche d’herbier STR 8 mai 1906 E. Mantz (2 individus récoltés) Planche d’herbier LY7 8 mai 1906 E. Mantz (2 individus récoltés) Planche d’herbier STR 3 mai 1908 E. Mantz (1 individu récolté) 3 individus récoltés Planche d’herbier STR 9 mai 1908 E. Mantz (5 individus récoltés) Planche d’herbier STR mai 1909 E. Mantz ? 1 individu récolté Planche d’herbier STR 15 mai 1919 E. Issler (1 individu récolté) Planche d’herbier HB

3b : 1946-1995. Après la Seconde Guerre Mondiale, même si on ne trouve plus beaucoup de publications relatives à la présence de cette espèce en Alsace, de plus en plus de botanistes ont été irrésistiblement attirés par la station vite devenue classique du Bickenberg. D’un autre côté, le souci grandissant de préserver le patrimoine naturel conduira à obtenir, au début des années 1990, un statut légal de protection pour Orchis pallens. Voici quelques extraits de publications concernant cette période : - « En 1950, l’espèce formait trois petites colonies en lisière de forêt au haut de la colline ». 2002 : Roger Engel & Henri Mathé - Orchidées sauvages d’Alsace et des Vosges : 163.

7 Cette planche fait partie de l’herbier Roland Bonaparte, riche de 3 millions de spécimens, conservé à l’Université de Lyon. A la fin du XIXème siècle, c’était le plus important herbier privé au monde.

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- « Bickenberg près d’Osenbach 68, 1953 (une vingtaine de pieds). Depuis devenu fort rare et d’apparition irrégulière ». 1992 : Vincent Rastetter - Bulletin de la Société d’Histoire naturelle du pays de Montbéliard : 95-117. Plantes rares, nouvelles ou en régression en Alsace et régions limitrophes. Il effectue à l’occasion un prélèvement conservé à Bâle : HB56180 : Rastetter 25 avril 1953 (bei Osenbach - Sehr selten). Extrait des notes de Roger Engel - 1954 : Guy Regonesi et Marc Hagen - Bulletin de la Société d’Histoire naturelle de Colmar (Vol. 45, 4ème série tome II p. 28-39) p. 35-36 : « Enfin une orchidée au sujet de laquelle il faut s’étendre un peu : Orchis pallens (L.) la plus rare d’Alsace, on peut même dire une des plus rares de France. Elle fut découverte chez nous en 18978 par un jardinier du nom de MARZOLFF, sur le plateau du BICKENBERG, au-dessus du village d’OSENBACH, dans un bois de chênes et de robiniers. Bien que ne recherchant pas spécialement la plante rare, nous avons tenu à constater son existence en cet endroit pour noter son extension ou sa régression. Une première tentative en 1952 se solda par un échec. Nous sûmes plus tard que la cause en était due à notre méconnaissance de son cycle végétatif. Orchis pallens est en effet une des premières orchidées à fleurir ; en outre, sa floraison dure très peu de temps. En 1953, nous y prenant plus tôt, nous l’avons enfin trouvée dans sa station indiquée par plusieurs botanistes. Nous avons eu également la chance d’en découvrir une deuxième, située sur le versant Est, sur l’origine de laquelle nous nous interrogeons encore. S’agit-il d’une station ayant échappé aux investigations de nos prédécesseurs ou d’une extension dont la cause est difficile à déterminer ? Nous avons compté une cinquantaine de pieds, ce qui prouve bien la rareté de cette espèce, laquelle commande évidemment de se conduire en naturaliste respectueux. » Cette dernière remarque rejoint une note de bas de page que l’on trouve dans l’unique publication d’Emile Mantz : « Afin d’empêcher la destruction des espèces rares, je n’ai pas désigné d’une manière précise les stations de certaines plantes ». Je suivrai cette position de bon sens en ne localisant précisément aucune des stations actuelles.

- 1967 : Edouard Kapp - Bulletin de l’Association Philomathique d’Alsace et de Lorraine, 12 (2) : 237- 255. Contributions à la connaissance de la flore d'Alsace et des Vosges (2ème série). “Abondante floraison près d’Osenbach 68 en 1964 avec une quarantaine de hampes fleuries”

- 1979 : Jean-Philippe Turlot - l’Orchidophile n° 36 (avril 1979) : 1269-1275. Les orchidées des collines prévosgiennes du Haut-Rhin.

8 Cette date est erronée. Marzolf jr., le découvreur d’Orchis pallens en Alsace, ne mentionne pas la plante dans son Catalogue des plantes de la région de Guebwiller, en 1898. La découverte date bien de 1905.

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1 seul en 1977 (P. Stahl) : année défavorable- gelées tardives (p. 1269) 20 à 30 pieds en 1978 : année favorable (p. 1269) Hybride O. mascula x pallens : présent en 1974 et 1975 (p. 1271)

Orchis pallens O. xloreziana Observateur Commentaires 1948 2 pieds F2 le 22/4 R. Engel Au sommet de la colline 1950 10 pieds F2 le 4/5 + 10 R. Engel rosettes 1951 5-6 pieds F2 le 10/5 R. Engel Une deuxième station vue à l’W. du chemin près de la haie 1952 Non vu V. Rastetter 1953 20 pieds le 25/4 V. Rastetter M. Rastetter avait récolté 4 ou 1 pied en avril R. Engel 5 pieds avec les bulbes qques 50 pieds G. Regonesi & M. Hagen jours plus tôt (R.E.) Une 2ème station, située sur le versant Est (G.R. & M.H.) 1955 2 pieds bts le 16/4 + R. Engel rosettes 1956 Non vu le 10/5 (2 R. Engel A certainement souffert des rosettes) froids du mois de février 1959 5 pieds F2 le 2/5 R. Engel Station du bas 1962 Non vu R. Engel Cherché vainement 1963 1 pied F3 en mai R. Engel T. beau 1964 30 pieds F2 le 1/5 + R. Engel 7 à 10 plantes sur le pré et rosettes sous les haies (versant ouest) ; 40 pieds E. Kapp abondante floraison (R. E.) 1967 15 pieds F3 le 1/5 R. Engel 1972 3-4 pieds fin avril 1 pied F2 le 24/4 R. Engel Vu une nouvelle station avec M. Ochsenbein 1973 20-25 pieds F1 le 30/4 R. Engel 1974 11 pieds F2 le 12/4 Présent (in J.-P. Turlot) R. Engel 1975 14 pieds le 29/4 Présent (in J.-P. Turlot) M. Gangloff 1976 10-12 pieds F2-F3 le 1/5 R. Engel En haut 3 à 4 pieds défleuris, en bas 7 à 8 meilleur état 1977 11 pieds F1 le 30/4 M. Rohmer Année défavorable – gelées 1 pied P. Stahl (in J.-P. Turlot) tardives (P. S.) 1978 15 pieds F2 le 1/5 M. Rohmer 20 à 30 pieds J.-P. Turlot Année favorable (J.-P. T.) 1979 Non vu le 10/5 R. Engel Recherché en vain avec S.Muller 1980 1 pied le 2/5 R. Engel En mauvais état 1981 Rosettes le 28/3 M. Rohmer Beaucoup de plantes gelées (C. 20 pieds F1 le 9/4 M. Rohmer M.) F2-F3 le 20/4 C. Mark 1982 ± 15 pieds F2 le 25/4 C. Mark frts le 22/5 J.-P. Reduron & J.- P.Turlot 1983 10 pieds F2 le 24/4 1 pied F2 M. Rohmer F3 le 8/5

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1984 11 pieds F1 le 19/4 1 pied F1 “même individu M. Rohmer qu’en 1983” ± 15 pieds F2 le 29/4 C. Mark 1985 ± 15 pieds F2 le 21/4 C. Mark 1986 ± 40 pieds F2 le 10/5 R. Engel Abondant 1987 18 pieds F3 le 8/5 M. Rohmer Idem le 9/5 H. Mathé 1988 40 pieds F1 le 17/4 H. Mathé 45 pieds F2 le 23/4 H. Mathé F3 le 8/5 H. Mathé 1989 40 pieds F2 le 15/4 R. Engel 30 pieds F2 le 16/4 H. Mathé 2 stations (H. M.) 53 pieds F1-F2 le 25/4 M. Rohmer Station forestière détruite frts le 16/5 H. Mathé (M. R.) 1990 F1 le 7/4 C. Mark 20 pieds F1-F2 le 21/4 M. Rohmer 25 pieds F2 le 22/4 H. Mathé 2 stations (H. M.) 1991 20 pieds F2 le 17/4 H. Mathé 2 stations 1992 70 pieds F2 à frts le 6/5 H. Mathé 3 stations 1993 ± 10 pieds F1 le 3/4 C. Mark 1994 60 pieds bt à F1 le 27/3 1 pied F2 le 25/4 H. Mathé 3 stations 70 pieds F1-F2 le 30/3 2 pieds le 27/4 H. Mathé F3 à frts le 25/4 H. Mathé 1995 bts le 2/4 4 pieds? Bts à F1 le H. Mathé 86 pieds bts à F1 le 12/4 24/4 H. Mathé 3 stations (H. M.) 54 pieds fleuris le 17/4 C. Meichler (CSA) 68 pieds F2 le 24/4 2 pieds F2 le 25/4 H. Mathé 71 pieds fleuris le 28/4 C. Meichler (CSA) Fin de floraison le 7/5 C. Meichler (CSA)

3c : 1996-2015. A la fin du XXème siècle, l’existence de ce joyau de l’orchidoflore alsacienne ne pouvait pas rester ignorée très longtemps et, le « secret de Polichinelle » ayant été levé, la station a connu un défilé de curieux (et je ne m’oublie pas dans le lot), irrésistiblement attirés par cette rareté de la flore alsacienne. Ce qui n’a pas été étranger à sa perte, laquelle est cependant consécutive avant tout au conflit latent opposant le propriétaire du terrain et les organismes chargés de la gestion du site… On constate nettement un pic de présence au cours des années 1990, sans doute biaisé par un suivi régulier et des comptages systématiques. Ce fut probablement le « chant du cygne » de l’Orchis pallens alsacien car plusieurs actes de vandalisme perpétrés à l’horizon des années 2000 et après ont d’évidence considérablement affaibli, voire éradiqué, la population d’Orchis pallens du Bickenberg. La découverte, en ce printemps 2015, d’une station possiblement inédite (voir article p. 54) vient cependant ranimer l’espoir qui repose désormais sur les petites populations subsistant en milieu forestier, dont la tranquillité doit être respectée pour en assurer la pérennité.

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Orchis pallens O. xloreziana Observateur Commentaires 1996 Rosettes le 5/4 2 pieds F1 le 1/5 H. Mathé 2 stations (H. M.) 60 pieds bts à F1 le 19/4 H. Mathé 76 pieds fleuris le 30/4 C. Meichler (CSA) 67 pieds F1 à F3 le 1/5 H. Mathé 1997 19 rosettes le 22/3 R. Selig bts-F1 le 31/3 H. Mathé 2 stations (H. M.) 16 pieds fleuris le 4/4 C. Meichler (CSA) Epandage de lisier et pâturage 22 pieds fleuris le 15/4 C. Meichler (CSA) intensif (C. M.) 25 pieds F2 le 21/4 H. Mathé 1998 Rosettes le 4/4 C. Meichler (CSA) Gel tardif à la mi-avril (C. M.) 33 pieds fleuris le 13/4 C. Meichler (CSA) 19 pieds fleuris le 20/4 C. Meichler (CSA) 25 pieds F2-F3 le 25/4 1 pied F2 le 25/4 H. Mathé 2 stations (H. M.) Fin de floraison le 8/5 C. Meichler (CSA) 1999 8 pieds F2 le 17/4 H. Mathé Station du bas en partie saccagée 5 pieds F3 le 1/5 M. Rohmer (M. R.) 2000 8 pieds F2 le 21/4 1 pied? le 21/4 A. Pierné Nombreuses rosettes 2001 10 pieds bts-F1 le 7/4 H. Mathé Trous sur la station du bas 17 pieds F1-F2 le 13/4 H. Mathé Aucune plante sur la station du 3 pieds F2 le 2/5 H. Mathé haut 2002 5 pieds bts à F2 le 10/4 H. Mathé 7 pieds présents Archives CSA 2003 2 pieds bts le 16/4 H. Mathé Pieds endommagés par le gel 8 pieds F2 le 23/4 H. Mathé plus 12 rosettes 2004 20 pieds F2 le 26/4 R. Selig 2005 ± 20 pieds F2 le 14/4 P. Pitois 5 pieds sur station du haut (A. P.) 35 pieds F2 le 23/4 A. Pierné F3 le 2/5 J.-P. Cartier 2006 ± 20 pieds F2 le 15/4 P. Pitois F2-F3 le 5/5 J.-P. Cartier 2007 4 pieds F2 début avril R. Hava 100 m au nord de la station 27 pieds F2 le 12/4 J.-F. Christians principale (R. H.) 1 seul pied F2 le 16/4 C. Boillat Station saccagée (désherbant) 2008 2 pieds F1 le 14/4 J.-F. Christians 2 pieds F1 le 17/4 A. Hasenfratz 2009 3 pieds F2 le 13/4 J.-F. Christians Clairière CSA 2010 1 pied F3 le 26/4 H. Parmentelat 2011 3 pieds F1 le 2/4 A. Hasenfratz 1 pied F2 le 11/4 C. Deschler 2012 1 pied F2 le 5/4 J.-P. Cartier 2 pieds F3 le 17/4 H. Parmentelat 2013 4 pieds F1 le 19/4 A. Hasenfratz ± 10 rosettes sur la station < 10 pieds F2 le 22/4 P. Pitois saccagée en 2007 (A. H.) F3 le 1/5 C. Deschler 2014 3 pieds F1 et 3 pieds F2 le 8/4 J.-P. Cartier 2 pieds F1 et 5 pieds F2 le 10/4 A. Hasenfratz 2015 Rosettes et 3 pieds bts le 11/4 J.-P. Cartier 2 pieds d’O. pallens avortés (H. P.) 3 pieds fleuris le 21/4 1 pied F2 le 21/4 H. Parmentelat

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4. Conclusion Si l’on exclue les périodes de guerre (1915-1918 et 1939-1945), cela fait exactement 100 années d’observation potentielle d’Orchis pallens au Bickenberg. Pour 60 d’entre elles, nous disposons d’indications par des botanistes ayant visité la station, ce qui constitue en soi un remarquable suivi de cette station emblématique. Mises à part quelques « annus horribilis », dues aux conditions météorologiques, aux visites trop tardives ou aux dégradations du site pendant lesquelles la plante était absente ou en très petite quantité, on peut affirmer qu’Orchis pallens est resté bien présent en Alsace depuis sa découverte. En ce qui concerne l’importance de la station d’origine, on ne peut que conjecturer à partir des prélèvements effectués à l’époque : au moins deux pieds fleuris en 1905, neuf en 1906 et six en 1908 en supposant que Marzolf, Issler, Mantz et compagnie ont été assez raisonnables pour ne pas piller la station lors de leurs visites ! Pendant la seconde moitié du XXème siècle, pendant laquelle de nombreuses données quantitatives sont disponibles et avant que la station ne soit saccagée, le nombre moyen de plantes fleuries dans l’unique station alsacienne s’élève à 21. C’est bien peu pour garantir la viabilité de cette population relictuelle ! Quant à l’hybride O. xloreziana, pas plus d’une douzaine d’observations ont été faites durant ce siècle d’existence, ce qui confirme l’insigne rareté de ce taxon en Alsace. Durant quarante ans, beaucoup de tentatives pour protéger l’espèce ont été effectuées, beaucoup de malentendus et de blocages les ont accompagnées, et beaucoup d’observateurs ont défilé au Bickenberg, comme en pèlerinage pour voir enfin la plante rare ! Nos prédécesseurs prélevaient allègrement des spécimens pour leurs herbiers mais force est de constater que c’est seulement au XXIème siècle, où cette pratique n’est plus de mise, que l’espèce risque de disparaître du paysage alsacien !

23/4/1988 28/4/2004 © H. Mathé © A. Hasenfratz

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Remerciements : Alain Pierné (fiches manuscrites de Roger Engel) Philippe Defranoux (carnet d’herborisation d’Emile Mantz et informations sur Marzolf) Michel Hoff (documents de l’herbier de Strasbourg et de la bibliothèque de la SBA) Christophe Boillat, Jean-François Christians, Christiane Deschler, Yves Friquet, André Hasenfratz, Rémy Hava, Charles Mark, Hervé Parmentelat, Alain Pierné, Patrick Pitois, Michel Rohmer, Robert Selig : comm. pers. Gaëlle Grandet : archives du CSA

La plupart des informations compilées dans cet article proviennent de communications personnelles ou de documents non publiés. Les références bibliographiques des ouvrages disponibles sont indiquées dans le texte. Dans les citations, j’ai conservé la graphie originale.

* 3 rue de Guebwiller 68840 Pulversheim [email protected]

Annexes

Extrait des carnets botaniques d’Emile Walter

Phénologie de l’Orchis pallens sur la station du Bickenberg. L’ensemble des données recueillies sur la période 1945 – 2015 permet de cerner une phénologie moyenne de l’espèce dans sa station alsacienne : 2ème quinzaine de mars : rosettes de feuilles et boutons floraux. Exceptionnellement, début de floraison. 1ère quinzaine d’avril : début de floraison 2ème quinzaine d’avril : pleine floraison 1ère quinzaine de mai : fin de floraison 2ème quinzaine de mai : fructification

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A part le document de la p. 9, qui situe probablement le lieu de l’observation originelle de Marzolff, nous n’avons malheureusement pas d’indication sur l’emplacement précis des autres stations observées par Issler en 1910 sur la colline et aux environs. Ses notes manuscrites préparatoires à la Flore d’Alsace, que j’ai consultées à la BNU de Strasbourg, n’en disent rien. De même, Mantz évoque trois colonies aux environs de Colmar, sans autre précision, dans son ouvrage de 1913. Vers 1950, l’espèce n’était présente que dans la partie sommitale de la colline, en lisière de forêt (R. Engel). Dans la décennie suivante, d’autres exemplaires ont été découverts dans la partie basse, toujours en lisière ou débordant légèrement sur la pelouse. La séparation géographique des différentes micro-stations dépend de l’appréciation des observateurs. Ainsi, Roger Engel indique deux points principaux de présence (« station du haut » et « station du bas ») sur le côté Est, mais signale aussi l’implantation de l’espèce sur le versant Ouest du plateau. Pour ma part, j’ai distingué 3 stations sur le flanc Est : l’une dans la partie sommitale, bien distincte des deux autres, situées plus bas (à plus de 500 m) et presque contigües. Une quatrième station a été observée par Michel Rohmer dans la partie sommitale. Claire Meichler, conservateur bénévole de ce site CSA pendant plusieurs années, indique dans ses rapports de suivi de l’espèce à la fin des années 1990 quatre stations, toutes situées dans la partie basse de la colline, à l’Est, et espacées l’une de l’autre de 50 à 80 mètres. La présence de l’espèce sur le flanc Ouest de la colline résulte de transplantations récentes justifiées par les agressions à caractère destructif infligées à la « station classique ». Il n’est pas impossible que l’espèce existe en d’autres endroits du fossé de Wintzfelden, situé dans le champ de fractures de Guebwiller-Rouffach, en bordure de la faille vosgienne.

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