Une Fete & Une Émeute a Agen
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UNE FETE & UNE ÉMEUTE A AGEN UNE FÊTE & UNE ÉMEUTE A AGEN PENDANT LA FRONDE ( 1651 -1652 ) ! ®xtrait (U la § «&t r garnis j Tiré à deux cents exemplaires AGEN IMPRIMERIE DE PROSPER NOUBEL I Habitants du pays fondé par Agénor. Venez jouyr du siècle d’or! » Tel était le cri de joie que poussaient à tous les coins de rue et carrefours de la ville d’Agen, le premier jour du mois de juin mil six cent cinquante-un, les gens de Monsieur le Prévost et de nombreux hérauts d’armes montés sur des chevaux magnifiquement capara çonnés et couverts de rubans isabelles, bleus et blancs ; tandis que sonnaient, à la grande volée, toutes les cloches de la ville, depuis le gros bourdon de la cathédrale Saint-Etienne1 jusqu’à la petite cloche de TAnnonciade ,1 2 depuis le tintement voilé et poétique de la cloche de l’Ermitage Saint-Vincent jusqu’à la voix de la Grande-Horloge d’ordinaire si lugubre, mais qui ce jour-là semblait vouloir adoucir sa note sinistre, comme pour se mêler elle aussi à la joie publique qui faisait bondir tous les cœurs. Quelle était la cause de cette grande réjouissance? Quel était l’événe ment extraordinaire qui mettait ainsi en mouvement les cloches et les bons bourgeois d’Agen? C’est ce que nous apprend une très cu rieuse notice intitulée : « L’expression de la joye publique de la ville 1 Aujourd’hui la Halle au blé. 2 Le couvent et l’église des religieuses de l’Annonciade ou de l’Ave Maria étaient situés sur l’emplacement où depuis a été ouverte la rue de l’Angle droit : ce couvent était presque vis-à-vis de celui des Carmélites, actuellement le Lycée. d’Agen et les magnificences de la Cour présidiale d’Agenois pour la nomination de Msr le prince de Condé au gouvernement de la pro vince de Guienne : — Ensemble le récit du balet, qui fut dancé publi quement dans ladite ville, le l or jour de juin, avec les stances et explications des figures et emblèmes. A Agen, par Jean Fumadères, imprimeur ordinaire du Roy, delà ville et pays d’Agenois (1651 ; in-4") » Comme cette notice est excessivement rare, qu’il n’en existe, croyons-nous, qu’un seul exemplaire,1 et que, selon l’expression si juste de notre savant compatriote, M. Philippe Tamizey de Larro- que : « A la sinistre lueur de l’incendie de tant d’archives et de tant de bibliothèques, il est nécessaire de mettre pour toujours, les plus fragiles des trésors à l’abri du danger,2 » nous la reproduirons à peu près in extenso, sûr d’avance que tous les nombreux et pittoresques détails qu’elle donne, trouveront un favorable accueil parmi nos lec teurs, qui en général ne connaissent que les querelles de leurs ancê tres, ignorant pour la plupart ce qui faisait alors leur joie naïve et •leur bonheur. Qu’ils nous permettent cependant,- avant d’aborder ce gai sujet, de leur exposer rapidement et comme introduction néces saire, quelle était la situation de la province au moment où le prince de Condé en fut nommé gouverneur, et auparavant quelle fut ù la Cour la cause de cette importante nomination. — L’année 1651 est une des plus curieuses de l’histoire de France. La mort de Louis XIII (1643) et quelques jours avant, celle de son pre mier ministre, le cardinal de Richelieu, avaient laissé le pouvoir entre les mains d’une femme et d’un enfant. Vainement Anne d’Autriche voulut-elle essayer de continuer l’œuvre qui venait de placer la France au premier rang des plus grandes nations de l'Europe; vaine ment chercha-t-elle dans son favori Mazarin, l'énergie et l’audace qui ' Bibliothèque, nationale : département des imprimés, Paris. 3 Préface des : Documents inédits pour servir à l'histoire de l’Agenùis. —(Agen 1875; in-811.) Dans ce précieux volume où M. Pli. Tamizey de Larroque fournit à pleines mains à notre pays de si nombreux documents relatifs à son histoire, il est question, à la page 249, de cette notice, dont quelques courts passages sont seulement cités. Nous voyons également au t. II, p. 86, deHistoire P du département de Lot-et- Garonne par M. de Saint-Amans, que l’auteur en a eu connaissance, et qu’il on rap porte quelques extraits, puisés, dit-il, dans le manuscrit du curé Labrunic. Or, les diverses copies de ce manuscrit, que nous avons eues sous les yeux, ne mentionnent que la fête, sans en donner les détails. avaient fait de son prédécesseur le type accompli de l'homme d'Etat ; elle ne trouva tout d'abord en lui qu’une faiblesse de caractère inca pable de tenir tète à l’orage qui déjà grondait, et qu’une diplomatie mesquine dont les résultats furent de susciter la Fronde, « ce dernier acte du long drame des conspirations des grands au xvne siècle. » La lutte éclata trois ans avant l’époque qui nous occupe ; et, après des vicissitudes infinies, se termina une première fois par le triomphe de la Royauté et du Cardinal, qui, moins extrême que Richelieu, se contenta d'emprisonner d’abord à Vincennes, puis au Havre, le chef des Petits-Maitres, l’illustre prince de Condé et, avec lui, son frère le prince de Conti et son beau-frère le duc de Longueville. Nous n’avons pas l'intention de nous engager dans ce dédale inextricable de la Fronde, vaste fouillis d’intrigues d’où la vérité historique se détache si difficilement. Disons seulement qu’au commencement de 1651, Mazarin fut obligé d’ouvrir aux Princes les portes de leur prison, de céder la place au cardinal de Retz, et de fuir à Cologne, d’où ne pou vant donner lui-même à Anne d’Autriche, comme il en avait l’habi tude, ses séduisantes leçons de politique, il lui envoyait du moins de sages et utiles conseils. 11 ne put empêcher toutefois que Paris n’ac- clamât les Princes à l’entrée solennelle qu’ils y firent le 16 février 1651, qu'ils ne devinssent aussitôt les chefs d’une nouvelle ligue formée contre lui. et qu'ils ne subissent l’altière influence de .AImc de Chevreuse, Pâme de cette seconde Fronde et dont le plan hardi était de substituer au gouvernement de la Régente et du Cardinal, celui de M«r le duc d’Oib ans et du prince de Condé. Le lien qui à ses yeux devait unir d'une façon indissoluble la Fronde à la maison de Condé, était le mariage de sa fille awe le prince 'le Conti. Condé et sa sœur, la toute belle Mm*de Longueville, dont la grâce suprême et la finesse diplomatique s'exerçaient jusque sur lui, ne virent tout d'abord dans ce mariage aucune difficulté; tons les - rnde le dési raient vivement ; et le prince de Conti lui-même, subitement épris des charmes de la belle Charlott de L o r r a i n e , en demandait la célé bration immédiate f si bien que, le 26 t'évri- r 1651. la Muse historique cle Loret{ put officiellement l’annoncer en ces termes : ' Recueil de letlres en vers, contenant les nouvelles du temps. La collection com plète, devenue très rare, comprend sept cent cinquante numéros. (Voir Brunet, Manuel du libraire, t. III, art. Loret.) — 6 — « Ces jours passés, le grand Condc A Ta Régente a demandé Son consentement et licence Pour travailler en diligence A marier son frère Armand A celle dont il est l’amant Et dont il voudrait être l’homme : Qui la belle Chevrcuse se nomme . Anne d’Autriche cependant, comprenant quels dangei > ceti union fatale amoncelait sur la couronne de France, se mit à m-goeier ac tivement avec Condc pour le détacher du parti qui l’avait : - pour chef, mais qu’il détestait au fond, n’y trouvant, au la - a hi deuses aspirations de la vieille noblesse, que des ambit: ns ■ troites et mesquines. Conseillée par Mazarin du fond de son exil, elle envoya au Prince ses deux ministres Servien et Lyonne, pour lui . : : : . en échange de son gouvernement de Bourgogne, le gouvernement de la province de Guyenne, autrement important, ainsi mandement de la principale armée ; en outre, la lieutenance ^ a i de la province et le gouvernement de Blaye pour le duc h h R o chefoucauld; des grâces pour tousses amis; et pour - . : Conti le gouvernement de la Provence. Elle ne lui demandait en échange que de rompre le mariage de son frère, et de se retirer en Guyenne avec le corps de troupes qu’il commandait.1 Condé, ébloui par cette part royale, hésita. 11 trouvait - 1 - e - gagements pris à l’égard de Mm' de Chevreuse et que la ; • son frère pour sa fiancée étaient tels qu’il ne pouvait honorablement retirer sa parole. D’un autre côté, il y était poussé par M= • Lon gueville, dont le rôle dans toute cette intrigue est assez douteux, mais qui cependant était revenue sur l’autorisation qu'elle avait donnée au mariage de son frère, « ne trouvant plus à pro: os. ajoute Mmc de Motteville,2 de mettre dans sa famille une personne qui. étant femme de son frère, l’aurait précédée partout, et qui, plus jeune et aussi belle, l’aurait pu effacer ou du moins partager avec elle le plaisir de plaire et d’ètre louée. » Pour vaincre les hésita- 1 Histoire de Louis de Bourbon, prince de Condé, par Désormeaux. ( l vol in-18, t. III, livre V. ) - .Mémoires de Mn,c de Motteville, t.