Jacques Doucet « Truffé de détails qui sont tour à tour intéressants, truculents, comiques, émouvants, emballants, nostalgiques, c’est un livre qui est aussi très “vivant”. En plus de tracer Marc Robitaille des portraits en détail, il nous fait suivre les palpitations de chaque saison. On y est. C’est en même temps un vrai travail de journalisme qui trace le portrait global de l’industrie du baseball, de ses relations de travail, de ses triomphes et de ses difficultés. C’est un livre d’histoire. « Ce livre a un défaut, et c’est un défaut majeur : il se termine. » Christian Tétreault, animateur radio et auteur

« Les auteurs font un condensé remarquable de l’histoire des Expos en suivant, saison par saison, l’évolution de l’équipe et en situant les événements dans un contexte plus large. Impossible de ne pas aimer ce deuxième tome de Il était une fois les Expos, même si on connaît la fin et qu’on la voudrait bien différente… » Paul Houde, animateur et comédien Préface de « Bonsoir, les Expos ne seront jamais partis ! Jacques Doucet a marqué l’histoire des Expos pour des générations d’amateurs de baseball. Le livre que lui et Marc Robitaille nous offrent ici permettra aux Expos de toujours être Nos Amours. » Rodger Brulotte, analyste à la télévision

Les Expos de 1985 à 2004, ce sont les années avec , , , Dennis Martinez et Pascual Perez. C’est aussi l’épopée Felipe Alou avec Delino DeShields, , Moises Alou, Marquis Grissom, Pedro Martinez et, plus tard, l’éblouissant . Mais ce sont aussi les efforts répétés pour garder l’équipe à Montréal, les ventes de feu annuelles, les bisbilles d’actionnaires et l’arrivée d’un sauveur qui n’en sera pas

un. À la fin, les inconditionnels des Expos auront droit à trois années : Les 1985-2004 années de sursis assorties de nouveaux rebondissements et de quelques ultimes émerveillements – jusqu’à l’inévitable… Tome 2 Tome expos

Journaliste puis commentateur, JACquES DouCET a communiqué pendant des décennies sa passion du baseball à des centaines de milliers d’auditeurs qui suivaient les exploits des Expos à la radio. Il a été à Il était une fois les : Marc Lalumière Marc : quatre reprises l’un des dix finalistes pour le prix Ford C. Frick, remis par le Temple de la renommée du baseball à un commentateur pour souligner son excellence.

MARC RoBiTAiLLE est l’auteur des récits Un été sans point ni coup sûr et Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoles et du hockey. Il a par ailleurs dirigé

les collectifs Une enfance bleu-blanc-rouge et Une couverture la de Illustration

vue du champ gauche. Il écrit aussi pour le cinéma ISBN : 978-2-89647-517-9 et la télévision. 34,95 $ 34,95

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Expos.2.indd 2 11-10-18 11:22 Il était une fois les Expos

Expos.2.indd 3 11-10-18 11:22 Des mêmes auteurs

Jacques Doucet Les secrets du baseball, essai, Montréal, Éditions de l’Homme, 1980. En collaboration avec . Baseball, Montréal, Montréal, EdiCampo, 1982.

Marc Robitaille Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoles et du hockey, récit, Montréal, VLB Éditeur, 1987. Une enfance bleu-blanc-rouge, récits, Montréal, Éditions Les 400 coups, 2000. Direction de l’ouvrage. Une vue du champ gauche, récits, Montréal, Éditions Les 400 coups, 2003. Direction de l’ouvrage. Un été sans point ni coup sûr, récit, Montréal, Éditions Les 400 coups, 2004.

Jacques Doucet et Marc Robitaille Il était une fois les Expos – Tome 1 : Les années 1969-1984, Montréal, Éditions Hurtubise, 2009.

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Expos.2.indd 4 11-10-18 11:22 Jacques Doucet et Marc Robitaille

Il était une fois les Expos

Tome 2

Les années 1985 à 2004

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Expos.2.indd 5 11-10-18 11:22 Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Doucet, Jacques Il était une fois les Expos Comprend des réf. bibliogr. et un index. Sommaire : t. 1. Les années 1969-1984 – t. 2. Les années 1985-2004. ISBN 978-2-89647-092-1 (v. 1) ISBN 978-2-89647-517-9 (v. 2) 1. Expos de Montréal (Équipe de base-ball) - Histoire. 2. Expos de Montréal (Équipe de base-ball) - Biographies. 3. Joueurs de base-ball - Québec (Province) - Montréal - Biographies. I. Robitaille, Marc, 1957- . II. Titre. GV875.M6D68 2009 7 96.357’640971428 C 2008-942274-0

Les Éditions Hurtubise bénéficient du soutien financier des institutions suivantes pour leurs activités d’édition : • Conseil des Arts du Canada ; • Gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ; • Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) ; • Gouvernement du Québec par l’entremise du programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres.

Conception graphique : René St-Amand Illustration de la couverture : Marc Lalumière Maquette intérieure et mise en pages : Folio infographie Édition : André Gagnon Révision : Michel Rudel-Tessier

Copyright © 2011 Éditions Hurtubise inc.

ISBN 978-2-89647-517-9 (version imprimée) ISBN 978-2-89647-609-1 (version numérique)

Dépôt légal 4e trimestre 2011 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives du Canada

Diffusion-distribution au Canada : Diffusion-distribution en Europe : Distribution HMH Librairie du Québec/DNM 1815, av. De Lorimier 30, rue Gay-Lussac Montréal (Québec) H2K 3W6 75005 Paris FRANCE www.distributionhmh.com www.librairieduquebec.fr

Imprimé au Canada www.editionshurtubise.com

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Expos.2.indd 6 11-10-18 11:22 Table des matières

Préface 9

Première partie

Chapitre 1 Changement de garde (1985-1986) 13 Chapitre 2 Un championnat avant trois ans (1987-1989) 71 Chapitre 3 Une équipe à vendre (1990-1991) 187 Chapitre 4 Renaissance (1992-1993) 269 Chapitre 5 La meilleure équipe du baseball (1994) 355

Deuxième partie

Chapitre 6 La tête haute (1995-1996) 395 Chapitre 7 La saga (1997-1999) 451 Chapitre 8 Le marchand d’art (2000-2001) 539 Chapitre 9 Le baroud d’honneur (2002-2003) 601 Chapitre 10 Le dernier retrait (2004) 647

Que reste-t-il de nos amours ? (Épilogue) 671 Notes bibliographiques 679 Statistiques 685 Crédits photographiques 737 Remerciements 739 Index 743

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Expos.2.indd 7 11-10-18 11:22 Expos.2.indd 8 11-10-18 11:22 Préface

Mon amitié avec Jacques Doucet remonte à l’époque où j’étais entraîneur adjoint chez les Expos, au tournant des années 1980. Je me souviens des nombreuses parties de cartes joyeusement animées que nous avons dis- putées en avion ou dans le bureau du gérant Dick Williams, tout comme des excursions de pêche auxquelles nous avons pris part, Jacques et moi, aussi bien en Floride qu’au Québec. Le jour où les Expos m’ont appelé pour m’offrir le poste d’entraîneur-chef, j’étais justement en sa compagnie sur un bateau de pêche, au lac Saint-Pierre, non loin de Trois-Rivières. Je ne connais pas beaucoup de gens mieux placés que Jacques Doucet pour raconter l’histoire des Expos. Peu de gens ont suivi l’équipe pendant 36 ans comme il l’a fait, et, sauf erreur, personne n’a passé autant de temps à côtoyer les gérants de l’histoire de l’équipe. Les amateurs de baseball du Québec ont de la chance que Jacques ait entrepris de leur laisser cet héritage que constituent ces volumes sur l’histoire des Expos. Tout comme Jacques, de nombreuses années de ma vie sont associées aux Expos – plus de 20 ans, en fait. Arrivé à Montréal en 1973, à la fin de ma carrière de joueur, j’ai par la suite géré plusieurs clubs-écoles du club – en plus de deux séjours chez les Expos comme entraîneur adjoint – jusqu’au jour où la direction de l’équipe m’a offert de piloter le grand club. Les équipes que j’ai dirigées pendant 10 saisons à Montréal ont connu des hauts et des bas mais à mes yeux, l’édition 1994 des Expos est la meilleure équipe à laquelle j’ai été liée en carrière, supérieure aux Giants de San Francisco de 2003 (gagnante du championnat de l’Ouest en vertu de 100 victoires). Quand la grève a été déclenchée à la mi-août 1994, notre équipe venait de remporter 20 matchs sur 23, elle s’améliorait de match en match ; rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Je n’aime pas tourner le fer dans la plaie mais je suis convaincu que si la saison avait suivi son cours, nous aurions remporté le championnat, peut-être aussi la Série mondiale. Quand nous avions les devants après cinq manches, nos releveurs nous rendaient tout simplement imbattables. Le lanceur Tom Glavine m’a dit un jour qu’il

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Expos.2.indd 9 11-10-18 11:22 10 a il était une fois les expos

était persuadé que jamais son équipe, les Braves d’Atlanta, n’aurait pu rattraper les Expos cette année-là. Je sais que la suite a souvent été difficile pour les amateurs de baseball québécois. Ce n’est pas agréable de voir ses favoris quitter l’équipe année après année. Je sais que moi, comme fan, je ne pourrais pas appuyer une équipe comme celle-là. Or, je crois profondément que cet exode des joueurs aurait pu être freiné si Montréal s’était dotée d’un stade véritablement conçu pour le baseball. Je ne connais pas une autre équipe de baseball majeur qui n’a pas eu, à un moment ou un autre, un stade des ligues majeures digne de ce nom : Montréal est la seule ville dans l’histoire du baseball dans cette situation. J’aimais bien le Stade olympique, mais il n’a pas été construit pour le baseball. était sincère dans sa démarche pour faire ériger un stade au centre-ville et il a fait tout ce qu’il a pu pour y arriver, mais des forces – venant de toutes parts – s’y sont opposées et le projet ne s’est pas réalisé. Quelques années, plus tard, l’équipe quittait Montréal pour Washington, la ville promettant un nouveau stade, qui a été érigé à temps pour la saison 2008. Je suis convaincu que Montréal est encore une ville de baseball. Je m’en rends compte quand je suis de passage au Québec (ma belle-famille habite sur la Rive-Nord de Montréal) et que les gens m’abordent dans la rue, dans un supermarché. Ils me disent combien les Expos leur manquent et me remercient de mon travail avec l’équipe. Ces manifestations me tou- chent beaucoup. Je n’ai pas l’impression d’avoir fait tant que ça, mais je sais que j’ai fait de mon mieux pour aider la concession à demeurer à Montréal. Je n’ai jamais eu l’occasion de dire merci et au revoir aux amateurs montréalais et québécois, et je profite de l’occasion qui m’est donnée ici pour le faire. À vous donc, lecteurs de ce livre, je tiens à vous exprimer toute ma reconnaissance pour le respect et l’amour que vous m’avez portés tout au long de mon séjour au Québec. J’aimerais aussi que vous sachiez que j’ai toujours dirigé l’équipe du mieux que j’ai pu, en cherchant constamment à être loyal envers mes employeurs et envers vous. J’espère que le livre de Jacques Doucet et Marc Robitaille vous rappel- lera de bons moments et contribuera à vous montrer que malgré l’abrupte fin de la belle aventure des Expos à Montréal, le voyage en aura pleinement valu la peine. Felipe Alou

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Expos.2.indd 10 11-10-18 11:22 Première partie Î

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Expos.2.indd 11 11-10-18 11:22 Extrait de la publication

Expos.2.indd 12 11-10-18 11:22 chapitre 1 Changement de garde (1985-1986)

Nouvelle ère avec l’arrivée des Buck Rodgers, Hubie Brooks, Vance Law, Mike Fitzgerald, … Arrivée à maturité de Raines, rendement surprenant du club en 1985 et 1986 jusqu’à ce que des blessures l’écartent de la course au championnat. La chasse aux agents libres connaît un répit inquiétant pour l’Association des joueurs, qui accuse les propriétaires de collusion. Fléchissement de l’assistance au Stade olympique, particulièrement en 1986. Andre Dawson et Tim Raines refusent des contrats à long terme et deviennent joueurs autonomes. Claude Brochu remplace John McHale à la présidence du club. 1

1985

« Nous venons tout juste de commencer, a dit le lanceur Dan Schatzeder à la fin de la première journée du camp des Expos au printemps 1985, mais on sent déjà une énorme différence avec les deux dernières années. L’atmosphère est moins lourde, moins stressante ; tout se fait de manière beaucoup plus décontractée. Cette année, il n’y a pas de coups de sifflet, pas d’horloge, pas de sergent qui cherche à nous en imposer. » Le « sergent » auquel Schatzeder faisait allusion était évidemment , le gérant de l’équipe en 1983 et 1984, celui qui avait imposé un régime quasi militaire à ses troupes dès ses premiers jours avec l’équipe. La stratégie avait porté fruit pendant quelque temps, mais le club avait néanmoins glissé ensuite dans une désolante torpeur pour terminer la saison 1984 à l’avant-dernier rang de la division Est de la Ligue nationale.

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Les Expos auraient désormais en Buck Rodgers un tout autre type de leader à la barre. Détendu, souriant, affable, le nouveau gérant des Expos représentait un contraste saisissant avec l’impassible Virdon auquel on s’était habitué depuis deux ans. Devenu quelques mois plus tôt le 6e gérant de l’histoire des Expos, Rodgers a piloté un premier entraînement léger, dans le calme, pendant lequel les joueurs ont assoupli leurs muscles, couru, lancé la balle. Commencé à 10 h, l’entraînement avait pris fin à 13 h. À un certain moment, Rodgers a même quitté le terrain pour venir à la rencontre des journalistes, avec lesquels il s’est entretenu pendant une vingtaine de minutes… Quand un scribe l’a interrogé sur son approche décontractée, le gérant de 46 ans a expliqué que les saisons étaient longues et qu’il ne voyait pas d’avantage à créer un climat de tension en lever de rideau. « Les joueurs sont des professionnels. Ils savent ce qu’ils ont à faire. Les ordres viendront bien assez vite. » Les athlètes qu’il avait dirigés de 1980 à 1982 à Milwaukee n’auraient peut-être pas reconnu le cordial gérant de la formation montréalaise. Avec les Brewers, Rodgers s’était fait la réputation d’un tortionnaire, d’un conservateur féru de discipline qui ne tolérait pas la dissidence. Un conflit avec le receveur étoile Ted Simmons avait dégénéré en véritable combat de coqs. En conversation avec Claude Larochelle du quotidien Le Soleil, Rodgers n’a pas tenté d’esquiver le sujet : « Mon conflit avecSimmons était devenu chaotique. On se heurtait de front sur toutes les idées. Mais, surtout, on était en désaccord sur des choses que je jugeais importantes. C’était impossible pour lui de se soumettre à mes exigences. J’ai décidé de le casser, j’ai tenu mon bout. J’ai perdu. » L’influent Simmons avait réussi à rallier l’équipe contre son gérant et en juin 1982, Rodgers perdait son poste. À l’écart du jeu en 1983, Rodgers était revenu au baseball dès l’année suivante en passant par l’Association américaine (AAA), où il avait guidé les Indians d’Indianapolis, le club-école des Expos, au championnat de l’Association américaine. La recrue Joe Hesketh, qui avait joué sous ses ordres là-bas, jurait que le Rodgers du camp était bel et bien celui qu’il avait connu à Indianapolis. « Les histoires venant de Milwaukee me sem- blent une invention tellement elles diffèrent ce que j’ai vu du gérant que j’ai côtoyé l’an dernier. Rodgers était aimé de tous ses joueurs. J’avoue toutefois qu’il est dur avec ceux qui se traînent les pieds : ceux-là se retrou- vent rapidement sur le banc. »

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Il était encore tôt pour savoir à quelle version de Buck Rodgers les Expos auraient affaire. Or, comme on le constaterait durant les années subséquentes, Rodgers n’a jamais oublié les leçons de Milwaukee : le baseball de l’ère moderne (où les mégavedettes ont autant sinon plus de pouvoir que leur entraîneur) exi- geait d’un gérant plusieurs assou- plissements… Buck Rodgers se voyait offrir une nouvelle occasion de gérer un club au niveau majeur : cette fois, il ferait preuve de plus de diplomatie. Ou de sens politique, c’est selon. Buck Rodgers, un gérant affable et L’autre grand contraste en ce décontracté, à mille lieues de celui qu’il avait été lors de son passage à Milwaukee. début de saison, c’était évidemment Club de baseball Les Expos de Montréal l’absence de la pièce maîtresse du club depuis presque une décennie : . Dans un geste d’une témérité ahurissante, les Expos s’étaient départis, trois mois plus tôt, de leur receveur tout-étoile alors qu’il était, à 30 ans, au sommet de son art. En 1984, le Kid avait probablement connu la meilleure saison de sa carrière : 27 CC, 106 PP, une MAB de ,294. Il était le joueur de baseball le plus connu à Montréal, le seul véritable porte- étendard des Expos, comme l’avait jadis été . Les raisons qui avaient poussé les Expos à l’échanger aux Mets étaient bien connues : les regrets de Charles , le propriétaire majoritaire du club, de lui avoir consenti en 1982 un mégacontrat de 15 millions, les doléances de ses coéquipiers qui disaient en avoir marre de le voir en mener si large dans le vestiaire du club. Les Expos avaient beau avoir le meilleur receveur du baseball, ça ne les avait tout de même pas empêchés de finir leur dernière saison avec une fiche médiocre de 78-83, à 18 matchs du sommet. Même sans être au camp de West Palm Beach, Carter était encore celui qui avait attiré le plus d’attention, les joueurs ne se privant pas de com- menter l’impact qu’il avait eu sur l’esprit d’équipe durant les dernières saisons. « Gary était un gros problème l’an dernier. Cet homme-là est tellement imbu de son image qu’il en perdait tout sens de la mesure, a expliqué le

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lanceur au représentant du Soleil. Ce n’est pas de la jalousie : son gros contrat n’était pas ce qui irritait le plus les gars, ça avait plus à voir avec son attitude. Si on perdait un match serré mais qu’il avait produit quelques points, Gary ne se retenait plus devant les journalistes. Il parlait comme si on venait d’en gagner une grosse. Il ne pouvait pas laisser passer une occasion de polir son image. C’était désolant à la longue. » Smith admettait tout de même que le travail acharné de Carter sur le terrain avait sauvé l’équipe d’un désastre encore plus grand. « On ne peut pas non plus le tenir responsable de tout, surtout pas de ces petits groupes qui se sont formés dans le vestiaire. » « Gary avait le don de diviser les gars, disait pour sa part Tim Raines, qui n’avait pourtant pas l’habitude de critiquer ses pairs. Je ne sais pas comment il s’y prenait mais c’est vraiment ce qui se produisait. Le ressen- timent à son endroit était tellement vif qu’on ne pouvait plus vivre avec ça. » Des histoires comme celles-là, les représentants des médias en ont entendu quotidiennement pendant les deux premières semaines du camp, au point où le journaliste Claude Larochelle a écrit être « dégoûté » de l’acharnement qu’on mettait à démolir le Kid. À St. Petersburg, où s’entraînaient les Mets de New York, les propos des porte-couleurs montréalais s’étaient inévitablement rendus aux oreilles du principal intéressé. Diplomate, l’ex-receveur des Expos n’a pas cherché à répliquer aux attaques de ses anciens compagnons : « La jalousie et les conflits de personnalité, je pense que ça existe partout. Mais j’ai les épaules larges, je suis capable d’en prendre. Tout a été positif jusqu’ici avec les Mets. Je me sens le bienvenu et j’anticipe d’excellentes choses. Ça sent la Série mondiale ici. » Peu avant son arrivée au camp des Mets, Carter avait examiné les photos de chacun de ses nouveaux coéquipiers dans le guide de presse de l’équipe, lu leur biographie. « Quand il a fait son entrée dans le club- house, il était prêt, a écrit Réjean Tremblay de La Presse. Comme un vétéran qui retrouve ses amis et coéquipiers, le Kid a salué tout le monde par son prénom ou son surnom, s’est informé de la santé de Colleen, de Mary ou de Judy, des succès scolaires du plus vieux et des dents du bébé. » Dans un uniforme des Mets ou des Expos, le Kid demeurait le Kid : extraverti, affable, souriant, heureux, béni des dieux. La nature humaine étant ce qu’elle est, ce sont des attributs qui attirent parfois le ressentiment. Restait à voir si Carter susciterait les mêmes réactions d’antipathie dans son nouvel environnement.

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Le transfert de Carter était peut-être le traitement de choc indiqué pour cette équipe en déroute, mais il demeurait qu’en laissant partir Carter, les Expos se privaient d’un fameux joueur de baseball. Comment une équipe qui avait terminé à 18 matchs des meneurs en 1984 pourrait-elle se remettre de l’absence d’un pilier comme Carter derrière le marbre et d’un frappeur de quatrième rang dans l’alignement, un joueur qui avait produit 106 des 593 points du club l’année précédente ? Déjà, les médias américains prévoyaient des jours sombres aux Expos, répétant ici et là qu’ils avaient échangé le meilleur receveur du baseball contre « quatre billets de loterie ». En réalité, Hubie Brooks, le doyen du lot à 28 ans, un « jeune vétéran » établi qui avait connu en 1984 sa meilleure saison en carrière (16 CC, 73 PP, MAB de ,283), n’avait rien d’un pari. Mais les trois autres représen- taient effectivement des points d’interrogation. Le receveur Mike Fitzgerald (24 ans) avait présenté la meilleure moyenne défensive chez les receveurs de la Nationale en 1984, mais il avait du mal à retirer les cou- reurs en tentative de vol. Son coup de bâton soulevait également de gros doutes. Dans le magazine Inside Sports, Tom Boswell y était allé d’un jugement sans appel : « Les Expos ont échangé le meilleur receveur offensif du baseball contre le pire de la Ligue nationale. » Les deux autres acquisitions du nouveau DG , le rapide voltigeur Herm Winningham (23 ans) et le jeune artilleur Floyd Youmans (une réplique de Dwight Gooden, disait-on) étaient prometteurs, certes, mais on ne verrait probablement pas Youmans à Montréal avant quelque temps puisqu’il n’avait que 20 ans et entreprendrait la saison dans le AA. Les nouvelles acquisitions du club avaient modifié radicalement sa ligne du centre : Fitzgerald derrière le marbre, Brooks à l’arrêt-court, Vance Law (obtenu dans la transaction qui avait envoyé le releveur Bob James aux White Sox) au deuxième but et Winningham, à qui on comptait confier le champ centre. Buck Rodgers disait préférer une formation équilibrée à une dont la production vient d’une seule partie de l’alignement. Or, en se basant sur les chiffres de l’année précédente, les Expos estimaient que leur avant- champ (Dan Driessen au premier ; Law, Brooks et Tim Wallach au troi- sième) pourrait contribuer jusqu’à 70 circuits à leur offensive en 1985. Mais si Hubie Brooks et Vance Law constituaient des atouts au bâton, c’est en défensive qu’ils inquiétaient les partisans du club. Les deux nou- velles acquisitions des Expos ayant œuvré au troisième but dans les der- nières années, et Dan Driessen ayant commencé sa carrière à cette position, les sceptiques n’ont pas tardé à relever le fait que l’équipe entreprendrait la saison avec un avant-champ constitué de quatre joueurs de troisième but…

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La transition d’un joueur d’intérieur d’un poste à un autre peut en effet être ardue et Brooks, éprouvant du mal à ajuster son jeu de pieds, a commis 10 erreurs en 20 matchs présaison. Deux de ces erreurs sont par ailleurs survenues un après-midi sur des balles frappées par un certain receveur des Mets du nom de Gary Carter. « Ce n’est pas moi qui ai demandé de jouer à l’arrêt-court… », s’est défendu Brooks après le match. Les plus inquiets se demandaient comment il se débrouillerait sur la sur- face synthétique du Stade olympique, là où la balle voyage plus vite… Avec , , Charlie Lea, David Palmer, Bryn Smith (et peut-être les gauchers Dan Schatzeder ou Joe Hesketh comme partants occasionnels), la rotation des lanceurs était plus que respectable. Or, contrairement aux années passées, Rogers n’était plus le pilier de la rotation. Depuis la mi-saison 1973, Cy avait été le lanceur numéro un du club (156 victoires, MPM de 3,14) mais il avait connu en 1984 une saison bien ordinaire (6-15, 4,31) et personne ne pouvait dire avec certitude s’il était ou non en fin de parcours. Chose certaine, il ne figurait manifeste- ment plus dans les plans d’un Murray Cook résolu à faire maison nette. Rogers se disait le premier surpris d’enfiler de nouveau l’uniforme tricolore. Déjà, en août 1984, l’équipe avait demandé au vétéran lanceur de 35 ans de lui fournir une liste d’équipes auxquelles il accepterait d’être échangé. Puis, durant les assises d’hiver, les Expos avaient renouvelé leur demande. Il semblait évident que le grand ménage entrepris l’année pré- cédente ne s’arrêterait pas avec le départ de Carter. Mais le mois de février était arrivé et Steve était toujours un Expo. « Je n’aurais jamais cru être de retour, a déclaré le 45 à son arrivée au camp. Notre équipe a été démantelée. Nous n’avons plus de noyau de supervedettes. Andre (Dawson) et moi sommes les deux derniers. Quand on regarde les nouvelles figures dans l’équipe, les nombreux départs qui ont eu lieu, on se rend bien compte que l’équipe a pris une nouvelle tangente. » Bien que Rogers ait retrouvé son aplomb dans la deuxième moitié de la saison 1984, la plupart des autres équipes n’avaient pas accordé beau- coup d’attention à son travail, les Expos étant à ce moment-là exclus de la course. C’est bien connu : on n’échange pas un joueur dont la valeur est à son plus bas. Mais si le vétéran connaissait un bon camp, une équipe pourrait peut-être se montrer intéressée. Et si cette équipe était les Expos eux-mêmes ? « Si nous gardons Steve, c’est parce qu’il se sera taillé une place dans la rotation des partants, a dit Murray Cook. Il a tellement contribué à ce club que le reléguer à l’enclos des releveurs ne serait pas lui rendre justice. » En lisant entre les lignes, ce que Cook disait, c’était que

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les Expos n’avaient aucunement l’intention de verser un pactole annuel de 900 000 $ à un lanceur de longue relève, même si ce lanceur s’appelait Steve Rogers et avait été le meilleur de leur histoire. Depuis l’avènement de l’autonomie des joueurs en 1976, les questions d’argent faisaient plus que jamais partie des facteurs dont tenaient compte les organisations pour constituer leur formation. À la veille de l’échange Carter, l’avait d’ailleurs affirmé sans détour : « Dans le passé, quand nous laissions partir un joueur, c’est qu’il ne faisait plus partie de nos plans. Désormais, nous allons devoir aussi nous départir de joueurs que nous aimons. » Bientôt, de nouvelles sommes devraient être engagées dans deux importants contrats à long terme et les Expos avaient intérêt à rester pru- dents. Déjà, en début d’année, Tim Raines s’était vu accorder 1,2 million en arbitrage (les Expos lui avaient offert un million), la plus importante somme jamais allouée à un joueur de baseball depuis les premières audiences de février 1974. La décision mettait la table pour le prochain contrat à long terme que le voltigeur des Expos allait bientôt solliciter. Combien vaudrait ce contrat et de quelle durée serait-il ? Parmi les chiffres avancés, il était question de 8 millions sur cinq ans. En voyant le pactole obtenu par son bon copain, Andre Dawson a évalué à environ 1,5 million par année le pacte de trois ans que lui-même chercherait à obtenir. Murray Cook s’est contenté de sourire quand on lui a fait part des chiffres avancés par The Hawk. D « awson a encore une année à écouler à son contrat [6 millions sur cinq ans], plus une année d’option. Il peut bien dire ce qu’il veut mais avant de discuter affaires avec son agent [le coriace Dick Moss, celui qui avait négocié le fameux contrat de Gary Carter trois ans plus tôt], nous allons attendre un peu. » Dawson affirmait ne pas s’in- quiéter : « Tôt ou tard, on va arriver à quelque chose de concret. Mais ça ne m’empêche pas d’être heureux. Je ne suis pas le genre de joueur qui est obsédé par l’argent. » Quand le calendrier présaison s’est terminé le 7 avril, les Expos pré- sentaient une fiche de 12-17. Certes, les chiffres de la Ligue des pample- mousses ne comptent pas pour grand-chose, mais une statistique méritait tout de même qu’on y prête attention : la défensive des Expos avait commis 36 erreurs en 29 matchs… Rien pour émouvoir Buck Rodgers, cependant : « En saison régulière, nous devrions pouvoir marquer assez de points pour compenser ces erreurs. » La plus grosse nouvelle du camp était toutefois venue du côté des lan- ceurs. Et elle n’était pas bonne : dans les premiers jours du camp, Charlie

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Lea, le meilleur partant du club en 1984, avait développé un malaise à l’épaule, qu’on avait d’abord diagnostiqué comme une tendinite. Le 1er avril, Lea n’avait toujours pas œuvré dans un seul match et les Expos ont inscrit son nom sur la liste des blessés pour 60 jours. Les lanceurs se sont bien débrouillés, la plus belle surprise arrivant du côté de Steve Rogers (3-0, 2,57), qui a lancé avec aplomb, quoique avec moins de vélocité que par le passé. Le gérant Buck Rodgers était agréa- blement surpris de la tournure des événements : « Steve lance avec son cœur et avec sa tête. S’il continue de nous montrer qu’il a retrouvé sa forme d’il y a deux ans, je me demande si nous ne ferions pas mieux de le garder avec nous… » Le 45 s’était non seulement taillé une place dans la rotation des partants, il aurait aussi l’honneur (pour la 9e fois en 10 ans) de commencer le match inaugural de la saison régulière. Parmi les autres surprises figurait la tenue du lanceur recrue Tim Burke. Invité au camp sans faire partie de la formation élargie (le40-man roster), Burke a été le 10e et dernier artilleur à se tailler une place dans l’alignement. Comme on le verra plus tard, c’est une décision que les Expos n’ont jamais regrettée. Chaque année depuis 1980, les experts avaient vu les Expos sinon champions, alors au moins au plus fort de la course. Ce n’était plus le cas. Dans son édition d’ouverture de saison, le Sports Illustrated plaçait les Expos 21e sur 26 clubs. Le Inside Sports leur prédisait le 5e rang de l’Est de la Nationale : « Les Expos n’ont pas les éléments pour gagner le cham- pionnat mais au moins, cette fois, personne ne s’attend à ça. » Ø

Des chutes de neige, du soleil, de la pluie, il a fait un temps épouvantable lors du match inaugural des Expos à Cincinnati, la partie étant inter- rompue à deux reprises, d’abord pendant 20 minutes, puis 40. Tout cela n’a pas semblé embêter le moindrement , le gérant et premier- but des Reds, qui a frappé un simple, un double, en plus de produire 3 points pour conduire les siens à une victoire de 4-1. Steve Rogers n’a pas mal lancé dans les circonstances, mais les frappeurs des Expos parais- saient frigorifiés, à l’exception peut-être deHubie Brooks, qui a cogné un triple et marqué le seul point de son club. En 8e manche, alors que les Expos avaient placé deux coureurs sur les buts, Tim Raines s’est fait épin- gler en tentant de voler le troisième but, mettant ainsi fin à la manche et au ralliement (« une erreur de jugement », a dit Rodgers après le match). Venu en relève de Rogers en 5e, Tim Burke a connu son baptême de feu

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Achevé d’imprimer en octobre 2011 sur les presses de Transcontinental-Gagné à Louiseville, Québec

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