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LES ESPAGNOLS ET LE ROYAUME DE AUX TREIZIEME ET

par CHARLES - EMMANUEL DUFOURCQ

NOTE PR&LIMINAIKE Dans notre étude sur Les Activités politiques et e'cm~omiqucs des Cata- lans esz Tu.?zisse ct en Algd+t! &entale de 1$6$ h 1377 ', nous avons évo- qué les complexités de la politique nord-afrkaine des Espagnols : le puissant 6tat hafside qui s'étendait alors depuis la rAgion tripolitaine jusqu'aux en- virons d'Alger avait coniine voisiii occidental le royaume de Tlemcen (Tre- mecen). Dans quelle mesure les activités politiques, économiques et reli- gieuses des Rois d'Aragon et de leurs sujets se sont-elles déroulées B Tlemcen et dans ioute I'Algz'rie occidentale de la mhe fa~onqu'en Tunisie et eii Ngérie orientale? Chmment les Castillans s'ocupkrent-ils, de leur cijté, .de ce royaume dc Tlemcen qui s'étendait aux portes du Maroc et S quelque deux cents kilometres au large des cotes du royaume de Grenade? Te1 est le double objet de cette nouvelle contribution modeste que nous tentons d'apporter l'liistoire des rapports hispano-afiicains aii Moyen-Age. Deux faits permettent de mettre en relief le double aspect - castillan et aragonais - de l'influence espagnole sur le royaume de Tlemcen : B la fin du xrri""' siecle -en 1291 - Jairne II d'Aragon et Sbncho lV de Castille signkrent un accord partageint 1'Afrique du Nord en deux nones d'influenie : les terres situées B I'ouest de la Moulouya, c'est S dire le Maroc xtuel Q la Castille; tout le reste de I'Afri~uedu Nord, y compris le royaume de Tlemcen E 1'Aragon '. Mais par contre, deux siecles plus -- l. Bolettn de IB Real Acodcmiho, nEstuclios de Edad Mcdia de la Coroiio de Aragón. Seecidii de Zaragozan, vol. 11, 1948. PP. 10~11 tard, en 1494, c'est aux Castillans que le Pape Aiexaiidre VI concéda le droit de conquérir ce m&me royaume de Tlemcen, tout. en conférant un droit analogue aux Portugais sur le royaume de Fks et aux Aragonais sur les royaumes d'tllger, de Bougie et de Tunis '. C'est en confrontant les sources arabes (documeiits et récits de cbroni- queurs) ,avec les sources européennes et les études 'd'llistoire espagnole déjh publiées que nous avons essay4 d'éclairer d'un jour nouveau cette curieiise. et mouvante histoire des tenaces effurts poursuivis par certains Espagnols au ~111~"~et au x~v"~'sikcles dan6 I'Algérie occidentale '.

Barcelone - Jnillet 1947 - Septembre 1948

LS. Zuvita, A~lesde la Corona iIr d~a06n.tamc Y, XUrngoza, IRiO, PP. 18-10. 4. Cf. notre bibliagl~rriliir p. 12;. CHAPITRE PREMIER

LA TLE&lCEN MEDIEVALE E?' SA COLONIE CATALANE

Les occidentaux qui s'4prennent des vieilles gloires orientales nord- africaines sont lis pélerins passionnés de certaines i,illes msrocaines et tu- nisiennes, tonjours les memes: Fis, Marrakech, ... Ils auraienb tort de trop négliger la perle la plus brillante du Moyen-Age adgkrien : Tlemcen. La ville est modeste aujoiird'hiii 5 nnisis elle fut le centre d'un ro- paume qui compta dans le monde méditermnéen rnédiéval, en particulier au xirr?"" et au xivm"ei~cles. En ce temps, les Castillans et les Ar.3- gonais ne s'y tromperent pas : bien que 'I'lemcen fíit une cité continentale et n'eut pas I'importance des villes dii détroit de Gibraltar et du détroit de Sicile, les rois et leurs conseillers, les marchands et les niissionnaires fu- rent attirés par cette capitale lointaine. Elle s'él&ve 850 mitres d'altitude, i 45 kilometres de 1s Méditerranée, i 45 kilometres aussi de l'actuelle frontiire algéro-marocaioe, sur un pla- t.eau qiii est dominé au sud par des rochers escarpés (le Ujebel-Terni) et , d'oh la viie décoiivre une série de gradins s'abaissant gr.aduzllement vers la me): comine une uimmense plaine fuynnt vers le miroir de la Méditerranée.. ~Enveloppéede massifs séculaires d'oliviers, de figuiers et de térébin- thes, ayant i ses pieds le tapis changeant des vallées de la Tafna et de la Safsaf, Tlemcen "la bi~n-gnrdée

.s. Dans Ic dbpurtenieiii d'Oi.ai>, soiis-pri1cctiii.e

~Arrete-toiet regarde... La joie habite en ces lieux. Ts viie se reposera sur des campagnes d'une parfaite heauté. .. Tu seras charmé par le cliarit des rossignols et le murmure des ruisseaur>, ".

De fait, Tlemcen n'était pas seulement une étape vers La Xecqne pour les pélerins musulmans dlEspagne et du Maroc, elle était en elle menie, u11 but des pélerins venant dc tous les coins de l'occident; voici sur ce poiut Le témoignsge du valencien El-Abderi (xirfm" siicle) : sHors de la ville, sur les pentes de la raontagne, se troiive le ciinetiei-e ob sont enterrés les hommes vertueux et. les marabouts '5t oU se font de fréqiieuts pélerinages~13 . Des .wuverains éclairés s'inté~esserentaux vertus et au talent de ces er- mites et de ces poetes qui régnaient spirituellement s,ur leur capitale: ils les Eavorishrent, ils protégereiit les lettres, la civilisation, les arts. Et des juristes, des savants, des médecins se formerent dans cette capitale privi- légiée. Le poZte Abou-Abdallah Mohamed ben Ornar que nous avons déji cité pouvait dire sans exagération en parlant de .sa patrie.

o. El-Abderi, Iiiri6vairc Occidental, eitraitx traduils cri cs~a~nolpii. Poris y Boigues: Ensnvo biobiblioorbfico sobre los Iiistorindoves v 0i:Óyrrrfoa orlbigos-cspiiilolea hfsdt.id, 1808. P. 812. 10. Cf. 1'aI'LLn-Lbn-Khaldoun, li'ad. cit. 1, e. 1s. 11. Ibid., D. 10. 12. Le mol aniarabouta vient cle I'arabc Inerabet

alci, l'esprit est vi£ et se donne libre carriere; des reves séduisants vol- tigent comnie des flocons de ncigen '*. Certes ces térnoignages des Tlemceniens rninquent peut-&re d'iinpar- tialité et sont trop unanimement loiiangeurs; il est donc bon de les confroii- ter avecceux d'étrangers. Ricn nn'est plus curieux i ce point de yue qiie le récit de voyage que nous a laissé le musulman espagnol El-Abderi dont iious venons de citer quelques lignes sur les marahouts de Tlemcen. Ce Va- lencien il'est vraiment pas suspect de s-mpathie pour la ville qu'il visita en allant a 1.a Mecqiie, car il note avec Iiostilité dans son i-écit la inesq~ii- nerie du roi de Tlemcen qui aprb avoir rep les mille pélerins qui traver- saieiit l'Algérie ne leur donna qu'un dinar par groupe de 100 persoones !" Voici les propos favorables que cet Espagriol ticnt pourtant sur Tlemcen: aC'est une grande ville, i demi dans la plaine, idemi sur une colline; elle a he1 aspect et possede une magnjfique et trh vaste mosquéc. Ses marchés sont tres animés. L'amahilité de sea Iiabitants est sans pareille ... Sa muraille n'est pas sans solidité. 11 y a de beaux et grands bains pu- hlics. Les édifices sont élevésu l'. 11 est vrai que tout en mhie temps, notre voyageur dresse un hilan asscz triste et meme désesp6rant: ~Tierncenest une cité écrasée par le malheur ... L'homme altkré ne peut y apaiser sa soif. Les édifices sont vastes rnais les pieces en sont vides : ce sont des maisoiis dépepeiiplées qui donnent envie de pleurer. Les soiirces de l'érudition se sont taries ...» ". Que doit-on conclure de ces ombres qui apparaissent brusquement sur le tablenii cliarmant dont nous ccroyioiis pouvoir nous émerveiller? 11 faiit d'abord remarquer que la réalité fut évidemment assez variable se1011 les .années. Les inauvaises récoltes, les famines, les épidémies, sans parler des guerres parfois désastreuses, poiivaient hrusquement assomhrir la vie d'une ville floriss;irite et brillante la. Et par ailleurs, El Ahderi habitué aiix riclies vegas d'Andaloiisie et a la brillante culture musulmane d'Espagrie Ctait peiit-$tre porté i dénigrer cette terre de Berbérie ok il arrivait ,apr&s une longiie étape, fatigue! par le voyage et prla soif! Les nomhreiix textes arahes contemporains prouvent nettement que Tlemcen loin d'etre abandonnée par les druilits resta a la fin du xrri""" siZcle uni ville privilégi6e dc poetes et d'historiens. Les dires d'E1-Abderi n'ont qu'iine valeur relative : ils nous permettent de ramener a une pliis juste proportion les cliarmes paradisiaques que les 6crivains tlemceniens ont attrihué a leiir ville avec une emphase toute orientale qiii n'exclut pas le talent.

1,~.Cf, l'~rl'~~~.Ibn-l. Cit., Ilp. 311-312. 17, Iliid. 18. Cf. inira, DP. 2s sq. et ef. dnns Cnpiiiiiiiy: Menlo"~ sobre lo nmrilio. comercio si artes de Borcelaito, L. IV, Slndrid 1792, quclquer rciiseigneuicnts sur des erices onnlogue~ (fomi~~esel npeslcso) quc coiiriut iine riile cvmnic Bnreelone au Moyrii-Age (ADpendiec du t. IV. D. 061. L'histoire générale du monde rnusiilman nous remet bien d'ailleurs elle nussi en préseirce de justes proportioiis: depuis la conquete de I'Afrique du Nord par les Arabes, Tlemcen n'avait cessé d'Ctre uiie viile inrportarite niais presqrie toujours une déliendaiice dii royauiiie marocairi ; et ccctte longue trsdition de vassalité~'' pesa lourdement sur ses destinées aii XIII*~'et au xiv'"" si&clzs quand elle se fiit traiiscormée en la capitale d'un étüt indé- peodaiit, b La faveur de la disloc:ition de I'Empire Almohade, apres la ba- tsille de Las Navas de l'olosa (121?), au inoment meme oii le royaunie iuéri- nide se constituait au Maroc, et le royaurrie Iiofside en Tunisie et en Algé- rie orientalc ", .

Ces deus sikcles marqi~trentl'apogée politique de Tlemceii, son essor ¿couoniique et intellectiiel. La ville fut alors peuplée de 100.000 habitants aii moiiis; sa prospirité commerciale reposait siir l'ngricultiirc et l'élevage qui florissaient dans les pl.aines et siir les plateaux avoisinants. Seion I'liis- torien Ibn-Klialdoun, la plupart des Tlrmceniens s'adonnaient 5 I'agriciil- ture et A la fabrication de vetements de laine douce, en psrticiiliei i celle des grands voiles que l'on iiomnie en Algérie : Ics hnilc. Toute uiie artisa- iierie florissait: on fabriqiiait des boucliers de cuir, des lsnoes, des cottes de msilles, des brides, deiselles. l3t aupres des éclioppes des forgerons et des tanneurs, il y avait les soiakhs ob s'affairaient d'babiles brocleurs et d'excellents orfevres. Ailleiirs encore, on fabri~uaitdes teiites. Bref, aux dires d'Yal'hs-Ibn-fíliladoiiii, il y arait une rnier Iiuianine d'ouvriers~". Les nrtistes, les lettrés, les seints furent eux aussi de plus en pliis nombreiix en ces anni.es bénies : C'est alors que se constrliisirent nombre de uniarabout~isiir les tonibes de pieux ii~usiilniaiisque les Nord-Africains du sx&mesiecle coiitiniieiit h r&nérer. Pendsiit cette époqiie, il y eiit toujours des poetes un pen maniérCs et parfois trop r

lo. w$liiaiii et Geoieee Maicais, Les AfolaniLmelila nroó<:s dc l'lanicc?~.PRriS, 1603, p. 12 20. B~l~tlilde lo Heal Acndemiu de Uuilms Letras de Bnrcriolio, XIX, IqU, ~li.7-8. 21. Cf. Y;~l'hn-lbn-K11aI

12 CHARLES-EWIAKUEL DOFOCRCQ

fois déjh le second port do ropaunie, un des ports d'exportation de blés africains vers le 'royaume de Grenade 3', le port vers lequel se dirigeaient sporitanément des aventuriers s'embarquant i Alicante ponr aller chercher fortune en Afriqiie :". 11 semble bien que, tout comme 3. Honeiii, une admi- nistration des Douanes y ait foiictioniié tout aii cours des SIII~~'et XIV""" siecles 33. Depuis loiigtemps déji l'histoire d' Etait faite de relations avec llEspag.ne: le site de cette ville fut sans doute ilne création ospagnole ; jl aurait été peuplé pour la premiere fois et ainénngé en 903 par une bande de marins andalous venus des cates de la pininsule dans le but d> . . initier p~Ccisément un actif trafic commercial auec Tlemcen 34 qui était alors le centre d'un petit état puritain d'oiigine kliarijite siir le point de succoniber dev,ant la vague de foncl cliiite qui allait aboiitir l'instaiira- tion du klinlifat fatiniide ". Au milieu des vicissitudes de l'histoire médié- vale algérienne, cette ville $Oran, fondation andalouse, resta poiir les Es- pagnols une porte naturelle de pénétration vers 1'arriCre-pays nord-africain. A I'extreme-fin du xrvmm"sihcle - en 1391 - oii. vit eiicore affluer i Oran iin nouveau groupe d'émigrants espagiiols, des chuctas de Majorque fuyallt la perskutiou ". Honein et Oran Etaient done su XIII*"' et ;3u ~IV~'~'siecler les deiix plus importants ports du royaiime de Tlemcen: ces villes regai-daient vers l'Espagne, mais aussi vers le Maroc; et l'on touche ici il'une des constan- tea caractéristiques de l'histoire tlemcenienne : tres souvent les tribus ber- beres et arabes des environs de Honein et d'0ran se révoltkrent contre le pouvoir central du roymme et appelerent i l'aide les Mérinides marocairis. C'éteit li une marcbc frontibe maritime, turbulente; et les habitants des deux ports 4taient d'humeur aussi faroiiclie que ceux des montagnes avoisi- nantes. Aux dires des Iiistoriens, il y avait parmi eiix des marins et des pirates «plus entreprenants que ceux de l'état liafsiden 3'. Ces corsaires sou- vent révoltés ct souvent iiidépendants en fait ri'Ptuient pas des intermé- diaires faits pour faciliter un commerce pacifique entre le royaume de Tlein- cen et les pays d'outre-mer. On comprend qiie dans ces conditions la rie .économique internation,ale ait connii un moindre déucloppemet en Algérie occidentale qu'en Tunisie ou en Algérie urientale. Honein et Oran n'étaient toutefois pas les deux seuls ports de Tlemcen ; il est certain qii'une activité commerciale - au moiiis interinittente - ani- ma aussi, B l'oiiest d'Ornn, l'exccllent port de hlers-el-Xebir ", et i l'est

31. Ci. tii? riocuincnt (le 1341 1ilibli4 par .41*rc6n Snnt6n et Garcin de LinorCs; Las do. ~tbmiiitos brnbea diglonidticos de la Gorolla de Alaodn, Madrid 1940, P. 190. 31. Cf. Reiizie HispnlTa, Matlriil 1041, o. 139- 36. Cf. par exemple,.Gsell, G. Morcais et Yver, Ristoire d'AloP?ie, Pavis, lo?o, pp. 100 sq. 36. Cf. Areilza et Callidla, o". cil.., D. 130. . 51. Mas-Latric, op cit., p. 42. CI. dans Docxntei~tos drabes .., o". cit.. P. 232, iin texle de 1362 ob il ect auestion dc Piratea rnaures qui ont eommc liase le poit

LES TRAITÉS HISP~KO-TLEMCEKIEXS.- Pour les raisoiis majeures que iious avons déji indiqiiCes, ce roganme continental, mal servi et mal des- servi par des ports trop souvent infideles eut, dans I'erisemble, un coinmerce moins actif que celui des royaumes de Tunis et de Bougie : les relations avec 1'Espagne chrétienne furent moins snivies, les traités moins nomhreux. 11 nous est inipnssihle d'étahlir une liste d'accords commercianx aussi précise et aussi loiigue que celle que nous avons pu dresscr en étudiant les rapports de Tunis et de Bougie auec la Catalogiie et les Baléares '3. On peut cepen- dant rassemhler quelques Clénieiits d'iiiformation :

31. C'est eri 1274 sii~eT4iiPs devint wur la premibri ioir iirie posseSSion du mpaiirnc de Tlmiccii (hleieier 00 cit., T. 11 p. 205). Sous navons que e'est & Tfn&s quc ~'enilinrgiin pour I'Es~agnc sil coiirs

191 14 CHARLIIS-EMDIANUEL DUFOURCQ

En 1227, dans une ordonnance royale destinée h protéger les intérets de ses sujets négociants et navigaterirs, Jainue el Co?zquktador, psrlant du commerce de Barcelone avec la Berbérie nc cite qu'une seule ville nord- africaine: 'y Par contre, dans un texte de 1286 1'Uniow Arapmtesa révoltée contre le ponvoir roya1 demande Altonso I1I d'annuler divcrses conventions que la Couronnc vient de passer, et, pirmi elles, une conclue avec le roi de 'l'leniceri ''? Ce serait donc entre ccs deux dates 1227-1286 que conimenceraieiit les relations économiques suivics des Catalans avcc Tlemcen. ihiitre part, nons savons qu'h la suite dcs victoires qii'il remporta en 1248 sur les derniers Almoliades, le premier grand roi tlemcenien indépeii- dant, -Yagmoracen, enr6la une partie des soldats chrétiens que les Almolia- des avaient alors ileur se~vice:2.000 Iiommes "; ils étaient presque tous Espagnols; ct parmi eux, il y avait perit-&re plus de Castillans que d'Ara- gonain *'. En 1267, Jaime el Cortq~~irtndorcnvoya préciskment comme ambassadeur aiiprks de ce roi Yagmoracen - c'cst le preniier ambassadeur d'Aragon ii Tlemcen que nous puissioris citer - le clievülier Guillermo Galcerhn qni dtait nommé en meme temps nlcagl (nlcaidc-) "de tous les Chrétiens mili- tairps ct civil3 qui partiraient avec lui et de ccux pittaielit déjU ttablir ou s'étaliliraient A l'zveiiir dans le royaiiine de Tlemcen. Dans les lettres de nomination, Jaimf: 1 spécifie que GalcerEn jouirait des míimes droits et émoluments qiie les alcaides a.nté.~iet~.elils 11 y avait donc eu des avant 1267 des noniinatioiis semblsbes. On iie peut donner aucune autre précisioii sur les pren1iei.S accords passés ail xiiiC"' siecle entre la Couroniie d1.4ragon et Tlemccn. Au r;ivC"'\i&clc, les relations écoriomiqncs eiitrc les deux pays sont par contre niieux jslonnées : oii peut d'abord citer des «cédulcsa royales de 1315 'O ct de 1341 " qui noiis infornient siir les droits établis par les Ma- gistrats de Barceloiie sur les bateaux comineryant nrec la Berbérie en géné- ral ; mais surtout iioiis avous de nombreux documeiits sur des accords 2~ la fuis politiques et écononiiques : En 1318-1319, des négociations furent menécs entre Tlemccn et Barcc- lone, du c6té arabe par Felipe de Mors, alcaide du roi Aboii-Hammoti-Mou- sa 1", et par son sccrétairc Jaime Cervitge; di1 c6té chrétien par le clievalier Bernat Puig (oii Despuig) et par le notable citoycn barcelonais Bernut Za- pila (ou Capil~)".

nr. cauniarii-, M<:,,,o~~vs..., ou. cit., ir, IRP. 11, ia. 15. García Fizvera~,"P. ~il..,11. Gn, 46. TBI'I~A~I~~~X~RI~OU~,trad. B~I,OO. cit., I. p. 154. 47. PU~SQUCe'est le i.ui de Ciirtillc Son-Fcrnn~,'niii

1'Aragori était dtclaré inclus dans ce traité '\t le Khalife mérinide rati- fiait la paix conclue entre 1'Aragon et Grenade ". Ces traités qoi ne liaient qu'indirectement les états mérinides et la %ouronne d'Arag.on créererit, il est vr.ai, une situation 4qiiivoqiie qui se prolongea pendnnt plusieiirs mois 05. Mais on en vibt enfin a de vrais traités en Iionne et due forme qiii favori- serent certainement dans une large mesure le commerce ,des Catalans dans le région de Tlemcen : les accords passés entre le Khalife mérinide Abou- Inane et Ped~oIV peut-etre des 1552 (?) ",en tout cas en1355-1557, par I'intermédiare de Pedro Boit auegi:ier gelzeral» du royaume de Valence (trai- té du 20 juillet 1357) ", accords préparés des 1349-1350 par le Marjorquin Gil Albert ". Plus tard encore, jiisque daris les derniers jours de la domi- nation mérinide sur Tlemcen, d'autres accords furent négociés ". Ainsi donc, aussi bien au temps de son indipendance que 101s de Sa son- mission aux Marocains, le royaume de Tlenicen fut sinon constamment, dn rnoins assez souvent, meme d'avoir des reiations commerciales pacifiques ave< les siijets de la Coiironne d'Aragon et parfois avec les CastiUans. Evi- demrnent sur ce plan économique le r6le de la Castille fut insignifiant par rapport i celui de 1s Catalogne, alors que, par contre, sur le plan propre- ment politique la question de Tlemcen tint A diverses reprises un r6le peu prEs aussi grand dans les préocciipations des souverairis castillans que dans celles des rois d'Aragon 'Y On peut citer comme preuve de l'ancienneté de ces relelations diplomatiqiies entre Tlemceri et la Castille l'ambassade qui fut eiivoy6e A Burgos en aoíit 1293 par le roi Othman pour ratifier avec le roi Snlicho IV des accords contre le Maroc 'O "'".

DONS~IRSGÉNI~RIILES DES K1:LATIONS CObfMERCI4LES ENl'RR L.'ESPAGNE CHRÉTIEKNE E.I. TLEMCEN:LES DROITS DE DOUANE; L'INSÉC~ITÉDES VOYA- GES; LES CORSAIRES CATALASS. - Les caractéristiqlies générales du com- merce quc fit I'Espagne avec le royatime de Tlemceii sont analogues a celles qiie nous avons déji notées en étndiant les activités économiqiies des Cata- lans en Tunisie et en Algérie orientale '' :

68. Documentos brabea ..., op. cit., VD. 187 $0. al. Documentos 67ai>os.... "p. cit., p. 104; et Canellas ou. cit., p. L. Cette iatiOcstioti rle la ~aixGreiiade-Aragaii par «Al¡ ibn Saídn (Abou-I'Hnsirinl est urise & tort. 0°F Cniicllas poiir une unix ciit.?e «Ali ilc 'Truneeena et I'At.agoii. Cel nAlio est Abou-13Harran. alars ioi . 118, 101. 00. Coritre ecttc hypotli&se d'accot.di MIIC~~SdCs 1:~entre ~bou-Inaneel: I'Arngori (hy- mthese dc MIS-Latric), cT. In lcttre du O smtcnilire 1854 ile Molismceriul,"p. cit., PP. 40 et 82 su.; Cap. mi~r~y,At~tiotbo~ trntodo8 ..., op. cit., pp. 18 6~1.: Memorias ..., ap. cil.., 111, p. 202 ct IV 121. 88. Documentos úroMticilde Soricho IV. Miiilrid. MIS, D. 38; ct du niGme sutiiir: Historia de So>iclio IV de C

Toutes les opér,ations commerciales devaient se faire sous le controle direct ou indirect de l'administracion des IDouanes tlemceniennes, particulierement bien organisies, nous l'avons vu, i Hunein et Oran ; les marchandises im- portées étaient frappées eomme dans les états hafsides d'un droit de 10 % ad valorerii " ; il y avait. vraisemblablement aussi divers droits complémen- taires 13, ceux qui sont désignés dans le traité de décembre 1362 sous le nom d'nimpots fiscaux déji connus» ". 11 semble qu'i la faveur des guerres et des révolutions, les maitres du royaume de Tlemcen entciidaient parfois établir des tarifs plus ilévés et arbitr,aires : dans les instructiuns qii'il don- na en 1319 i ses ambassadeurs Despuig et'zapila, 3a.i~11 précisa eri effet qu'ils devaient s'efforcer de faire réta.blir les uanciens tarifs douaniers~15; et en 1362, Pedro IV réussit pareillement i obtenir par Francés Chst,a qu'au- cune nouvelle taxe ne serait établic sur le commerce ''. Dans tous les docii- ments que noils connaissons, il est question de traités passés antérieurement et qui avaient éti peut-&re plus explicites, niais qui ne noiis sont pas par- venus; traité entre Jaime 11 et Abou-Moiissa I"' (1308-131R), traités entre Yagmoracen- (1236.12833 d'une .part. . Jaime 1 '' puis Pedro TI1 d'autre part 'O. Bien entendu, les &les étaient souples; et elles 4taient plus assoiiplies encore duns ce royaume oii la contrebandc était sans doiite plus facile que dnns les états hafsides, étant doiini l'tloignement entre les ports officiels et le centre des transactions: Tlemcen. Surtoiit au cours des mnées de aeuvaise récolte, les rois de Tlemcen ne faisaient pas payer de droits sur certaineu inarcliandises tr&snécessaires? le blé par exemple '' ; cette coiitiime se comprend d'autant mieux quand on se rappelle que de pareilles exporta- tions destinées ides Infideles étaient en principe iiiterdites par le Souverain Pontife 'O. De leur coté, .les souverains musulmans établissaient des listes de denrées que les chrétiens n'.evaient pas le droit d'exporter d'Afrique : en 1339 par exeinple le Mérinide Abou-¡'Hassan précisa que les Majorquins riirec qui il signa alors un traité de commerce, ne pourraient pourtant acqué- rir dans ses états ni blé ni armes, ni chevaux, ni peaux, ni ciiirs ''. Mais du &té mnsulman tout comme di, c6té chrcticn, ces claiises de principe.4taienb soiivent transgressées : nous savons qu'en 1302 les Barceloneis ' vinrent acheter du blé dans les possessions mérinides, aprks y avoir été autorises par le Klialife Ahon-Yoiikoub qui était alors en train d'assiéger Tlemcen dont il contrblait déjh iL peu prks touks les possessions littorales ; et cet achat

m. Cf. traitf de 'n~ny,Jf~mori~s ..., 11. p. 86. 81. Cf. h

m. 1Md. p. 58: Caprnnny, Memorias .... 1. 2. p. 81 ct 11. UD. 373.374, 83. Do~ii?nlllos6rnbcs ..., Dp. 228 SO. Sb. Doct~l?iintosbrnbes ..., pp. 287 sq. 85. 00. B. Mirallee de Irnoerial.~ .. cit.. ... no. . 60 so. SR. Dociimcnlos

20 CH.4RLES-EMiMASCEL DUFOURCO de ces capitaines; sauf au temps de Pctlro ZV oii il y eut un gros effort du roi pour prendre en maiiis la marine lg,les officiers des navires qui sillon- naient la Méditerranée, dépendaient essentiellement de Bnroelone, on, s'il s'agissait de navires ir al en cien^^ de vVlleiice; ils avaient pleine et eiitiere juridiction sins que pussent intervenir les amiraux dri roi 'Oo. La qiiestion maritime et la qiiestion conimerciale étaient ainsi 6troitement iu~briquées; et l'usie et l'autre dépendaient de l'activité et de la volonté des villes cata- lanes. Au contraire, le roi de Castille était souvent absent. de la Méditerranée A cause de l'indifférence que ses ports ntlantiques uiontraient aiix entre- prises africaines 'O'; quant au gros effort maritime que foiirnit Alfo~isoSI, avant mhePedro IV, il fut épliémi.re et saiis graiids résiiltats sur le plan des relations hispano-africaines, cir cette flotte castillane fut utilisée par Pedro 1 -le successeiir d'Alfonso XI - davantage contre I'Aragoii que contre les Musulmans. Pour yrotéger les commercants espagnols contre les pirates dc Hoiiein et d'Or.an dont les repaires étaient si proclies des c6tes ihériques, il n'y avait donc guSre en déíinitive comme forces de sécurité que les navires catalsns.. Ainsi dono, grsre aux consiants efforts des iiiarins, tant6t B la faveiir d'épbémkrcs dispositions favorables dee tribus du littoral tlcnicenien, tan- t6t en dkpit de leur hostilité, le cvrnmerce des paps de la Couronne d'A- ragon avec 1'Algérie occidentale, et par elle, avec l'Afrique Xoire 'O2 put se développer progressivement au xrrrCmset aii xrvb"" siecles.

QUELUEESASPECTS DE I.A VII::I~T uc CO~ERCECATAI.ANS A TI.EMCEK.- 11 ierait interéssant de connaitre les détails de ces transactioiis coninier- ciales, d'avoir quelque idée sur les bénéfices que pouvaient y trouoer les marchnndc catalans et sur la vie qii'ils mennient dans ces conditioiis eh cette terre lointaine oii ils s'installaient parfois demeiire aiitoiir de leur ~Fondoukh~'O2 '". Un point apparalt indisciitable : soit par contrebande soit officiellement, malgré les stipiilations qui s'y opposaient souvent par principe, les grains, - exportés ou importés, aelon les années - constituaient l'élémeiit le plus allécliant de ce commerce las. Pour ce qni est des autres importatioiis catalanes en Algérie owiden-. tale, on disceriie que, Tlenicen n'étant pas une ville maritirne, le com- merce du bois et des agrk - que les prescriptions pontificales interdi- saient aussi d'exporter en terre miisiilmane 'O' - était sans doute nioins dtveloppé qu'B Tuiiis ou i Rougie: il aurait été trop profitable aux cor-

99. Cf. Capmaiiy, Menioriaa ..., IV, iip. ida. 14814u; Ic ViceAmiral Gilabeit dc Criiilles fut nommc cii 1870 aCapituiricGÉriiis1

[lBl LES ESPAGKOLS ET LE ROSPUUME DE TL.EMCLN 21 saires et aux pirates de Honein et d'Oran. 11 est certain qu'au contraire, . les vins et toute la série des produits ou objets fabriqués en Espagne étaient appréciés et acquis en terre tlemcenienne 'O'. Parmi les exportations, il est vraisemblable que celle de l'huile tenait une beaucoup moins grande place qu'en Tnnisie; on peut entrevoir celle des fruits, mais surtoiit on doit noter celle des cuirs. des peaux, des laines et du cotmt. C'est lh, n'en pas douter, l'.~spectle plus intéressant et le plus original du commerce que les Catalans allaient faire .h 'I'lemcen : il y avait alors dans ces régions de I'Oranie actiielle de grandes plantations de cotoii; ce coton tleincenien - notamment celui de Mostaganem - jouis- sait d'une bonne réputation dans l'liurope médiévale lo', réputation jus tifiée puisque c'est &ins cette régioii que prospkrent B nouveau aujourd'hui aprks une longue éclipse, les plantations cotonnieres du Sig, de Perrégaux et de . Le royaume de 'Jlemcen avait la une belle source de ri- cliesse. Les Catalans, tentés par ces diverses possibilités tlemceuiennes, utili- saient dnns leurs affaires la stecliniquer commerciale dout nous avous déja exposé les caracteres essentiels, E propos de Tunis et de Bougie. Le plus vieux des textes qiie l'on puisse citer sur ce point est un recu de 1250, conservé aiix Archives de la Cathédrale de Barcelone; il confirme que le commerce était déjh développé entre Barcelone et Tlenicen au milieu du XIIIOItI" sihle lo': le marchand Arnnldus de Podio remit, A Tlemcen, une mmme (en ucommande-depotu 'OB) .h un aiitre cornmercant Rmimndus de Bayiieiariis; et celui-ci rendit la somine B Barcelone 'O? De curieuses acsociations mmmerciales se formaient au besoin entre Musi~lmans et Chrétieiis; cela n'est pas pour nous surprendre puisque nous savoiis que mtme des navires étaient ainsi co-propriétés de Nord-Africains et d'Euro- péens "',;un terte de 1296 nous nio'ntre Ic mroliand tlemcenien Mol~amed Abennator (?) associé ?I des Majorquins, et indignenieiit trompé par eux d'ailleiirs "'. L1?ipreté et souvent la niauvaise foi des marchands qui s'aventuraient ainsi i I'lemcen sont évideinment indéniables. 11 ii'y u. pas a s'en 4tonner : il fallait avoir un tempérament d'aventuriers pour se risquer ainsi en Afrique, plus encore sans doute B Tlemcen que dms iine ville maritime comme Tunis. Et puisqu'il y eut une ordoiinance des Magistrats de Bar- celone pour interdire que fussent nommés consuls en Berbérie ades liom- mes infames et des baiiqiiiers en failliteu '", ori peut iinaginer sans peine qiie l'inimoralité des commerrants Gtait parfois sans limite! "'

105. lbirl. pp. 38-80. 1N. Mas-Latrie, op: cit.. p. 880. 107. Cf. SWrR. pp. 14 irl. 108. Cf. 6111. La ommmande-d60ata B. R. A. B. L. B. SIS. 1040, p. 40. l.Arcllives de la C;il.li&dinle de R;ircelone, call. 24, 11.0 8144. Cl. Srgoiis: Les mEthodcs ~ommerciales de Barcilone euz' XIIIeme et XIVm* siacles. «Srtudis Unirersitaris Catslansn, 1931. SVI, p. IIiB. 110. B.R.A.B.L.B... IQoti.. XIX... D. 08. 111. Archives de lo C. d'A., R. 104. 84 (Cf. B.B.A.R.L.B. 1910, V, 1,. 297). iia B.R.A.B.L.B., iiiio. v. p. is5. 113. Ibid. et Arcliioea de 20 C. d'A., R. 557. f. 244 v. 22 CHARLES-EMMANUEL DUFOURCQ

Toute une colonie catalane se constitua ainsi tr&s tot i Tlemcen, mais enquelque sorte en marge de la loi, au moins au début; un texte de 1267 nous prouve qii'il y avait déjd alors une colonie cataliine civile h Tlemcen et que l'on rnvisageait iin nouvel afflux d'émigrants; mais il paralt certain qu'il n'y nvait alors nucun consul i la tete de cette colonie - et c'est pourquoi nous disons qu'elle était en somme organisée en marge des réglements ordinaires - puisque l'alcnide alors nommé par Jaime 1 comme chef de la Milice était aussi déclaré chef des chvétiens civils "". Un autre texte de 1274 nous apprend qu'il était interdit en principe d'aller dans le royalime de nemcen, ninhibitio~tieper nos factn 18,e aliquis & teva nosl~amudeat ire ad terram ipsZus regis de Tirimaea "'. Mais bien entendu, c'était lir dans une large mesure une clause de principe; et les aiitori- sations Ctaient facilement données, par les autorités locales avant I'organi- sation définitive du Consiilat de Mer "2 cc:estainsi qii'en aoíit 1274, deun Majorquins furent autorisés h partir pour le royaume de Tlemcen. Nous ne ponvons pas prgciser la date 8-laquelle apparut pour la pre- mihre fois un Consiil d'Aragon A Tlenicen; mis on se rend compte que cetie appsrition fut plus tardive qu'i Tunis (1271) et Bougie; et un texte de 1327 nous apprend que ce Consul i Tlemcen était non pas nommé par le Roi d'Aragon comme dans les états hafsides, mais élu par les mar- chands. 11 était le seul consul pour tout le royaunle de Tlemcen, puisque son titre était consul <

114. Cf. SUPI'R, D. 14 eL REII~OHi.~na?~iq?~e, XIh 1805, D. 808, 115. Archives de lo. C. d'A., R. 19, f. 154 u. 116. Toute cette questioii n Bt6 8tiidi6c et elixirment er~oséepar Giniencz Soler (B.R.A. B.L.B., V, 1010, DD. 111-92). 117. Ama. c. ea., n. nao, f. 170 (B.R.A.B.L.B. V. D. 184. 118. Cf. Suora, D. II- 11% nnraliibitiono foctn ne mrilier<% clvistia?ie nd ~ortesB~7baria occeda~itn (Fitike. Acta ~ragonet~ia.111, D. 515). 12". Firikc. ibid. iai. B.R.A.B.L.B., xis. inin. p. 22. 1i2. B.B.A.B.L.B. \', 1810, pn. 185-88 (AI.C~~VCSde la C. d'4.; R. 551, f. 2?1 Y.) LES CSPAGNOLS ET LE ROYAUME DE TLE~ICEN 23 t-il) et arrivé tres jeune 2 Tlemcen Izs. Les c~hvoniquers arabes contempo- rains le iiomment tonjours HILLALLE CATALAN,mais son existente est passée inapercue aux historiens actuels qui meme lorsqu'ils citent des ins- trgctions diploniatiqoes ou aiitres textes émanant. di1 vizir tlemcenien Hiiial ben Ahddlah ne se rendent pas compte qu'il s'agit de ce Catalan 12'. Parmi ceux qoi eurent aussi un r8le dans la Tlemcen d~ixivrm8 sibcle mais tout en restant fidbles B la foi chrétienne de lenrs ancetres, il faut citer toiit particulikremeiit l'infatigable népociateiir et intrigant Jaime de Ara&, Mtard de Jaime 11 '26. C'était done tout un milieu catalan bien ciirieux qui s'affairait dans' cette grande ville nfricaine du Moyen-Age!

L'INSTABILIT~ÉCOKOMIQUE. - La vie de ces coureurs d'aventures n'é- tait pas toujonrs facile; leur prospérité était peu stable; une révolution pouvait ruiner les plus riclies; une conspiration de pzlais ou une v,igue de xénophobie poiivait brutalemeot mettre fin B la vie de ceux niemes qui avaient bien riussi, sans exceptei les renégats. Les deux raisons essentielles de cett,e instabilité aux nomhreux symp- ttimes étnient les guerres et les variations climatiques. Ces deiix causes pou- vaient entraliier le meme effet désestreux, source de tons les maiix: la famine. Qiielques documents nous permettent de serrer d'iin peu prks la ques- tion si diffidle du ~rixde la vie en ces temm lointains. 11s nous donnent la possibilité de corroborer les indications que nous avons données au sujet .du prix du blé en concliision de notre étude sur le commerce catalan A Tunis : Selon nous, l'hectolitre de blé valait en Ifrikya - au moins d3ns les années de mauvaise récolte - i peu pres quatre fois plus cher qii'i Paris B cette m6me époque, c'est-Ldire une vingtaine de francs du début du xxemasikcle 12'. Or nons avons divers renseignements sur le prix du bl6 tlemcenien : Un premier document. mérite d'etre soigneusement discutE : l'autorisa- tion donné airx Barcelonais en 1302 par le Mérinide Abou-YoukouG en train d'assiéger Tlemcen, autorisat,ion d'exporter du blé mo::ennaot le droit normal de S doublons le rccafip 12'. 11 s'agit la ~rraiseiriblablementdu droit de dousne et non pas du prix et ilfsnt admettre qu'au total ce ccaficn de blé revenait environ i12 douhlons peut-etre meme 15 12'. Mais pour que

123. Ibn-Khnl

130. Cf. par exeriiple I'fdiL de Jaime 1 d'hrngon. nc iiiin 1300, niigmeiitnnt oihitraii.enient 18 raleur da doublon il'oi uour uler deixs niais h rcliirr (Capmani-. nienionas..., IV, p. 45. 131. Sclnn Les doiiiifes de Colimany, Aiitiyiioa tratmany. Memo7ins.., IV, Aolieiidicc. p. 00). Uiic nguarteras représenliiit uiia rfailegnn ct ~u:%rt(Ibid., 11, enp., D.. 122). Uiic fanega i'toit une mesiii-e Ifg8renient Supfrieiire crosoiis-tious ii un dciiii- lieetolitie (?). 133. A Si'i.ille, le ucaffcn sc aubdiuisait en douie nfniiegasi> ((bid., IV, apo., p. 1a41; il aait done de 1'ordt.c de grandcui. di. 7 hcctolitrcs O). (Cl. B.R.A.B.L.B., 1040. SIS, p. 51). Mais un canC dc Ccuta eorrcspondait h 2 caflc '/,, de SCville (Cnpmany, IV, npp., p. 35): et dsns les aut.rea rilles marocaincs le enRc dtait encore supéiieur eri gfneral: il repr5centnil 4 cafic '1, dc SBviile (ibid.1. Selon Hamilton f.l

L'ESCLAVAGE.- On le conipreiid cncore n~ieuxquand on sait que mal- gré tous les traités, les commercants qui se iisqiinient sur la Méditerranée niédiévale, risquaierit sans cesse d'etre captiirés et r6duits en esclavage. Cet esclavage était-il vraiment et toujours la captivité «alrocisima ac ferocisiman '"""e décrivent certains tcxtes? Nous avons déjB posé le pro- bleme et essaj-é de le rameiier & ses vraies proportions "'. Mais, meme si les Musulmans traitaient généraleinent avec humanité leiirs captifs, la perte de la liberté était une conditiun atroce. Quaiit e3 I'évasiori, elle Atait troyi périlleiise pour pouvoir ttre tentée: on risqiiait d'etre alors horriblement mutilé au nez et aux oreilles et d'etre désormais cliargé de chaines '". 11 Eallait done soit apostasier ,soit attendre d'etre racheté. Par &le religieux

110. Yalllla-lbn-Rlinlrloun, Ivad; rit.., 11. 2. D. 303: T,c prix hi blC monta :i 2 diiinls '/, le asan. D'aprOs A. Bel libid.) le asan iepr6sciilersit 40 au 50 litrc~;ct Ic diriar tleri~eenietieor- rrsvondroit i 12 franes du débiit dii XXmo sieeic. tin ilcmi-Iirctolilre valait done alors cni-i- ron 2: franes. 141. TI apiiirtient aur cpEcinlistes de I'liistoiie nionffsirc.it Oconoiniquc de la Barcdoiic mCdiivale de iioiis diri si eulrc miidiision caricorde zvri cc ~~i51s~eiivent Cti~W,lir sur Ic rwis de la vic ii Uurcdane stix SlIlomo ct Xl\'omu aik~ler.~amilton (op. cit., I~D. 04, al:, a23, 280) a de3 listes de wir du caRc arugonuir et de la fani~arnlencienne de blf. 11 en rel. sort oue le cnfic de blS raluit A Sni.ngosse ver8 133248 aux uleiit0iil.s de 215 aseneen d'Ais- gen, soit enviroii 5 Kruriiiiics d'or. Le cafis de Sarugossi iic repiPicntant pas tout U fnit deiir hcctolit~~s,adnietto~is cornnie ordie de gl.ineaceo viileiieiriis, le xiiei~liuii ralrricieii relirésentant alui-s eii ar: O gr. 020~eela'mcl In kiiiegr i 1 ou 2 grtimmrr d'or, c'cal & dire 3 ou O francs d'avsnt 101~.S'il ~'1git,d'li6eme dc eauc ct si IC ~;ilicreprc'pente envicori 180 litres, cela doiiiie conme ordre de aisndeiir: 8 ii 6 Frrnes id'avant 1814) Oour 30 lities, done 10 ir 20 frnn<.s (d'arsnt ls141 piur uii heeto. 142. Cf. B.R.A.B.L.B., XIX, 1046. PP. 40 SO. On pcilt citcr coniiiic urir val.&Dar uii CrOUDc de parsagers o1l;iiit d'Alicante A Oran. aa débbi~t du XIVeme sifele, la somnie de 20 doubloiis d'or (Ravlie Hisnoriirlue. XII, 1905, PP. 340-4$. ira. Piiike, 00. cit.. 111. 613 itexte sc réf8ielit nu Maroel. 144. B.R.A.B.L.B., XIX,1040. 68. 145. CI. Pinkc, ?p. cit.. 111, 61%: Si algt~nhic DS~

les rois musuln~insponssaient souveiit les captifs sur la voie de l'apostasie ''O' et il s'est plus d'une fois trouvé pnrmi les aventiiriers réituits en esclavage des hommes se décidant % ndoptec la foi miisulmane pour en tirer profit et se faire une nonvelle vie "'. La masse des esclaves, elle, attendait avec rÉsignation. Comme en Tunisie lLB,conime au Maroc '", les Franciscains, les Dominicains, ?es Religieux de la Merci sillonrisient le royaunle de 'l'lemcen pour y racheter leiirc cureligioniiaires. Sans doute étaient-ils générnlement' bien traités par les souverains en période de pais mais ils étaient tr&sex- poses si I'autorité royale cessait de se faire sentir siir toutes les tribus dont ils trarersaient les territoires. Ils étaierit souvent occompagnés par ces nobles laiques castillans, les ~Alfoq~ieq~~Bsn(ou «Rercnlodorcsn) dont l'ordre fiit créí: par Alfmso X (1252.1284) pour aider les religieiix charges de ra- cheter les captifs clirétiens en terre d'lslani '"'. Mall~eiireusement,les esclaves clirétiens - siirtoiit espagnols - étaient trks nomhreux L Slemcen; aussi le poiircentige et la cadence des IibQa- tions étaient-ils bien faibles. Selon les chroniqueurs nrahes, au temps du roi Abou-Tacfin Y (1318- 1337), des n~illiers de prisonniers clirétiens étaient ptilisés comme chnr- pentiexs, conime S-erruriers, conliiie peintres, dans les chantiers d.e cons- tructiun tres nombreux au tenips de ce. souverain grand batissenr '". Et de fnit, dans une lettrc non datée, Aliou-'Lasfin cut l'occasioii d'éerire i Joinze 11 d'hragon pour lui iffirmer que la libération des esclaves *para- lyseraitn I'écononiie de la ville : «Caehez que dans iiotre roynume tous les tiaraiix sont fvits par les captiis et qrie ceur-ci sont les ouvriers de notre artisanerieu ''Y On sait qii'i la fin dri sivemesikcle il en était encore de rnCqre : <

- 146. Cf. Finke, 111, 514 (hboii-Youkoiib le M&ririide eii trriii d'asíifgrr Tlcntcen eii 1299-lm7 invite les pri~onnict.~chr(.tiei>s que sec xa1:alerer venaicnt de captiirei. sur mer, A se conuet.tir -3 I~l~In,",...,. 147. Cf. B.R.A.B.L.B., V! 1910, UD. l%-?lri. 148. lbid., XIX, 1DM. D. 72. irs. Cf. Finke, 11, pp. 75.i-755 (Franciscains rnartl-i.s uu Marac). 111, e. 513; ci. Gulcia FiCllel.8S. 00, cit.. VV. 34-35. iso. i>~iume,~r~Pbrnbes .... D. 135. 151. bIereier, ou. cit., 11, p. ig4. E?, Pal'hs-lbn-KIialdoun, trrd. cit., 1, D. 180. 158. Doclimento~

[221 LF.S ECPACNOLS ET I.E ROYAUME DE TLE~ICEU 27 aii chiffre de 30, c'était un maximum 'jr "'. Jaime II avec son obstination habituelle s'acharna sur cette question: en 1319 quand slébauch&reritdes négociations avec Tleiiicen, il posa comme condition ske qua non de ls signature du traité, la 1iKration de 50 prisonniers et il spécifia que cer- taines clauses ne seraient incluses dans ce traité que moycniiant le raohat o11 la délivrance de 300 chrétiens '". Ce chiffre de 300 esclaves libérés seniMe un optimum: on sait qu'en 1.100, le Prieur Général de I'Ordre de la Merci ramena adu.Maroc, de Tlemcen et d'Alger» pliis ile 300 es- claves ch~étiens'". Cette pieuse bataille diplomatique et financikre pour la libération des esclaves semble avoir été épuisante, constamment compliquée et prolon- gée par l'es giierres et les révoliitions et par la mauvaise volonté des sou; oerains miisulmans. Noiis avons la chance de posséder deus testes qiii donnent de vivantes précisioiis sur ces coniplications : Pendant le fameux graiid siege de Tlemcen par les Msrocains (1299- 1307), un malheureux Catalan ~iomméVerdaguer fut fait prisonnier par des galeres méririides alors qu'il rentrait de Bougie en Espagne; avec iin groupe d'autres captifs il fut conduit au Klialife Abou-Youlioiib sous les murs de Tleincen.. Le prince cxigea leur coriversion puis envisngen des échanges. Mais voili qu'Abou-Youkoub mourut; ce fiit bientot la débzn- dade mérinide sous les murs de Tlemceii; et le groupc de prisoiiniers oh se tkorivajt Verdagiier fut emmené au Maroc, & Rabat pour y travailler dans le palais ro:~~l. Notre liomme réiissit dors attirer l'attention dn noiiueau Khalife, petit-fils et successeur d'Abou-Youkoub, Abou-Thabit : il fit en effet valair rqu'il était ancien protégé personnel de la feue Reiiie Constance, m&re de Jaime II d3Aragon. 11 espérait &tenir sa liberté apr&s avoir produit certaines attestations quand une révolte éclatn i Fez rlirigée par le propre fils dlAbou-Tliabit; et le Klialife partit précipiLem- ment de Rsbat sans altoir rtglé le sort du mallieureux Verdaguer. A une date incqrpue, peut-Ctre apr&s la mort du Khalife Abou-Thabit en 1308,

157 bis. Ihid., DP. l7~-180; et Reuai H;rno>ti~i&e,S11. pp. a38~31; 3LD41; 582-34: 341.42. 118. cnpiiisny, dntigitos tratodo8.., PP. 0a sq.; Morno?ias 1Y. PP. 67 so.; Mes-1.rl.rie. p. Y98 sq.; Miralles de Irn~eiiol,Dp. S0 sq. 150. Mas-Latrie, cp. cit., p. 878. 160. SUI ce Knpoleón de Arigiin, ef. infro, PP. 114 sq. l0l. Sur eetfe affaire Yerrlaguer, Ic terte de In lettre h .Ta;me 11 sc trouve daiis Finke 111. p. 314. 26 CHARLES-Eb1hIANUEL DUFOURCQ testation au roi de Tlemcen Abou-Hammoii 11; celiii-ci décida de les libérer. La l'affaire s'embrouille. Avant d'olitenir l'iiiteri~ention de leiir roi, ces captifs catalans s'étaient-ils engag.6~dans la Milice? 0x1 peut se le demander puisqu'an moment de leur libération, il est question de leurs chevaux que le Roi de Tlemcen ordonne de leur retirer. lDans ccs coiidi- tions, aux ilires du souver,iiri musulmaii, rla plupart d'entre eux décidi- rent de ne pas partir, afin de garder lerirs clici.aiix et préférereiit rester avec nous car ils étaient respectés, considérés et satisfaits de leur sortu. Ce texte est bien ciricux et sans doute sujet caution ; l'affirmation d'Abou- Hammoii ii'en est pas moins foimelle: ces Catalans demand&ient i Rtse au service du roi de Tlemcen et iefuserent d'etre libér6s. Aboii-Hammoii 11 leur rendit alois lciirs chevaux, fira le montant de leur paie et les vetit de «la mnniere habituelle aiix chritiensn. Piiis il écrii~ittout boiinement Pedro IV pour lui conter cette étrange histoire ln2. Celle-ci ne se borne d'ailleurs pas la: il y a plus grave; i la différence de ces nonibreiir Catalans cliii passkrent ainsi aii service de Tl,eiiiceii eii 1362, une trcntaiiie de leurs conipatriotes capturés avec eur Jécida au con- traire de rentrer-en Espagne des que Pedro IV eut obtenii l,eur libiration. Mais voila que précisénient au moment ob ils allaient &tremis en route vers leiir patrie, le Roi de Tleniceii apprit qu'au lendeniain mRme de la signa- ture par I?edro IV dii traité qui était. alors iiégoci6 entre les deux souve- rains, nquelques rnusiilmans siijets de Tlemcen» nvaient &té capturés par des pirates catalans dan8 les ports ~nemesd'e Honeii1,'Oran et Mostaganeni. En conséquence Ahou-Hammoii décidn de ne pas reridre ces trente Cata- laiis: tant que ses propres sujets n'auraient pas été libtris et leiirs azres- seurs cliatiés par Le lRoi d'Aragon lG3. On s I'impression que dans de telles conditioris, .la libératioii,. si dle eut lieu iiii jour, dut se faire beaucoup attendre. C'est peiit-etre purir cela que, tant qii'i faire, les aiitres Catalans prisqiiniers au nieme moment avrtierit pensé qu'il valait ,mieux prcndre du service aiipris du Roi de Tlemcen et tenter fo~.tuuede cclte facon. De telles leiiteurs durent par- fois inciter des inics faibles Zi apostasier. Cette coniplere affaire des pri- sonniers [le 1862 est d'autant plus significative qu'elle se situe au nioment- nicme de la iiégociation et de la concl~isiond'un Etroit trait6 politique et économiqiie entre les deux courorines! '" S.ms oesse, lcs relations comniercislcs entre I'leniceii et Uarrclorie se dc,iibli-rent donc par de pénibles affaires d'esclarage et de libératioiis tou- jours différées. C'etait 12 une autre sorte de conimerce, un triste conimerce hiimain ! On ne doit d'ailleurs pas oublier que l'esclavage était pratiqué et admis par les chrétiens tout iiitant que par les inusulmans. Nous veiions de citer des réclamations faites par le Roi de Tlemceii en 1362 : il p a d'aiitres cas

10. Docuiite+itos rirrrbes .., pp 232 SR. Cette lettre d'.4bau~Hammoii est attrihuée P tart Dar Alare611 Santón ct Gsrcin dc Linsrrs iiin sultan dii Maroc. 163. Ibid. 161. Lr twitC de ridc~iobre1382. el. aupra, D. 13.

I24l LEC ESPAON0I.S ET LE HOYAUME DE TLEMCIIN 29 anaiogues de Tlemceniens capturés par les Catalans eii pleine pnix et au iiiépris des traités, eii 1360 et en 1366 par exemple "Y Pour juger de l'importaiice que 1'escla~~:tgeavait pris A Barcelone tout cornme dans les villes nord-africaines, il est bon de se rappeler le curicux d¿cret signé par Pedro IV en 1350 aiitorisaiit A noiireau les patrons du port de Bsrozlone ii avoir plus de deux esclai~eschaciiii '". Aboii-Tasfin 1%' en refusünt de libérer tous les captifs aragonais qui se trouv~ientdsns son ioyaume n'a- i-eit pas manqué de faire remaquer i Jaime 11 qu'il ne lui scrait pas da- vaiitage póssible d lui Roi d'Aragon de faire libérer tous les captifs musul- mans se troiivant d%nsses ttats 'O'.

Les testes dont noiis disposons soiit done assea nombreux et assez precis pour que ~ioiispiiissions bien mesnrer toute I'étrarige complexité de la l'lrmceii niédiévale et de la colonie catalane qui s'y était ttablie. Dans un agréable décor, soiis la souveraineté de rois qui étaient parfois débonnaires eb qiiifiirent presque toiis des protecteiirs de 1.s civilisation lG8, en plein coeur de I'Algérie, les fils de l'opulente et industrieuse Barcelone trou- vaient une atniospli&re assez attachante pour en &re séduits. On comprerid qu'avec l'espoir di voir In fortiiiie leur sourire en cette ville lointaiiie, certsins s'y installerent clí-finitivemeiit,

10% Ysl'ha-lbn-Kliuldo!111, trn

LES RELATIONS POLITIQCES DE L'ESPAGKE CHRÉTIXNNE AVEC LE ROYAUMP, DC TLEbICEN = LEURS DONNZES GÉWZIRALES

L,n grande histoire tlcnicenienne médiévale s'inscrit entre deur évéiie- ments symétriques : le rejet de l'auto~itealnidliade niarocaiiie dans 1.3 pre- mihe moitié du xir~'~'siecle; I'asservissement aus Mérinides rnarocaii,~ 2 la fin du xivcNCsitcle. L'aspect politique de l'liistoire hispaiio-africaiie que nous etudions Sinc cri% pareillement entre

LA PuIssANCE ABUI?L-U~ADITC ZEY,\NII)~~.- Le royaunie tiemcenien na- quit sur les ruines de L'Enipire almohade aoec rnoins d'éclit et pliis niodes- tenient que les «khalifats» hafside et niérinide. La bataillc de Las Navas de Tolosa qui sonna le glas de la puissaiice al- niohade est de 1212. Des les environs de 1225, l'autorité de fait fut incontestablcment exercée dans lz région tlenicenieiine par la tribu des Reni- Abdelwad, fraction de la grande et importante peuplade berbere des Ze- nata. Ces Berberes : itaient l'immense peuplade-tribu de nomades gui occupaient des avant l'invasiori de 17Afrique di! Nord par les Arabes, les territoires de 1'Algérie occidentale '". Les Beiii-Abdel~vadétzient done un peuple fort différent des Berbires sédentaires (les Canhaja) de l'Algé- rie orientaie. Ao cours du sem"sihye, tous les Zenata avaient &té des ilients fideles du Klialifat oniepyade de Cordoue coiitre le Klialifat fati- mide (installé h Kairouan iiv,.int la fondation du Caire). Puis au srD"'" et aii XIIC"'C sikcle, ils avaicnt servi auccessivement les Almoravides ""t les Al- mohades. Bien entendu, les Zenata Ctaieiit divisés entre eux par de tena- ces ritalités de clans ; les Almohades s'étaient appuyés sur les uns coiitre les autresi"; et c'est ainsi que les Beni-Abdelwad étsient devenus les grands auxiliai~esdu pirisscnt Kbalife Abd-El-Moiimin (1129-1163) daiis la régioil de Tlemcen '".

180. Gsell, G. MBICR~S,YIE~., Histoire d'Al#Enr. Paris. 10?o. D. 108. 110. Ibid., DD. 180-140 et 153. 171. Il>i

[a61 LES ESI'AGNOLS ET LE ROYAUME DE TLEMCEN 31

On comprend que dans ces conditions lorsqiie I'autorité impériale al- mo,hade fiit agonisante, les Reni-Abdelwad aient facilernent installé lc~ir autorité indépendante de facto. Mais voilj que d'obscurs prétendants almoravides surgirent alors, précisément dans la région tlemcenieniie et tentbrent de restaurer l'antique dynastie a laqiiclle ils prétendaient ippar- tenir. C'est contre ces prétciidants que le chef de la tribu des Beni-Ab- delwad Dljaliii-beii-Youssof prit le titre de Koi en 1229 "" cxactemeiit au moment de l'avéncment d3Aboii-Zakariya j. Tunis "*, en se pln~antcomme celiii-ci sur le terrain de Iti Iégitimité almolinde, su noin du Iíhalife El- Mamoun (1'228-1'232) "" C'est au nom dc cc faible empereur que le pre- mier roi tlemcenien aldelwadite faisait dire la ~iriereet c'est ce nom qni figurnit sur les monnaies. EII somme, tcut comme les Hafsides les Beni- Abdelivad s'appiig&rent sur le prestige nlmoliade pour s'eniparer dii pou- voir. Pendant quelques années, le tr6ne tlemcenien fut occupé par d'éphé- meres souverains : Qabir-ben-Youssof (1229-12321, sor, fils El-Il-IIamn (1222-1223), son frere Otsman-ben-Youssof (1233-1234) puis le chef d'iine autre fraction des Beni-rlbdel\i,ad :l Abou-Ozza-Zadan ,kn Zaian (1234,-1236). Bien des énergics s'iiserent dans cette lutte pour le pouvoir: les deiix plus eiitreprenants des fondateurs du royacinie, Djabir et Abou- Ozza molirurent d'une meme mort, en combittant coiitie des fractions i-chelles. Le fait est sgmbolique : il atteste que les Beni-Abdelwad allaient s'épi~iser dans lo liittc contre des tribus-soeurs qui iie ooulaicrit pas recon- naitre leur suprématie. La tiirbiilence des rLgioiis littorales que nous avons déjh signalre svait son équivalerit aux portes m8me dc Tlemcen : toUs les Zennta oiit toiijotirs été d'hun~eiii noniúde et indépendante. Hereusement poiir les &ni-Abdelwad, le frere et su<:ccsseur d'Abon- Ozza se révéla une persoualité exceptionnelle des son acceísion au tr81ie :

113. Yal'li~~lbn-h-llaldoun,tiod. cit., 1, un. 186 SO. 174. JJ.17.A.B.L.B.. XIX, i945,-p. E. 17% Voiei le tiiWcau g6nCnlogiqiii des clerniers Almulindes:

1 .~ -- -. . I. I 1 l Al-Nncir 11109-1213) El-Adel El-4Iainoun ie vaiiicu dc Lii Naroe (septembi'e 1224-12271 (1228-12821 1 --- I ir- 1 / Yoi~ssoe-AP-Mo~tancii'. Yahia 1221~1230 ElbRechid (1?3?-1242) Es-Snid (1142, juin b'Illnli (mort en i286l 1240) (nla-ian>,ier12241 l

Nota. En 1218123D, il 3. % giierre civile entre Ei-Mimoun ct mn ncriu Tnliin (cid eii 1211): l~aliiavairieu en 1230 resta prktendant jusgii'b ia mort en 1236. (Kii 1?31 il uiit Xalraliech). Eii juillet 1216, ~nr&In nioit du Klislife Abdalloli, le trune fut occupd Dar iin nevcu d'hl- Manqoui-, le Khalifc El-Mortads (1?46-lZG6I niiquel le5 Mfri#iider pri~cntF&s des aeptembre la@. :j 2 CHARLES-D\lhlANUBL DFFOURCQ il avait alors une trentaiiie d'années et il eut uii regne exceptionnellenient loiig et fécorid: quarante-sept ans (1238-1283). Ce fut le graiid roi Abou- Yahia-Yagmoracen ben Zaian; il stirrnoiita peii i peu tontes les difficultés ijUi 1jaralysaient le ioyaume nnissant et il siit, dans la boiine comme dans la iriauvaise fortune, se montrer habile et obstiné, hon guerrier, d'une bra- vonre B toute épreuve, advoit politique et mEme protecteiir des arts et des lettres malgré son nianque total d'instruction. Son avknement en 1286 pent &re c0nsidÚ.é comine le débiit de la viritable indépendnnce tlemceiiienne par rapport aux derniers Ainiohades. Et c'est pourqiioi, eii laissant de coté le role des premiers foiidateurs di1 royaiime, les coiitemporains pri- rent désoriiiais l'hahitude de parlcr de 1s dynastie zeyanide (ou zeiyanide) : c'est de Zaiari, le pkre d'Yagmoracai, qu'aoait jailli ce rameaii nbdelwa- dite. Les textes arabes sorit formels: ~k'agmoracenfut le premier h régner dans l'iiidépendance» 17'. Cette tr,aiisforniation [le la monarchie tlemceiiienne, tout comme son hiimble naissance en 3229, coincida avec urie évoliiliou parallkle de I'Ifri- kiya: ce fut en cette meme année 1236 que l'émir hafside ilbou-Zakariya prit le titre de Rni L'7. Keinarquoiis qiie cette année est celle de la «rcco?~- quistan de Cordoue: les événenieiits espagnols et nnrd-africairis se corres- pondent et s'expliquent mutuellen~ent.Toiit s'enchaine. Les deux nouveaux royaunles, le zcyanide et le hafside, étaient. mi- toyens dan~l'actuel départemeiit d'Alger; ils entrirent naturellenient en conflit. Le Iílialife almoliade Eraec'hid considérant que 1s for<:e hafside était plus darigereuse et chercharit h se concilier son voisin immédiat le 'Jlemcenien, manifesta sa spmpathie i Yagmoraceri en affichant iine bonne entente avec lui et en lui envoyant de superhes cadeaux. Le Hafcide releva cette sorte dc défi en envabissarit 1'Algérie occideiitale: il nainqnit Yag- rnoracen en 1241-1242 et I'ohligea reconnaltre sa suzeraineté !": le royaume tleincenieii n'avait-il Qhappé iL la souveraineté maromine que pour tomber sons l'autorité ifrikiyenne? En fait Abau-'Zalrariya n'était pau assez fort pour rkaliser son reve de iassemblement des terres nord-africaines: il repartit i7ers l'est; aussitot, le Khalife almohade Es-CaYd qiii venait de succédev son frkre Er-Recliid se prépara h chitier l'orgueil di1 Hafside et la truhisoii forcée du Zeiya- nide. En 1248, son offensive le coiicliiisit victni.iensement jusque dans Tlem- cen. Les beaux jours almoliades ne refleiirirent pourtant pas. Yagmoracen continua la liitte dans les montag.nes des conhs algéro-inarocains non loin de la Méditerranée; et la, dan8 une bataille aux environs dlOudjda il rkussit i battre et i tuer Es-Siid. Qiielques mois plus tard, les Miriuides prenaient F&s E. 1'Almohade El-Morlada. Et en cette meme annCe les Cnstillans entraient i Séville. Les Hafsides n'avaient pu intervenir dans cette giierre. La prise de leur ville-vassale Tlemcen, awit éti: un conp porté 3 leur prestige. Et la -- 156. Yal'lia-lbn-I

Yagmoracen hen Zaian (1236-1283) 1

Abou-Said-Othman hen Yagmoracen (1283-1304)

l Abu-Ziane (ou Abou-Zaysn 1") (1304-1308)

Abou-Tasfin IeT(o11 Abon-Tachfin) (1319.3337)

!De 1337 i 1348 puis de 1352 A 1359-1360, les Mérinides furent les maitres di1 royaumc de Tlemcen. La douhle restauration aeipanide (en 1348-1352 puis en 1360) fut l'oeuvre d'une hraiiche cadette de la famille, issue d'un fils d'Yagmoracen, frire puin& . du roi Abou-Snid-Othmin : Yahia-Abou-Zakariya beu Yagmoraceri; les chefs de cette hranclie furent deux frires qui régnhent conjointement en 1348-1852 : les rois Ahou- Said et Abou-Thahit; puis la couronne passa h leur naveu: le grand roi Aboii-Hammou-Moiissa 11 (1359-1389). L'année 1389 marqua la fin de I'iiidépeiidance tleniceriienne : Ahori-Hammpii 11 fut hattu et tué par son propre fils révolté avec l'aide des Mérinides. Désormais, Tlemcen redevint ce clu'elle avait si soiivent été : une dépendance du M,sroc; les 'Zkiyanides continukrent i régner, mais comme vassaux des Mérinides : dans les der- nieres annGes du xive" siecle se succédkrent quatre des fils d'Abou-Ham- mou 11, Aboii-Tnsfin" 11 (1389-1393), Yiisuf (mai 1393 - décemhre 1393), Abou-Zayan 111 (1393-1398) et Aboii-Mdhamid-Abd'Allah. Seul Yusuf essaya de rejeter l'autorité mérinide: il en fut rapidement puni par La perte de cs couronne et la mort. L'indépendance tlemcenienne fut donc relativement épl16mEre et elle fiit toujours fragile. Au temps des deux restaurations, les Mérinides dis- poserent toujours de priiices zeiyanides prCts i réclamer le liouvoir contre les sou~rerainseffectifs; ee fut notamment le cas douii prince de la byaiiclie alriée, petit-fils d3Abou-Tasfin le', le roi . Abou-Zijia~i 11 (Abou-Zaynii- Mohamed ben Othman ben Abou-Tasfin) qui régna i Tlemcen en jiiin- juillet 1360 a la suite d'un bref retour offensif dmesMérinides coritre son cousiu Abou-Hanimou 11. Te1 est le cadre politique gknéral qu'il faiit bien connaitre pour suivre les relatioiis tour 1i tour pacifiques et sanglantes de I'Espagne clirétienne et du Royaume dc Slemcen.

LES TILIDUS BERBERES BT ARADES DU KOYAUhlE DE TLEMCEN.-Les YO~S et les prétendants ne furent pas les seuls acteurs de I'liistoire tlcmcenieiine. Les personnages eollectifs, les tribus, joiiirent a~issiun r6le essentiel tant en la période qiie nous éiiidions (1236.1389) qu'au cours des aniiées anté- rieures et postériein.es, et il est hon de se reniéniorer quelques iiotions sommaires i ce svjet. Les Beni-Abdelwad occiipaieiit seulenient la région de Tlemceii; d'au- tres tribue berbkes de Zenata étaient installées dans les zones plus septeii- trionales di1 royaume : les Beni-Fateii entre les .Reni-Abdelwad, la Medi- tetranée et le Maroc; les Magrawa, au Lord de la mer eux aiissi, plus i l'est, depuis la région de Mostaganem jusqu'i celle de Ténes; ils Ftaient les maltres de 18 vallée inférieure du grand fleuve algérien, le Cliélif. ALI sud du domaine de ces Magrawa, et l'est de celui des Beni-Abdel\i-ad, dans le niassif montagneux de 1'Oiiarsenis et dans les plaines avoisiiiantes, les maitres du sol étaient les Berbkres Soudjiiie. Plus 2 l'est encare, dans la région al.géroise si souvent disp11tí.e entre Zeyanides et Hafsides on pénétrait chez les Caiihajs, les Berbires sédentaires eiinenlis milléiiaires des nomades 'Zenata. Pour mmble de complexité, des tribus arabes - nomades comme les Zenata - étaient intercalées entre les tribus berbenes; parmi elles, les Soueid dans la plaine du Chélif, les Malek et les Attaf entre les Canhaja, les Magrawa et les Toudjinme. Tout ci monde était bien instable et difficile b gouveriier. Aux dires du grand historien Abder-Rhamsn-Ibn-Khddouii, les Berberes ~iornades parcouraient sans cesse le pays avec leurs chevaus ou leurs chameaux, les armes A la main, «se consacrant iL l'klevage et aussi aux attaques i msiii armée contre les voyageurs» "'. Quant aux Arabes, descendsnts surtout des eiivahisseurs bilalien's lancés au ~1"'"~siecle par les Klialifes fatimides du Caire contre 19Afrique du Nord rebelle, c'est aussi Ibn-Klbaldoun qui nous a dit d'eus qu'ils Etaient des hommes indomptables ent'ralnés i la pénurie et a la Eaim, ienneniis de la civilisation sédentaire et du luxe citadin qu'ils considéraient comme des incarnations de l'esprit du Mal.

IR. Cf. A. Gbirelli: El Pois Berebolc. hlsdrid, 1842. e. 105.

. . i301 , ,

LES ESPASNOLS ET LE ROYAUIIE DE 'ILEblCEU 35

L'historien Don Toniás Garcia Figoeras a bien tiré les condquences de cet état de clioses, en écrivant: aS~~ibsislia~ilas lrichar Gmter~iar en los herebeves, en los árabes y de ellos ent~esi; habia rivalidades familiares y, sobre todo, trihiis ~rÚ?~wdasen las que se apoyaba?^ pm su sentido $e disciplina a traves de SUS jefes, los qtie amhicimabu~iel TIL~L~L~O,mmuh que, en ~onsccuencia,solía quedar n~ediatieadopov el pago de esa ayuJa. Las thbas que vivían en los limites del desierto escapaban a la autoridad, siem- pre precaria de los sicltanes. Sobmii esta base tan imtnble se apoyaba el poder, ,y pw ello no pi~edzeztraear que estos &larlOy vimbsea :en com- tmte lucha y laasiln que denembocara?a finalmente an Ea' anarquia ya que Ilevabaii .su germen dentro de ellos ?n.&nzosn '". A la fin du xrve"\i&cle, lors .de la désorganisation finale de l'état zeiyanide, l'anarcliie s'iiistalla. Abder-Rhaman-Ibn-I<'I~nldounécrivait alors : <

MILICECHR~TIF.NSF. DES ~EIYANIDESET MILI- CHKÉTIENNE DES MÉRI- NIDES. - An premrer rang de ces consefllers clairvogaiits capables d'in- troduire de l'ordie clans 16 chaos et désireiix de vaincre l'anarcliie par la force, il convient de placer les chevaliers chrétieiis de la Milice IR'. C'est sous Yagmorncen que Tlemceri comnienca a prendre grande fi- gu1.e; ar: o'ect précis6nient sons son rhgrie et grace A sa protectjon qu'une mlonie clirétienne s'établit dans la sille Ia3. Gtte coincidente n'est pas. l'effet. du Iiasard. L'essor de la civilisation tlemcenienne s'expliqiie non seul~enient par l'action des Musulmans andalous réfugiés niais aiissi par celle des immigrants chrétien,s restés ou,~nonfideles ji la foi de leurs peres. On entrevoit que la hlilice chrétienne des 'Zeiyaiiides eut dans l'ensem- ble un role analogue celle des Hafsides "'. Mais il faut bien préciser qu'elle fut certainernent le premier nopaii clirétieri de la ville, puisque ses origines se rattachent i celles de la Milice castillane des derniers Almoha-

180. Gcircin Figueraa, 00. cit.. pp. 5848. 180 bis. Tcrte citS paw Cseil. G. Mar~ais.Yver op cit., PP. 154-155, la. B.R.A.B.L.B., XIX, lolu, pp. 12 so. 182. Sur les iiiiliccs rliiétienneo d'hfriyue et sur eiile des ~ifsidcsen partieuliei-, cf. ibid., .PP. 04 $4. 18.3. Mercirr, op. cit.. 11. 168. des "* : Ces soldats Chrétiens du Maroc rlu débiit du xiii""' furent ,m$li.s aux luttes qui opposkrent le Klialife El-bf.imoun et son neveu Yaliia lis. Nous savons cp'en 1232, E la mort d'E1-Mamoun, ale général chritien Vranciln fut l'un des cliefs qui contribux le plus puissan~mentE imposer l'avenement du jeune Er-Rechid, fils du Klialife défunt et d'une active et intelligente captive chrétieniie nomniée Habbab ''! La milice clirétieniie almohade resta fidele jusqu'au bout A la bxsnclie d'El-Mamoun : en juin 1248 lors de la bataille d'oiidjda - dout Yigmoracen sortit irictorieiix ''' - le chef de la Milice dhrétienne se fit tuer sur le corps du Klialife 1:s-Said, le frere et snccesseur d'Ev-Recliid. C'est alors qu'Yagmoracen prit en quelque sorte la suite de la politique nproclirétienne~d'El-Mamoun et de ses fils: il prit sa solde une psrtie des soldats clirétiens qui survivaierit au désastre, en~riron2.000 homuies. 'Ioutefois, le fidklití: de cette inilice chrétieniie de Tlemcen se révéla vite moiiis grande enirers Yaginordcen qu'elle ne l'avait été vis-l-vis de la famille d'El-Mamoun. 11 est difficile dc comprendre les raisons de cette crise, mais le certain est que «ce corps de cavaliers chrttiens ecquit trop d'autorité dans le royaunie; il dcrint exigeant et iiisubordonné» '" et de graves événenients se produisirent & cause de lui des l'été 1254. Aiix dires du chroniqueur Yal'ha-Ibn-I

, car les textes arahes sont contradictoires: d'aprks certüins d'eiitre eux, c'est le propre chef de la milice qui saiiva la vie du soiiverain au cours de l'émeiite en le protégeant contre la fureur des autres so!dats chrétiens "O. En 1250, s'était pourtant esquiüs& encore une sorte d'alliance entre les chefs clirétiens qui étaient restis dans le Maroc, les Alniohades et les l'lemcenie~is contre les Mérinides l9'. Mais certains memlires de l'entou- rage d9Yagmoracen étaient peut-Stre Iioitiles ces aspects cdlliktie~isde La politique de levr soiiverain et ce sernit A cause d'eux que la crise de 1254 aurait éclaté. Rnppelons-nous qu'El-Manioun en installaiit dans le sud-ma- rocain une forte milice castillane avait accepté de laisser sonner les cloclies de l'église de Marrakech nu ,moment dcs offices sacrés et rlu'il avait pro-

1%. C1. szi~ro, p. 14 et note 47. 185. El-Manioun nvait autoriai La construetion d'une 4%lire B Marrnkech et la nomination <¡'un év2uue du Meroe. Quand le pritriidont aIrnob?.de Yahis prit Marrakech en 1985 il fit mn55acrer pverciiie 10ul les wldats chretiens qiii s'v trouvaient (Cf. hlereier, op. cit.. 11, pp. 152 54.: Finkr, "D. cit., 11, 755: en 1308 il y avnit riicorc un aéulqiie du Maroen.) 180. Mcreier 11. 152. 181. Cf. sulira, p. 82.

188.~ ~ M83 Latrie. oo. cit... .D. a20 isa. ~ni'liu-lbii-iiialdoun, trad. cit., 1, ¡>D. 149 et 154. 180, cf. ~al'ha-ll~n-Klliild~iin,1, p. 154: au cont.raire, srlon Ics sourees utilisCes par Merereier ili.. .o. 1741 e'rrt le chef dc la Miliic uui t.entu de tucr Yacmaracen. 1st. En 1%" Fk se soiilevii eoatrc les M6ririides qui en itaient niaities deriuis Iza8 (CI. suprn. p. 82); ecttc insurrectioii fut dirigk par iin chef chreticn que les auteurs arabei nornment Chana; L'Alinoliade PI-hlnrt~dafut proelani4; sa '; et des septernbre 1250 les hlErinider reprirent Pbs rt rnassa- clCrent les eheh

102. Merciri' 11, 152. 3WJ. Yal'ha-llin-Kliald0001 1, 154. isn. C'st l'ooinion d'Aifred Rel, le iacant traducteur et rouirnetitateur d'i'al'hs-Ibn- iZi>al

. "*'.'O,. 1W bis. Mas Latric, 00, cit., PP. 823- sq. ' Eii 1327, la Milice était conmiaiidée par Guillermo Estruc et en 1330, elle l'était par le bstard Jaime de Aragón 'Oe t". Sous le regne d'Abon-Hammou 11, txnt au poiiit de vue diplomatique qu'au point de vue militaire, la Milice chrétienne conserva le meme r6le que lors des rZgnes antérieiirs. Son activité ne fut pas celle d'une force qiii ressnscitait aprks una longue éclipse; elle fut celle d'une force qiii con- tinuait. On peiit donner deiix exemples de cette activité qui resta comme auparavznt une actioité aragoniise : Lors d'une sérieuse batai'lle livrée en juin 1368 par Abou-Kammoii 11 contre de puissantes tribus rebelles de la région de híédéa "", iiu moment décisif, quand tout sembla perdu, le roi placa son harcm et toutes ses ri- chesses - sa smnl,,.- sous In garde des eiiiiuques ct de <<$essoldats cl,ré- tiensu 'O'. On discerne IR ce que représentait la Milice chrttienne dans les armées iiord-afi,kaiiies: la force solide capahle de livrer un combat défen- sif, la furce fiuele étrangkre aux brusques mouvements siisceptibles ~l'eii- tratner dans une dissideiice des Berbkres ou des Arabes 'OZ. Par ailleurs, lorsque conimencerent en févricr 1360 les négociatioiis qui aboutirent i 1.3 sigiiature du traité de décembre 1362 entre Tlemceii et I'Aragon, Ahou-Haninioii 11 choisit comme plénipotentiaire son «gran& alcaide : Juan Barmaylin le Catalnn~ (peut-etre faut-il lire: Juan Mi- chelin) a'3. Noiis soninics donc en droit de coiicliire que les sanglants iniideiits de 1254 ne fiirent qu'un épisode pnradoxal et isolé dans l'histoire de 1%milice zeiganide. N'emp&cl!e, bien entendu, qu'il iie dut pas s'effacer de la mémoire des Rois de Tlemceii et que ceux-ci dureiit toii,jours cliercher a iie pas tiop augnienter la force de leiir milice. 11s auraient pu en dire ce q~i'un politique catholique francais di1 svri"'" sikcle disait des armées protes- tantes que le Roi TsesChrétien utilisait alors sur le complexe échiquier illemand : ~C'estune force qiii vessemble i ees venins dont le peu sert de contre-poison mais dont le trop ti1e.n C'est donc un recriitenient limitk et une discipline sévere qui forrnaient les deux points essentiels de ce que l'on pouirait sppeler «les statiitsn de la milice chrétienne de Tlemcen. En 1318; ce fut Jainrr 11 et non le roi de Tlemcen qui envisagea un recrutement glohnl d'niie eompagnie. Les soii- verains nord-africains n'aimaieiit pas ce procédé; ils préféraient iiii recru- tenieiit individ~iel"y Par ailleurs, ils ten:iient A garder le plus longiiement. possible les mFuies soldats; en príncipe l'eirgageiiierit était ite diirée iridé- firiie; pour l'arinuler, il fallait soit servir un mois sans solde soit trouvec un remplacant "'. Seuie une puissante interventiori pouvait faire rompre un engagemerit en marge de ces conditioiis : ceUe du Roi d'Aragon ; c'est

100 ter. Ci. Rncuc Iris]ionipui, XII. 1mJ, DO. 842.31 et 341.42. 300. I'AlgCliC ccntr;11e-~1C~a~teeee~~1td'Alger. 201. Y:,l'lin-lbn.Khaliloiin, tracl. cit., 11, 2, p. 2%. ?O'. Cf. slipi'n. p. .?5 et B.13.A.B.L.B.. SIX. 1943, p. 04. 103. Bocr&melitos iipu

i341 LES ESPAGNOLC ET LE ROYAUME DE TLEMCEY a9 ce qui eiit lieu en 1378 en faveur d'un certain Pedro Miiñoz ubon et loyal soldatn qii'Aboii-Hammoii 11, précisénient ?s cause de sts qualités, ne vou- lait pas aiitoriser a rentrer en Espagne; aussi le roi Pedro IV d'Aragon écrivit-il au Zeiyanide eii faisant remarquer que ce cavalier appartenait la famille de uJuan Sánchez hluñoe, le premier citoyen de Téruelu 'O8. Et, nnturelleiiient, si iin soldat chrétien tentait de qiiitter la Milice sans y etre sutorisé, il s'exposait aux pires sanctions: en 1308 dtux Aragonais qui S'étaieiit embarqiiés clandestinement pour I'Espagne furent rejetés par une tempete sur la cote du royaiime de Tlemcen : ils furent aussitot eniprison- 116s comme déserteurs 'O'. S'il y eut ressentimeiit des Zeiyanides contre les soldats dhrétiens en .conséqoenoe du drame de 1254", il est certain aussi que la réciproque fut vraie : c'est a la suite de la sanglante répression alors organisée par Yag- nioraceii que I'on vit de nombreux soldats chrCtiens s'incorporer dans les raiigs de l'armée mbinide qui ne semble pas eri avoir compté aupara- vant Cette milice chrétienne des Mérinides fut tellement melée b I'histoire tlemcenienne, qu'il noiis faut noi:s arreter i son étiide: on comprendra mieiix ainsi I'influence espagnole en Afrique du Nord; daiis chacline des armées en présence au temps du long duel entre Mérinides et Zeiyanides, il y avait nne Milice Chrétienne. Oii a meme l'impression que les chré- tiens de l'armée mérinide s'acliarn&rent toiijours particuli6rement contre Tlemcen : peut-2tre trouve-t-on 1i iin écho du drame de 1254. Le oertain est que les chefs chrétiens de l'armée mérinide furent des personiiages plus actifs et plus entreprenants que ceux de l'armée zeiyanide. Des 1281-82, le premier grand souverain mbinide, Abou-Yousof-You- koub (1238-1286) -celiii qui battit et tus en 1276 pres de Marrakecli le clernier prétendant almohade - entreprit une violente offensive contre le Gieil Yagmoracen : ce fut une offensive brillante et tres bien meiiée; elle le conduisit jiisque sous les murs de Tlemcen. Or la milice clirétienne méri- nide prit une part importante dans ces opérations sous les ordres d'un chef qiii était appelé A un avenir glorieux : Alfonso Pérez de Gusmán, le futur Iiéros du siege de Tarifa "y 11 avait alors 36 ,311s et servait depuis quelques annCes déji daiis I'arniée marocaine avec I'autorisation de son souverain l,e roi de Castille Alfu.~soX 'lo.On a bien l'impression que cette milice chré- tienne des Mérinides itait alors essentiellement une milicZ castillane, hé- ritiere et continu,etrice de cclli que Saint Femalido III avait laissé consti- tuer par 1'Almohade El-Mamoun. C'était la, i n'en pas douter, un excel- lent élément d'influence de la Couronne de Castille sur le Mnroc: en 1283 lorsqa'il fut aux prises avec la révolte de son fils Urna Sanclan, Alfoqnso X,

298. lbid., D. u7 (CI. supla natie notc 150 et Documentos dvobea ..., p. 177. 207. Reoxe Hispaiiigz~e. XVI, 1907, P. 07.

208.~ ~ Cf. SUO~Snotre note 191. nao. Cf. iiilra, DD.SE. 210. Alfonso Percz de Gurmtn (121.6-13091 cst h oeinz cil.6 par Gimenez Solw dnns son &tude dc la Revue Hireaniouc: Cnbriiirroa esponole8 en Afnca (XVI, 3001, D. 57). Mais on troiwe dc noiiibreiln détsils daiis BenaridCs: iVemori

211. Ibid, 212.. C'csl ee tiuc I'on aDprlle le atestament d'Yagmarareii» (Cf. infra, pp. 56 et 08 et Gsell. G. Mar~ais, Yver, Histaire d'dlgdrie,, p. 152). 213. Bennvidés. Memorias .... ap. cit., 1, p. 385. 214. Cf. infrs, p. 511. 215. Mcreicr, op. cit., 11, D. 286. 210. Revile Hispanique, XII. 1005, P. aoo. 217. Ibid., pp. 8M sq. 218. Cf. siipi-u. iiotrc note 185. 118. Finke. 11. p. 755. no. Rerlcc ~irponi~ue.X11, 1805. DD. 314 so. I'ar niUeurs, Caneuas IArnodn v lo emprisa del estrecho,.vol. 11 de &studioa de Edad' Media de la 6070710 do Arogdllr. Siccidn de Zom- goza. 1940. p. 52) D publi6 une lcttre emite de Tleniecii un 8 iuiuet: il I'ottribue B Berenguer Segili arepri80ntnate de Jaime 11 nn lo corte de Tzlnern. Mais il traiiscrit rBn. Swuin. Selon busil s2agirait plut0t de Dcrnardo Segui ?t d'nutre Dart le titre de nrepresentont~ en lo joua aussi un role important i partir des environs de 1320 "'. 011 eritrevoit aussi le ?ole d'une aritre membre de ce nombreux clan familial, RamSri Torrá, sparcnt dent Rew~atSepzii~i, envoyé coiiinie négociateiir en Aragon .par le Khalife Abou-Rebbi vers 1309 "' "". Quand Bernardo Segrii, le chef de la famille et de la Milice pnrtit £aire di1 recrutemeiit en Aragon en 1303, le commnndenierit fut exerct: en son absence par son frere Giiillermo et par un olciiide-adjoint Francisco Des- pí '"; en 1308, lors d'uii aiitre voyage de négociations entrepris par Ber- nardo en Aragon sur l'ordre dii Rlialife m6rinide Aboii-Thabit, le chef in- térimaire de la Milice ful au contraire un autre alcaide pvm,isimial, Pedro Jiménez '". A Marrakedh, il y avait selon la tradition ;emontant e3 Fer- ?ua+ido III "" une milice spéciale: elle étnit sous les ordres indirects de Bernardo Segui par I'intermédiaire d'un alcaide local qiii était: en 1305, un certnin Guillermo de Pujalt et qui apres 1310 fut l'un des freres de Bernardo : Arnaldo Seguí "'. Cet Arnaldo joua aussi un role diplomatique: c'est lui qiii fut envoyé par son £rere en 1306 (ou 1309) "' aupres de Jmiwue 11 pour que celui-ci se deciclit. ii aider les Marocains A reprendre Cetits revoltée Dans l'eriseinble I'ori doit sonligner la grande fidélité et le constant déuouement de cette famille Segiii : elle ne cessa de soiitenir les Khalifes Mérinides légitimes contre leurs sujets rebelles et contre leiirs ennemis Zeiydiiides; ce f~itnotammeiit manifeste lors des révoltes contie Abou-SaYd "'. Cette attitude était distincte de celle que suivnit la Milice castillane que les Mérinides avaient remnstituée : en 1310, le chef de cette Milice castillane Gonzalvo Sáncliez, fut melé e3 un complot coritre le goii- vernement khalifal 11 est inttressant de noter que c'est au roi de Cns- tille Fernando IV que les conjurés envoykrent des 6missaires et que c'est Jaimie II qiii, eii accord nvec les Seguí, dissuada Aeninndo ZV de soutenir corte de 7iiiiclu ice noirs semblc ponivoir s'sltribiier ni A Rai.n.vdo ni h Ueieiiguer. 11 nous iiemblc t dont Segiii iiifoii8ie ,7. 82 sq.). Noiia acrions donc teiitcs dc ~enrii que eette Iiltie ~3tbien ~;lutat dc 1806 oue de i3uii. U'aiiieurs o. :soit oii'cii 1305 Dcrnrrdo Scxiii uvrira soue lei mur8 de Tlemceii dani le c:imo d3Abou-Toiikoiih rwc des i-enforts et qu'il giirticipa iiiir nssauts IaiicCs mntre ln ville eii 1105-laori. 321. Cf. Capm~ny.A?itigzlas i'ratodos ..., ,>p. 16-17; Jainie 11 dcmniiio~as..., op. cit., 1. p. 227. ti. a (Cf. RFU~~EIliai>oniqr~e, XII, P. 812) 4'2 CAARLES-EMMAKUEL DUPOURCQ ce mou\;ement révoiutionnaire la'.Ides chroniqueurs castillans l'ont repio- ché ati Roi d'Aragon : son opposition, disent-ils, fit échouer les plans des conjurés qui, $'ils avnient trionipbé avec l'nide clirétieime, niicaient reniis Algésiras A la Castil!e '". On concoit que Jaime II préférait voir Abou- Snid rester sur le tr6ne mérinide; et bien qu'il ait ;té décu de ne pas bknéficier davantage de l'aide qu'il fournit aux Mérinides cautre Ceuta révoltée '", il paraft indubitable qu'il espérait toujours potivoir faire pres- sion sur les Marocains par les Segui. C'est sans doiite aux eiivirons de 1P20 que Bernardo Segui niourut ; apres cette date, ce sont les nutres niembres de sn famille qui furent les agwts de liaison entre Maroc et Aragon : 8n sait par exemple qu'en 1327 les nlcuides Je la hlilice d'Aboii-Said étaiei~tBerenguer Seguí et Ramón de Miramhell ; et en 1329 c'est i Bcrenguer Segui que Jaiqne 11 s'adresss pour reconimander, un de ses sujets qiii partait au Maroc afin de s'y engager dans la Milice : Mateo Gomaz '3'. Mais une fois Beriiardo disparu, les Seguí s'éclips2reiit assez irapide- ment 284 bi. . Ce sont d'anciens adjoints de Bernardo qui furent siiccessi- veinent nommés alcuides; parmi eux on rloit citer Lope Sánchez de Juirera dont on sait qii'il combattit contre les iZeij-anides sous les ordres de Ber- nardo Segni dans les assauts laiicés contre Tlemcen en 1305 et qu'il fut armé chevalier eii 1309 par 1'Amiral Vicomte de Castdlnoii lors de l'ex- péditioii contre Ceuta 23? En 1338 c'était iin autre cancien adjoirit de Ber- nardo Seguiu, Bernaido de Cáncer qui était alcuide de la Milice cl~rétieiine du Maroc; il remplissait alors en mCme temps le r61e d'agent secret de Pedro IV d'Aragon ''y Plus tard, lors des troiiHes qui se multiplikrent dans la monsrchie mérinide .apr& la mort du grand Aboul'Hasran (1351) et le rigne de son fils Aboii-Inane (1331-1558), les Chevaliers chrétiens songerent semble-t-il i rejouer 11n r6le semblahle iceliii qu'ils avaient eii au moment de la décodence almohade : lors de la rkvolte qui aboutit en ceptembre 1361 3 l'assassinst

231. BensvidCs, ibid. 232. Ibid.. et infra. p. 68. 288. Cf. iiifra, D. 60. .Toiliie 11 tenia n?iioiii, XII, ~i.a01 el Cnymaiix,, Memorias..., IiI. D. 20,. 281. Hmui Hisnaiikxe, XVI, 10m, m. a5 et 88. 284 bis. En lazo, i'alcnide de la Miliee de Rebat es* Juan Gnrela de Alarco (Finke, 111, 11. 515). 235. Cf. infrs, PP. 64 sq.: et Ileurie Bispuai~ue,XII, laos, p. 840. ma. lbid., ii. ai4. 285. hlercirr, op. cit.. 11, p. 8% Est-ce le Garcin de 15261 [as1 LES ESPAGXOLS ET LE BOYAUME DE TLEMCEN 43 reprendre FEs, i cause

289. Ibid. 11, e. sao. 239. Cf. auprn, DR. 14 et 22. 240. Cf. infra. DR. Y8 sii. 211. Rev~eIlispaitique. XII. pp. 829 et 840. (Alcltives da la Couronne d'Arnooii, I<. 839. f. lSl). 542. Rcvtie Hispn>iiazie, XII, DR. 882-884 ct 841-842 (Areh. C. d'A. R. 839. f. 181 ct R. 110. e. 2101. 203. Ibid ti, porter ce titre '**. Son gii-e avait donc peut-&tre obtenu gain de cai~se. IRien de pliis curieux que de retrouver sur ce plan supérieiir et un peu équivoque des batards, toute la souple complexité de la politique espa- gnole : en effet, de meme qu'il y a iiiie Milice mérinide en face de la Milice des Zei!:anides, le demi-frere de Jaime -un aiitre batard- Napo- león de Aragón estau service di1 Khilife niérinide au tenips oii son frZre est au service du roi de Tlemcen, peiit-&re &S les environs de 1307 (?)'", en tout cas des 1324-26 et i riouveau vers 1337 Piiisqu'il y airait rivalité d'influence en Afrique du Nord entre Aragon .et Castille et puisque les hatards d'Aragon y jouaieiit un certaiii role, Iiour- quoi des fils naturels de Rois de Castille n'auraient-ils pas été tent4s nussi par I'aventure? Ils précédererit meme les bStards de Jaiii~eTI. 011 entre- voit eii effe: qu'un batard de Sancho IV, .luan Sánches fiit su service du Mérinide Abou-Youkoub aii teniFi, ok celui-ci assiégeiiit Tlemcen '". lit aii ni.eme momeiit un nutre fils naturel de Smcho IV, Alfonso Sánchez tenta de débarq~ieri Oran avec un groupe de compagnons parnii lesquels se trouvait un ehevalier portugsis Fernando Feriiiiidez; mais á la suite il'iiicidents assez obscurí, les forces mérinides qui occupaieiit alors cette région des cotes tlemcenienues obligerent le batard i se reniblrqiier vers L'Espsgnc "'. Cet Alfonso Sánchez avait-il l'intention de iejoindre l'armEe zeipynide, ou cette intention lui fut-elle pietée par Abou-Yoiikoulr? Si ce projet fut vraiment .envisabré et s'il avait réussi, Sn?~:choIV atirsit eu un lMtard dans chaqiie camp, comme cela arriva plus tard iJaime 31. Le Iinsard, les désirs person,nels d'aventures, les coiips de tete de ces aventuriers jouaient évideiunient un role déterminant daris leiirs ictes. N1enip&che qu'il y a Ih un parallélisme curieux a noter. 1St sans aucun doute, apris coup, ce fait de I'existeiice de tels oii tels Aragoiiais ou Cas- tillaris a Tlemcen ou i la coiir marocaine était ntilisé dans la mesure du possible par les gouvernements inttressés quand l'occasioii s'en présentait. De fantaisies individuellcs pouvaieiit 6.oiic naltre des conibinaisons o" des eapédients politiques. C'est ce qu'il importsit de souligner.

TLE~ICENET ~L'EQUILIBRK II~~DITGRRAN~EN~.-La question tiemce- nienne n'é.tsit pas seulement imbriquEe avec celle di1 hlaroc; eile I'étnit aussi avec celle de Tunis et de Bougie, donc airec celle de la Cieile et toutes ces questions 4taient elles-niemes liées h celle plus ini1iort:inte en- core de Grenade.

214. Docii>lientos rivilbes L., D. 180. 24s. Cette date est en Mntr~dietionarte ce quc penac GimEnez Soler (Revzie lfia~io~iioiie. XVI, De. 8~661et Bvec ce 4iie nous arons hit aiilPriiuremetit (B.R.A.B.L.B., SIS, 1948, D. 701; rlle resulte d'un teste citd par Finke (op. cit., 111, D. 5141 et dnt6 appmxirnativcment <1C 1807. .Dar Iu~~~ 246. Finke, 111. DD. S15 et Rer.. Hislirinvgrio, SVI, pp. 0.5-66. J. E. Martinez Fe!.roiido (Jaime 11 de Avn~vii~t. 1, Bnrceloiia, 1918. D. 1011 donile cumnie diiti: M??. 247. Ci M. G~ibroi~,Hislorin de Solicho IV de Cnatih, 11, D. 091; et Rme Hiaponi~ae. XVI. 1907, p. 50. 2ra. lbid., o.' 57; XII, PP. (140.317; et GimCncr Soler, Don 7uo7i Alonzisl, DO. 849-50. . 249. CF. B.R.A.B.I,.B.. 1018. XIS, 00.91. LES ESPAGNOLS ET LE ROYAUME DE TLBMCEN 45

Les relations de I'Aragon et de la Castille avec Tlemcen dépendaient donc constamnient de celles qu'avaient ces puissances clirétiennes avec les Rois de Grenade, les Mérinides et les Hlfsides. En principe, depuis le rkgiie de Ferizando 111, le roi de Grenade était vassal dii roi de Castille '",; mais ce lien était constamment remis en qiiestion et comme 1'0 fort bien dit l'excellent liistorien Sánchez Albornoz, depuis ce trmps Grenade jouait sans cesse un double jeu, s'appuyaiit tarit8b sur le Maroc contre la Castille, tantot sur la Castille contre le Maroc, quand l'allié (le la veille devenait un protecteur trop exigeant et trop autori- taire '". L'histoire hispano-africane des xiii""8t xivomesiecles est done faite de constants renversements d'alliance dont l'origine se troui-e tou- jours iGrenade. Quant su roi de Tlemcen, il était en principe ennemi héréditiire du KIialife niérinide : á l'origine il avait été l'allié des Almo~hadescontre les arnbitieux rebelles marocains. Lui, le zeiyanide, avait toujoiirs été modeste : il n'avait pas osé prendre le titre de r

210. C'est en 1288 que se wnstitua le royaume de Grenade ICf. Sbneliea Albornoz. Lo Eepmln Mtiavlrraalin, Buenos Aires, iMó. 11, D. sm). 261. Ibid., P. 852. 2%. Inl'ha-lbn-Khnlduuri, trail. cit., 1, P. 14s.

253.~~~ En 1342 DBI e~em~le(Documoiiloa drabea .... o. 2371. 254. cf. GSCII,G. ~ariois, ver. OP. cit.. pp. 15%~ 255. Cf. supra, D. 10. un bloc chrétien en fece d'iin blw musulinan ; la réalité coincida rnreiiierit aveo cette iqiagerie d'Epinal. Deux faits qui se placent tout au début de la périorle que nous étridions projetteiit leur lueur criie sur toutes les années suivantes : ils furent épisodiques, mais leur portée est syinbolique : en 1234 Gelles s'allia avec les Almoliades et leur proniit sa flotte coiitre les Chré- tiens d'Espagne qu'elle jugeait des riv,aux méditerraiiéens bien gknants "". Et par contre eii 1248 iiii contingent de cavaliers greiiadins aida Een~an- do IIZ prendre Sdville '". 11 iie faiit donc pas ex~igérer1'iniporl:aiice des liens raciaux et religieux; mais il coiivient aucsi de ne pas tomber dans I'excks contraire : par instaiits et surtout dans les périodes de grandes luttes, uii seiitiment de soliuarité rassemblait ?A nouveau d'iin caté tous les Chrétiens - Aragomis, Ghois, Castillans - de l'autre, tous les Musulmans. No118 verrons plusieiirs fois ce phénomhe se produire. Si!r le plan niusulnr~iice sentiment de solidn- rité frit souvent particulierement vif eiitre Tlerriceii et Grennde : les Tlein- ceniens se rendaient coinpte de ce qii'ils devaient a la culture andalousel Un clironiqeur arabe noiis appreiid qii'il y avait constainn~eiit Grenade une armée double, d'iine part I'armée greiiadinc proprement dite, d'autre part une arniée de volontaires nord-africains groiipés eii dcux cohortes es- seiitielles, celle des Mérinides et celle des Zeiyaiiides. Par ce fait, on est bien remis en présence du diiel essentiel, celui eiitre la Croix et le Crois- saiit : Grenacle hit la place avancée de I'Islam; aii-deli des vicissitudes politiqiies, que le royaiime de Tlenicen fiit ou non son allié, I'ultime capi- tale andalotise musiilmane .avait toujours parini ses défenseurs des volon- taires tleniceniens. Mais un autrc rcriseignement donné pai ce m&me texte nous rappelle en meme tenips une ailtre réalité, celle de la faiblesse rela- tire du facteur tlemceiiien : le chef supreme des contingeiits nord-africains .de Grenade était, en priccipe. un Mérinide "'. Ces détails r6surnent asscz clairemeiit les données de la q~iestionde Tlemceii siir le plan géiiél,al hispano-africoiii.

LA CI~~ESTICNDU min¿.T. - POIITles Kois de Castille, la question de Tlenicen fut toujoiirs assez simple : elle était envisagée ~elali,cc?iient;i La qiiestion marocaine, le Jeiyaiiide étant I'allié naturel lailcer siir les .3r- rikres du Mhrinide quand celui~idevenait trop entrepreiiant. Pour les Rois d'Aragon, la réalité était pliis complere, car il .y airait iin impérialisme méditerrankeii ~atalan,une question de Tunis,une qiiestion de Sicile. Jaime II surtout eut une véritaMe politique flemcenienne. N'oii- blions jamais qu'il se fit reconnritre le royaume zeiyanide cornme zoiie d'iiifloence '". 11 est nianifeste qu'il eut en gros vis-a-vis de cette r&ion algérieiine iirie politique nnnlogue celle qu'il eut visd-vis des états Iisf- sides. Nous sairons qu'il eiit envers Tiinis une obsession: créer des liens

250. hlercier, 00. cit., 11, 2, D. 1%. 251. 1,afiiente. Histoda de Gva?iiido, Paris, lPs?. 1, D. 513. 25s. Ibn-.41,lalil>, Lornhrit al barlriya A-lbduv,:ln al ?iastiuo, trsdiinion esi>rgnole de La. ~lfilte,H¿etoviorscen ii'avait jamais promis ,aucun veise- nient régtilier. Aussi iiivoquait-il cette fois plus prudeninient ula coutcme anciennen. Ce fut sans succ&s. -- ?m. B.H.A.B.Ti.B.. XlX, 1010, PP. 78 SO. m. lbid., DR. 4s-ro et 00-si. pez. A~C~~~UOSde la Coilronne dZA7agon, R. 104, 84. (B.R.A.R.L.B., V, 1~10,p. 207.1 263. Ca~many,Antioiias tmtados.... PP. 00 sg.: Memovios .... IV, DR. O7 so.: Mas-Latrie, p. 823 SU. 281. B.H.A.B.L.B., XIX, io40. pe. 32 et SO (tribut de 33.333 beSL?tS 113)

I431 48 CHARLES-EMMANUELDUFOURCQ

En 1325.27, lors des iiégociatioiis menées par l'intermédiaire du batard Jaime de Aragón, s'affirmkreiit i nouveaii les prétentioiis de Jnime 11; elles se présent&rent en ninrs 1325 tout eri mEme teinps soiis I'aspect des reveiidirations de 1296 et soiis celui des usuggestionsn de 1319 : Jnilne 11 demanda en effet, d'une part B prélever 50 % des bénéfices réalisés par la Doi~lnetlemcenienne siir les marchands aragonais ; d'autre part B percevoir un subside annuel de 6.000 doui~lonsd'or. I,e roi dlAragon précisait dans. ses instroctions que cette somme pouvait. &re rédiiite i 5.000, 4.000 ou meme 3.000 '". 11 teiiait surtout su priiicipe du \,erseineiit aniiiiel régu- lier. C'est tout A fait conforme A la politiqiie que nons lui avons vii suiore ois-A-vis des Hafsides. L'étentlue de ces exigeiices aragonaises de 1323 s'explique par le fait que c'est le Roi de Tlemcen qui sollicitait l'aide navale des Catalans contie Bougie "'. Naturellement le roi zebianide Ahoii-Tasfin fit des contre-proposit,ions: au lieu du poiircentage de 50 % et du versement régulier de 6.000 douhloiis, il propasa de verser cliaque année le 10 % des bénéfices réalisés par ses Douanes sur tous les marcliands chrétiens venant commercer dans son royaunie, qii'ils fussent ou non Catdansae'. La nlarge était considérable .entre les exigentes de Jaime 11 et les contre-propositioiis d'Abou-Sasfin. Le Roi dYAragon se déclara pourtant satisfait dt accepta ces bases

205. Irchive# de la Cozcronne d'drnooii, R. 889, f. 181; cf. Rouiic Hiaiiiiai~uc. XII, ,005, "11. 820 et 840. 208. Cf. infra. pp. 83 sq.: et B.R.A.B.L.B., XlX, 1940. 11. 82. iiole 2.12. X7. A~clii~e~de la Corwonne d'.4ragoti, R. 809. f. 40 et 181; Resve Hispariio~io. XIl, 1905, ?o. 880-ai rt 8ro.bi. 288. Ibid. 269. D.Rd.B.L.B., XIX. 184G, PP. 80-81. Lorsque les négociation,~reprirent en 1327 eiitre les deux Couronxs, la question des liens fuiaiiciers ne fut plus sujet A discussion ; des le début de ces nonoeaux ]>ourparlers, le gouoernement tleniceiiien proposa de rrerser aiinuellemeiit A la Couroiine d3Aragon le 10 % des droits percus par ses doiianes sur tous les marcliands veiiant commercer dans le royaume «y compris ailr ceux venant de hlajorque et de toutes les autres terres cliré-. tiennesn ''O. Remarqnons qu'on retrouve la une trace di1 point de vue cher b Jai~c11: les Majorquins étaient s'ujets du Roi d3Aragon tout comnie les aiitres Catalans '". L'obstinatioii de Jnirne 11 A faine naitre une sorte de théorique vassalité fiiinnci&re du royaume de Tlemcen par rapport A la C~uroiined'Aragon est une notable caractéristique de la politiqw méditerranéenne d'alors. Qu'on ne s'y trompe pss! En nielant avec ipreté des questions financihres d'ordre parfois mesquin avec de grands reves politiques, Jaime II tout comme son p&re Pedro 111 ne cessa jamaia d'avoir des nmbitions nord- africaines. 11 avait des sujets niusitlmaiis dans tous ses 6tats péi~insulaires aussi bien en Catalogne et en Aragon que dans le royaunie de Valence "a. Pourquoi n'en aurait-il pis eus au-del de la Méditerranée? Son pere avait tenté de s'installer sur la c6te algérienne et s'était eniparé doiles tuni- ~iennes. En faisant reconnaitre par Sancho IV de Casti'lle que I'Algérie et la Turiisie étüient réservées 2 l'infliience catalane, il résuma toute la portée de sa perisée africaine. Et comme politique sans scrupule, an gré- des circonstances, il savait meme empiéter sur le terrain niarocain qu'il avait tlikoriquement cédi: aux Castillans comnie zone d'action : il songea A devenir le maltre de Ceuta x"3 au moins indirectement par l'interinédiaire du fidble Bernardo Seguí; et quand ce mirage se fut dissipé, il s'enipressa de profiter des accords qu'ilavait passés avec le Khalife mériiiide .aii sujet de cette ville, pour préscnter son clnssiquc programnic financier: il de- manda vainement des la fin de l'année 1309, que les revenus des doilnnes ,marocaiiies fussent désormais versés h I'Aragon en compensation des frais que liii nvait. oocasionnés sin expédition contre Ceiita "*. VoilA qui nous permet de conclure que dans ses lignes générales la politique de Jaime II vis-A-vis de Tlemcen fut analogue A celle qu'il eut vis-bis des antres états nord-africains. Maintenant que noiis connaissons les jalons qiii peuvent servir de repkres h l'histoire économique et politique des rclations hispano-tlemcenienneS,; nous pouvoiis aller pliis avant dans le d6tail de ces relations; nous allons: done teiiter de suivre leur évolntion dhronologique dans le cadre de la. politique espagnole et méditerranéenne générale.

270. dnlilUe8 de 1" Couro+~ned'Arngon, R. 88s. f. 181; R. 410. f. 910 ICf. Revtic Ifisiial~iqi$e. XLI, ,805, PP. 1181~84 et 84,-dz). 271. Cf. B.R.A.H.L.B., XlX, 1D.M. DD. 434.L. 2;~. LCS ~iincipiilcscoiiiiniiii;iiites inusu1in:iries piyant roiiti.ibul.ioi>rit debut du xirema sihele. i.tai~nt., pilv o~lvecl'i~~ipo~~unce, celles

L'effoiidrement almohade eot comme conséqoence la séptration politique de lJEspagne musulmane et 'de l'Afrique du Nord. Or le royaiinie de Grenade qui se constitua en 1238 - deux ans aprks 13av&nementd'Yagiiio- racen B ilemcen - prit immédintenient figure d'état relativemeiit foible par rapport i la Castille de San-Femondo et A 1'Aragon de Jainie el Con- qcdistador. 11 ne pouvait pas les nienacer sérieusement ; il était facile i siirveiller. Toutefois, il pouvait devenir dnngercux pour 13. Clirétienté coninie ttte de pont, en cas d'intervention marocaiiie. C'est' pourquoi le problkme. du détroit de Gibraltar devint le probl&nie essentiel de la recor~quistaaprks les splendides étapes que fiirent h prise de Cordou? (1236) et celle de Va-. lence (1238), celle de Murcie (1243) et celle de Séville '124m8). 11 s'agissait d6sormais d'empecher les Nord-Africains de débarquer sur le territoire de Grenade. Coniment ce probl&me primordial réagit-il sur les relations hispano- tlemceniennes ?

TLEMCENET LA NAISSANCE DU PERIL. MERINIDE (1264-1286). - Le pre- mier graiid souverain mérinide fut Abou-Yousof-Koukoub (1258-1286); dont les dernikres années coinciclerent B peu prks avec la fin des rkgnes m d'Alfo*~soX de Castille (1252-1284), de qedro 111 d3Aragon (1276-1285) et d'yagmoracen de Tlemcen (1236-1283). C'est en partie sous son in- fluence que la questioii inusulmane qui semblait réglée pour 1'Espagne grace aiix graiides victoires remporties par Fernando DI et Jajiiw el Con- quistador, rebondit pour la prerniEre fois dii fiit de la rivolte anticastillnne des Manres de Murcie et d'Andaloiisie en 1264 "'. Cette révolte fut souteniie par le Roi de Grenade et par le Khnlife n~brinide.iln contraire, Jninze e1 Gotig.istndor aida Alfonso X i vaincre les insiirgés. Ce moment reste dans I'Histoire comme le temps d'un regroupement solennel n~aisprovisoire des forces du Croissant contre ceiles de la Croix. C'était le signe avant-coureur ,de la temptte mérinide. Que firent les Zeiyanides? 116 étaient, avaiit tout, aiitimérinides. L'histo- ~ienGeorges Morcais l'a bien dit. : ac'était la wite d'une tradition séculaire

27,;. Cf. Lafuente, Historia de Oraliada, 1, pp. als.ale; ct BaUcsteror, Histovia de EsnaRa, 811, p. ?O. LBS CSPhCNOLS ET 1.C ROYAUME UE TLEYCEN 5 1 de querelles entre deux familles parentes ... Aux conps de mains de pillards, aur disputes de pasteurs pour la possession des puits et des patnrages allsient succéder les invasions de troupes cn armes et les sieges de villesn "'. La lutte avait commencé, nous l'avons vu, d&s 1250 "'. 'Cel>en,dant, lors de la révolte anticastillane de I1Andaloiisie, la solidarité générale des Musul- mans joua et Yagmoraceii ne fit rien poiir aider les chrétiens. Allonuo X termina victoiieusement cette affaire non seulement en hcrasant les révoltés mais aussi en prenant Cadir (1265) '" '". C'ette passe d'armes iiidirecte entre l2Espagne clirétienne et les Mérini- des fut suivie d'un temps de repos relatif oii l'on note un rapprochement entre les deiix blocs aritagonistes, siir l'initiative de l'ilragon semble-t-il : c'est en 1267 qiie Jaime el Co~tquistadornomma A Tlemcen tiii alcaide des Aragonais xcivils et militahesn "'. Le bloc musuluian se désagrégea alors d'une mariikre uianifeste: en 1271 les Zeiyanides attaqii2rent les Mérinides, en se laissant entralrier par leur Iiaine Iiéréditaire Et bient6t le port marocain de Ceuta se révolta avec l'aide du roi de Greiiade contre les Mérinides ''O. Le Khalife Abou-Yousof eut-il le sentiment qu'une cnalition générale se préparait contre luiP Dhs qii'il eut battu les armées d'l'agmoracen et qu'il se fut ainsi assuré.sur ses arrieres (1272), il comprit qu'il lui fallait d'abord et avani tout régler la qiiestion maritime: le préterte de Ceuta lui fut bon; il vint personellement B Barcelone en 1274 pour solliciter de Jaime el Con- quistador son aide iiavale : il demanda et obtint la location de 10 galeres et de 40 autres batenux et l'eiivoi de 500 cavaliers aiirquels il fouriiirait leurs nioiitures "'. Cette attitude promarocaine brusqiiement prise par Jaime I átait grave. La maltrise du détroit appartenait aux Chretiens grace i la flotte catalane. Si celle-ci consolidait la piiissance mérinide, il étiit ?A pré- voir que les Castillans ne iarderaient pas h &re inquiétés par les Marocains! C'est ce qui arriva (16s qu'Aboit-Yoiisof eut repris Ceuta. Le sagace politique mérinide eut l'habilité de compltter ses préparatifs en perwadant Pagmoracen de concluie un sccord avec l~ii:instruit par scs défaites de 1250 et de 1271, le Zeiyaiiide accepta. Un chroriiqiieiir arabe, Ben-Ab!i-Zara, s bien mis eii relief I'importance de cctte alliaiice entre Maroc et Tlemcen, péface de l'offensive des Mérinides contre laEspagne : «Le IChalife conclut paix et alliance avec le sultan de Tlemcen, au nom de la défense de l'Islam, poiir ne rien avoir A craindre sur ses arrieres pen- dant qu'il ferait la Guerre Sainte en Espagne. La pair fut ainsi conclue B

no. Gsell, Mlivcais, Yler; ou. cit., pp. 151-52. a77. Cf. SLIU~B.D. o0 et iiote lul. 277 bis. Ci. Hnlle~te~OS,op. Cit., 111. PP. 19-21. Ea. Cf. supra. D. 19. 279. Cf. SUP~B,P. 87. aso. Copnianl., Marnorias ..., 111. PP 189~2W. ' 281. Cf. Capmnny, Anti~unstmtndos ..., u. 1: Memoens..., 111, pp., 199200 1V. p. 7. Dans ~irety San$ (Itinerae de Jolone el co~ipneridor,Barcelona, 1018, D. 500) il est simplemeiit Sit que le ig novcmbi-e ,274 .loi?no 1 signa h Barcelone troctrzt dc pom o7rti el ?e¡ de Monocsn. 11 n'eil pns question di, ~oyagcd'Aboi~.Y

1471 Tlemcen par la volonté el la toute-puissance d'Allah ; et le peiiple miisul- man se troiiva uni, battant d'un seul coeur... Le Commandeur des Croyants put appeler i la Gue:.re Sninte toutes les tribus du Maghrebn 282. 11 se passa alors un I>lh6nomLne fréquent dans le monde niusiilman: cliaque fois qu'un nauvel astre apparaissait dans le ciel de I'Islam, tous les sultans se regroupaient autour de liii. Le roi Mohomed 11 de Grenade inquiet de la force chrétieiine invita Abou-Yomof A débxrqiier &nns son ro- yaume: il liii promit peut-etre m&me les villes de Tarifa et dJAlg&ciras La premikre invasion del'Espagne par les Mérinides s'effectua done au printemps 1275 '**, sous le sigiie de La triple alliance Maioc-'l'lemceii- Gre- nade. Ce ne fut pas un évCnement désastreux pour les Clirétiens; ce fut. toutefois un raid passablemeiit dl'vastateur poixssi. jiisqiie soiis les murs de Séville. 11 eut une répercussian dans les pays de la Couroiine d'hragon : les Maures de la régioii de Valence se soulei+rent. Et si le Khalife inérinide se ren~barqiiapour le hlaroc des janvier 1276 aprks iuoir sigiié iirie Irtve de deux asavec les Castillans, l'insurrection valeiicienne, elle, se prolongea. et prit un aspect si grave que Jainze el Cmiquirtador eri personiie partit vers la zone révoltbe poiir y rétablir I'ordre (1276). C'est au cours de cette cam- pagiie q~i'ilto~nhx mortellernent malade. : 11 diit amerement regretter d'avoir accueilli les demandes d'Aboii-Yousof deux ans auparavant. Cependant les bons rapports entre Abou-Pousof et Yagiuoracen conti- iiiiaient : les deux souverains bciiangeaient des cadeaux de valeiir. De Gre- nade, des marques de sgmpathie affluaient aiissi toujoiirs au Mérinide. C'est alors qu'Abou-Yousof décida de tenter une deuaihme campagiie d'Espagne, dais les &mes conditioiis qu'en 1275. Ce fut la canipngne de 1277: des le débiit clle fut signalée par un re- froidissement dans les rapports entre Greiiade et Maroc, car des princes niusulmans grenadins, les Escayuelas, qiii froridaient perpétuellement, remi- rent la souveraineté de Malaga au Klialife mérinide ''Y L'invasion de 1277, comme celle de 1275, n'eut comme conséqiience que des raids dkvastateurs et sans véritable importante, dans l3Andalousie chrétienne. Mais .4lfo?>so X semble avoir compris .slors que pour en finir avec ce péril niérinide naissant ii lui fallait fouriiir un gros effort. 11 le fournit & la fois sur le plan diplo- matique et sur le plan militaire: Mohamt-d II de Grenade était furieux de I'attitude qu'nvaient prise les princes Escayuelas et il se prtta facilement A des négociations secrrtes avec la Cnstille. La qiiestion de Tlenicen y fiit aussitot traitée : les Zeijanides qui ii'avsient siirmonté leur linine hérédi- bire contre les hlérinides que par csprit de prudence et en rxison de leig sympathie poiir les Mi~sulmansd'Espagne écoutkrent facilement les propo- sitioiis de hfolianied 11. Au temps de la coalition Maroc-Tlemcen-Grenade. contre la Cavtille succéda ainsi celiii de la codition Grenade-Tlemcen-G~stille contre le Msroc (1278). Pendant que ce renversement diplomatique s'effec-

282. CitC iiai. S:iiicher .%lboi.noz, 00. cit., 11, p. 803. 283. B~llestnos.111, R. 180. 281. S:incber Alboriiur, op. cit., 11, p. 868; et Lafuente. op. cit.. 1. D. 321 285. Ballesteros, 111, R. 131. LES ESPAGNOLC ET LE ROYAtihlL? DE TLE:BCEH 53 tuait lentement, Aljonso X réalisait uii gros effort nav:il : il snvait niaiii- tenant que l'intéret castillan était d'avoir une propre flotte; la politique aragonaise amit des objectifs tellement corriplexcs que la flotte catalaiic ii'était pns uiie sure gardicnne du détroit. Les clinntiers de ronstructions navales de Séville coiinurent donc une activité fébrile en 1277 : ce fut lA la réplique militaire i la deuxikme invasions mérinide ; 80 galeres, 24 nefs et divers autres bateaux de nioindre irnportance, en particulier des lecos furent ,aloi.s construits et équipcs poiir la guerre. Qua~idla flotte fot prgte, le commanden~eiiten fut donné i Pedro Martíiiez de Santa-Fé et elle pnrtit vers Algéciras poiir en faire le blocus et essayer de s'eii emparer "'. Aboii-Yoiisof en cettc arinée 1218 était en Afriquc. Sarif erreur, il n?était resté en Fspagiie qiie quelques mais en 1217 - tout conirne en 1275 - et il s'Etait contenté de garder comme tCtes de pont en Europe quelrliies villes conime Alg&:iris et Malaga. C'est 1orsrlu'Algéciras frit attaquée par les Castillans qii'il comprit son isolenient. 11 tenta, au priiitemps 1279 sans doute "', de débloqoer Algéciras. 11 avait fait lui aussi des préparatifs ma- ritimes, inférieurs il est vrai % ceux de la Castille. Eii arrivaiit eii viie de ses eniiemis, il eiit la cliance de les trouver dénioralisés cai. leurs soldes n'étaient pas payées, et iffaiblis par le nianque de ravitaillemeut : il attaqua et il fut vainqiieur Les Castill.sns durent lever le blocus d'illgéciras. Mais ce troisikme déberquement mérinide en Espngne fut encore sans consiqiience. ~b~~~-~~~~~fFtait attaqué sur ses frontikres africaines par les troupes d'Yag- moraceii qui se laii~aientainsi dans une maladroite .aveiiture comme en 1250 et en 1271. Le blérinide ne tenta donc pas de rester en Espagne. Sa ven- geance contre les Grenadins qiii l'avaient tralii était facile: il affecta de se désintéresser de leurs affaires, tout en gardant molleinent les villes litto- rales qii'il occupait chez eiix. Isolé en face des Chr&tiens, Mnhamed 11 de Grenade fut attaqué par eux des 1279 : il put bien reprendre hlaiaga aux troupes marocaines en cette meme nnnée "' ; sa situation n'en restait pas moins impossihle. Et ce n'était pis son lointain allié zeiyanide qui pouvait l'aider. Celui-ci, pent-2tre sous l'influence de Pedro 111, regardait d'ail- leurs surtout vers l'est en cette année 1219 : en partant de Catalogne pour coiiqiiérir son royaume, le prétendaiit hafside Abou-Ishaq eut Tlemcen comme

premiere étape et il y recut I'aide d'yagmoracen '*O. Celui-ci, tout comme le roi de Grenade, n'allait pas tarder h payer les frais de cette riipturc gknérale de l'équilihre Iiispnno-africnin dont il avait étk l'un des responsables par son revirement de 1278. Taiidis que les Cas- tillans donnaient une sévere correction anx Gienadins, il en recut une des Marocains: en 1281-82, Abou-Yousof envshit le royaiirne de Tlemcen par le srid, prit la ville de Sidjilmesa qu'yapmoracen en personne était venu défendre et il poursuivit son rival jusque sous les murs de Tlemceii. C'est

2s" capniany,n

201. Cf. supla. P. 39. 202. Sur ce utestamuit dSYagmorneenn el. suora. pi,. 49 et 50. 201. Cr. DallesterOB, 111, D. 25. 204. hlercier. op. cit.. 11. PP. 224 E".; et Sdnehea Albai.noz, op. cit., 11, P. 374. 205. Mercirr, ibid. 200. G.R..4.BL.B., XlX. IDM, PP. 12 et so. 287. Cf. Mercier, 11. p. 220 et Yal'ha-Ibri-Blialdoun, trad. cit.. 1, PP. 158-161; Miralles de Imperial (op. rit., o. 84): commet uiic erreur en disnnt

Benavidés : il était bon pour les mallieureux, généreux, libéral, magnanime et admirat,erir des Chrétiens '". Le certain est qu'i la mort d7Alfonso X et a i7avEnement de Sancho IV (avril I284), loin de profiter de la dispari- tion de son encombrant allié pour reprendre I'offensive, il fit proposer par le roi de Grenade paix et alliance au nouveau souverain castillan. Mais celui-ci répondit avec arrogancc et en proférant des menaces 300. Le vieux IChalife qui avait déjá bumilié Yggmoracen, Mohamed 11 et Alfonso X pouvait etre magnanime; nlais il ne pouvait pas aimer &re in- sulté. Sous l'offense, il iéagit et se prpara i intervenir en Espagne 3 la tete de !es troupes, une cinquikme et dernikre fois. Au printemps 1285 d débarqua donc Tarifa, comme il l'av.ait déji fait dix ans auparavant lors de sa premibe expédition en Espagne. 11 y rqut une ambossade zeiyanide venant solliciter iin traité d'alliance: il n'y avait eu que trhe au inoment de la mort dYagmoi-acen ; et maintenant le roi O-iman tenait 3. manifester sa fidclité aiix dernikres volontés de son pkre, lors de cet instant solennel de reprise de la Guerre Sainte sur le sol européen "'. Le Khalife iVLéririide connut alors l'apogée de la gloire : le Roi de Greriade ct celui de Tleniceit rivalisaient d'huniilité; l'orgueilleux Sanclio el. bravo eut sa flotte défaite par celle des Maroc3ins 'O2; les raids mérinides dévastkrent 1'Andalousie. chrétienne. La Castille dut solliciter la paix au début de 1286. Son uvassalo théorique qui était souvent son secret complice, le roi de Grcnade céda solennellement su Af4rinide les i~illes-deTarifa et d'Algéciras 30a, ces deux clés du détroit ambitionnées par Abou-Yousuf depuis 1275. Mais cette paix eut un autre aspect, comme s'il s'agissait pour le victorieux mérinide de placer avec éclat sous le signe de la Civilisation musulmane, la fin deses dix années de giierre sur le sol espa&nol: Sancho IV dut s'engager $ faire envoyer i Fks treize cl~argesde Corans, ouvrages d'exégese, oeuvres litté- raires, grammaticales et philologiques arxbes qui se trouvaient entre !es niains des Chrétiens, i C!ordoue notaniment ; Aboii-Yousof voulait mettre ce matériel d'études ?a la disposition des savants et des étudiants de sa ville de FBs "'. C'est quelques semaines plus tard qn'il mourut i Algéciras (mars 1286). Si en définitive, il n'y avait pas eu de victoire territoriale du Rihalife mérinide aiix dépens des ~Chrétiens,son regne se termiiiait du moins ainsi par une sorte de victoire de la Civilisation mnsulmane. Ce isont des gestev comme celiii-ci qui avaient une profonde répercussion dans une ville comme Tlenicen et qui persiiadaient les Zeiyanides du bien-fondé de leur alliance plus oii moins obligée avec leurs puissants voisins marocains. Au temps de la naissance de I'impérialisme mérinide, la Cour de Tlem- een qni aurait pu &re un constarit point d'appiii de la politique castillane, ne fiit donc que par a-coups alli4e aux Chrétiens. Les guerres .civiles de

200. Bcnnuidé~, Memotias do TerMndo IV de Castilki. 1, p. 88.5. 8UU. Mercier, op. cit., D. 225. 301. Ibid., p. 920. . . 802. Cinchez Albornoz, OD. cit., 11, P. 370. 303. Ballesteros, OD. cit., 111, p. 132. 804. Sanchez Albornoz, ap. cit., 11. p. 350. 66 CHARLRS-E~MAFUEL DUFDURCQ

Castille, le jeu complexe que cette puissance devait meiier entre Greiiade et le Maroc, le développement de la politiqiies sicilienne et tiinisienne de Padro 111 dlAragon, tout relégua la question tlemceiiienne au dernier plan des préo.ccupations chrétiennes. Un atoiit se perdit ainsi par la force des choses.

LA ISITTE POUR TARIFA(1291-1294) ET LE CRAND SIECE DE TLE~~CEN (1299-1307). -Alfonso X avait eu comme adversaire Ahou-Yousof; Sana- cho IV (1284-1295), lui: se troiiv.s en présence du fils et successeur de ceiui-ci : Ahou-Youkiub (1286.1307). Au début de son rkgne, le nouveau Ichalife mérinide se montra hos- tile B la hlilice castillane que commandait Alfonso Réres de Guznun "5t il parut ainsi nvoir des idées iniisulmanes plus agressives qiie son pkre. 11 resta pourtant inactif pendant quelgne temps, sans snvoir poiir cela se concilier le Zeiyanide bien que celiii-ci tidele au testament dlYagmoracen fht dans des disposition favorables: aprks avoir contribu6 E. la constitu- tion Ju royaume (le Bougie .et avoir ainsi travai,llé H la dislocation de L'unité hafside, Othman attaqua en 1287 ce royaume en s'alliaiit contre son beau-frhre Abou-Zakariya avec le Iílialife de Tunis "'. Cette guerre éphkmire de Tlemcen et de Tunis contre Bougie ne poiivait pas déplaire au hlnrocain. Mais, celui-ci se montra ombrageux des rapports tres ,ami- caux qui iinissaient son voisin zeiyanide au roi de Grenade, d'autant que la bonne entente Cnstille-Grenade lui semhlait trop bien étahlie "O'. La ré- concilintiori des deux branches de la famille Iiafside. et le maintieii d'uiie dtroite amiti6 cntre 'I'unis et l'lemcen ne pureiit que lui déplaire tout autant. 11 se seiitait isolé. Heureusement pour liii, une guerre mit aux pri- ses Aragon et Castille en 1289-1290 i propos des Iiifants de la Cerda "O. 11 saisit l'occasion au vol pour tenter de porter un coup la tete de la coali- !tion qu'il sentait dirigée coiitre liii : la Castille. 15.000 hommes débarque- ~entdans ses ports de Tarifa et d'Algéciras et se lanckrent sur les terres ennemies ''O. Au meme moment, Abou-Youkoub pour s'assurer de ses arrikres par une sorte d'attaque préventive lanpit un raid sur Tlemcen "l. Malheureusement pour le Mérinide, la question des Infants de la Cerda était en train de se régler en faveur de Sancho IV : la Fcance abandonnait la cause des Infants 'la; Alfonso 111 d'Aragon mourait (1291); son frkre et successeiir Jaime 11 signa la paix et une alliance avec la Castille 313. La question du détroit se possit plus que jamais dans tou- son am- pleur: il fallait empZcher Ahou-Youkoub d'envoyer des renforts en Es-

a~.cf. siipis, p. 40. 8nR. Yal'ha-Ibn-Khnliloun. trad. cit... l... o. la0 tCI. R.R.A.B.L.R.. . IiX. . 1946.. no..~ 11-12). 807. Mercier. op. cit.. 11. p. 284. 848. Yal'ha-lb"-Khal"oun, trad. cit., 1, e. lel. m. Ballesteros, 111, p. 32-88. 810. Finke. o~.ril.., 1, p. 12. 811. Yal'ha-lb"-Khaldoui1, trad. cit., 1, p. 101: Mereier, op. cit.., 11. p. 230. 91%. Fawtier, t. vi de I'ni8toire dl~Moveti-Agi de la Collert. Glota, Paris. lea. p. 310. 91%. Sur la portée africaine de cette allionce. ef. Siiprn. p. 5 et nutre note 2 (eartage de 1'Afi-ique di! Nord cn roiics d'inflriencel. LES ESPACNOLS ET LE ROYAUME DI? 'TLlZMCEh 5 7 pagne. Les cliantiers de constructions navales de Séville iie cessaient de travailler 3'4. Les Catalans étaient encouiagés par les concessioiis royales, i éqliiper de plus en plus de nairires "'. Snncho IT' obtint plus encore : I'aide des gsleres gCnoises coinniandées par un ercellent amiral, Micer Be- nito Zacarins a'B. Tous ces navires clirétiens croisant daris le détroit, la situatiori di, Mrrinide Moqué en Espagiie devint imliossible : son armée ne poiivait plus recevoir aurun raoitaillement du Maroc "'. Le Klralife réussit, ?t graiid-peine, A rentrer en Afrique pour rassamblei' iine flotte destinée ii forcer le blocus. Mais daris les eaux de 'Tanger, les coelisés chré- tiens aux ordres di, genois Zacarias et du Catalan Berenguer de Montoliu : défirent en 1291 la flotte mérinide 31B. Sur les conseils d'Alfonso Pérez de Gi~zmánqui savait qu'Abou-Yoiisof avait jadis attnclié une importaiice primordialc A Tarifa, Sa*zcl~oIV décida de profiter des circonitalices ex- ceptionnellement favorables pour preiidre cettc ville iillnve de la A1~dnlzioin y aú,m de la EspaEa loda, c<írnarn de la corte de los reyes riel AJrica, print,e~ 1ug.o~hollado pw 16 iliurrsión árabe en el siglo VIIfn "". 1,'eiitreprise hit d'iaportance : il fallait niinutieusenient la' préparer ; le plan suivant fut établi: les Castillaiis fernient le siege, les Aragonais conperaient les com- miinicntions maritimes entre la ville et. le Maroc, les Grenadins affecteraient la neutralité mais en fait ravitailleraient les Chrétiens 320. Cette coalition Castille-Aragon-Grenade-Genesne parut pas encore suffisante i S(oicho TI'. Solis l'influence de Pérez de Guznián, pensons-nous, il se rappela que toute entreprise sérieuse contre les Marocains devait &re épaulée en Afriqiie par les Tleincenieiis. Aii déhut de 1292 le Roi de Castille compléta donc son systi.rne diplomatique par la signntu8.e d'un pacte arec le soiiverain zeipa- nide. L'excelleiite historien& Doña Mercedes Gaibrois de Ballesteros a bien souligné l'inipoitnnce de la cliose: rrill establecer pucitos con el abdel- íuaditn Oth7,~d~~que. lbeuaba en ICJ.SUW~~T el odio tr,ndiciono.l de sil esti~pe a los nnzbiciosos heninue7.ili.es, 71.0 se le .ocultwia a Saincho la truscendiencia de esas ne,oociacioiiir,s, pues era notorio que mientras Alxen-Jaiub. (,

314. cr. ~~pinaiir,~emonos ..., 111, p. 23. 31s. Cf. ibid., 11, p. 404; et suera, y. I#. 810. Cr. hZ. Giiliiois. Historia di Suiicho IV de (Iastilin, Madrid, t. 11, 1028, P. 122. 317. Dallcsteros, 111, pii. 34 et 132. 318. Mercier (op cit., 11, p. 280) se tromve manile8teniiiit en

m. Cf. ¡bid., 11, 0. 182: Sincher Albornoa, op. cit., 11. p. 392; Ballesteros. 111, p. 84: L.afueiile, Histoen de Cravodu, l. D. 325. 828. Crn~zica de D. Snnelia IV dc Cnatilla, Ed. Koiell; Hilil. Aut. Eso. LKVI (Madrid. 1876). Di>. BU-87. o%.%. M. Gaiiirois, Tanfa y lo politica de Soliclio IV, Madrid, 1819. p. 109, docum. n.o 18. 325. Il,i

Abo~i-Youkoub ne put donc réparer sa défaite de 1291-92: ses états étaient d'ailleurs éprouvés par une disette qui avait niii A ses efforts. 11 se retourna rageusement vers 13Afrique: li du moins il saurait se vengei', peiisait-il, du traitrc roi de Tlemcen qui n'avait cessé d'etre fidi-le h I'al- liance castillane depuis 1291. C'est ainsi que les grandes offensives nidrinides qui se déclinlii&reiit chaque anné A partir de 1296 contre Tlemceii sont exactement la contre- partie et en qiielque sorte la revanche de la prise de Tsrifa par les Cas- tillans. La Iiitte eii Europe s'assoiipit en effet. Abou-Yo~ikoub, tiiimilié s'en désinteresse. Snncho IV continue 3 liarceler les Grenadins et veut les punir de leur trahisun de 1?93 : il pripare une exp6dition contre Algéciras s49; mais il meurt des avril 1295 ; et l'avenenient de son fils de 9 ans Fev~a?i- -do IV freine automatiquement la politique castillarie. Jairne 11, Iiii, se consacre de plus eii plus aux efforts diplomatiques tant a Grenade qu'aii Maroc et intrigue avec les nobles castillans rivoltés coiitre la reine-niere l'hnergique Maria de Molina. 1in 1296, il s'allie ouvertement avec Moha- med 11 de Grenade "" et remet en avant les droits au troiie de 1'Infaiit Al- fonso de la Cerda, le cousiri du jeune Fern,ra?tdo IV; il sert d'iiiterniédisire ,entre le roi de Grenade et ce prétendu coi Don Alfonso "". Le vieil Infant Don Enrique l'aveiiturcui fils de SaniFernnndo, toujours pr6t A servir des intérets niusulrnans s'effoice en 1297 de persuader les Cortes de Castille qu'il faut abandonner Tarifa '*'. Et il faut toute l'énergie de Mari.e.de hlolba pour que la place si clibrement acquise et défeiidue ne soit pas .évacuée! En F,spagne, tout travaille donc indi~ectementen faveur dlAbou-Yoii- koub; et c'est sans inquiétude européenne que celui-ci peut se venger d'otliman de Tlemcen, le trop fidele allié de Snnch.0 IV. Par le premier raid qu'il aoait lancé contre Tlemceii en 1290, Abou- Youkcub n'avait en somme voulu que donner un avertissernent aux Zei- yanides dans le style de ceiix de 1250, 1271 et 1281-82. Mais puisqiie ses voisins n'avaient pas voulu I'entendre et qu'ils étaieiit dans une certaine mesure respoiis.ables de sa douhle défaite de Tarifa (1291-92 et 1294), il était cette fois décidé A les eiterminer : il s'agissait de détruire eiifin ce royaume zeipanide. 'hois offensives, en 1296, 1297 et. 1298 furent la préfaoe violente d'un des plus grands efforts guerriers realisés dnns I'A- frique du Nord médiévnle: en 1299, iine nouvelle offeiisive mérinide niar- qua le début du grand siege de Tleniceii qui dura 8 ans et qui ne se ter- mina que par l'effet du h~sard: plr I'assassinat d'Aboi1-Youkoub en 1307. La capitnle du royaume fut seude h tenir tete aiix Mérinides. Ceux-ci de- vinrent les mattres de tout le reste du pays Zeiynnide et ils s'installkrent

id2 M. Gaibt.ois, op. cit., 11, pp. 851 SO. Sur Oitelques .victoirrs greria

#si. ~al'lin.lbl>-Klial~100o00,trad. cit., 1, D. 170 348. Bcn~viil6~.O". cit.. 11. 124. 81D. lbid. 350. Pévricr et oetobre 130": pourparlers de triiti; entre Aragon et Grcnade (Renavid4e, OD. cit., 11, 205 SU.; Ca~innny, Xonorias.., IV, p. 25). Traité d'iivril 1301 (Benavidfs 11, 25% SO.). Traita. de janvier 130i (Doci~n~e7itos. 80 S".). 62 CHARLES-EhIDIANUEL DUFOURCQ

tiqiie en 1304 de sa uCour en la vil!e bénie de Slemcen-la-neiivex : il coni- prend que la réconciliation Castille-Grenade ne peut se faire qii'h ses dépens et que la guerre menace h noiivenii ses villes marocaines du détroit. Au printemps 1304, il niet en coiitact dans sa ville assiégeante les am- bassadeurs aragonsis conduits par.uii secrétaire du IRoi, Francis Despin '", et les ambassadeurs de Mobamed 111; il veut les réconcilier et il les fait ainsi signer une treve, a cl'lemcen-la-neuven '". 11 se rend compte maintenaiit qu'il n'aurait pas díi faire sourde oreille aux propositions qiie Jaime 11 liii £aisait depuis quelques amées, et le 14 juin 1304 il lui bcrit donc pour lui faire savoir que 1.000 ou 2.000 cava- Lers marocains seront toujours & sa disposition contre la Castille "'. C'est une lettre symbolijue. Mais cette attitude mérinide est trop tardive! A peine ce message parti, Abou-Youkoub al~prendque Jaime TI, qui se seii- tait isolé du fait de la défeclioii grenadirie, a entrepris des négociations de paix aaec Grenade et Castilie. Le dépit et l'inquiétude dureiit &re grands en la coiir mérinide de Tlemceii au lonpde ces jourii6es de la mi-juin 1304 : des le 23 jui~i,le Khalife faisant contre marivaise fortiiiie bon coeur écririt h iiouveau h Jniw~e11 afin que celui-ci tentat d'obteiiir'dc Mohamed 111 un accord véri- table et total critre le Maroc et le royauine de Grenade : de sollicité, Abou-Youkoub était donc deveiiii demandeur; et Tlenicen n'était toujours pzs prise! La menace d'iine coalition gtnérale aiitimarocaine se précisa vite : Ceuta semble s'ktre révoltée des l'été de cette année 1304 contre l'autorité mé- rinide"'. Abou-Youkoiib demanda alors instarnmeiit h Jai-8 11 d'inter- venir en sa faveur; l'habile Aragonais ne coupa pas les ponts arrec le blérinide; pour le tranquilliser il lui écrivait qu'il ne ferait ancune paia dkfinitive avec la. Castille ni avec Grenade sans l'acord du Maroc. Aussi le Klialife sollicita-t-il I'aide de ia flotte catalane contre Ceuta, et iiu plus tot, navant les froidsu. 11 promit s'il obtenait cettc aide, de verser 5. Jaime 11 50.000 doublons d'or en cas de prise d'assaut de Ceuta, et 30.000 doublons en cas de capitulation de la ville avant I'assaut '". Dans toutes ces négotiations qiii démoritrent le grand intérkt que le Mérinide prenait alors a l'alliaiice aragonaise on discerne l'influence du clan Segui "O.

350. Ibiei~to~áral>es ..., DD. 168 sq. 360. Cf. supi.~,pp. 40-11 et iiutrc note 220. Si Le textr de la Pase 158 des Doczmleiitos drabea IcF. supra note 358) est bien de 1801 (a juillet), il est antéririir h I'at.t.ivea dc Bcrnardo Seguí sous les miirs de Tlemeeti, dan8 la ville mfrinide Tlemecn-la-neuvc. hluii nour EOmmrC L¡:S ESPAG~OLS t~ LE KOYAUME DE TLE~ICEN 63

La question de Cleuta passa alors au preniier plan de la politiqiie his- pano-africaine : cause de la résistance de Tlemcen aux Msrocains, le Mé- rinide ii'avait pas liu profiter de la faiblesse castillaiie conteniporaine de la minoritt de Ekaimndo KV; maintenant la situation était changée: la Castille alliée avec Grenade et 'en paix avec I'Aragon menagait le Maroe. Répétons-le encore : c'est grace a Tlemcen que Tarifa avait pu rester cas- tillane; et c'est a cause de Tlemcen que Ceuta risquait maintenant d'etre perdue par le Maroc.

LA COALITION CASTILLE-ARAOON-MAROCCONTRE GRENADF..- SES QUA- TRE ODJECTIFS : . CE~TA-GIBRALTAR-ALG~CII~AS-ALMERIA(1309). - Toute- fois, un brusque mnis logique nouveau renverse,ment des alliances allait sauver le Maroc. Pour les Ca.stillans, l'ennemi essentcel n'était ni le roi de Grenade ni le Khalife mérinide. C'était 1'Islam; et il s'agissait &e profiter des circonstances pour reconquérir les terres qi~'ildominait encore dans la péninsule. Deux facteurs joukrent alors contre Grenade: le resseiitiment de Jaime 11 qui ne pardonnait pas i Molianied 111 la paix castillino-grenadine de 1303 ; la .politique Seguin qui niaintenait envers et contre tout de bons rapports entre Aragon et Maroc. En 1306, lorsque Ceuta révoltée se donna aux Gr,enadiris 'y, Mdha- med 111 devint prop puissant aux yeux de ses voisins; Ceiita qui était le port marocain le plus fréquenté par les marchands européens de Francej d'Espagne set d'Italie ne pouvait &tre laissée par les Chrétiens aux mains du maitre d'Algéciras : le détroit aurait désormais été trop strictement controlé par lui. C'est sur ces entrefaites quYAbou-Youkoiib fut assassint sous les murs de Tlemcen (mai 1307). L'écrivain francais Henry Bordeaux a su exprimer en quelques mots le reteiitissement de cet ér.énement dans la ville assiigée: ~Soudainun tressaillement de joie parcourt. les ruesi A mesure que ise répand la nouvelle. .. Que s'était-il passé? Un décliain'ement de fanatkme? Un complot de li.arem? Probablement l'iin et l'autre. Le Sultan buvnit du vin en joyeuse compagni,e :il donnait A un Juif sa icon- fiance et son cellier. L'Empire, dit Ibn-Klialdoun, fut délivré d'une tache qui le souillaitn S6J. En fait ce fiit Tlemcen surtout qui fut délivrée d'un cau- dhemar. Une crise intestine déchira alors la famille mérinide: les princes qui prétendaient A l'héritige s'entre-tuhent. Finalement ce fut un petit- fils d'Abou-Youkoub qui fut proclamé Klialife : Abou-Thabit "". 11 s'em- visiment portk B penser quc ce terte daté de la04 est ~iutatde 1300. Le mois dc juillet la08 seiiible bien Mue celui des inguiCtudes d'hbou-Yoiikoub aiii. Ceuta, s'il Eaut croire Que ~OUSdutons aussi avfc rairon dc 1300 I:i lettrr de B. Semi datee d'un 8 juillct que Conellas dit etre (h tort EEIO~,,OUS) le 8 j~i~iet1309. ce. p. 40, ,mte 920. b~ereier (11 pp. z43-2&<1 ne dntc P;~S1; rbvalte de Ceuta cuntre les M6i.inides. 301. Le iz msi iam (Cf Baiieitcros. 111, D. 135; GimOicz soler, Don Jtu~zManuel, Zara- ~oza,1882, p. 673; Lafuente, Hiatoria de Groitudn, 12aiis, 1862, 1, p. 330: Concllas, op. cit., p. 171. a02. Cf. ~upm,p. 14; et ~ai-Latiie.TraitCs et doczwnirits concov~iovitlea velotia>is des GhrC tisns nvec les Avabes de 1'Afriptie septnittioiiolc, Pat.is, 1800, Intmdudion, p. 71: il y avoit B Ceuta trois iondouklis importaiits, Le r6nitien. le eatslaii ct Le muisiilliiis. 86o. Henry ~ordeaun,Le V~SOII~dt~ nrwoc, I'B~~s,1015, p. 70. aaJ. Ci. En-Nugiiairi, Histwia de los Mziat~lnianea de Espa(ia U Ahico, tt.nd. en esyiagnal par hl. Gaspar Reniiro, , 181s. 11. p. 950-261. pressa de lev,er le sikge de Slemcen car il avait i fair; ieconnaltre son aiitorit4. par les provinces niarocaines. Le roi zeiyanide Abou-'Zayan en profita pour vite reco~i<~iiéi.ii.son royaume: des 1307-08 toutes les tribus de 1'Algérie accidentale et centxsle revinrent dans son obédience. Cette modiíication des affaiies algéro-marocaines eut son imniédiate ré- peiciission sur les bords du dktroit. Les dernikres Iiésitatioiis castillanes envers les Mérinides furent dissipées: le Maroc abandonnant nerncen et déchiré par l'anarchie sous ,ie regne d'un jeune prince n'était vraiment plus du tout d.angereux : on pouvait s'allier ilui contre Grenade "' '''. Des mai 1308, I'infatigable Herriardo Segui ~artiten Arsgon pour iié- gocier au nam d'Abou-iliabit l'accord dont la nécessití. avait déji ktt vue par Abou-Youkoub en 1306 ou dme en 1304 3'1. hu meme moment, le Khalife mCrinide - fidile it la tradition de bitisseur de so11 grand-pkre Abou-Youkoub - fonda la ville de Tétouan, 1'org.snisant en base de dé- part contfie Ceuta En décembre de cette ni2me année 1308, flevtqanda IV et Jaime 11 si- gnkrent 2 Alcala de Heriares leur trait¿ d'alliance offensive contre Gre. nad,e; il y était décidé que la guerre 'fommeiicerait pour la Saiiit-Jeeii 1809: lesAragonais auraient come premier objectif la ville dlAlnieria; les Gstillans, celle d'Algéciras et secoridairement Gibraltar. En cas de destruction complete du royaume de Greiiade, I'Aragon aurait comnie part environ un sixikme de son territoire, peu pris nle roysume d'Alme- 'rian 3G'. Des ce mois de décembre 1308 l'alliance avec le Maroc fut décidée puisque le jour meme de-la signature du trsitE dlAlcala de Hénarés, Fer- nando IV donna pouvoir A Jaiwue II pour concerter en son iiom un accord avec le Elialife mérinide contre le Roi de Grenade. Aboti-Thahit neiiait de mourii.: les négociatioiis s'entamerent done arec son frkre et successeur AbouARebbi-Soliman '"'. Les alliés Castillans et Aragonais commerickreiit leurs prépsratifs des janvier, la09 '". Ils réussirent A obtenir du Pape Clément V un Bref dé- clarant cette guerre contre Grenade : rrGroisade contre l3Infid6le», ce qiii permit de lever des impots spéciaux et de faire bénéficier d'une indiilgence plénikre les soldats participnnt la lutte 370. En ~ollicitantcette décision pontificale, 1'lEveque de Lérida dissimiils au Pape le r6le que les Maro-

aer bis. Jusoiic dan$ lea ~iiemicrsmois rle I'nriii6c lsoa, la Cnstille esraga dc bciiier les plnns niagoiiais d'attaaiie eontie Grrnade: i rlffaut d'aulres aipumeiits, elle ramclnit que le Roi de Grriiiide ftait son vassnl: et cc fut seulemeiit h la fiii de 1808 ou'elli adniit le ~ilrib srago- noir eontre Cealii. (Cf. Cspmsny, iUorrio6ria ..., 111, v. 2011. 315. Doci~iriintasbrabea .., p. 162 et Benavirlés, 11, p. 282. Cf. Suora.~~. D. 62. iiotes 358 et 864. 366. ~i~~~cstuos,111, p. 1a5. 3117. Canellas. op. cit., ti. 17; Benai'idCi, "p. cit., 1, vli. 217 so. ct 11, v. 621 (Cf. Ziiritn. 1. UD.. . 451-(331. 308. Binnuides. 11. D. 623. Sur les ii@oeialions entre Abou-Rehlii et Jniwic 11, el. Al. Gaspar Reniiro, El negocio de Ceiito entra Joime 11 y Ahi~rebhia Solnia~an Stiltda de Por coiit~o Molm7ned 111 de Granada, Gi;iriuila. 192s. Ahau~Rehbiavnit 17 ons a son nv8iiement (en-Nu- Guairi. trad. cit., 11, D. 253!. RGu. Cuz~ellas,oy. cit., y. 17 (CI. Ziirits. 1, D. 43:li. 370. Bcnavid4s, "v. Cit.. 11, p. 250. LES ESPAGNOLS ET LE ROYAUME DE TLEAlCEN 65 cains étlient appelés a jouer dans la ioalition et lui dit tout au contraice qu'ils étaient alliés des Greiiadins "'. En réalité ceux-ci n'avaient pour alliés indirects que les Zeiyanides. Mais cei~x-cine poiivaient I$ur 8tre d'aucune iitilit6: ils étaient trop occu- pés réinsstallei. leur autorit,é en Algérie centrale pour poiivoir prendre a revers les Marocaiiis. La diplomatie aragoiiaise agissait d'ailleurs en Algkrie en faveur do Maroc: en mai 1309 un trait6 fut conclu entre le Roi de Bougic et Jai& 71; celui-ci donnait son aide nivale au Hafside pour l'aider r+rimer une révolte d'Alger qui venait de se proclamer république indé- pendante et que les Zei~anidessoutenaient "'. Ce fut en ce mame mois de mai 1309 - le 3 - que l'alliince de 1'Ara- gon et du Maroc fut niise an point : les instructions de Jainw 11 en fixant les conditions sont pmtérieures de dix jours au Bref pontifical décrétant qne la guerre contre Grenade était une Croisade! L'habile ilragonais avait bien sil tout mener de front! Cette alliance a souvcnt Eté étiidiée et fort bien. 11 nous suffit d'en rappeler ici les cnractéristiqoes essentielles : Elle fut négociée au noin de 1'Aragon et de la Castilli 3'3 par le Vi- comte Gaspert de C.aetellnou, amiral d'ilragoii envo* avec une flotte de 16 g~leres"'", en sub~stitritiondu premier négociateur désigné, le Chevalier Artal Dador (0x1 Deqlor) que les galeres greiiadines, ?naCbiesses du détroit airaient enip2clié de p,ssser d'Espagne au hlaroc '''. Elle fut conclue coiitre tons les souverains maures enne~nisdi1 416% nide et en particulier contre le Roi de Grenade '". La clause générale visait esseiitiellenient le Roi de Tlemcen, bien mal r6conipensB ainsi d'avoir été le £id& allié de Sa?zcho IV et l'obstiné adversairc du dangereux Abou- Youkoiib ! L'Aragon fournirait au hlaroc un corps de 1:000 cavaliers et un ccr- tain nombre de galeres louées par le ICtiinlife au prix de 2.000 doublons d'or chaciine : si elles resttiient plus de quatre mois aii service du Maroc, au déliiit de clisque norivelle période de qiiatre mois, le IIbalife payerait la somine de 1.000 doublons par galere 3". La flotte arrivant avec Castellnoii agirait en accord avec la flotte ma- rocaine.

371. I'iitke, 00. cit., 11, D. 794. 372. LB rúv~lte

LES ESPACSOLS ET LE KOYAU~II: nE TLEMC~N 67

La coalitioii hit di,sloquée: des le 1."' octobre 1300, Abou-Rebbi écri- vit a Jvlinue II pour s'indigner que le Vicomte de Castellnou eht atteqiié Algéciras en quittant les c6tes niarocaines 11 osait affirmer sur un ton beiioit que cette agression violait la paix qu'il fallait respecter vis-a-vis de Gren.ade niaintcnarit que Ceiita était prise. Et il en profita pour déclarei* qu'en conséquence il iie vtrserait pas h 1'Aragoii les sommes promises comme conipeiisation au butiri de Ceuta. Les efforls des Castiilans et des Aragonais contre Grenade contii1u2rent cepeiidant ; l'entente i vrai.dire ne fut pas toujours parfaite entre les coa- lisés: en septeinbre, Ficrnav~do IV se plaignit que 1'Aragon ne flt croiser au long des cates que 10 galkres et 5 lelios; mais Jaim): II répondit que c'était 1; ce qu'il s'était engagé A fournir et qu'il avait hesoin ailleurs de ses autres bateaux De fait, il semble qu'il ait ilors continué h enlouer pour des motifs fiiianciers et au MIrinide et aii Hafside de Bougie toujours en lutte coritre le Zeiganide. Enfin les Castillans obtinrent malgié tout une belle et retentissante victoire : en octobre, ils prirent Gibraltar dont plus dc 1.000 hahitants demanderent a partir ponr I'Afrique lors de la capitiilation, afin de ne pas devenir sujets d'iiii roi chrétien'". Castellnoii et sa flotte catnlane particip2i.ent h cette victoire. Cihr~ltaravait alors nloins d'iinportnnce qu' Algéciras; ce n'en était pas moins une position fort titile. Elle allait rester castillane pendant un quart de siecle "O. Malheureusenient, les choses n'allerent pas si bien ni ii Algéciras ni i Almeria '" : en septembre, I'héroi'que Pérez de Guzmin avait &té tué sous les niurs d2Algéciras '"; en noíit, devaiit Almeria, Jaime 11 avait reni- porté un brillant siiccks, mais il n'avait pas été décisif '". En octobre, aii nlonient de 13 prise de Gibraltar, on put croire que la solidarité castillano-aragonaise allait &re renforcée: IJeiernnndo IV nomma l'amiral nrngoiinix Castellnou Coinrnaiidant en chef de la flotte du détroit et meme a,ulinirmte nmyuv de la mi» "*; Jain3.e 11 s'en réjoiiit. Mais cela n'enlp&cha pas les Castillans d'entamer des négociations avec Greimde : en novemhre, 17e1.11.rntdoIF leva le siege. d3Algéciras et signa la paix avec Grenade moyennant la cession par le Grenadin de qiielques villes frontieres

888. Brnnvidés, 01,. cit., 11. DI>. 681482. 8Sg. Ibid., 1. u. ?lo. 890. Cf. iilrro, IID: no-ul. Siir relte plise di Gibrnltni- "uc bcnueoup d'liistoires générales uasscnt soiis silence, ef. Canellas. ou. cit.. p. 10 et Bennvidfs, ou. cit., 1, p. 2ah-ct 11, pp. 188.710; dc Jcrcz. Fecrisndo IV conceda B Gibrultnr en date du al ionvier l5lu les plus Largues fisnehises poasiblcs tant en Eaveur de sea habitante qu'm foveiir de tour eew, chrdtirrrs, mi~sulmonsou ii~dsniki Y annoitirniint des vivrcs. TOUS Ics malfniteurs musulmans qui se réfugicraient dan3 Gibraltar ieraient parrlonn4s au bout d'un sn et un jour de rr'sidenec ct do bonne eor~duitc «o~llioorni tmydor que di6 cnstillo colitro su sedor, qliebrontd tregua 6 nos de ?ay, 6 leva ~nujerde su seno?, 6 foc~el ~naleficio eli la niirnio i;illnn (Cf. L6pea de Ayah. Historiii de Ctibroltiir, Miirlrid, 1792 IAp. 1.01. 391. CL Canellas, op. cit., UD. 18 sq.; Gini6nea Soler: El aitio de Alrne~i

iG31 68 CHARLES-EMMANUEL DUFOURCQ insignifinntes. En janvier suivnnt, Jaime 11 diit lever a son tour le siega d'Almeria et signer la paix avec le roi Nasar "'. Somme toute, la grande coalition de 1809 n'svait vraiment rapporté qu'au Mériiiide : il y avait gag,né Ceuta et indirectement Algéciras. L'acquisition de Gibraltar par la Castillc ne maintenait qu'i peine l'éqnilibre. Dans la Cour Pontificale, le mécontentement fiit grarid : I'enuoyé cle Jaime 11 Vidal de Vilanova essii- ya la colkie du Pape qni troiirnit qiie les déciines percus pour la «'Croisade>i contre Grenade avaieiit éti. vraiment bien mal eniployés et qui ne voulait plus s'intéresser i nla flotte du détroit~dont Les Espagnols lui disaient I'impérieuse iiécessiti. "O. Soute cette lliistoire de la coalitioii antigrenadine de 1309 nous a éloi- pné quelque peu de la question des relations hispaiio-tleniceiiiei~nes; mais cela rioils a perniis. de mieiix voir l'ensenible du pr«blSme Iiispano-africain; la recoiinaissance n'eriste pams en politiqiie: l'obstinée résistanie antima- rocaine des Tleniceniens avait seuvé la Castille lors de la niinorité de E'er- waoi

LA GUERRE ESPAGWOLE COFCHI? TLEMCEWA PHOPOS D'ALGER(1315). - , Malgré I'affaire de Centa et la volte-face des hlirinides eii faveur de Gre- nade, la apolitique Segui» subsista D'ailleurs, en 1310 le jeune et en- treprenant Khalife mérinide Abou-Rebbi nionrut et le tr8ne marocain fut des lors occupé par un de ses oncles, fils d'Abou-Youkoiib: le Klilife Aboii-Said (1810-1331) un fin IettrÉ miisiilman. Peu avant la mort d3AbouT IRebbi et dsiis les premiers niois du rigiie d'Ahoii-Said, une révolte anti- dyna-stique souteniie par la Milice cast.illane du Maruc ''O aiirait peiit-Etre permis aiix Chrétieiis de s'emparer enfin J'Algéciras. En s'oppos.int i cette combinaison, Jaime 11 agit comme s'il était convaincii que le péril niéri- nide n'btliit Das prPs de renaitre : il voiiliit le maintien de la paix avec le Maroc. Ahoii-Said serrlble d'ailleurs avoir été un soiiverain pacifique et i.1 n'aida que iiiollenient ses alliés Grenadiiis dans les gtierres que ceux-ci sou- tinrent par 2-coups contre In Castille durant son rPgne. Les Castillans, conscients de lcur irolement se contentaieiit de garder une politiqiie dÉfen- sive; ils conservaient une sflotte dii détroitn pour assiirer La .protection de

89:. Ibiil., 1, u. 228 ct 11, D. 707. 880. Ihid., 11, e. 112; Fiiike, ov. cit., 11. UD. 178, 175 sq. 291. CI. sunrn, v. 52. a%. C1. suvra, DV. 40 S". et 63. 399. Cl. XiiDra, 11. 41.

1641 Tarifa et de Gibraltar 'O0, n~aisle niaiiqiie d'entliousiasnie des villes castil- Iaiies du Nord pour fournir cet effort maritime contre les Muures "l. et -plus eiicore- les nour7eaux troiib,les que travcrsu la Castillc i la suite de la mort de i?ern.rmzdo 11' (1313) et de I'avenement d'un eiifarit d'un an, Alfonfio XI, torit coiitribua i fairb régner une paix relative sur les rives du détroit: une offensive chrétienne i peiiie conriue contre Algéciras, en 1315, fut iin épisode iiisignifiaiit "02 L'Aragoii restait en bons termes avec Grenade 'Oa et était. sati.dait de toiicllier cliaqiie aniiée pendaiit sept ans eonsécutifs (de 1310 3 1517) la somnie de 3.000 doiiblons d'oi en applici- tion des traitcs qui. avaient suivi la fin des sieges d3Algériras et d'Alrneria (en 1309-10) 404. l'endant ce teinps, les craintei que les Slemceniens avaient pu juste- nient coiicevoir dars de la pise de Ceuta pai les Mar~ai~is(1309) et dn fait de la consolidatioi~'du poiivoir niérinide .iu Mnroc, se réi:él&rent des appréhensions sans fondenieiit. Aliou-Said, le Mérinide était un pxince écliiré et pacifiqiie. Aboii-Hammou Te' (1308-13110, le z#eijranide l'ttait yareillement. 11 y eut certes des incideiils, de temps en temps: l'un d'eux aboutit meme 2 une coilrte gtierre entre Maroc et Tlemcen en 1314 'O5 car Aboii-Han~mou avait cru alors devoir donner asile i un révolté, propre frere d'Abou-SaTd, Yaiaicli ben Yousof. 1.e Klialife mériiiide se contenta de faire un raid contre Oudjda piiis il se replia vers le Maroc. Quant i Abou- Hanlmou qui eut le constant souci d'ttre fidile au utestament d'Yagmo- racen>i, il n',sttaqua janiais ses puissants voisins de 1'0uist. A la bouillonnante &que du siege de 'llemcen (1299-1307) et de la grande coalition de la Castille, de I'Aragon et du Maroc contre Grenade (1308.1309) succéda doiic un temps de calme: toiis les aiiciens antago- nistes, peut-ftre fatigiiés par de trop grands efforts, se r6concilibrent au moins A-demi et se lai'ssirent aller i nri certain assonpissement. Mais par iin ciirieux pnradoxe, ce temps de paix fiit brusquement dé- cbiré par iine petite giieiie que rien dans les événements colossaux anté- rieurs iie pouvait laisser ~jrtivoir: une giierre de la Castille et de I'Aragon contre le royaunic de Tleiccen ! La fidélité d'Aboii-Hammou Iex au ctestament ,d'Yagmor.iceria avait comnie corollaire une politique agressive des Zeioanides vers I'Est. Le roi .Othinaii de Tlemcen arait pou'ssé A In créatioii d'un royaume de Bougie iridépendant du Khalife de Tunis "On, afin d'affaiblir la puissance bafside. Par la siiite dks 1287, il n'avait pas hésité ?I attaquer ce royaume bou- giote "'. Dis que la grande guerre contre les Mérinides (1290-1307) fut benninée, en réinstall~ritleiir autorit,é sur I'Algérie centrale, les Tlemce-

400. Benarirlfs, op. cit.. 11, U. 882. 401. Eri roiit 1811, h la requete de Snint-SEbost,irii. %r;rtioiidu IV di$pei>sn cette fou~iiirdes narircr eontre les Moiii-es (¡bid., 11, p. 818). 402. En-Niigiiairi, tiud. cit., 11, p. '218. 400. Doci~ntentas 6?al>es.... m. in, 23, ete. bhl. Cf. Ucnuridr's, Op. cit., 11, Ii. 760.

405... Inl'l~a-Ihn-Khaldolln.~ trae cit. 1.~ n 17s. 400. cf. supca, P: 54 (ci. B.H.A.M.L.B.,XIX, 11~0,pp. 11.1~). 47. Cf. suora, p. 50. niens harcelirent nouoeau les Bougiotes et ils aidirent la révolte d'Alger contre les Hafsides "O,'. NOUSavons dé$ dit comaent Jaime II fut amené ainsi -dis 1309- i enooyer des galeres i Jalid 1'' de Bongie pour l'aider a lutter contre les Tlemceriicns. C'est li l'origine de la giierre qui éclata b'ientot aprks entre Aragon et 'Uemcen. En 1310, les armées iíeiyanides pousserent iin raid audacieux jusque soiis les murs de Bougie. La capitsle résista, mais cette audace était signi- ficative. Des 1512, Abou-Hammou IeT entendit annexer A ses états la pe- tite république indépendante d'Algei qu'il avait jiisqu'alors protégée contre le Roi de Bougie: ponr mieux la protéger, il fallait l'annexer; le clief al- gérois Ibn-Allan ne I'entendit pas de cette oreille et ce fut donc par la force que les Vemceniens entrerent B Alger en 1312 leur srmée était alors commnndée par un général Mosamih qui était yraisemblabiement iin Espapiol renégat ou fils de renégat "O : c'est la premiere fois que nous rencontrons ainsi en pleine action I'un des chefs du clan qui joua un si grand role & Tlemceii dans les années suivantes, autour du vizir le Catalan Hila1 "'. Dis cette ann6e 1312, Jbime II s'engagea dans la voie de la guerre. contre Tlemcen, suite logique des év4nements de 1309. Peu Lui iniportait la prise d'Alger par les Zeiyanides. C'est bien plut6t sa politique fiscale qiii psrait ll.svoir décidé a cette petite aventure: il était sans cesse i cours d'argent ; il en réclaniait de toiis &es, jusqu'en. Angleterre 'lZ,; aussi vo- yiiit-il d'un assez bon oeil et les possibilités de développement de la guerre de coiirse contre les Nord-Africains en géiiéral "'" et les demandes haf- sides de location de galhres "". En 1312 il proclama donc la gnerre de course contre tous les pays niusu'lmans autres que Grenade "'; di1 fait des boniies relations qu'il avait alors avec les 1-Iafsides et Les Mérinides, il est ficile Je déduire que cette décision de principe -qui ne pour.ait que plaire I'Eglise- était en fait une déclaration de guerre & Tlemceii. Les Hafsides étaient prets 5 payer un boii prix l'alliance ar,agonaise "', et c'était cela quicomplai~iti Jaime II. Ils étaient sérieusement nienacés en effet : en 1312 apres avoir pris Alger, Mosamih s'empara de IDellp (Te- delis); en 1313 il lan~3iin raid contre Boiigie et s'installa i Zeffoiin i guelques Milometres i l'ouest de la capitale liafside, dpns une excellente po- sition retrancliSe. Le 1 janvier 1314 un traité fiit conclu entre Abou-Bekr de Bougie et Jai~n'cII "' et I'année .siiivante, une flottc aragonaise équi- p6e dans les ports de Barcelone et de Valence et en partie soldée par les municipalités Ile ces villes, battit la flotte seiganide su large des c6tes

CI. SullrR. D. 05. Mar-Lnlrie, op. cit., p. 322 Cf. infva, VD. 75 S". Cf. SUDrB, D. *L. Bcnauitlé3, 11, p. '620. B.R.A.B.L.B., XIX, 1340, p. 60. Ibid.. IID. 81~82. Ibid., p. 60. Ibid.. PP. 8M2. Ibid., v. 85; hlae-Latrie, OD. cit., Cit., LES ESPAGROLS ET LE ROPAUME DE TLEMCEN 71 tleniceniennes: une lletite flotte castillane agit en liaison avec les Cata- lans, sans doiite & 1,s requete de J&nw ZZ qui dut faire jouer I'argument de la ~Croiszdeuet de la solidarité chrétienne contre les Maures. Cette aide doniiée par la Castille contre sa vieille alliée Tlemcen n'en est pas moins parndoxale et ne peut s'expliquer que par l'anarchie dsns laquelle se dé- battait alors le royaume du petit Alfmiso XI "". Cette intervention espagnole ne fut pas décisive mais elle fut impor- tante : su meme moment, la flotte et les arniées d'Abou-Bekr s'emparerent. di1 camp retrsnché de Zeffoun, et la vallée du Cbelif 'la se rkvolta contre Abou-Hammou "O. Certes, l'année siiivante, les 'Zeiyanides lmcerent en- core une offerisive c~ntreBougie et contre Constantine; mais ce fut sans résultat : les Tlemceniens n'ainaient plus de flotte; les Hafsides étaient saiivés. Cette curieuse et intempestive guerre menée mntre Tlemceii par J&- TeII fut iine affaire m,aladroite' et sansaucun intéret. Avec la nervosité qui s'empnrnit parfois de lni quand son apreté financiere jouait, le Roi d'Aragon avait en effet brusqué les choses: le trait.4 de 1314 qu'il avait signé avec Bougie aoait &té un accord général, mais les stipulations pré+ cises siir la lowtion de galeres n'avaieiit pas encore été arrttkes quand la flotte catalane détruisit celle d'Ahou-Hammou le'. Aussi wec une miu- vahe foi rappeinnt celle qu'avait montrée le Ivlérinide Abou-Rebbi dan's I'affaire de Ceuta, le Hafside Abou-Bekr au lendemain de la victoire com- mune sur les Tlemceniens se refusa 3bsolument a payer les 12.000 doublms d'or réclamés par Jaime 11 conime prix de l'équipement de sa flotte. Le Roi de Bougie prétendit en effet que cette flotte ne lui avait pas été loiiée et qii'elle s'Aait lorgement payée par le butin qu'elle avait fait aux dépens de l'escadre zeiyanide Jaime II n'avait vraime'nt p,as de chance! Dans cette guerre de 1315.il fnt dupe des Bougiobes, comme il l'av,ait été des Marocains dans celle de '1809. Les événements semblaient prendre un malin plaisir i lui reproeher d'oublier que Tlemcen était l'alliée naturelle des ropaumes chrétiens d'Espagne. Le coté pirate de cette guerre de 1315 est d'ailleurs parfaitement mis en luniiere per iin curicux doeument qui prour7e de quelle maniere les Cas- tillnns et les Aragonais ligiiés contre 'Ilemcen entendaient leur alliance : Ce documeiit est une longue lettre adressée en novembre 1315 par les mngistrats de Bzweloiie a ceux de Sév(lle, au sujet de la rkpartition de prisonniers maures faits au cours des opérations contre Tlemcen. On y -- 418. Siir eetic gucrie de 181~. cf. Mas-Lstl.ie, au. cit.. a~.322323; Caumany, Memonas. ... 1, a, p. 83; Gaiela Figiieras: "P. cit., D. 00; sur les iind>ts PtnbliE h Barceloiie Daur l'équipe. ment de celte flotte. eL Cn~mnnv... iVcmnvias.... 11.'~~.1T et SO. 419. Cf. FUIITR, DP 82~83. 420. Yal'ha-lbn-l Bsrthomeu Mathoses. 11 ressort dii texte que ces deux flottes, conformément A la décision pioclamEe par Jni- irte II en 1312, faisaient nla guerre de coursen contre <en- dant vingt jousn. La participationcastillane aux hostiliths contre Tlemcen ne dut d'ailleurs pas se réduire cet. épisode. En tout cas, dursnt ces vingt jours d'e coopbation des trois flottes espagnoles, fut captiué un navire appartenant h un frere du roi Abou-Hain,n~ou (appelé le roi rBofamou). Ce prince zeiyanide s'eiifuit dii bateau sur une petite barque quand il vit approdier la flotte chrétienne et il ,alla se réfugier sur la c6te africii'ne. Quant au patron de ce bateau tlemcenien, il ftit foit prisonnier avec tous les autres Miisnlmaiis restés A bord. Mais uoila que lors de l'interrogatoire que dirigkrent les Chrétiens, on se rendit compte que plusieiirs de ces prisonniers étaient sujets dii Roi de Hougie ou de celiii de Tunis, «done alliés des Catalsns~.L'Amiral castjllan prétendit que tous ces Bongiotzs et 'l'nnisiens que les Capitaines de Jaime II ne pouvaient feire prisonniers, lui fussent att.ribués et Que l'on partageit les douae Musulmans restaiit en trois parts, l'une pour les Earcelonais, l'autre pour les Valenciens, la troi- sieme pour les Sévillans. Bien entendu les capitaines aragonais ne I'enten- dirent pas ainsi et déciderent au contraire que les Miisiilma~isde ce bateau étaot tous au iervice du frere d'Abou-Hamniou devaient tous Etre consi- d&4s comme leurs ennemis et qu'il fallait faire trois parts égales, ce qrii n'einpecherait pss l'Aragon de restituer par la suite aux Rois de Bougie et de Tiinis, ceux des Maiires qui déniontreraient etre sujets de ces priiices. Une fois la pri,se faite, la disciission fut contin~iéeentre les trois villes intéressées, ce qni noas démontre que Séville, ses clizntiers, sa municipa- lité et ses marins jouaient dans le royatime de Castille un r6le assez ana- Iogue A celui que jouaient dans le royaume d'Aragon des villes comme Barcelone et Valerice "'^. 11 est & remarquer que la loiigue lettre ob les Magis- tixts de Barcelone résument cette affaire pour dire leur point de vue A ceiix de Séville ne donne pas la liste nominative de ses signataires : est-ce parce que le premier d'entre eux est précisément le Capitaine IRamón Ricart que

423. Cf. notrc note 422: il cst vraisembioblc qu'il s'agit de ee Rnm6n Ricart qui quelquo temes ~lustai- h Bougie. Ce deti~iltend A dlinontrer le i.i>le.~ir&daminsni que jouaieiil rlnns la ialitiqilc cntslanc ccs ocseitainesr dci flottes. 421. Cf. 9L1D13, 1'. 111. J.ES ESPACNOLS ET LE ROYAUMF: DC. I'LEMCCX 73 la lettre qiialifie d'eliloni bo7~é de bon e?ibe?ai?nient» et sur le témoignage duque1 repose toute I'argumentation Liarceloiiaise. Les Catalans préféraient me pas faire remarques aux Sé~rillansque la MUnicipalité barcelonaise qui 's'erigeait en arbitre étnit précisément pr6sidée par le "Capitairiez rliii était partie dans la discussion *'". Un ér~isodraussi curieiix que celui-ci déniontre que I'entreprise contre Tlemcen fut esaentiellement une affaire de course, donc une affaire finan- 49' tout conime I'alliance conclue an meme moment avec le Hafside de Bougie. Evidemment, de telles préocupations éloignaient les Chrétiens di1 grnrid probleme qui restait du détroit. Afais Jaime II fidele 3 la poli- tique Seguí, en han's termes avec Grenade et le Maroc, se désintéressait désormais de cette question tandis que la Castille déchirée psr les discordes menait iine guerre lente, désordonnée et coupée de treves conire ses uoi- sins musulmaiis *'' : aux alentours de 1315, la politique des Qilirétiens es- pagnols était donc loin d'avoir des objectifs aussi definis et irnportants qu'aus alentoiirs de 1309. Par lassitude et pour de mesquiiis motifs fiiian- oiers, elle put aiiisi clioir dans une aventure aussi insignifiante et incolié- rente que la guerre de 1315 contre Tlemcen. Depuis la prise de Tarifa (oct. 1292) et celle de Gihxaltar (oct. 1308), la recmquisto était arretée.

- - 425. Cettc I0n:"ue lettre "ue nouS venOnS de résumer est oublice dnns Ceomanv.. .. Mento rias.., 11, DD. 75 MI. 420. Peut-ttre fsiut-il aiissi pensei. rriic cettc polilioiie nntillrmeeriienne ht en partic dictee .par Ic reidelltim~nt aragonais contri les gens de lioncin, eirates invétérr'í (Cf. supro, p. 10) qui nraiciit ftC mPl¿s tiir eoniplot antimkriiiidc be Inlu~lail el qui svaient donc nui sinsi 9 la agalitiqiie Squin, avec ou sniis le roiisentiment du roi Abou-Hamniou (Cf. supi.a, pp. 61 et DO; selon Gim6iiiz Soler, e'est dan8 le port dc Hc~ni (Ilo~~ei~~,E~OIOD~-I~OUSJ que les coii- juras drniandhvent A la Csstillc d'eiiroyer ID sale re^ pour soutenir I'irisurrictioii cantre le Khalife Abou Soid: cf. ltcut~eHiavaniaue, X11, Iao5, pp. 812418). Et il fsut signaler cn nieme tim~s,comme autre motif semiid:iii-e vossible, la breve guerre de 1014 entre le Mnroc et Tlemecn (ef. siipra. D. 89). 427. CI. par exem~leun rapport sur I'aiinrchie eastillane envoy6 dc VaUa

Aux alentours de 1315, le snge roi Abou-Hammou 1'' était viaimeiit dans une situation paradoxsle: pacifique, il était ou avait été en gnerre avec les Mérinides et les I-Iafsides, les Castillaiis et les Aragoiiais. Aii temps de la grande coalition contre Grenade, il était resté fidile aux traditions de sppathie de sa dyiiistie puur les Musulmans d'Espagne, mais les Gre- nadins s'étaient i.éconciliés avec les Marocains et ne lui savaient plus ancun gré de sa noble attitude de 1300. Sa politique avait en somme échoiié; il se tronvait seul dans un monde d'adversaires. C'est dans ces conditions qu'il décida de se rapprocher de I'Aragon, sestaiit ainsi dans la ligne des hons rapport~traditionnels de sa race avec les Chrktiens d'lispagne : il n'avait jamais clierché 9 s'en écarter et ce n'était pss lui qui avait jet& les Elottes espagnoles contre la sienne! C'est lui pourtant qui eut la sagesse de faire le premié? pas dans Le sens de la iéconciliation: au milieu de 1318, il envoya Jaiww II une ambassade dirigCe par son alcaide Felipe de Mora dans le but de crenouer de boiines relations avec 1'Aragoni '". Jaime 11 accueillit d'autant mieux cette initiative qu'il songeait a changer de politique vis-A-vis de Grenade: le roi IsmaEl 1'' (1314-1925) y était en effet auñ prises avec une guer1.e cirile q'il était tmp bon politique pour négliger. 11 sut se rappeler alors que les Espagnols avaient sonvent profité de la haine des eipanides contre les Mérinides et il soumit done nur ambassadeurs d'Abou-Hamniou la dause politique suivinte: eii cas de guerre entre I'Aragon et Grenade, le Roi de Tlemcen interviendroit contre le Maxoc pour occuper et retenir en Afriqne les forces mérinides. Comme cuntre-partie, il ne proposait que le recrutement par le Zeipanide d'une compagiiie de cavalerie dnris les pays de .hCouronne dj'Aragon .'SU. Quelle suite Aboii-Hammou aurait-il donnée i ces projets de Jaime II? Quels remous ces pourpariers entrainkrent-ils A Tlemcen? On ne peut ré-

4'28. Ci. suprn, E. ;87. &Lo. Gimcnci Soler: CaboUelos esnoiiolcs en Africa (Reruc ~isgsnique,XII, 1006, DE. 822. 02s). Ci. nrctivcs da Iir Cozrrovino d2Avogo?i. R. 241. i, 280. 438. Cf. supra, E. 87. LES ESI'AGXOLS I?T LE ROYA1:ME DE TLEhICEN 75

pondre avec précision ; mais le certain est que le regne d'Aboii-Hanimou se terniina dramatiqiiemeiit au momeiit meme oii ces conversations venaienb de s'engager.

LE CLAN TI.EMCENIITNIIU CATALAN HII.ALET DES AUTRES HE~~CATSCHRÉ-' TIEXS. -En 1318, Abou-Hammou avait 52 ans. 11 avait siiccédé dix ans .aiiparavant a ,son fi.&re Abou-Zayan qui était mort de maladie prém~turé- ment. Fort soucieux de I'éducation de son fils alné et béritier présomptif, le prince Abou-Tasfin qui btait né en 1293, il lui avait donné un certain nombre d'eiclaves d'origine ehrétienne et, parmi eiix, un jeune CataLin né en captivité A Grenade et qui avait été envoyé comme présent au roi Othmaii -le pkre d7Abou-Hammou- par le roi Mohamed 11 de Grenade. On appelait ~Hilalnce garcon : vif, intelligent, il fut completement élevA avec son jeune maltre Abou-Tasfin -dont il avait 1'3ge; une solide amitié enfantine se forgea dans ces conditions, et qiiand Abou-Tasfin devint ado- lescent piiis homme, Hilal resta son favori '". Or, aux alentours de 1315, Abou-Hammou avait lui-meme comme con- fident et favori un de ses jeunes coiisins, le Prince Meisaoud; les chroni- queurs noiis disent qu'il avait une gmnde affection poiir lui et qu'il songeait mheA en faireasoii suocesseur : la chose était possible puisque M~essaoudappartenait A la famille zGyanide et que les rZgles de suecession oiit toujours été élastiques dans les dynasties miisulmanes. Sans dou'te ce Messaoud était-il ambitieux et espérait-il effectivement monter sur le trbne. Mais la coterie du prinee tiéritier veilleit ; elle ktait forinée, aux dires d'Yal'lia-lbii-Khaldoun, par des xhommes fort distinguksn "Qont Abder- Kihaman-Ibn-Khaldoun précise qu'ils avaient tous la ameme origine que Hilaln Par <&me origine», fa"<-il entendre qu'ils étlient tous d'ori-. giue catalnne ou plus généralement d'origine espagnole et cbrétienne? C'est cette deriiiere interprétation qui nous paralt la plus plausible. Ou les coiiiiaft tous sous lcurs ECU~Snoms arabes: Faradj Chaour, souvent ap- ~elésussi Chaq.uouru, Faradj ben Abdallsh, Mahdi ben 'l'agrart, Dafa* et un rMosamili le jeuiie,) que noiis siipposons &tre le fils du général Mosa- mili, le conquérant d-Algcr *3'. Les noms que portent certains de ces Iiommes aben Ahdallah>i, cben Tagrnrt~ne doivent pas faire illiision. Les textks gcnt formels: ils sont tous des renégats chrétiens; s'ils peuvent faire état dans leiir «titulatures d'un pkre a nom musiilman, c'est parce qiie leurs peres s'étaient déja convertis ii 1'Jslam; nous ssvons que ces aposta- sies étaient relativement fréquentes "'; le pkre de Hilal s'était ainsi trans- formé en iin bon Miisulfnan nommé rAbdallah» et son fils prenait soin de toujours se nommer «Hila1 ben Abdallahn.

431. Al>~ler-Rlirman-lbn-li11~1d~u~,tmd.

LE ROI Anou-S.ASFINLT SA COUR. - Le nouveau soui'erain avait 25' ans. II n'eut aucuiie difficulté ?I réaliser l'union de son peuple autour de son tr6ne niaculé de sang. Le principal géiiéral dlAbou-Hammou, Mosa- mili, se rallia auwitut: il était lui aiissi iin renégat, esclave affrandhi par le roi Abou-Zayan et nommé par eelui-ci des 1307 «goiiverneur de la vallée inférieure du Chélifu. 11 avait ét4 confirmé daiis cctte cliarge par Aboiii- Ilainiiiau et c'est en coirqiiérant la plaine de la Mitidja et la ville d'iilger qu'il ktait deveiiu la figure la plus glorieiise de l'armée zeiyaiiide "'. Voili done en 1318, le royaume dc 'ilenicen brusquenieiit possé aux mains d'un jeuiie aauverain dont tous les principiux conseillers sont des renégats chrétiens -toui Espagiiols vraisemblablcment-: ces hommes, qu'ils fusaent déjd d'un certaiii 3ge comme le g6nérd osam mi%, ou des jeunes gens comme Hilal et les autres assassiiis d'Abou-Hammon, iie pou- vaieiit évidemment pas oublier qoelle était la patrie de leurs pkres. Qu'ils fussent particulikrement anticlirétiens par zUe de néophytes oii qri'ils eus-

438. Y;iI'Iiii-lb"-Klial~11111i.tind. cit... 1... o. 177. 480. Ca~inaiir-,Jre7iiorins ..., 111, D. 118. 440. Yiil'ha-Ibll-Kllsln,1. m. 170 et 173; Mwcier. op. cit.. 11. D. 253. 0ii appelle paifuis EC >iosaniili: Mesnniah o18 Mosimoli. LES ESPAGNOLS ET LE ROYAUMR DE TLEMCEK 77 sent au contraire des sympathies instinctives vcrs leurs cousins restés Es- pagnols, ils ne pouvaient ne pas penser B I'Espagne dans Icur politique. 1.a conspiratioii de 1318 et I'avénement d'Abou-rasfin eurent ainsi comme conséquence une multiplicatiun des selations de la Cour de Tlenicen avec I'Espagne chrétienne et en particulier avec I'Aragon. Mais la personnalité meme du noiiveau roi était. assez marquke; on ne peut donc toiit eñpliquer par le r6le dcs confidents; il faut aiissi se pen'cher sur le caractkre d'Ahoii-l'asfin. Les histosiens francais qui ont le mieux étudik la civilisation tlenice- nienne, William et Georges Mar$ais,nous disent que ce niouarque fut «un prince artiste, lui-meme versé dans I'art du dessin» De tous les prin- oes zeiyanides, c'est lui qiii a le plus embelli Tlemcen. C'est liii aussi qui fit élever en 3823 le minaret justement célkbre de la Grande Mosquée d'hlger 4"3. 11 eut la véritahle passion des h&tiinents; il ne se contentait pas de dessiner : il fut lui-menie un véritable arctiitecte, niultipliaiit les palais plus encore que les édifices sawés. Dans ce détail, on peiit peut-2tre eiitrevoir un certain désintéressenient relatif dlAbou-'í'asfin poiir les questions religieuses. Son clan de re~iégatsqui aoaient apostasié.sans doute par anibition, était un clan de sceptiques. On peut meme dire u11 clan d'é- picuriens. Le chroniqueur Yal'lia-Ibn-Khaldouii nous a donné sur ce puirit des détails fort significatifs: Abou-Tasfiri, dit-il, était énergique et habile admiiiistrateux des deniers publics, mais cela iie I'emp&cliait pas d'ainier ~ciieillirdes fleurs dans le jardin des plaisirs, de se coniplaire aux sensations du bonlheur et de meiier une vie jopeuse>~.11 était entoiiré de joiiisseurs, conime lui renclins aux plaisirsn, npassionnés pour les distractions et poiir les bieris de ce monden, esensiicls et viveursz '*Y Parnli les palais qu'ii construisit, I'un fut nomnié ariar-es-Sorourn, c'est dire el'H6tel de la Joien '**. On se plilt a &ver que des scknes dignes des Mille et Une Nuits sc passerent dans ce palais tlemcenien oii le roi aimait a faire des Héjours, accompagrié de son vizir catalan et de leurs .conMents espagnols: ils s'y récréaieiit dnns le culte de la \~olupl$. Ce jeune roi et ses jeunes rninistres étaient enthousiastes de la vie : ils reverent done de gloire et de puissaiice. Aupres du roi, le Vizir fut la grande personnalité tlemcenienne de ces années: pi~isqu'il avait rey la nicine éducation que son prince, on peut supposer qu'il partageait siiioii son don poiir le dessin, nu moins son goiit pour les constructions et pour I'art eii général. Et son hérédité espagnole devaif lui doiiner une sensibilité artistique comhien supérieure A celle des saiivages chefs de tribus qui restaient aiissi incultes en ce débiit du xiv8'* sikcle que leurs pires l'avaient étk au temps de l'ignorant Yagriioracen! Son intelligence devait &re Iiors de pair; Abder-Rliaman-Ibn-Klialdoun,

142. Vi. ct G. Maiydis, og. cit., p. 21. 113. lbid. 414. Yal'ha-lhn-Khaldouii, trad. cit., pp. 178-180, 78 CilARLES-EhlhlANUEL DUFOURCQ le giand Ibn-Rlialdoiin, connliissait la valeur des iuots : or, c'cst Lui qiii nous dit que I'iiifluence de Hilal sur Abou-Tasfiii était «c~:lraord~i~~iiai~eii'". Elle fut si íortc qu'une trad'ition légendaire que I'ou siiit mal, défigura la personnaiité de Hilil. Aussi certain.3 ouvrages qui 1: font de discrites allusions nous lc représeiitent comme rclc favori de trois rois siicoessifs>i; et l'on nous p dit qu'xll disposa du trunen et qii'ail s'jr fíit assis lui-meme s'il l'eíit vouluu "Y 11 y n la déformation et exagératioii : puisqiie Hilül n'avait que vingt-cinq ans environ eii 1218, m'he s'il avait eu une influence qiie nous ue counaissons pas sous Abou-Haiiimou, il aurait rrainient étt: trop jeune, pour jouer, conirr.e esclave ou coninie affranciii de moins de quinze ans, un rale soiis Abou-Zaj-an. Et cette légende imprécise ne peut évidemmeut pas s's1;pliquer arix successeurs d'hboii-Tasfin, puisquc la fin de ce priiice coincida avec la prise de Tlemcen par les Marocaiiis et le début de la longue parentlikse mériiiide (1337-1360); d'ailleurs, Hilal di% parut de la sc&rie politiqiie avaiit son roi. Le role de Hilal ile déhorda donc pas le rkgne dlAbot:-'rasfin le'?mais iI y fut considLrable. On regrette de ne pouvoir doiiner de iiombreux dé- tails siir le caractire de cet aventureux Catalaii. Voici les seiils éléinents .d'inforrnation que nous pouroiis préseiiter : 11 affectait d'etre lion Musulman et en 1324 il partit faire le péleri- nage iLa hfecque. En 1327, son influence arriva, semble-t-il, A son apogée : c'est lukm@se qui rédigea le texte des instructions alors doiinées par la Cour de Tlemcen au bitard Jaiiiie de Arngon euvoyé comme ainbassadeiir en Aragoii '*'. 11 écrivait d'6gal ti égal au monarque cstalsii, avec iiii seiitiment iiitime d'orgueil que l'on n'a pas de peine deviner. C'est en cette iiienie année 1327 qu'il ohtiiit la disgi.Eice d'iin général tlemcenien qui venait pourtarit de reniporter des victoires sur les Hafsides: Mousa-ben-Ali. Le géiikral Mosiniali avait été tu6 en 1524 et depuis lors, ce Mousa 6tait' devenu le principal général des armées zei,-anides. On entrevoit qiie ce hlus~ilnian autlientique était adversaire du clan des renégats. C'est par r

445. dbder-Rhaniiin-lbii-Khaldoun. trad. cit., 111, p. 110. M. Vivien de Saint-hlairili et Rous~eiet, Dictionriaire di LXog7Bpliie Uniuersolic, Puris, 18Ll4, t. VI, u. BBO, 8.m~~mlonne. 447. Cf. Giménez Soler, Cabnlle~os esnanolrs en Ainco (Revue Hispiniqiic, XII, liii, 882-8$ qui cite le texte de ces instructions saiis donnei- auciiiic indicatioii siir la ueisonnalitd de co Viair uHileu be" Abdellau su¡ en wt le sigti;itiiiri. 448. Yal'hs-lbn-Kli;ildot~n, trad. cit., l. P. 183: Hcicirr. o". cit., 11, D. 273. 440. Yal'lio-Ibn-Khaldoun. trod. cit., l. p. 18:.

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80 CHARLES-EMYAKOEL DUFOORCP di& les ateliers rogaus et qiie par coiiséquent il ne pouvait pas &re ques- tion de les libérer *". 11 y avait donc certainenient des points de contact Gtre le caractkre dii roi et celui de son vizir, et tout permet de conclure que c'est le vizir qiii contribiia i former la maniere d'Ftre di, roi. Si le haeard des découvertes poiivait permettre aux diercheiirs de troii- ver de nouveaiix dociiments sur 13 eurieuse carrikre de Hilal, l'histoire des an-entureux Catalans dii Moyen-Age s'enrichirait d'un portrait qiie nous ii'avons pii qii'esquis~er.

LES UÉBUTC DE L:\ 1'OLI.TIQOC INTERNTIONALII. 02A130ti-TASTIXET DE IIILAL(1318-1325). - Nous poiivoiis du nioiiis indiqiw de q~iellema- niere les deux jeunes homines qiii devinrcnt en 1318 les inaltrcs du ro- paiznie de 'Llenieen tentherit de redresser la sitiiation de leiir pays. Xbou-Haminou m,oiiriit au momeiit oir il tentait de se rapprocllrer de I'Arngon et oii celui-ci rcidait I'entralner dans une alliaiice coiitre Gre- nade et le Maroc. Or, les tcates niusulmaiis iious disent que le complot de 1318 se fit avec I'appui dii Roi de Grei1.de. L'avZiienient révolutioiinaire dlAbou-Tasfin put done prendre figure d'un évériement changeant la posi- tioii diploniatique que le royaume de Tlemcen paraissait eii train d'adop- ter. Le Hoi, soii vizir et leurs coiiseillers se rendaient sans doiite compte que Jainie II était le demandant daris cette affaire. 11 y avait doiic iiitéi.&t A arr2ter les négotiatioiis et B se fiiire prier. C'est ce passa : Jaime 11 fiit inquiété par cette révolution tlemceiiienne, et pour se 'co~icilier les bonnes gricec du nouveau roi, ii liii envoya une ambassade chargée de reprendre les poiirparlers interrompus par le b~usquechaiigenieiit de regiie 't3. Ce fut I'ambassade de 1319, celle de Bernard Uespuig et de Bernard Zapila Elle avait pour niission de traiter tous les probl&nies économi- ques et politiques qui formaient toujours la toile de fond des relations eiltre les deux états: la question de la sécurite des conimercants, des droits de douane et de l'abolition du adroit de naufragen "', celle du recru- tement de nouveaux cavaliers de la Milice *", celle des prisonniers '", et subsidiairemeiit celle du fanieux atributu dont revait Jatine 11 "la.MaiS il y avait aussi des clauses d'actualité ii discuter. Les Clir4tiens d3Ecpagne pouvaient alors craindre uii renouveau offensif de I'Islum: l'aniiée 1319 est celle de la défaite des Castillans par les Grenadins 3 La Vega de Gre- nade. Jaime II cherchait donc ?t empeclier une iinion générale des Musul- mans ; il repéta comme l'année antérieure qii'il désirait qu'en cas de guerre entre Aragon et Grenade, te roi de Tlemcen flt tout son possible pour emp6-

452. C1. suera, e. 20. 453. Cnpiniiiiy, Aiemolins ..., 111. p. 110. 454, Cf. suyira, p. 14. 455. Cf. siiprii, pp. 10-18. 450. Cf. sulira, p. 15. 151. cf. sii~icii, P. al. 458. CI. suora. eri. 47-48. m1 LES ESPACKOLS ET LE ROYAUAlE DE TLEICEN 8 1 cher le roi du Maroc d'envoyer des secours aux Musulmans d'hpagne; il iré- cisait que, par contre, les Aragonais devraient avoir toutes facilités pour se ravitailler en vivres et tous objets de premibre nécessit6 sur toutes les &es du ropaume de Tlemmn 4ss. Enfin, le Roi d'Aragon proposait au Zeipaiiide, comme il l'avait fait au cours des années antérieures aux Haf- sides et aux Mérinides, de lui louer des galeres. Cette derniere clause dut intéresser spécialement Abou-Tasfiii et Hilal. 11 était clair en effet qu.e l'&de navale catalane aoait beaucoup servi aux Hafsides en 1315. Or le royaume de Tlemcen, comme ceux de Bougie et de l'uiiis, avoit peine construire des bateaux; et les politiques se ren- daierit clairement compte que les querelles nord-af~icaines se réglaient dans une large mesure sur les eanx de la Méditerrauée. L'arihéologie dé- niontre d'ailleurs l'intérht qu'Abou-'rasfin et le Catalan Hila1 prenaient aux choses maritimes: c'est vers 1319 ou 1320 qu'en entreprenant de grands travaux hydrauliques d'intérht public A Tlenicen, le roi et son rninistre firent commencer la construction d'un grand bassin rectangulaire de 200 inktres de long sur 100 de large et 3 de profondeiir ; le «Cahrij-el- Kebirn : c'ktait uai réservoir d'eau, mais le roi y faisait £aire aussi des joutes navales 1.8 question des galeres, condition si7i.e qua raon de I'offensive E re- prendre coutre les Hafsides pour se venger des évenements de 1315-1316, allait etre désormais un élément esseutiel de toutes les négociations entre Abou-Tasfiri et I'Aragon. On ne sait mallieureusement pas la suite qu'eut I'ambassade Despuig- Zapila. On peut toutefois supposer que les points o& ii n'était question ni d'argent ni de politique internationale firent I'ohjet d'un sccord immédiat. Mais il n'y eut rien de plus,: les grands projets de Jminze 11 échouEreut; il les abandonna lui-meme, d'ailleurs, assez rapidemerit: des le 16 mai 1321, il sigria un xtraité d'amitié~avec Ismael 1' de Grenade "l. Quant a. 1s politique zeiyariide, elle resta orientée contre les Hafsides: en 1320, les armées tlemceniennes tentbrent nouveau une violente offensive jusqiie sous les murv de Boiigie '", et deux ans plw tard jusque sous ceux de Constantine '". Au cours de l'hiver 132.2-1323 et de l'année 1323 la question Iiispano- nord-africhine se compliqua. Une révolte éclata alors contre le Khalife méririide Ahon-Said : $le fut dirigée par un de ses fils. Le gouvernement tlemcenien crut ne pas devoir laisser passer cette occasion d'nffaiblir ses ooisins occidentaux : il soutint les princes révoltés *'* ; au contraire, le "partiu Segiii ,resta fidele au maitre Iégitiuie du Maroc et JaZme 11 envoya en mai 1323 une ambassade A Abou-SaYd pour confirmer et rénover la

ASB. Cf. Mas-Latt.ie, ap. cit., pp. 323 sq.; Cnpmsny, Antiarroa tvatadoe .., p. 108; Memo- rii18 .., IV, W. ti1 S9. 460. W. rt G. Marcais. op. cit., UD. 577-51s. 161. Docunlentos úrobes..., p. 33. 402. Yal'ha-IbnXbaldoun, trad. cit.. l. p. 181. 403. Ibid. 464. Ibid., D. 182-85. 82 CHARLES-EYMP.NUEL DCVOURCQ

paix et I'alliance existant entre eux '@'; 2 vrai dire, il ne manqua pas de profiter de ces circonstances pour réclamer quelques centaines de do~ibloiis d'or en raison du vieux litige des frais de l'expédition de (Ruta ""; ,au meme momeiit il consolida ses rapports avec Grenade par un noiirreau traité '". Cette divergenc'e de vues au sujet du Maroc, entre Tlemcen et Barceloiie, au début de 1323, entraina peut-Stre une Iégkre teiision entre les deux capitales: c'est la la sede explication possible a la lettre assez arrogante que Hilal envoya A Joimc 11 le 9 fhrier 1323 'O8. 11 ressort de ce texte qu'en ce début d'année, Tlemcenicns et Catalans étaieiit prati- quement en étgt de guerre sur mer; il s'agissait bien entendu de l'éter- nelle guerre de course. Eat-ce i dire que depuis 1312-1315 elle n'avuit pas cessé? Ou bien des accords passés au temps de I'ambus,sade Despuig- Zapila avaient-ils été dé$ rompiis? Le certain est que les Tlemceniens venaient de faire prisonniers 24 ~Chrétiensde Juan Manuel), "* et que Jaime 11 les rdclamnit. Hilal déclarait qu'il était pret les libérer et meme A restitues 30 autres csptifs - sans toutefois que le Gouvernenieiit nra- gonais eGt 2 les désigner; mais il posait une condition préalable: la signa- ture de la paix, donc la fin de la guerre de course. Cette demande tlemce- nienne laisse sous-entendre que les Zeiyanides restaient en 1323 coinme en 1315 dans une position maritime defavorisée par rapport aux Catalans. On a l'impression que cette demande de Hilal fut sans résultal; mais la .tensio,n catalano-tlemcenienne ne s'acbentua pas davantage. l'eiit-2tre fut-ce en raison de la question tunisienne; celle-ci rapprodiait en effet Jaime II et Abou-TaSin: le roi de Bongie Abou-Bekr - celui que les Catalalis avaient aidé sur mer en 1315 et qui ne les avait pas payés - avait rétabli depuis 1317 h son profit l'unité hafside et était devenii un piiissant et unbitieux souverain 'lo. La politique arasonaise indisposée contre lui pour toutes sortes de raisons tendait l'affaiblir : au nionient meme ou il signait un traité de comnlerce avec lui et oii il lui louait des galhes en dliercliant h l'assujetir financikrenient, Jaime 11 souteiiait ses erinemis, les prétindanis de la faniXle lihpaniste "l. Qr, pricisénient en 1323, le chef de cette famille '", le. prétendti Klialife Abou-Derba ben

105. Cr v del Escudcrn, Libro do los Estados. etc.); cf. Renrvidfs, ap. cit., 1, m. azoilsi et 675-07s; M. Gaibrois, Histo7la de Sanciio 1V. oy. cit., 11, pp. 888 SU.: ,,u8 C~d~i~o8I.otinos dc la Rcconguista (ea. A. Hiiici), t.. 1, Vaienec. 101s: Revue Hi8nonigiie. XII. 1005, p. 380; et Ic lirrc dc Giméncz Solcr: Don Juali Manziel. Znrago'&a, 1932. 470. Cf. H.IL.A.H.L.B., XIX, 1@<6, pp. 12. 85, 50, 50, 57. 111. Ibid., PP. 85 et Ba; un. 0D et 71. 472. Comrne pt.ftendsnt il est wuvent dfsignf lotis le nom d'nbdcl-Wsdid be" N-Lihvnni. TI fut par instants maltre de la ville tunisiennc de Mahdin Que les Cliretienr nppd&iwit Ahico (Cf. Mcreier, op. cit. 1l.p. 278; ct Yal'ha-Ibn-Khaidoun, trad. cit. 1, p. 188). LEC ESPAGY0I.S ET 1.E KOYACME UE TLEIICEN 83

Abou-Yaliia-Zakariya sollicita l'aide dlAbou-Tasfiri donL !es armées atta- quaient alors la ville de Eoiigie "'. 11 le persuada qu'il devait foiirnir un graiid efforl pour xbbntie Aliou-ReLr. Grids d'ambition, Abou-Tasiin et Hilil or,doiin&rentla coiistructioii autour de Bougie d'iine ville assiégeante, comnie l'uvaient jadis fait les Mériiiides autour de Telmceii : on la nomma Tanizizdilrt. Une grande armée fut envoyée dan^ les hautes-plaiiies de l'actudle proi-ince' de Constantine pour appiiyer l'offensive cotikre: clle fiit confite á Mosamih, le conquérant d'Nger. Le prétendant Abou; Derbi participa Iui-nieme b lu campagiie. hlais, malbeiireiisement pour les Zeiyanides et Ics Lihyaiiistes, rien de tout cela ne réussit : en aott Ta24, Aboli-Belrr brisa l'armée de Mosamih & la bataille de Raghis - dont on ne .connalt pas l'emplacemeiit exact mais que I'on suppose entre B6ne et Constantine non loin de l'actuclle fr0ntiEi.e algiro-tunisienne -: le géné- ral zeiyanicle fut tué. Ali nienle niomeiit l'armée qui attaquait Bougie fut défaite elle nussi; et Eon chef n'2cliappa au désastre qu'en s'enfuyant par mer *'*. Quaiit i Abou-Derba il partit se rtfiigier A Tlemcen oii il niourut. Cet échec de 13'23-1324 démontra i Abou-Tasfin et a >Iilal que poiir abattre les Hafsides, il falllit fournir un plus gros effort encore; et ce fut l& la cwse de leur rapproc'liement de 1325 avec I'hragon : l'aide de Jaime 11 paraissoit iiidispensable i ceux qiii iroulaient plus que jamais se venger du trop puissclnt IIlialife Aboii-Bekr.

AmBAssADEs Du ~ATARD JAIMEVE AKAGÓN(13.25-1350). - De 1323 i 1330 toute la politiqiie tleniceiiienne gravita autoiir de la guerre contre les Hafsidcs et de l'alliance aragonaise. Cette politique fiit j3lonnée par quatre ambassades envopées au Roi d'Aragon par hbou-Tasfin. Toutes les qiiatre furent confiées A ce b9tard de Jaime 11 dont nous savons qu'il venait alors d'arrivei & Tlemcen "< Du coté zeiyanidc, Hild fut I'initia- teiir et le nienelir des pourparlers. Le curieux de ce long épisode diploma- tiqueest donc que tous ses acteurs furent catalans: d'un c6té Jiwimfi 11 puis Alfo?~soIV, de I'autre Hilal, eiitre eux : le bitard Jaime. 11 est eiicore plus intéressant d'étudier dans ces coiiditions la soriplesse et la téiiacité dont tous surent faire preuve. Un premier point doit Cttre mis en lumikre: bien que demandeurs, les Seipanides ente~idaieiitIie point renoncer leur politique occidentile tra- ditionnelle dont le fondenient le plus solide était l'amitié avec Grenade. Cette amitié n'avait pu 2trc 4lrraiilée par les propositions faites par Jd- me 11 en 1318 et en 1319; elle était peut-2tre avioée par la haine anti- castillane née en 1315 lors de la participation de la Castille aux attaques catalanes ccntre les navires tlemceniens au mépris de la reconnaissance que méritaient les services rendus par les Zeiyanides A Sancho IV et k

-- 478. AI~OII-VCI.IIInlla-t-ii lui-ni2me i Tlerncen au enroya-tll un messager npoartensnt A SB proore famiiie? Les teñta Eont contrsdietoircs. ,474. SIWtous ces evenelnent~ cf. Meieier, op. cit., 11, pp. 278 SO. 'el Ysl'ba-lbn-Khslmuo. trad. cit., 1. pp. 188 zq. 475. Cf. supra, pp. 15 et 44.

LES ESPAGNOLS ET LB ROTAU~II? DE TLEDICEN 85

Des le 15 mars 1325, le jour nierne oii il notifiait aii gouvernement de Tlernceii la buniie arrivée de son anibassadeur, Joinze 11 arreta le textedes propositions a transmettre A Abou-Tasfin *". 11 rEclama outre la libération de tous les prisonniers chétie~is*~",un tribut considérable dnnt nous avons déjh parlé Mais ce qui nous im- porte ici, c'est l'aspect politique et naval de ces propositions. Les 'l'lemce- niens voiilaient louer des galeres hafsides pour poiivoir bloquer Bougie par nier. Jni'me 11 acceptait de les loiier aux conditions suivantes : il en enver- rait 15 avec leurs équipages, elles seraient peiidant quatre mo~sA la dis- position di1 Zeipanide aii prix de 2.000 doublons d'or cliacune "". C'était 1h le taiix normal de ces locations 487. Mais en plus, le Roi d'Aragon voulait qu'Aboii-Tasfin s'engageat A verser 200.000 dbublons d'or dans le cas ot~ Bougie serait prise. LA, Jnimo 11 se révélait fort exigeaiit : aux alento~irs de 1304-1306, il n'avait demandé alix Mérinides que 50.000 doublons pour le cas oh ils prendraient Ceuta 4'E. Enfin, I'Aragonais songeait h son iüs : il demnndait que celui-ci devlnt A la fois l'alcaide de la Milice aragoriaise des Zeiyanides et le Consu1 d'Aragoii dans le royalime de Tlemcen avec droit de désigner son suppléant "'. Cette dernieeie demande forrnulée par Jaime II était peut-etre destinée A convaincre son bhtard qu'il avait intérrt A rester a l'lerncen. On a en effet l'inipression que celui-ci n'avait accepté de devenir ambassadeur Clemcenien que pour pouvoir prendre contact avec son pkre et obteiiir de lui l'aiitorisation de s'instnller en E.spagne: c'était 1h son grand rCve comme celui de son demi-f&re I'autre bitad, Ngpoleón "". laime 11 ne I'enten- dait pas niiisi et Iie cberchait qu'i Eloigner ces iüs er~combrantn: des le 18 rnars, le hatard Jaime se remharquait A Valence pour I'Afrique, nanti d'une lettre de son perc le recommaridant aux Catalins vivant dans 1e royaume de Tlemcen 4s'. Aboii-Tasfin et Hild furent rnécontents des exigences aragonaises; ils niirent nu point un contre-projet, en réduisant A tres peu le tribut de-

40'8. Arclb. de In C. d'A., R. 389, f. 181; Revue Hiavaniaue, XII, PP. 328 et 340. 481. Cf.81>11m, p. 28. 485. Cf. 3upi.a. pp. 4748. 486. Cf. B.R.A.D.L.B., XIX, 1946, 1~11. 81-82. 487. Ci. silpra, v. 85. 488. Cf. SUp1.8. p. tiP. 488. Ci. sis~iti,D. 22: eii 1267, il y ~1&3it deja une va~eille eonfirsion d'ottriliutions wi faueiir iIc ~uiilei.~iioGalcelin. 400. Nnnolc6ri do Amo6ii. nC Iiii aiiasi en Sieile. mais d'irne autre niCre (Cl. Firike, 111. v. si01 ;irail. rlcmande. ole6n rleriianda .i vivre cn E~pogiie; il ciruv:i u!# Iiouveau refus (Revzie Hisno- viiotbe, XII, IPOS, pp. soy S".) oiais il put partir peu avrfs aii Portugal. Sur er Nnvoldii de Aragori. cl. B.R.A.B.L.B., XIX, 1046, p. 70; ct supro, p. 541. Ski carriere maraeaine fut assei. longne nislgic son d6part aun eiiriiuiis de 1895 pour le Portugal. A une date impri'cisc, vers 1s fin du rCme dc Jaime 11 iin .l$iil nonini6 Baliiel

Nnmlc6n 6e trnnsfo~ms~ ~ ~~~~ ~ ~ cn nnibaswrn?tipt~e,XI1, Iso5, p. 130.

[811 mandé par Jaime ZZ "" et en n'eiivisageant qiie la libération d'un groupe iiisignifiant

482. Cf. SugrB, p. 48. 108. Cf. SUDI*, p. 26,; il~pruposent IR lihératioii iiiiin&liate de a0 ou 40 captiFs; eellc (les autres ... agrPs la prise de Bougie. 104. Aveh. C. 6-L.. R. YZO; 1. 181; Revu Hisymlialte, XI1. 1905, pp. 880-81 et 3.1001. 405. Reuthe Hispmipue, il>id., pp. 33091 et 331. 490. lbid, D. 887. brillante dynastie~zeipanide mais il affirniait ju'il n'avait qu'un désir, celui de aatisfaire entieremerit Jaime 21. L'ambassadeur Jaime et le Musulman qui I'accompag~iait, le Iladj Ahou-Yaknub-Yousof-Len-Al-Haw, engagkrent les pourporlers en aobt ; Jaime 11 cliargea l'lnfaiit Ilon Alfonso de le repr6senter dans ces nEgo- ciations. Le prince liéritier se contenta de pr¿ciser que les 4.000 doublons d'or payahles pour chaque galere louée pour quatre mois seraient paya- bles des niaintenant et non pas corrime le proposaient les Tleincenieiis, la moitié sur le chanip, l'autre moitié ?t l'expirntion des quntre mois; et il exigea aussi que ce délai de quatre mois fit compté A partir du jour ob les g:ilhes quitteraient 1'Espagne et non comme le prétendait Hilal A par- tir de la date de leur arrivée devant Bougie; de mhe la fin du délai de- vrait coincider avec la date du retour en Espagne et non avec celle du départ des eaux de Bougie. Ces détails oiit le mérite de démontrer que les négociations étaient menées d'une manikre tres apre et tres serrée. Par ailleurs, sans doute par orgueil familial, Don Alfonso demanda que son demi-fsere devlnt seiil alm& cle 1; Milice; c'était ce qui avait été décidé en 1325, mais les Tlemceiiiens se méfiaient peiit-&re du batard qui n'avait guere, d'enthonsiasme poiir accepter cette charge. 11 est vraisemblable que toutes ces légeres modifications aiirsient &té ou furent aoceptées par Aboii-Tasfin et Hilal. Mais la discussion dut s'en- venimer sur un autre point: au lieu des 100.000 doublons proposés. pour le cas oi Bougie serait prise, Don Alfonso réclaina la promesse d'un ver- sement de 200.000, alors que son pere avait accepté de renoncer en 1325 A cette prétention. Jaime d9Aragon et un négociateur aragonais Lorenzo Cima furent cliar- gis le 27 aobt 1327 de rapporter le traité ainsi modifié i la Cour de Tlem- een. Poiir des raisons que nous ignorons et qui furent peut-etre finuncihres, ce traité ne fut pas davantage ratifié que celui négocié en 1325. L'année 1328 fut marquée par une sorte de révision des positioiis poli- tiques prises par les royaumes musulmans: Zeiyanides et Hafsides s'en túirent i des escarmou~kies comnie s'ils étaient dans I'expectative. Au &me moment le Khalife mérinide et le roi de Grenade s'alli&reiit: A& fonso XI de Castille était sur le point de devenir homme; il avait déji été déclaré majeur; les Musulmons r,oulnierit tenter de profiter de ses der- niares années d'enfance. Du coup, Castillsns et Aragonais s3ulli&rentcon- tre 1'Islam "O*, mais ce fut sans grands résultats car Alfo~,soIV d3Aragon gui avait succédé ?t la fin de l'anriée précédente son pere le mand Jai- ms 21, se révda un moiiarque hésitant et indolent. Des que l'on comprit di, c6t6 chrétien et d~i&té niusulinari que les projets de regroupement génkral des fils du Croissant contre ceux de 1s Croix n'étaient que des velleités, les événements reprirent leut cours de 1327 : les Zeiyanides lancereni en 1329 un nouvel assaut contre Bougie 'O5 et renouerent leurs négociations avec 17Aragon.

504. Canellas. op. cit.. D. 26. 505. PaI'I1~.ll>n-Kh~ldo01i,trad. cit., 1. D. 1SR. C'est alors qu'eut lieu la troisienie ambassade di1 Bitard Jainie. IElle est beacoup moins bien connue que les deux antérieures. Giménez Soler s'est meme demandé s'il s'agissait d'une véritable ambassade oii d'un sin]- ple voyage. Le certain est qii'eii décenibre 1329 .Jaime centra A Tlerncen avec une 1etti.e d2Alfonso IV deniandant i Abou-Tasfin de laisser le Mtard quitter le service zeiyanide afin qu'il píit dller servir dnns l'armée arago- iiaise en Sardaignc "". hfais puisque ce voyage coincide avec un effort tlemcenien contre Bougie tout cornme les vopages de 1325 et de 1327, il nous semble certain qu'il s'agit 1i d'iine ambassade ayant le m$me objet que les deux antérieures; qiiarit au batard, obstiné dans ses idées, saiis doute demanda-t-il en 1329 i son fr&e ce qn'il avait demandé en 1325 i son &e: I'aiitorisntion de s'installer en Espagne; Alfo?zso IV plus faible que Jaime 11 céda relativement et troliva la sol~itioiisarde. Mais les Zeiya- nides toujours désireux de garder dans leiir jeu cl'atoutu Jaime, refu&rent de le laisser partir. Voili comment I'on peut reconstituer les événements catalana-tiemceniens de 1329. 11s coincid&rent d'ailleiirs avec des succbs zeiyanides qui purent faire croire Abou-Tasfin et a Hilal que la victoire siir les Hafsides ponrr~it Stre obtenue sans l'aide navale catalane. Les pouparlers durent donc faire long feu. En effet, si en cette aonée 1329 comnie au couri des années antérieures l'assaut contre Bongie avait échoué, par contre un raid auda- cieux avait été poussé victorieusement jiisqu'i Tunis : une armée tlemce- nienne s'ernpara de In capitale dii Khalifat hafside; cette conqugte loin- taine iie dura que qunrarite jours (novembre-décembre 1329) mais elle en- Ranima d'orgueil Abou-Tasfin et Hilal et fit penser aux Hafsides eux- memes que leurs jours étiient conlptés "'. Poiirtant au printemps 1330, les 'Zeiyaiiides qui n'avaient pu conserver Tiiois ni encore prendre Bougie déciderent une fois de plus qii'il fallait solliciter I'aide navale catalgne. C'est certainement dan8 ces conditions qu'ent lieu la quatrieme ambasss~lede Jaime de Aragoii. Jusqu'i présent elle a été mal conriue et mal étudiée. Giménez Soler écrivit en 1905 qu'il en ignorait le motif "'; mais nous pouvons maintennnt débroiiiller cette questioii. Dans fe recueil des Documentar árabes de la Cono?~nde Arag671, Alarcón Santón et Garcia de Linarés ont édité deux textes trb instruc- tifs: I'un est daté -en stgle musulrnan - di, 4 nagiab 730, c'est B dire du 14 mai 1330 (ou peut-&tre di1 23 avril 1330 [?]); c'est une lettre d'A- hii-Tasfiii Alfo?~soIV "O : le Roi de 'i'lemt~n y annonce que partent comme amhassadeurs poiir 1'Aragon deux Musulmans et cvotre frere I'ho- norable et respecté nlcaide Don Jaime». L'iin des deux Musulmans était celui-la meme qui avait aiissi accompagné le bEtsrd lors de l'nnihnssade de 1327, Abou-Youkoub-Yousof-hen-Al-Hau~a.L'autre texte capital pri- blié dans les Doctiliientos árabes n'est pas daté; c'est la minute d'iine lettre

5OEi. Ruz;ica Hisgoiiigtis, XII, 1005, p. 839. 507. YaI'lio-Ibii-Kllaldoum, trad. cit., 1, Ti. 187. 508. Rvuuo Hiazietiiqiie, XII, 1005, DD. Ido-340. 6011. Doct~rnento~brahcr ..., 0. 1M.

t851 achessée par le Vizir d'cn soiiverain no~d-africain au Roi d'Aragon6'". Le nionarque miisulmaii doiit il ~'agitsemble pris par Aiarcón Santón et Garcia de Linarés pour iin Roi de Tunis; mais puisque le soiiveraiii dont. le Vizir écrit Alfo~isoIV est Abou-'lastin, ce texte est certainenierit 1111 texte tlemcenien. Nous po~\~oiisd'ailleiirs le dater i peu pris; au dos di1 ~locument,il est eii effet écrit : r,Rer,erendo nobile Jac. de Aiagón c... se... Rege. Juny ano domini 13302. C'est done vraiseinblablemeiit un texte de l'été 1330. 11 traite de l'éventiielle location de navires catalaiis, poiir aider la puissaiice signataire i coiiquérir Boiigie: il ii'y a pas de doute; l'ambassade de 1330 fut la suite logiqiie des précédeiites et e!le fiit chargte, elle aussi, d'obteriir des galhes pour que les Zeiyaiiides piisseiit eiih preiidre Bougie. La diirre de locstioii prévue était toujours la mEme : quatie mois. I4ilal - wr c'est certaiiienrent lui qui était alors encore Viair de Tlemcen - aoec une obstination oh oii le reconnalt, envisageait qiie cette diirde de 4 mois serait comptée du jour de l'arrivée devant Bou- gie jusqu'au départ des eaux de cette ville. C'est Id ce qu'iilfonso n'avait pas voulu admettre eri 1327. Par ailleurs, cette let,tre posait aiissi la ques- tion de commaiidenient de la Milice, aiitie point qui avait été vainemcrit disciiié trois ans auparavartt : il était spécifié par Hilal qi'apres la prise de Bougie, l'nlraide aragotiais de cettc ville resterait sous l'autorit6 dii aFils du Hoi de Barcelone qui se trouve ici», c'cst a dire sous I'tiiitorité du bAtard; il Etait ajoiitE qii'il en serait de meme i Tunis, si Ilieu en pei3- rncttait la conqiiete; quand aux chevaliers aragonais de la Milice, une fois: Bougie prise, ils scraient pavtagés eiitre l'dcaidc (lequd? saiis do~itecelui de Roiigie) et <

510. Ibirl., D. 804. 511. Cf. skiprii. UD. 70-71. 312. Yal'lla-llin-Kh&lrl~un.trad. cit., l. D. 187. fi?eenzmdo TV en 1309 était aiiisi annulée '''. Les Castiiians purent cepen- dant se ressaisir et obtenir une treize: le Roi de Greiiade se reconnut une fois de plus oassal du Roi de Castille, des traités furent signés entre Aragon et Castille d'une part, Grenade et Maroc de l'oiitre "'. Abou- IJHassan fiit consentaiit car il profitait de ce calme ibérique pour serrer de plus en plus étroitenient Abou-Tasfin. DES juiii 1333, il mit le siEge devant Tlemcen et il releva la ville d'Abou-Yoiikoiib, l'orgueilleuse Mansoura que les Zeiyaiiides avaient na- turellenient laissé tomber en riiiries. Le sikge ne dura que deux ans cette fois et il se terniiiia victorieusenient pour les Marocains. Avsiit que la capitale tombiit, les aruiées mérinides coiiquirent toiite I'Algérie occiden- tale et centrale; et qusnd Abau-Tasfm fiit tué en mai 1337 en luttant Géses- p61ement contre l'assant victorienx des Marocains, con royaume nioiiriit avec lui 'la. A la fin di1 ~iii""~sii-de, la résistance de Tlemcen sur Marocains avait 4té un éi,éiiemeiit parallele B la prise de Tarifa par les Castillans. Cett& fois la prise de Tlemcen par les Mériiiides allait de pair avec celle de Gi- braltar. Castillans et Aragonair; n'avaient rien fait potir oider le Zeiya- iiide aux nbois. I,a disparitioii uionientanée de, son royaume iie pouvait avoir que de f6clieuses répercussions sur la question espagnole. En Iais- sant échouer les longnes et vaines ambassades du .bStard Jaime de Ara- gon, Hila1 et hbou-Tasfin d'une part, Jaime 11 et Alfm~roIV de l'autre, .avaieiit perdu une grande possibilité diplomatique.

517. Siir les néi.i~>dtirsde la lutle poiir Gibl-nltar en 1388-84, "1. ~biiel;ea Albornoa, op. cit., 11, UD. a0 sq.; Crdlkico de Do?> Alirniso XI (cd. Roiell, Uibl. Aut. Hari., LS\rI, "P. 218-$40; Girn¿riee Soler, Dmi h~on2Uaiiuel. op. cit., DI>. smB-Wu;Cai>elli?, op. cit.. pp. u et 54. 518. »oc?iineritos 6laDcr ..., pp. 82 et 92: Canellas. 00. cit.. P. 26; Ballesteros. 111. 130. 51% YaI'hi-lbn-Klioldm, trad. cit.. 1, p. 18s. CHAPITRE V

LA QUESTION DE T1,EM'CEN AU TEMPS DES VICTOIRES MAROCAINES (1337-1360)

Le radieux jour de mai 1337 oU le Klialife marocain Abou-I'Hassan entra en vainqueur dans la capitale zeiyanide fut trnversé pour les l'lem- ceniens par d'eff~oyables inquiétiides qui fiirent heureiisement apaisées par la clémence du piiissant Mérinide: les chefs religieux de la ville prise d'assaut vinrent le supplier d'épargner la populatioii. 11 se rendit 2 leurs priEres et. parcoiiriit i cheval les riies pour y rétablir lui-meme l'ordre et la paix, poiir sauver les vies Iiumaines et les monuments. Pendant pres d'un qiiart de siecle, la qiiestion tlcmcenienne n'allait plus se poser que melée a la question marocaine. Tous les ancieiis sujets d'Ahou-Tasfin fireiit leur soumissiori, a commencer par les princes de la famille zeiyaiiide. La tribu qui formait ll:trmature du royaiime, celle des Beni-Abdelwad, senibla ouhlier ses vieilles haines antimérinides; mais ce calme n'était qu'apparent; l'historien tlemcenien Yal'ha-Ibn-Khaldoiin I'a longuement expliquC 2. sa maniere: pour les vaincus, il ne reste ja- mais d'autre recoiirs que I'hppocrisie et la feinte soumission; c'est ce qui se passa dans la 'Henicen conquise, mais =les regards dissimulaient le désir de verigeance, et les langues parlaient tout hasn "O.

LA REVANCHE D'ALVOKSOXI; L,4 PRISE ~'ALCECIRAS(1344). -Les tíreves espagndes concliies en 1334-1335 n'staient pos plus sinckres que la soumission des Beni-Abdelwad. Alfonso XI ne puuvait pas se consoler de la perte de Gibraltar. Si les Catalans consentaicnt passer des traités d1intér8t économiqiie avec le puissant maltre du Maroc et de 1'Algérie les Castillans eux, étaient au contraire dtcidés 2. ressortir I'épée du four-. reau. D'ailleurs, des 1339, délivré du séculaire cauchemar eeiyanide et sans inqiiiétude di, c8té ifrilriyen car Aboii-Tasfin s'2tait chargé d'affaiblir Aboii- Bekr, Ahou-1'Hassaii décida de reprendre la guezre cspagnolc qu'il n'avait accepté dJinterrompre que pour en finir avec Tlemeen. On comprit alors en Espagne que le péril norrl-africain hit sur le point de renaftre aussi grave qu'au temps dcs grandes invasions d'Ahori- Yousof. L'Aragan lui-meme était menacé car les Musulmans faisaient de

820. Yal'ha-Jbi>.Kbalr10001, trad. cit., 1, p. 102. 52,. CP. SaPra, P. 15 (iaau: trnite de Tlemccn entrc Alioli~l'lliisscii ct Joivne 11 d~. Maiorsuc). manifestes préparatifs en diiection de Valence. C'est dans ces conditions que l?ed~oIV -qui avait succédé deux aiis auparavant i son pere Alfom- so IF (1336) - cliargea son ambassadeur Ramoii dc Boil de solliciter du Pape Berioit SI1 l'autorisation de percevoir des imp6ts spéciaux poiir pré- parer lo croiaade contre 1'Islam; et il fit intervenir en meme temps le' Saii~t-Siegepoiir que G61ies romplt enfin son alliaiice arec Aboii-I'I-Iassan et ne lui donnst pas les quarnnte galeres qu'elle lui aviit promises "'. Quant i Alfo+~soXI, il prit bravement l'offerisive en chercbant aans plus tarder A reconquérii Gibraltar "" : il obtint que 12 galires arago- naises vinssent se joindre a sa flotte puiir croiser dans le détroit ; cet.te petite eacadre catalane fiit conimaridée par Jofre-Gilaberto de Cruylles (OU Craillas) et Ic Vice-Amiral de Bsrcelone GalcerLii Marquet; avant meme d'aller rejoindre ZL Séville la flotte castillane, elle réussit i battre au large de Ceuta une petite flotte eniiemie forinée de 13 galhes maro- caines et d'iine genoise. Mais ce sncces fut épisodiqiie et sans lendeniain. Un raid espagnol contre Algéciras échoua et I'An~iral de Crii>4les fct tué dans cette bataille. Pedio IT7 liii dorina coinnie succesaeiir Pedro de Mon- cada "". Toiit cela. n'était qu'escarmouches. Abori-I'Hasaan pr4parait uii effort colossal : Ahcii-Bclcr son allié plus oii moins volontaire liii preta 100 ba- tcaux; du Maroc et de l'nncien royaume zeiyaiiide partit une flotte plus nombreuse encore; bref, ce furent plus de 250 navires qiie rassembla le Khnlife mérinide au printemps 1340; sur ces 250 ou 300 navires, il y avait 60 gal&resb'6. Pour des raisons que I'on a peine conipreudre, Pedro de M0iriad.a s'é- loigna alors vers le nord et évita le combat : toute la politique catalaiie via-i-uis d'Abou-1'EIussan ktait tres complexe. Elle est difficile A sui- vre '"; le certain cst que 1'Amiral de Castille Pedro-Jofre Tenorio "' iie put opposer que ses propres forces aux Musnlmans: 26 galires plus 61 qui veiiaient d'etre nchevées sur les chantiers de Séville et qu3Alfoi~soXI lui envoya conime reiiforts en grande hate '". Ce fut un désastre : les Musul- maiis slempar&rent de 28 galkres castillanes, Tenorio fut tué; la grande armée n:érinide débarqna A Algéciras d'oi Abou,:l'Hassan, flanqué du Roi dc Gienade Yusuf 1' partit assiéger Tarifa (jiiin 134,O) "'. A Grenade, 1s gande victoire navale dn Khalife fut célébrée par des illuminations et des feiix d'artifices, des joutes et de biuyantes r&jouissnnces populaires qui

a?. Cnnelias, o". cit., pp. 26-29 (Dacurncnt 0, dcs .4rcliiT'es Municipales ile Sarsgossc). 5211. seion Caprnaiiy (Merno7ios..., 1, 1, D. le%), ces &véneii>rntsrant dc 183R. innis Canellar qui ex~>oseperfaitement loutc ectte ~iiebtionle9 dntc dc 1138 (op. cit., vri 18-30). ~ ~ 52i. Autanine 1880 (Canellas, op. cit., D. 30). 525. Cf. Mircici, 00. cil., D. 284; CanelllE, op. cit., p. SI; CaDmBng (Memovios... ,T, 1, D. 102) date juptemcnt eettc invasion

Jo1i.e~ ~~ ~ Tciioiit> de 182.5? 528. Capniaily. Meman~s..., 111, D. 29. 528. Ibicl.; Canellas, p. 111; Mercier, 11, D. 284. LCS ESP,4OKOLS ET LE ROYAUME DL TLEbICEh 95 durerent plusieurs jours et plusieurs nuits "'O. Aprks avoir repris Gibraltar .aux Chrétiens, Abou-1'Hassan dlait-il leur repreiidre Tarifa? Allait-il an- nuler les victoires de Sancho IV apres avoir annulé-celles de Fenia?z- .

580. Lafiiciite, Histo~iode Gmnoda, 1, p. 347. 581. Cf. SUpIB, 01). 57-58. 532. Canellas, op. cit., p. 81; Capiiian)., iMmo6as..., 1. 1, p. 102. 633. Beilni-idfs, 1, DO, 842 so. 5311. Boilesteros, 111. p. 1110: Csneuas, OO. cit., p. 31; Lafuciite, ap. cit., 1, p. 3~7.;Crdnico do D. Aljonso XI, ed. cit. pp. 825 sq. 51, Histoi~ed'Esgrrgnc, Paris, 1131, p. 07; ee juzcment aroit déjb Ité formul6 par Lafuente <(ID... cit..,.. l. 0. 348.. nP 1). 188. Capnlnny, .MIn;..., 111, p. 21. 537. Cf. ibid., IV, D. 100 s4. 538. ~mbassad~de ntiiic(.s l'ortell (dfcemmlire 1348); cf. Cenellas, o". cit.. mrnt ii.0 10. 530. LB flotte catolniie revienr en septembrc 41 (Canellas, p. 32). repart t3 I'automne (Bici, xerient en liiver, reqoit en ffrrier 42 I'ordre de irster enoe quatrc mois dntis le détroit ICsnellas, rloeumcnt n.o 14. pp. 6586). 96 CHARLES-EMMANUEL DUFOURCQ par Alfo*~.~X '*O, en 1295 par Sancho IV "', en 1309 par Fernando IV En aoíit, aprhs de niinutieux préparatifs il mit le sikge devant la ville. Le Khalife mérinide tenta de forcer le détroit avec une flotte de 80 galEres et de divers batimeiits. Comme en 1340, la flotte aragonaise aux ordres de hlonclda se retira pen avant le combat car Pedro IV prétexta qu'il en avait alors besoin contre le roi de Majorque "'; mais les Castillans comniandés par 1'Amiral Micer Gil Bocanegra ii qui Alfonso, XI envoyait sans cesse des renforts sortant des chantiers de Séville, furent aidés par les Genois et les Portugais; ceux-ci arrivbent avec 10 galires commandées par I'A- miral Carlo Pezano. Des batailles navales acharnées se livrhrent daiis les eaux d'Algéciras. Les Clirétiens empechkrent les gnlhres musulmanes de la ville assiégée de forcer le blocus "Y Bref, la flotte musulmaiie de reii- forts ne pnt passer. Pendant l'automne 1342, I'hiver 42-43, toute l'année 43 et meme le début de 44, les discussions ne cess&reiitpas entre Alfor~soXI et Pedro IV : elles furent surtout motivées par des raisons financieres; le Roi d'Aragon tenait A ce que les frais de ravitaillement et la solde de ses équipiiges fus- sent réglés par les Castillans; il menacciit done sans cesse de retirer ses galkres et le faisait parfois puis les reiidait : c'étaient la des manoeuvres destinées A décider Alfonso XI A payer le concours de la flotte catalane; on le discerne parfaitement grace a un texte récemment publié par Don A. Canellas: Le lRoi d'Aragon ordonnait officiellement ii ses navirec de quitter le détroit; et il leur donnait secrktement l'ordre d'y rester! '" Cettc longue et acharnée discussion de la Cnstille et de I'ilragon ne niiisit heiireusement pas trop aux opérations militaires: la flotte chré- tienne fut toujours assez forte pour croiser victorieusement le long des cates dn ropaume de Grenade; elle saisit souvent de petits batimeiits qui teiitaient de passer, d'Afriqiie en Espggne, ai7ec des vivres ou des liom- mes; et ce fut iine fois seulement qu'Abou-l'Hassan put forcer le blocus et faire passer 60 galhres du Marw h Gibraltar Dans toiite cette longiie guerre navale de 1342-44 autour d'Algéciras, les anciens sujets. des Zeiyanides rivalisaient d'ardeiir avec les propres Mé- rinides pour aider la Guerre Saiiite contre les Chrétiens. Plus d'une fois les gens d'Orari et de Horiein tentkrent d'approvisioiiiier le royaume de Grenade 541. Enfin, la victoire récompensa le zhle d'hllonso Xl: le 27 mnrs 1344 Mgéciras capitula S48,; la perte de Gibinltar était largement conipensée. Aussitot apres, une treve fiit conclue - tliéoriguement pour 15 ans - en-

600. Cf. suera, p. 5%. 641. Cf. SUDTB, P. 58. 542. Cf. SiiprU. Dp. 64 So. 548. Cf. Zurita, OD. cit., 11, D. 15.5; Canellas, p. 68, dacument n.o la. 544. 00. ?O SO. Callnlnnv.. .. Memo~io~..... 111.... ~ . 545. Canellas, op. cit., pp. a5 et 07; document n.o 16. 540. Cn~many,Meinorios ..., 111, p. 32. 547. Cf. Documentgs dmhes..., D. 180. 548. Cnnelics, op. cit., p. 34; Gimenea Soler, Don Junn Ji~nuel,OP. cit.. D. 849. LES ESPAGSOLS ET LL ROYAOIIE DE TLEMCEN 97

tre Grenade et Castillc ; Aragon et Maroc ne tarderent pas E. y aahérer '" ; une fois de plus tous proclamaient que le Roi de Crenade était le vassal du Roi de Cistille. Aljoitso XI avait pris sa revanche sur Abou-1'Hassan. La perte de Gt- braltar par les iCastillans en 1834 avait été la préface de la dliute de Tlem- cen .en 1337; la prise d'Algéciras en 1344 était le sigiie avant-coiireur de l'effondrement d'Aboii-I'Hassan, et, partant, de la résiirrectioii de Tlem- cen (1348).

C'APOG~EAFRIC.41NE ET LA DÉBACLP: D'ABOU-L'HASSAK(1345-1348). - Les Beiii-Abdelaad qui frémissaierit soiis l'aiitorité mérinide durent sou- rire int6rieiirement en apprenant la bataille du Río Salado puis la prise d'Algéciras par les Castillans. 1,e grand Abou-l',Hassan pour étoiiffer son dépit et pour éviter toute agitation algérienne se retoiirnn ven l'Afrique du Nord daiis le désir de :s'y retrancher solidenient. Et bientot il criit meme pouvoir rétablir l'niiité iiord-africaine qui avait dispar11 clepuis la dhute des Almohades. En 1346, le grand Khalife hafside Aboii-Bekr mouriit : il n'avait pu rCsister jadis aos Zeipanides que pace 2 Abou-I'Hassan. Le Ivlérinide estima quel'occasion ne devait pas &re perdiie : il décida d'intervenir en Ifrikiya '". Dans le secret de leur coeur et dans le mystbc de leurs con~ciliabules: les Beni-Abdelwad penserent que cette lontaine expédition tunisienne les libérerait peut-etre. Yal'ha- Ibn-Khaldoun est forme1 : c'est ni] nioment uii Abou 1'Hassan décida de conquerir Tunis que les Beni Abdelwad déciderent de se révolter '". 11s pensaient bien que les Csstillans ati moment voiilu sauraient eux aussi rompre 1~sttréves. C'est ainsi q~i'aunionient-&me oii il était. a la veille de parvenii 3 faire I'uniti. nord-africaine Abou~l'EIassan fiit menacé dans l'ombre par une coalition générale. Des 1346, il partit pour I'Ifrilriga avec une grande armée oii se trou- vait iin contingent abdelwadite comniandé par deus princes zeiyznides, les freres Abou-Thabit et Aboii-Said. Peu avant son départ il eut. l'occasion d'écrire Pedro IV, des erivirons de Tlemcen: il y parlait encare tres linut, ne se montrant guere pressé de parfaire la paix toujours A la veille d'Ctre compl&temeiit ratifiée entre l'Aragon et son enipirc 11 ne se dou- tait pas qu'il partait poiir une expédition qui lui apporterait R la fois I'a- pogée et In débacle.

3'io. Printcmpt 1814: pais ciitrc Griiiudc-Muroc et Costille ICI. Gimdnee Soler, ibid., pP. 042-43; Arc1iiuc.s Muiiiciri

553. B.H.A.B.L.11.. X1S. 1913. P. 18. 5%. Ya1'Lia-lbn-Khaldol1n, I.in

100 CHARLES-EU\IAKUEL DUFOURCQ

et qu'il recoiiqiiérait son Enipire, il voulait le maintien de la paix en Es- pagne. lin iecevniit ces nouvelles, Alfonso XI, aux dires d'Abou-I'Hsssaii, atirait décidé de lcver Ic siege de Gibraltar, mais il ctait mort jiistemeiit la veille de le faire (niars 1350) S'S. Dans cette lettre de Miliaiia oii Abou-1'Hsssan parait désireux d'etre eii bons termes avec Grensde, Aragon et Castille, tout le ressentiment du Khülife m6rinide légitime était concentré contre les Abdclwadites; il ?tig- matisait leur trahison et se promettait de les chatier impitoyablement : leur désertion. a la veille de la bataille décisive de Kairouaii était a l'origine de l'effondrement de 1'Enipire ! Malheureusement pour Abou-l'Hassan, les événements évolukrent d'une bien autre mlnihre. Son état algérois était un fantame d'état. L'armée zeiyanide d'Aboii-Thabit prit l'offensive e11 1351 et s'empara successive- ment de Clierchell, , , Nger et Ténks. Acculé i la mer sur la cate algéricnne comme il l'aoait été quelques moi,s auparavant sur le littoral tunisien, le Khalife s'embarqua vers le Illaroc, fit naufrage, perdib les biens qui lui restaient et arriva, déguisr et ruiné, dans le sud-inarocain apres maintes péripéties. 11 clierclia a s'emparer de Marrakecli mais en fut aussitat chassé, tenta de se r6fugicr dans 1'Atlas et y mourut: avant de ~cndrele dcrriier soiipir, «par une slipreme généérosité, il pardoniia B son fils révolté et, pour iie par compromettre la paix du royaunle, il le proclama son successenr légitinie~,'". C'était en juin 1351 : le conqiib. rant de Gibraltar, de' Tlenicen et de Tiiiiis eut la plus pitoyable et la plus émouirarite des fins. Ses ennemis Zeiyanidcs n'eii furent pas pour autaiit sauvés: Abou- Inane devenu chef unique et incoiitesté des Mériiiides, prit l'offensive oontre Tlemceii des le printenips 1352, avec un important coiitingent chré- tien dan8 son armée "' tout comnle aii temps d'hbou-Youkob et des Se- guí; pres d'Gudjda, conime jadis Yagmoracen, les Rois de Tleiiicen fu-. rent vaincus; Aboii-SaYd qui avait voGlu combattre aiix cat& de son frkre fut tué; A.bou-Inane s'empara de Tlemcen; Abou-Tliabit se replia vers Alger ; avant-meme d'y arriver, il fut rejoint par les Mérinides, cornple- tement défait, obligé de s'enfuir soiis u11 dbguisement, seulement accom- pagné de son neveii Abou-Hammou et de son vizir; et il alla ainsi sc réfu- gier misérablenient h Bougie chez les Hafsides : les manes d'Abou-1'Has- san étaient ven,'mees...

LA LUTTE POUR ~'LEMCEN (3352-1360). -En Espagiie, la mort d'Al- fo~~soXI marqiia la fin d'one époque de la reconqu&&. 1.a grande flotte créée par le conquérant d'hlpéciras n'allait pas étre iitilisée contre 1'Islam

363. DC fait, il y eut rlcs ragports clieralereiqiics ciitre Alfo~iso HI ct res idrersaives niuruirnans dani les r1ei.niei.s jours du ibgne: le rr~i resoectiiit I'li6roiamc rlca dCfeiiseur~ dc IR ville gu'il assiEgcnit: et giiand il mourut- de la Deste-, Yusuf Isr de Grenacle ordonnn A 3, tour prendie le

qui nnisaient aur bons i.apports entre Castille et Aragon 'lo. Elles applrn- rent en plein jour, apr2s 1350. Cependant., Abou-Inane entendait reprendre la politique d'nnitb nord- africaine qu'avait suivie son pere. Les Hafsides étaient faibles et divi- ,sés "' : le Mérinide arriva done A Hoiigie sur les traces du roi de llemcen eii fuite; il y entra uictorieusemen~,se fit livrer et exécuta Abou-Thabit puis eiivoya aii Maroc, eri une deini-captivité dorée le prince hafside qui était alors le gouverneur de Boiigie, Abou-Abdallah '". La guerre contre 1'Ifri- kipa devait durcr longtemps encore : les progris d'Ahou-Inane furerit plus lents que ceiix de son pkri, mais ils iiefurent guere plus durables. En 135'7, le MErinide réussit pourtant pousser de Bougie jiisqu'i Bone et h s'em- parer de Constantine doiit le prince-gouverneur, Aboii-1'Abbas "', pirtit rejoindre au Maroc en demi-captivité son cousin germain Abou-Abdallali .de Borigie: Pendant qiie cette politLqiie mdrinide se développait en Afrique, Pe- dro IIV d'Aragon oiganisait une coalitioii générale contre Pedro 1 de Car tille: le 20 juillet 135'7, fut ratifié i Sarragosse un traité entre le Roi d'Aragoii et le Khalife mérinide roi du Maroc et de Tlemcen ''O; o'était non seulement un traité de commerce mais aussi iin accord politique; il y était dit que si la guerre éclatait entre la Castille et I'une des parties con- tractmtes, l'autre partie controctonte n'aiderait pas l'ennemi. Par ailleurs, le Roi de Grenade Mahamed V était déclaré inclns dans ce trait;. Pedro 1 de Castille se trouvait donc isolé eii Espagne. Déja cii 1354, les querelles iutestines des Crhétiens avaient induit les Musiilnians 2 attaquer Algéci- ras '" ; cette tentatire avait échoué. La politique de Enrique de Trasta- mara et celle de Pedro IV d'Aragon n'allaitelle pas maintenant permettre B 1'Islam de reprendre Alg&iras, Tarifa et d'autres places encoie? On pouvait le craindre. En 1358, quand la guerre éclata ouvertement entre Aragon et Castille, Pedro 1 fit toiis se5 efforts pour détou-ner les Marocains contre les Catalans "'; ce fut en vaiii ; au meme moment, Pe-

- - SGG. Cf. une lettre de SPDtcmbre 1345 envo~CrLiar Don Juan Manuel B Pedro IV aii sujct des maniganees d'Alionro XI mntri 1'Arogoti IBimdnez Soler, Dar&Jxon Muittccl, op. cit.., p. 04s). Di>. 507. B.R.A.B.L.B.. XIX. 1918.. ~~ 11 ct U. 503. Ci piitiee Abou-Abdallah Ct;iit devenu b.oliveriicur de Rniicic eii 1310. 11 avait. d6jh .6tE eiii,oyi: cornme piiioiinier nu Maroc Dar Abou-l'llassaii en 1317, uuis lib6r6 Dar ,lbu\i-Inane en 13s. Contrniremeiit B cc sue noiis ;ivoiis many, Dicmo7ins..., 111. p. 203, et IV. PP 128-124. &o IV e~ivyaiti Aboo-Inane iin envogré nommC. Mateu Mercer cbargé de requérir le Mérinide de ne preter auciine aide h la Castille "'. Paradoxalement, comme jadis au temps d'Abou-Youkoub, ce fureiit les Tlemoeniens - et leurs alliés - qui se chargkrent d'aider indirectement les Castillans: Hafsidec et Zeiyanides surint eii effet fnire mordre la poiis- sihe aux Marocains. En 1357-58, Aboii-Inane fut battu par le Khalife liaf- side Abou-Ishaq 11 qiiand il tenta de pousser de B6ne et de Constantine 1,ers Tunis. Le prince zeiyanide Ahou-Hammou, neveu des rois Ahou-Said et Ahon-Thabit, réfugié ?+ Tu~iisdepuis 1352, participa i ces victoires hafsides. Et voilj qii'en décenibre 1358, Abou-Inane moiirut, étrangl6 par son, ambitiiux vizir! Ce fut alors une délracle mérinide comparable j. celle de 1348. Le Khalife laissnit 325 eiifants, de qi~oiengendrer des luttes saus fin entre ses heritiers! Le viair choisit comme snccesseiir dans cette pro- ghiture un eiifant de cinq ans: Es-Said 1''. A marc'hes forcées, Ahou- I-Iammou couriit aii niilieii du désordre gbnEral vers 'i'lemcen et il y fut proclami iRoi le, 31 janvier 1359. Gétait la deuxikme restaiiration zeiya- nide. En arrivant dans son palais, les armes h la niain, le noiiveau souverain y trouva un cadeaii que le Khalife Ahou-Inane y avait fait préparer poiir f>ed~.oIV. Yal'ha-ihn-Klialdo~~nnous dit que ce superbe présent destiné au aRoi de Catalogneu consistait en ades chevaux magnifiques, des selles aux étrier,~d'argent, des brirles brodées, des courroies de choix» "7" De son c6té, Abder-Rhaman-ibn-Khaldoun a parlé de ce préserit : aDaiis l'en- voi somptueux préparé pour Don Pedro d'Aragoii on remarqiinit surtoiit un beau cheval de coideur pis-foncé dont la sclle et la bride etaient riche- meiit hrodées en orn Abou-Hammou décida de toiit garder pour lui- mgme et pour sa soite. Le diitail est spmholique: a la veille de mourii., hbou-Inane était ericore fidele l'alliance aragonaise qu'il avoit conclue en 1357; la crise mérinide, la victoire zeiyanide étaient done ipso fnicto des évinements favorables A la cause castillane, comme l'avait jaclis été la lorigue résistaiice tlemccnienne contre Abou-Youkoiib. Le roi Mohamed V de Grenade et son Vizir le renégat Redouaiie res2 taient, eux, fideles i l'alliance miirinide : contre les Castillans, dans l'es- prit dn traité de Saragosse de 1357 ''" ils avaient envoyé peu xuparavant le poete Ibn-Aljatib ""iipr&s du Khalife Ahou-Inane pour en solliciter I'aide militaire. Mais la Castille fut alors servie par les événements grana- dins comme elle venait de l'etre par les événements africains: la reiiie- mhe de Grenadk trama un complot contre son beaii-fils le roi Moha- med V 6'8; en une nuit tragique le Vizir Redouane fiit ossassiiié '";son

57s. Ibid., IV, P. 123. ,574. Yal'bn-Ibn-IíhaI~10~ii,trad. cit., 11, 3, P. 48. 575. ~bde~-~hamdil-l~~~-~ha~do~n~trad. cit., IV. n. X2.1 376. Cf. SUP1R. V. 100. 577. CI. Po113 Y HO~EU~S,OP. cit., PP. 334 s

53u. Cancllnr (u!>. cit., 11. 8ii rlit pourtaat. sdoii Turitn, que c'eit >loliarned V qui eédo cci cnl&t.es ti la Cnstille. $si. Yal'ba-Ibn-K1ial~i~uli,trad. cit., 11. ?, p. C3; Abdri.-P~linman-lbi~-Kl~iiI~Io~~~,trad. cit. 111, D. 818. SS?. Ibid. 583 S(. en 1351, iilj sin6 d'rihou-Hamniau 11. ioi en 1880.

[991 1 04 CHARLES-EMMANUEL DUPOURCQ

mAditatioiis, lors des coii\~ulsioiisde l'année 1359. 11 piit le cominaiide- ment de l'armée tlenicenieniie coiilre les Mérinides de I'Algérie centrale, poussa jusqu'i Alger mais ne put s'en emparer. Cependaiit au Maroc et i Grenade, sus l'oeil attentif des Castillaiis et des Aragonais toujours en guerre les uns contre les aiitres, les Cvéiiemeiits intérieuis se compliquaient. Tjn Mérinide énergique fils d'Abo~i-1'Has- san s'imposait comnie Khalife ila place de Mancoiir-ben-Solaimai1. 11 eut aussitot un double objectif : reconquérir Tlemcen, remettre. sur le tr8iie grenadin Moliamed V qui venait d'arriver aii Maroc en réfilgié. En ni&me temps, avec hibileté, pour essaper de se concilier I'Algérie orientale et d'y garder quelque influence, il libéra les princes Iiafsides Abou-Ab- dallah et Abou-1'Abbas et les rwvoya comme rgouverneucso 3. Bougie

et i Constantine. Abou-1'Abbas rentra cffectivernetit A Coiistiiiiti~ie' en 1360 et il y commenqa lc grand jeu politique qiii devait lui doiiner dix ans plws tard le Klialifat hafside. A Bougie au contraire, Abou-Abdallali arriva trop tard : les troupes du Khalife de Tunis Abou-Ishaq 11 s'étaieiit déjh installées dans la oille depuis un un. Abou-Abdallali fiit rejeté vers I'ouest En Espugne, Abou-Salim eut pliis de dh~nce: grace aux troupes marocaines Mohamed V put débarquer victorieusement dans son royaume; il sollicita immédiatament l'alliance castillane. Cette démnrclic fut le point de départ d'un reiiversenieiit géiiéral des alliunces. Redro 1, Iieureux sans doute de voir la guerre civile se rallumer Grenade, acceda i la demande de Moliamed. Mais du coup, Pe&o IV d3Aragon se rapprocha d'Ismael 11 et s'éloigna des Mérinides. IYe&?ro J au contraire se transforma en ami de ceux-ci. C'est dans ces conditions qu'Ahou-Salim lan~aau printemps 1360 son offensive contre Tlemcen : Abou-Hamou TI fort iiiquiété par cette réapparitioii d'uiie grande poli- tique mérinide ne pouvait avoir que deux alliés, d'iinq part le Khalife Aboii-Isliaq 11 - avec qui il avait jadis httu Aboii-Inane en Tuni& en 1357-58 et qui combattait maintenant dans la région de Bougie contre Abou-Abdallah, le protégé d3Abou-Salim - et d'autre part le Roi d'Ara-

583 bis. Voici LI~tableaii ,oEn(.ulogique siiiiulilii' de la descciidance diAbotil'llossn:

(Mi) boil-1'Hassan-- ~13l-l~iil I I l l Ali-Abdcr- (Faris)-Abou:lnsiie (1brahiiA)-Ahil- Ornar-Talfin Abdcl-Aziz Rbaman Kllalile Snlim KLialiie Klialife 1351-la8 Khalife 1361 1807-1371 I lag-1861 l I l Abou-Zay~ilI Es-Said la= Mausa Aboii-1'Abbas (Mokiamed) Klialife pi.dteiidaiit (Alimcd) Es-Sriil1 11 Kbslife 1353-1359 1884-1388 Kbalife Klialife 1301-13G8 1874-1803 1372-1874 I ~bol-~aris I

634. cf. SUPIS, P. 101; et »oci~mentos hbes.... p. azi. 635. Cf. Mc~c~cI.,Op. cit.. 11, g. 827. LES ESPAGNOLS ET LE ROYAUMli DE TLEDICEN 105 gon. Des février 1360, Abuii-Hammou 11 avait écrit 2. Pedro IV pour lui deinaiider que les Catalans cessassent dc conimettre des actes de piraterie contre ses sujets et il Iiii avait envoyé une ambassade dirigée par le qraii a1,caid.e~Juan Barniaylin dans le but

seo. CI. Docunioatoa órnber .... VV. Y28 SO.; et SuDra. v. 40. S80 bis. D.R.A.B.L.B., XIX, 1048, VD. 35 et 85-80. 597. I>ocziitentos dnibcs..., D. 12%. $88. CP. su(>i':>, P. 101. DO. II.11.A.B.L.B.. XIX, D. 80 106 CHARLES-EYM.4NUIII. DUFOURCQ et d&sle 27 juiii il envoya eii Aragoii une ambassade chargée de rétablir au plus t6t de boniies relations entre les deux pays ''O. 11 désirait donc reveiiir A l'alliance aragonaise cunime l'avait fait Abori-Inane. ,, l orite cette adresse iie servit pas i Aliuu-Salini. Apres avoir été cliassé

580. nocuniantos dirobes .... PP. ?al-232. 601. Lofuente, op. cit., 1, pp. 354.50; Altamit.r, 1, p. 603 saa. ci. caneiias, OD. cit.. D. 87; et nocr~~i,entosdrobes ... DO. 1.m ct U:I: tea tex~esde 1360 ct 1361 qii'.4lnre6n Saiitdri d Oar.ci:i iIe Linnrés (et A leur siiite Cane1l;is) nttribiient & hfolin: nied V sont en rr'nlitb PEI-Bermejo; ils di'inontrent la eunltaiice dy L'illiaiice de L'Ariigon e0 d'E1-Bwlnrio. L'errevr uiriit de ce "il'E1-Uci.meio Liii aussi rknait aous le iioiii dc Mdlirined IMolinmetl VI): mnis eer tertis émanent de aMoli«~n~dfila rl'lsrnnel !*ir de Molininídn, tindis que Mo1i:tmcd V lui ert aiWol&a~iieacrctnentoa drabes. p. 140) tiiair des ndsociutions coiiiiiiriiePrcnt ribs rlfcenibre la1 rntre les dcux ti:irs (Cauminy, Ncmorias ... IV. ri. li~ul. CHAPITRE VI

AROU-HAMMOU 11 (1359-1389) ET L'ESPAGNE CONCLUSIONS GÉNBRALES SIJR L'INFLUENCE ANDALOUSE A TLEMCEN

Apris 1359-1360, Aboii-Kammou 11 qui, en dix-huit rnois, nvait recon- quis par trois fois sa couroniie, put enfin régner avec un calme relatif. Gr%ce A lui, pendant iine trentaine d'arinées, la Tlemcen zeiyanide recorn- nienya A sourire la vie, en se remettant des ruines qui avaient &técausées par les Iiittes nées des quatre irivasions mérinides (1337, 1352, 1359, 1360) et par l'anarcbie nord-africaine qiie nous verions de décrire.

A~oir-HAMMOV11 : UN ANIIALOU; SA cot:~; LES FKEREC IBK-KHALDOUN. - Aboii-Hammou 11 fut le dernier grand Zeiyanide, le dernier roi indb pendant de Tlemcen. Mais le destin, comme poiir parer de fleurs et de gloire 13 fin de cette époque

505, Traduit eti esy>agnoipar M. Gaspnr: dlcolla? des perlasn, Zura~oaa,1809.

11031 officielles, par esemple celle-ci, la plus soleiiiielle, pour l'aniiiversaire de la naissance du PropliEte : Les grands ct le peuple rassamblés dans une vaste salle qi~'ornait une Iiorloge faiileiise daiis tout le monde d'alors, uprenaient place wr des cous- sins et des tapis :,u milieu dcsyiiels des lampes brulaient sur de hauts candelabres. Le prince lui-mFme était assis sur son trone, entouré des pliis notables de sa tribu et des principaux officiers de sa cour. Des pages, ve- tus de soic multicolore, pronieiiaierit des brule-parfums et aspergeaient lo foule d'eau de Tose. Et l'oii écoutait les poEmes kdifiants conipmés pour la ciruoiistance par le sultan lui-m2me et par les meilleurs poetes de I'é- poque : un héraut se tenant devant le prince les inodulait. A la fin de la nuit, oii apportsit les tahles basses cliargée~de mets, piiis les fruits et les dteaux. Eiifin le sultan faisait, avec toute l'assistaiice, la priere de l'aii- rore, ct il se retiraitn '". Les fastes de Grenadc revivaient dans I'esprit d'hbou-Hamniou 11. Des Andalous furent les principeiis eoilaborateiirs du soiiverain. La trsditioii de la cour tlemcenienne le voulait, d'ailleurs; déjh aii teiiips dYAboii- Hammou lo', les quatre vizirs siiccessifs du royaunie avaient été Mcihamed ben Maimoiin, ses fils Mohanired-El-Achqar et Ibrailiim, puis un oncle de ces deux derniers Ali ben Abdallali O*'. Tous quatre appartenaieiit i urie illustre et pieuse famille de Cordoue. Plus tard sous Abou-Tasfin le', le Ca- talan Hila1 avait été lui aussi irii agcnt de l'iiifluence civilisatrice de 1'An- dalousie : il Ctait né Grenade et y aoait recu si toute premiere forniation. Abou-Ha~umou 11 iie faisait donc que coritinuer une tradition; mais il le fit avec éclat. On doit citer en particiilier parnii les poktes de sa eour le grand Mohamed-ben-Yoiisof-el-Qnisi-el-Andalo Anssi, tout au long du regne quand Grenade se trouva menacée par des ChrStieiis ou aiis prises arec des difficultis alinientaires, le Roi fut toujoiirs euclin h aider le pliis possible ses frkres d'lispagne. En 1352 par exenrple, 1oi.s des deriiikres convulsions d'El Bermejo, des ambassadeurs vinreiit solliciter a Tlemcen I'aide. zeiyanide : ils se garderent bien de dive que des chrétiens d'Espngne aidaient leur princc niais il y avait parmi eiix un poEte qui déclanla devant le moiiarque :

698. Gsdi, F. Dlarcaii et Yuer. ou. cit., p. 157. 507. Yal'ha-lbn-Khaldoun. trad. cit.. 1. u. 172: Abdc~Rhanion-Ibn-Klioldo~~n,trad. cit.. 111, pp. 8QQ400. 588. Yal'ha-lbn-Khsldoun. trad. cit., 11. 2, DP. 200, ES, 370, 383. 699. Ibid.. 11, 2, b. i33 ct P. 1M. LES ESPACNOLC ET LT ROYAUME DE TLE>lCEh' 109

Fraiice et le Pape Urhaiii V (dlAvignon) qiii envoyCrent alors en Castille les fameuses l&nle: 3 la faveur des giierres entre les denii-fr&res Pedro 1 et Enrique de Trastamara, les M~isiilmaiisne pouvaient- ils pas rejeter de plus en pliis vers le iiord les Clirétiens? Le Roi de Grenadle était fort, alors : en cette année 1366 il mettait 30.000 hommes A la dispo, sition de Piedro I dk Castille 'O3. 11 appelait en somme les Musulmatis iiord- africains i s'associer $ ses efforts. 11 I'écrivit lui &me clairenierit iAhou- Hammou 11, en expliqusnt qu'il avait déji obtcnu cine pron~essed'inter- vention des Mérinides. Mais ceux-ci étaient para1ysi.s par leurs discordes : depuis la mort d'Ahoii-Inane, les rkgnes étaient tous épIiéin&res, les com- plots s'engendraient les uns les autres. Abou-Hammou reprCseiitait tinte plus grande force. C'était donc surtout sur iui que comptnit Molianied V. Dalis cette correspondance privée entre deux Musulmans convainciis '"* toiit 6tait traité di, point dk vue religieux ians tenir compte des iritérets écono- niiques ori des contingcnces politiqiies que pouvaieiit faire nattre de pro- visoires accords entre les royauuies chrétiens et Ics mn'honiétans. Moha- med V y parlait donc fort sérieusement du danger que représenterait une unification de 1'Espagne chi+tienne : il signalait Abou-Haniniou que lc Trastamara avait ckdé au iiBardjelolii» (c'est A dire au uBa.rceloiiaisn~.les royaumes de Murcie et d'Almeria. Et cet essor de I'Aragon paraissait fort rlangereiix i Grenade 'Os. Abou-Hammou TI qui nvait alors de grandes préocupatioris du c8té de 1'1frikij.a et qui penait par ailleurs de signer un traité avec I'Aragon 'O6, iie piit, ouhlier toutes les réalités de l'heure pour suivre Mohanied V, mais il se montra fort ému par ses démarches ct il lui envoya «de nombreuses cliarges d'or et d'argent, &S clievaux et des navires cliargés de giaiiisu 'O'.

. ~~ m?. Ibi~l.,200. 003. Ibiil., 213. RH. Sur cettc profaiiile ioi niurulnianc, el. Gsrll, h1ai~aiaYver. op. cit., D. 16s. 005. Yal'ha-lb"-Khald~un, 11. 2, p. 214. 008. l'raite de 1862, ci. sii~i.0,11. 14 et iniro. D. 111. 007. Yul'ha-lbil-Kheldoun, 11, 2. p. 210. 11 faut faire la part de I'hypocrisie dil>lomatique et di, conventionalisnie dans toiites ces larmoyantes mniiifestations d'aiiiour pour I'Andalousie. Abou-Flammou 11 était assez bon politique et sovait discerner les possi- bilités: ce fut seiilemeiit dans le cadre de ces possibilités qu'il laissi vibrer son coeur pitoyable aur nialheurs de Grenade. Mais cliaque fois qii'il le put, il agit : il envoya des troiipes iMobanied V '" '"'. Sa forn~ationandalouse se révéla eiicore pliis dans le soiici q~i'il éut d'attirer dans son royaunle, artisaiis, artistes et écrivains. Nous l'avoiis déji signalé, il 1, avait aii tiemps des Zeiyanides des iiianufactures royales tres gctives: elles coniiurent un grand dével~ppemeiitsons soii inipulsion car il p fit traiter avec la plus grande justicc ses ouvriers, qu'ils fiisseiit cliré- ! tiens ou musulmans, Européeris ou Africains; il fit toujours assurer i tous un silaire fort équitable, ai~ssibien 21 ceiix qui itaient étrangers qu'h ses propres sujets "'. Tous d'ailleurs pouvaient se présenter i loi dans les audiences publiques qii'il donnait réginli2reme11t. Enfin il eut le mérite d9a,ttireri sü coiir Le plils brillant esQi.it rniisulman de son tcnips, Abder-Rliaman-Ibri-lihakdo~met son frkre Yal'ha. 11s étaient toii dciix nés il'iinis, I'un en 1332 l'autre en 1333, J'une vieille famille andalousc "". 11s euient des carrikres pii.all&les fort conipliquées du fait de I'iristabiliti de la vie nord-africaiiie en ce sivcmCsiecle qu'emplirent tellement guerres, révolritions de palais et traliisons. L'a'né, Abder-Rhanian, comnierqa sa vie d'bomme ,a quatorze ans en entrniit au service des Méri- nides quand le graiid Abou-1'Hassan deviiit le maitre de Tunis au soir de sa vie. Abder-Rharnan suivit la faction de son roya1 protecteur ii travers I2Afrique du Nord puis il resta au service de la dynastie et fut enfin distingub pour un poste de choix par ce grand Mérinide au rkgne épbémkre que fiit Ahou-Salim : le jeune Abder-üilianian qui n'avait encore que 27 aiis devint Grand Cadi du Khalifat. Rlais lors de I'assassiiiat J'Abou-Salim il dut s'erifuir : il arriva cl'abord 2I Grenade o& Molinmei V qiii savait lui aussi apprécier les hcmmes de veleiii., le transforma en ambassadeiir chargé de négocier des trüités entre I'edro 1' de Castille et les souverains nordi africains "O. Aprks quoi et peut etre 2I la suite de ces iiégociations, il passa au service dii Hafside Ahoil-Abdallah, le prince-gouverneur dk Bougie qui était devenii iin instrument de la politiqiie d'Abou-Salim contre le Khalife de Tuiiis en 1360. Son frhre qui n'avait qu'uii an de moins que lui, Yal'lia,I eut une. carrihre assez scrnblable: il fut successivement aii service des Méririides puis zi celiii d'Abou-Ahddlluh de Bougie, et ce fut liii qui passa enwite le premier au service d'Abou-Hammou 11 1orsqu'Abou-Abdallah fiit tué et vaincu - en 1366 - pdr son cousiii-gerniain Abou-I'Abbas de Gonstantine 6". !Yal'ha deviiit dks lors l'ihistoriographe d'Abou-Aniniou 11 et fit appcler i Tlemcen son frere Abder-Rhanian qiii s'était réfugié dans le sud-constsntinois ponr 6chappcr i Abou-I'Abbas. Pendant quelqne

M7~~ lil. 1,is.~~- Cf. intra.~ :, .o. ~~ ROS. Cf. SUPrd, U. SO. SOD. Cf. B.H.A.B.L.B., %IX, 1040. u. 8. 810. Cf. Cinehez Alboinor, "11. cit., 11, UD. 1??-?3. 611. Cf. B.R.A.B.L.B.. XlS, 1%L0, 11. 14. note 7: cf. aussi inlrs, P. 112, LES BSPAGXOLS El' LE ROYAUME DE TLEXCEK 111 quatre ans, les deus lbn-IClialdoun furent comblés d'honneurs et de faveurs psr Abou-Hamniou, mais cela ne les emp&clia pas de le trahir en 1370 quand $ Zeiyanide fut Inie fois de plus chass4 de sa capitalc par une invasioii mérinide. Ces succis marocains furent fragües: les deus frkres s'enfiiireiit donc dnns le sud puis en Espagne. Mais Abou-Hammou remonté sur le trune, les rappela avec uiagnaniniité et leiir pardonna en 1373. Cinq aus plus tard, le piince Iiéritier Abou-l'asfin doiit l'ambitioii et I'orgueil ailaietit toujours croissaiit fit assassiner Yal'ha car il était jaloux de l'iufluence que celui-ci avait sur l'esprit dn Roi. Aussitut, Abder-Rlitimarr s'bnfuit vers I'est; il gagua 'I'uiiis puis I'Orient oh il vécut longuement encore, traviillant niiniitieuseniciit L son Hisioire deu Ilerb2rer: il mourut aii Caire en 1406 a $4 ans, ayaiit vécii 29 ans de plus que ?e malheiireiix Yal'lia. On doit regretter la mort prématurée de celiii-ci: la belle liristuia! des Relii-Abded- wad qu'il eut Ic temps de rédiger daiis sa rzie relativcment breve permet de ,supposer qu'en vivant aussi longtemps que son frere il aurait eu la poisibilité de nous laisser d'autres grandes oeuirres. L'iiitimité qu'il p eut entre les Ibn-Klialdouii et Abou-Hammou 11, le pardo11 que celui-ci sut leur accorder lorz dc leur injustifiable trahison de 1370, toiit est A l'honneiir du roi. Pour bien des raisoiis, la personnalité d'Abou-Hammou apparait donc aoiis un joui tris'attachaiit. <:e Zeiyanide fut un prince cultivé et bon, une dks plus belles figures royales de la civilisation musulmane occideiitale déclinmte.

LA I'OLITIQUI: HIS~'ANO-AF.RICAIN~:D'ABOU-HAMMOU 11 DE 1360 A 1370. - En 1360, quand le tr6ried'Abou-Hamniou se consolida, les Mérinides tenaient encore Oran et Alger: le Roi lui-menie dut faire campagne pour installer solidement son autorité daiis l'hlgérie dentrale, Ténis, A Médéa, a Xiliaiia, 1,'nlliniice nvec Pcdro IV d'Aragon n'était pus encore aii point. lles regrettablcs incidents de 1361ie - la destriictioii des galires catalanes~ par 1ks Cnstillans - ralentirent les négociatious en cette année 1360. Némmoins Pedro fit ininiédiatement équíper quatre autres galires aux ordres de Poncio Altarriba. pour reinplacer celles qiii avaient 6th coulées "': il est periiiis de peiiser qu'klles agirent en liaison arrec les C-leipinides. Le Lertain est qii'en 1361, Abou-Hamniou 11 rénssit a prendre Oran et que son pere le marabout Aliou-Yaiikoub cntra A Alger. sans coup férir. Ces conquEtes furent drics surtoitt i l'habileté diploinatique du Zeiyanide qrii sut profitcr des désordres inicrieurs du Maroc pour extorquer des traités et des coriccssioiis aux hicrinides "'". .J?,n 1362, Ic traité que 13Aragon et le royaume de 'r.kmceii négociaient depuis deux aris déji, fut enfin ratifié "' : traité écononiique et politique, s'liarmonisant avec Ics accords que fidru IV préparait au meme momeiit

81%. Capmnns. Memori«s .... 1, 1, D. 1.M. 613. Yal'ha-lbil~blialdoun, 11. 2 o. 110. 814. Cf. EUpIa, p. 1.5

110.il avec les Mérinides "' et qri3Aboii-Hainmoii concluait effectivenrent "" 'Tan- dis que la guerre entre Castille et Aragon se poorsuivait et que Pedro IV; isoiait Pedro 1, les Zeiyanides semblaient doric s'orienter vers la paix. Mais, des éléments algériens qui ovaient lutté B Alger avec les Mérini- des contre les Zeiyonides étaient passSs au gervice du Khalife Abou-Ishaq 11 de Tunis. Celui-ci eut le tort de les iitiliser, Aboii-H,animou 11 considéra la chose comnie une meiiace. Les relations entre les deux sonverains s'eiive- nimerent. Ils oul>li&rentqu'ils avalent été alliés contre les Mérinides. Abou- Hammoii 11 ne tint pas conipte de I'hospitalité tiiiiisienne qu'il avait recue. La question de Dellys (Tedelis) se posa B nouveau, comnie au temps d3Abou-Hammoii 1" '" . Abou-Haninioii 11 voulut reprendre cette possession de ses ancetres. 11 s'en empare effectivement i la fin de l'année 1362 "". C'était la giierre coutre 1'Ifril~iya. Les Zeiyanides décidkreiit d'aidkr le prince Abou-Abdallali qui vaguait A travers 1'AlgSrie centrale depuis qu'Abou-Sulim l'avait envoy6 reconqo6rir Bougie. Mais ce fut bref. Le Roi de Tlenicen et le Khalife de Tunis se réconcilierent aui dépens des prétendants : Aljou-Abdallali et ke prince ALou-Zayan suscité contre Abou- Hammou 11 par les Mérinides et mnintenant réfugié & Tunis. La paix fiit signée entre Abou-Hammou et Abou-Ishaq "'. Somme toiite, le 'zeiyanide s'était montré pacifique et peu ent~epreiiant. Eii 1346, il y eut un nouvel orage, éphémere enrore; les Mérinides attnqiitreirt le royaume de Tlenicen; les Hafsidec en profiterent pour re- prcridre - nionientanément - Uellys. Mais Abou-Hammou tint bon et sut manoeuvrer lrabilemeiit : son demi-protégh Ahoii-Abrlallali deviiit sinon roi du moins prince-gouverneiir de Bou,oie "'y Et des 1365, Ahou-Hammou rtait e11 paix avec to'us ses voisins. 11 épousa niors solennellement iine jeune priiicecse Iiafside comme l'avait jadis fait le roi Omar une fille clii prince bougiote Abou-Abdallah : c'était iine garantie prise, d'iine facon rlétoiirnée, contre de possibles revivements de la Cour de Tunis. La branche hafside de Bougie devenait unc sorte de trait d'iinion, et le doniaine d'Abou-Abdillali un état-tampon. Loin dc profiter de I'aiiarchie mérinide et des guerres espaznoles, Abo~i-Hammoucherchait & consolider la paix en Afrique. Mais voili qu'en 1366, le prince de Constalitine Aboii-1'Abbas atta- qiii so11 cousin Abou-Abdallah de Bougie et' le tua '". Abou-Hammoii se sentit-il offensE par cette mort de son beau-phe? 11 n'avait jamais dii considérer Ahoii-Abdadlab que comme un pion asseñ méprisable : c'était ce Hafside qui avait en 1.152 livré Abou-Tliabit 3 Abou-Inane '2". Mieux

615, Caomang, Mlniaiias, IV, e. 186. 616. Yal'hc-Ibii-Khaldo~!n,11, 2, P. 180. 010 bis. Cf. stiprii, P. 70. iili. Yal'ha-IbnHhnldUUn, 11, 2, P. 100. 018. Ibi, P. 101.

114 CHARLES-BMMAKUBL DUFOURCU difficiles "'u, les combats s'dternisaient dans I'Algérie ceiitrale. En 1369, le roi lui-mhie viiit assi6ger Alger, mais il ne put s'en enipsrer et il dut battre en retraite "\ ll'névitable se produisit alors : l'alliaiice entre All- ger et le Maroc oUntre Tleuicen; ce n'était pas une nouveaiité. Abon- Hninnion ayant accueilli A ia coiir d& le piintenips 1360 des chefs maro- cairis ennemis dlAbdel-Azis "', celui-ci n'hésita pas i accéder aus deinan- des des Algérois qui liii proposkrent de le reronnaitre coninie sourerain s'il attaquait le Zeiyanide Retenu peiidant qrielques mois dans le sud marocain par une révolte de &íarra!íech, Abdel-Aziz n'attaqua Tlemceii qu'en 1370; épuisé par les hit- tes qu'il venait de eoutenir contre les Hafsides et les tribus de I'Algérbe ceiitrale, Aboii-Hammou, fut vite battu : 'des aoht 1370, les Rfarocoiiis entrkrent A Tlemcen et le Zeiyanide dut s'enfuir uneiiouvelle fois de ea capital&; abandonné par la plupart de ses anciens fidkles, il partit vers le sud-oueit et erra longuement dans les confins saliariens. Cette prise de 'l'lemceii par les Marocaiiis en 1370, coiiinie tant d'autres événemeiits de l'histoire tlemcenienne que nous avons dEjA contés fut aconi- pagnée par un fait symétrique en Espagne: lorsqu'il S'étiit senti grave- ment nienacé par la coalition d'Alger, des Hafsides et des hl4riiiides, Abori- Il~mmoli'11 avait eiivoyé A Grenade son viair Imran-beii-Mousa pour de- mander des secours "* ; or le roi de Grenade, oublieux de la vieille aniitié skiyanide était alors tout occupé a se méiiager la sympatliie du Mérinide car il voulait profiter des dernihes convulsions de la guerre civile castil- lane pour s'emparer d'iilgéciras, 1s place qu'Alfmso XI avait arrachée i 1'Islam et que Mohamed V convoitait depuis longtemps: et de fuit, l'es Grenadins aidés par des renforts marocains avaient pris Algéciras en cette année 1369 '". A vrai dire, En~ique11 reprit. la ville et iniposn une alliaiice dur,able a Grenade; niais Its nilusulmans avaient eu le temps de détruire Algécira's qui, du fait, devint iine base moins utile et moins conimode pour les Castillaiis. On ne voudrait pas forcer les rapprocliements, mais on est obligé de constater que la défaite castillane d'Algéciras de 1369 fut la préface de la prise de 'l'lenicen par les Marocains en 1370, tout comme la prise de Gi- braltar par ces memes Marocains en 1334 avait aniioncé l'écroulement zeiyanide de 1337 '", taiidis que la veconquista d'Algéciras en 1344 avait été le signe ava'nt-coiireur de la résurrection aeiyanide de 1348 '".

e83. Notamrnent d;iiis Lo region de Mtrlá en juiii 1868 (Yil'lia-lbii-Khaidour~, 11, p. 259). 081. Ibid., 11. 2, 1,. 189. 332. Ibid., 11, P. D. 274. 693. Abdcr-1~I1~m~n-lbn~Kl~~~ldo~n~1V. p. 882. 034. Tal'ba-lbii-Khaldouni 11. 2, p. 2i4. 085, La guerre civile eastiusnii si teirniiia le 22 marn Dar Bnrinue 11. esa. Balicstciar rii, p. 142; ~nwcioncdiede L'I~I~I~L,J. U81. Ci. supla. "P 3041. 038. Cf. siipm, p: 07. LEC ESPACKOLS ET LE ROIAUME nE TLEMCEN 115

L'ENTR'ACTE?V~~RIN~I>E DE 1370-72 ET LA SECONUE llARTlE DU R~NE D'AROU-HAM~IOU(1572-1389). - D'aoíit 1370 A oetobie 1372, rlbou-. Hammoii 11 multiplia marches et contre-marches avec une poignée d'hom- mes. Abdel-Aziz le Mérinide, s'installa souvcrainement ii Tlemcen : Ara- gonnis et Grenedins sans teñir cvmpte de l'amitié qui les avait jadis liés iAboii-Haniniou 11 rivaliserent d'~ni~ressenieiitaupres du ICbalife roi dii Af.aroc et. de Tlemceri. L'Empire inérinide redevint alors - pendant quel- ques mois - le vrai coeur de 1'Islani occidental ; Abdel-Aziz savait se comporter princikreinent : en 1371' par exeiiiple, il fit i Tlemcen une msgnifique réceptioqau pokte andalou -1bn-Aljatib "', l'ancien collabora- teur dii. Vizir de Grenade Redoiiaiie Venegas. Mais le destin ne permit pas ?+ Abdel-Aziz de connaltre une gloire aussi grande que son prédeces- seur Abou-l9Hassaii; il ne fut qii'un inétéore: en octobre 1372 la mort l'emporta; aussitot aprAs, les Mérinides retomberent dans I'anarchie A laquelle il les avait arrecliés; Tlemcen en profita pour,se révolter, les par- tisans .d'Aboli-Hammou virent leur nombre s'enfler chaqiie jour et, des le 19 noveinbre, le prince héritier Abou-Tasfin fit son entrée da?s la capitale

ueiyanide, au nom de son pere qui 37 arriva A son tour le siirlendemein. Poiir la quati.i+me fois en quatorze ans; Aboii-Hammou montait sur le trone. Pendant quelques années, le prestige zeiyanide brtlla i nouveau dans toute 1'Afrique; Mohamed V de Grenade tint i se faire pardonner les bons rspports qu'il avirit eus avec Abdel-Aziz : des décem'bre 1372, il en- voya ?+ Abou-Hammou une ambassade chargée de siipcr1,es prEsents afin de renoner uiine vieille habitudeu ""D car - aux dircs d'Yal'ha-Ibn-Khal- doiin - il y avait entre les deux soiiverains des nliens de fraternité,, em- bauniés par ulc sonffle d~izéphyr de l'aniitién '". Au mSnie moment, le Roi de Grcnade attisait les troubles marocains autour du troiie di: Klialife enfant Es-Said 11, et il réussit ainsi A s'emparer de Gibraltar, la dernikre place que les Mérinides avaient en Espagne "LZ C'est done sans aucune pré?cciipation du coté marocain, qu'Abou-Hamniou put recoiiquérir toute l'Algi.rie centrale y compris Alger '". 11 crut alors poiivoir prendre sa revandhe sur le Hafside Abou-I'Abbas: il l'attaqua et s'empara de Del- lys "? AU msme moment, les intrigues de Mohamed V au bfaroe abouti- rent B ln cliute

839. Ci. SUD~G. p. 102 et note 5;;. Uno. liil'i!;i-llin-Khal~loun,11, 2, p. 834. 041. lbid.. D. 386. 642. Merciei., op. cit.. 11. p. 850. 8". Ynl'hs-lbn-Kholdoun, 11. 2, DO. 3% et 316. 641. lbid., 013 380 et 384. 116 CH4RI.ES-EYhIANUEL DUFOURCQ

contre Marrakech qiii s'était érigée en capitale d'un royaume du Sudr rnarocuin '". Allié de Mohan~edV, vainqueur des Hafsides, sans inquiétude du c6té mérinide, Abou-Hamniou-semblait en 1375 au comble de la gloire; inal- Iieureusement pour lui, une épouvaiitable disette ravagea alors ses états: il sut y faire face avec énergie, créant des Iiospices, distribuant cliaque jour en aumones la moitié de ses revenus, niettant en vente A bas prix le blé stock4 dans les greniers royaux; rien n'y fit; selon Yal'ha-Ibn-Ichal- doiin, nles gens se dévoraient entre euxn Cette disette fiit-elle i l'origine des troiibles qiii éclaterent A Alger en 1376? C'est possible: I'éternel prétendant Ahou-Zayan fut proclamé roi par les Algérois, perpétuels frondeurs; mais, fort de la paix qui régnait alors en Occideiit '*', Abou-Hammoii piit fsire porter tous scs efforts veis ha tiirbulente marclie o~ientale: des janviey 1378, ses troupes réta- blirent son autorité en Alger O*'. Cette aniiée coniliieiicée sous de si favorables présages, maruue poiir- tant iin toiirnant fatal iians le rhgne d'Aboii-Haniinou : le prince liéritier Abou-lasfin qui arrivait i ses 27 ans était impatient de goiiverner ou, du. moins de participer au pouvoir ; il Ptait violeiit, orgueilleux, ambitieux et maladroit; Yal'ha-Ibn-Khaldoun lui parut contraire 8 son influenoe; il le fit assassiner et, des lors, il poiissa son pere dans la voie des aventures : les neuf dernieres années du rigne d'Abou-Hammou 11 furent tres trou- blées par la faiite d'Abou-Tasfin, et par üilreurs, nous les connaissons assea, mal puisqiie l'historiographe Yal'ilia ii'itait plus lA pour les conter. Ainsi que l'avait dit Yagmoracen sur son lit de mort, les Zeiyanides auraient da Stre toujours tres prudents envers les Mérinides. Or c'est cette piudence qu'abandnnna Abou-IIammou sous l'influcnce de son fils: en 1380 poiir profiter dcs difficultés qu'Ahou-1'Abbas rencontrait dans la. iégion de WIarrdlrecb, les Tlemcenieiis eiirent le tort d'envahir la vallée de la Mo~louyaet de la dévaster; bientot apres, ils ~iaussirentmeme jiis- qu'8 Taza et y iiiirent le sikge '". Or, Abou-1'Abhas en fuiissait alors avec Marrakecli : il décida done de se venger terriblement de ses voisins insup- portables. Toutes les coleres d3Aboii-Youkoiib, d'Abou-I'Hassan et ~1'8- bou-Inane rehouillo~in&re~iten lui. Cette fois, Moliamed V comprit le dan- ger que répresentait pour son vieil ami Abou-Hammou une telle fureur niarocaine; il fit tout pour ditorirner Abou-l'Abbas de ses projets; ce fut en vain: le Kbalife mérinide s'élanca en 1382-83 mntre Tlemcen, bnttit les troiipes zeiyaiiides, niit Abou-Hammou en fuite, entra a llemcem et la saqua de fond en conible "". Aboii-Hammou, en cette aiinée 1383, dei~eiiiipour la cinquieme fois de sa vie un prince errant, se réfugia dans 1'AlgCrie centrale mais wec de

6.~5, hlcr~ier, OP. cit., 11, e. 359. Rdo. Y~I'I~a-lb~-Kh~ldo~niIr, 2, D. 383. 067, Paix avec Grenadc, le IiIivoc et I'Ai.lb.on (Cf. C?iiellar, oe. cit.. p. 37). 048. Mevciei., ap. cit., 11, p. 854. 619. Illid., 11, De. 3s-SO. OSO. lbid., 11. ano. grandes sppréhensions, car l'autre Abou-I'Abbas, le Hafside, aurait pu lni £aire un rnauvais sort. Ce fut la diplomatie de Mohanied V qui sauva le Zeiyaiiide : elle wscita des troiibles ati Matiroc; Abou-I'Abbas fut ren- versé et envoyé piisonnier B Grenade, tandis qu'un fils d7Abou-Inane, Mousii était proclamé Khalife A Fes, qu'Abou-Hnmmou rentrait une fois de plus dans aa capitale (1884) '", et que les Grenadins s'installaient B Ceuta i la fa.veur de ces circonstatices. Peridarit quelques sriiiEes, Abou-Hanin~ou put croire qu'il mourrait en paix ; iiiais son fils Aboii-Tash, de jour en jour plus impatient de régiier, troiinait que cette niort paternelle se faisait bien attendre. En 1387, i1 11'39 tint plus : il se révolta, s'enipara de la personne de son pkre et l'enferma E Oran en se proclamant Roi de Tlemcen. La population oranaise etit bealf se révolter en faveur de son bon vieux roi - Abou-1-1;immou avait 64 ans -, elle ent beau le libérer, Aboii-Tasfin rétablit la situation & son avantage, obligea son p&re B abdiquer et le fit paeir Iionr I'Orient par n>er Le drame n'était pas fini: Abou-Hamnioii ne se rksigna pas; il de: barqua i Pongie; les Hafsides, trop heureux d'attiser une guerre civile cliez les Zciyxnider, aiderent leur vieil ennenii; Abou-H:iiiirnu~i s'itistallzi victorieusenient datis I'Algérie centrale, attaqua son fils el: le battit : pour la sixieme et derni2re fois, il rentra Etablir son aiitorité Tlerncen e4 1'388. On I'acclama. Mais Abou-Tasfin s'enfuit an Maroc. Or, Abou-1'Abbas venait de redevenir Klialife mé.iinide: son comp4- titeiir Moiisa, le fils d'hboudnane, était en effet mort .prCniatiirément; et le successeur que lui anait donné Mohamed V - El-Wateq - s'était montré si peii docile que le Grenadiu s'était décidé ilibérer Abou-I'Abbas. Ce prince sut en finir rapidenient avec El-Wateq et se Eaire reconnaltre par tout le Ma1.o~; il accixeillit avec empressement Abou-Tasfin et lni promit de I'aider B condition que celui-ci s'engageit i reconnaitrd la aiizeraineté m&ri~iideen cas de succes; le Zeipanide félon aecepta de pren- dre cet engagemetit. B'íohamed V comme en 1382 essaya en vain de d6- toiirner le Mériiiide de ses projets. Les Marocsiiis une fois de plus parti- rent 2 I'attnqtie contre Tlemcen; Aboii-Tasfin était dans leurs rangs. La campagne fut rapide ct désastreiise pour Abou-Hammoii : du moiiis eut-il la cbanee de moiirir en combattant et d'éviter ainsi un sort pliis triste (fin novembre 1389) .O". Conforménient aux engsgenients qu'il nvait pris, en niontant sur le trorie, Abou-lasfin 11 se reconniit vassal dir Klialife mrrinide : le royaume de Tlemcen était niort en meme temps qiie le vieil Abou-Hammon 11. 11 y a iin curieiix parallaisme entre les r5s Abou-Hammou et les rois Abo~i-Tasfin; Abou-Hanimou IePmourut sous les coups de son íiis; Abou- Hanimou 11 pareillement. Le premier de ces ~iarricidessembla doniier un nouvel essor .su rogaunie zeiyanide, mais aprks un regne de dix-iieuf ans,

551. Ibid., P. 362. 052, Ihid., 13. 303. 653. Ibid., p. 371.

t1131 118 CHARLEC-EMMANUBL DUFOURCQ

Abou-Sasfin 1' connut l'amertume suprcme de mourir eii vaincii, sans pouvoir empecher les Marocains de s'emparer de ses Etats: 1nstrui:e par oette crudie expérience, la faniille royale zei~anidesnt sc niontrer iini'e dans les malilieurs et dans les succ&s pendant les ann¿es siiivantes. Mais quand les temps du péril fureiit oubliés, un nouvel Aboo-l:asfiii commit inouveau le plus horrible des c'rimes. La rechute dans de menies fautes se pardonne rarement en politique : la premiere aiinexion de l'lemcen su Maroc avait été suivie d'unerésurrection de la patrie zeiyanide; l'annexioii de 1389, elle, fut définitive. Cettc Iiistoire parfois monotone et souvent poussiéreiise du rigiie d'A- bou-Hanimou 11 a paru peut-Stre i certaiiis lecteurs, tr&s éloignée de notre sujet: les rapports hispano-africains. De fait, ces rnpports sont alors tres mal connus; on discerne qu'ils continuerent aii point de vue écono- miqiie comme par .le passé mais I'on connait mal les détails des relations politiques entre :2eiyaiiideset Espagnols en ces années de coiifiision. 11 iious a paru cepentlant utile de résumer les vicissitrides d~irigne d'Ahou- Hanimou 11, afin que le chercheur qui aura la bonne fortune de trouver, en un dépot d'archives, quelque document sur les relations hispano-afri- caines en ce temps puisse plus facilemeiit situer le fait daiis le c3dre com- pliqué et instable de 1'Afriqne du Nord d'alors. Nous pouvons ajouter qu'h la suite de l'annexioii iiidirecte de Tlemcen par les Mérinides, les relations politiques et écononiiques de I'Algérie occi- dentale avec l:Espagne clirétieniie se ponrsuivirerit . sous le contr8le des Maracains. Qiielques dcciimcnts nous permettent d'en jalonner l'évolii- tion : En juin 1398, Marlí~zel Hz~nzano éerivit au Khalife m&rinide pour se plaindre des pirateries faites par les gens de Dellps, sujets du Roi de Tlemcen, aux ~lépensdes nivigateurs et marchands catalans '"";ette dé- marche coincida avec I'expéditioii que Barceloiie et Vslence laiicireiit alors eontre ce port de L)ellys '". En janvier 1400 ct en mai 1901, les 'l'lemceniens - avec l'nccord niéri- nide bien eiit<:ridii -- envoykrent au Roi dlArngon des meseagers chargés de préseiits, pour obtenir en queloue sorte le pardon des piraterics faites par les tiirhulents msrins de le& ports L'histoire des rapports hispano-tlemceniens gravita rlésormais dnns le cadre Ees riipports hispano-marocairis. 1.a monarchie indépendent:~fondée par Yagnioracen siir les ruines de l'enipue almohade, n'existait plus ...

L'Aw TLEICENILN. - L'histoire tlemcenienne qui s'inscrit entre le r&gne d'Yagnioraceii et ccliii d'Abou-Hanrmoii 11 a beaii avoir été den? eii guerres et en révoliitions, elle fiit une grande ipoque au point de vue artistiqiie; et. oiinc saurait terminer un ¿tude d'ensemble sur les relations

054. D. Giloiis, llinerii7i del rai Eii 3lri7ti, Harccloiin, 1810, p. 88 055. Cf. sriprn, p. 18; et Ca~many.Jir?iior.

057. m. et G. Marrais, Lee .lfuiitmments 4rnber

1305 "O; ninis c'est (surtout le bourg d'E1-Eiibbad qiii fut enriclii de beaiix édificcs; il était dep!iis longtemps un lieu de pélerinages car c'est 1h que anourut eii 1197 1111 autre saint andalou, mystique de grand rayonnement, Sidi-Bou-Médine. Sa tonibe était un point de rcunion pour ascbtes et théo- loyieiis. Abou-1'Hassan sut rendre un hommage roya1 i cette mémoire véii6rée en faismt constrnirc en 1339 la mosquée qui porte !e nom dc ce saint ; aux alentours il fit élever un beau yetit palais que l'on peiit cncore admiier et une niéd$rsa destinée servir de cadre niix enseignements des disciples de Sidi Bou-Médine "'. Non loin, subsistcnt des bains publics, .avec leurs trois salles - Jn'gid

07s. Ihid., P. 508. 080. lbid., P. 404. 081. lbid., u. 515. 082. Ihid.. P. 191. 088. lbid., P. 0.50. 681.. Ibid.

[1171 12.2 CHARLES-EhlllANUEL DUFOVRCQ

oeuvres les plus cxquises que l'lilsni ait piodiiites en Occident. Le cndre en stiic de la riiclie égale les niorceauli les plus parfaits de 1'Alhambra svec lesI Or, de cette mosquée, h celle de Sidi- Brahim qui date d'Abou-Hammoii 11, nle rccul est ki~urrnen'". Ce recul atteste une décadence profonde : <

OSS. Csr:l, G. Mairnis, Yvci-. 00. cit., pii. 100-01 08" G. Marcais. 00. cit., 11. D. 650. 8s;. Gsell. G. Ylnrcais, Tuer, no. cit.. p. 161. #s.G: Mni~ais,op. cit.. 11, ri. sil. BS1. Cf. Eiill7i1, P. 10. WO. G. MOICO~S,00. cil.., p. 1352. 691. W. ct G. Illal~ais. "Y. cit., D. 80,

683. Ibid., PP. aí et 313 sq. O#<. Ibid., p. 817. 80%. lhid., p. ~$5:' ei Amador dc ius Rios, I,iscri~~im~sde Sevino, 11. 150, ii.0 71. LES ESPACNOLS ET LE ROYAti>IE DE TLEllCEN 123 i la meme dpotlue les nevlejos espagnols étaient utiliséi: jusqu'en Egypte et dans le Proche-Orient. 'O'. L'épigraphie conduit aux memes conclusioiis que l'archéologie et la philologie. Les inscriptions que noiis connaissons soiit Ii: plus soiivent en : caractkres soit n?zrlalous, soit couJipes, ces caracteres gi>uJigueu étant des caracteres fleuris, trEs éléganls, du memc style que celrii des inscriptions de Grenade et de 1'Alcazar de Séville. A Sidi-Bou-Médiiie, nous diserit les Marpis, on peut admirer des oinscriptions en caracteres andslous particu- I:&rement beaux» "' et. des formules religieuses qui ~ontanalogues icelles de niaiiites mosquées andalouses "'. Mais les const'ructioiis zeiyanides ne laissent pas i désirer sur ce point : au Méclioiiar revient tres soiivent et toujours en caracthes r

600. G. ?rlalqiiis, op. cit., 11, 1,. Ri?. mí. \V. et G. Mnrqais, op. cit., DP. '240 et 618. Ibid.. p. 253; Auia

1s.;-- Pt~~ 110.~ 701. \V. hlarcais. iMtusEr de Tla,ncea, Por¡$, 1000, Pi'cmifrc iioitie. 1, PO. 1 ct 2,. 702. Ibid., 1,. 2. ím. Ibid.. UD. 4-10. 704, Ibicl., D. 23. 70s. Chaire. WU. Hc~ilcliitIrchdolouiniii, Psiis, ?%O?, DD. Espagnols - Musulmans d'origine andalouse, renégats, esclaves dhrétiens - eurent dans la floraison de l'art tlemcenien. 011 ne saurait trop y iiisister : la civilisation qui fleurit alors en Algérie occidentale aux XIII'~' et XIV'~' bihles fut une civilisation ayant ees racines en Esl>agie. Noiis avons la ctiance de coniialtre une légende arabe qui résunie et symholise cctte influence et ces origines espagnoles. Les vieux rnarahouts tlemceniens la eontaient encore lorsque les Francais firent la conqu&te de YAlgérie; elle a trait aux magnifiques portes de ckdre h revetements de hronze qui sont la gloire de la niosquée Sidi-Boii-Médine: selon la tra- dition, ces oeuvres d'art furent promises au Klialife Abou-I'Hassan comme rancon d'un captif clirétien, mais elles étaient difficilcs B trsiisporter; aussi furent-elles confiées aiix flots ; et ce fut par cette voie qu'elles vinreiit dlEspagne sur les cates algériennes "'. On aime que cette légende mefte eii relief le r6le de la Méditerranée qui a toujours été, bieii plus qu'un iossé, un trait d'union entre les peuples ayant le bonheiir de vivre siir ser rives. blais l'on est heureiir a"ssi que la scicnce moderne soit venue démontrer que cette cliarmante fantaisie orien- tale repose sur un fond de rérité: les plaques de hronze des portes de Sidi-Bou-Médine rappellent étrangement la Ptle~tadel Perdón de la Cathé- &ale de Co~douequi, aux dires des meilleurs sr,bcialistes, fiit inspirée de portes antérieures, aujourd'hui disparues; la porte de la Catliédi.ale de Cor- doue et celle de la Mosqiiée de Man-lira ont done une origine commune 'OR. La légende a raison : c'est 1'Espagne qui a uffert cette porte B la plus vénérable des mosquées de ilen~cen-la-Keuve, !a ville élévée en compen- sation de la perte de Tarifa. L'Histoire peut l'affirmer : au SIII~"" et & siv*'"' sikcles, 1'Algérie recut sa civilisation de I'Espagne, comme elle l'avait reque de Rome dans l'Aiitiquité, puis de I'Orient daiis les benus sikcles du Iia~itMoyen-Age musulman, coninie elle I'a recue de la E'rance aii SIX""' sikclc,

707. iiar~fs.l'ie~ztco?t, RTIC~E?,VF ~wit~ledl~ IUIIOI

[IZO] TABLEAU SYNOPTIQUE DES SOUVERAINS ESPAGNOLS ET NORD-AFRICAINS DES XIII.'~~ET xlv.&rne SIECLEC .. - ~ ASTILLE ARAGON GRENADE MAI~O? TLEMCEN- IFRIKIYA DOUGIE TUNL, Fernando 111 , jaime 1 . Iilaliamed 1 A~OU-YOUSO~ Ynginoracen - 1 1217.1252 1213-lm0 lm8-1273 1258-1286 1236-1285 Al-Mostaneir Othman 1240-1277 Pedro 111 Mohnmcd 11 Abou-Youkoub . Alfonso S 128G1807 1288130.1 1152~1234 1275-1235 1278~1302 .41-1+.atc9 Abou-Thabif 4 Wu-Zayan 1277-1270 Saiiciio 1V Alfonso 111 1387-1305 110&1308 1234-L?!Ii 1235-YA01 Aboii-lih~q 1 Aboii-Rebhi Aiiuii+Hsmmou 1 lai11~1288 Mohamed 111 1898~IRLO 18081318 . Ferii:iiiilo IV Jaimi 11 1302-1300 Ahoii-Said Alnu.~asfin 1 Abuii-Zakaiiya 11 Abuu-Hafs 1 121-1512 1ZLiI~lR27 1P81-YU8 1m&-1rn5 Nasnr 13L0-1331 13L8-1337 180D-13I1 Abou-I'Has~an Yalid 1 Mohanicd 11 1391.1361 AhoiiSaid ct UD8111011 YL05-1UOD Iscn~~el1- Abou-'rlinbit Ahou-Innnc 13.18-1352 Y;iliil 1 Ahou-I'WaLid 13-11-1358 !263-L;390-L3LL dlf~lli~SI Allnnso IV 11114.1325 1312-18511 1327~1338 lisSaid 1 Alioii-~sinmoii 11 13581859 I359-13% AIIoII-B~~~ Miiti;irned IV 1311~1317 1'111.1317 182s-1130 Maniour 1359 Abou-Bclu Yusuf 1 - Aboii~Salim 1311-1817-18411 1334-1354 PCIII" 1 Pedro 1V 1351)-1381 Abou-Hafs 11 135W3GD 1836~13% >loharned V Ornar-Ta~fin 1340-13,17 1354.1391 1301 Abuu-1'Abh;is Aboii-Znyeii L%18-1360 (Com~étiteurs: ~dtil-l8@~ cn Al~ou-lshaq 11 lsmael 1356-186G ~hd~l-,~~i~ 1350~13611 13Ii~l372 ~nrigue11 EL Bumcio cn ia6a yalid 11 1 1380-1370 1302) Es~5fid II 1MY~L370 1372.L874 >mi 1 iiiii Yuruf IJ Al>ou-I'Ahlla~ Aboii-Ta~firi11 Abuu-I'Ablirs 11 1378-1393 13i!b1300 1387-liiX 18gI-l392 1314~13'13 i8311-1393 ~- / ~ ~ .. -

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