LE PARLER ARABE DE LA 1 (Sud-ouest algérien)

PAR

J. GRAND'HENRY

SAOURAse situe dans la region sud-ouest du Sahara alg6rien : L'OUEDil traverse une partie du grand Erg Occidental a partir de , passe par les oasis de Kerkaz, Beni Abbes, , Igli et aboutit a Abadla ou il prend le nom d'. Les oasis de B6char et de Kenadsa, bien que situ6es sur l'oued B6char, font partie de la region naturelle et administrative (wildya) de la Saoura. G6ographiquement, la region de la Saoura proprement dite recouvre tout l'ouest du Sahara algérien, depuis la bordure est du grand Erg Occidental et le Tidikelt (region de Ain Salah) jusqu'a Tindouf, à proximité du Sahara Occidental. Ce qu'on entend ici par « parler de la Saoura » recouvre une zone plus restreinte : il s'agit essentiellement de l'arabe parl6 des oasis de B6char, Abadla, Igli, Mazzer, Beni Abbes, Kerkaz et Ksabi, donc de 1'arabe parl6 dans la region de l'oued Saoura.

1. SYSTHMEPHONOLOGIQUE

1.1. CONSONNES

1.1.1. Labiales (/b/, /m/, /f/, /w/). Deux faits particuliers sont a relever : - la presence des allophones [b] et [m] dans des termes tels que : batata 2 « pomme de terre » (emprunt) et mtna « mere », bb4 (B6char) et ,bbd (Beni Abbes) « pere (emphase de respect ou de sentiment). - /m/ peut exercer un effet labialisant sur la voyelle contigue : musdkin « pauvres (ar. ancien masakin), el-mona` « 1'emp6chement » (ar. ancien al-mdni'). On citera ci-dessous quelques occurrences des consonnes labiales en position initiale, m6diale et finale de mot: 1. La présente étude expose les résultats d'une enquête dialectologique que j'ai pu mener sur place en avril 1975 grâce à une subvention du Ministère de l'Éducation Nationale Belge. 2. L'accent circonflexeindique que la voyelle longue porte l'accent tonique. 214 a. Position initiale : btan « ventre », matrag « gourdin, baguette », feha « dans laquelle », wgn - weyn « oU ? ». b. Position m6diale : « ensuite », `ammti « ma tante paternelle », hfa « il a ete cache », ifdtru « ils dejeunent ». c. Position finale : gaib « absent », tehdem « tu travailles », yezhaw « ils s'amusent », iziw «ils viennent », it`assaw « ils dinent », râk '£rdf « tu sais ». _

1.1.2. Dentales non-emphatiques (/d/, /t/) et liquide /n/. On n'a trouv6 ici aucune trace de consonnes interdentales, sauf dans le mot ksir « beaucoup » (ar. ancien katir) ou l'interdentale primitive est rendue par une sifflante. Dans les autres cas, ce sont des dentales occlusives qui correspondent aux interdentales de l'arabe ancien : tldta « trois », hâda « cela », tqel « lourd », rahe-dbeh « il a égorgé ». L'articulation de la liquide /n/ est conforme a celle de l'ar. ancien : n-nds « les gens ». Il faut cependant signaler qu'un /n/ peut assimiler un /1/ qui precede, meme s'il est radical: 1Ï1?elnäl [4sinna] « nous sommes arriv?s ».

1.1.3. Dentales emphatiques (/d/ et JtJ). Elles sont occlusives et /d/ correspond a la fois a et de l'ar. ancien : torig « chemin », « la pri6re de la matin6e?), ed-doher « le midi ».

1.1.4. Liquides (/r/ et III et sifflantes (/s/, Jz/). Les textes recueillis sont trop peu nombreux pour permettre de distinguer toutes les occurrences de [r] par rapport a [r] et de [1] par rapport a [1] ; mais il s'agit parfois de deux phonemes distincts et on a des oppositions comme kra « il a lou6)): kra « il a hai », wa-lla « ou, soit » : w-allah « vraiment ! ». En regle g6n6rale : - apparait au contact des voyelles /a/ et /u/, tandis que /r/ apparait au contact des voyelles Ji et /e/. - On a un [1] emphatique dans Allah « Dieu » et une realisation [1] de [1] au contact d'une consonne emphatique : yitlob « il demande ». Les consonnes sifflantes, ainsi qu'on le verra plus loin, sont r6guli6re- ment assimil6es a distance par les chuintantes (voir 1.4.). Ce phenomene mis a part, elles ne pr6sentent pas de particularité notable par rapport a la situation de l'arabe ancien : zd'ma « c'est-a-dire », smi't « j'ai entendu, is4mu « ils jeunent ».