Théâtral magazine

L’actualité de la création théâtrale mai - juin 2015

Michel Fau Clémentine Célarié Arielle Dombasle Jean-Pierre Vincent Thomas Ostermeier Judith Chemla Stanislas Nordey Sandrine Bonnaire Bartabas La Fura dels Baus Laurent Sauvage Aurélien Bory

Fabrice LUCHINI

Mises en Rambert FESTIVAL ZOOM capsules mis à nu

E DOSSIER : à la recherche des TALENTS DE DEMAIN M 02434 - 53 - F: 4,60 - RD Théâtral magazine n 53 www.theatral-magazine.com ° ’:HIKMOD=YUY[UV:?k@a@f@n@a"

ommaire

S Théâtral magazine N° 53 - MAI / JUIN 2015

04 AGENDA 04. Mai - Juin 2015 06. Têtes d’affiches 08 ACTUALITÉS 09. Edito de Gilles Costaz 10 LA UNE Théâtral magazine est édité par Coulisses Editions 10. Fabrice Luchini 7 rue de l’Eperon 75006 Paris France Tél : + 33 1 43 27 07 03 14 A L’AFFICHE Email : [email protected] 14 . Philippe Lellouche, Nâzim Boudjenah Site Internet : www.theatral-magazine.com 16 . Laurent Sauvage, Clémentine Célarié Directeur de la publication : Hélène Chevrier 18 . Guillaume Dujardin, Aurélia Thierrée Directeur de la rédaction : Enric Dausset 20 . Judith Chemla Rédactrice en chef : Hélène Chevrier 22 . Mathurin Bolze [email protected] 24 . Stanislas Roquette, Ariane Ascaride 26 . Michel Fau Rédaction : Hélène Chevrier 28 . Jean-Pierre Vincent Gilles Costaz 30. Francois Chattot, Stanislas Nordey Enric Dausset 32 . Sandrine Bonnaire, Michel Didym Jacques Nerson 34 . Benoît Lambert, Eric Massé Nathalie Simon François Varlin 36 . Lilo Baur Hadrien Volle 38. Natalie Dessay 40 . Compagnie 1927, Cyril Jaubert Direction artistique et maquette : Coulisses Editions : + 33 1 43 27 07 03 42 . Aurélien Bory, Giorgio Barberio Corsetti 44 . Jean-Marie Besset, Collectif Raoul Fabrication impression : 46 . Joris Lacoste, Bartabas SIB Imprimerie - Imprimé en France 48 . La Fura dels Baus, Cyril Teste Tirage : 10 000 exemplaires 50 . Compagnie Marius, Arielle Dombasle Distribution : Presstalis 50 . Thomas Osterme ier Dépôt légal : date de parution Com mission paritaire du journal : 0319 G 89789 54 DOSSIER : Commission paritaire du site : 1117 W 90648 à la recherche des talents de demain Publicité : Coulisses Editions : + 33 1 43 27 07 03 66 FESTIVAL : Mises en capsules Gestion Flashcodes Arnaud Lacaze : + 33 1 42 18 00 00 68 ZOOM : Génération Odéon www.infotronique.fr

Photo couverture 70 PORTRAITS : Rambert / Lavigne Fabrice Luchini © H and K / Carole Bellaiche Le prochain numéro sortira en kiosques 74 EXPO : L’Asie et son théâtre le 4 juillet 2015 76 PAGES CRITIQUES ABONNEMENT 82 LE GRAIN DE SEL de Jacques Nerson 1 an = 25 € p.81

www.theatral-magazine.com Théâtral magazine Mai - Juin 2015 3 genda A Spectacles à ne pas manquer depuis le Les inquiets et les brutes, avec Laurent Sauvage, Daniel Delabesse... p.16 8-avr Lucernaire, 75006 Paris, 01 45 44 57 34, jusqu’au 16/05

depuis le 24h de la vie d'une femme , de Stefan Zweig, avec Clémentine Célarié... p.17 10-avr Théâtre Rive Gauche, 75014 Paris, 01 43 35 32 31, jusqu’au 29/08

Festival de caves , Besançon et 75 communes en France 1-mai p.18 www.festivaldecaves.fr, 03 63 35 71 04, du 1/05 au 26/06

Murmures des murs , conception Victoria Thierrée-Chaplin, avec Aurélia 4-mai p.19 Thierrée. Rond-Point, 75006 Paris, 01 44 95 98 21, du 4 au 23/05

Crack in the sky , conception et voix Judith Chemla @

5-mai p.20 J u

Bouffes du Nord, 75010 Paris, 01 46 07 34 50, les 5 et 31/05 et 6/06 l i

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i Aux corps prochains , conception Denis Guénoun et Stanislas Roquette e 5-mai p.24 r Chaillot, 75116 Paris, 01 53 65 30 00, du 5 au 13/05

Nous sommes pareils à ces crapauds qui... / Ali , avec Mathurin Bolze, 5-mai p.22 Ali Thabet.. Rond-Point, 75008 Paris, 01 44 95 98 21, du 5 au 23/05

Touchée par les fées de Marie Desplechin, avec Ariane Ascaride 7-mai p.25 Aquarium, Cartoucherie de Vincennes, 01 43 74 99 61, du 7 au 17/5

Un amour qui ne finit pas d’André Roussin, avec Michel Fau, Léa Drucker... 9-mai p.26

9-11/5, Théâtre de Montansier ; 14/5 -11/7 Théâtre de l’Oeuvre

r d En attendant Godot , de Beckett, mise en scène de Jean-Pierre Vincent 12-mai p.28 @ 12-13/5 Chalon-sur-Saône, 22-24/5 Théâtre en Mai, et tournée

La Veillée des grands gourmands de et avec François Chattot 12-mai p.30 TNS Strasbourg, 03 88 24 88 24, du 12 au 24/05

Affabulazione , de , mise en scène Stanislas Nordey 12-mai p.31 La Colline, 75020 Paris, 01 44 62 52 52, du 12/05 au 6/06

L'odeur des planches , de Samira Sedira, avec Sandrine Bonnaire 16-mai p.32 TOP, 92100 Boulogne, 01 46 03 60 44, le 16/05

Festival Mises en Capsules , 9e édition, www.misesencapsules.com 18-mai p.66 Ciné XIII Théâtre, 75018 Paris, 01 42 54 15 12, du 18/05 au 6/06

Le Malade imaginaire, de Molière, mise en scène de Michel Didym o i

19-mai p.33 h c MAC Créteil, du 19 au 23/05. TNB Rennes, du 26/05 au 6/06 c

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22-mai p.34 a

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i Théâtre Dijon-Bourgogne, 03 80 30 12 12, du 22 au 31/05 l

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@ Femme verticale , conception et interprétation d’Éric Massé 22-mai p.35 Théâtre National de Nice, 04 93 13 90 90, du 22 au 23/05 La Maison de Bernarda Alba , de Federico Garcia Lorca, mise en scène 23-mai de Lilo Baur. Comédie-Française salle Richelieu, Paris, 0825 10 16 80 du p.36 23/05 au 25/07

4 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 M a i - J u i n

Und, mise en scène de Jacques Vincey, avec Natalie Dessay... 26-mai p.38 Nouvel Olympia,Tours, du 26/05 au 5/06. Paris Quartiers d'été, fin juillet

Golem, création compagnie 1927 26-mai p.40 Théâtre des Abbesses, 75018 Paris, du 26/05 au 04/06

Cinérama, création d’Opéra Pagaï, mise en scène Cyril Jaubert

28-mai p.41

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e TNBA, Bordeaux, 05 56 33 36 80, du 28/05 au 7/06

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a Les Nuits de Fourvière 2015, Lyon, 04 72 32 00 00,

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n 2-juin r

e www.nuitsdefourviere.com, du 2/06 au 31/07

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@ Espèce d’espace, d’Aurélien Bory inspiré du roman de Georges Perec 2-juin p.42 TNT Toulouse, 05 34 45 05 05, du 2 au 6/06

La Belle Hélène, d’Offenbach, mise en scène Giorgio Barberio Corsetti et 2-juin p.43 Pierrick Sorin. Théâtre du Chatelet, Paris, 01 40 28 28 40, du 2 au 22/06

La Maison et le Zoo, de Edward Albee, traduction Jean-Marie Besset 3-juin p.44 mise en scène Gilbert Désveaux, Rond-Point, Paris, du 3 au 28/06

Notre temps collectif, avec le Raoul Collectif, Les Chiens de Navarre... 4-juin p.45 Théâtre de la Bastille, 75011 Paris, 01 43 57 42 14, du 4 au 7/06

Festival tjcc (Très jeunes créateurs contemporains), programmation de 4-juin p.46 Joris Lacoste. T2G, Gennevilliers, 01 41 32 26 10, du 4 au 6/06

Festival d'Anjou, Angers, 02 41 88 14 14 8-juin www.festivaldanjou.com, du 8 au 27/06

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On achève bien les anges / élégies, conception Bartabas M

a 8-juin p.47

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c Nuits de Fourvière, Chapiteau Zingaro, 04 72 32 00 00, du 8/06 au 18/07

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a g Festival Rambert à nu, Memento Mori, Clôture de l’amour, Avignon à vie... e 9-juin p.70 Bouffes du Nord, Paris, 01 46 07 34 50, du 9 au 20/06

M.U.R.S, création La Fura dels Baus 9-juin p.48 La Grande Halle de la Villette, Paris, 01 40 03 75 75, du 09 au 28/06

Printemps des comédiens, domaine d'O, Montpellier, 04 67 63 66 66, 10-juin www.printempsdescomediens.com, du 10 au 28/06

o Nobody, textes de Falk Richter, mise en scène de Cyril Teste, i h 10-juin p.49 c c Printemps des Comédiens, Montpellier, du 9 au 12/6, et tournée e

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z Figaro, par la Compagnie Marius

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11-juin p.50

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l Printemps des Comédiens, Montpellier, du 12 au 14/06 e

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@ Traviata, de Giuseppe Verdi, mis en scène par Arielle Dombasle, 12-juin p.51 Opéra en Plein Air, www.operaenpleinair.com, du 12/06 au 19/09

Le mariage de Maria Braun, d’après le film de Fassbinder, mise en scène 25-juin p.52 de Thomas Ostermeier. Théâtre de la Ville, Paris, du 25/06 au 3/07

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 5 ffiche T êtes d’a

Fabrice Luchini joue son spectacle Poésie? au théâtre des Mathurins -> p. 10 Clémentine Célarié joue dans 24h de la vie d’une femme de Zweig au Théâtre Rive Gauche -> p. 17

Laurent Sauvage joue dans Les inquiets Sandrine Bonnaire joue dans L’odeur des Natalie Dessay joue dans UND au Nouvel Olympia à et les brutes au Lucernaire -> p. 16 planches au TOP -> p. 32 Tours et à Paris Quartiers d’été -> p. 38

Judith Chemla joue dans Crack in the sky aux Bouffes du Nord -> p. 20

Stanislas Nordey joue dans Affabulazione à la Colline -> p. 31

Michel Fau met en scène Un amour Christian Vadim joue dans L’Appel de Ariane Ascaride joue dans Touchée par les qui ne finit pas , au Théâtre de Mon - Londres au Théâtre de la Gaîté Mont - fées à l’Aquarium, Cartoucherie -> p. 25 tansier et à l’Oeuvre -> p. 26 parnasse-> p. 14 ffiche êtes d’a Judith Magre, Claire Nadeau, Edith Scob, Geneviève Fontanel, jouent dans Les grandes filles au Théâtre Montparnasse -> p. 76

La nouvelle création de Bartabas Aurélien Bory met en scène Es - aux Nuits de Fourvière -> p. 47 pèce d’espace au TNT -> p. 42

Denis Podalydès joue dans La tragédie Festival Rambert à nu Guillaume Gallienne reprende le rôle de d’Hamlet à la Comédie-fançaise -> p. 76 aux Bouffes du Nord-> p.70 Lucrèce Borgia à la Comédie-Française

Jean Bellorini met en scène Liliom Arielle Dombasle met en scène La Traviata aux Ateliers Berthier/ Odéon dans le cadre de Opéra en Plein Air -> p. 51

Isabelle Huppert et Louis Garrel jouent dans Les fausses confidences au théâtre de l’Odéon -> p. 76 Juliette Binoche joue dans Antigone au Théâtre de la Ville -> p.78 ctualités

A OLIVIER MEYER QUITTE CATHERINE FROT ET LE TOP MICHEL FAU DANS Le 1er avril, Olivier Meyer a an - FLEUR DE CACTUS noncé sa décision de quitter le Michel Fau n’arrête pas. Après Un Théâtre de l’Ouest Parisien qu’il amour qui ne finit pas actuelle - dirigeait depuis 10 ans. Malheu - ment au théâtre de l’œuvre, puis reusement, ce n’est pas un pois - au festival de Figeac, il mettra en son d’avril. Il partira bien scène et jouera la comédie Fleur de

définitivement le 30 juin. La rai - cactus de Barillet et Grédy au théâ - r

son ? Une baisse de 25% de la d tre Antoine, dans laquelle il aura

subvention allouée par la mairie @ pour partenaire Catherine Frot. de Boulogne et le report des tra - vaux de rénovation à une date in - déterminée. Olivier Meyer se bat depuis le mois de janvier pour sau - HORTENSE ARCHAM - ver son théâtre. En vain. A cette BAULT À LA MC 93 date, on ne sait pas ce que devien - Alors que son ex-codirecteur du fes - dra le TOP. On sait en revanche tival d’Avignon Vincent Baudriller que l’équipe a été licenciée. Quant s’est recasé depuis presque deux à Olivier Meyer, on le retrouvera à ans au théâtre de Vidy-Lausanne, Suresnes où il dirige toujours le Hortense Archambault n’avait pas théâtre Jean Vilar. vraiment retrouvé de fonctions équivalentes à celles qu’elle occu - pait avec lui, hormis une mission de quelques mois auprès du Ministère de la Culture sur le statut des inter - mittents. Voilà qui est fait. Elle vient d’être nommée à la direction de la MC93 à Bobigny à la suite de ERIC CANTONA ET Patrick Sommier en poste depuis RACHIDA BRAKNI 2000. Toutefois, elle ne porra pas DE RETOUR SUR SCÈNE profiter du théâtre avant fin 2016 En 2010, Rachida Brakni dirigeait puisqu’il est en travaux depuis déjà son mari dans Face au paradis au un an. La prochaine saison se pas - théâtre Marigny. Depuis, on a re - @ trouvé Eric Cantona dans Ubu En -

d sera donc hors les murs. r chaîné mis en scène par Dan Jemmett, et Rachida Brakni dans Sonate d’automne mise en scène ADIEU À JUDITH MALINA La co-fondatrice du Living Theatre par Marie-Louise Bischofberger. avec Julian Beck nous a quittés le A la rentrée, ils retravailleront 10 avril à l’âge de 89 ans. ensemble. Rachida Brakni remet - tra en scène son mari dans Victor d’Henry Bernstein avec Caroline ASHCODES FL Dans ce numéro de THÉÂTRAL MAGAZINE , vous trouverez Silhol et Grégory Gadebois. Ce sera un certain nombre de flash codes que vous pouvez scanner avec votre smart - au théâtre Hébertot à partir du phone. Ils vous renvoient via internet vers les bandes-annonces des pièces dont nous parlons dans le journal et réalisées par la société Visioscène. 2 septembre. Ce sont aussi des liens vers les billetteries des spectacles.

8 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 L’ÉDIT de Gilles COSOTAZ

GÉRARD DEPARDIEU ERREUR SUR LA ET FANNY ARDANT RENDENT HOMMAGE MARCHANDISE À INGRID BERGMAN Les deux ex-partenaires de La ttention, les lectures enva - femme d’à côté de François Truffaut hissent nos théâtres ! Pas se retrouveront sur scène au théâ - A les lectures qui permettent tre du Châtelet le 5 septembre dans de faire entendre des textes inédits un spectacle conçu par Isabella et qui sont très utiles pour la dé - Rossellini en hommage à sa mère couverte d’auteurs neufs ou ou -

Ingrid Bergman. bliés. Pas la lecture exceptionnelle

@

d où tel acteur connu vient un soir r lire un texte qu’il affectionne, LES MOLIÈRES : VALÉRIE LEMERCIER AU comme cela se fait souvent dans LE PALMARÈS THÉÂTRE DU CHÂTELET les festivals. Non, nous parlons de La 27e Nuit des Molières a eu lieu Valérie Lemercier va présenter la lecture style veillée au coin du lundi 27 avril aux Folies Bergère son nouveau spectacle au théâtre feu, où tel interprète lit tous les présentée par le charismatique Ni - du Châtelet du 1er octobre au 8 soirs un extrait d’un ouvrage, colas Bedos pour la deuxième novembre. Le contenu du show est comme si cela était un spectacle en année consécutive. Retrouvez tout gardé bien secret. On ne sait pas soi. L’Atelier a adopté ce système le palmarès en photographiant ce grand-chose si ce n’est qu’il est at - cet hiver, avec des lectures de Sar - flashcode avec votre smartphone. tendu comme un événement. L’an - tre et Beauvoir par Sami Frey. Ce née dernière, Valérie Lemercier printemps, c’est le Gymnase qui était aussi au théâtre. Elle jouait propose un cycle Sagan avec dans la pièce de Brigitte Buc, Un Biyouna, Hélène de Fougerolles, temps de chien , une comédie dra - Marie-Christine Barrault et matique mettant en scène trois quelques autres. Pourquoi pas ? femmes entre 30 et 50 ans en C’est une façon d’ouvrir la soirée, à pleine crise existentielle… 19 heures. Sauf que, dans le cas du Gymnase, les tarifs du billet vont UNE PIÈCE DE DAVID de 15 à 39 euros. 39 euros pour BOWIE MONTÉE PAR IVO une lecture ! Il vaut peut-être VAN HOVE mieux s’acheter deux livres pour ce Après Juliette Binoche qu’il dirige prix-là. dans Antigone en ce moment à l’af - On n’accusera pas le grand Fa - fiche au Théâtre de la Ville (p. 78), brice Luchini d’être à l’origine de le metteur en scène belge Ivo Van ces initiatives où personne ne Hove va travailler avec David mouille sa chemise et où l’on en - Bowie. Il mettra en scène la pièce caisse sans mettre la main à la pâte écrite par le chanteur à partir du l’argent des spectateurs. Luchini film L’homme qui venait d’ailleurs sait en fait ses textes par cœur, et il qu’il avait lui-même interprété en invente une nouvelle forme de rela -

1976. Lazarus sera jouée à New- r

d tion avec la littérature. Mais la lec -

York au New-York Theater Works - @ ture veillée des chaumières, ce hop. Pour l’instant, il n’est pas n’est pas sans charme, mais ce n’est question que David Bowie joue de - pas du théâtre. Rien qu’un erzatz de dans ; cette fois il se contente du théâtre. rôle d’auteur.

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 9 U 1 0 T h é F â t r a l m M a g ne a a z a i n e

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© Carole Bellaiche POÉ SIE ?

l peut être fier. Poésie ? son nouveau spectacle, se jouait à guichets fermés avant même que la presse n’en fasse l’écho. Bretteur au verbe fulgurant, Fabrice Luchini aime les grands auteurs et il n’hésite pas à mêler les génies de Rimbaud, Bau - delaire, Molière, Flaubert, Labiche, sans oublier ceux de Céline ou de La Fontaine dont il a fait des immenses succès de leurs textes. Vir - Ituose des mots qu’il donne à savourer au public comme des mets rares dans une expérience inoubliable, il manie avec autant d’habileté l’improvisation et tient sa salle avec une science digne des grands hypnotiseurs. Il faut aller voir Luchini au moins une fois dans sa vie pour vivre ça, cette impression de se sen - tir un peu plus intelligent, en sachant que chaque soir est runique. Pour rire, pour se moquer, pour trembler. Pour se sentir vivant.

Théâtral magazine : Considérez-vous tant dans une grande page de Céline, que nous n’avons pas la capacité à met - que le théâtre est vital entre deux une grande page de Flaubert ou une tre en mots. Les Grands poètes sont des tournages de films ? grande page de Proust. Puis, je m’aper - "nommeurs". Fabrice Luchini : C’est le moins qu’on çois que l’unique déclic de ma vie s’est On a l’impression de bien connaître puisse dire. Je vais employer des mots passé le jour où à 20 ans, il y a près de Molière, allons-nous le découvrir au - un peu lyriques. La vie est supportable 44 ans, on m’a donné l’adresse de Jean- trement ? parce qu’il y a un travail sur les grands Laurent Cochet et là, comme Claudel, Non, à la fin du spectacle, je raconte les auteurs. Le théâtre est un endroit de j’ai vécu une vocation qui a été la dé - fins de soirées avec Laurent Terzieff perfectionnement et j’ai un caractère à couverte du répertoire français, im - quand nous sortions du théâtre. Il ado - vouloir me perfectionner et il n’y a pas mense. Je raconte cette histoire, mon rait que je lui dise une scène des Femmes de meilleur lieu, évidemment supérieur spectacle interroge la poésie et raconte savantes . C’est quelqu’un qui a compté au cinéma, que le théâtre. de manière homéopathique mon pro - pour moi, je raconte la conversation que Comment avez-vous choisi ces au - pre parcours dans le rapport au texte. nous avions à propos de Molière. teurs, poètes et dramaturges ? Le titre est très austère, mais le specta - C’est Laurent Terzieff qui vous a dit : "Etre Je me suis interrogé sur ce que signifie cle ne l’est pas. Poésie ? avec surtout un poète, c’est une manière de sentir" ? le mot "poésie". La première partie met point d’interrogation. Où est-elle ? Un Absolument. Michel Bouquet m’a aussi en scène des génies du type Rimbaud. matin, j’ai entendu un chroniqueur qui marqué. Le patron, c’est Louis Jouvet, J’essaie de les éclairer modestement répondait à quelqu’un qui disait des mais il n’était pas là malheureusement. avec une forme de filiation que Baude - conneries vulgaires : "Ah, un peu de A partir de là, j’ai eu des gens qui sont laire a produite chez Rimbaud. Avant, poésie quand même" . Dans la tête des dans sa filiation, Jean-Laurent Cochet je travaille sur Paul Valéry. Tout cela gens, la poésie c’est le contraire des a été fondateur, Michel Bouquet a été dure à peu près 45 minutes. Après, je choses vulgaires, mais ce n’est pas ça. sur la même filiation que Jouvet, c'est- m’interroge en me disant qu’il existe de Dans mon spectacle, j’essaie d’en don - à-dire, des gens qui placent l’amour du la poésie évidemment chez Proust ou ner une interprétation subjective et texte en premier. Puis, Laurent Terzieff. chez Céline. Je n’ai pas pu mettre tous personnelle. La poésie est une aptitude Je les évoque tous. les noms des auteurs sur l’affiche. Je dé - que possèdent les très grands génies à Qu’est-ce qui est nouveau dans ce spec - couvre que pour moi la poésie est au - nommer ce que nous ressentons, mais tacle par rapport aux précédents ?

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 11 FABRICE LUCHINI

Pour la première fois, il y a Proust. Je l’ai comment cela s’était passé pour moi, ce découvert tardivement en lisant Du que je voulais dire sur moi : pas grand- côté de chez Swann . chose, les grands poètes, mon histoire - On dirait que vous voulez décomplexer qui est vraie- avec Céline. J’ai besoin le public par rapport à la poésie. ensuite de revenir à ma subjectivité. On est totalement démuni face à des Proust, Céline et Flaubert, de temps en œuvres aussi grandes. Autant dire temps, puis à l’événement fondateur de qu’on est tous passé par une incompré - ma vocation, de mon illumination – hension. Surtout les textes poétiques allez employons des mots à la Rim - de Rimbaud, quand on lit Céline ou baud ! Soit, cet agent qui me dit que je Proust, on les comprend. Le langage n’ai pas un physique sexy -les gens rient poétique c’est une nouvelle langue. On beaucoup- et me donne l’adresse de ne peut rien comprendre au Bateau Jean-Laurent Cochet. Là, je commence ivre. Envoyez tout cela à la bande des à broder -je sens que les gens aiment ça- Parnassiens, ils seraient sidérés. Quelle je ne suis qu’un modeste auteur, mais est la personne en France qui serait ca - ma petite biographie est la voie d’accès pable d’expliquer : "Depuis longtemps, à la poésie. Le moi n’est intéressant à ra - je me vantais de posséder tous les pay - conter que parce qu’il renvoie à l’éblouis - Ce n’est pas d r

sages possibles" ? Cette phrase est énig - sement de la langue. Les contemporains a r de la mémoire, c’est de i G

matique dans Une saison en enfer . Et sont dans l’impasse du quotidien. Je ne e d

l’agencement musical, d n

l’alchimie du verbe ? Le fondement juge pas du tout, j’ai appris à ne plus a r

essayer de restituer la u D nous échappe, mais quand on conseille juger quoi que ce soit, mais la biogra - s i g

richesse des textes é

au public de se détendre, il se détend et phie du one-man-show classique c’est R

ne se sent pas exclu du propos. une terrible impasse. Dans mon texte @ Dans Le Point sur Robert , pour la pre - d’une heure cinquante, il y doit y avoir mière fois, vous parliez de vous en plus vingt minutes de personnel. pondre un résultat qui est ce qu’il est. des textes. Avez-vous franchi un cap Vous parliez d’ego, vous avez suivi J’ai du bol cette fois-ci. Si j’intégrais cette dans votre parcours à ce moment-là ? une analyse pendant quarante ans, donnée, comme Jacques Chirac me Vous n’avez pas tort. Effectivement. est-ce que ça va mieux ? l’avait fait remarquer, il suffirait que je Mais, ça s’est construit comme ça. A propos de l’ego, Laurent Terzieff di - dise le bottin en anglais ! Un soir, au res - Comme pour Poésie ? : les gens me di - sait : "Heureusement qu’on en a parce taurant, un couple de bourgeois m’a sent que c’est un spectacle très intime, que sinon on n’avancerait plus. Sans lancé avec une conviction ahurissante : mais je ne l’ai pas conçu ainsi. J’ai dit à ego, vous seriez un moine zen et dans "On se disait avec les amis, c’est extraor - l’un de vos confrères que les acteurs qui l’inaction absolue. C’est l’ego qui vous dinaire, quelle mémoire ! ". Vous voyez, disent du mal des critiques ne sont pas fait trottiner." le public s’il tire de ses deux heures que honnêtes. Parce que les critiques nous Oui, les gens viennent vous voir, vous, j’ai de la mémoire, cela pourrait me dé - renseignent incroyablement, et pas seu - Fabrice Luchini. primer. Ils ne savent pas quoi dire, alors, lement ceux qui disent du bien. Nous, Je refuse d’entendre ça. Mais, c’est ils disent ça. On revient à notre ques - on ne sait pas, on y va à l’aveugle ; la peut-être vrai. S’ils viennent me voir tion du début. On est démuni face à preuve, j’ai tâtonné pendant trois ans moi, c’est moi dans Rimbaud. Comme a l’œuvre d’art alors on parle de la mé - pour faire ce spectacle. J’avais d’abord dit un jour un éditeur : "Ce qui est assez moire. Moi, ce n’est pas de la mémoire, pensé à en faire un sur Nietzsche, mais impressionnant, c’est qu’ils viennent te c’est de l’agencement musical, j’essaie c’était trop compliqué. Après j’ai eu voir en train de dire du Valéry." Si je me de restituer la richesse des textes. Si je envie d’en faire un sur l’argent, mais contentais de ce contrat bizarre entre capitalisais sur l’idée que les gens vien - c’était une fausse bonne idée. Puis j’ai le public et mon petit ego, ce serait la nent pour moi, je leur raconterais un trouvé ce texte de Valéry sur l’enseigne - fin de tout. Je n’arrive pas sans avoir truc comme cette femme qui m’a écrit ment de la parole qui m’a amené à Rim - travaillé plusieurs années, réfléchi de une lettre et ajouté en post-scriptum : baud. Après je me suis demandé manière obsessionnelle pour arriver à "j’aime la bite" . Incroyable ! Au bout

12 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 POÉ SIE ?

La récompense suprême, c’est 400 personnes sus - tout un art. J’ai pu faire le clown dans les choses se sont un peu apaisées. Il y pendues au sens interne l’enfance comme tous les acteurs qui a quelque chose de plus naturel. En possèdent un petit pouvoir comique. tout cas, c’est ce qu’on me renvoie. de l’œuvre. Il y a ce plai - J’avais besoin de provoquer l’attention, Michel Bouquet et Jean-Laurent Co - sir d’être l’intermédiaire le rire. Les gens disent en sortant : chet sont-ils venus voir le spectacle ? entre l’œuvre et le public "comme d’habitude, Luchini a fait son Je l’ai présenté dans le cours de Jean- numéro" . Il y a une grande différence Laurent Cochet, pour lui, au tout entre faire un numéro de clown pitoya - début. Michel Bouquet est venu sou - ble et parler avec passion. Faire le vent, voir Céline et même Une heure clown, c’est savoir qu’il y a un public de tranquillité , la pièce de Florian Zel - d’une demi-heure, ils se demanderaient pour. Moi, le côté Modiano, je fais la ler. Il viendra voir celui-ci. Il m’a dit ce qu’il m’arrive. gueule, je ne suis pas comme ça dans la quelque chose d’extraordinaire : "je Mais venir vous voir, cela ne signifie vie. J’alterne entre le sérieux et le rire. sais pourquoi ces spectacles sont des pas forcément venir voir un phéno - Vous croyez que tous ces gens sont ha - immenses succès. Parce que le public mène, mais vous faire confiance… bitués à écouter 50 minutes de poésie ? sort renseigné sur lui-même" . D’autant plus que vous nous faites Terzieff était généreux en ce qui Propos recueillis par rire même avec de la poésie. Faire concernait ma façon d’être. Il disait que Nathalie Simon rire, n’est-ce pas séduire ? je faisais don de ma personne comme d r a Il faut bien que je détende un peu le Edith Piaf, c’est bizarre non ? Ca m’ac - r i G

e public pour qu’il retrouve après une at - cablerait de faire tout le temps le d d n tention particulière. Quand je raconte a clown. C’était quoi votre question ? n Poésie ? par Fabrice Luchini r u D qu’un attaché de presse m’a dit que je Que malgré l’expérience, vous semblez Théâtre des Mathurins, 36 rue des Ma - s i g é ne ferai pas carrière au cinéma et R avoir toujours besoin d’être rassuré ? thurins 75008 Paris, 01 42 65 90 00,

@ l’anecdote de cette femme, il n’y a pas Un acteur qui est rassuré de lui-même jusqu’au 30/06, reprise en octobre que ça. Ce spectacle part dans une im - ne fait plus ce métier. Je déteste les ac - mense austérité entre Valéry, Cioran, teurs solennels. Seuls les acteurs co - Rimbaud et Baudelaire après Céline, miques de boulevard sont dignes à mes qui devient plus accessible au bout de yeux. Jean Poiret, Michel Roux, sont Repères artistiques cinquante minutes, puis, Proust, puis cent fois plus intéressants que les ac - on est dans le bonheur absolu, puisque teurs dont on parle dans le subven - Théâtre c’est ma rencontre avec la poésie théâ - tionné. C’est facile d’être Chéreau. On trale : Molière, la Fontaine et Racine. n’est pas non plus obligé d’adorer ce 1986 Voyage au bout de la nuit, de Louis- Et là, je suis sidéré d’avoir pu construire rire qui est presque une obligation. J’ai Ferdinand Céline un spectacle comme ça. Stéphane En - aimé Philippe Caubère parce qu’il alter - 1994 Art de Yasmina Reza, mise en gelberg, le directeur des Mathurins, nait le lyrisme et la drôlerie. La récom - scène Patrice Kerbrat m’assure qu’on est obligé d’ouvrir tout pense suprême, c’est 400 personnes 2000 L’Arrivée à New-York, d’après le mois d’octobre parce qu’il n’y a plus suspendues au sens interne de l’œuvre. Voyage au bout de la nuit, de Louis- de places la première semaine. On Il y a ce plaisir d’être l’intermédiaire Ferdinand Céline vend trois cents, quatre cents places entre l’œuvre et le public. Je n’aimerais 2002 Knock ou le triomphe de la médecine, par jour. Je suis stupéfait. Les gens s’y pas faire rire mécaniquement pendant de Jules Romains, (Prix du Brigadier) prennent à l’avance. On a tous un ca - deux heures. Vous savez, le théâtre 2005 Molly de Brian Friel, mise en scène pital de public, Michel Bouquet, Lau - c’est très laborieux, il faut se défendre Laurent Terzieff rent Terzieff. Le succès est un mystère. face à un public différent chaque soir. 2006 Le Point sur Robert : lectures de Pourquoi faites-vous toujours le Etes-vous plus en accord avec vous- textes de Paul Valéry, Roland "clown" sur scène et dans la vie ? Est- même avec le temps ? Barthes, Chrétien de Troyes, Molière.. ce une manière de vous rassurer ? Un petit peu plus, oui. Je partais d’une 2013 Une heure de tranquillité, de Florian Elle est très bonne, ce sera dans mon situation tendue, l’âge, les années, et Zeller, mise en scène Ladislas Chollat spectacle demain ! Faire le clown, c’est peut-être la psychanalyse, ont fait que

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 13 depuis le 20 L’APPEL DE LONDRES Mars Gaîté Montparnasse - Paris

mon point de vue. Il faut se réappro - prier le patriotisme et ne pas le laisser à des gens douteux. Ce n’est pas hon - Philippe L ellouche teux d’aimer son pays et de le dire. Notre patrimoine part, nos cerveaux Vive la France ! partent, on part soit parce que l’on ne gagne pas assez d’argent, soit parce que l’on en gagne trop ! Il ne manque pas grand chose pour que l’on puisse changer la donne, pour que l’on re - trouve le bon vivre français. Ce pays qui a longtemps été exposé pour sa n

e dolce vita, on a l’impression que les h o C

Français n’y croient plus. e d u a

l Dans vos pièces, c’est “le bon sens C

n

a Philippe Lellouche” ? e J

@ Je prends le sujet qui me tracasse, et je me dis – un peu naïvement – que ça doit aussi tracasser les autres ! Il joue ses propres pièces , il les joue longtemps, Vous jouez toujours avec les mêmes et la distribution en est toujours la même. Depuis Le Jeu de la comédiens. Comment vous êtes-vous rencontrés ? vérité 1 et 2, Boire, fumer et conduire vite, et L’Appel de Lon - Lors d’un tournage de série pour TF1 à dres, voici dix années que Philippe Lellouche est sur scène Saint-Tropez : Christian Vadim avait le entouré de Vanessa Demouy, Christian Vadim, David Bré - rôle principal, moi secondaire, j’habi - court, et que Marion Sarraut les met en scène. Des pièces tais l’appartement sous celui de David devenues de véritables tubes , très applaudies par un Brécourt, et Vanessa Demouy était venue faire un guest. Et ça a été Le Jeu large public content d’y entendre tout haut ce qu’il pense de la vérité , dans lequel nous faisions tout bas sur les sujets de société. Son Appel de Londres , juste - semblant d’être amis ; maintenant ment, créé il y a deux ans au Théâtre du Gymnase, continue nous faisons semblant de ne pas l’être. sa carrière brillante à la Gaité Montparnasse. Nous sommes dans la tradition du théâtre français : la troupe. En dix ans, les gens se sont habitués à nous, et nous beaucoup à eux. On s’amuse Théâtral magazine : Qu’est-ce qui, avant ! On rencontre une envie de po - beaucoup et on s’aime bien. dans cette dernière pièce, suscite l’en - sitif, d’un peu de ciel bleu chez les Propos recueillis par gouement du public, une fois encore ? Français. Ce qui en ressort c’est l’espoir François Varlin Philippe Lellouche : Quand je l’ai et l’amour de son pays écrite il y a deux ans, je ne pensais pas C’est une pièce qui parle du départ… être rattrapé à ce point par l’actualité mais aussi du retour des expatriés n L'Appel de Londres, de Philippe Lel - du climat ambiant français. Cela ren - de France. louche, mise en scène Marion Sarraut, contre l’angoisse française. Dans la Les expatriés se retrouvent souvent avec Vanessa Demouy, Philippe Lel - pièce je dis que la crise la plus grave entre eux, parce qu’il y a une culture louche, David Brecourt, Christian Vadim en France n’est ni politique, ni écono - commune. Les Français ensemble, de Théâtre de la Gaîté Montparnasse, 26 rue mique, mais morale. Parce que plus quoi parlent-ils ? De la France ! Si en de la Gaité 75014 Paris, 01 43 22 16 18, personne n’y croit. Il y a alors des ap - partir c’est pour en parler tout le jusqu’au 27/06 plaudissements qu’il n’y avait pas temps, alors autant y rester ! C’est

14 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 depuis le INNO CENCE 28 Comédie-Française – Paris Mars

Il est l’un des acteurs Nâzim Boudjenah les plus singuliers Une boule d’énergie de la nouvelle vague de la Comédie-Française, où il est entré il y a six ans, après une collaboration e g a L

de quelques années avec e d

d u

Olivier Py. Nâzim Boudje - a n y a R nah est, avec Bakary San - e h p o garé, l’un des deux t s i r h C travailleurs clandestins de la pièce de Dea Loher, @ Innocence .

Théâtral Magazine : Que conte Inno - Un acteur, c’est le même quand il a un Je me concentre sur une facette de ce cence et que jouez-vous dans cette grand rôle et quand il a un petit rôle. que j’ai plaisir à faire. Mais il me fau - pièce mise en scène par Denis Mar - J’ai rejoint la troupe à la demande de drait une autre vie ! J’ai fait un peu de leau ? Muriel Mayette pour La Dispute de mise en scène, j’ai monté Une saison Nâzim Boudjenah : Je suis l’un des Marivaux. Une fois là, on travaille sans en enfer de Rimbaud. Et j’ai écrit une deux travailleurs africains qui, au arrêt. Une année passe comme un pièce, à partir de mon histoire person - début de la pièce, se disputent sur l’at - mois ! nelle. Je la sortirai un jour de mes ti - titude à avoir face à une femme qui, Avant, vous travailliez avec Olivier roirs. devant eux, est en train de se noyer Py. Propos recueillis par dans la mer. Ils se querellent et lais - J’ai d’abord travaillé avec Simone Ben - Gilles Costaz sent la femme se noyer. Mon person - mussa. Elle m’avait donné la maquette nage va enquêter sur elle, sans du bateau dans Le Soulier de satin , ce comprendre la raison d’un suicide – at - qui a eu valeur de symbole. J’ai com - titude occidentale qu’il réprouve et qui mencé à travailler avec Py dans sa n’appartient pas à sa culture orientale. mise en scène du Soulier de satin . Avec Mais il y a aussi une constellation de lui il y a des choses énergétiques qui personnages que l’on suit à travers circulent entre nous. Il y a du surnatu - leur situation et la métaphore de la si - rel dans ce qu’il dit ! Lui comme Si - tuation. Il y a une manière très naïve mone Benmussa sont des artistes qui de conter qui permet d’être au plus savent attendre que les choses s’arran - n Innocence de Dea Loher, mise en près du quotidien et de l’universel, gent d’elles-mêmes. Je vais retrouver scène de Denis Marleau, avec Nâzim dans l’infiniment petit et dans l’infini - Olivier cet été ; je jouerai Edmund Boudjenah, Cécile Brune. ment grand. Denis Marleau dirige dans Le Roi Lear à Avignon. La traduc - Comédie-Française 2 rue de Richelieu dans l’épure, il chasse la scorie tion est très serrée. Quand il traduit, Py 75002 Paris, 08 25 10 16 80, jusqu’au dernier degré, au plus proche est plus concis que quand il écrit ses en alternance jusqu’au 01/07. des mouvements de l’âme. propres textes. Traduction de Laurent Muhleisen Comment vous sentez-vous à l’inté - Vous êtes seulement acteur ou vous aux éditions de l’Arche rieur de la Comédie-Française ? avez des projets hors du plateau ?

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 15 depuis le 8 LES INQUIETS ET LES BRUTES Avril Lucernaire - Paris

trois monologues, où les deux frères s’interrogent sur la vie et la mort. Laurent Sauvage Quelle impression cela donne-t-il ? C'est un trou noir. Mon personnage dit "c'est quand mon père meurt que je dé - au coeur du dialogue couvre qui il était." Ils se sentent évi - demment très coupables de l’avoir laissé mourir tout seul. Ils hésitent même à appeler les pompes funèbres parce qu’il est sale, couvert de chiures de chats. Ça prouve qu’ils ne s’en occu - paient pas. Mais c’est le point de dé - part de la pièce. Je ne dirais pas que la mort du père est un prétexte mais en tout cas ça raconte le face à face entre les deux frères. On sent bien qu’ils s’ai - ment mais ils n’arrivent pas à se le dire. Tout ça sur un ton de comédie, bien que l’on parle de la mort. Est-ce très différent de ce que vous

faites d’habitude ?

m t J'ai rarement travaillé comme ça, dans @ un dialogue. On joue dans une toute petite salle devant 40 personnes. On Après Mes prix littéraires de Thomas Bernhard, va pouvoir travailler au présent, et Laurent Sauvage retrouve Olivier Martinaud qui le j'adore ça. C'est autant de texte que dirige dans le texte très contemporain du jeune auteur de silences et de regards et ça nous allemand Nis-Momme Stockmann, Les inquiets et les met en danger tout le temps. Et puis brutes . Un dialogue entre deux frères qui découvrent on est deux mecs entre 40 et 50 ans, un âge où on se pose un peu plus de leur père mort… questions sur la mort. En tout cas, moi je ne me posais pas toutes ces ques - tions il y a dix ans. Théâtral magazine : Ce sont les re - C’était un taiseux. Tout est très énigma - Propos recueillis par HC trouvailles de deux frères chez leur tique. père… Comment décririez-vous les deux frères ? Laurent Sauvage : Sauf qu'ils arrivent Ils sont très différents. L’aîné qui est un peu tard puisque le père vient de joué par Daniel Delabesse a un côté un mourir : ils ouvrent la porte et se re - peu dominateur et en même temps, il trouvent face à un cadavre. Apparem - est dans le déni de cette mort. Tandis n Les inquiets et les brutes, de Nis- ment, ils ne se sont pas vus depuis un que le cadet que je joue est plus soumis Momme Stockmann, mise en scène d’Oli - bout de temps, et ils ne voyaient pas mais conscient des réalités. vier Martinaud, avec Daniel Delabesse, beaucoup leur père non plus. Qu'est-ce qui vous a plu dans ce texte ? Laurent Sauvage et la voix de Claude Au - Justement, ils découvrent des choses C’est d’abord l'écriture : ce sont des faure sur lui. phrases très courtes, très peu litté - Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des La grosse découverte, c’est qu’il écrivait. raires, qui ne se terminent jamais et Champs 75006 Paris, 01 45 44 57 34, Ils trouvent des cartons remplis de ses ponctuées de beaucoup de silences. jusqu’au 16/05 poèmes. Mais ils ne le savaient pas. Ce n’est que du dialogue avec deux ou

16 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 depuis le 24H DE LA VIE D’UNE FEMME 10 Théâtre Rive Gauche - Paris Avril

Clémentine Célarié Passionnante passionnée

Elle est presque morte, il veut mourir, et ce sera sa raison de vivre.

r vécu des choses graves sont toujours d

@ beaucoup plus vibrants que ceux qui n’ont rien vécus ! Elle voit la vie en lui qui veut mourir, un feu, un volcan qui Clémentine Célarié connaissait Stefan Zweig pour avoir l’attire. Et se jette sur cette vie. lu, enfant, La Pitié dangereuse . “J’avais adoré !” . L’été Comment allez-vous interpréter cela ? dernier, à Avignon, elle fait deux lectures de 24h de la Nous sommes projetés dans le voyage vie d’une femme accompagnée d’un pianiste et se re - incroyable de l’histoire de cette femme. plonge dans l’œuvre de l’auteur, sans se douter qu’Eric- A mes côtés, le jeune homme reste si - Emmanuel Schmitt et Steve Suissa lui proposeront à lencieux ; c’est elle qui le fait vivre. Il y a une douceur très féminine dans ce spec - Paris, quelques mois plus tard, de porter à la scène ce tacle. Cette femme bourgeoise a une même texte au théâtre Rive Gauche. grande droiture, une retenue ; elle va au casino regarder les mains des joueurs et Théâtral magazine : Qu’est-ce qui, de l’humain, de tout ce que l’on peut ex - tombe sur cet individu hors du commun. chez Stefan Zweig, vous captive par - plorer dans les méandres de l’homme. Deux solitudes qui se rencontrent. Elle ticulièrement ? Qu’est-ce que le coup de tête, de cette est presque morte, il veut mourir, et ce Clémentine Célarié : La profondeur. Il femme que vous incarnez, vous dit ? sera sa raison de vivre. C’est un parcours laboure les émotions des êtres, les sen - La révélation. Nous ne sommes pas incroyable – un peu crevant – à jouer. timents, leurs pulsions, leurs répulsions, seuls. Ce que nous vivons est toujours Après ce bain d’émotion, de vérité, tout les états d’âmes, leurs désirs, leurs an - révélé par quelqu’un. Nous sommes dif - semble terne. On ne sait plus trop de goisses comme on labourerait un férents selon les rencontres que nous quoi parler. Ce qui est beau, c’est d’être champ. Il va chercher loin, car il adore ça. faisons, et nous révélons des choses transporté. Et moi j’adore ça aussi ! Il n’y a rien de chez l’autre, nous les déclenchons – ou Propos recueillis par plus passionnant, chez les gens, que leur pas – nous les développons – ou pas. Ici, François Varlin intérieur. Les gens disent toujours : “Ca cette femme est un peu morte, veuve, va très bien !”, ils ne vous disent pas : elle ère, désincarnée. Et le fait de voir un “Cette nuit, j’étais très angoissé !” . On est homme qui veut se suicider la ramène à n 24h de la vie d'une femme, de Stefan toujours à la surface des choses, de la vie. Il est au bord de la mort ; en le ra - Zweig, avec Clémentine Célarié, Loris moins en moins passionnés, parce que menant à la vie, elle se ramène elle- Freeman, Samuel Nibaudeau Internet est l’ennemi de la passion. même à la vie. Ce jeune homme est Théâtre Rive Gauche, 6 rue de la Gaîté Zweig fouille l’humanité, l’étudie comme malade. Il a en lui une vibration, il est 75014 Paris, 01 43 35 32 31, un chercheur. Il n’a peur de rien. Ni de la passionné, intoxiqué par le jeu. C’est un jusqu’au 29/08 mort, ni de la vie. C’est un vrai aventurier feu en lui. Les êtres malades, qui ont

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 17 à partir du 1er FESTIVAL DE CAVES Mai Besançon et 75 communes en France

diens et les metteurs en scène se sala - rient eux-mêmes. Le spectacle leur ap - partient, ils peuvent le faire tourner le L’exiguïté reste de l’année. Les gens sont recon - des lieux oblige à naissants de la confiance que l’on l’inventivité. L’ima - place en eux. Ils peuvent tout enten - gination doit être dre, on peut tout leur raconter. au programme. Et vous leur faites découvrir des lieux. Des lieux et des textes sachant qu’à chaque fois on est sur une petite jauge de vingt places. Le faible nombre de spectateurs engendre une autre écoute. Ils sont actants. Ce n’est pas un public, mais des individus. Aucun portable ne sonne dans les caves. J’ai relu des textes de Vilar. Pour lui, il fal - lait que les gens soient nombreux pour qu’il y ait cérémonie théâtrale. Au - R D jourd’hui, nous revenons à l’inverse. Guillaume Dujardin @ Vous tissez un nouveau réseau de salles parallèle à celui des théâtres. ceptibles d’accueillir le spectacle. Le Oui. Nous fabriquons une forme de dé - “Créer en liberté” , préfet de l’époque m’a prêté la cave de centralisation évidente, mais à partir tel est le credo de Guillaume Dujar - la préfecture. Nous n’avions pas dit de Besançon. Nous nous rendons par - din, 44 ans, le père du Festival de aux gens où le spectacle était pré - tout à Bordeaux, Toulouse, Amiens, senté ni posé des affiches pour l’an - Paris, Strasbourg, etc. J’ai la chance Caves à Besançon. Tel un jardi - noncer, comme un jeu secret. Nous d’avoir de formidables comédiens. Les nier, le fondateur de la compagnie avions fixé un lieu de rendez-vous en sous-sols ne pardonnent rien. L’exi - Mala Noche a semé ses grains il y a ville et nous rendions ensuite à pied à guïté des lieux oblige à l’inventivité. dix ans et recueille aujourd’hui les la cave. La rencontre avec le public L’imagination doit être au pro - fruits de son travail. s’est tellement bien passée que nous gramme. Je ne voulais pas que ce fes - avons créé le Festival de caves en tival devienne celui de la narration, du 2006. La première année, il devait y conte, mais celui de l’incarnation. Théâtral magazine : D’où vient l’idée avoir cinq, six spectacles montés avec Louise Lévêque, jeune metteur en un peu folle de ce festival ? des amis comédiens. Petit à petit, nous scène présentera par exemple un Guillaume Dujardin : Il est né il y a dix nous sommes professionnalisés et à spectacle intitulé Où ? construit à par - ans, en avril 2005. Le Musée de la Ré - l’extérieur de Besançon, des gens nous tir des questions que l’on se pose tous sistance de Besançon m’a commandé ont proposé de venir dans leurs caves. les jours. Moi je monterai un spectacle un spectacle pour célébrer la Libéra - Cette année, il y aura 36 spectacles autour de la figure de Toussaint Lou - tion des camps. J’ai suggéré le journal dans 75 communes. verture. de Victor Klempereur, LTI, la langue Diriez-vous que le festival est régi Propos recueillis par du IIIe Reich qui raconte le quotidien par le principe de liberté ? Nathalie Simon de la vie sous Goebbels. J’ai proposé Oui, il se déroule toujours avec le de le jouer dans les caves où se ca - même esprit de liberté. C’est une chaient les résistants et les juifs pen - troupe permanente d’une dizaine d’ac - n Festival de caves, le calendrier sur dant la Guerre. L’idée a plu au Musée teurs, les metteurs en scène viennent www.festivaldecaves.fr, 03 63 35 71 04, de la Résistance qui a commencé à re - choisir ceux avec lesquels ils souhai - du 01/05 au 26/06 chercher des lieux patrimoniaux sus - tent travailler. Nous payons les comé -

18 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 à partir du MURMURES DES MURS 4 Rond-Point - Paris Mai

Nous, nous ne faisons pas de prouesses physiques. On répète comme au théâ - Aurélia Thierrée tre. Il y a mes deux partenaires, Jaime Martinez (qui danse), Antonin Maurel, la lumière, le son, la technique. C’est un L’enfant de la balle spectacle hybride, entre théâtre, danse et cirque. Le décor est le quatrième per - sonnage. Il bouge, il respire. Vous avez créé ce spectacle en 2011. Il doit être prêt, fixé. On doit savoir qu’il y a des éléments in - contrôlables. Je préfère que ce soit ainsi. Cela nous garde sur nos pieds. N’êtes-vous pas en train de penser à un troisième spectacle ? Oui, on y réfléchit. Mais on peut avoir des idées qui meurent de mort subite. Je ne sais pas combien de temps un spec - tacle commencé va durer. Je ne suis pas comme mon frère James qui fait une nouvelle création tous les deux ou trois ans. Pour moi, ce n’est pas calculable. Quelle relation artistique vous unit à n o t votre mère, Victoria ? Est-elle toujours g u a

H avec vous pendant vos tournées ?

d r a

h Quand on travaille, notre entente est c i R parfaite, miraculeuse. C’est elle qui @ crée tout au départ. Elle ne nous suit pas pendant les tournées. Elle essaiera C’est l’une des figures de la tribu des d’être au Rond-Point, mais elle a fait Thierrée : l’aînée. Après L’Oratorio, Aurélia vient pré - une chute et s’est brisé les chevilles. Vous préparez-vous spécialement senter à Paris son deuxième spectacle, Murmures des pour la présentation au Rond-Point ? murs, sur le thème de la mémoire. On va faire comme si on arrivait dans une ville de tournée, pour essayer Théâtral Magazine : Quelle idée a c’est le signe qu’il faut passer au spec - d’ignorer qu’on vient jouer à Paris ! donné naissance à ce spectacle ? tacle suivant. J’ai joué L’Oratorio d’Au - Propos recueillis par Aurélia Thierrée : C’est une idée de rélia pendant huit ans, sans que cela Gilles Costaz Victoria. L’idée de base, c’est la mé - soit totalement abouti. Ce que l’on moire, c’est que les objets et les yeux monte peut se développer pendant des sont une mémoire qui nous influencent années. Même s’il y avait 20.000 ans et se manifestent dans notre vie. C’est de représentations, il y a toujours de n Murmures des murs, conception, mise l’idée de départ, l’excuse pour avancer l’incontrôlable, et l’on est toujours en en scène et scénographie de Victoria dans le spectacle et y apporter plein recherche. Thierrée-Chaplin, avec Aurélia Thierrée. d’autres choses. Il y a aussi cette idée Mais comment se passent les répéti - Rond-Point 2 bis avenue Franklin-Roose - qu’une femme se fait mettre hors de tions ? Les Thierrée ont une sorte de velet 75008 Paris, 01 44 95 98 21 son appartement. Mais, quand arrive la cirque secret où ils travaillent, du du 4 au 23/05 minute où l’on comprend ce qu’on fait, côté de la Bourgogne.

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 19 à partir du 5 CRACK IN THE SKY Mai Bouffes du Nord - Paris

Judith Chemla Le coeur battant

au théâtre que ce soit dans Théâtral magazine : De quoi est Ses apparitions composé le concert ? De beaux lendemains, L’Annonce faite à Marie ou dans Judith Chemla : De choses lyriques, il des projets plus personnels comme Tue-Tête marquent y a par exemple un air d’Umberto Gior - forcément les esprits. Judith Chemla est beaucoup plus dano que j'ai découvert en écoutant la qu’une actrice géniale ; elle est vraie, bouleversante. Callas et qui a heurté ma sensibilité. Et en plus elle chante divinement. C’est pourquoi il faut Ça fait beaucoup d'effet (rires) . Il y a se précipiter voir son dernier spectacle Crack in the sky , aussi du Vivaldi, du Bach, une chanson de Bowie… et des chansons que j’ai un concert de sa composition qui mêle aussi bien écrites. Ce sont aussi bien des choses Bach, David Bowie, Vivaldi ou ses propres poèmes. qui m'animent en ce moment, que d’autres qui sont profondément an - crées en moi depuis l'enfance. Je me suis laissée guidée par l'intensité de ces chants. Çela vous apaise-t-il de chanter ? Oui (rires). Ça vient exprimer ce qui est caché, ça réveille la beauté ignorée. Avez-vous l'impression de communi - quer plus de choses au public en chantant ? Ça dépend des textes. Mais au théâtre, j’ai joué des auteurs, comme par exem - ple Claudel, capables de réveiller chez moi une sorte de puissance. Ça permet de découvrir en soi des forces tellu - riques. Au fil du spectacle, vous chantez six chansons que vous avez vous-même écrites. Que disent-elles ? Le concert commence avec une chan - son de moi justement qui contient toutes les aspirations que j'ai. Ça parle de ce qui reste quand tout est détruit, de ce qu’on voulait qui n’existe plus, et de ce qu'on espère encore créer,

r même si on a l'impression que le e i l u

o monde s'écroule autour de soi. M

e i

l Et que reste-t-il quand tout est dé - u J

© truit ? @ Il reste des pensées, des sentiments.

20 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 Des regrets… ? Non. Eventuellement de la colère à l’égard de certaines personnes et puis surtout de l'amour. Tout est dit dans la chanson. C’est une chanson en an - glais. J'écris aussi en français mais l'an - glais permet de libérer quelque chose de trop pudique et de dire des choses simples aussi qui pourraient être per - çues comme naïves si elles étaient dites en français. Je vais chercher des mots que je ne connais pas, ça amène des associations auxquelles je n'aurais pas pensé. Quand on cherche dans une langue étrangère, la poésie surgit parfois d'accidents, de rencontres for - Selfie © Judith Chemla tuites. Les chansons que j'écris sont toujours provoquées par des incidents marquants de vie, qui contrarient un (Thierrée, son ex-compagnon et le père un texte. Cela peut prendre beaucoup peu le destin. Il y a aussi une chanson de son fils ndlr) . C'est évidemment très de formes différentes. Comme la mu - écrite pour des amis. Ce n’est pas un intime mais la force de cette relation, sique, mais le théâtre aussi. Lorsque hommage mais plutôt un élan d’un tel amour qui ne peut pas se vivre j’ai joué L’Annonce faite à Marie , ça a d’amour. Ça ressemble presque à une dans la chair, a quand même une exis - creusé quelque chose en moi. Peut- prière, en tout cas, ça crée des champs tence. Et il fallait l’élucider pour ne pas être aussi parce que ça a mis en évi - de force autour de ces gens. Il y a une qu’elle nous détruise. Et on en a fait dence des concordances étonnantes chanson qui est plus sombre mais que une très belle relation. Il y a aussi des entre ce que je jouais et ce que je vi - j'aime beaucoup parce qu’elle agit chansons d’un spectacle autour de Vi - vais. Ce genre de projet questionne sur comme un exutoire. Ecrire, c'est aussi valdi dont on rêvait ensemble et qu'on sa foi, sur son amour, sur ce qu’on a une façon de transformer sa vie et de ne fera pas du coup... J'en ai aussi une envie de faire de sa vie et donne l’im - l'inventer ; on peut transformer des sur les rêves et une autre que j'avais pulsion nécessaire aussi pour agir. parties honteuses de soi, qui n'ont pas commencée pour un film de Thierry Propos recueillis par HC de place dans le monde, des états qui Jousse qui s'appelle Je suis un no ne produisent rien de bénéfique pour man's land avec Philippe Katherine et la société, de la déception, de la colère Julie Depardieu. C'est quelque chose et en faire quelque chose de joyeux d’un peu hystérique que j’ai écrit d’un parce que ça devient un objet de créa - trait parce que les images m’arrivaient tion, extérieur à soi. Et la joie peut re - toutes seules. Et puis, il y a aussi une passer par là. chanson d’amour écrite sur un lied de Une chanson doit-elle parler à tout Schubert, dont j'ai changé la mélodie. le monde ? Là, les paroles sont en français parce n Crack in the sky, conception et voix Oui, mais ce n'est pas toujours immé - que c'est tellement beau. J'adore Judith Chemla, contrebasse et basse diat. J’écris des choses qui d’abord me Schubert. électrique Bruno Le Bris, piano et accor - concernent. Mais on aime bien écou - Vous sentez-vous davantage libre en déon Gabriel Levasseur, batterie Thi - ter des chanteurs dire ce qu'on n’ose - tant qu’auteur ? bault Perriard rait pas dire, qu'on aurait presque Je crois qu’on est créateur, même Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la honte de vivre ou de ressentir. La pre - lorsqu’on est interprète, à partir du Chapelle 75010 Paris, 01 46 07 34 50 mière chanson, je l'ai écrite au mo - moment où on est habité, pénétré de Les 5 et 31/05 et 6/06 e ment où on se séparait avec James quelque chose qu'on a reconnu dans

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 21 à partir du 5 NOUS SOMMES PAREILS À CES CRAPAUDS... / ALI Mai Rond-Point - Paris

à de la musique tunisienne. "En fait, ce sont ces deux répertoires qui se rencon - trent et qui se marient". Il n'y a pas de Mathurin Bolze texte. Il n'y a pas de chronologie. "Il y a cependant une série d'expériences et de danse à trois situations de plateaux qui vont ques - tionner la vie de ce trio. Sur Ali , la lec - ture est plus ouverte puisqu'on n'est pas parti sur autre chose que le rapport de ces deux personnages, leur amitié, leur possible invention d'un troisième corps fusionné à eux deux alors que dans Les crapauds , cela parle clairement d'une femme en robe de mariée, d'un homme en costume et du surgissement d'un troisième". Les histoires qu’ils racontent sont façonnées par leur pratique, du cirque pour Mathurin Bolze et de la danse surtout pour les frères Thabet. "Chacun vient avec son histoire, son ba - gage, sa musique intérieure et la magie du plateau opère. C’est particulièrement vrai dans cette invitation des frères Tha - bet puisqu'on a eu très peu de temps, n i

t quinze jours seulement, pour constituer n e l

a ce spectacle. Comme ce sont des temps V

n

o très courts, on se précipite sur l'appétit n a M qu'on a de l'autre, sur les idées, les @ choses déjà mûries. La partition s'est in - ventée ensuite dans le travail réelle - ment. Mais heureusement, le premier pparemment , rien ne relie ces deux spectacles duo a offert une sorte de terrain d'en - A entre eux si ce n’est l’amitié entre les frères Thabet et tente et de vocabulaire commun pour Mathurin Bolze. Amitié d’abord scellée par le duo dansé Ali aborder la question du trio". dans lequel Hédi clopine sur son unique pointe et confirmée HC dans la pièce de danse romantique des Crapauds …

Non il n’y a pas de lien entre les deux ces crapauds… dont le titre emprunte n Nous sommes pareils à ces crapauds spectacles confirme Mathurin Bolze directement à un poème de René Char qui dans l’austère nuit des marais s’ap - sauf bien sûr les protagonistes distri - est un trio. Une sorte de conte roman - pellent et ne se voient pas ployant à bués dans les deux, lui-même et Hédi tique autour du thème du mariage, de leur cri d’amour toute la fatalité de Thabet, et "le vocabulaire acrobatique l’amour et de la communication dans l’univer s / Ali très proche." Et peut-être le chiffre trois. des langues étrangères : "une femme et Avec Ali Thabet, Hédi Thabet, Artemis Si Ali est un duo créé en 2011 entre deux hommes dont on pourrait se dire Stavridi, Mathurin Bolze, Hédi Thabet Mathurin Bolze et le cadet des frères qu’ils sont mari, épouse et amant… Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Thabet qui danse sur trois pieds, la mais c'est aussi un peu plus compliqué Franklin Roosevelt 75008 Paris, faute au cancer des os qui lui a volé une que ça" . Une sorte de rituel mêle le ré - 01 44 95 98 21, du 5 au 23/05 part de son être, Nous sommes pareils à bètiko, musique de la diaspora grecque,

22 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 6

ABONNEZ-VOUS 1 À PARTIR DU SAMEDI 23 MAI - 14H - FRANÇOIS BERLÉAND LÉA DRUCKER IMANY DENIS LAVANT ÉDOUARD BAER 5 CATHERINE HIEGEL SLAVA’S SNOW SHOW 1 LE CIRQUE INVISIBLE ABD AL MALIK 0 2

OPÉRA DE PARIS ANGELIN PRELJOCAJ

SOPHIA ARAM CHRISTOPHE ALÉVÊQUE N

GASPARD PROUST FRANÇOIS MOREL O

JACQUES GAMBLIN PHILIPPE CAUBÈRE S PHILIPPE DECOUFLÉ LORÀNT DEUTSCH I PIERRE RICHARD TCHÉKY KARYO A FRANÇOIS-XAVIER DEMAISON OLIVIER PY S SYLVIE TESTUD IBRAHIM MAALOUF CLAUDE BRASSEUR... en ligne, c’est encore plus rapide anthea-antibes.fr

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site internet à partir du 5 AUX CORPS PROCHAINS Mai Chaillot - Paris

créer de la fiction. Spinoza a beaucoup mis l'accent sur une puissance de pen - Stanislas Roquette sée qui innerve le vivant. Le corps pro - duit de la pensée. Le corps ordinaire Comment travaillez-vous avec Denis Guénoun ? On conçoit le spectacle ensemble, lui du point de vue du plateau, moi de la salle. Je suis un peu le porte-parole du groupe des acteurs. Ma partition est extrêmement millimétrée. Et pourtant je me sens très libre. J'enseigne à Sciences-Po à Paris depuis six ans et j’insiste beaucoup sur le côté ludique du jeu. Tout ce qui est bon pour l'ac - teur, comme l’écoute ou l’ouverture aux autres, est aussi bon dans la vie. Au théâtre, on doit ressentir un plaisir du corps immédiat. Pourquoi êtes-vous venu au théâtre ? Pour les filles (rires) .

r Et après ? d

@ Je voulais produire de la pensée. J'étais fasciné par les gens capables de produire des systèmes de pensée co - Denis Guénoun et Stanislas Roquette investissent Chaillot hérente. Alors j’ai décidé de mettre ma avec un spectacle-danse inspiré d’une pensée de Spinoza : vie au service de la transmission de la nul ne sait ce que peut un corps . Pour les deux artistes, il ne pensée des autres. s’agit nullement de s’extasier sur les capacités performatives de C'est un peu ce que fait Fabrice Luchini. notre corps, mais d’explorer sa relation avec l’esprit. Quand j'étais ado, c'était justement un de mes modèles. Chez Saint-Augustin il y a cette idée qu’au fond de soi il n'y Théâtral magazine : De quoi est des éléments d'étonnement devant un a pas une entité mais une altérité. Il y constitué le spectacle ? certain ordinaire du corps à partir de a quelque chose qui se met en mouve - Stanislas Roquette : Le point de dé - cinq verbes : lever, se lever, laver, se ment dans le rapport au corps de l'au - part de la création, c’est une pensée de laver, fuir, se fuir, fêter, se fêter et dé - tre et ça devient infiniment créatif. Spinoza : "nul ne sait ce que peut un clarer, se déclarer. Cinq verbes qui in - Avez-vous d’autres projets ? corps" , qui a généré des séances de ré - diquent une évolution de la position Je joue en ce moment Lorenzaccio à la flexion, des conférences philoso - allongée à la position verticale pour Criée et on va le reprendre en septem - phiques... Il s'agit non pas de dire le terminer par la parole et une progres - bre au théâtre Montansier de Versailles. texte de Spinoza mais d’en faire un sion vers le collectif. On cherche des Propos recueillis par HC matériau de création entre le théâtre, enchaînements d'actions, de mouve - la danse et la vidéo. ments, d'interactions avec chaque fois n Aux corps prochains (Sur une pensée Votre idée, c'est que le théâtre ré - une énergie animale, qui ne soit pas de Spinoza), conception Denis Guénoun ponde à cette question ? immédiatement abstraite du côté de et Stanislas Roquette Il y a cette idée d’être étonné par les la danse et pas non plus immédiate - Chaillot, 1 place du Trocadéro 75116 corps. Mais pas par les corps acroba - ment intentionnelle du côté du théâ - Paris, 01 53 65 30 00, du 5 au 13/05 tiques. L’enjeu est plutôt de trouver tre. Mais parfois avec la possibilité de

24 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 à partir du TOUCHÉE PAR LES FÉES 7 Théâtre de l’Aquarium - Vincennes Mai

Ariane Ascaride Le petit soldat

Quand le cinéma lui laisse du temps, Ariane Ascaride replonge vite dans la vie du théâtre. En ce moment, elle joue en même temps Touchée par les fées et Le Silence de Molière, en attendant de lire des textes au Marathon des mots de Toulouse et Aristophane adapté par Valletti à Lyon.

langage du jour. J'essaie d'être. Je suis. Je suis au service Vous jouez aussi en tournée Le Si - lence de Molière de Giovanni Mac - avec mon langage, z e d

chia dans une mise en scène de Marc n mon corps, mon lan - a n r

Paquien, un spectacle qu'on verra à e F gage du jour. J'essaie d'être. L J © Paris la saison prochaine.

Je suis. @ Je n'ai jamais autant souffert ! A tra - vers l'histoire de la fille de Molière, Théâtral magazine : Touchée par les Marie-Madeleine-Esprit, ce texte tape pour moi Pour Bobby , il savait des fées , c'est votre histoire ? dans des choses très personnelles. “J'ai choses que je n’imaginais pas. Ses Ariane Ascaride : En 2010, la SACD été submergée par les œuvres des au - textes, c'est ma culture, ma peau, mon m'a demandé, pour le cycle Le Vif du tres” , dit le personnage. Fiction et réa - enfance. C'est le seul qui transcrit si sujet, à Avignon, de faire quelque lité se croisent tout le temps. La pièce bien l'oralité de la ville de Marseille, en chose que je ne faisais pas d'habitude. me fascinait parce que je vis dans tout lui donnant sa dignité. J'ai répondu : “Voler. Je suis la fille de cela ! Je n'arrivais pas à le jouer. Mais Propos recueillis par Peter Pan, je veux voler comme Puck.” je suis avec un jeune partenaire très Gilles Costaz J'ai demandé à mon amie Marie Des - intelligent, Loïc Mobihan. Marc Pa - plechin d'écrire le texte. Mais les idées quien, qui est une sorte de psychana - viennent d'elle, de moi et de Thierry lyste, qui aime les actrices, m'a n Touchée par les fées de Marie Desple - Thieû Niang. Nous en sommes à la poussée là où je ne voulais pas aller. chin, mise en scène de Thierry Thieû troisième version. A partir du Songe Je suis entrée enfin dans le texte deux Niang, pour et par Ariane Ascaride. d'une nuit d'été et de ma vie je raconte jours avant la création au théâtre Li - Aquarium, Cartoucherie de Vincennes que mon père m'a faite actrice et que berté à Toulon ! route du Champ de Manoeuvre, 75012 mon mari m'a fait continuer. Qu'est-ce Serge Valletti, dont vous allez lire à Paris, 01 43 74 99 61, qu'être acteur ? Qu'est-ce que la fan - Fourvière une partie de son adapta - du 7 au 17/05 taisie ? On aborde ces questions. A tion intégrale des pièces d'Aristo - n Le Silence de Molière, Théâtre de présent, comme actrice, je suis au ser - phane, c'est d'abord l'expression de l'Ouest parisien, Boulogne-Billancourt, vice. Je suis un petit soldat. Plus le votre monde culturel commun : Mar - 01 46 03 60 44, 12/05. temps passe, moins j'ai de revendica - seille. n Toutaristophane, Nuits de Fourvière, tions personnelles. Je suis au service Jouer du Valletti m'est naturel, ne me Lyon, 04 72 32 00 00, 22/06 avec mon langage, mon corps, mon demande pas d'effort. Quand il a écrit

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 25 à partir du 9 UN AMOUR QUI NE FINIT PAS Mai Théâtre de Montansier - Versailles Théâtre de l’Oeuvre - Paris

La loi TEPA permet une réduction* de mon ISF Michel Fau à hauteur de 75% du montant du don consenti à virtuellement en amour la Fondation Jacques Toja pour le Théâtre, qui œuvre depuis > WWW.FONDATION-THEATRE.ORG/ISF Après le Misanthrope et Brûlez-là, Zelda plus de trente ans en faveur de la magnifique et en pleine préparation l’enrichissement du répertoire de Dardanus , l’opéra de Rameau, Mi - En soutenant la Fondation théâtral. J’ai jusqu’à la date de chel Fau renoue avec le registre co - déclaration de mon ISF 2015 pour Jacques Toja pour le Théâtre, adresser mon don. mique en offrant sa version d’ Un amour je donne un nouveau sens qui ne finit pas une pièce d’André Rous - * dans la limite de 50 000 €, 45 000 € sin. Il raconte l’histoire d’un personnage à mon ISF au-delà même si vous avez également recours à un investissement dans les PME. lunaire qui propose à une femme de des avantages fiscaux : r d partager un amour platonique. @ · Je contribue activement à la création de cinq à six pièces Théâtral magazine : C’est adolescent prend tous les codes du théâtre bour - fluences très diverses qui construisent par saison, sélectionnées pour leurs qualités artistiques et que vous avez découvert cette comé - geois, mais les déforme, les détourne. ma personnalité. Je ne résiste pas. Evi - présentées sur les scènes les plus prestigieuses ; die écrite en 1963. C’est une langue très bien écrite, belle demment, il y a Fellini. Comme Stanley Michel Fau : Comme d’autres textes, et séduisante. Kubrick, il se posait des questions sur · Je permets à des étudiants issus de ZEP de découvrir le théâtre ; Demain il fera jour de Montherlant. Je Comment allez-vous la mettre en scène, chaque film. J’ai travaillé sur le style de · 100% de mon don est affecté à la saison en cours ; lisais tout ce qui me tombait entre les vous êtes sur le fil tragi-comique ? l’œuvre au lieu de plaquer un savoir- · Je donne en toute confiance à une fondation reconnue d’utilité mains. J’étais naïf et sans idées reçues. En répétant, les comédiens se retrou - faire dessus. J’ai pensé aussi à des films publique qui œuvre sans but lucratif à une cause d’intérêt Avec Léa Drucker, nous cherchions vent de plus en plus et ont de la ma - de Pierre Etaix et d’autres avec Audrey général ; une pièce drôle. Après, il y a eu l’envie tière à jouer. Ils ont un jeu très Hepburn, le côté comédie romantique. · Je deviens membre d’un cercle de passionnés et participe à de travailler avec Pascale Arbillot et boulevard, au-dessus de la réalité, ou - La prochaine pièce ? des événements exclusifs. Pierre Cassignard. C’est une pièce un trancier et à la fois, ils peuvent éprou - En septembre, Fleur de Cactus , de Ba - peu à part dans l’œuvre d’André Rous - ver des sentiments très profonds. Ce rillet et Grédy, au Théâtre Antoine sin, elle propose une vision des choses n’est pas évident aujourd’hui. Le bou - avec Catherine Frot, une comédie plus profondes et cruelles, devient féroce. levard se joue sur deux registres. délirante que celle de Roussin. Et pour Elle surprendra le public. Quand j’allais voir Sophie Desmarets, plus tard, un spectacle de Jean-Michel FONDATION Quel en est l’argument ? Maria Pacôme, Jacqueline Maillan ou Ribes. RECONNUE Elle parle de deux couples, l’un des Jean Poiret, ils étaient dans ce ton-là. Propos recueillis par D’UTILITÉ hommes propose à la femme du second Le mélange de tragédie et de comé - Nathalie Simon PUBLIQUE de vivre un amour platonique. Cet al - die, c’est comme la vie. lumé, c’est moi qui suis marié à Léa Vous êtes fidèle aux comédiens, mais Drucker. Il s’ennuie avec son épouse et restez ouvert à d’autres. Coupon réponse à retourner rempli accompagné de mon don à la Fondation Jacques Toja pour le Théâtre, 93 bd Haussmann, 75008 Paris avec ses maîtresses. Il s’aperçoit que Oui, j’avais trouvé Pascale Arbillot cu - n Un amour qui ne finit pas d’André c’est aussi catastrophique d’aimer d’une lottée dans Quadrille de Guitry, son co - Roussin, mise en scène de et avec Michel Je soussigné(e): Adresse un don à la Fondation Jacques Toja € pour le Théâtre d’un montant de : autre façon. Le sujet rappelle Le Soulier mique est basé sur la folie, j’aime ça. Fau, avec Léa Drucker, Pascale Arbillot, Nom : de satin de Paul Claudel et, en même Je connais Pierre Cassignard depuis le Pierre Cassignard, Audrey Langle, Je souhaite être tenu au courant des activités de la Fondation et ainsi Prénom : temps, résonne avec aujourd’hui. L’his - Conservatoire. Il est capable de déri - du 9 au 11/05, Théâtre de Montansier, suivre l’utilisation de mon don. toire d’amour est virtuelle comme les sion et de vérité. Versailles, 01 39 20 16 00 Adresse : J’accepte d’être remercié en tant que donateur dans les publications de la fondation. moyens de communication par mails. Travaillez-vous sous l’influence de du 14/05 au 11/07, Théâtre de l’Oeu - Quand les internautes se rencontrent vos maîtres ? vre, 75009 Paris, 01 44 53 88 88 Dès perception de mon don, la Fondation Jacques Toja pour le Théâtre me Code postal et ville : en vrai, ils sont déçus. André Roussin re - Bien sûr, je subis toujours des in - retournera par courrier le reçu fiscal pour valoir ce que de droit. E-mail : Date et lieu : Signature : Téléphone : 26 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 La loi TEPA permet une réduction* de mon ISF à hauteur de 75% du montant du don consenti à la Fondation Jacques Toja pour le Théâtre, qui œuvre depuis > WWW.FONDATION-THEATRE.ORG/ISF plus de trente ans en faveur de l’enrichissement du répertoire En soutenant la Fondation théâtral. J’ai jusqu’à la date de déclaration de mon ISF 2015 pour Jacques Toja pour le Théâtre, adresser mon don. je donne un nouveau sens * dans la limite de 50 000 €, 45 000 € à mon ISF au-delà même si vous avez également recours à un investissement dans les PME. des avantages fiscaux :

· Je contribue activement à la création de cinq à six pièces par saison, sélectionnées pour leurs qualités artistiques et présentées sur les scènes les plus prestigieuses ; · Je permets à des étudiants issus de ZEP de découvrir le théâtre ; · 100% de mon don est affecté à la saison en cours ; · Je donne en toute confiance à une fondation reconnue d’utilité publique qui œuvre sans but lucratif à une cause d’intérêt général ; · Je deviens membre d’un cercle de passionnés et participe à des événements exclusifs.

FONDATION RECONNUE D’UTILITÉ PUBLIQUE

Coupon réponse à retourner rempli accompagné de mon don à la Fondation Jacques Toja pour le Théâtre, 93 bd Haussmann, 75008 Paris

Je soussigné(e): Adresse un don à la Fondation Jacques Toja € pour le Théâtre d’un montant de : Nom : Je souhaite être tenu au courant des activités de la Fondation et ainsi Prénom : suivre l’utilisation de mon don. Adresse : J’accepte d’être remercié en tant que donateur dans les publications de la fondation.

Dès perception de mon don, la Fondation Jacques Toja pour le Théâtre me Code postal et ville : retournera par courrier le reçu fiscal pour valoir ce que de droit. E-mail : Date et lieu : Signature : Téléphone : à partir du 12 EN ATTENDANT GODOT Mai Châlon, Théâtre Dijon Bourgogne et tournée

Jean-Pierre Vincent en plein Godot

Pour la première fois , Jean-Pierre Vincent monte Beckett. A la lecture d’un article de Günther Anders, il a redécouvert En attendant Godot , la pièce qui a changé notre façon de faire du théâtre. Une pièce écrite sur les ruines de l’hu - manité après la Shoah et qui annonce des temps encore plus vides… Et pourtant, tout est écrit comme s’il s’agissait d’une pièce burlesque avec deux personnages af - fublés de chapeaux melon et agissant façon Buster Keaton.

Théâtral magazine : Qu’est-ce qui guerre de 14. Dans le deuxième acte, ce qu'il appelait “Suzanne et moi” en vous a donné envie de monter En at - il y a un passage où Estragon, Vladi - référence aux disputes entre lui et sa tendant Godot ? mir, Pozzo et Lucky sont morts. Et ce femme : des dialogues qui virent à la Jean-Pierre Vincent : Du temps où passage suit un autre moment où Vla - chinoiserie mesquine. j’étais Administrateur du Français, dimir et Estragon écoutent les morts j’avais un projet avec Fin de partie . parler sous la terre. Plus personne ne Mais ça ne s’est pas fait car j’étais sur parle dans le monde où ils sont. D’ail - Beckett nous invite à le départ. Ensuite, je me suis toujours leurs, c’est une espèce de route dé - nous rendre compte tenu éloigné de Beckett. Jusqu’à ce serte. Et en même temps un décor que nous attendons, que la lecture d'un article intitulé Sans puisque quand ils vont pisser, ils di - bien que nous faisons sem - temps de Günther Anders sur Godot sent : “au fond du couloir à gauche” . blant de ne pas attendre en m'ait troué la tête il y a deux ans. J’ai Alors que je n'avais jamais voulu nous divertissant. relu la pièce. Je l’ai trouvée vivante, adhérer à la vision tragico-mélodra - concrète, pleine d'histoires avec une matique de Beckett, je me suis rendu résonance très forte aujourd’hui : la compte que tout me parlait. Cette ha - Est-ce que tout ça ne fait pas trop d'in - plupart des êtres humains ont l'im - giographie pessimiste ne correspond formations dans une même pièce ? pression d'être “agis”, que le temps se pas à mon avis à son écriture. Il y a Non parce que c'est très simple et très vide… quelque chose de beaucoup plus vi - direct. Ces informations, vous y pensez Qu’entendez-vous par là ? vant, plus irlandais chez lui. Ses meil - en rentrant chez vous. Quand vous re - Comme dit Lucky dans la pièce, le leurs commentateurs ont toujours garez la pièce, vous voyez une fiction. temps rétrécit, devient une suite d'ins - souligné sa force comique. Et en répé - Il y a plein de moments qui vous ren - tants où on ne se reconnaît pas. En tition, je découvre à quel point cet voient à vous-même. Comme par particulier depuis la chute du mur de homme avait une science de la scène, exemple la notion de silence : au Berlin, la victoire du libéralisme du burlesque, des entrées, des sorties, début est le silence, au début il n'y a acharné et la mondialisation, les gens de l'alternance entre des plages de rien. Et à la fin il n'y a rien non plus. Et sont perdus dans une sorte de désert. discours, et d’autres où il n'y a pas à les silences renvoient les personnages Beckett a pressenti tout ça. Il a écrit faire un seul mouvement. Il donne au vide, et nous à notre état de spec - Godot en 1948 très peu de temps aussi l’humeur du personnage. Et puis tateurs. après Hiroshima, Auschwitz. Mais il une chose qui est très touchante, En attendant Godot, c’est quand était très fortement marqué par la qu’on retrouve dans Fin de partie , c'est même l’attente d’un mystérieux

28 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 y l ́ e G

l a c s a P @

Godot qui ne vient pas par Vladimir Cela voudrait dire que nous perdons musique subliminale. C'est tout un art et Estragon. Le risque, c'est qu'on notre temps. On ne peut quand de choses qui s'accumulent petit à petit s'ennuie... même pas dire que la société de répétition en répétition. J'espère que Oui. Mais c'est une attente traversée n'avance pas. ce sera la mise en scène la plus proche par des ruines de la société passée : Vladimir dit que “le temps s’est arrêté” de l'idée qu'il se faisait de sa pièce. Sauf Pozzo et Lucky, c’est le maître et l’es - et Pozzo répond : “ne croyez pas ça… que nous sommes 50 ans plus tard. clave, Lucky étant une espèce d’ancien vous ne savez pas encore ce que c’est Donc cela devrait davantage sensi - intellectuel réduit en esclavage. C’est que le crépuscule chez nous” … Alors biliser les gens... vrai, je me suis toujours ennuyé à aujourd’hui, notre devoir c’est de res - C'est tout mon espoir. Godot mais parce que ça allait trop ter lucide et vigilant face à l'effondre - Propos recueillis par HC vite. ment de ceux qui dirigent la planète. Donc vous allez ralentir. Comment transposez-vous tout cela Non. Mais il faut juste donner à enten - sur scène ? n En attendant Godot, de Samuel dre le temps. Quand ils écoutent les Très simplement. Pozzo dit qu’il n'y a Beckett, mise en scène de Jean-Pierre morts parler sous la terre il faut quand rien sauf un arbre. Donc il n’y a rien sauf Vincent même qu’ils prennent le temps d’écou - un arbre. C’est exactement comme 12 au 13/05 Espace des Arts à Chalon- ter les morts sous la terre. Sinon, on n’y Beckett l’a écrit avec les chapeaux sur-Saône, 03 85 42 52 12 croit pas. Parce que Beckett nous in - melon. Il y aura du son, que j'espère cer - 22 au 24/05 Théâtre en Mai vite à nous rendre compte que nous tains spectateurs n'entendront même Reprise à partir de septembre à Lyon, attendons, bien que nous faisons sem - pas. Si vous mettez une nappe sonore et Angers, Grenoble, Bordeaux, Stras - blant de ne pas attendre en nous di - qu'à un moment donné elle s'arrête, bourg, et à Paris aux Bouffes du Nord vertissant. vous entendez le vrai silence. C'est de la

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 29 à partir du 12 LA VEILLÉE DES GRANDS GOURMANDS Mai Théâtre National de Strasbourg

On a travaillé selon le principe de la création collective et du montage de François Chattot textes. Pendant un mois, on a fait la cueillette dans les livres, les jour - naux… On entend Michaux, Brecht, Le colosse Hugo, Tchekhov, Valéry.... Quand le ri - deau du camion s’ouvre, nous chantons un texte de Viviane Forrester, La Pro - C’est l’un des athlètes messe du pire , mis en musique par du théâtre français. Géant comme Thierry Caens. C’est du cabaret, du les spectacles de Mathias Langhoff mini-opéra, une veillée de fête. On donne des carottes aux gens avec des pour lequel il a tant joué (il parti - outils, pour qu’ils fassent l’épluchage. cipe en ce moment au dernier Nous préparons le risotto. Je dis du Va - Langhoff, Cinéma Apollo ), il aime neigem quand je sers le vin… Avec les acteurs et les chanteurs, Lise Visinand, aussi les petites formes qu’il crée à Chloé Bosc, Fanny Miroy, Aline Du - l’intérieur de sa compagnie Service mont, Pierre-Olivier Fernandez, le com - public. positeur Daniel Fernandez, il y a deux chefs cuisiniers bossant en alternance : Théâtral magazine : Regrettez-vous Céline Bourgeois, Hubert Anceau. Les de ne plus diriger le Centre drama - régisseurs disent aussi des textes de tique de Dijon Bourgogne ? Jouvet sur la technique au théâtre à la François Chattot : Je ne voulais pas fin, quand on fait la vaisselle ! faire un troisième mandat. Il faut don - Vous avez tout dirigé vous-même ? ner les outils aux autres générations. J’ai eu besoin de Martine Schamba - J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler cher, qui a fait l’œil extérieur. avec l’équipe. Mais la collaboration C’est différent de Que faire ? (le re - avec les tutelles est éprouvante. Il fau - tour) de Lambert et Massera, que drait que les élus viennent, de façon ci - vous avez beaucoup joué, mais c’est toyenne. un peu le même esprit de critique so - Qu’est-ce que La Veillée des grands ciale joyeuse. gourmands ? Oui, les gens nous disent souvent : “Ca C’est une nouvelle aventure avec le ca - requinque” . Que faire ? (Le retour) , on mion d’alimentation. En compagnie de le joue depuis cinq ans. Martine Jean-Louis Hourdin, de Christian Je - Schambacher et moi faisons une nou - hanin et de quelques autres nous velle tournée à la rentrée. avions fait Et si on s’y mettait tous ? Là, Propos recueillis par j’ai réuni des gens avec qui je n’ai pas Gilles Costaz eu le temps de travailler. Les gour - mands dont parle le titre, c’est nous, avec notre appétit des mots et des n La Veillée des grands gourmands, bonnes choses. C’est aussi ceux qui de et avec François Chattot.

Théâtre national de Strasbourg 1 ave -

nous mangent. On pourra voir repro - n

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duit sur un étendard le tableau de a nue de la Marseillaise 67000 Stras -

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Goya, Saturne mangeant ses enfants ! n bourg, 03 88 24 88 24,

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C’est un cabaret avec des textes, des du 12 au 24/05 @ chansons ?

30 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 à partir du AFFABU LAZIONE 12 La Colline - Paris Mai Stanislas Nordey Pasolini, le révélateur… Avec Affabulazione , Stanislas Nordey monte sa cinquième pièce de Pasolini. Il a choisi une mise en scène opératique dans une scénographie à la Visconti, pour accompagner d’une image lumi - neuse un propos complexe. o i h c e r r a C

h t e b a i l E

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Théâtral magazine : Cinq pièces de plaçant, ce n’est pas la mère et le fils, Pasolini à votre actif ; une fidélité ? ou le père et la fille, mais le père et le Dans Affabulazione , Stanislas Nordey : Pasolini est un fils. Cela remet en cause les fonda - il s’agit de la lutte grand poète avant d’être un grand ci - mentaux de la psychanalyse. C’est ce éternelle entre les néaste. Il a une langue magnifique, il qui me plait chez Pasolini. Il déplace, pères et les fils, lutte à mort, est “biberonné” au théâtre antique, à dérange dans le bon sens du terme, les et il s’inspire donc de toute la Sophocle, Eschyle… Son théâtre parle choses bien rangées. Pasolini, c’est du monde. Dans Affabulazione , il l’anti-Brecht. Il ne dit pas au specta - tragédie grecque. s’agit de la lutte éternelle entre les teur ce qu’il faut penser, mais plutôt pères et les fils, lutte à mort, et il s’ins - fait apparaître, comme avec une très un père qu’un fils dans le théâtre fran - pire donc de toute la tragédie grosse loupe, les dysfonctionnements, çais. Cela m’intéresse donc. C’est une grecque. Quand il écrit cette pièce, la monstruosité du fonctionnement nécessité qui s’explique à peine, qui d’ailleurs, il filme Œdipe roi. C’est donc bourgeois, comme le bain révélateur est physique. J’ai la chance d’être tou - un théâtre généreux dans sa forme, dans la photographie. Il fait apparaî - jours au plus proche de ma nécessité, ambitieux dans les contenus, qui pro - tre ce qui est déjà là. Il ne veut pas en montant ce que je veux. Je monte pose au public un pacte d’intelligence. prouver des choses, mais nous mettre un texte parce que je ne peux pas faire Je choisis toujours des textes exi - face à nous-même, nous faire regarder autrement. Avec l’orgueil de se dire geants et généreux à la fois, dans les - comment on se comporte. que, ce que l’on identifie comme une quels il y a de la matière à penser. Monter une telle pièce, c’est une né - nécessité pour soi, va l’être pour les Est-il encore un auteur qui choque ? cessité ? autres… Peut être pas, mais qui trouble. Je n’ai J’ai toujours monté des textes que j’ai - Propos recueillis par jamais cherché ni aimé la provocation. mais. Je voulais les diffuser largement. François Varlin Elle ne choque qu’en surface. Tandis La nécessité vient de l’idée de réparer que ce qui trouble, touche en profon - une injustice, un texte trop peu monté deur. Ce père qui veut avoir accès à la pour que le monde l’entende. Monter n Affabulazione, de Pier Paolo Pasolini, sexualité de son fils, savoir à quoi elle un texte, c’est extrêmement intime ; mise en scène Stanislas Nordey ressemble, fait voler en éclat la bien- Pasolini a toujours refusé d’être père, Théâtre national de la Colline, 15 rue pensance et interroge les familles, les alors qu’il devient le père spirituel du Malte-Brun 75020 Paris, rapports des pères et des fils. Il est cinéma italien, et il se trouve qu’à l’âge 01 44 62 52 52, du 12/05 au 6/06 parti du complexe d’Œdipe en le dé - que j’ai, je suis en train de devenir plus

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 31 à partir du 16 L’ODEUR DES PLANCHES Mai TOP - Boulogne

tout le monde, pas seulement aux co - médiens. Tous les jours, des gens per - Sandrine Bonnaire dent leur boulot ou se retrouvent en fin de droits, sans aucune ressource fi - seule en scène nancière. La différence, c’est que les comédiens sont dépendants du désir Pour Sandrine Bonnaire, l’année se sera passée au théâtre : des autres. Moi, je n’ai jamais vécu après L’Aide-Mémoire et Le Miroir de Jade , elle reprend seule en dans cette angoisse-là. Peut-être aussi scène L’Odeur des planches de Samira Sedira qu’elle avait créée parce que cela a toujours été simple. Et puis cela dépend à quel moment on sous forme de lecture à la Comédie de Valence en 2014. a commencé sa carrière. Je crois que c'est plus compliqué aujourd'hui de Théâtral magazine : Y a-t-il des chan - durer qu’il y a trente ans. Et ce dont gements par rapport à la création ? elle souffre surtout c'est le comporte - Sandrine Bonnaire : A la création, ment des autres vis-à-vis d’elle ; pas c'était un mélange de lecture et d'in - tellement le fait de faire des ménages. terprétation. Là ce sera vraiment de Depuis la lecture de L’Odeur des l’interprétation. J’apprends le texte. planches, il y a eu L’aide-mémoire Mais ce n’est pas difficile. C’est un uni - avec Pascal Greggory et en ce mo - vers dont je me sens proche surtout ment Le miroir de Jade . Vous avez après voir passé un an à le lire. Le passé votre année sur scène. Qu’est- texte est fort et je le retrouve avec ce que vous en avez retenu ? plaisir. J'ai le sentiment qu'il s'est im - Cela m'a apporté beaucoup d'énergie prégné en moi pendant la lecture. Le et de joie. Surtout Le miroir de Jade. plus compliqué pour moi en fait, c’est Savez-vous pourquoi ? d’être seule en scène. Ça parle d’une renaissance et ça me Qu'est-ce qui vous a donné envie de plaît beaucoup. Et puis c’est une pièce jouer ce texte ? sans mot. Le sens passe à travers autre C'est un texte sur l'identité, qui parle chose ; j’utilise mon corps pour expri - du regard que portent les gens sur la mer le mal-être, la douleur, les cris fonction qu'on exerce. C’est l’histoire pour finir dans la joie. d’une comédienne qui était dans la lu - C’est très nouveau pour vous le théâ - mière et qui passe dans l'ombre faute tre. Allez-vous continuer au même de travail. Elle devient femme de mé - rythme ? nage pour survivre et le regard des au - Après L’odeur des planches , je vais re - tres change, la considération qu’on lui venir au cinéma. J'ai un projet de film porte est différente. Ça parle aussi de avec Gaël Morel, puis des projets per - l'immigration, puisque ses parents qui sonnels. J'ai très envie de revenir à la sont venus en France ont essayé de se mise en scène. faire une nouvelle identité et ont du Propos recueillis par HC mal avec ça. Particulièrement sa mère qui reste très nostalgique et ne par - vient pas à trouver un peu de lumière n L'odeur des planches, de Samira Se - z e d

n dans sa nouvelle vie. dira, mise en scène de Richard Brunel, a n r

e En tant que comédienne, est-ce avec Sandrine Bonnaire F

s i

u quelque chose qui vous touche ce TOP, 1 place Bernard Palissy 92100 o L

n

a qu’a vécu l’auteure Samira Sedira ? Boulogne, 01 46 03 60 44, le 16/05 e J

@ Oui bien sûr, mais ça peut arriver à

32 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 à partir du LE MALADE IMAGINAIRE 19 MAC - Créteil Mai TNB - Rennes

Michel Didym Retour aux classiques

A la tête du Centre dramatique de Nancy, de la Mous - son d'été et de la Mousson d'hiver, Michel Didym est l'un des grands champions des auteurs contemporains. Pour - tant, il vient de mettre en scène Le Malade imaginaire . Son spectacle vient de faire le tour de France avant d'arriver à Créteil et à Rennes.

Théâtral magazine : Par quel chemin j'ai pris Jeanne Lepers et Barthélémy en êtes-vous venu à monter Le Ma - Meridjen. J'ai conservé les intermèdes lade imaginaire ? musicaux mais pas la musique de Michel Didym : Je suis arrivé à Molière Marc-Antoine Charpentier. J'ai com - par Montaigne. Je projette de monter mandé une autre musique à Philippe m y

un spectacle à partir du Voyage en Ita - Thibault. J'ai maintenu le principe de d i D c i lie , et Montaigne parle de sa défiance la comédie-ballet. r E

absolue du “roman de la médecine”. Pourquoi ce virage, vous qui n'avez @ J'ai relu Le Malade et j'ai été ébloui. jamais monté que des contempo - Aujourd'hui, on ne s'intéresse plus rains ? qu'au corps et à l'argent tant la poli - Je monte en effet mon premier clas - Combien ça coûte tique nous déçoit. Combien ça coûte sique ! Mais c'est parce que j'ai mis en pour rester vivant ? pour rester vivant ? J'ai cherché long - scène trente pièces contemporaines J'ai cherché longtemps temps une pièce contemporaine qui que je peux monter ce Molière. C'est une pièce contemporaine qui parle de cela. Mais rien n'a changé de - la première fois qu'on salue ma mise puis Molière. La médecine a évolué, en scène. Avant, je n'étais qu'un dé - parle de cela. Mais rien n'a pas les malades. Le malade de Molière couvreur de textes. Je me suis beau - changé depuis Molière. et le malade contemporain sont les coup amusé. Et la direction d'un mêmes. Quand on est malade, il faut théâtre en Lorraine m'a ramené à plus montant Meurtres de la princesse juive supporter sa maladie et ses remèdes ! d'humilité. C'est comme faire une d'Armando Llamas à l'ENSATT. Comment se présente votre mise en sorte d'éducation musicale à l'inten - Propos recueillis par scène ? tion de ceux qui n'écouteraient que la Gilles Costaz J'ai traité cela comme un texte arrivé transe ou de l'heavy metal. A côté de par la Poste à la Mousson d'été, sans Novarina il faut écouter Molière. J'ai tenir compte des traditions françaises longtemps pensé le contraire et j'ai ré - n Le Malade imaginaire de Molière, en usage dans certains grands théâtres cemment changé d'avis ! mise en scène de Michel Didym nationaux. J'ai cherché à faire passer Est-ce une mise en pratique de la po - > du 19 au 23/05, Maison des Arts les vibrations que je sentais en compa - litique du ministère de la Culture ? Place Salvador Allende 94000 Créteil, gnie des acteurs : Jean-Claude Durand, Non, il n'y a aucune lisibilité dans la 01 45 13 19 19. André Marcon, Philippe Faure, Norah politique publique. Le secteur public > du 26/05 au 6/06, Théâtre national Krief, Agnès Sourdillon... Pour les est un univers qui s'auto-régule. Bien - de Bretagne, 02 99 31 55 33 jeunes, j'ai fait trois mois d'audition et tôt, je reviens au contemporain en

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 33 à partir du 22 THÉÂTRE EN MAI Mai Théâtre Dijon-Bourgogne

Et même s’il n'a jamais mis son art au service d'une quelconque cause parti - sane, il a toujours utilisé son aura sym - bolique pour prendre des engagements fermes syndicaux et po - litiques. Et on est dans un moment où sa voix porte… et on en a grandement besoin. Et donc il va venir avec Godot. C'est la première fois qu'il aborde Beckett à 70 ans passés. Et pourtant, ça paraît très naturel. D'abord parce qu’il a beaucoup d’humour. Et il y a de l’humour dans Godot. A-t-il participé au choix de la pro - grammation ? Ce n’est pas le principe du festival.

Même si c’est lui qui a tenu à inviter

m t Sylvain Creuzevault pour qu’il pré - @ Benoît Lambert sente sa dernière création Le capital et son singe . Jean-Pierre ayant lui-même A la recherche des pères fait un travail sur Karl Marx dans les années 80. Benoît Lambert a choisi de faire parrainer la 26e Et puis il y aura aussi la jeune met - teuse en scène Julie Deliquet avec son édition de Théâtre en mai par Jean-Pierre Vin - dernier spectacle, Nous sommes seuls cent . Un metteur en scène qu’il vénère autant pour maintenant, Jonathan Châtel avec son talent que pour ses engagements et son immense Petit Eyolf , Adrien Béal avec Le pas de culture. Bême, une variation autour de L'objec - teur de Vinaver, Benjamin Villemagne avec Big Data , Thomas Condemine Théâtral magazine : Quelle est la mère qu'on peut s'autoriser à être avec Mickey Le Rouge . On va faire un particularité de cette édition ? dans un art amnésique. focus sur le collectif grec des Blitz, Benoît Lambert : Jean-Pierre Vincent Pourquoi justement Jean-Pierre Vin - avec leur nouvelle pièce qu’on copro - en est le parrain. Je pense qu'il n'y a cent ? duit et qui s'inspire de Tchekhov : pas assez de rencontres inter-généra - D’abord, parce que c'est quelqu'un à Vania 10 ans après . On va avoir aussi tionnelles dans nos professions. Or, la qui je dois beaucoup en tant que spec - de jeunes compagnies, dont celles de confrontation avec les pères me paraît tateur. J'ai découvert le théâtre ado - Karima El Kharraze, de Kheireddine très riche. Pour moi c'est une expé - lescent avec ses spectacles auquel Lardjam. Et puis l’Institut des Re - rience personnelle : j'ai l'impression de l'Education nationale qui fait parfois cherches Menant à Rien présentera un gagner toujours beaucoup de temps bien son travail m'avait emmené. travail sur les applaudissements mené en ayant des échanges, mêmes brefs, Dans mon propre travail, je me suis pendant dix jours avec des amateurs. avec des gens comme Pierre De - beaucoup inspiré de lui, aussi bien Propos recueillis par HC bauche, François Chattot, Jean-Pierre quand j’ai monté le répertoire que Vincent… Une heure de discussion quand j’ai fait des objets beaucoup n Théâtre en Mai, avec eux fait gagner du temps et plus expérimentaux. Et puis, Jean- Théâtre Dijon-Bourgogne, remet les choses en perspective. Ce Pierre Vincent, c'est un peu la 03 80 30 12 12, du 22 au 31/05 n'est pas parce qu'on fait de l'art éphé - conscience politique de la profession.

34 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 à partir du FEMME VERTICALE 22 Théâtre National de Nice Mai Eric Massé Porte-parole des femmes o i h c e r r a C

h t e b a i l E

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condition féminine, associe Nelly Arcan, de l’humour" . Lui-même se perche le Il y a deux ans, le Élisabeth Badinter, Geneviève Brisac, plus haut possible sur des talons ai - Château de Grignan Andrée Chedid, Virginie Despentes, guilles et piétine quantités d’ouvrages. organise un temps fort Nancy Huston, Catherine Millet, Anaïs "J'ai essayé d'inventer un parcours à tra - autour de la femme et Nin, Simone Veil, Virginia Woolf… au vers les romans en habitant ce person - demande à Eric Massé de total une douzaine d’auteures. nage de Juliette. Ce n’est pas une lecture "J’ai cherché un texte dans lequel une sauf en ce qui concerne le texte de l'IVG. faire l’ouverture de l’évé - femme parlait de son avortement clan - C’est important parce que cela a contri - nement. Le comédien destin. J'en ai trouvé aussi bien chez bué à faire bouger les choses pour les membre du collectif de la Anaïs Nin que chez Nancy Houston. Ce femmes. En quelques décennies, cela a Comédie de Valence en - qui m’émeut, c’est que même des femmes bien changé. Autrefois les femmes, les file des bas résilles et des qui y étaient opposées allaient aider sots, les malformés, les aveugles ne pou - d’autres femmes à avorter. Et puis, il y a vaient pas hériter puisqu'ils n'étaient pas talons aiguilles et se jette le fameux texte de Simone Veil sur l’IVG" . considérés comme assez humains. Alors à l’eau. Eric Massé dit tout, même ce qui est moi, j’ai envie de continuer à défendre tabou aujourd’hui : "j'ai un texte de Nelly cette idée d’égalité et avec des textes d’ar - L’invitation ne l’a pas vraiment surpris. Arcan sur la femme retravaillée par la tistes et pas que de politiciens" . “A la même période, on venait d’imagi - chirurgie esthétique, la musculation. HC ner un projet en chambre d'hôtel pour C’est le féminin à son image puisqu’elle- lequel on avait commandé à Daniel même s’est suicidée à 34 ans complète - Keene un texte de quinze minutes dans ment refaite." Et il termine avec un texte n Femme verticale, d'après des textes de lequel un homme entre dans une sur Lucy notre ancêtre âgée de plus de Nelly Arcan, Élisabeth Badinter, Gene - chambre et t rouve un petit mot laissé trois millions d’années. "Le premier être viève Brisac, Andrée Chedid, Virginie par une femme avec une bouteille de que nous avons trouvé et qui se rap - Despentes, Nancy Huston, Catherine Mil - champagne : "je serai là dans 15 mi - proche le plus de nous est une femme. let, Anaïs Nin, Simone Veil, Virginia nutes" , et l’homme se transformait en On fait un saut dans le passé et en même Woolf et des citations de Simone de femme comme si la femme qu'il atten - temps ça nous questionne sur ce que Beauvoir et Marie-Olympe de Gouges. dait était en lui-même. Et cette nouvelle sera la femme de demain". Pour éviter le Conception et interprétation d’Éric Massé femme s’appelait Juliette.” cliché, "je suis quand même un homme Théâtre National de Nice, Promenade Il reprend le personnage pour traverser qui prend la parole des femmes" , il bap - des Arts 06300 Nice, 04 93 13 90 90, le nouveau projet qui le passionne. Il tise le spectacle Femme verticale pour du 22 au 23/05 collecte toutes sortes de textes sur la glorifier la femme debout. "Cela ajoute

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 35 à partir du 23 LA MAISON DE BERNARDA ALBA Mai Comédie-Française - Paris

Lilo Baur La vagabonde

Sa mise en scène du Petit Prince vient d'être applaudie au Châtelet mais on lui doit surtout deux succès au Vieux-Colombier : Le Mariage de Gogol, et La Tête des autres de Marcel Aymé. Lilo Baur revient à la Comédie- Française mais cette fois salle Richelieu pour La Maison de Bernarda Alba de Garcia Lorca. L D R

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Théâtral magazine : On a du mal à âgé, s'est plié de bonne grâce, mais Qu'est-ce qui guide vos choix lorsque suivre votre carrière. Vous êtes non sans mal, à ces exercices pendant vous décidez de monter une pièce ? suisse, mais vous faites vos débuts à les répétitions du Mariage . Son méde - J'ai fait Le Mariage parce qu'il y a une Londres. Vous êtes actrice puis vous cin lui a dit qu'il avait guéri sa scia - scène où tous les personnages doivent arrêtez le jeu pour la mise en scène... tique ! Ce qui m'intéresse, c'est le garder le silence ! La Tête des autres Lilo Baur : Le mouvement m'a tou - mouvement, et la manière de trouver parce qu'on y entend des tueurs parler jours fascinée mais je voulais d'abord de la liberté dans le jeu. de l'Eglise catholique ! Je suis plutôt être danseuse. En Grèce, lors d'un Comment allez-vous monter la pièce en quête de textes contemporains. Je stage, un ami m'a demandé de l'aider de Garcia Lorca ? cherche l'humour dans la tragédie. Le à monter Le Roi cerf de Gozzi, puis on J'avais envie de parler des femmes, tragique ne fonctionne pas si l'on ne m'a redemandée. J'ai d'abord pensé plutôt aujourd'hui, pas exactement en rit pas. que c'était trop de responsabilité mais, 1937. La pièce, une fois qu'on est Propos recueillis par peu à peu, j'ai appris à travailler avec passé des vieilles traductions à la ver - Gilles Costaz une troupe et à lui donner envie de sion de Fabrice Melquiot, éclate de vie, chercher. J'ai travaillé avec Simon de pulsions. On va de l'enfermement McBurney et Peter Brook. J'ai aussi vers la lumière. Une veuve oblige ses n La Maison de Bernarda Alba, beaucoup travaillé en Espagne, ce qui cinq filles à un deuil de huit ans. Cela de Federico Garcia Lorca, texte français m'est utile pour monter La Maison de pourrait se passer aujourd'hui en Al - de Fabrice Melquiot, mise en scène de Bernarda Alba de Lorca. banie ! J'ai des comédiens magni - Lilo Baur, avec Cécile Brune, Claire de La Vos méthodes de travail ne sont pas fiques et je reprendrai quelque chose Rue du Can, Sylvia Bergé, Véronique tout à fait celles des metteurs en des rituels de la Semaine Sainte dont Vella, Elsa Lepoivre... scène français. j'ai vu souvent le déroulement en Es - Comédie-Française (Salle Richelieu) Oui, on improvise sans le texte pen - pagne. Je pense que j'irai jusqu'à re - place Colette 75001 Paris, dant quatre jours. Puis on fait un tra - présenter une lapidation, un massacre 0825 10 16 80 du 23/05 au 25/07 vail physique quotidien. Yves Gasc, qu'on voit ressurgir actuellement.

36 Théâtral magazine Mai - Juin 2015

à partir du 5 UND Mai Nouvel Olympia - Tours Paris Quartiers d’été et tournée

Natalie Dessay sans filet

La recherche est complètement diffé - Natalie Dessay a toujours rêvé d’être rente. On se laisse aussi beaucoup actrice. Le hasard l’a menée à l’opéra où elle a tenu le plus de temps. On travaille en profon - haut de l’affiche pendant 25 ans. Mais il y a deux ans deur. Au début, des choses me parais - déjà, elle a décidé d’arrêter sa carrière de chanteuse. saient totalement absconses et à Et la voilà déjà sur un plateau, à Tours dirigée par force de m’y plonger, un sens émerge par moments, des choses prennent Jacques Vincey dans Und , un monologue du drama - forme. Et parfois, c’est le contraire qui turge britannique Howard Barker, l’inventeur du théâ - se produit. tre de la catastrophe… Cela n’est-il pas frustrant de voir le sens vous échapper ? Au début je me disais que je ne m'en Théâtral magazine : Pour vos pre - celui-ci que je veux maintenant faire sortirai jamais. Et en même temps je miers pas d’actrice de théâtre, vous du théâtre. On est beaucoup plus dans fais une très grande confiance à avez choisi un projet très particulier. les mots, on va beaucoup plus loin et Jacques. Je me laisse guider en fait. Natalie Dessay : Ce n'est pas moi qui surtout, on est entendu. . Parce que le texte est certes très par - l'ai choisi ; je ne connaissais pas Ho - ticulier et difficile, mais c'est aussi ma ward Barker. J'avais fait part déjà dans Si j’ai fait de première fois au théâtre. la presse de mon désir de passer au l'opéra, c'est par Et puis c'est un monologue même si théâtre et je ne m'attendais pas à ce vous n'êtes pas seule en scène. que quelqu'un me prenne au mot accident, parce Je n’ai rien pour me rattraper. C’est comme Jacques Vincey ni me propose que je n'avais pas réussi comme au cirque et moi j'adore le quelque chose d'aussi particulier. Car à entrer dans une école cirque ! (rires) Comme je parle beau - cette pièce est extrêmement décon - de théâtre coup toute seule, je me sens en terrain certante. Mais elle m’a plu. Connais - connu (rires) . sant le travail de Jacques, ça Vous avez l'impression de ne pas L’autre difficulté, c’est que le texte m'intéressait à double titre de la jouer. vous faire comprendre lorsque vous est écrit sans ponctuation. Qu'est-ce que ce monologue vous ra - chantez... ? Oui mais on en a mis une pour donner conte ? Ce n’est pas qu'une impression : quand du sens. Et cela facilite la mémorisa - Plein de choses. C’est une femme qui on chante, la moitié du texte est inau - tion. Il y a aussi le problème des parle de la judaïté, de quelqu'un qui dible à cause de la musique qui le re - phrases écrites en lettres capitales. On veut faire du mal. On ne peut pas s'em - couvre, de la voix qui part dans les suppose qu’elles doivent être dites pêcher de faire le rapprochement avec aigus… Et même quand on chante en plus fort mais à part ça... la Shoah. Même si ce n'est pas du tout français… On le sait, ça fait partie du Lorsque vous bloquez sur un sens, explicite. Et c'est ça qui est beau. jeu et de toute façon, la musique est faites-vous appel à l’auteur, Howard A l'opéra, avez-vous déjà joué des là pour y pallier. L’émotion n’est pas Barker ? textes comme ça ? provoquée que par les mots. Bien sûr. Jacques Vincey l’appelle et il Ah non. Vous rigolez ! (rires) J'ai adoré Vous travaillez sur ce texte depuis un répond. C’est extraordinaire de pou - faire de l'opéra mais c’est précisément an déjà avec Jacques Vincey. Quelles voir dialoguer avec lui. Il va d’ailleurs pour avoir accès à des textes comme sont vos premières impressions ? venir voir la pièce.

38 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 La maîtrise de la voix que vous pos - sédez grâce au chant vous sert-elle pour jouer ce texte ? Je ne me rends pas bien compte. Pro - bablement. En tout cas, j’imagine que les 25 ans d’expérience de la scène que j’ai doivent me profiter. Ce n'est pas comme si je n'avais jamais rien fait, comme si je ne savais pas ce que c'était que de jouer, de m'approprier un texte que ce soit en chantant ou en parlant. Mais c'est un tout autre métier. Et c'est ça que je voulais faire depuis le début. Si j’ai fait de l'opéra, c'est par accident, parce que je n'avais pas réussi à entrer dans une école de théâtre. Sinon j'au - rais fait dès le début du théâtre. Qu’est-ce qui vous plaît autant au théâtre ? Eh bien, moi qui ai tellement de mal avec les mots dans la vie, le fait de m’exprimer avec ceux des autres, me console probablement. r e

Vous avez l'impression que le théâ - l w o F tre exerce une forme de pouvoir ? n o m

Je trouve que c’est magique. Avec i S

presque rien, tout est possible ; une @ seule personne sur un plateau peut tout inventer. C'est extraordinaire. énormes ventilateurs au fond et des Y a t-il des spectacles qui vous ont blocs de glace suspendus au-dessus marquée au théâtre ? de moi qui vont fondre durant toute J'aime beaucoup le travail de Jacques la représentation. Les spectateurs ne Vincey bien sûr, mais aussi de Jean- vont pas pas toujours écouter le texte, François Sivadier, de Laurent Pelly, de ils pourront aussi observer la glace Joël Pommerat... fondre et s'écraser en mille morceaux Vous avez dit que vous vouliez de façon aléatoire. maintenant vous consacrer au théâ - Si vous deviez faire un dessin de ce n Und, d'Howard Barker, texte français tre. Avez-vous déjà des rêves de texte, qu'est-ce que ce serait ? de Vanasay Khamphommala, mise en rôles ? J’écrirais probablement le mot "atten - scène de Jacques Vincey, avec Natalie Mon but dans la vie est de jouer Oh les dre" même si c'est très réducteur. Dessay, Alexandre Meyer beaux jours à 80 ans ! Je m'y prépare Et pourtant, ça résume bien ce Nouvel Olympia – Tours, 7 rue de Lucé dès maintenant. qu’est notre vie… 37000 Tours, 02 47 64 50 50 Und est un monologue. Que va-t-il Oui, mais ce n'est pas que ça non plus. du 26/05 au 5/06 se passer sur scène ? C’est aussi plein de désirs. Et d’ailleurs, > Puis à Paris Quartiers d'été, au Théâ - Très peu de choses (rires). Que voulez- après Und , j’aimerais jouer une pièce tre de l'Athénée fin juillet 2015 (dates à vous faire avec ce texte ? Je suis qua - chorale (rires) ! Alors avis aux ama - confirmer) puis en avril-mai 2016 au siment immobile pendant une heure. teurs. Théâtre de la Ville-Les Abbesses Le plateau va être assez nu avec deux Propos recueillis par HC

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 39 à partir du 26 GO LEM Mai Théâtre des Abbesses - Paris

Compagnie 1927 Le Golem, créature d’aujourd’hui

La compagnie 1927, compagnie anglaise fondée par l’artiste Suzanne Andrade et le designer Paul Barrit, est réputée internationalement pour son remarquable travail mêlant film r e l l d’animation et performance live. u M _ d r

Cette fois-ci ils se sont intéressés a h n r e B

au mythe du Golem, cette créature fantasmatique @ fabriquée par l’Homme à qué le golem est rachetée par une meur, consommer de la pornographie, son image et qui finit par lui méga corporation qui cherche à infil - acheter compulsivement.. Sans pour échapper. Mais cela ne se passe trer les golems. Le personnage obéit autant faire de prêche, il faut être cri - pas aux temps bibliques, c’est de plus en plus à son golem sans tique et poser des questions. maintenant et aujourd’hui, sous même s’en rendre compte, et puis Votre spectacle qui mêle performance, quand les premiers golems sont péri - images animées et musique est lui le règne de la technologie et des més et remplacés par une V2, les même un oeuvre très technologique ? marchés financiers. choses s’accélèrent et le personnage Effectivement, c’est un show sur la perd son humanité. technologie dont on dépend, et para - Théâtral magazine : Est-ce une adap - Quelle est cette méga corporation doxalement, le show repose beaucoup tation du Golem de l’écrivain autri - qui infiltre les golems ? sur la technique : tout est extrême - chien Gustav Meyrink ? C’est une entreprise géante qu’on ne ment minuté et chorégraphié, mais Suzanne Andrade : Au départ, oui. peut pas vraiment définir, elle veut nous nous tachons de rester sur une ligne Nous étions intéressés par les rapports dire quoi acheter, quoi faire, qui rencon - esthétique entre film et théâtre, entre entre un homme et cette créature faite trer ; c’est un peu ce que l’on voit de nos séquences live et passages enregis - d’argile. Mais en faisant des re - jours, de nombreuses compagnies scru - trés, et surtout cela reste un spectacle cherches, nous avons abordé d’autres tent et s’occupent de nos comporte - divertissant. thèmes tels que l’intelligence artifi - ments sous prétexte de nous aider. Propos recueillis par cielle, les robots, le clonage. Au final, Mais ne pensez-vous pas que la tech - Enric Dausset c’est un travail très contemporain sur nologie puisse être bénéfique ? les problématiques d’aujourd’hui. La technologie est neutre, mais ce qui n Golem, première en France Quelle en est la trame narrative ? est terrifiant ce sont les forces derrière en anglais, surtitré en français Au début le golem est son ami, son qui elles, peuvent avoir des motiva - création compagnie 1927 confident, il l’aide à remplir plein de tions. Au lieu de nous libérer du travail mise en scène Suzanne Andrade, taches, le personnage devient plus in - et de s’occuper de ce qui fait de nous animation & design Paul Barritt téressant auprès des autres, il a un des humains – la communauté, l’art, Théâtre des Abbesses, golem particulièrement performant. l’élévation…-, la technologie flatte 31 rue des Abbesses 75018 Paris Mais derrière cette histoire, il y a un nos bas instincts et nous incite à es - du 26/05 au 04/06 autre enjeu : la compagnie qui a fabri - pionner nos voisins, colporter la ru -

40 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 à partir du CINÉ RAMA 28 TNBA - Bordeaux Mai

C'est hors du théâtre Cyril Jaubert que la vraie vie a lieu On se sert de la ville Un théâtre d’indiscrétion comme décor de nos créations

Cinérama propose une expérience théâtrale inha - La fiction doit elle-même sembler très bituelle : s’installer à la terrasse d’un café écouteurs sur réaliste pour que les spectateurs y les oreilles et suivre très indiscrètement une conversa - croient et que les passants extérieurs ne se rendent compte de rien… tion entre deux scénaristes. Pour cette production, la C’est à la fois très réaliste et exception - compagnie bordelaise Opéra Pagaï s’est adjoint les nel pour susciter l’attention du public. services de la réalisatrice et auteure Delphine Gleize. On part de l’idée que n’importe qui est le héros de sa propre vie quotidienne. Mais si on ajoute par exemple une pe - Théâtral magazine : Vous n’emme - écouteurs, on entend et on ressent tite musique de suspense sur une nez pas le spectateur au théâtre… comme si on était à la table des comé - scène montrant un papa qui attend Cyril Jaubert : Non. On le fond dans le diens. Cela créé une intimité entre les son fils à la sortie de l'école et ça prend décor de la ville, on l’installe sur une comédiens et les spectateurs. une autre dimension. Parce que fina - place à la terrasse d’un café au milieu Y a t-il une partie du texte laissée à lement notre vie est pleine de mo - d’autres terrasses, on lui sert un verre l’improvisation ? ments de suspense, de mini tragédies, et il passe pour un client. A la même C’est très précis mais il peut y avoir des de rebondissements. terrasse, il y a neuf comédiens qui ont moments improvisés notamment Propos recueillis par HC des micros cachés sur eux et ne jouent lorsqu’il se passe quelque chose dans que pour les clients équipés d’oreil - la vie réelle de plus fort que la fiction. lettes. L’intrigue s’inscrit au coeur de Quand la réalité devient plus forte que n Cinérama, création d’Opéra Pagaï, cette réalité-là, avec deux scénaristes la fiction et qu'on ne peut pas y échap - conception et mise en scène Cyril Jaubert en panne d'inspiration qui cherchent per, c'est aux comédiens d’improviser. TNBA, Place Renaudel 33000 Bordeaux, des idées autour d’eux pour écrire. On a écrit pour pouvoir jouer sur plu - 05 56 33 36 80, du 28/05 au 7/06 Est-ce indispensable d’installer les sieurs places. spectateurs en plein air ? Oui parce que c'est hors du théâtre que la vraie vie a lieu. On se sert de la ville comme décor de nos créations. Qu’apportent les oreillettes ? Elles permettent de rendre le specta - cle invisible. De l’extérieur, on ne dé - tecte pas qu’il se joue quelque chose. Ce sont des petites oreillettes très dis - crètes. Et cela facilite un jeu hyperréa - liste. C’est un dispositif qui nous permet d’insérer une fiction dans la vie sans que les gens s'en aperçoivent. Si

les passants prenaient conscience de u

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ce qui se passe, cela risquerait de créer

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un attroupement et de perturber la vi - b

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sibilité des spectateurs. Et avec des @

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 41 à partir du 2 ESPÈCE D’ESPACE Juin Théâtre National de Toulouse

Aurélien Bory désembrouille Perec sition scénique du roman mais une pro - position inspirée de l’esprit de Perec. Puisque vous avez abandonné l’idée de porter le roman à la scène, de quoi seront faits ces brouillons ? Je suis la démarche de Pérec, avec tout le drame familial qu’il a vécu et qui est la raison de son écriture. J'espère dres - ser une sorte de paysage intérieur ins - piré de sa personne où ses thèmes de prédilection croiseront un peu mon écriture. Vous gardez le titre Espèces d’espaces. Oui mais je retire les deux S. ça devient Espèce d’espace , parce que pour moi, ça désigne l'espace du théâtre. Et comme son premier chapitre parle de la page de l'écrivain, le premier brouillon par - lera des petits théâtres. L’espace d’un

écrivain, c’est la page blanche et celui

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b d’un artiste de spectacle vivant, c’est la

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l scène. Il a tenté d'habiter le langage et

g a © moi je cherche à réhabiter le théâtre. Sauf que le théâtre n'est pas un espace vide : on utilise des perches, des pen - Aurélien Bory entame son nouveau projet, Espèce d’es - drions… Donc, le premier brouillon ex - pace en hommage à l’esprit de George Perec . Plutôt que plorera quelles histoires sont contenues de donner rendez-vous au public dans deux ans, le temps néces - dans ces outils. Est-ce que ça ne fait pas écho à l'ins - saire à la conception du spectacle, il en présentera 13 brouillons tallation que vous allez faire à Nantes qui feront écho aux 13 chapitres du roman dont il s’inspire. dans le cadre du Voyage à Nantes, Spectacula ? Théâtral magazine : On va suivre l’évo - focus différent comme dans le roman Absolument. Dans Spectacula , la ques - lution du projet pendant deux ans. qui passe chapitre après chapitre de la tion du point de vue est dominante. Ce Comment cela va-t-il se présenter ? page blanche au vide sidéral ? n'est pas du tout le même travail, mais Aurélien Bory : Le processus de deux C'était ma première idée ; je voulais cela fait écho. Parce que c’est une ré - ans pour créer un spectacle est assez prendre un à un les chapitres du roman flexion que je mène depuis plusieurs habituel chez moi. Ce qui diffère, c’est pour imaginer treize dispositifs corres - années. que je vais faire des présentations pu - pondants à treize espaces différents. Propos recueillis par HC bliques d’étapes de travail que j’ap - Mais c’était un peu trop scolaire et at - pelle des brouillons. C’est une idée qui tendu. Et ça concernait surtout les uti - n Espèce d’espace, un spectacle d’Aurélien me plaît aussi beaucoup parce que lisateurs de google earth ! Finalement, Bory inspiré du roman de Georges Perec Perec a lui-même beaucoup retravaillé je me suis détaché du texte pour trou - Théâtre National de Toulouse, 1 rue ses textes. C'est une façon de convo - ver quelque chose qui s’inspire plus glo - Pierre Baudis 31000 Toulouse, quer l'inattendu. balement de la figure de Georges 05 34 45 05 05, du 2 au 6/06 Chaque brouillon correspondra-t-il à un Perec. Ce ne sera donc pas une transpo -

42 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 à partir du LA BELLE HÉLÈNE 2 Théâtre du Châtelet - Paris Juin

Aurélien Bory désembrouille Perec Giorgio Barberio Corsetti Notre métier est plein de doutes

Il se sent sur le plateau du Châtelet comme s’il était chez lui. Un peu “patron du théâtre”, comme il dit, jusqu’au soir de la première, où le public viendra l’y retrouver. Avec la complicité de Pierrick Sorin, Giorgio Barberio Corsetti met en scène La Belle Hélène .

Théâtral magazine : Un opéra- ples et très concrètes : la jalousie, le bouffe tellement XIXe siècle peut-il mari, la femme. Tous les trois font par - encore séduire le public du Châtelet tie du boulevard du XIXe. J’ai monté a

qui vient d’y ovationner Un Améri - Labiche à la Comédie-Française, et je r e p e

cain à Paris et Singin’ in the rain ? trouve que quelque chose là-dedans L

Giorgio Barberio Corsetti : Il y a ici un nous dépasse. Labiche est dans la © esprit, un humour très fin autour d’un folie, c’est surréel. Ici nous sommes thème très simple : la jalousie, le désir, plus dans la finesse du jeu, la poésie ble avec les incrustations, permet un l’amour… Des choses qui fonction - vient de la musique. Une musique dévoilement du mécanisme de l’œuvre. nent toujours, mais vues avec une sou - belle, drôle, absurde, qui se moque de Il n’y pas de secret, tout est là : les réfé - plesse et une légèreté très française. l’opéra aussi. rences à la Grèce, le mythe antique qui C’est très drôle, très vivant, un langage Vous avez été un des premiers à ma - se met à la dimension d’un salon bour - musical et théâtral infernal qui fonc - rier vidéo et spectacle vivant. Que geois, c’est ce qui est drôle. Ça corres - tionne à fond. La musique, les mots, trouvez-vous encore de nouveau pond très bien au comique de cet tout marche dans la même direction. dans ce procédé ? opéra, qui naît de rien, d’un petit rêve C’est écrit pour le XIXe et ça fait rire et On peut créer des mondes virtuels, des d’une femme bourgeoise oubliée, d’un travailler la fantaisie encore de nos ambiances irréelles qui ne sont pas amant très beau qui arrive, la choisit, la faites de papier mâché, de bois ou de prend et l’emmène, et d’un mari jaloux. Il n’y a pas de temple béton. Simplement des images, pe - Cela naît très petitement dans des grec pour de vrai, il tites, qui deviennent grandes, des mots proférés et génère ce monde de la chanteurs dans des mondes irréels qui Grèce. Ce sera presque un péplum. n’y a rien en scène, se retrouvent dans des ambiances de Propos recueillis par sauf ce que nous amenons maisons de poupées… Il n’y a pas de François Varlin par une petite maquette ou temple grec pour de vrai, pas de une projection vidéo déesse grecque pour de vrai, tout est amené par le chant, les jeux de mots n La Belle Hélène, de Jacques Offenbach, jours. et la musique. Il n’y a rien en scène, mise en scène et scénographie de Gior - A-t-on souvent trop tiré ce théâtre sauf ce que nous amenons par une pe - gio Barberio Corsetti, vidéo de Pierrick lyrique léger vers l’opéra ? tite maquette ou une projection vidéo. Sorin Il ne faut pas oublier le côté comique C’est la fin du décor d’autrefois ? Théâtre du Chatelet, 1 place du Châte - de l’œuvre. Avec le dispositif scénique, Pas tout le temps. Mais ici, oui. Le dis - let 75001 Paris, 01 40 28 28 40 on arrive très bien à garder cette naï - positif scénique que Pierrick Sorin met du 2 au 22/06 veté, cette poésie faite de choses sim - en place avec les caméras, le jeu possi -

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 43 à partir du 3 EDWARD ALBEE'S LA MAISON ET LE ZOO Juin Théâtre du Rond-Point – Paris

Jean-Marie Besset traducteur exclusif

Créée au CDN de homme. Des hommes qui aiment des femmes mais qui ont ce rêve Montpellier la saison très primitif d’une relation forte et dernière, La Maison et le privilégiée avec un autre homme. Zoo d’Edward Albee mise Une tentation. L’ordre hétéro - en scène par Gilbert sexuel n’est pas remis en cause. Désveaux, sera à l’affiche Comment montrer cela sur scène ? du Théâtre du Rond-Point Gilbert Désveaux a souhaité un lieu unique, un appartement design à compter du 3 juin. new-yorkais qui devient une jungle. Jean-Marie Besset en Cela ressemble à ces espaces pour signe la traduction. les animaux sauvages dans les zoos avec des troncs d’arbres, Théâtral magazine : Edward comme dans les cages. Il y a chez Albee est un auteur que vous Albee un rapport très fort de t o

connaissez bien, mais qui est peu n l’homme et des animaux ; l’idée de i g

c joué en France… r la coexistence de l’homme avec le a m Jean-Marie Besset : J’ai travaillé règne animal. Le personnage que @ beaucoup sur plusieurs pièces d’Al - joue Xavier Gallais est une espèce bee, qui m’a demandé il y a plusieurs Renard appelle Le Pain de ménage , de lion échappé du zoo. C’est très in - années d’être son traducteur exclusif c’est à dire le mariage. Qu’est-ce qui carné, très charnel, un rapport très en français. Il est pour moi, en Amé - sous-tend la vie conjugale chez un étroit entre l’animal et l’homme, rique, l’équivalent de Pinter, en Angle - couple influent d’intellectuels, de la comme dans ces mythologies où les terre. Deux auteurs qui ont explorés le société de consommation américaine, dieux s’accouplent avec les hommes. couple dans leur culture respective. qui a des enfants ? La Maison a été Propos recueillis par Chez Albee, c’est le couple WASP – écrite au début des années 2000, en François Varlin White Anglo Saxon Protestant – la prologue à The Zoo Story écrite en classe majoritairement dirigeante, et 1958. La première partie est sous-ti - chez Pinter c’est plutôt l’exploration de trée “Vie domestique” , la seconde “Vie la tentation fasciste, primitive et bru - sauvage”, comme si la vie domestique tale du démocrate britannique. Ils sont était possible avec une femme, et la de la même génération. Albee est un vie sauvage avec un homme. Albee a fils adopté par des gens fortunés qui ne souhaité coller ces deux textes, au n Edward Albee’s La Maison et le Zoo, l’ont pas aimé, et l’ont mis à la porte point qu’il ne donne plus l’autorisation de Edward Albee, traduction Jean-Marie lorsqu’ils ont découverts qu’il était ho - de jouer The Zoo Story seul. C’est éton - Besset mise en scène Gilbert Désveaux, mosexuel. Son écriture et sa vie entière nant ce qui se passe dans la vie du avec Jean-Marc Bourg, Xavier Gallais, se passent à régler des comptes. héros avant qu’il ne se rende dans Fabienne Perineau Pourquoi cette pièce structurée en Central Park où il fait une rencontre de Théâtre du Rond-Point. 2bis avenue deux temps ? nature homosexuelle qui est un révé - Franklin D. Roosevelt 75008 Paris, C’est une pièce sur la transgression de lateur. Mais ce n’est pas que sexuel, 01 44 95 98 2, du 3 au 28/06 la routine dans le couple, ce que Jules c’est une relation avec un autre

44 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 à partir du COLLECTIF RAOUL 4 Théâtre de la Bastille - Paris Juin

Jean-Marie Besset Collectif Raoul De l’individu au groupe

Après Le Signal du Promeneur autour d’in - dividus en lutte avec la société, les cinq amis du collectif Raoul préparent un nou - veau spectacle sur les ressorts de la vie en groupe. La création aura lieu en novem - bre au Théâtre National de Belgique. Ils

en présentent une première étape de tra -

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vail au théâtre de la Bastille en juin. @

Théâtral magazine : Qu’allez-vous dans une mouvance et une réflexion difficile et prend du temps : l'unani - présenter au théâtre de la Bastille ? qui nous dépassaient un peu dans un mité est absolument nécessaire sinon Romain David : La représentation contexte où l'individu est de plus en ça ne fonctionne pas. ayant lieu après une semaine de répé - plus mis en valeur. Y a-t-il des groupes qui représentent tition, on ne va pas être en mesure de Et pourtant dans le théâtre, cela re - pour vous des modèles ? montrer quelque chose d’abouti. Ce vient à la mode depuis quelques an - Oui. Les situationnistes. C'est une pen - sera néanmoins un spectacle dans la nées puisqu’on voit de plus en plus sée qui a fonctionné puis complète - mesure où des gens vont venir le voir. de collectifs émerger. ment échoué. Mais quel bel échec et Vous allez parler du groupe… Oui, même si on reste dans un système quelle belle tentative ! Ils ont réussi Oui, des collectifs, des histoires de qui est complètement dirigé par le dans la mesure où ils ont été les pré - groupes, de certains qui réussissent metteur en scène, ou le directeur de curseurs de mai 68 et ont amené une dans leurs objectifs et d’autres qui théâtre. On est toujours dans une hié - forme de révolution mais ils ont échouent. Dans Le signal du prome - rarchie pyramidale. Et ce qui nous in - échoué en tant que groupe puisqu’ils neur , on partait d'individus en lutte téresse, c’est d’interroger les échecs. n’ont pas réussi à s’institutionnaliser. avec des formes sociales pour ques - Parce que les individus au sein du Propos recueillis par HC tionner le groupe. Là, il est probable groupe ne se sentent pas libres ou qu'on parte du groupe pour question - parce que l’idéologie ou la philosophie ner les individus. d’un groupe peut être supplantée par De quels groupes vous inspirez- celle d’un autre groupe plus puissant. vous ? Si un groupe correspond à une culture Des différents modèles qui nous inté - et que plusieurs cultures coexistent, il n Le Raoul Collectif dans le cadre du fes - ressent. Et aussi de notre propre expé - y a des conflits possibles. tival Notre temps collectif, avec aussi rience en collectif. Se lancer dans la Aujourd'hui l’ultralibéralisme a pris le L’Avantage du doute, Les Chiens de Na - création d’un collectif, ça ne se limite pouvoir sur toutes les autres visions de varre, Collectif In Vitro, Liv Collectiv, Les pas à monter un spectacle. Il faut pas - la société. Et on a quand même l'im - Lucioles, Les Possédés ser du temps ensemble, voyager en - pression qu'on aurait intérêt à travail - Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Ro - semble, manger ensemble… et donc ler de manière collective. Mais ça quette 75011 Paris, 01 43 57 42 14 d'office on s'est questionné et on s'est implique que la société se réorganise du 4 au 7/06 vite rendu compte qu'on s'inscrivait parce que travailler en groupe est très

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 45 à partir du 4 FESTIVAL TJCC Juin T2G - Gennevilliers

Joris Lacoste Marathon de paroles

Philippe Quesne ayant pris la direction du théâtre des Aman - diers, c’est Joris Lacoste qui reprend la programmation du Festival Très jeunes créateurs contem - porains qui a lieu au théâtre de Gennevillers du 4 au 6 juin.

réé en 2007 à l’initiative de qui ve - nait d’être nommé direc - i r a M C teur du théâtre de Gennevilliers le festival Très jeunes @ créateurs contemporains a vocation à favoriser l’émergence de jeunes ar - chaque performance sur une sorte de lerin", le maire de Gennevilliers qui lira tistes. Cette année c’est Joris Lacoste, cartel avec le nom de l'artiste, le titre un discours que lui a écrit Jean-Charles artiste associé au théâtre depuis jan - du numéro, sa durée et une ou deux Massera, des performers, des écrivains, vier, qui reprend le bébé. Et loin de se lignes de description" . Rien n’est for - un mathématicien qui viendra parler reposer sur une programmation inspi - maté. Il y a des interventions de deux des tourbillons… "J'ai imaginé ce que rée de celles de ses brillants prédéces - minutes comme d’autres qui durent serait pour moi le festival idéal. Or moi seurs, Laurent Goumarre puis Philippe une heure. "Ce qui m'intéresse c'est le j'aime autant aller voir du théâtre que Quesne, Joris Lacoste a tout envoyé rapport à la prise de parole, et j’ai des conférences, des plaidoiries ou aux oubliettes pour concocter un fes - voulu que des paroles extrêmement va - même des cours au Collège de France" . tival de son cru. Autant dire tout de riées se succèdent, de la performance Joris Lacoste sera bien présent du - suite que la programmation elle- théâtrale à la lecture en passant par la rant ces trois jours mais pas sur scène. même est une œuvre d’art. En trois conférence scientifique, la poésie so - Il laisse la place à des jeunes artistes jours, ce seront quelques trente nore, le discours politique" . et se consacre à sa prochaine création, artistes qui se succèderont sur la Tous les intervenants sont connus Suites n°2 , autour de la parole juste - scène de Gennevilliers dans un dans leur domaine. A commencer par ment. marathon spectaculaire à raison "Serge Aron qui est un spécialiste des Propos recueillis par HC de cinq heures par jour, de 19h à fourmis et qui va faire une conférence minuit. Un procédé qui rappelle un sur les phéromones." Il y a des chan - peu le Grand Mezze d’Edouard Baer au teurs de hip-hop, un comique rendu n Festival tjcc (Très jeunes créateurs Rond-Point il y a dix ans. "Sauf que je célèbre par Laurent Ruquier, Grégoire contemporains), programmation de ne serai pas sur scène. Ça pose d’ail - Monsaingeon, Claire Delaporte, Sarah Joris Lacoste leurs la question de la présentation des Chaumette, Pamina de Coulon, le T2G, 41 avenue des Grésillons 92230 artistes. Comme on ne veut pas alour - poète belge Antoine Boute, Thibaud Gennevilliers, 01 41 32 26 10, dir la soirée qui sera déjà bien chargée Croisy "qui vient raconter quatre rêves du 4 au 6/06 en interventions, on va annoncer non censurés en présence de Fleur Pel -

46 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 à partir du ON ACHÈVE BIEN LES ANGES / ÉLÉGIE 8 Nuits de Fourvière - Bron Juin

Bartabas Les événements Le bourru tendre de Charlie m’ont profon - dément marqué. D’autant plus que Cabu était un Révolté Bartabas. Le fondateur du théâtre équestre ami intime. Alors il y aura Zingaro est en deuil de son ami Cabu et de tous les in - des anges dans la fosse nocents sacrifiés par notre société. Alors il jette ses chevaux et acteurs dans une fosse surplombée par les spectateurs qui se divertissent du spectacle tout en consommant des sucettes à la viande… le tout im - prégné de la voix de Tom Waits…

Théâtral magazine : On achève bien entre l’entraînement avec les chevaux, les anges, c’est un titre on ne peut le jeu et la mise en scène ! Cela faisait plus éloquent… très longtemps que je n’étais pas allé Bartabas : Oui. Et depuis 30 ans, c’est la sur scène. Mais ce qui me coûte encore première fois que je fais un titre qui n'a plus c’est la communication, être pas que sept lettres. C'est pour ça que obligé de parler du spectacle. Je prends j'ai rajouté le sous-titre Elégies . Mais je soin d’éviter tout ça, de rester à l’abri trouvais intéressante l’association des médias. Ma plus grande fierté ce d’idée avec le titre du roman et du film, n’est pas de remplir mes spectacles, On achève bien les chevaux . Il y a telle - mais d’avoir réussi à exister en dehors ment de choses qui sont enfouies à l'in - du système industriel et marketing. térieur et qui sortent inconsciemment Si vous ne pouvez pas parler de la

que pour moi c'est très difficile d’expli - thématique du spectacle, pouvez-

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quer un spectacle. Ce que je peux dire, vous nous décrire ce qui se @ c’est que les événements de Charlie passera concrètement ? m’ont profondément marqué. D’autant Il y a une espèce de dérision autour du traiter avec beaucoup d’humour : il y plus que Cabu était un ami intime. Alors rapport à l'animal avec des musiciens aura par exemple des clowns et des il y aura des anges dans la fosse ; l’idée habillés en bouchers. Le rapport vendeurs de sucettes à la tête de coqs de l’ange me plaît bien, parce que tout qu'entretient l'humain avec l'animal (rires) . le monde a un ange quelque part. pour sa consommation est mons - Propos recueillis par HC Même les athées. C’est pour ça que j’ai trueux : les animaux sont devenus de voulu travailler avec Tom Waits. Il a un la viande vivante. Ça me préoccupe petit côté ange déchu. beaucoup. Comment l'humain est-il C’est aussi pour montrer votre enga - capable de faire ça ? C'est mons - gement que vous avez décidé d’aller trueux. C’est pire que de la maltrai - n On achève bien les anges / élégies vous-mêmes sur scène, qui est en tance. Ça alimente la conception Par la compagnie Zingaro. fait une fosse ? judéo chrétienne selon laquelle Nuits de Fourvière, Chapiteau Zingaro, Peut-être. Je ne saurais pas dire. En l’homme est au-dessus de tout. Tout Parc de Parilly, 36 Boulevard Emile Bol - tout cas, j’en ai éprouvé le besoin. Ça est fait pour le servir, que ce soit la na - laert 69500 Bron, 04 72 32 00 00 correspond à ce que je ressens. Mais ture ou les animaux. C’est une ques - du 8/06 au 18/07 c’est très dur ! Qu’est-ce que j’en chie tion très sérieuse qu’on va essayer de

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 47 à partir du 9 M.U.R.S. Juin La Villette - Paris

montre des choses qui n’existent pas La Fura dels Baus fait fureur ! grâce à la réalité augmentée. La tech - C’est l’une des plus importantes compagnies théâtrales cata - nologie est utilisée comme une exten - lanes de dimension internationale et ses shows sont toujours sion de nos cerveaux, tout le monde est spectaculaires. La dernière création de la Fura nous emmène plus intelligent grâce à son portable. dans un futur hyper connecté à l’aide de l’application C’est le paradis ! Oui, jusqu’au moment où tout à coup que chacun aura pris soin de télécharger avant le spec - explose une bombe et commence le tacle. Une exploration ludique et théâtrale du monde qui se chaos. Et avec le chaos, il faut trouver dessine et dont la Fura nous montre l’envers du décor… des coupables ! C’est ce qui se produit pendant le spectacle, on désigne des coupables, ça peut être votre voisin, Théâtral magazine : Quels sont les c’est peut-être vous mais vous ne le murs évoqués dans le titre ? savez pas, on diffuse des nouvelles qui Pep Gatell (directeur artistique) : Ce disent le contraire de ce qui se passe, la La Fura sont des murs invisibles, ceux qui nous sé - deuxième partie est beaucoup plus parent à notre insu, la naissance dans sombre et confuse… dels Baus telle ou telle famille, la segmentation des C’est un résumé des mécanismes à marketeurs, le destin… Avec l’applica - l’œuvre dans la société ? tion M.U.R.S. , c’est pareil, nous pouvons Il s’agit de montrer l’autre face de ce créer des groupes différents ; lorsque que l’on nous vend, et comment la vous la téléchargez sur votre portable, technologie peut se retourner contre une couleur vous est assignée, vous la nous. Attention, la technologie c’est découvrez ensuite pendant le spectacle. super, cela permet de s’amuser, de se Le parcours dans lequel est immergé cultiver, mais on peut aussi être le public est découpé en 4 espaces. A contrôlé par le ou les pouvoirs qui sont quoi correspondent-ils ? derrière tout cela. Le spectacle finit Ce sont 4 espaces qui dessinent les va - par une antenne géante que l’on abat leurs de notre société. Il y la Sécurité, au pour mettre fin à la manipulation. nom de laquelle on nous interdit pleins Comment voyez-vous les rapports de de choses ; la Santé et la beauté, un l’homme et de la technologie ? autre impératif de nos sociétés hyper Selon la théorie de la singulatité, en esthétisantes ; l’Ecologie, une idéologie 2030, la technologie pourrait prendre que l’on nous martèle sur tous les mé - son autonomie par rapport à l’Homme. dias ; et bien entendu l’Argent -l’espace Nous nous adaptons trop lentement. s’appelle El Dorado- la monnaie C’est pourquoi l’Homme doit évoluer d’échange ce n’est pas l’amour ou l’ami - sur une base bio-technologique, deve - tié, c’est l’argent… nir autre chose ou disparaître, c’est un Les spectateurs déambulent dans ces principe biologique de l’évolution. quatre espaces… Propos recueillis par Le public participe, joue, interagit, c’est Enric Dausset la partie agréable et ludique du specta - cle. Dans la partie Ecologie, on apprend comment planter des graines, dans la n M.U.R.S / La Fura dels Baus Santé il y a une course très amusante, La Grande Halle de la Villette, 211 ave - dans El Dorado, on distribue des liasses nue Jean Jaurès 75019 Paris, de billets… Ce sont des jeux complète - 01 40 03 75 75, du 09 au 28/06 ment interactifs avec les téléphones, on r a n z A

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Théâtral o

48 magazine Mai - Juin 2015 J

@ à partir du NO BODY 10 Printemps des Comédiens - Montpellier Juin

Cyril Teste L’indiscipliné

Ce fan de haute-technologie monte une fable qu’il a inventée à partir de textes de l’auteur allemand Falk Richter. Dans Nobody , son héros est victime de l’excès de surveillance de nos sociétés modernes.

Théâtral magazine : Nobody , est-ce moutons. En fait, ils tuent des une nouvelle pièce de l’Allemand hommes. Falk Richter ? Quelle a été votre formation ? Celle Cyril Teste : Ce que j’aime chez Falk d’un scientifique ou d’un acteur ? e ̀ r e

Richter, c’est sa capacité à requestion - Mais j’ai même joué à la Comédie- i r r e d

ner le théâtre politique. Il observe Française ! En fait, je viens des arts a l e D

comme personne les êtres qui sont in - plastiques, mais j’ai fait l’ERAC à s i ̧ o c gérés et digérés par le système. Après Cannes puis le Conservatoire à Paris. n a r F quatre ans de collaboration, nous Marcel Bozonnet, alors directeur du @ avons défini un projet commun : com - Conservatoire, m’avait pris alors que je ment faire du théâtre en nous servant lui avais dit la vérité : que je voulais suis à l’intérieur de ce système. A pré - de la grammaire du cinéma ? On a dé - faire du travail de labo avec les ac - sent, la guerre médiatique, c’est mon fini un dogme et, pendant six se - teurs. Tous les soirs, avec les élèves, je combat. Il ne s’agit pas de dénoncer maines, dans des bureaux, à faisais des expériences vidéo. Je suis les médias, mais d’écrire autrement Montpellier, pendant la nuit, on a joué quelqu’un d’indiscipliné puisque je avec les médias et leurs outils. La poli - puis filmé Nobody . Maintenant, il faut m’intéresse à plusieurs disciplines ! Le tique se situe là. Le théâtre contempo - le jouer vraiment, car il faut revenir à théâtre est un lieu total, très opératif, rain se doit d’être éphémère, il est la présence des acteurs et au temps du où se rassemblent les arts. J’ai un peu dans le présent et n’a pas de raison de théâtre. joué au Français mais je crois que je rester dans le répertoire. En fait, Nobody n’existe pas. J’ai n’ai jamais aussi bien joué que depuis Propos recueillis par pris des éléments dans divers textes de que je suis metteur en scène. Gilles Costaz Falk, Electro-City, La Glace, Jeunesse Quelle est la place des acteurs ? blessée …, avec son accord, et cela a Je les adore, mais il faut les mettre été structuré au plateau. Mais il fallait dans des espaces de notre temps. Ils inventer un récit, un héros. Ce person - doivent avoir absolument des rela - nage sera un consultant en restaura - tions avec la technique et ils ne sont n Nobody, textes de Falk Richter, mise tion d’entreprise qui va être victime du plus au centre. Je pense à Graig, à en scène de Cyril Teste “benchmarking”, le système où tout le Appia et aussi à Robert Bresson qui di - Printemps des Comédiens Domaine d’O monde surveille et peut éliminer tout sait : “L’acteur doit rester incomplet.” 34000 Montpellier, 04 67 63 66 67 le monde. Le personnage tue des chif - En quoi votre théâtre est-il politique ? du 9 au 12/6, puis en tournée à la rentrée fres comme Ajax croyait avoir tué des Si j’attaque un système, c’est que je

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 49 à partir du 12 FIGARO Juin Printemps des Comédiens - Montpellier

construit sous forme de répétitions. Ça accentue aussi l’effet comédie. Et puis Waas Gramser on a fait une traduction du texte néer - landais vers le français et ça donne Cultiver l’indépendance une langue plus contemporaine. On a aussi beaucoup travaillé sur le rythme Waas Gramser et Kris Van Trier sont deux anciens et la forme. Ça se passe en plein air parce que c’est le principe de notre des TG Stan . Depuis 1994, ils font cavaliers seuls, d’abord théâtre et en costumes. On ne voulait avec Guy Cassiers et à partir de 1999 plus que tous les deux. pas que tout soit contemporain, ni Ils ont enchaîné la création de compagnies, et de près de cin - tout daté. Il fallait trouver le bon équi - quante spectacles. Leur truc, c’est le plein air, la convivialité libre entre les deux pour rendre au avec les spectateurs avec lesquels ils tapent une petite ba - texte son côté universel. vette et surtout des textes qui font sens aujourd’hui. Quel rapport y a t-il entre l'oeuvre de Pagnol et celle de Beaumarchais ? Ce qui est très important pour nous, ce Les textes de Beaumarchais sont-ils sont les possibilités de jeu pour l'ac - aussi populaires en Belgique qu’en teur. On aime aussi qu’il y ait un équi - France ? libre entre la comédie et la gravité du Waas Gramser : Pas du tout. Le nom propos. Dans ces deux pièces, c’est la de Beaumarchais n’est même pas mar - confrontation à l’autorité. Chez Pa - qué sur les CD des opéras adaptés de gnol, elle prend le visage du père son œuvre. Donc, monter Figaro , c’est contre lequel Marius proteste et chez un peu une façon de rappeler l’exis - Beaumarchais c'est le pouvoir que tence de ces deux pièces de théâtre. combat Figaro. Le personnage de Fi - En fait Beaumarchais a écrit une trilo - garo est d’ailleurs très intéressant gie mais on n’en a gardé que les deux pour nous. Il est entouré de gens qui premières pièces, Le Barbier de Séville lui demandent n'importe quoi pour et Les Noces de Figaro et écarté La garder une position ou obtenir mère coupable. Lorsqu’on a monté la quelque chose. Mais il garde la tête trilogie de Pagnol, on n’a aussi pris que froide et reste fidèle à ses idéaux. Et les deux premières pièces, Fanny et l’indépendance, c’est très précieux à Marius avant d’intégrer vingt minutes cultiver aujourd’hui. de la troisième, César . Espérez-vous sensibiliser le public ? Utilisez-vous les opéras dans votre Ce qu’on fait, ça reste des initiatives adaptation ? très locales. Mais le public voit l'enga - Quand dans le texte de Beaumarchais, gement d'une troupe de théâtre qui un personnage prend sa guitare et joue quel que soit le temps. On espère commence à chanter, on regarde com - que ça lui donnera envie de s’engager ment l’opéra a traité ce passage et on aussi. l’intègre au spectacle le cas échéant. Propos recueillis par HC Et puis, on a fait un inventaire des mo - ments très populaires des deux opéras et parfois, on quitte la pièce de Beau - n Figaro, par la Compagnie Marius marchais pour reprendre le même pas - Printemps des Comédiens, Amphithéâ - sage dans l'opéra. C'est parce qu'on tre d’O, 34000 Montpellier r e j t aime la musique mais aussi un peu 04 67 63 66 66, du 12 au 14/06 n e l l

a pour garder le texte quand il est M _ d n o m

50 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 y a R @ à partir du LA TRAVIATA 12 Opéra en plein air - en tournée Juin

Arielle Dombasle canonise la Traviata

Arielle Dombasle a auditionné plus de 170 chanteurs pour distribuer les rôles de cette Traviata qu’elle met en scène dans le cadre des Opéras en Plein Air. Un sujet romantique, un opéra “hautement performant” auprès du public, comme elle le dit, et une Violetta quasi sainte…

Théâtral Magazine : Qu’est-ce qui mande, le sacrifice. C’est toujours très vous touche dans le personnage de mystérieux d’aller vers la douleur et de Violetta ? sacrifier les plaisirs, l’extase, les désirs, Arielle Dombasle : Elle est le cœur pour autre chose. C’est très beau, et même de la souffrance amoureuse, de toutes les femmes portent ça en elles. la réhabilitation, de la recréation de C’est une œuvre très psychologique et l’être par l’amour et d’une forme de métaphorique. sainteté par le secret du mal qui la Quelle est la difficulté d’une mise en ronge. Cette position de la grande scène de théâtre lyrique en extérieur ? courtisane dans sa légèreté, sa frivo - Je ne veux pas faire quelque chose de lité, son exubérance et son détache - très spectaculaire mais de très shakes - r d

ment, qui tout à coup est saisie, tombe pearien. Nous sommes en plein air, @ dans un abîme, et sent ce qu’elle avec comme toit le cosmos, je ne vais n’avait jamais ressenti : l’amour. Cela pas mettre ça dans du carton-pâte figé démocratiser les choses. Il faut que les va plus que la réhabiliter, la mettre ou des meubles Napoléon III. Je vais gens viennent parce qu’ils vont passer dans une position de sainteté. Malgré faire cela dans le mouvement, le cho - un moment de fascination, de pur sa défiance, sa connaissance des corps régraphier comme un ballet, les éblouissement et d’émotion. On n’a et des cœurs, elle va être victime de chœurs ne vont pas être statiques. rien à leur apprendre, il faut juste cette chose neuve, mystérieuse, qu’est Pour les scènes plus intimes, je vais qu’ils soient bouleversés. le sentiment amoureux. Ce n’est pas structurer l’espace par des lumières so - Propos recueillis par quelqu’un d’amoral mais d’immoral, un phistiquées. François Varlin personnage énigmatique, intéressant Vous serez inévitablement attendue et bouleversant. Comme dans une tra - sur la question du son… n La Traviata, de Giuseppe Verdi, mis en scène par gédie grecque : les destins sont scellés La contrainte, c’est de sonoriser de - Arielle Dombasle, Opéra en Plein Air 15è édition et la mort va donner tout le sens à la vant les plus belles façades de France. les 12 et 13/06, Domaine départemental de Sceaux pièce. Je crois que les puristes vont en être les 19 et 20/06, Château du Champ de Bataille, Vit-elle une souffrance expiatoire ? charmés. C’est en adéquation avec du 25 au 27/06, Château de Vincennes, Bien sûr. Je la relie à ces héroïnes fé - l’espace et le temps. Ils ne vont pas le 13/07, Cité de Carcassonne, minines, qui sont toutes les mystiques préférer que le vent emporte les voix les 28 et 29/08, Château de Haroué, italiennes comme Catherine de et qu’elles soient inaudibles ! du 8 au 12/09, Hôtel des Invalides, Sienne. Ces femmes qui sont dans une Y voyez-vous un enjeu de vulgarisation les 18 et 19/09, Château de Fontainebleau, vraie rédemption par la douleur. Vio - de l’opéra auprès du grand public ? 0892 68 36 22 letta va entrer vers ce qu’on lui de - Je ne crois pas tellement aux vertus de

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 51 à partir du 25 LE MARIAGE DE MARIA BRAUN Juin Théâtre de la Ville - Paris L L D D R

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fait de la défaite allemande, de l’ab - Thomas Ostermeier sence des hommes tous envoyés au front. Mais elle n’a fait qu’errer aux mi - lieux des décombres de son pays et de Toujours Maria Braun sa propre vie. Croyant manipuler les hommes, elle ne s’est pas rendue Le metteur en scène allemand revient clôturer la saison du compte que c’était le contraire qui se Théâtre de la Ville avec la reprise du Mariage de Maria Braun passait. Au fond pour Thomas Oster - qu’il avait créé l’été dernier au Festival d’Avignon. Film meier, le film révèle l’échec de notre mythique des années 70 portée par l’extraordinaire Hanna société capitaliste à partager le pou - voir. Si aujourd’hui l’Allemagne est di - Schygulla, Maria Braun brosse le portrait d’une femme qui rigée par une femme, la majorité de la essaie de s’en sortir dans l’Allemagne de l’après-guerre. richesse reste aux mains des hommes. Et à aucun moment, aussi habile, aussi our se mettre à l’abri de meurtre, elle est sauvée de la prison séduisante qu’elle ait pu être, Maria toute influence, Thomas par son mari qui se dénonce à sa Braun n’a eu la main sur son destin. Ostermeier s’est bien place… la suite de l’histoire la montre Voilà pourquoi il fallait absolument gardé de regarder le film manipulant les hommes pour arriver à confronter cette histoire à notre P de Fassbinder réalisé en se faire une place dans la société. Un époque. Parce qu’elle semble toujours 1978. Il a préféré se le faire raconter portrait sans complaisance d’une autant d’actualité. pour y rêver en toute liberté et mieux femme prête à tout pour assurer sa HC s’en approprier la thématique. Il s’est survie. C’est cet aspect de l’intrigue qui cependant procuré le script du scéna - a inspiré Thomas Ostermeier. rio. L’histoire commence avant la fin Pour rendre lisibles les multiples n Le mariage de Maria Braun, d’après le de la guerre en 1943 alors qu’on sa - rebondissements dans la vie de son film de Rainer Werner Fassbinder vait déjà la partie perdue. Maria Braun héroïne, il a resserré l’intrigue autour (1979), mise en scène de Thomas Oster - épouse un soldat allemand qui repart de quatre comédiens chargés de jouer meier, avec Thomas Bading, Robert au front. Elle apprend sa mort et se tous les rôles. Une façon aussi de met - Beyer, Moritz Gottwald, Ursina Lardi, console dans les bras d’un soldat noir tre en évidence la question centrale à Sebastian Schwarz américain. Mais le mari réapparait au ses yeux du film, à savoir la place des Théâtre de la Ville, 2 place du Châtelet mauvais moment, s’en prend à son femmes dans l’Allemagne d’après- 75004 Paris, 01 42 74 22 77 rival finalement tué accidentellement guerre. Une Maria Braun avait voca - du 25/06 au 3/07 par Maria. Alors qu’elle est accusée de tion à se faire une place au soleil du

52 Théâtral magazine Mai - Juin 2015

ossier à la recherche D des talents

54 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 à la recherche des talents de demain

ls s’appellent Simon, Pauline, Jeanne, Jules, Maurin, Alyzée, Annabelle, Laurent, Charlotte et Guillaume. Ils ne se connaissent pas parce qu’ils sont éparpillés aux quatre Icoins de la France pour apprendre leur métier, et pourtant c’est eux qui feront le théâtre de demain. Ils sont nés à l’ère d’internet et ont été nourris aux réseaux sociaux, à la communication et aux portables. Ils sont lucides sur le monde qui les attend et mesurent toute la force politique du théâtre. Ils débordent d’ailleurs déjà de projets et d’idées, portés par l’exemple d’une généra - tion qui vient de prendre le pouvoir au théâtre : les Julien Gosselin, Vincent Macaigne, Rodrigo Garcia, Caroline Nguyen, Julie Deliquet, Les Chiens de Navarre… Hélène Chevrier

n Avec Simon Bourgade, Alyzée Soudet, Jules Audry, Pauline Lefebvre-Haudepin, Jeanne Lazar, Charlotte Fermand, Annabelle Garcia, Maurin Olles, Laurent Robert, Guillaume Costanza

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 55 DOSSIER Simon Bourgade

Simon Bourgade est venu au théâ - tre grâce à la danse. Après la Classe Libre du Cours Florent, il intègre le Conservatoire. Il aime jouer mais s’intéresse aussi à la mise en scène. C’est d’ailleurs lui qui monte l’un des deux spectacles de sortie de sa pro - motion en juin prochain.

Vous montez Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare avec vos camarades de pro - motion. Quel angle avez-vous choisi de donner à la pièce ? On essaie de lui donner des enjeux plus contemporains et plus brutaux, que ce ne soit pas un spectacle trop distant. On aime - rait que cela parle à tout le monde au - jourd’hui. L’enjeu est de le jouer dans des endroits où le théâtre n’est pas très accessi - ble, dans les milieux ruraux ou dans des pe - tites salles. Je voudrais en faire un spectacle tout-terrain. J’ai créé une compagnie avant le sensible d’entrer au Conservatoire et j’aimerais tour - R D

ner le spectacle avec. © Qu'est-ce qui vous a fait choisir Le Songe ? La contrainte de choisir une pièce avec suf - agréable d’être sur un plateau. Plus tard, je comme celui que dirigeait Thomas Oster - fisamment de rôles pour distribuer toute la me suis rendu compte que j'aimais beau - meïer avant d’être nommé à la Schaubühne, promotion. Et puis avec Shakespeare, on a coup la littérature et que le seul endroit où qui s’appelait la Baracke. des pièces où il y a à boire et à manger pour je pouvais relier les deux, c'était au théâtre. Vous connaissez Alyzée Soudet ? tout le monde : on peut faire jouer des comé - J’en ai fait au lycée et très rapidement, j’ai Bien sûr : elle est dans ma classe et elle va diens drôles, des gros cabots, des tragédiens. réalisé que je voulais y consacrer ma vie. jouer le rôle de Puk dans Le Songe d’une nuit Avez-vous monté d’autres textes ? Qu'est-ce qui vous plaît autant dans le d’été . C'est un feu follet et elle invente des Agnus dei, soliloque noir de Victor Cova, au théâtre ? trucs tout le temps. Nous les acteurs, nous Théâtre de l’Élysée de Lyon avec Matthieu C'est le présent qui m'intéresse. Mon met - sommes quand même des gens très flippés Dessertine qui joue dans Orlando d’Olivier teur en scène préféré, c'est Warlikowski, par l'image que nous véhiculons. Et une des Py en ce moment, Purifiés de Sarah Kane, Et parce que même en montant des Shakes - stratégies pour modérer ça et plaire à tout Invite à l'amour qui est un chapitre de Belle peare il arrive à nous parler d’aujourd’hui. le monde, c'est de devenir un peu plus lisse, du seigneur . J’ai des envies de pièces à mon - Une des techniques pour y parvenir c’est un peu plus consensuel. À l'école, on nous ter. Ce sont toujours des choses très diffé - l’écriture plateau. Quand Sylvain Creuze - apprend aussi que la technique peut faire rentes. Mais pour l’instant, je ne cherche pas vault monte Notre Terreur , on a l’impression écran et nous protéger. Mais Alyzée est une ligne esthétique. Je veux surtout soule - que c’est lui et ses acteurs qui ont écrit le quelqu’un d’authentique. ver des questions qui dérangent et proposer texte. Et pourtant, non : c’est un collage de Propos recueillis par HC de voir des choses sous un angle inhabituel. véritables œuvres. J’aime cette façon très en - Pourquoi avez-vous choisi de faire du gagée et très radicale de faire du théâtre. n Conservatoire National Supérieur d’Art Dra - théâtre ? Mais je crois qu’aujourd’hui, pour se sentir matique, 2 bis rue du Conservatoire, 75009 Quand j'étais petit, j’ai fait de la danse assez vraiment libre, il faut avoir un lieu. Pas un Paris, 01 42 46 12 91, www.cnsad.fr longtemps. J’ai découvert à quel point c’était énorme bateau, mais un endroit de création

56 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 LES TALENTS DE DEMAIN Alyzée Soudet

cés par un geste. Ça s'appelle La fille du temps qui passe. Cela parle de vous ? l’inoubliable C'est surtout de la pensée. Une pensée que j'aimerais transmettre. Vous aimeriez être un modèle ? Je ne sais pas. Mes modèles ont presque tous disparu maintenant (rires) : Laurent Terzieff, Patrice Chéreau, Samuel Beckett. Il ne reste plus que Claude Régy. Ce sont des gens dis - crets qui écrivent plus qu'ils ne parlent. On sent que vous avez développé tout un univers. D’où cela vous vient-il ? Mon père s'occupait d'arrêter la piraterie dans l’océan Indien ; on a beaucoup voyagé en Asie du Sud-Est, en Inde, au Bangladesh. De sorte que depuis toute petite, j'ai décou - vert différentes façons d'aborder le sacré. J'ai essayé de retrouver ça quand on s’est ins - tallé en France et le théâtre permet de voya - ger en restant sur place et de le partager. Avez-vous peur de l'avenir ? Je ne pense pas. Il y a des beaux hasards. C’est un métier qui nous apprend dévelop - per l'instinct et à détecter les bons moments, les instants de grâce. Je suis plutôt calme mais intranquille. r d

@ Avez-vous des rêves ? Surtout celui de rester simple et d’avoir une Elle a ce truc qui fait qu’on se sou - À quel moment avez-vous pris conscience vie à côté. Cela fait du bien quand on peut vient d’elle comme si elle avait tou - que c'était ce que vous vouliez faire dans retrouver un côté plus tendre tous les jours. jours été là. Une sorte de douce la vie ? Quels sont vos projets ? fragilité entretenue par un regard pé - Ce n'était pas une vocation ; il y a beaucoup Je vais jouer le rôle de Puk dans Le songe nétrant. Alyzée Soudet arrive dans le d'autres choses que j'aimais faire mais le d’une nuit d’été mis en scène par Simon paysage théâtral avec déjà un uni - théâtre était le seul endroit où j'avais l'im - Bourgade. Ce sera le spectacle de sortie de vers bien à elle. pression d'être utile. J'ai trouvé toutes les ré - notre promotion. Et puis j’ai un autre projet ponses dans les textes de théâtre avec des pour 2016 à la Maison Maria Casarès. Vous sortez du Conservatoire fin juin. mots très simples. Propos recueillis par HC Avez-vous une idée de ce que vous allez Comme par exemple ? faire après ? Le traitement des questions existentielles. Le théâtre contemporain m'intéresse beau - Claudel et Kleist parlent très bien de l’an - coup. Surtout le travail des metteurs en goisse de l'adolescence. J’aime aussi beau - scène polonais et russes. J'adore Krystian coup Fernando Pessoa. Lupa, Warlikowski. Mais aussi Claude Régy. Vous écrivez aussi… J’ai été très marquée par sa mise en scène de Cela fait quatre ans que j'écris une pièce qui La Barque le soir . Le traitement du silence fait 500 pages. Il n’y a pas que du dialogue. n Conservatoire National Supérieur d’Art Dra - qu’il fait me parle beaucoup plus que le théâ - Je décris aussi les actions, les danses. Parfois matique, 2 bis rue du Conservatoire, 75009 tre revendicatif très à la mode en ce moment. un mot ou une phrase peuvent être rempla - Paris, 01 42 46 12 91, www.cnsad.fr

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 57 DOSSIER Jules Audry

Jules Audry est sorti l’année der - nature. C'est un peu le sentiment qu'on a. autre axe que celui du fils qui venge son nière de l’Esad de Paris. Dix mois On passe trois années tellement chargées père. Moi, je m'intéresse aux conflits géné - qu’il est dans la nature et pendant dans une école supérieure qu'après on a rationnels dans la pièce, comment les vieux lesquels il n’a pas chômé : il a monté beaucoup de mal à appréhender le vide. vont voir leur volonté contredite par les une version très personnelle d’ Ham - Aviez-vous anticipé la sortie ? jeunes. Et j’ai essayé de faire qu’on s’identifie let , Looking for Hamlet , mis en place J'ai très rapidement senti que j'étais capable aussi bien aux personnages de 20 ans qu’à des workshops autour de Shakes - de fédérer les gens autour de moi. Alors j'ai ceux de 60. Je travaille aussi depuis deux peare, participé au projet XXIe créé une compagnie et j’ai monté un projet ans avec une dramaturge et scénographe, scène écritures contemporaines au autour d’ Hamlet , Looking for Hamlet . J’ai dé - Jeanne Boujenah. On gravite plutôt autour Théâtre de l’Odéon depuis la saison posé un dossier à l’Institut Français d’Estonie d’ Hamlet . Je trouvais que c’était un peu am - 2014-2015. et on a été invité à présenter la première bitieux de commencer directement par partie du spectacle à Tallinn. Aujourd’hui, le Hamlet . Et puis sur un plan très pragma - spectacle est monté et on l’a joué en Bel - tique, on n’a pas les moyens d’engager 20 Comment s’est passée votre sortie de gique. comédiens pour jouer la pièce. Ça coûte l’école ? De quoi parle Looking for Hamlet ? cher, cela complique les plannings de répé - Cela fait 10 mois que je suis lâché dans la Le sous-titre, c’est Héritages . J’ai pris un tout tition. Mais sur la prochaine création en mars 2016, au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, tout le monde sera payé. De quoi s’agit-il ? C’est un projet que je mène avec un auteur le leader qui sort de l'Ensatt à Lyon autour de la no - tion de liberté. On essaie de définir ensem - ble les différentes formes que prend le mot liberté. À travers deux époques : au XIXe siè - cle en Russie et en 2084. En référence à 1984 de Orwell ? Oui complètement. Ce Big Brother de 1984 , on le voit partout maintenant sur Internet. Ce projet va s'appeler Volia , un mot russe qui veut dire à la fois volonté et liberté. Votre compagnie s’appelle Future noir. D’où vient ce nom ? C’est un genre cinématographique entre la science-fiction et le film noir, qui emmène dans des mondes dystopiques. Ça s’inspire aussi de la pensée des stoïciens selon la - quelle on n'a aucune prise sur ce qui va se passer. C'est un peu la philosophie de la compagnie. Laissons le temps faire. Il faut accepter d'être dans le vide. Propos recueillis par HC

n ESAD, Ecole supérieure d’art dramatique de la Ville de Paris Forum des Halles, 12 place Carrée 75001 Paris, R D

© 01 40 13 86 25, http://esadparis.fr

58 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 LES TALENTS DE DEMAIN Pauline Lefebvre-Haudepin

l’intellectuelle t e t n i o C e d s e u g u H

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Elle vient juste d’entrer en 1ere Le désir d’évoluer dans un univers théâtral Dernièrement, j’ai été très marquée par un année de la nouvelle promotion de est venu très tôt parce que ma mère m'em - spectacle de danse, Bit de Maguy Marin, j'ai l’Ecole du Théâtre national de Stras - menait beaucoup au théâtre. Et il y a eu aussi beaucoup aimé Innocence de Dea bourg. Si Pauline Lefebvre-Haude - deux spectacles qui m’ont vraiment mar - Loher. Et j’ai toujours le goût des grandes fa - pin n’a pas encore beaucoup quée : La symphonie du hanneton de James bles comme celles qu’écrit . d’expérience, elle ne manque pas Thiérrée et Peines de coeur d'une chatte an - J'ai vu aussi le spectacle de Jeanne Candel, d’idées ni de talent. glaise d'Alfredo Arias. J’aime cette écriture Le goût du faux et autres chansons . La fan - féérique et baroque. taisie et la poésie sont salutaires. J'ai remar - Qu'est-ce qui vous a amenée au théâtre ? C’est un style qui vous convient toujours ? qué que ce qui perturbe les spectateurs, ce Petite, j'étais fascinée par les maisons de Aujourd’hui, je suis fascinée par le surréa - n’est pas la provocation mais la différence. poupées et vers 15 ou 16 ans je créais des lisme. Les pièces qui me parlent le plus sont Le fait d’être plongé dans un univers inha - tas de petits mondes dans des boîtes à celles qui racontent des histoires et qui font bituel, d’être confronté au temps, c’est diffi - chaussures. Ma relation au théâtre s’est ressurgir une part d'enfance. Ça permet de cile à accepter. Or, c'est important construite à partir de la scénographie. Le retrouver le sens de l'enchantement. d'apprendre à s'ennuyer, à attendre, à écou - théâtre était comme une maison de poupée Vous pensez que le théâtre a un pouvoir ? ter le silence, toutes ces choses auxquelles géante et aussi le moyen de ne pas m'arrêter Je pense qu'il a un pouvoir énorme mais on n'a pas le droit dans la vie quotidienne de jouer. Et puis, cela a évolué. Je me suis re - qu'on ne le voit pas venir. Ce sont des choses parce qu'il faut aller vite. Le théâtre permet trouvée en prépa littéraire et de fil en ai - qui se font de manière imperceptible. Il y a d’apprendre tout ça. guille, j'ai été amenée à expérimenter quelque chose de mystérieux. J'ai d’ailleurs Propos recueillis par HC d'autres aspects du théâtre comme l'écriture toujours trouvé drôle que le théâtre ait lieu et la mise en scène. Finalement, le jeu est le soir, qu'on s’y rende un peu comme des venu en dernier. rats. n Ecole du Théâtre National de Strasbourg, À quel moment avez-vous compris que Qu'est-ce qui vous plaît au théâtre au - 1 avenue de la Marseillaise 67000 Strasbourg, vous en feriez votre métier ? jourd'hui ? 03 88 24 88 00, www.tns.fr

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 59 DOSSIER Jeanne Lazar

Jeanne Lazar, 23 ans, fait partie de la promotion 4 de l’Ecole du Nord à Lille. métier ? Dans une compagnie ? En collectif Enthousiaste, travailleuse, elle n’a de cesse de progresser et d’accomplir ou autre ? Comme interprète d’un ou une ses rêves. Le nom de sa compagnie donne une idée de sa détermination : il metteur en scène en particulier ? faut toujours finir ce qu’on a commencé. J’ai créé avec un camarade de promotion, Arnaud Vrech, la compagnie Il faut toujours finir ce qu’on a commencé. Nous ne sommes pas un collectif, mais nous travaillons en - semble. Nous aimerions réaliser plusieurs la bosseuse projets et pouvoir travailler séparément. Ce serait l’équilibre parfait. C’est nécessaire. Travailler avec un metteur en scène qu’on ne connaît pas, apprendre à traduire sa pen - sée et ensuite retrouver notre compagnie où nous parlons le même langage forts de nos différentes aventures qui nous aurons chan - gés à chaque fois. Vos projets, vos rêves ? Je travaille sur un roman d’Hervé Guibert, que nous adaptons à deux, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie . Nous serons trois acteurs n i l e

s avec un metteur en scène. On connaît ce s o G livre comme une oeuvre sur le SIDA, mais n o m i Guibert y parle aussi d’amitié, l’amitié S

@ comme source d’inspiration infinie, comme rempart à la fatalité… A quel moment sait-on qu’on est sur la la même manière que Mireille Herbstmeyer L’adaptation est une chose que je trouve bonne voie ? ou Xavier Gallais sont très inspirants, mais passionnante et qui me plaît beaucoup. Je ne sais pas si le terme de voie est juste. aussi Arthur Nauzyciel, Christoph Marthaler, J’avais fait une “carte blanche” à l’École du Cela voudrait dire qu’un parcours est li - Michel Foucault, Françoise Hardy... Nord. J’avais trouvé ça difficile mais absor - néaire. Alors qu’en fait il y a du relief et des Quelle est votre vision du théâtre au - bant. Je ne sais pas si je veux être metteur virages et rien n’est jamais gagné. Il faut que jourd’hui ? en scène mais j’ai des obsessions sur des je travaille, travaille, travaille. Je ne connais pas bien le théâtre privé, tous textes ou des auteurs comme Jean-Luc La - Quel est le déclencheur, qu’est-ce qui vous ses enjeux et je ne me permettrais pas de garce ou les romans de Ödön von Horváth. a fait dire “je serai comédienne” ? parler de son évolution. Je suis allée à l’école Je suis fascinée également par les biogra - J’ai commencé le théâtre à l’école. C’était publique, dans un conservatoire régional, phies, les récits sur la vie des gens. J’aimerais l’endroit où je me sentais tranquille, où la dans une école nationale où l’on m’a tou - aussi faire un spectacle où l’on chanterait, brutalité des rapports entre les gens cessait, jours dit que ce serait difficile, que le travail une sorte de comédie musicale, un spectacle où je pouvais me laisser troubler, être bou - était rare. Cela me fait peur, parfois. Mais j’ai sur la radio. leversée. C’est toujours délicat de parler de l’impression que cette situation se généra - Propos recueillis par Nathalie Simon vocation. Je n’ai jamais imaginé ne pas faire lise. Tellement de gens sont au chômage de théâtre. Cela suffit je crois. dans de nombreux secteurs professionnels Avez-vous des modèles ? et particulièrement celui de la culture. Et ce Des modèles, non. En revanche il y a des ar - constat est épouvantable. Mais je ne peux tistes qui me passionnent et auxquels je pas céder au pessimisme non plus. J’ai trop n Ecole du Nord, Théâtre du Nord pense souvent. Laurent Poitrenaux repré - envie. Je ne veux pas attendre, je me mets 23-25 rue de Bergues 59000 Lille, sente une sorte d’idéal de comédien pour au travail. 03 20 00 72 64 moi et je trouve ses choix passionnants. De Comment envisagez-vous d’exercer votre http://ecoledunord.theatredunord.fr

60 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 LES TALENTS DE DEMAIN Charlotte Fermand

Charlotte Fermand est sortie de l’Ensatt l’année dernière. Son pas - sage dans la vie active a bien com - mencé puisqu’elle est directement entrée à la Comédie-Française comme stagiaire et est déjà enga - gée sur d’autres projets.

Comment êtes-vous entrée à la Comédie- Française ? J’ai passé un concours en mai dernier et je l’ai réussi. Donc avant même la sortie de l’En - satt, je savais où j’allais. Pour ce concours, j’ai dû présenter une scène du répertoire classique et répondre à un jury de sept per - sonnes sur mes motivations théâtrales et ce que j’ai envie de faire. En quoi consiste le rôle d’une stagiaire de la Comédie-Française ? On fait des figurations et des petits rôles es - sentiellement dans des reprises, on suit des cours et on présente des cartes blanches. On est six dont quatre de ma promotion de l’En - satt ! Pourquoi avez-vous eu envie de postuler ? Parce que je n'avais pas de boulot après la stagiaire l’école et que et cela permettait de rencon - trer plein de gens. r d

Vous auriez pu constituer un collectif avec @ vos camarades.. Tout le monde pense que c’est la solution. Mais c’est compliqué de créer une compa - tiques et politiques que ceux de Carole Thi - une très belle énergie. Cela m’a tellement gnie, de faire des demandes de subventions, baut qui sont beaucoup plus francs. C’est portée que je me suis dit que le théâtre se - de chercher des producteurs… Cela s'ap - très différent mais j’y vois des préoccupa - rait un bon moyen de ne pas arrêter de me prend un peu au fur et à mesure et au tions communes. Un des textes qui m’a le poser des questions, de me cultiver, de ré - contact de gens qui ont déjà de l'expérience. plus marquée ces dernières années, c’est fléchir... Outre la Comédie-Française, vous êtes Tristesse animal noir . Propos recueillis par HC aussi associée au prochain spectacle de À quel moment avez-vous su que vous fe - Carole Thibaut. riez du théâtre votre métier ? Oui. Les choses s'enchaînent super bien pour C’es très lié à mon chemin personnel. J'ai dé - moi. couvert le théâtre à Avignon avec Pascal Quel théâtre avez-vous envie de défen - Papigni et Éric Jacobiak. Pascal nous de - dre ? mandait de dire le texte qu’on voulait. On Un théâtre de poésie, qui permet de penser essayait de jouer quelques scènes et on par - au-delà des choses quotidiennes. Ça passe lait de ce qu'on faisait, on discutait des aussi bien par les spectacles que monte questions soulevées par le texte. On ne pré - n ENSATT, 4 rue Sœur Bouvier 69005 Lyon, Alain Françon qui sont extrêmement poé - tendait pas changer le monde mais il y avait 04 78 15 05 05, www.ensatt.fr

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 61 DOSSIER Annabelle Garcia

Annabelle Garcia est en deuxième année de l’école supé - rieure du Théâtre National de Bordeaux Aquitaine. Elle n’en est pas à sa première école. Après une option théâtre au Lycée, elle a directement intégré l’école de la Comédie de Reims que dirige Lu - dovic Lagarde, joué dans un spectacle qu’il met en scène. "C’était une formation très complète. Mais je ne voulais pas m'arrêter là. Je voulais passer les concours nationaux pour tout ce que cela apporte d’avantages". A Bordeaux, elle trouve ce qu’elle cherche, un tremplin profes - sionnel. "Cet été, on va jouer à Avignon, dans le In, une pièce du metteur en scène argentin Sergio Boris, Le Syndrome . L’école nous a payé un voyage d’études en février à Buenos Aires pour créer la r d

pièce. On reprendra les répétitions en juin quand il reviendra en l’attentiste @ France avant de partir à Avignon…" Mais le plus important pour Annabelle, c’est que l’école les teur en scène. Or beaucoup de collectifs fonctionnent sans" . oblige à définir la manière dont ils veulent exercer ce métier. "Ils Ses références, ce sont Krystian Lupa, Thomas Ostermeier mais insistent sur ce dont on veut parler. Il s’agit d’être au clair avec nos aussi Rémy Barché qu’elle a rencontré à Reims ou la compagnie désirs". Le sien c’est de parler de sujets de son époque. Et pour cela, des Hommes approximatifs de Caroline Guiela Nguyen. "C’est ce rien de mieux que l’écriture de plateau. "Ça permet de raconter ce théâtre là que j’aime" . qu'on veut" . Propos recueillis par HC Comme les gens de sa génération, elle pense en termes de col - lectif, une solution qui a fait ses preuves face à la menace du chô - mage. La peur du lendemain et que tout s’arrête brutalement n Le Syndrome, conception et mise en scène de Sergio Boris, avec l'École l’effraie. Mais aussi la perspective de ne pas arriver à créer une fa - supérieure de Théâtre de Bordeaux en Aquitaine mille dans un environnement économique instable. Mais pour elle, Festival In, Gymnase du lycée Saint-Joseph, du 8 au 11/07 le concept du collectif ne doit pas entraver le rôle du metteur en n Ecole du TNBA, 3 place Pierre Renaudel 33800 Bordeaux, scène. "Je ne crois pas que l’on puisse monter des pièces sans met - 05 56 33 36 80, www.tnba.org

Laurent Robert

Laurent Robert a commencé le théâtre à La Réu - nion avant de venir en métropole parfaire sa for - mation. En dernière année à l’Ecole régionale d’acteurs de Cannes, il fourmille d’idées.

Il a quitté La Réunion il y a cinq ans et suivi à Cannes un copain qui voulait absolument faire l'Erac. "Ça correspondait exactement à nos tempéraments de débrouillardise. On a été formé à l'improvisation théâtrale et l’Erac est une école où on apprend à se débrouiller par ses propres moyens" . C’est pour - quoi il y a tant de collectifs qui se forment là-bas. "Nous aussi, nous avons formé un collectif entre nous" . Rien ne le prédispo - sait à faire ce métier quand à 14 ans, une amourette l’entraîne le baroudeur r d

@

62 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 LES TALENTS DE DEMAIN Maurin Olles

Maurin Olles termine sa formation à l’école de la Comé - die de Saint-Etienne où il est entré sur les conseils d’un ami. L’année dernière, il a eu la chance de jouer au fes - tival d’Avignon dans Nature Morte de Michel Raskine.

Vous avez été formé au conservatoire de Marseille. Qu'est-ce qui vous a amené ensuite à Saint-Étienne ? r

J'ai passé des concours pour entrer dans une école nationale, Paris, e i s s u

Cannes, Marseille et Saint-Étienne que m’avait recommandée un an - o P

n cien camarade de Marseille. Et c’est là que j’ai été pris. C’est une école o i r a r M

particulière au coeur d'un théâtre et ça nous permet de voir beau - d

l’engagé @ coup de spectacles toute l'année et de rencontrer des artistes. Et puis @ c'est aussi un théâtre qui a une histoire avec Jean Dasté, la décen - tralisation. Ça vous raconte quelque chose quand vous faites du thieu Cruciani à partir de janvier 2016 à La Comédie de Saint- théâtre. Etienne et dans une petite forme qui sera programmée en itinérance Qu’est-ce que cela vous raconte ? avec Pierre Maillet. J’ai aussi mon projet personnel de 3e année Je vois dans le théâtre le moyen de m'exprimer et de raconter des Jusqu'ici tout va bien qui sera produit par La Comédie de Saint- histoires en donnant la parole à des gens qu'on n'a pas l'habitude Etienne et qui est dès à présent programmé le 12 juillet au Festival d'entendre. Contre Courant à Avignon. C’est un spectacle autour du thème de Avez-vous déjà eu une expérience professionnelle ? la délinquance des mineurs que je monte avec des lycéens de Saint- L’année dernière, Michel Raskine a mis en scène les élèves de la Étienne et des jeunes de la protection judiciaire de la jeunesse. C’est promo au festival d’Avignon dans Nature morte . C'était une expé - un univers qui m’intéresse beaucoup… rience incroyable. Et cette année, avec Arnaud Meunier, on a joué Propos recueillis par HC dans la campagne stéphanoise avec un décor ambulant. Avez-vous des projets ? Oui avec des gens qu'on côtoie au théâtre. Je vais tourner cet été n Ecole de la Comédie de Saint-Etienne, dans un court-métrage réalisé par Caroline Guiela-Nguyen et je joue - 7 avenue Émile Loubet 42048 Saint-Étienne cedex, 04 77 25 12 98 rai dans Un Beau ténébreux de Julien Gracq, mis en scène par Mat - www.lacomedie.fr

sur les planches. Pas question pourtant de prendre l’expérience au trigue de sa pièce : la rencontre de deux personnes très différentes sérieux. "J'ai fait des métiers entre guillemets sérieux : j’ai été courtier qui arrivent à travailler ensemble parce qu’elles ont une quête com - en assurances, puis j'ai fait une école de commerce... Mais par élimi - mune. "Cela passe par des collisions qui rappellent les combats de nation, je suis revenu au théâtre". A La Réunion, il travaille avec Luc boxe. Il y a une théâtralité très intéressante dans la boxe". Rosello le directeur de la Fabrik à Saint-Denis qui porté par la rage de dire fait un théâtre au service de ses concitoyens. En attendant, on le verra jouer dès le mois de mai dans une pro - position atypique de Bertrand Bossard actuellement en résidence Le théâtre que veut faire Laurent est un théâtre de comédien. Il au 104 : Ode à la ligne 29 de Jacques Roubaud qui sera donnée dans s’éclate dans l’impro et les rôles expressifs. En cours, Valérie Dréville un bus parcourant la ligne 29 à Paris. parle d’Ostermeier. Sans surprise, le metteur en scène allemand de - HC vient l’idole du jeune homme. Lui-même tâte de la mise en scène. Avec le collectif qu’il vient de former avec ses camarades de promo, ils ont deux projets en cours : une adaptation de L’Attrape-Cœur de Salinger dans laquelle il jouera et une création plateau sur le thème n Ode à la ligne 29, de Jacques Roubaud, mise en espace de Bertrand de l’intersexualité qu’il mettra en scène. D’autres projets sont en Brossard, avec Laurent Robert. Bus, ligne 29, mai 2015 cours, notamment la création d’un de ses textes qu’il veut monter n Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes, 68 avenue du Petit Juas 06400 dans des anciennes salles de boxe. Une idée en rapport avec l’in - Cannes, 04 93 38 73 30, www.erac-cannes.fr

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 63 DOSSIER Guillaume Costanza

Cyrille Bureau Apprendre à chercher des financements

Une des préoccupations récurrentes chez les jeunes ar - tistes qui sortent de l’école, c’est le financement de leurs projets. D’un côté, l’état du marché les incite à se En quête prendre en charge et à ne pas attendre qu’on les em - ploie, de l’autre, les aides publiques sont en nette ré - r d duction. Pour beaucoup, la solution passe par la d’inspiration @ création d’un collectif. Encore faut-il être capable d’al - ler chercher de l’argent. Cyrille Bureau, directeur de En deuxième année à l’Ensad de Montpellier, après une Artes formations est un spécialiste de la question. Ce première formation au Conservatoire de Marseille, nantais très engagé dans la vie culturelle de sa région Guillaume Costanza est en pleine réflexion sur son ave - consacre sa vie à la formation de professionnels du de recruter un jeune qui ne connaît pas le secteur et qu’il faudra for - nir. Lui et ses camarades de promotion pourraient bien spectacle. Le financement des projets est une de ses mer. Je conseille même que deux compagnies s’associent pour re - créer un collectif entre eux. spécialités. cruter en commun une personne dédiée à la vente de leurs spectacles. En tout cas, c’est ce que leur recommande Gildas Milin, le nouveau Que dire à des artistes qui s’inquiètent pour leur avenir ? Aujourd’hui, quels sont les financements possibles ? directeur de l’école. "Ce n'est plus du tout d'actualité aujourd'hui de faire Que l'activité artistique doit être envisagée comme une entreprise. Il y en a plusieurs types : publics et privés. Dans nos formations, on une carrière. C'est pour ça que l’idée du collectif est très importante. C'est Aujourd’hui, il ne suffit plus d’avoir du talent. Il faut aussi être in - fait le tour des financements qui existent locaux, régionaux, et eu - comme ça qu'on peut vraiment travailler aujourd'hui". Se serrer les ventif et se poser les bonnes questions. J’en sais quelque chose ropéen et même du mécénat. On ne fait pas d’audit individuel mais coudes et utiliser toutes les forces créatrices qui les entourent. "L'objectif puisque je suis marié à une dessinatrice qui est confrontée à ce pro - notre intervenant s’appuie sur les expériences des participants pour ce n'est pas de prendre une pièce et de la monter. Moi je n’écris pas mais blème. illustrer les problématiques. Donc chacun repart avec un book de il y a des gens parmi nous qui écrivent ; tirons parti de ça". Et quelles sont les bonnes questions à se poser ? solutions par rapport à ses projets. Et puis l’arrivée l’année dernière de Rodrigo Garcia à la direction du Il n'y a pas de recette toute faite. Mais il faut que les artistes réflé - Que pensez-vous du mécénat ? Centre Dramatique de Montpellier renforce ce désir de faire son propre chissent au spectacle qu’ils veulent proposer en fonction de critères La motivation du mécène est avant tout fiscale. Donc, il faut avoir théâtre chez Guillaume. "La programmation a complètement changé. du marché : concevoir des spectacles qui puissent être joués et tour - la capacité de défiscaliser les dons. Or toutes les structures ne sont Aujourd’hui, on voit des artistes comme Philippe Quesne ou les TG Stan. nés facilement, réfléchir au message qu’on veut véhiculer en fonc - pas habilitées à le faire. Pour contourner le problème, il est possible Le public aussi a beaucoup changé, on voit beaucoup de monde et beau - tion des publics qu’on peut toucher… Certes, on ne trouve pas tous de créer un fond de dotation. C'est une piste en fort développement coup de jeunes venir au théâtre. Ça suscite beaucoup de réflexions. Ça les jours une bonne idée. Mais on peut apprendre à se poser des depuis cinq ou six ans. Après je préconise toujours de diversifier ses me donne envie de faire un théâtre de création" . questions. J'ai quelques références d’artistes très connus dans l’art soutiens. Il vaut mieux avoir plusieurs partenaires qui donnent un Peut-être bien que la présence de l’espagnol dans les environs de contemporain et d'origine nantaise qui ont des bonnes idées et ont peu à votre projet qu’un seul qui donne beaucoup parce que le jour l’école de Montpellier influera sur les orientations des élèves. L’énergie très bien su développer des modèles économiques. Je pense à Fa - où il arrête, tout votre modèle s’écroule. Le mécénat des particuliers virale de Rodrigo Garcia pourrait bien contaminer toute une génération brice Hyber. Après les artistes ne sont pas obligés de faire ce travail. est aussi en fort développement. Et puis, le contact local est impor - qui justement se cherche… C’est surtout le rôle des chargés de diffusion. Parfois, il vaut mieux tant. Quand on n’est pas connu, on parvient mieux à sensibiliser des Propos recueillis par HC engager quelqu’un plutôt que de se disperser et s’épuiser à faire du entreprises de son quartier. commercial. Propos recueillis paar HC Oui mais engager des gens, cela coûte… n Ensad de Montpellier Il y a des emplois aidés. Quoique pour des petites compagnies pas n ARTES formations Maison Louis Jouvet 19 rue Lallemand 34000 Montpellier encore connues, il me semble qu’il vaut mieux faire appel à un 6 Rue Monteil, 44000 Nantes, 02 40 20 35 35 ,04 67 60 05 40, www.ensad-montpellier.fr chargé de diffusion ou de communication expérimenté plutôt que www.artes-formations.fr

64 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 Une des préoccupations récurrentes chez les jeunes ar - tistes qui sortent de l’école, c’est le financement de leurs projets. D’un côté, l’état du marché les incite à se prendre en charge et à ne pas attendre qu’on les em - ploie, de l’autre, les aides publiques sont en nette ré - duction. Pour beaucoup, la solution passe par la création d’un collectif. Encore faut-il être capable d’al - r d

ler chercher de l’argent. Cyrille Bureau, directeur de

Artes formations est un spécialiste de la question. Ce @ nantais très engagé dans la vie culturelle de sa région consacre sa vie à la formation de professionnels du de recruter un jeune qui ne connaît pas le secteur et qu’il faudra for - spectacle. Le financement des projets est une de ses mer. Je conseille même que deux compagnies s’associent pour re - spécialités. cruter en commun une personne dédiée à la vente de leurs spectacles. Que dire à des artistes qui s’inquiètent pour leur avenir ? Aujourd’hui, quels sont les financements possibles ? Que l'activité artistique doit être envisagée comme une entreprise. Il y en a plusieurs types : publics et privés. Dans nos formations, on Wow ! Aujourd’hui, il ne suffit plus d’avoir du talent. Il faut aussi être in - fait le tour des financements qui existent locaux, régionaux, et eu - ventif et se poser les bonnes questions. J’en sais quelque chose ropéen et même du mécénat. On ne fait pas d’audit individuel mais puisque je suis marié à une dessinatrice qui est confrontée à ce pro - notre intervenant s’appuie sur les expériences des participants pour blème. illustrer les problématiques. Donc chacun repart avec un book de Et quelles sont les bonnes questions à se poser ? solutions par rapport à ses projets. Il n'y a pas de recette toute faite. Mais il faut que les artistes réflé - Que pensez-vous du mécénat ? chissent au spectacle qu’ils veulent proposer en fonction de critères La motivation du mécène est avant tout fiscale. Donc, il faut avoir du marché : concevoir des spectacles qui puissent être joués et tour - la capacité de défiscaliser les dons. Or toutes les structures ne sont nés facilement, réfléchir au message qu’on veut véhiculer en fonc - pas habilitées à le faire. Pour contourner le problème, il est possible tion des publics qu’on peut toucher… Certes, on ne trouve pas tous de créer un fond de dotation. C'est une piste en fort développement les jours une bonne idée. Mais on peut apprendre à se poser des depuis cinq ou six ans. Après je préconise toujours de diversifier ses questions. J'ai quelques références d’artistes très connus dans l’art soutiens. Il vaut mieux avoir plusieurs partenaires qui donnent un contemporain et d'origine nantaise qui ont des bonnes idées et ont peu à votre projet qu’un seul qui donne beaucoup parce que le jour très bien su développer des modèles économiques. Je pense à Fa - où il arrête, tout votre modèle s’écroule. Le mécénat des particuliers brice Hyber. Après les artistes ne sont pas obligés de faire ce travail. est aussi en fort développement. Et puis, le contact local est impor - C’est surtout le rôle des chargés de diffusion. Parfois, il vaut mieux tant. Quand on n’est pas connu, on parvient mieux à sensibiliser des engager quelqu’un plutôt que de se disperser et s’épuiser à faire du entreprises de son quartier. commercial. Propos recueillis paar HC Oui mais engager des gens, cela coûte… Il y a des emplois aidés. Quoique pour des petites compagnies pas n ARTES formations encore connues, il me semble qu’il vaut mieux faire appel à un 6 Rue Monteil, 44000 Nantes, 02 40 20 35 35 chargé de diffusion ou de communication expérimenté plutôt que www.artes-formations.fr oom Mises en Capsules

Z Festival Mises en Capsules, 9e édition Benjamin Bellecour www.misesencapsules.com Ciné XIII Théâtre 1 avenue Junot 75018 Paris 01 42 54 15 12 du 18 mai au 6 juin r d

@

Comme chaque année, la saison théâtrale se ter - mine sur les hauteurs de Montmartre avec le fes - tival des formes courtes lancé il y a 9 ans par r

Benjamin Bellecour. 16 pièces inédites, créées spé - d

cialement pour l’événement seront présentées @ cette année. Aucun thème n’est imposé aux participants. Ils ont été sélectionnés sur Benjamin Egner dossier. "On a reçu 150 projets, on en a vus 60 en lecture et on en a sé - lectionnés 16" . Parfois c’est Benjamin lui-même qui passe commande Le déni d'Anna d’une pièce à un artiste. En général ses intuitions ont été bonnes : Le Porteur d’histoire d’Alexis Michalik a démarré aux Capsules, Masques et Dans la pièce d'Isabelle Jeanbrau, Benjamin Egner joue le Nez de la compagnie des Sans cou aussi… Cette année, il a demandé à rôle d’un père face à la mort de sa femme. “Quand la pièce Johann Cuny, qui était déjà dans La vie rêvée des profs , d’écrire un texte, débute, elle est mourante et il a la charge d'annoncer à ses Hervé . enfants que leur maman va mourir" . Mais il le fait telle - Les projets sont très différents entre Le déni d’Anna d’Isabelle Jeanbrau ment maladroitement qu’ils ne comprennent pas tout de sur un homme confronté au cancer de sa femme, Discorde d’Alexandre suite. "Il est dans le déni même lorsqu’elle meure" . La Markoff sur l’histoire d’un chœur antique projeté dans notre époque, deuxième partie le montre avec ses enfants et sa nouvelle Mini Moi sur l’adoption par un couple de gays, Le corps parle d’Aurélie femme vingt ans plus tard. Les enfants recherchent l’urne Denis sur l’accident qui l’a laissée handicapée ou Les Listes avec Grégori mais il ne sait plus où il l’a mise. "C’est très cocasse. A la Baquet sur un monde idyllique sans commerce… On retrouvera aussi lecture, cela m’a fait penser au cinéma italien des années Ladislas Chollat, Anne Bouvier, Marius Colucci le fils de Coluche et 60 avec des films comme Nous nous sommes tant aimés, même Pascal Zelcer plus connu du milieu comme attaché de presse. Parfum de femme où les personnages sont complètement Benjamin Bellecour regrette que son festival n’inspire pas davantage dans le déni face à des situations extrêmement tragiques. les directeurs des autres salles qui pourraient venir y découvrir des nou - C'est un cadeau pour un comédien de jouer un personnage veaux auteurs. "C’est difficile d’écrire pour le théâtre. Il n’y a pas de fi - comme ça, d’avoir à retenir toutes ses émotions, sa dou - nancement ; il faut attendre que la pièce soit montée pour toucher des leur" . droits" . Du coup, les Capsules offrent un formidable vivier d’auteurs. "On HC a quand même vu émerger des gens comme Florian Zeller, Sébastien Thiery ou Alexis Michalik" . HC

66 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 Aurélie Denis Exubérante et timide

Le cas d’Aurélie Denis mérite qu’on s’y attarde un peu. Cette jeune femme douce et longue comme une liane est la sœur du brillant comédien et met - teur en scène Arnaud Denis. Photo - graphe et plasticienne, elle est renversée en 2005 par un taxi à Lon - l h u R dres qui la laisse tétraplégique. @ Elle écope d’un an de rééducation à Garches où elle récupère une grande partie de sa mo - bilité. Dotée d’une énergie et d’un mental exceptionnels, elle s’entraîne à l’hôpital à faire des photos avec un moyen format posé sur ses genoux et avec lequel elle photographie ses compagnons en fauteuils roulants. "Comme j'avais mon fauteuil électrique, je pouvais faire des travellings. Et comme dans tous les univers clos, il se passait plein de choses à l’hôpital. C’était très enrichis - sant" . A sa sortie, elle revient pour exposer son travail. Et pour le vernissage elle lit des textes qu’elle a écrits sur ses sensations. "J’avais demandé à mon frère de les lire pour le vernissage mais comme j’employais toujours le "je", il m’a conseillé de les lire moi-même. Alors je me suis achetée un lutrin et je les ai lus. C'était très brut. J'avais un peu tra - vaillé avec Arnaud mais c'était très succinct" . Elle conti - nue à écrire avec ce style très franc qui la caractérise et publie en 2009 un livre sur son histoire, Le taxi. "Quand j'étais petite, j'inventais des contes pour endormir mes pe - tits frères. Et plus c'est intime, plus je raconte. Parce que je suis exubérante et timide" . Forcément la scène lui plaît. Elle s’y sent même très à l’aise. Et profite des Mises en cap - sules pour présenter une version scénique de son livre. C’est Arnaud qui la met en scène. Il ne s’agit pas de dissi - muler qui elle est. "Moi, en vieillissant, je vais récupérer des capacités physiques. Mais en revanche, le fait de vieillir ne va pas m’enlever ma canne ! Cet accident m’a permis de tout réapprendre et de raconter des histoires" . HC Autoportrait © Aurélie Denis

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 67 Z oom Génération Odéon Olivier Borderie Armelle Stépien

En septembre dernier, l’Odéon a lancé un pro - jet d’éducation artistique et culturelle au sein de deux collèges. Pendant deux ans, Généra - tion Odéon dispensera 80 heures d’ateliers à des élèves de quatrième. Le projet est porté par Olivier Borderie, le se - r d

crétaire général de l’Odéon, Armelle Stépien @ et Christophe Teillout, responsables du déve - loppement des publics.

En quoi consiste Génération Odéon ? Olivier Borderie : C’est un programme d'éducation artistique et culturelle qu'on a voulu très qualitatif. Il suit deux classes d'élèves sur deux ans, à un moment charnière de leur scolarité puisque ce sont des élèves de quatrième. On a débuté cette année avec deux classes situées dans des établissements en zone d'éducation prioritaire, le collège privé Saint-Vincent dans le 18e arrondissement et le collège Jules Ferry à Maisons-Alfort. La Fondation Edmond de Rothschild, un des mécènes du pro - jet, est-elle à l’origine du projet ? Olivier : Non. L’éducation artistique fait partie des missions du

théâtre. Donc c’est une initiative du théâtre. Mais comme en ce r d

moment, les fondations d'entreprise allouent des budgets à des @ missions stratégiques comme la diversité culturelle, l’éducation artistique, ou l’insertion, on arrive à lever des fonds sur ce type Qui anime les ateliers ? de projet. Armelle : Trois comédiens choisis par les équipes de l'Odéon qui Sur quels critères avez-vous sélectionné ces deux collèges ? travaillent avec la compagnie de Yann-Joël Collin : Delphine Leo - Armelle Stépien : ll faut des établissements qui s’engagent à sui - nard, Xavier Brossard et Catherine Fourty. vre ce programme et à garder les mêmes enseignants pendant L’objectif est-il de sensibiliser des spectateurs de demain ou deux ans dont quatre au moins qui l’inscrivent au cœur de leur de former ces jeunes à être des citoyens ? projet pédagogique. C’est à dire qu’un professeur de biologie va Armelle : C'est un mélange de tout ça. Nous y attachons d’autant céder un certain nombre de ses heures de cours pour que les plus d’importance qu’une évaluation du chemin parcouru est pré - élèves puissent suivre les ateliers théâtre. Au total cela repré - vue par la Fondation. Elle aura lieu à différents niveaux : élèves, sente 40 heures chaque année avec quatre heures supplémen - enseignants, chefs d'établissements et familles. Et il y aura une res - taires de traduction, trois spectacles à voir à l'Odéon (cette année titution-spectacle le 30 mai 2016 sur la grande scène de l’Odéon. Ivanov mis en scène par Luc Bondy, Die Weisse wom Ei (Une île Olivier : Il y avait aussi l'envie de les amener à se questionner sur flottante) mis en scène par Christoph Marthaler et Liliom mis en l'identité européenne. On s'est aperçu que certains d'entre eux scène par Jean Bellorini) et un voyage de trois jours en Europe. n'étaient jamais venus à Paris. Autant dire que l’Europe est très Cette année, il a eu lieu à Bruxelles au mois de mars et l'année éloignée de leurs préoccupations. prochaine ce sera à Berlin.

68 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 Christophe Teillout Sabrina Juigne

Chargé du développement Professeur de mathématiques des publics au collège Saint-Vincent

Quel est votre rôle auprès des collégiens ? En cours de maths, quels exercices pratiques pouvez-vous Christophe Teillout : Je suis chargé du développement des publics proposer qui soient en rapport avec le théâtre ? et plus particulièrement du public de l’enseignement. On suit plus Sabrina Juigne : Ce qu'on veut : des statistiques, des échelles… de 1600 élèves chaque année inscrits dans des parcours artistiques. Je leur ai par exemple donné un plan de la scène de l'Odéon Et je coordonne l'ensemble des projets. Très souvent, ces parcours avec des exercices à faire sur les angles de vue par rapport à commencent en septembre et se terminent au mois de juin par une un balcon. Cela permet de concevoir un décor qui offre une vi - restitution. Dans le cas de Génération Odéon, cela durera deux ans. sibilité maximale aux spectateurs. Ils ont eu aussi à calculer le Comment les élèves ont-ils abordé ce programme ? nombre de dalles nécessaires pour fabriquer un sol carrelé en En ce qui concerne le collège Saint-Vincent, quand je leur ai pré - fonction de la surface du plateau. Je projette également de les senté le projet, j’avais le sentiment qu’ils n’avaient pas senti les en - faire travailler sur des patrons de costumes… jeux et pas forcément envie de participer. Surtout ils ne se parlaient Selon le niveau, y a-t-il des programmes qui s’adaptent pas entre eux. Et le voyage à Bruxelles les a beaucoup soudés. Non mieux à ces questions pratiques ? seulement ils se parlent mais ils ont rencontrés les élèves de l’autre Non, je pense qu’à chaque niveau, on peut faire quelque chose. collège au cours d’un atelier et ont dîné ensemble. Et là enfin, ils ont Et puis il y a énormément de maths dans les services adminis - échangé sur le voyage, leur parcours, leurs projets. Un des objectifs tratifs des théâtres : particulièrement à la billetterie. est que ces élèves-là deviennent des citoyens libres et éclairés. Vous-même, avez-vous remarqué une évolution chez vos Comment les enseignants intègrent-ils leur programme dans ce élèves ? parcours théâtral ? Je vois la différence quand ils sont sur scène. Ils avaient énor - Chaque enseignant peut essayer de mettre en place des passerelles mément de mal à prendre la parole en classe devant leurs ca - entre son programme et les ateliers de jeux. Je sais qu’en biologie, marades et ça les aide à dédramatiser les choses. Cela évolue ils travaillent sur la respiration. aussi beaucoup dans leurs relations entre eux et avec les pro - fesseurs. Est-ce un lycée difficile ? Dans cette classe de quatrième, quelques élèves sont pénibles mais on n'a pas de grosses difficultés de discipline. Je m'en - tends très bien avec eux et je suis plutôt en avance sur mon programme ce qui permet justement de donner des heures au projet de l’Odéon. Le projet se déroule sur deux ans. Comment allez-vous faire si certains élèves redoublent ? C’est une question en suspens. Pour l’instant, par chance, très peu d’élèves n’ont pas le niveau.

Entretiens réalisés par Hélène Chevrier r d

@

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 69 Portrait Pascal Rambert Un auteur sans pareil

Depuis 35 ans, Pascal Rambert vit pour le théâtre. Depuis Les Parisiens qu’il a écrit en 1989, il a su imposer une œuvre dramatique originale, sensuelle inspirée par des acteurs, par des énergies. Dans ses pièces, il n’y a pas de ponctuation, beaucoup de corps et de peau, parfois pas de lumière, parfois trop et toujours un amour inconditionnel de son art. En juin, aux Bouffes du Nord, on peut voir cinq de ses pièces parmi les plus remarquables : Clôture de l’amour, Memento Mori, Libido Sciendi, De mes propres mains et Avignon à vie .

Théâtral magazine : Les Bouffes du pour Laurent Poitrenaux et Marie-Sophie Charles Berling à Nanterre puis encore Nord présentent cinq de vos pièces. Ferdane et je me laisse tirer par la phrase. une autre comme une pièce de danse en - Comment les avez-vous choisies ? Et ce danger de ne pas savoir où elle va tièrement dans le noir et ce qu'on fait Pascal Rambert : C'était le désir d'Olivier me conduire, c'est mon plaisir à travers le avec Arthur, c'est encore différent. Il n'y Mantei de présenter mon travail autant travail. J’aime écrire dans l'instant. Même a pas de décor. Comme Memento Mori , sur le domaine théâtral que chorégra - si après je retravaille ma phrase. Mais je c'est une pièce qui se passe complète - phique. On a choisi ensemble. Avec cette la découvre pendant que je l’écris. Je ne ment dans le noir alors que les autres idée que depuis 35 ans j’ai l'impression peux plus travailler autrement. J'ai com - sont très exposées. de travailler la même phrase et de l’aug - plètement abandonné l’idée de faire des Ça parle beaucoup de désir, d'amour. menter. C'est-à-dire que si je mettais plans, de découper en actes et en scènes. C'est une déclaration d'amour à cet art bout à bout toutes les pièces que j'ai Quand j'avais 23 ou 24 ans, je croyais que j'aime plus que tout. Des fois je me écrites sans les didascalies, sans les noms qu'il fallait écrire comme ça. demande si je n'aime pas plus le théâtre des personnages ce serait la même Qu'est-ce qui fait que vous écrivez pour que l'amour que j'ai pu recevoir ou même phrase qui se déroulerait. des acteurs ? donner à des êtres humains. Pour moi le Qui prend pourtant des formes très dif - Ce n’est pas leur vie ; je n’écris rien de per - théâtre est une forme absolue du senti - férentes entre Clôture de l’amour , où il sonnel sur les acteurs. Mais j’utilise leurs ment amoureux et de la libido ; dans le n’y a que du texte et les pièces de énergies physiques, psychiques et vo - théâtre se croisent la passion, la passion danse Libido sciendi ou Memento Mori . cales. Stanislas Nordey a un type d'éner - physique, la passion sexuelle, la passion Passez-vous par le même processus gie que je comprends et que j'ai envie du mouvement et la libido. C'est ça que d’écriture ? d'attiser. Écrire pour Emmanuelle Béart, raconte Denis Podalydès dans le poème Oui, c'est pareil. Et surtout pour les pièces c'était génial. Et ces énergies me don - que je lui ai écrit Avignon à vie. C’est d’ail - de danse, le titre est souvent un déclen - nent le sens de ce que j'écris. leurs la seule pièce que j’ai écrite en cheur du processus de travail. Comme il Vous écrivez pour des acteurs. Et pour - alexandrins. Et puis j’ai cette passion de n’y a pas de préalable, la phrase choré - tant vos pièces sont reprises et jouées regarder, j’aime la couleur de la peau, graphique va s’écrire directement dans le par des interprètes différents comme j’aime les gens, le corps féminin complè - studio de répétition à partir des corps des De mes propres mains écrite pour Eric tement, le corps masculin complètement, comédiens. Et c’est la même chose pour Doye repris par Kate Moran et aux je suis affamé. Et comme je suis écrivain des pièces à texte. En ce moment, j’écris Bouffes par Arthur Nauzyciel. et metteur en scène, je mets les corps en la fin d’une nouvelle pièce spécialement J’en avais écrit une autre version avec scène nus. Mais jamais dans la vulgarité.

70 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 Dans le cadre du festival Rambert à nu Théâtre des Bouffes du Nord 37 bis bd de la Chapelle 75010 Paris 01 46 07 34 50 n Memento Mori du 9 au 10/06 n Clôture de l’amour du 12 au 20/06 n Avignon à vie du 13 au 14/06 n De mes propres mains du 16 au 18/06 n Libido Sciendi t r e b du 19 au 20/06 m I k c i r t a P

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Et quand c’est juste, on n’a pas envie de jamais plus de 20 minutes par jour. Parce Et quelle est sa portée ? s’esclaffer ni de s’enfuir. J'avais envie que c'est suffisant. Je pense beaucoup à On peut toujours écrire des pièces avec d'écrire un texte qui puisse faire échec à mes pièces en amont, je les prépare deux, des prises de position très tranchées et la pauvreté imaginaire de la pornogra - trois ou quatre ans avant et quand je très visibles ; je fais exactement le phie. C’est intéressant de voir que notre sens que tout est prêt, je rédige assez vite contraire. Et puis aujourd'hui c'est beau - imaginaire sexuel est de plus en plus co - en moins de deux mois. Clôture de coup plus difficile. Mais, ça ne m'a pas lonisé par la pornographie et donc par l'amour m’a pris deux mois, Répétitions empêché sur Répétitions ou sur Clôture une façon de faire très établie, alors que aussi. de dire des choses. Et même un peu fron - la sexualité, pour moi, c'est un outil de Mais vous n’écrivez pas de romans ? talement dans le dernier monologue que connaissance du monde. Faire l'amour J'adore écrire. Quand j'écris, quand je dit Stanislas dans Répétitions . c'est toucher à une forme de mystère de mets en scène, ou quand je joue, ce sont Propos recueillis par l'existence. Ça part du même besoin, de les endroits où je suis. Je suis ce que je Hélène Chevrier la même faim de connaissance de l'exis - fais. Donc quand j'écris je suis entière - tence de la condition humaine. Je travail - ment à cette chose-là. C'est très dur mais lerai pour ça jusqu'à la fin de ma vie. c'est vraiment du plaisir. J'essaie de don - Vous dites que vous travaillez votre ner une forme physique à l'oralité. Et phrase. Qu’est-ce qui a évolué en 35 c'est pour ça que je n'ai pas écrit de ans ? roman. Parce que pour moi la langue Sans doute que je me sens plus libre. Je passe par son élocution sonore ; elle doit travaille d'une autre manière. Je n'écris être entendue.

Théâtral magazine Mai - Juin 2015 71 Portrait Benoît Lavigne Nouveau directeur du Lucernaire Depuis le 10 février, Benoît Lavigne a installé ses quartiers au 53 rue Notre-Dame des Champs. Cet endroit mythique aménagé en théâtre d’art et d’essai depuis les années 70 par r e i l ses fondateurs Christian Le Guillo - l e t e L

chet et Luce Berthommé a trouvé son e n i r a K nouveau directeur. @

rès bien implanté dans son à la même époque. Le projet de Benoît comme Benjamin Bellecour ou Alexis Mi - quartier, au cœur du 6e, à Lavigne vise d’abord à repositionner clai - chalik, des valeurs sûres et adorées du deux pas du jardin du rement le théâtre aussi bien auprès du public comme Michel Fau. "Il y aura Jean- Luxembourg et de l’univer - secteur public que du secteur privé. Il es - Jacques Beineix qui va faire sa première T sité d’Assas, doté de trois père ainsi convaincre la ville de Paris mise en scène sur Kiki de Montparnasse, salles de théâtre de 40 à 120 places, de d’augmenter sa subvention et le syndicat Jean-Paul Wenzel, Philippe Duquesne, Ni - trois salles de cinéma, d’un restaurant, des théâtres privés d’intégrer au moins colas Vaude et peut-être Michel Vuiller - d’une librairie et d’un espace exposition une de ses salles dans le fonds de soutien. moz. J’aimerais aussi beaucoup faire venir il fait partie des rares salles avec le Rond- "Ça permettrait au Lucernaire de pro - Denis Lavant". Il veut aussi établir des Point où le public se rend les yeux fermés. duire un spectacle et sur lequel on pour - passerelles avec ses voisins du Poche et On va au Lucernaire comme on va au ci - rait aussi bénéficier du fonds de soutien, du Théâtre 13 très actif en matière néma. Mais depuis deux ans, la fréquen - des aides à la création, aux travaux, et sur d’émergence. Benoît Lavigne montera tation dégringole, au risque de mettre en les places pour les jeunes… " Le mécénat lui-même quelques pièces mais il ne danger l’équilibre fragile du lieu compte il y pense mais sans trop d’illusions, "je ne compte pas sur le lieu pour produire son tenu de son statut. Propriété des éditions vois pas pourquoi des entreprises donne - travail. "J’espère continuer à monter des Lharmattan depuis le début des années raient de l'argent à une autre entreprise." pièces à l’Atelier, à la Michodière, au théa - 2000, le Lucernaire ne touche plus Il croit davantage au mécénat des parti - tre de l’Oeuvre et partout où on m’invi - qu’une subvention de 30.000 euros de la culiers qui a déjà permis de refaire les tera" . ville de Paris et ne compte que sur ses loges. Et cet été ils vont réaménager l’en - HC ressources propres pour s’autofinancer. trée en récoltant aussi des fonds privés. Appelé à la rescousse en janvier, Benoît “On va déplacer l’accueil plus près de l’en - Lavigne n’hésite pas. Il connaît bien le trée et le remplacer par la librairie” . Sur - Lucernaire, il y a lui-même monté trois tout, il va revoir la programmation, spectacles il y a une dizaine d’années et réinviter les amis de ses débuts lesquels a vu toute une génération prendre son ont eux-mêmes pris la tête de salles envol en même temps que lui : Clément (David Roussel co-dirige les Béliers avec Michel et David Roussel avec Le Carton , Arthur Jugnot, Stéphanie Tesson est au n Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre- Justine Heynemann, Stéphanie Tesson, Poche Montparnasse, Sébastien Azzo - Dame-des-Champs 75006 Paris Sébastien Azzopardi, Arnaud Denis… ils pardi a repris le Palais-Royal…), des 01 45 44 57 34 ont tous fait leurs armes ici et à peu près jeunes incontournables du théâtre

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E xpo L’Asie et son théâtre 2000 ans de célébrations théâtrales

C’est une exposition tout à fait essentielle n Du Nô à Mata Hari que propose le musée Guimet sur le thème du théâtre en Asie. 2000 ans de théâtre en Asie Ou plutôt des formes de théâtres qui, sur l’ensemble du conti - Musée Guimet, 6 place d’Iéna 75116 Paris nent, riment avec cultes, divinités, religions, traditions. De 01 56 52 53 00, théâtre de divertissement, finalement peu. Un panorama su - jusqu’au 31/08 perbement présenté dans une scénographie mettant en va - leur masques, costumes, marionnettes et accessoires de théâtre de chaque pays.

oici Bali avec le bestiaire du soin sophistiqué apporté à la création fantastique de son Barong de ces costumes, de l’expression des légendaire et ses théâtres masques, des ombres des marionnettes en d’ombres, le Nô, le Kabuki ja - cuir découpé du Cambodge ou articulées V ponais, Pékin et son opéra, de Thaïlande. Ce voyage, au travers d’un l’Inde et son Kathakali… Des arts popu - continent qui chante et danse, se com - laires, religieux, vénérablement codifiés et plète par l’exposition des fameux kimonos conservés par des acteurs aux statuts de paysages contemporains japonais de It - demi-dieux. Revêtus de leurs masques, chiku Kubota, présentés comme en scène peints de maquillages colorés, habillés de pour la première fois en France. costumes sophistiqués, ils incarnent des Oui mais Mata Hari dans tout héros légendaires dans des espaces sou - cela ? Que vient faire l’espionne célèbre, vent dénués de décors. L’acteur de ces fusillée en 1917 dans les fossés du châ -

pièces est plus qu’un comédien, et le visi - teau de Vincennes, au musée Guimet ? r d

teur de cette exposition déambule à leur Danser tout simplement. En 1905, à la @ rencontre comme dans les coulisses de ces demande d’Emile Guimet lui-même, celle formes de théâtres nobles. qui n’était encore que Margaretha Zelle Très tôt, le continent asiatique a joué se produit dans la rotonde de la biblio - son théâtre : 400 ans avant JC, le Natyas - thèque du premier étage et exécute plu - hastra (traité de la danse) expose les fon - sieurs danses védiques qui font courir le dements du théâtre indien, tandis que les Tout-Paris, dans un espace entièrement poèmes du Mahabharata influencent les redécoré en temple indien. Une baya - arts dramatiques de l’Asie du Sud-Est. La dère… Sa légende de courtisane était Chine dès le 1er siècle présente un théâtre née, sous le nom devenu célèbre et signi - religieux de marionnettes, au XIVe siècle fiant “Soleil levant” en malais. C’est sur le japon présentera un théâtre stylisé, le cette reconstitution, dans le lieu même No imprégné de bouddhisme zen, et au de la représentation, que s’achève cette XVIIe siècle verra naître son Kabuki fait de exposition grandiose. chants, de danses et de jeux de scènes. La Propos recueillis par

Chine du XIXe siècle chantera ses fameux François Varlin r d

opéras richement costumés. On est surpris @

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LE SOUPER

au Théâtre de la Madeleine > > SANS RANCUNE au Théâtre du Palais Royal

NELSON au théâtre de la Porte Saint-Martin > >

LE PÈRE à la Comédie des Champs-Elysées

SANS VALENTIN

à la Comédie de Paris > >

POUR COMBIEN TU M’AIMES au Palais des Glaces PAGES CRITIQUES Chaque semaine de nouvelles critiques sur www.theatral-magazine.com r o t c i V

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Les grandes filles La tragédie d’Hamlet Les fausses confidences [ Des vieilles dames indignes ] [ To be or not to bee gees ] [ Et vrais émois] de Stéphane Guérin, avec Judith Magre, Edith de Shakespeare, mise en scène de Dan Jem - de Marivaux, mise en scène de Luc Bondy, Scob, Geneviève Fontanel, Claire Nadeau mett, avec Denis Podalydès... avec Isabelle Huppert, Louis Garrel... Théâtre Montparnasse, 31 rue de la Gaîté, Comédie Française, Place Colette 75001 Odéon, place de l'Odéon 75006 Paris, 01 44 75014 Paris, 01 43 22 77 74, jusqu'au 23/05 Paris, 0825 10 1680, du 5/06 au 26/07 85 40 40, du 15/05 au 27/06 Feuilletant la pièce dans l’Avant-scène Un pub anglais avec bar, juke box, tro - On sait quel soin Luc Bondy apporte à ses théâtre, vous pourrez constater que l’au - phées, piste de danse et toilettes graffitées. mises en scène. Celle-ci n’échappe pas à la teur écrit sans majuscules ni signes de Tel est le décor imaginé par Dan Jemmett règle. Avant même que les spectateurs ponctuation. Le procédé ne date pas d’hier, pour faire évoluer ses personnages aux al - aient fini de s’installer, elle est là, sur scène, Philippe Sollers y avait déjà recours en lures de swiging-london-pop-rock-pattes- à faire du taï-chi dans son dressing de chaus - 1973 dans un roman intitulé H. Seulement d’eph. Fidèle à sa réputation d’anglais sures. Elle, c’est Araminte (Isabelle Huppert), le spectateur de théâtre n’est pas censé lire irrévérencieux, Dan Jemmett livre une mise veuve stylée, apparemment épanouie et mais entendre. Et, les acteurs rétablissant en scène décalée de la tragédie d’ Hamlet . susceptible d’épouser un riche Comte. Mais forcément une ponctuation, cette coquet - Claudius dissimule ses crasses derrière ses l’arrivée de Dorante, un jeune homme ruiné terie d’un modernisme dépassé ne sert à lunettes jaunes de mafieux, la reine Ger - qui se fait engager chez elle parce qu’il rien. D’autant moins qu’elle enrobe ici une trude promène son alcoolisme de ména - l’aime secrètement jette le trouble sur cette écriture très impersonnelle. Voici quatre gère potiche, Ophélie se trémousse apparente sérénité. Tout se complique, femmes qui ne sont plus de première jeu - déguisée en bonbon acidulé et camé, et la s’obscurcit, on intrigue pour qu’elle suc - nesse : en rouge, Mme Xenia (Judith troupe de comédiens qui visite le royaume combe et les murs se resserrent autour d’elle, Magre), la juive. En rose, Mme Zakko (Edith (le pub pardon) sont attifés et coiffés créant des zones d’ombre où tout semblait Scob), témoin de Jéhovah. En turquoise, comme les Bee Gees. Face à cet escadron pourtant si clair. Araminte trouve dans cet Mme Khader (Geneviève Fontanel), musul - de personnages caricaturés, Hamlet – in - amour, qui devient très vite réciproque, la mane. Et Mme Yvonne (Claire Nadeau), terprété par Denis Podalydès - se dresse force d’affirmer son indépendance par delà catho mais aussi lesbienne, ivrogne et aux seul contre tous, tristounet et endeuillé, les conventions sociales et culturelles. trois quarts sourde, en violet. Stéphane trainant sa dégaine janséniste et efflan - Difficile de résister à l’attraction des person - Guérin laisse ces vieilles pies jacasser quée. Il est habité de questions existen - nages entre eux. Dès le début, le charme comme des folles. L’une n’aime pas les foies tielles, il cherche à se venger et à se agit entre Louis Garrel et Isabelle Huppert hachés, l’autre n’a jamais eu de mari, la troi - construire, il cherche à rétablir les fils de la qui se cherchent nerveusement. On sait bien sième a la colique… Aucun ressort drama - transmission et à dénouer ceux de l’amour. qu’ils finiront ensemble mais on adore voir tique, les répliques s’enchaînent les unes Mais malheureusement l’excès de parodie la gêne qui pèse lorsqu’ils se retrouvent seuls aux autres comme de la musique au mètre. efface le vertige métaphysique de la pièce ; ensemble, on adore voir Isabelle Huppert On a du mal à comprendre que Jean-Paul la proposition kitch de Dan Jemmett per - torturée par le doute, manipulée par son Muel, vieux routier du théâtre, ait pu s’in - met sans doute de gagner en légèreté mais valet et fragilisée par l’amour. Même si son téresser à cette ineptie. le trop plein de potacheries noie complète - texte n’est pas toujours totalement audible, Jacques Nerson ment la dimension philosophique de la le personnage d’Araminte prend vie tout en pièce de Shakespeare. finesse et émotions. Un grand Marivaux. Enric Dausset Hélène Chevrier

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La mort de Tintagiles Poésie ? Antigone

[ Sombre est le chemin vers la fin ] [ Luchini, "diseur" professionnel ] [ Deutsch qualitat ] de Maeterlinck, mise en scène Denis Podalydès de et avec Fabrice Luchini de Sophocle, mise en scène Ivo van Hove, Opéra de Massy, 01 60 13 13 13, 5-6/05 Théâtre des Mathurins, 36 rue des Mathu - avec Juliette Binoche.. Bouffes du Nord, 01 46 07 34 50, 12- 28/05 rins 75008 Paris, 01 42 65 90 00, jusqu’au Théâtre de la Ville, 2 pl. du Châtelet 75004 Avec La Mort de Tintagiles , Denis Podaly - 30/6, puis repris du 28/9 au 14/10 Paris, 01 42 74 22 77, jusqu’au 14/05 dès fait le choix de créer un drame sombre Le spectacle de Fabrice Luchini commence Ivo van Hove, metteur en scène belgo-hol - teinté de symbolisme. Celui-ci se déroule comme un strip-tease. Entre une sentence landais dont on a ici vanté la puissance et dans un imaginaire médiéval sordide où de Stendhal - "Le drame avec les poètes c’est la modernité des adaptations, s’est attaqué un enfant curieux et taquin, est emmené que tous les chevaux s’appellent des des - en compagnie de Juliette Binoche à l’An - par sa sœur dans un château étrange. Mal - triers" -, et un extrait du Bateau ivre –"accep - napurna des tragédies grecques, l’ Antigone heureusement, la demeure est habitée par tez de ne pas tout comprendre" - le virtuose de Sophocle. Un drame complexe mêlant une puissante reine qui se nourrit de chair du verbe enlève sa veste de cuir noir, puis de façon quasi inextricable enjeux poli - juvénile. son pull écarlate, avant de remonter les tiques, religieux et familiaux : Antigone De ce spectacle écrit pour marionnettes, manches de sa chemise. Heureusement, il veut faire enterrer son frère Polynice tué Podalydès n’en garde qu’une : l’enfant. La s’arrête là. Il s’installe dans un vieux fauteuil par son autre frère Etéocle, alors que son mise en scène minimaliste laisse peu de de cuir et pose trois ouvrages et sa montre beau-père Créon, roi de Thèbes, a édicté place au mouvement. Tout se déroule sur une petite table. Sans s’arrêter de dire une loi qui refuse une sépulture à celui qui dans un espace noir, peu visible, ce qui a les mots de Rimbaud ou Baudelaire, en tri - a trahi sa ville. La transgression par Anti - pour effet de nous faire entendre l’histoire cotant avec ses doigts. Il a choisi de raconter gone de cette loi lui vaudra la mort. La plus qu’on ne la voit. Cette sensation est son parcours à travers les génies de la litté - pièce est un mélange habile de transposi - entretenue avec l’utilisation de micros par rature. tion scénographique dans une ville les acteurs, coupant ainsi la voix d’émo - Un hommage à son maître, Jean-Laurent contemporaine et de respect du texte et de tions simples. Cochet qui l’a révélé au théâtre, un trait de la trame d’origine. Le travail effectué par L’ombre a tant de place dans les images Guitry, une anecdote sur Louis Jouvet, une Ivo van Hove pour restituer les enjeux sous qu’elle semble éclairer les corps. Sommes- vacherie à Nabilla. Et de nouveau, Fabrice jacents est remarquable : la loi des hommes nous dans un soupirail ? Un souterrain ? La Luchini remet sa montre qu’il a encore ôtée versus la loi des dieux, la place des femmes poésie noire est ainsi soulignée dans sa di - après y avoir jeté un coup d’œil furtif. "Vous versus le rôle des hommes, le destin de l’in - mension magique lorsque dans cet envi - êtes là, 410 âmes, pour un spectacle de poé - dividu dans le collectif, l’amour aux prises ronnement, les personnages se livrent à sie, ce doit être un malentendu" , lance l’ac - avec la raison ou la haine… Tout cela est d’étranges rituels enflammés. teur à la salle qui compte de nombreux parfaitement maîtrisé dans une mise en On regrettera cependant l’ajout du poème admirateurs. Il remercie le public pour la scène et un jeu d’acteur au cordeau ; et Ju - Pour un tombeau d’Anatole de Mallarmé en qualité de son écoute et, debout, jambes liette dans un pur accent british est au dia - introduction qui, bien que traitant aussi de écartées imite Johnny Hallyday. A travers pason. Deutsch qualitat ! mais l’on aurait la mort d’un enfant, rend l’entrée dans le ce spectacle de haute volée, Fabrice Luchini aimé que l’ensemble soit moins lisse, moins sujet plus difficile. Ce spectacle lent, où répond à la définition de Paul Valéry qui élégamment ficelé pour que la tragédie chaque geste compte, n’a pas besoin d’être voit le comédien comme un " diseur profes - puisse vraiment nous transporter parmi les davantage alourdi. sionnel" . Que je t’aime, que je t’aime…. dieux et nous prendre aux entrailles. Hadrien Volle Nathalie Simon Enric Dausset

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Ancien malade Open space Innocence

[ Docteur Catastrophe ] [ La vie de bureau ] [ De l’insoutenable complexité de l’âme humaine ] de Daniel Pennac, avec Olivier Saladin Conception et mise en scène Mathilda May de Dea Loher, mise en scène de Denis Marleau Théâtre de l'Atelier, Place Charles Dullin Théâtre de Paris 15 rue Blanche 75009 Paris, Comédie-Française,1 place Colette 75001 75018 Paris, 01 46 06 49 24, jusqu'au 6/06 01 48 74 25 37, du 7/05 au 12/07 Paris, 0825 10 1680, jusqu’au 1/07 Daniel Pennac aime tellement le théâtre Mathilda May écrivait des pièces dialo - Ils sont absolument innocents et pourtant qu'il se transforme parfois en acteur pour guées. Elle écrit aussi du théâtre sans texte, ils se sentent tellement coupables. C’est jouer lui-même ses textes. Mais ce "mono - fait d’ images burlesques, une symphonie ainsi que comparaissent les personnages logue gesticulatoire", il l'a confié au met - de gestes et gags. C’est le monde du travail, de la pièce de Dea Loher face au public. Ils teur en scène Benjamin Guillard et au du bureau qui l’inspire. Dans cet “open crèvent de culpabilité de ne pas avoir porté comédien Olivier Saladin. Il a bien fait. Qui space”, c’est-à-dire une pièce sans cloison - secours à une noyée, d’avoir donné la vie à mieux que Saladin, ex-Deschiens, pouvait nement, des employés font leur travail quo - un meurtrier, de ne pas éprouver de com - jouer ce récit d'un docteur aussi ambitieux tidien : arrivée du courrier, déplacement passion face à la mort de patients… Cha - que maladroit qui, faisant ses débuts au des archives, réponses au téléphone, cun essaye de compenser sa souffrance en service des urgences, voit arriver des ma - frappes sur les ordinateurs... Les actions réorganisant sa vie autour du sacrifice. lades aux maux les plus indéchiffrables et sont comiquement monotones mais sou - Pour rien. C’est un poison auquel personne émet les diagnostics les plus hasardeux ? vent interrompues par de petits événe - ne survit, puisque Dea Loher nous explique Tout est en folie au CHU Postel-Couperin : ments inattendus. Tout le monde se met à qu’on ne réécrit pas le passé et qu’on dé - les patients, le médecin et le personnel changer de place. Une secrétaire a un cide à peine de son propre avenir… médical. La panique durera un certain accès de nymphomanie. Le coursier a des Les histoires se croisent, s’interrompent, se nombre d'années, jusqu'à ce que plus per - moments et des mouvements facétieux. reprennent, à un moment, on sent qu’on sonne ne puisse plus supporter les avanies Des clients ou des partenaires entrent dans tient les pièces d’un puzzle qui va se résou - en cascade et que le toubib gaffeur rende le bureau. Surtout le chef vient faire régner dre. Malheureusement, les intrigues res - son tablier. Pennac a-t-il des comptes à l’ordre, avec sa fureur de petit chef... tent trop profondément psychologiques et rendre avec l'Assistance publique et la mé - Mathila May s’inscrit ici dans la tradition ne se répondent les unes aux autres que de decine française ? Ou veut-il juste s'amuser de Tati, Etaix, Cotillard, Deschamps. L’at - façon énigmatique, perdant et lassant le pour rire de la maladie, de la mort et de tention et la tension se relâchent un peu spectateur. L’action s’enlise et la mise en nous tous face à la fragilité du corps ? Ce sur la fin, malgré la présence d’un ange et scène n’arrange rien en figeant les person - qui est certain, c'est qu'on rit constam - de la mort. Le spectacle a dû se resserrer nages dans un coin d’une grande boîte ment en compagnie de Saladin, grand depuis sa création au Rond-Point. De toute blanche d’où ils s’animent quand c’est leur pitre disant la savoureuse tragi-comédie façon, l’on rit beaucoup. Mathilda May, qui tour de se confier éclairés par des projec - de Pennac avec l'air impuissant et endormi ne joue pas dans son spectacle (mais on teurs. L’idée semble juste mais sa réalisa - du chien Snoopy. entend sa voix interpréter les chansons de tion sans force : ça ne démarre jamais et on Gilles Costaz sa composition), dénonce l'étroitesse d'es - éprouve un sentiment d’incohérence géné - prit et la routine du salariat. Une ven - rale d’autant plus fort que les acteurs sont geance à savourer en sortant du bureau. techniquement excellents : un peu comme Gilles Costaz une horlogerie très sophistiquée à laquelle on ne comprendrait rien. Hélène Chevrier

80 Théâtral magazine Mai - Juin 2015 S U O ABONNEZ V Théâtral 25 euros magazine

L’actualité de la création théâtrale nouvelle formule Juliette BINOCHE 1 an celle qui dit Non

Ivo van Hove Denis Podalydès Stanislas Nordey Alain Françon Sophie Perez Arthur Nauzyciel Isabelle Gélinas Julien Gosselin Frédéric Bélier-Garcia Marcel Bozonnet Jean-François Peyret Sidi Larbi Cherkaoui Jan Martens Les mécènes ENQUÊTE Josiane Balasko du théâtre

DOSSIER : Le théâtre en pleine SCIENCE-FICTION E M 02434 - 51 - F: 4,60 - RD Théâtral magazine n 52 MARS - AVRIL 2015 ° 3’:HIKMOD=YUY[UV:?a@k@p@b@a"; sur www.theatral-magazine.com : - les critiques chaque semaine Votre magazine, tous les 2 mois - les coups de coeur chaque mois dans votre boîte aux lettres - le magazine en version numérique

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par Jacques NERSON

Ils sont fous, ces Molières !

Ils sont fous, ces Molières ! Quelle imprudence de à Laurent Lafitte et Nicolas Bedos qui l’ont l’un et l’au - prêter une fois encore le flanc à la critique quand tre présentée avec beaucoup d’humour. Quant au on mis si longtemps à se faire admettre dans le palmarès, je peux d’autant moins en parler qu’à monde de théâtre ! l’heure où j’écris, les heureux gagnants ne sont pas encore connus. Il y aura bientôt trente ans que les Molières, imités des Tony Awards étatsuniens, ont vu le jour. C’était C’est la constitution du jury du premier tour du scrutin en 1987. Ils ont aussitôt suscité la polémique. Le que je trouve saumâtre, et je ne suis pas le seul. De - théâtre public s’estimait sous-représenté, accusait le puis le début des Molières, la composition du collège privé de se tailler la part du lion. Certains artistes, électoral demeure mystérieuse. On ne sait ni qui parmi lesquels Antoine Vitez, trouvaient que la cé - coopte qui, ni selon quels critères. Cette année, c’est rémonie offrait de leur métier une image dévoyée et le summum. Sous la houlette de Jean-Marc Dumon - dégradante. D’autres croyaient être revenus à tet, désormais président du bureau de l’association l’école, au temps des distributions de prix, des fêtes des Molières, un petit cénacle composé pour l’essen - de fin d’année, et jugeaient impossible, à moins de tiel de directeurs de théâtre, de producteurs et de les voir jouer le même rôle, de comparer un acteur à tourneurs, s’est réparti les parts du gâteau. Pourquoi, un autre. Désigner le meilleur comédien de l’année dans la catégorie Révélation féminine, le nom de était, à les en croire, une absurdité. En outre, cette telle comédienne est-il sorti du chapeau ? Parce ce renaissance de l’esprit de compétition, vivement qu’elle a du talent ou qu’elle est la compagne d’un contesté dans les années qui ont suivi Mai-1968, in - membre du Conseil d’Administration des Molières ? quiétait. Obtenir la suppression du concours de sor - Voici jeté sur les Molières un soupçon de copinage. tie du Conservatoire avait été un combat de longue Certains acteurs appellent à les boycotter : “Les direc - haleine. Et voilà que bons points et médailles en cho - teurs ont été seuls à voter, écrivent-ils, ils devraient colat étaient de nouveau de la partie… être le seul public de la cérémonie.”

A présent, les Molières ont obtenu leur permis de sé - Tant qu’un minimum de déontologie ne clarifiera pas jour. Personne ne conteste leur utilité. On sait qu’un leur fonctionnement, les Molières resteront une as - acteur lauréat ou simplement “nominé” voit sa cote sociation, non pas de malfaiteurs, n’exagérons rien, s’envoler. Et qu’un spectacle moliérisé connaît parfois mais de professionnels du renvoi d’ascenseur. Tout ça un second souffle. Si le principe semble acquis, res - n’est pas reluisant. tent les questions que pose le fonctionnement de l’institution. Je ne vise pas la cérémonie. Depuis quelques années, elle s’est beaucoup améliorée grâce

82 Théâtral magazine Mai - Juin 2015