Découverte des Maldives David TOUITOU

Nous rêvions depuis longtemps de tremper nos palmes «raisonnable». Le lagon le plus grand que j’avais repéré sur la aux Maldives. Nous sommes partis, ma femme et moi sur l’île vue satellite et qui me semblait pourtant le plus prometteur, d’Helengeli (île déjà mentionnée par Gérard Vatel dans le était in fine le plus pauvre ! Les coraux y sont en grande partie XENO n°127) au mois de juillet 2017 pour un séjour de 9 jours morts et aucune vie n’a été rencontrée sous les blocs de corail (voyage compris). L’île se situe au nord-est de l’atoll de Malé. mort. Pas un seul cône malacophage présent ! C’est une île-hôtel de petite taille qui se situe en plein milieu d’une passe. Nous avons donc passé nos vacances subaquatiques à fouiller le même petit lagon et son récif. Malgré le fait que nous étions juste à côté de la passe, il nous était impossible de nous y faire transporter. Interdit aussi d’y aller en kayak. Il faut comprendre que l’île est constamment surveillée par des «gardes-nageurs» qui sifflent les nageurs qui s’éloignent des zones autorisées... Vous imaginez qu’on a été sifflés plus d’une fois ! Cela ne me choque pas car 90% des touristes présents (pour la moitié provenant de Chine) n’avaient jamais mis un masque ! Donc toute la journée vous avez des novices qui longent les récifs, côté pente externe, avec parfois un courant assez fort... Il y a de quoi être inquiet !

Nous avons visité la pente externe entre 5 et 15 mètres de profondeur. J’espérais à chaque apnée trouver un Les Maldives : Le rêve ! spécimen «fresh dead» qui pourrait sortir de l’ordinaire. Au final je n’ai rencontré que des débris de Conus (Darioconus) L’hôtel Oblu byAtmosphere est vraiment très bien. Les auricomus Hwass in Bruguière, 1792, un spécimen vivant bungalows sont très spacieux et la restauration sous forme de de Conus (Rhizoconus) mustelinus Hwass in Bruguière, 1792 buffet est vraiment excellente et très variée. Les plages sont en train de se promener sur le sable en fin d’après-midi (mon nettoyées chaque jour. On peut déplorer une chose, c’est que premier !) et quatre tigris Linnaeus, 1758 dont une de le lagon ne soit pas nettoyé car il y a souvent des canettes, mort récente ! J’ai été surpris de découvrir que l’habitat des des morceaux de métal rouillé etc... un comble pour une île porcelaines tigris se trouvait sur la pente externe d’Helengeli dédiée au «snorkeling» ! A noter que des travaux avaient lieu et non dans l’espace lagonaire. à la fin de notre séjour au niveau du ponton, un énorme engin de chantier à chenilles faisait des allers-retours sur le récif... je Passons maintenant au lagon. Le lagon était assez riche vous dis pas les dégâts ! comparativement aux autres zones, mais il était nettement plus pauvre que ceux que j’ai pu visiter aux . Nous avons été surpris par l’absence des porcelaines communes. Nous n’avons trouvé qu’une seule Monetaria moneta (Linnaeus, 1758) ainsi qu’une seule Erosaria helvola (Linnaeus, 1758) vivantes durant tout le séjour ! Pas de présence de Monetaria annulus (Linnaeus, 1758), même pas un seul spécimen mort... En fait, chez les porcelaines, nous ne rencontrions pratiquement jamais deux fois la même espèce lors de nos prospections ! On pourrait dire qu’il n’y a pas d’espèce vraiment commune sur Helengeli chez les .

En ce qui concerne les CONIDAE, c’est différent : nous avons rencontré assez peu d’espèces différentes vivantes sur la trentaine d’espèces répertoriées au total. Mais certaines Engin de chantier évoluant sur le récif barrière étaient assez communes et nous les avons croisées à chaque sortie ou presque. J’ai été surpris de trouver Conus (Leporico- Je n’ai pas fait de plongée sous-marine, les tarifs nus) coffeae Gmelin, 1791, une espèce que ne je n’avais plus étaient prohibitifs : plus de 100 USD par plongée du bord et rencontrée depuis mon séjour en Polynésie. Nicole a récolté 12 USD de plus pour partir avec le bateau...honteux. un énorme Conus (Tesselliconus) eburneus Hwass in Bruguière, 1792 mort mais en bon état, bien plus gros que tous ceux que Nous avons rapidement visité les différents récifs et j’avais vu en Polynésie Française. Nous n’avons pas trouvé lagons de l’île à raison de 6h de PMT par jour en moyenne. Le de Conus (Cylinder) textile Linnaeus, 1758. constat a été sans appel : un seul des trois lagons abritait des mollusques... En effet, seul le lagon de la côte sous le vent nous Nous n’avons vu aucune olive (même pas un a permis de rencontrer des coquillages vivants en quantité morceau) et très peu de térèbres. Un seul membre du

XENOPHORA 160  1 genre Chicoreus chez les MURICIDAE. Par contre de très nom- Son habitat est très comparable à celui de Conus (Ste- breux lambis étaient présents. phanoconus) imperialis Linnaeus, 1758 (que nous n’avons pas trouvé sur Helengeli). Les espèces sont assez proches au final Le lagon recelait de très nombreuses coquilles vides dans leur façon de se camoufler. En effet, ce sont des espèces et/ou habitées par des pagures. J’ai rarement vu autant de dont la coquille est vite concrétionnée, rendant très difficile coquillages morts sur une zone aussi restreinte, dont une son repérage depuis la surface. quantité importante de coquilles en très bon état, ce qui était Ce sont des cônes que l’on trouve en nageant très lentement une bonne chose pour nous ! au-dessus du fond afin de détecter la forme du cône. En cher- chant spécifiquement cette espèce, on pouvait en compter 1 à Je m’étais fixé comme but la découverte de deux 2 spécimens par heure. C’est en cherchant Conus zonatus que espèces de CONIDAE qui me tenaient à cœur : Conus penna- nous avons observé Conus (Virgiconus) emaciatus Reeve, 1849 ceus f. ganensis Delsaerdt, 1988 et Conus (Stephanoconus) vivant, souvent mêlé également aux débris coralliens. Le seul zonatus Hwass in Bruguière, 1792 (si rare aux Seychelles). Nous spécimen de Conus zonatus qui a bien voulu se déplacer après avons été comblés ! avoir été dérangé, avançait par a coups de de façon très, très lente, probablement afin d’éviter de se faire repérer. On peut Conus pennaceus f. ganensis Delsaerdt, 1988 aussi noter que la coquille est très souvent abîmée avec de grosses cicatrices. Pour l’anecdote, c’est le premier cône vivant que j’ai rencontré lors de notre première mise à l’eau... quel choc ! Au final, un magnifique voyage, qui nous laisse un peu sur notre faim d’un point de vue malacologique, surtout après Conus pennaceus f. ganensis est clairement l’espèce avoir lu et relu les articles de Jean-Paul et Monica Lacroix parus malacophage dominante suivie de près par Conus (Cylinder) dans le XENOPHORA ! C’est certain, il faudra y retourner et en canonicus Hwass in Bruguière, 1792. Conus (Darioconus) profiter pour faire un combiné de deux îles ! episcopatus da Motta, 1982 était présent mais nous n›avons malheureusement pas rencontré de spécimen vivant. Nous avons dressé ci-dessous la liste des espèces de Chaque zone géographique a toujours une espèce malacophage CONIDAE et de CYPRAEIDAE rencontrés dominante. Aux Seychelles et à Mayotte, c’est Conus canoni- dans le lagon, sur les récif, sur la pente externe (5-15m) ainsi cus suivi de Conus episcopatus. En Polynésie et en Nouvelle- que sur la plage. Calédonie c’est clairement Conus (Cylinder) textile Linnaeus, 1758 qui domine (suivi par Conus canonicus en PF). CYPRAEIDAE (28) Classées en fonction du nombre de spéci- mens découverts Les spécimens rencontrés étaient tous d’une taille comprise entre 40 mm et 55 mm, ce qui donnait un ensemble Cela peut donner une idée de relative rareté sur cette zone assez homogène, presque calibré car la plupart des spécimens très restreinte. adultes avaient pratiquement tous la même taille. L’espèce était plutôt commune dans notre petit lagon aux eaux Erosaria erosa (Linnaeus, 1758) - plus de trois vivantes calmes (dans les autres lagons nous n’en avons trouvé qu’un Lyncina carneola (Linnaeus, 1758) - plus de trois vivantes seul !) . Ce cône vit ensablé sous les morceaux de corail mort Luria isabella (Linnaeus, 1758) - plus de trois vivantes comme nombre de CONIDAE. Il partage son habitat avec Conus Mauritia histrio (Gmelin, 1791) - plus de trois vivantes canonicus et j’ai par deux fois rencontré un spécimen de chaque Purpuradusta fimbriata (Gmelin, 1791) - trois vivantes espèce sous le même corail mort. L’espèce est peu farouche et Talparia talpa (Linnaeus, 1758) - plus de trois vivantes progresse rapidement sur le substrat rocheux ou sableux. La spire peut être pratiquement plate ou peu élevée. Les spéci- Cypraea tigris Linnaeus, 1758 - trois vivantes mens sont finalement assez proches de ceux que j’ai rencontré Erronea caurica (Linnaeus, 1758) - deux vivantes aux Seychelles (motifs, spire, , mœurs). Seules la taille Lyncina leviathan Schilder & Schilder, 1937 - deux vivantes (qui est plus importante aux Seychelles), et la rareté (l’espèce est plus rare aux Seychelles) sont différentes. Bistolida hirundo (Linnaeus, 1758) - une vivante Erosaria poraria (Linnaeus, 1758) - une vivante Conus (Stephanoconus) zonatus Hwass in Bruguière, 1792 Erosaria helvola (Linnaeus, 1758) - une vivante Lyncina lynx (Linnaeus, 1758) - une vivante Voilà une espèce que j’ai en vain cherchée aux Sey- Mauritia scurra (Gmelin, 1791) - une vivante chelles. Nous n’avions pas vraiment d’idée sur son habitat aux Monetaria moneta (Linnaeus, 1758) - une vivante Maldives. Le premier jour, j’en ai découvert un, par hasard, Palmadusta asellus (Linnaeus, 1758) - une vivante dans le lagon en retournant une plaque de corail mort, il était posé à côté. C’est Nicole qui repérera les spécimens suivants, Arestorides argus (Linnaeus, 1758) - morte toujours dans le lagon, dans des zones détritiques où le fond Bistolida kieneri (Hidalgo, 1906) - morte est jonché de petits coraux morts. Ils étaient enfouis et seule Cribrarula cribraria (Linnaeus, 1758) - morte une partie de la spire émergeait su sable (une spécialité de ma Erosaria gangranosa (Dillwyn, 1817) - morte femme : détecter les spires des cônes qui émergent du sable). Lyncina vitellus (Linnaeus, 1758) - morte Dans le même habitat nous avons aussi trouvé des spécimens Mauritia depressa (J.E. Gray, 1824) - morte non ensablés, posés au milieu des débris. Un spécimen a été Monetaria caputserpentis (Linnaeus, 1758) - morte trouvé sur le sommet du récif barrière caché dans une anfrac- Nucleolaria nucleus (Linnaeus, 1758) - morte tuosité. Pustularia bistrinotata Schilder & Schilder, 1937 - morte

2  XENOPHORA 160 Pustularia globulus (Linnaeus, 1758) - morte staphylaea (Linnaeus, 1758) - morte Talostolida teres (Gmelin, 1791) - morte

CONIDAE (35) Classées en fonction du nombre de spécimens découverts

Par simplification, le genre Conus a été utilisé pour cette liste.

Espèces trouvées vivantes :

Conus (Puncticulis) arenatus Hwass in Bruguière, 1792 Conus (Virroconus) aristophanes G. B. Sowerby II, 1857 Conus (Cylinder) canonicus Linnaeus, 1758 Conus (Virroconus) chaldaeus (Röding, 1798) Conus (Virroconus) coronatus Gmelin, 1791 Conus (Virroconus) ebraeus Linnaeus, 1758 ou Conus (Virroconus) judaeus Bergh, 1895 Conus (Fraterconus) distans Hwass in Bruguière, 1792 Conus (Virgiconus) emaciatus Reeve, 1849 Conus (Virgiconus) flavidus Lamarck, 1810 Conus (Virgiconus) frigidus Reeve, 1848 Conus pennaceus f. ganensis typique, 47.3 mm Conus (Lithoconus) leopardus (Röding, 1798) Conus (Strategoconus) litoglyphus Hwass in Bruguière, 1792 Conus (Lividoconus) lividus Hwass in Bruguière, 1792 Conus (Rhizoconus) miles Linnaeus, 1758 Conus (Harmoniconus) musicus Hwass in Bruguière, 1792 (f. ceylanensis) Conus (Rhizoconus) mustelinus Hwass in Bruguière, 1792 Conus (Harmoniconus) parvatus Walls, 1979 Conus (Darioconus) pennaceus Born, 1778 (f. ganensis) Conus (Rhizoconus) rattus Hwass in Bruguière, 1792 Conus (Pionoconus) striatus (Linnaeus, 1758) Conus (Stephanoconus) zonatus Hwass in Bruguière, 1792

Espèces trouvées mortes : Conus (Darioconus) auricomus Hwass in Bruguière, 1792 Conus (Floraconus) balteatus G. B. Sowerby I, 1833 Conus (Conus) bandanus Hwass in Bruguière, 1792 Conus (Rhizoconus) capitaneus Linnaeus, 1758 Conus (Pionoconus) catus Hwass in Bruguière, 1792 Le gros Conus eburneus, 52,0 mm Conus (Leporiconus) coffeae Gmelin, 1791 Conus (Tesselliconus) eburneus Hwass in Bruguière, 1792 Conus (Darioconus) episcopatus da Motta, 1982 Conus (Gastridium) geographus Linnaeus, 1758 Conus (Leporiconus) glans Hwass in Bruguière, 1792 Conus (Hermes) nussatella Linnaeus, 1758 Conus (Gastridium) tulipa Linnaeus, 1758 Conus (Strategoconus) varius Linnaeus, 1758 Conus (Rhizoconus) vexillum Gmelin, 1791

Conus zonatus, sans cicatrice, 44.5 mm

XENOPHORA 160  3 Conus distans, le camouflage parfait. Conus pennaceus f. ganensis

Cyparea talpa et son superbe manteau. Conus arenatus dévorant un vers de sable

Conus pennaceus f. ganensis Un baliste qui fouillait avec nous

Conus pennaceus f. ganensis Le seul Chicoreus découvert !

4  XENOPHORA 160 L’ouverture typique de E. caurica dracaena Un gros spécimen mort de Conus pennaceus

Des poissons si colorés ! Et parfois très nombreux...

Conus zonatus dans son habitat (récif) Trois Conus zonatus à côté de C. distans

Conus zonatus timide, en déplacement lent Important : l’étude de la laisse de mer

XENOPHORA 160  5 Erronea caurica dracaena et son manteau Bistolida hirundo en balade

“ganensis” et Conus canonicus sous la même plaque. Un “ganensis” aux motifs sublimes

Les motifs délicats de Conus zonatus Un des rares nudibranches rencontrés

Harpago chiragra, une espèce commune Le regard curieux de Lentigo lentiginosus

6  XENOPHORA 160