Le patrimoine industriel en Basse-Normandie Mémoire et industrie, un passé de plus en plus présent Pierre schmit, directeur du Centre Régional de culture ethnologique et technique (Crécet), ethnologue régional auprès de la DRAC de Basse-Normandie Nathalie Lemarchand, ethnologue, chargée de mission au Crécet

L’élargissement de la notion de origine en Bretagne, région qui ras- patrimoine culturel à partir des semble la plus large communauté années 70, consacrée en 1980 avec maritime du pays. Le patrimoine «l’année du patrimoine», s’est industriel apparaît au cours des accompagné par l’affirmation de années soixante-dix, à la suite de la catégories particulières, issues de crise économique et sociale durable disciplines scientifiques telles que qui marque cette décennie. Après l’archéologie ou l’ethnologie ou dési- plus de trois décennies d’implica- gnées par un champ thématique plus ou moins large : patrimoine rural, industriel, maritime… Ces derniers résultent d’interactions complexes et évolutives entre connaissances scientifiques, conservation à des fins de transmission, quête de mémoire, affirmation d’identité locale ou pro- fessionnelle. Ils deviennent parfois supports de valeurs liées à la socia- bilité, à l’environnement, à la qualité de vie… Ce sont les profondes muta- Coulée d’une cloche, Villedieu-les-Poêles tions de la société française dans la seconde partie du XXème siècle qui en suscitent l’émergence. C’est ainsi tions patrimoniales sur les milieux que la notion de patrimoine rural industriels en Basse-Normandie, un s’affirme à partir des années cin- regard rétrospectif peut être engagé quante, celle de patrimoine maritime sur les spécificités et les conditions au tournant des années quatre- d’émergence de ce mouvement, la vingt, assez tardivement en nature des actions engagées, l’ap- par rapport à des pays comme la propriation des différents acteurs et Grande-Bretagne ou les Pays-bas et la perception des publics. ce n’est pas un hasard s’il trouve son

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Le patrimoine industriel comprend ble des champs patrimoniaux. Pour l’ensemble des éléments matériels autant, le patrimoine industriel n’est ou immatériels liés aux activités pas dépourvu de particularismes sus- humaines qui ont été développées ceptibles, parfois, de générer des dans le passé, récent ou plus loin- attentes différenciées, des compor- tain, en relation avec les ressources tements et des approches spécifi- et le milieu industriel. Ils sont recon- ques. Avant de procéder à une ana- nus par les groupes sociaux, à diffé- lyse du patrimoine industriel en rentes échelles géographiques, Basse-Normandie, il convient de rap- comme étant leur héritage propre, peler que ce patrimoine est, quelle en totalité ou en partie constitutifs que soit sa dimension matérielle ou de leur identité, et par voie de immatérielle, avant tout un héritage conséquence comme étant dignes qui ne peut s’analyser qu’au regard d’être transmis aux générations qui de l’histoire de l’activité et de la leur succéderont. Cette définition, société industrielles bas-normandes. large, pourrait s’appliquer à l’ensem-

La Basse-Normandie, un passé industriel méconnu

bocage, habitat en pan de bois, stations balnéaires, et fromages sont autant de clichés qui carac- térisent couramment la Basse-Normandie (Calvados, Manche, Orne). Pourtant, pour avoir su tirer profit d’abondantes ressources géologiques, Fonderie Cornille-Havard, Villedieu-les-Poêles hydrauliques et forestières, la région s’est aussi dotée, Parfois ignorées, souvent peu précocement, d’un impor- connues, la fonction et les spécifici- tant tissu industriel. tés industrielles de la Basse- Normandie souffrent d’une image La Basse-normandie connut dès reposant principalement sur les acti- l’Ancien Régime des activités «proto- vités agricoles et sur un mode de vie industrielles» issues de l’artisanat. empreint de ruralité ou de balnéaire. Les marchands-fabricants ont fait Prairies plantées de pommiers, travailler des dizaines de milliers de champs où paissent les vaches, paysans-ouvriers dans des secteurs

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début du XIXe siècle dans les vallées bocagères, notamment le long des vallées de la Vère et du Noireau afin de disposer des cours d’eau comme source d’énergie. Les implantations les plus anciennes sont le tissage du coton à Flers et Condé-sur-Noireau et la confection de dentelles à Alençon. Et les filatures situées dans les vallées Tinchebray, région de la quincaillerie et de la ferronerie © Crécet/ Monique Lechêne continuent à fournir du travail à domi- cile pour les ruraux. La crise coton- comme le textile. D’autres activités nière du début des années 1860 a mis ont été très présentes dans la région, à mal un grand nombre d’établisse- notamment autour de la métallurgie ments. Pour faire face à la concur- tels que le travail du cuivre dans la rence, les usines quittent les vallées région de Villedieu, la coutellerie et la pour se rapprocher des villes. Les taillanderie près de Sourdeval, la quin- campagnes se désindustrialisent, le caillerie et la ferronerie à Tinchebray travail à domicile en milieu rural et ses environs, la tréfilerie et l’épin- décline. Malheureusement, malgré les glerie dans la vallée de la Risle près de efforts tentés pour suivre les évolu- l’Aigle. De plus, nombre de ses activi- tions techniques, l’industrie textile, tés ont favorisé un fort développe- faute d’investissements suffisants, ment de l’énergie hydraulique. Vers sera incapable d’entrer en véritable 1830, on ne dénombrait pas moins de concurrence avec des régions comme 1250 moulins, dans le seul départe- celles du Nord. ment de la Manche. Dès le XIXème siè- cle, avec la méca- nisation, la région connaît une cer- taine prospérité. Des ateliers et des usines se concen- trent dans les val- lées. L’industrie textile et de l’habil- lement de la région, basée sur le coton, s’est déve- loppée dès le Moulinex, les ateliers. Alençon © association Moulinex Jean Mantelet

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Au début du XXe siècle, elle est très méditerranéenne, dans des zones loin d’avoir compensé les pertes jusqu’ici très peu industrialisées. De d’emploi de l’espace rural. ce fait, elles nécessitent la construc- Désindustrialisation des campagnes tion de cités, isolats d’où émergent et exode rural vont alors de pair. peu à peu des groupes profession- Sans éviter le fort recul des bas-nor- nels, des sociétés partageant une mands dans la hiérarchie des dépar- culture commune. tements industriels, se mettent en Dans l’Entre-deux-guerres, l’industrie place toutefois de nouvelles activi- régionale issue des structures héri- tés : agro-alimentaire un peu par- tées du siècle passé s’essouffle. tout, production chimique à Hormis et Cherbourg, l’ensem-

Dernier défilé syndical dans l’usine SMN. Mondeville, 1993 © Stéphane Valognes

Granville, arsenal, constructions ble de cités industrieuses vivotent et navales et mécaniques à Cherbourg, la diversification de l’activité tant extraction minière des gisements attendue peine à voir le jour. ferreux et usines sidérurgiques dans Quelques décentralisations ont le Calvados (Caen, Dives-sur-mer). cependant un impact positif dans Ces dernières s’implantent, en l’Orne avec notamment Ferodo qui grande partie grâce à des capitaux absorbe en 1927 «L’Amiante de étrangers, avec un recours impor- Condé» et Moulinex qui s’implante à tant à une main d’œuvre étrangère Alençon. En 1937, Jean Mantelet originaire de l’Europe de l’Est et s’installe à Alençon et y crée la

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Société Moulin-Légumes qui devien- prises de textile et de confection dra Moulinex en 1957. Le fondateur vinrent s’installer notamment dans de Moulinex a choisi d’implanter ses les pôles ruraux et le rural isolé. Il en autres sites de production dans les a été de même pour l’industrie du plus grandes villes de la région bois et du papier et surtout de (Cormelles-le-Royal et l’agroalimentaire profitant en cela de près de Caen, , Argentan, la proximité de la production pri- Saint-Lô, Granville), plutôt qu’en maire. En même temps, des indus- milieu rural (à l’exception du site de tries moins traditionnelles se sont Falaise sur l’axe routier de Caen- implantées en agglomération grâce à Argentan et de Domfront). un mouvement de déconcentration L’équipement du foyer a été pendant et de décentralisation soutenu par longtemps un secteur phare dans ces les politiques gouvernementales zones d’emploi. Ces créations ne doi- d’aménagement du territoire basées vent pas masquer certaines dispari- sur des aides à l’installation : primes tions comme celles des chantiers à la localisation, aides au transfert de navals de Blainville-sur-Orne (en technologies,… Les principaux exem- 1937 et en 1954) ou les difficultés ples en sont la Saviem (aujourd’hui de la sidérurgie et l’évolution chaoti- Renault Trucks) en 1956 sur l’ancien que des mines de fer. site des chantiers navals à Blainville- Ruinée par la Seconde guerre mon- sur-Orne, Philips à Caen en 1957 et diale, l’activité industrielle régionale Citröen en 1963 à Cormelles-le- ne reprendra vigueur qu’à partir des Royal. Les activités de retraitement années cinquante, en grande partie des combustibles radioactifs s’im- sous l’impulsion du redéploiement plantent dans le Nord-Cotentin avec industriel national ou de la politique la COGÉMA. Cette décentralisation a énergétique d’État avec la «nucléarisa- également impulsé une modification tion» du Nord-Cotentin. L’automobile, des structures économiques avec la l’électroménager utilisent les ressour- multiplication des grands établisse- ces de main d’œuvre, notamment ments, le développement des indus- féminine, issue du nouvel exode rural tries des biens d’équipement et de la désormais accentué par les rapides sous-traitance. mutations de l’agriculture. Parallèlement aux gros établisse- Plus tard, dans les années cinquante ments de la métallurgie, de la et soixante, de nombreuses entrepri- construction mécanique, de l’auto- ses se sont établies en milieu rural, mobile, des constructions électri- notamment des unités spécialisées ques et de l’industrie laitière, beau- dans le textile et la confection. En coup de petites entreprises dont une plein essor dans les années 1950- partie dans la sous-traitance se sont 1960 et bénéficiant d’un mouve- développées complétant ainsi le pay- ment de décentralisation, des entre- sage industriel régional.

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Mais avec le premier choc pétrolier 2001 sur les sites de Cormelles-Le- (1973), l’activité industrielle a connu Royal et d'Alençon. une rupture dans son expansion jusqu’alors continue. On a assisté Cette nouvelle industrialisation qui dès lors à une baisse des effectifs, s’appuie de moins en moins sur des toutefois plus tardivement en Basse- ressources locales et dont les cen- Normandie qu’ailleurs. La morosité tres de décision sont souvent exter- de la conjoncture observée entre nes à la région est cependant fragile. 1993 et 1997 a fait chuter le nom- En témoignent les soubresauts de bre d’établissements industriels de l’activité marquée ces deux dernières toutes tailles et a affecté plus parti- décennies par la fin des dernières usi- culièrement les grands établisse- nes textiles, la fermeture définitive ments de plus de 200 salariés qui ont des puits de mines et des sites sidé- perdu 14 unités de production, soit rurgiques et la disparition de l’en- par disparition, soit par contractions semble des usines Moulinex (plus de d’effectif. Parmi eux, on peut dési- 7000 emplois directs concernés) gner Unimétal Normandie (ex SMN), dont les conséquences économiques établissement industriel hautement et sociales se feront sentir durable- symbolique pour la Basse-Normandie. ment. La région cherche toujours Le phénomène d’externalisation aujourd’hui la diversification de ses d’une partie des activités industriel- activités industrielles. C’est ainsi que les a également contribué à la dimi- pendant que des restructurations nution des effectifs de l’industrie. frappent les grandes entreprises C'est le cas pour le secteur textile situées en agglomération, les PMI qui est depuis les années soixante- spécialisées dans des secteurs por- dix en fort déclin. Cependant, il reste teurs (comme notamment l’électro- implanté dans son bassin d’origine de nique et la plasturgie) et installées Flers avec notamment le textile et la dans des communes de faible à confection (Filix Latex à Condé-sur- moyenne importance, voient leurs Noireau et Odon Delcroix près de effectifs s’accroître. Les points forts Flers) et le cuir (Norbert Moche 30 à de l’industrie bas-normande sont La Ferté-Macé). aujourd’hui l’agroalimentaire (Pays d’Auge, Bessin et Cotentin), la On estime que 21000 emplois indus- construction électrique et mécani- triels ont ainsi disparu en Basse- que, la plasturgie, la pharmaco-chi- Normandie sur une vingtaine d’an- mie et le nucléaire (centrale de nées. Les mouvements les plus spec- Flamanville et usine de retraitement taculaires concernent principalement de La Hague, dans la Manche). des entreprises de l’agglomération de Caen avec les fermetures de la SMN en 1993 et de Moulinex en

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Destins patrimoniaux

Depuis la fin des années soixante- pour les bas-normands, mais le mou- dix, suite à des mutations successi- vement patrimonial concernant l'in- ves et parfois douloureuses de l’éco- dustriel s'accélère. Liés à l'histoire nomie régionale, l’intérêt pour le de l'industrie en Basse-Normandie, patrimoine industriel et les cultures les héritages sont multiples et leurs ouvrières va croissant. À la faveur prises en compte multiformes. d’initiatives tant publiques que pri- vées de nombreux projets émergent. n recensement du patrimoine Les sites de production, les machi- bâti nes, les produits et les objets manu- facturés constituent des traces Généralement le patrimoine indus- matérielles et deviennent des triel est assimilé en premier lieu au témoins d'une activité profession- patrimoine bâti, le patrimoine monu- nelle. Chaque région a une histoire mental, que l'on peut scinder de industrielle plus ou moins marquée façon rapide, en deux catégories, le sur son territoire ce qui engendre un «petit» patrimoine comme les forges rapport à son patrimoine industriel ou les moulins ou le «gros» patri- plus ou moins fort. moine comme les puits de mine ou En Basse-Normandie, le patrimoine les ensembles usiniers. hérité de l'industrie fait partie de Le travail de recensement mené par plus en plus des préoccupations les différents service de l'Inventaire régionales. Il reste cependant encore général dans les régions française a loin derrière le rural, vécu jusqu'alors été précurseur et a permis de porter comme un fort élément identitaire à connaissance ce patrimoine multi- ple. Ainsi plus de 3000 édifices, issus du recensement du patrimoine industriel mené dans les Directions régionales des Affaires culturel- les par le service de l'Inventaire général ont été inventoriés en France. Démarré dans les années 1990, ce recense- ment fut mené en Forge de Varennes Basse-Normandie

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comme en Poitou-Charentes, en Champagne-Ardenne et en Picardie ici le mouvement à une roue par selon une même méthodologie, croi- en dessous. En 1853, autour de sant enquête de terrain et recherche vingt-neuf métiers et de 6.700 documentaire prenant en compte broches, s’affairent un peu plus tous les édifices antérieurs à 1950. de cent ouvriers pour lesquels Progressivement, d'autres régions sont construits des logements sont venues s'ajouter à ce pro- dans l’enceinte de l’établisse- gramme, sur les 22 que comptent le ment en 1861. L’érection d’une territoire national, 18 régions sont cheminée vers 1865 témoigne aujourd'hui concernées. du passage de l’hydraulique à la Le recensement mené par le service vapeur. La guerre de Sécession de l'Inventaire général de la ayant imposé la fermeture du Direction Régionale des Affaires marché du coton américain, tra- Culturelles de Basse-Normandie, par le ditionnellement débarqué au biais de l'association HPI, comprend Havre, les industriels doivent plus d'une quarantaine de sites dans chercher d’autres lieux d’appro- des secteurs comme la métallurgie, le visionnement. Selon la tradition, filage et le tissage, la meunerie, la c’est à cette époque que l’usine fabrication de fromage, de cidre ou prend le nom de l’île qui va dés- de calvados… Les sites bas-nor- ormais lui fournir sa matière mands présents à l'Inventaire reflè- première, pour devenir la «fila- tent les différentes strates du tissu ture de la Martinique». industriel de la région. Briqueterie, Reconstruite vers 1870, après filature, tuilerie, mine de fer, moulins, un incendie, elle est exploitée tous ces bâtiments traduisent le en 1880 par une S.A. avec trois passé industriel de la région du autres usines textiles établies XVIIIème siècle au XXème siècle. en amont ; comptant 14.512 Citons quelques exemples de sites broches en 1890, puis 26.592 extraits du recensement réalisé par en 1910, dotée d’une centrale l'Inventaire général de Basse- de production électrique en Normandie : 1921, elle est acquise en 1949 par la S.A. du Ferodo. Dès lors, le tissage de l’amiante succède Filature de la Martinique à au filage du coton. Cette acti- Athis-de-l’Orne vité perdure jusqu’en 1986, Vers 1818, Pierre Hardy fait date à laquelle l’entreprise construire sur le site de la Lemoine, premier fabricant de Petite Suisse une filature de cotons-tiges en Europe, coton. La Vère, véritable rue acquiert les bâtiments. Peu d’usines à la campagne, donne

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modifié depuis sa reconstruc- autour de trois puits ou "fos- tion vers 1870, le site est parti- ses", situés dans les limites du culièrement représentatif de bourg actuel: la fosse l’industrie textile aux champs. A Frandemiche, la fosse Sainte- proximité des ateliers et des Barbe et la fosse Saint- magasins, subsistent quelques Georges, respectivement vestiges de l’habitat ouvrier. ouvertes en 1759, 1763 et Plus imposant, tournant le dos à 1782. Elle s’étendra ensuite à l’usine mais regardant vers l’en- quelques communes avoisinan- trée de celle-ci et vers les mai- tes. A la fin de la période révo- sons ouvrières, se dresse le lutionnaire démarre une impor- logement patronal. tante modernisation de l’exploi- tation, abondamment décrite Inscription sur l’Inventaire sup- dans un mémoire rédigé en plémentaire des Monuments 1800 par Héricart de Thury, historiques en 1995. ingénieur des mines et membre Lemoine S.A. du conseil d’administration de La Martinique la Compagnie. C’est précisé- 61430 Athis-de-l’Orne ment à cette époque que sont Ne se visite pas. installées les premières machi- nes à vapeur. Vers 1840, la mine est à son apogée et donne Mine de charbon du Molay- du travail à plus de neuf cents Littry ouvriers. Le charbon de Littry Du charbon ayant été décou- alimentait principalement les vert fortuitement sur ses terres forges villageoises et les manu- de Littry en 1741, le marquis factures de la région. Mais de de Balleroy, Jacques de Lacour, qualité médiocre et souvent obtient par arrêt du Conseil du difficile à exploiter, il est bien- Roi en date du 15 avril 1744 la tôt concurrencé par les char- concession exclusive du gise- bons anglais et du Nord. Après ment. Echouant dans sa tenta- la fermeture des trois fosses et tive d’en attribuer le produit à l’échec de nouvelles prospec- sa forge, il cède ses droits trois tions, la Compagnie est dis- ans plus tard à une société pari- soute en 1879. L’année sui- sienne, la Compagnie des Mines vante, les puits sont noyés. En de Littry, première compagnie 1902, le site de la fosse minière française. Jusqu’en Frandemiche accueille le musée 1815, l’exploitation s’organise de la mine, premier musée

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consacré en France à l’exploita- prend six fours à griller et un tion du charbon. Deux campa- plan incliné de cent vingt gnes de fouilles archéologiques mètres de long desservant viennent d’accompagner sa deux étages; deux stations rénovation. Outre de nombreux électriques fournissent le cou- outils et une maquette au rant continu nécessaire, l’effec- 1/10e du siège de la fosse 5 de tif est d’environ cinq cent cin- Bruay-en-Artois, il conserve quante ouvriers. Depuis les une remarquable machine d’ex- fours, le minerai est transporté traction. Due aux frères Périer, par voie étroite vers la gare voi- équipant à l’origine la fosse sine du Châtellier d’où il est Saint-Georges, elle est le seul dirigé vers les hauts fourneaux témoignage des huit machines des Aciéries de France, à à vapeur recensées en 1837. Isbergues (Pas-de-Calais), et, dans une moindre quantité, Musée de la Mine vers l’Angleterre et la Ruhr. La Rue de la fosse Frandemiche concession, dont la superficie 14330 Le Molay-Littry atteint 1473 hectares en Tél. 02 31 22 89 10 1945, est modernisée à partir Fax 02 31 22 01 27 de 1951. En 1954, l’ouverture Ouvert tous les jours de 10h à du puits 1bis permet de faire 12h et de 14h à 18h. passer la production annuelle Fermé du 1er au 31 janvier. de 150.000 tonnes de minerai calciné à 300.000 tonnes, titrant environ 48% de fer, Mine de fer de Saint-Clair- 13% de silice et 2% de chaux. de-Halouze Les méthodes d’exploitation Par décret du 8 avril 1884, la sont celles de la chambre concession de Halouze, d’une magasin (dans les dressants) et superficie de 1 210 hectares, est accordée à la société des Mines de Saint-Rémy. Elle est cédée en 1905 à la S.A. des Aciéries de France, qui installe les premiers sièges d’exploita- tion. En 1911, l’extraction s’or- ganise autour de trois sites: les puits d’extraction 1 et 2 et le siège de la Bocagerie, qui com Fours à griller, La Bocagerie

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toriques. En Basse-Normandie, sur de la taille montante (dans les plus de 1830 édifices de tous types, parties de l’anticlinal). Exploitée principalement des églises, des en 1957 par la Compagnie des manoirs, des hotels particuliers et forges de Châtillon-Commentry des châteaux, seulement une petite et Neuves-Maison, livrant trentaine d’inscrits relèvent du patri- 400.000 tonnes de minerai moine industriel. Ces sites essentiel- marchand et occupant cent lement des moulins, des filatures, quatre-vingt-cinq employés en des forges ou encore des fours à 1973, la mine de Halouze, chaux ont été protégés au titre des concurrencée par les exploita- Monuments historiques, à la suite tions minières mauritaniennes, des travaux de l'Inventaire, à partir cesse toute activité en 1982. de 1975 mais la plupart ont fait l'ob- 61490 Saint-Clair-de-Halouze. jet d'une inscription dans les années Le site de la Bocagerie est en 1990. accès libre. Cette protection concerne aussi des Celui du Puits 1bis (chevale- sites encore en activité comme ment) est inclus dans un circuit l'usine Bohin, fabriquant d'aiguilles à piétonnier (un projet d’aména- Saint-Sulpice-sur-Risle. Les diri- gement touristique est en geants de l'usine ont de plus une cours). volonté de mettre en avant la valeur Celui du Puits 2 (salle des patrimoniale des bâtiments mais machines d’un chevalement dis- aussi de l'activité elle-même, de la paru et logements d’ouvriers) est visible depuis le chemin départemental 217 menant de Saint-Clair-de-Halouze à Flers.

Outre le recensement de ces diffé- rents sites présents à l'Inventaire Général pour leur intérêt historique, leur qualité architecturale ou la noto- riété de leur production, cette qua- rantaine de sites relevant d'un large éventail de secteurs industriels se trouvent être investis par d'autres acteurs. Une partie du patrimoine industriel d'une région peut être protégée au titre de la loi sur les Monuments his- Usine Bohin, Saint Sulpice-sur-Risle © In Situ

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production et des moyens de pro- régionale par le service de duction, des outils et machines. Un l'Inventaire de chaque région et projet de musée sur le site est en notamment en Basse-Normandie, ce cours. travail a permis d'enclencher des tra- Dans le cas de l'usine Bohin l'affecta- vaux de recherches par des universi- tion des bâtiments ne se pose pas taires ou chercheurs amateurs. puisque l'usine est encore en acti- vité. Cependant, pour beaucoup de n Le patrimoine industriel, un sites, l'utilité et l'usage des bâti- objet de recherche ments posent question. Sur la qua- Le patrimoine industriel régional a rantaine de lieux recensés par fait l'objet de différentes recher- l'Inventaire Général, une infime mino- ches. Elles sont menées bien sou- rité est encore utilisée comme lieu vent sur un site en particulier, de production. comme sur les mines de Soumont- Saint-Quentin, ou parfois sur un sec- La plus grande partie du patrimoine teur d'activité, les mines de fer, et qu'il soit recensé par l'Inventaire réalisées à partir de sources archivis- Général, classé ou inscrit par les tiques. De plus, les grandes entre- Monuments Historiques est, depuis prises, des fleurons régionaux la cessation d'activité, demeurée comme la Société Métallurgique de sans affectation. Certes, recensé au Normandie (SMN) et Moulinex, sem- titre de l'Inventaire voire classé, ce blent présenter un fort attrait pour patrimoine défait de sa fonction pre- les chercheurs. Quelques personnali- mière est bien souvent sans vie voire tés jouent un rôle essentiel dans la menacé. Ces sites sont générale- connaissance et la prise en compte ment vécus par les collectivités ter- du patrimoine industriel régional ritoriales comme une lourde charge d'autant qu'ils ne font pas bien sou- vent l'objet d'une appropriation patrimoniale de la part des adminis- trés. Outre leur sauvegarde et leur restauration présentant un coût élevé pour les collectivités qui en ont la charge, ils peuvent poser des pro- blèmes de sécurité ou d'environne- ment. Quelques sites ont été trans- formés en lieu de mémoire d'une activité passée, principalement des musées associatifs ou municipaux. L'action de l'Inventaire est une action nationale menée à l'échelle

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comme Alain Leménorel, historien, et minier ou des amateurs passionnés Pierre Coftier qui a publié une petite par le patrimoine industriel. dizaine d'ouvrages notamment sur la condition ouvrière et l'histoire sociale et sur les mineurs. Ces deux cher- cheurs ont publié leurs travaux au sein de la même maison d'édition, «Les cahiers du temps», qui fait dés- ormais référence en matière de patri- moine industriel en Basse-Normandie.

«Les cahiers du temps», maison d'éditions de livres documentaires illustrés, créés en 1995, spécialisés dans l'Histoire sociale et locale de la Normandie et livres d'art, consacrent une partie de son catalogue au patri- moine industriel régional. Beaucoup d'ouvrages font référence au passé minier tels que «Histoire d'un pays Nombre d’entre-eux sont issus d'une Minier», «Les mines de fer norman- association, Histoire et Patrimoine des», «Le Fer et la Ferrière-aux- Industriel (HPI), qui a été, avec le ser- Etangs», «Le circuit du fer», «Les vice de l'Inventaire, à l'origine du mines de Soumont», «Un siècle d'his- développement de la connaissance toire minière, St Germain-le-Vasson, du patrimoine industrielle bas-nor- 1899-1999», d'autres aux grandes mand. En effet, chercheurs et pas- industries régionales qui ont fermé sionnés se sont regroupés depuis leurs portes tels que «Moulinex», «La novembre 1980, au sein de cette SMN, une forteresse ouvrière 1910- association qui s’est donnée pour but 1993», et enfin certains ouvrages de favoriser la connaissance, l’étude, viennent compléter le catalogue la conservation et la mise en valeur comme «Une usine et des hommes, du patrimoine industriel bas-nor- Dives-sur-Mer» sur l'usine mand. Ainsi HPI a vu le jour à l’initia- Tréfimétaux ou des titres plus axés tive de la Direction régionale des sur l'histoire sociale tels que «Vie de Affaires culturelles, en partenariat cités» ou «J’entends l'alouette qui avec l’Université de Caen, le Musée chante». Les auteurs publiés par les de Normandie et des associations cahiers du temps sont pour la plupart locales de sauvegarde du patrimoine. des chercheurs, des présidents d'as- Elle a été présidée depuis sa création sociations comme pour le patrimoine par des universitaires professeurs en

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Histoire contemporaine. Le premier une recontextualisation historique, président d’HPI fut Gabriel Désert, technique, sociale, ou plus simple- jusqu’en 1990, puis lui succèderont ment, dans l'histoire du travail et de Alain Leménorel et enfin Jean-Pierre celle des travailleurs et c'est ici que Daviet. Ces membres venant de tous l'on touche la spécificité de la horizons comme Pierre Coftier, cher- muséographie attenant au patri- cheur, Alain Leménorel, historien, moine industriel. En Basse- Yannick Lecherbonnier, service Normandie, sur une cinquantaine de régional de l'Inventaire Général de musées et écomusées, membres du Basse-Normandie, Benjamin Pérez, réseau régional des musées de président de l'association «Mémoire société, contrôlés ou non par la de fer» contribuent chacun dans leur Direction des musées de France, une domaine à faire connaître le patri- dizaine de musées possèdent des moine industriel bas-normand. collections industrielles et plus de la Outre les écrits sur la thématique moitié de ces établissements sont industrielle, certains lieux comme les exclusivement consacrés au patri- musées participent à l'inventaire, la moine minier comme le musée de la connaissance et la mise en valeur de Mine du Molay-littry ou le Carreau de ce patrimoine. la mine du Livet. Une grande partie de ces lieux d'ex- position sont des musées-sites retra- n Le patrimoine d'un territoire, çant l'histoire d'un lieu. le musée En effet, les industries nous ont légué un héritage qui est devenu En France, sur les 1800 musées patrimoine car la société a reconnu contrôlés par la Direction des Musées de France, de plus en plus d'établissements se caractérisent par leurs collections ethnographi- ques, scientifiques, techniques ou industrielles. Le premier d'entre eux fut l'écomusée du Creusot, contrôlé en 1980. Cet espace a été précur- seur en matière de patrimoine indus- triel et fut conçu dès le départ comme un écomusée selon les critè- res retenus par Georges-Henri Rivière, c'est à dire comme la muséo- graphie du patrimoine d'un territoire. Ainsi, les collections d'objets indus- triels ne prennent leur sens que dans Galerie reconstituée, Musée de la mine, Molay-Littry

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tel ou tel élément comme étant au ture des sites les anciens mineurs se fondement de leur identité. sont beaucoup investis afin que ce Cependant il reste important que ce passé minier ne disparaisse pas. Il patrimoine soit compris dans sa glo- continue encore aujourd'hui à trans- balité. Pour comprendre la mine, son mettre cette mémoire qu'ils souhai- univers, ses travailleurs, il ne suffit tent vivante. Le patrimoine minier en pas de faire une collection d'élé- basse-Normandie est un bel exemple ments patrimoniaux sur un territoire associatif formé autour de cette donné mais il faut connaître les liens mémoire. qui existaient entre les différents éléments composant ce patrimoine n Le patrimoine minier, dyna- comme le site de production, les misme et projet commun outils et les machines, les mineurs, les lieux d'expression et de sociabi- La mémoire d'une activité profes- lité, les lieux d'habitat, les fêtes… Le sionnelle est une construction en un musée joue ce rôle, il permet de lieu et un moment donné et ce qui livrer les clés de compréhension d'un fait patrimoine en découle. Cette élément patrimonial dans son construction mémorielle autour ensemble. Dans le domaine de la d'une activité passée se doit d'être muséographie industrielle, un autre portée par un groupe et hissée dans élément reste essentiel dans la sau- le présent pour que «l'entreprendre vegarde et la mise en valeur de ce ensemble» soit opérant, ou plus type de patrimoine : les savoir-faire. simplement pour mener à bien une De fait, les savoir-faire apparaissent action patrimoniale. Les associations comme nécessaires dans le proces- formées autour du patrimoine minier sus de conservation, de restauration peuvent être citer comme un exem- mais aussi dans la valorisation des ple de construction mémorielle en collections industrielles voire dans Basse-Normandie. l'animation du musée. La transmis- sion de ces savoir-faire est effec- Au début du XXe siècle, la société tuée par les anciens employés. allemande Thyssen installe la Société Parfois organisés et regroupés en des Hauts Fourneaux et Aciéries (qui associations, ces anciens employés deviendra en 1924 la Société tentent de faire perdurer la mémoire Métallurgique de Normandie, la SMN) de leur activité professionnelle à Caen grâce à la présence d’infra- notamment en réalisant parfois eux- structures ferroviaires et surtout même les visites de l'espace muséo- portuaires mais aussi à la proximité graphique consacré à leur mémoire. de gisements de fer (, D'ailleurs, la plupart des musées Urville). La métallurgie fut un sec- consacrés aux mines sont l'initiative teur important de l'activité indus- d'anciens mineurs. Depuis la ferme- trielle régionale. Aujourd'hui, la

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mémoire d'un passé minier est mise SMN qui fonctionne aujourd'hui en avant par quelques associations comme un marqueur du territoire comme un élément constitutif de des «SMN». l'identité bas-normande. L'histoire des mines sur les trois départements Certes quand on pense au patrimoine Calvados, Manche, Orne et de la industriel, on visualise des infrastruc- métallurgie avec la SMN à Caen a été tures laissées en friche, désaffec- pleine de conséquences pour notre tées, mais il ne s'agit pas unique- environnement, notre urbanisme, ment des traces de la production. La nos paysages, notre mode de vie et trace mémorielle d'une activité pro- nos relations sociales. fessionnelle ne doit pas uniquement faire référence à l'activité productive Les traces laissées par l'activité mais aussi à tout ce qui permet de industrielle se situent à différents travailler et de vivre comme le loge- niveaux. D'une part, pour les habi- ment, les structures éducatives ou tants d'une commune, d'une région, d'apprentissage, les associations pour les touristes, les promeneurs, sportives ou culturelles, les lieux de elles sont visibles dans l'habitat, culte. A ce propos, la SMN, l'usine dans l'urbanisme, dans les paysages métallurgique, fournit, à ses comme autant d'empreintes de l'ac- employés venu de Russie, un lieu de tivité laborieuse et sociale liée à des culte. En 1926, elle céda un terrain entreprises aujourd'hui disparues. et des matériaux à la communauté Citons en exemple le réfrigérant de la Russe pour la construction de l’église

Site SMN. 1999 © Stéphane Valognes

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orthodoxe Saint-Serge. En effet, la étrangère d'une communauté SMN employait des ouvriers venant comme les polonais à Potigny, «La des quatres coins d'Europe voire du petite Varsovie». Un article d'avril- monde entier car le besoin de main mai 2007 dans le journal du Conseil d’œuvre tant pour la construction Régional de Basse-Normandie de l’usine que pour son fonctionne- relate ses faits : «Potigny vit tou- ment a nécessité un afflux massif jours dans l'estime de ceux qui, de population : Russes blancs pendant 80 ans, ont transformé la fuyant la révolution, Polonais et petite commune rurale en une cité Ukrainiens, Italiens et Espagnols métissée. Tous les potignais sont mais aussi travailleurs coloniaux, des mineurs, ceux qui ne l'étaient Chinois, Nord-Africains et prison- pas le sont devenus, nourris par la niers de guerre Austro-Hongrois. force de l'âme de ses héros aux Certaines municipalités ne peuvent gueules rouges. Le patrimoine est faire abstraction des «effets» lais- au trois quarts constitué de cités sés par la défunte industrie. Des vil- ouvrières, en briques rouges d'Ussy les comme Mondeville, ou en calcaire, construites dans ou ont été structurées l'urgence pour répondre aux autour de la SMN. Les cités ouvriè- vagues successives d'immigration. res habitées encore par d'anciens Au plus fort de son activité, la mine ouvriers ou revendues à des parti- employait un millier d'ouvriers, culiers font parties du paysage dont 75 % de main-d'œuvre slave. urbain encore aujourd'hui. On ne Ils ont donné leurs noms aux rues peut comprendre l'histoire urbaine de la commune, enrichi sa culture et sociale de certaines communes de leurs 17 nationalités, bâti des sans prendre en compte l'histoire chapelles polonaises, animé une vie de l'industrie qui a marqué ses associative foisonnante, fréquenté espaces, qui les a structuré comme son stade, sa fanfare et ses 14 bis- de véritables «ville-usine». Quel trots». A travers ces traces, c'est la sens ces nouveaux habitants don- mémoire qui perdure et les associa- nent-ils à ce passé industriel? tions patrimoniales en sont le vec- L'association mondevillaise «vivre teur. Elles permettent, par l'inter- au plateau» tente d'intégrer cette médiaire de leurs membres, de faire dimension mémorielle dans leurs le liens entre les différents frag- actions, principalement dans l'orga- ments du passé et de les porter à nisation de conférences ou de connaissances. Cependant quelques débat sur des sujets se rapportant freins empêchant parfois de mener à la SMN, au plateau, à la vie dans à bien certaines entreprises mémo- les cités ouvrières. rielles restent à signaler. D'autres traces peuvent perdurer Ainsi les fragments physiques, comme les noms de rue, l'origine dépôts du passé minier restent

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Ce n'est pour l'heure, pas le cas du patri- moine minier qui dis- pose de membres jeu- nes et dynamiques replaçant les projets muséographiques dans des schémas d'aména- gement du territoire tel que le circuit du Fer. Ce circuit consiste en la mise en réseaux, dans le bocage ornais, de dif- férents sites miniers sur une soixantaine de km2. Conscients de l'importance des traces Le chevalement de Saint clair de Halouze laissées par l'industrie minière en milieu rural, imposants. Des difficultés sont soule- ces acteurs du patrimoine souhaitent vées concernant la sauvegarde de ces ancrer leur projet dans la réalité du pré- éléments mobiliers du patrimoine minier sent. Ils transmettent une mémoire du car leur maintien, leur remise en état territoire et des hommes qui ont vécu ou leur entretien et leur sécurisation et travaillé sur ces sites mais ces quant à la visite d'un éventuel public acteurs qui font vivre le patrimoine peut représenter un frein pour les col- industriel souhaitent que cette mémoire lectivités. soit une ressource tournée vers l'ave- Les recherches dans ce secteur sont nir. À cet égard, la vitalité du tissu très actives et la mutualisation des associatif concernant le patrimoine données, du matériau, des réseaux minier ne favorisent le dynamisme dans ce sec- pourraient-ils teur patrimonial. Cependant l'avenir des pas jouer un associations patrimoniales est souvent rôle majeur évoqué par les membres actuels des dans l’amé- différentes organisations. Certaines nagement du structures patrimoniales fonctionnant territoire en uniquement sur le mode associatif ont ce qui des difficultés à trouver de jeunes concerne le membres. Certaines associations pour- maintien de raient en pâtir voire disparaître. l’activité économique

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dans ce réseau de villes en campa- de témoignages oraux ont déjà été gne et par conséquent de la popula- entreprises, des films ont été collec- tion sur place ? tés. La fermeture assez récente des mines, à la fin des années 1980, a Les associations créées autour du permis la sauvegarde d'archives par patrimoine minier mènent des des anciens ouvriers ou par des orga- actions multiples et variées. nismes professionnels comme les Disposant ou non d'une structure Archives départementales des trois muséale, elles se regroupent et s'or- départements. En effet, l'élan patri- ganisent afin de mener des actions monial du début des années 1980, a communes comme la fête du fer. De sûrement permis une prise de plus, ces associations souhaitent conscience de la part des institutions valoriser à la fois un patrimoine mais aussi des acteurs eux-mêmes. matériel et immatériel. Des collectes

Conclusion

Si l'action autour du patrimoine prennent bien souvent la décision de minier reste un exemple de dyna- faire rapidement table rase des infra- misme et surtout d'une véritable structures industrielles liées à des volonté de créer une synergie entre fermetures mettant de nombreux les différentes associations regrou- salariés au chomage ou en reclasse- pées autour de cette thématique, les ment professionnel, notamment actions mémorielles paraissent par- dans le cas d'usines importantes fois encore difficiles à se mettre en comme Moulinex à Alençon ou la place et les multiples destins patri- SMN à Caen. moniaux restent complexes à analy- D'ailleurs ces grands fleurons régio- ser. Quelles sont les raisons pour les- naux désormais fermées font l'objet quelles un secteur d'activité "fait" de recherches ou de publications plus patrimoine qu'un autre? mais paradoxalement ils sont prati- Les contraintes «monumentales» ou quement dénués de toute autre foncières peuvent participer à répon- attention mémorielle. Outre la dou- dre à une partie des interrogations leur liée à la fermetures de ces gran- évoquées. Certes, le patrimoine bâti des industries qui est peut-êre demeure lourd à gérer pour les col- encore trop présente pour engager lectivités territoriales et la pression toute action patrimoniale, les sites du foncier reste une réalité à prendre n'ont pas été préservé de la destruc- en compte surtout sur les territoires tion. urbains. De plus, il apparaît comme Quels sont alors les objets sur les- inéluctable que les municipalités quels se sont portés les actions

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patrimoniales en Basse-Normandie? La gistes bravant le métal en fusion por- mine et ses mineurs très représentés tent peut-être certains thèmes sur le dans le secteur associatif mais aussi devant de la scène. Le mythe, l'imagi- dans les musées restent en tête des naire favoriserait la construction thématiques investies régionalement. mémorielle et par là l'action patrimo- Que pourrait-on apporter comme niale qui existe bien évidamment sans réponse concernant l'investissement l'appropriation de la mémoire de l'acti- plus massif dans un secteur plutôt vité industrielle par le corps social. qu'un autre? La mise en scène d'ima- ges performantes comme celle de la mine, des gueules noires, des sidérur-

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