Les cantons de Volonne Et de Châteou-ilrnoiix pendant la grande Révolution Nihil obstat : CH. ]EAKCLER, vie. gén. Digne, 5 avril 1934. ABBÉ J. CORRIOL

ktiïitois de Voloie et de CMtean-Arnonï pendant la Grapde Révolution

fORCALQ UIER Imprimerie d'Editions, A. REYNAUD Rue Louis Andrieux

1934

SOURCES

I. – SOURCES IMPRIMÉES

ANDRIEU (l'Abbé Auguste), né à en 1849, curé de Montfort, de Voix, Supérieur du Grand Séminaire, vicaire général, mort à Digne le 23 décembre 1930. Histoire de Montfort qui parut d'abord dans le Bulle- tin de la société scientifique et littéraire des Basses- Alpes, tome II, années 1884-1885. M. Andrieu a travaillé à l'histoire des saints du diocèse de Digne, et publié divers articles dans le Bulletin.

ARNAUD (Camille) : Histoire de la Viguerie de For- calquier, 2 volumes in-8°, Marseille, Camoin, 1874.

BOISGELIN (le marquis de) : Biographie des Maurel, seigneurs de Volonne, dans le Bulletin de la société scientifique et littéraire des Basses-Alpes, tome XI.

Brochures diverses dont le (titre sera donné à chaque cita- tion.

CAUVIN (Christian) professeur d'histoire au Lycée de Digne, en retraite ; il partage son temps entre Aix- en-Provence et Volonne. Les volontaires et les Réquisitionnâmes des Basses-Alpes, de la levée à l'amalgame, en collaboration avec A. Barthélémy, lieutenant au 3me d'infanterie. — Paris, Librairie Chapelot. 1910. M. Cauvin a écrit un volume sur Le retour de l'île d'Elbe et les cent jours dans les Basses-Alpes, paru d'abord dans le Bulletin de la société scientifique et littéraire des Basses-Alpes. La Haute-Provence, étude de géographie régionale, en collaboration avec G. Eisenmenger, Digne, 1914 ; une foule d'articles dans le Bulletin de la société scientifi- que et littéraire des Basses-Alpes. DAUTHUILE, inspecteur d'Académie à Digne : L'école primaire dans les Basses-Alpes, depuis la Révolution jusqu'à nos jours. Digne. Vial. 1900.

EYSSÉRIC (Saint-Marcel), né à le 26 mars 1831, resta quelques années dans la magistrature, plusieurs années dans l'industrie, se retira dans son pays natal, y devint propriétaire de l'ancien couvent des Ursu- lines, s'occupa d'histoire locale et mourut le 9 mars 1918. Les tribunaux de Sisteroti, leur personnel de 1790 à 1900, suivi d'un Essai de reconstitution de l'ancienne sénéchaussée (1638-1790) — Sisteron. 1900. La justice de paix du canton de Sisteron. La justice de paix des cantons de Volonne et de Châ- teau-Arnoux. Imprimerie Allemand. Sisteron 1902.

FERAUD (l'Abbé Jean-Joseph), né à le 15 juin 1810, vicaire à en 33, à en 36, à St-Sauveur de en 38, curé des Sièyes en 41, où il mourut le 25 avril 1897. Histoire, géographie et statistique du département des Basses-Alpes, plusieurs éditions ; j'ai celle de 1861, Vial, imprimeur, Digne, in octavo de plus de 700 pages. Souvenirs religieux des églises de la Haute-Provence. Vial. 1879. Biographie des hommes remarquables des Basses-Alpes. Digne. Repos 1850. L'abbé Féraud écrivit encore : L'histoire de la ville de Riez), etc. etc... divers articles dans le Bulletin de la société scientifique et littéraire des Basses-Alpes.

GORCE (Pierre de la), académicien : Histoire religieuse de la Révolution française, 5 volumes. Paris. Librairie Plon.

GUIRAUD (Jean) ancien professeur d'histoire à l'Uni- versité de Besançon : Histoire partiale. Histoire vraie, 4 volumes. Paris. Librairie Beauchesne. ÍSNARD (M. Z.) archiviste départemental, de 1864 à sa mort : Etat documentaire et féodal de la Haute- Provence. Digne. Imprimerie Vial. 1913. Préface à l'inventaire de la Série B. des Archives départemen- tales. Nombreux articles dans le Bulletin de la société scientifique et littéraire des Basses-Alpes.

LAPLANE (Jean-Aimé-Edouard de), 1774-1870. Histoire municipale de Sisteron. Paulin éditeur, Paris. 1835. — Histoire de Sisteron, 2 volumes, Guichard, Digne. 1843. Aucune autre ville bas-alpine ne peut se flatter d'avoir une histoire aussi complète et aussi fouillée que Sisteron. Le gros travail de M. de La- plane peut être qualifié de chef-d'œuvre. C'est dom- mage qu'il s'arrête à la Révolution.

MADELIN (Louis), académicien : La Révolution. Librai- rie Hachette.

MARION (Marcel), professeur au Collège de : Dictionnaire des Institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Paris. Librairie Auguste Picard. 1923.

MAUREI. (l'abbé Joseph-Marie), né à Manosque le 12 décembre 1852, prêtre en 76, curé de Châteauneuf-val- St-Donat, vicaire à Sisteron, curé de Château-Arnoux en 1883, de , secrétaire de Mgr Cantel de 1897 à 1902, curé de de 1902 à 1909, en retraite à Manosque, mort le 1er février 1926. Monographie de Château-Arnoux. Imprimerie Martin. 1889. Monographie de Châteauneut-val-St-Donat, Imprimerie Crest. Forcalquier 1891. Histoire de l'Escale. Crest. Forcalquier 1893. Le brigandage dans les Basses-Alpes, spécialement depuis l'an VI jusqu'en l'an X. Librairie Ruat. 54 rue Paradis. Marseille, 1899. Histoire religieuse des Basses-Alpes pendant la grande Révolution. L'abbé Maurel a publié encore : Histoire de la Com- mune de Puimoisson et de la Commanderie des Che- ■ valiers de Malte, divers articles dans le Bulletin de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes. MoRGUÉs (Jacques) avocat à la Cour : Les statuts et coustumes du Pays de Provence, commentées par... A Aix, chez Estienne David, Imprimeur du Roy... MDCXLII. ;

Titres de l'ancien Comté de Sault, recueil de lettres patentes, concordats, arrangements, etc., depuis 1034 jusqu'à la Révolution. 2 volumes. Imprimerie Jean. Apt. 1865 et 1867.

II. – SOURCES MANUSCRITES

Archives départementales des Basses-Alpes : Série B et Série L. La référence est toujours donnée au volume et à la page.

Archives municipales de Volonne.

Archives municipales de Sisteron 0.0. volumes 5, 6, 7 et 8.

Archives notariales de Volonne, Château-Arnoux, l'Esca- le, Simiane, Banon, .

Histoire manuscrite de Volonne par l'instituteur Don- nadieu.

De nombreuses notes de l'érudit Me Victor Lieutaud, notaire de Volonne, décédé en 1926, notes mises à ma disposition par son fils, Me Elzéar.

Les registres de catholicité de l'Escale aimablement prêtés par M. l'abbé Pellissier. Divers volumes de l'état religieux ou de l'état civil, consultés par des confrères qui ont bien voulu me communiquer des renseignements : M. l'abbé Léautaud, curé de ; M. l'abbé Roux, curé de ; M. l'abbé Maurel, curé de Lurs; M. l'abbé Conil, curé de Pierrerue ; M. l'abbé André, curé du Châtelard ; M. l'abbé Teissier, vicaire de Volonne ; M. l'abbé Campy, qui a dressé la carte du canton.

Je dois des remerciements tout particuliers à M. Eyssé- ric, le très serviable propriétaire de la Grand-bastide, à Noyers, qui a bien voulu prêter, pour illustrer ce modeste volume, les clichés représentant les armoiries des villages du canton, les insignes des juges de paix.

C'est une obligation aussi d'exprimer ma gratitude à M. Bailhache, le savant archiviste départemental, à son aide Mlle H. Truchot, qui facilitent les recherches, avec beaucoup d'empressement, à tous ceux qui vont travailler chez eux...

Carte du Canton de Volonne

La Commune de Baudument, supprimée en 1905, a été annexée définitivement, en 1908, à celle de . Armoiries des Communes du Capton

Aubignesc Mentfort

Volonne

Peypin Châteauneuf- Val-Saint-Donat Sourribes Salignac

Château-Arnoux

Beaudument L'Escale

Les cantons de Volonne et dE CtiûtBOii-ilrnoiix pendant la gronde Révolution

CHAPITRE I

Les 2 Cantons.

D'abord un peu de géographie. Au début de la période révolutionnaire, le département des Basses-Al- pes fut appelé département du Nord de la Provence ; celui de l'Isère, département du Bas-Dauphiné. Cela rappelant trop les anciennes provinces, les noms actu- els furent imposés un peu plus tard. Voici quelles furent, au début, les divisions admi- nistratives de notre pays : « Du Ier mars 1790, d'après le décret de l'Assemblée nationale qui décide que la Provence sera divisée en trois départements ; d'après celui qui fixe à cinq le nombre de districts qui doivent composer le département du Nord de la Prov,ence, et enfin d'après le décret qui porte que la vallée de Remusat, les paroisses de Séderon, Eyga- layes et Lens seront réunies au département du Bas- Dauphiné, et que les paroisses de Contadour, de et le Revest seront réunies au département du Nord de la Provence ; d'après les arrangements particuliers avec le Dauphiné qui donnent au district de Sisteron le village de Curel au lieu de celui de Barret, et d'après la cession que le district de For- calquier fait à celui de Sisteron de la paroisse des Omergues ; « Nous soussignés députés des sénéchaussées de Digne, Forcalquier, Sisteron, et Barcelon- nette, formant aujourd'hui le département du Nord de la Provence, avons procédé ainsi qu'il suit à la composition des cinq districts et à leur division en cantons... » Digne 16 cantons. Parlons des plus rapprochés de nous. Digne, chef-lieu de district. , chef-lieu de canton avec les commu- nes de Courbons, les Sièyes, Ayglun, , Barras, la Pérusse. , chef-lieu avec les communes de Saint- Estève, la Robine, Aynac, Lambert, Auribeau, Mélan, le Castellar. Malijai, chef-lieu avec les communes de Mirabeau, Beauvezet, Chenerilles, Espinouse, . Les Mées, territoire et dépendances. , chef-lieu avec , le Castellet (et, ajouté au crayon sur le registre départemental, Taillas).

District de SISTERON, divisé provisoirement en 8 cantons : 1° Sisteron, chef-lieu de district et canton. 20 Château-Arnoux, chef-lieu avec Pepin, Aubi- gnosc, Châteauneuf-val-St-Donat, Piousin, Montfort, Consonoves. 3° Volonne, avec St-Symphorien, Sorribes, Sali- gnac, l'Escalle, Vilhosc, , Beaudiment. 4° Noyers, avec , Valbelle, Château-Mira- vail, Jarjayes, Curel, , St-Vincent. 5° La Mothe, avec Bellafaire, Faucon, , , , , . 6° Claret, avec , Thèse, Puyagut, Urtis, Sigoyer, Venterol, Valernes, , St Didier. 70 Misoti, avec Vitrolles, Esparron de Vitrolles et Barcilonnette. 8° Saitit-Giniès-de-Dromond, avec Autton, Valla- voire, Esparron-la-bastide, Feissal, , Château- fort, Chardavons, Reynier. (Aux Archives départementales. Série L. nO 272, pièce 1. ) Il n'y a plus maintenant que 5 chefs-lieux de can- ton pour cette partie des Basses-Alpes : Sisteron, La Motte, Turriers, Noyers et Volonne. Notons aussi que , au début, dépendait du canton de Lurs, qui comprenait : , , Peyruis, , Pierrerue. On ne peut pas faire de l'histoire sans géographie. Voilà pourquoi nous avons donné les détails des divisions administratives des pays qui nous entourent. Château-Arnoux posséda le titre de chef-lieu de canton, le perdit, le reconquit, ensuite le perdit... définitivement. Nos lecteurs auront plaisir à lire l'a- nalyse de quelques documents sur ces alternatives de gloire et de déchéance 1 ... Nouvelles démarcations pour les cantons du dis- trict de Sisteron : « Du vendredi 10 décembre 1790, après la lecture du procès-verbal de la veille à dix heures du matin. Sur le rapport fait par M. Ripert, au nom du quatrième Bureau des pétitions des différentes com- munautés du district de Sisteron, après avoir entendu lecture du plan de rectification des cantons envoyé par le Directoire du district de Sisteron, et ouï le procureur général sindic, a arrêté que le canton de Château-Artioux sera et demeurera supprimé, que la commune de Pepin aura la liberté de se réunir au canton de Sisteron qui est le premier canton, ou de se joindre à celui de Vo- lonne, qu'à cet effet le Conseil général de la com- mune de Pepin sera assemblé dans la quinzaine, après la notification du présent arrêté à l'effet de faire son option ; que le second canton sera composé de Volonne chef-lieu, de Sourribes, Salignac, L'Escale, Beaudu- men, Château-Arnoux, le Bignosc, Châteauneuf-val- St-Donat, Montfort et Consonoves. » Turriès devient chef-lieu de canton ; Claret le demeure ; St.-Geniez aussi, avec Authon, Vallavoire, Feissal, Châteaufort, Chardavons, Reynier, St.-Sym- phorien, Vilhosc et Entrepierres. — 7me canton formé par la seule commune de intra muros. De Burle-Champclos, président. Simon, secrétaire. Procès-verbal de l'Assemblée administrative du dé- part. des B.-A. convoquée à Digne le 3 novembre 1790. (Arch. dép. L. Article 85, pages 157 et 158.) La municipalité de Château-Amoux proteste, cela va de soi ; ne reçoit pas de réponse du Directoire du département. Le 2 février 1791, nouvelle assem- blée du Conseil. « Une dépense de 800 livres arrête- rait-elle MM. du département, tandis qu'on a doublé cette somme pour en faire deux autres ? La nation ne sera ni plus pauvre ni moins riche, quand nous subsisterons comme elle nous a établis .. La nature elle-même semble avoir formé ce pays pour être canton ! » L'abbé Maurel, dans sa Monographie de Château-Arnoux, page 76, après avoir cité cette dé- libération, ajoute : « A ces belles oraisons, Messieurs du département faisaient la sourde oreille. Le 8 jan- vier 1792, toutes les communes du malheureux can- ton évincé tentent une suprême demande auprès des directeurs du département ; et il paraît que cette fois, du moins, la requête eut son plein effet. Les procès-verbaux des recettes et des dépenses opérées par le trésorier des diverses communes du canton jusqu'à l'an VII inclusivement, contrôlées et signées par l'administrateur du canton de Château-Arnoux en font foi. » et en note : « Ce registre des comptes de ces diverses communes est déposé aux Archives municipales. C'est pendant cette période que le nom de Château-Arnoux, rappelant des idées aristocrati- ques fut changé en celui de Roche-Arnoux. La même substitution de nom fut tentée en 1848 sans plus de succès. » Les affirmations de M. l'abbé Maurel ne sont pas exactes de tout point. Les Messieurs de Digne ne firent pas la sourde oreille. Voici le résumé de leur délibération sur la matière, en date du 23 juin 1791 : Vu le procès-verbal des communes de Château-Ar- noux, d', Consonoves, etc., réunies sur la rive droite de la , du 27 janvier dernier, et leur pétition tendant à ce qu'il soit rétabli à Château- Amoux un chef-lieu de canton, ainsi qu'il avait d'a- bord été par l'Assemblée nationale ; vu l'avis du Directoire du district de Sisteron, du 16 courant, qui estime, après plusieurs raisonnements, que le canton dont le chef-lieu était à Château-Arnoux et qui avait été réuni par le Directoire du département à celui de Volonne, doit être rétabli... nous pensons que l'Assemblée nationale doit, dans sa sagesse, prendre en considération la pétition de ces communes, et nous donnons un avis favorable au rétablissement dudit canton à cause « des entraves indissolubles que met- tent à la communication avec Volonne la rivière de Durance, les torrents et les vallons. » (Arch. dép. L. registre 112, page 81.) Bouche, vice-président; Laugier, Gras, Pinchinat, Chauvet. Les réclamations de la rive droite furent écou- tées, mais beaucoup plus tard ; pas en 1792, comme le dit l'abbé Maurel. Voici la preuve fournie par un document officiel que nous allons reproduire in-ex- tenso. Le 30 vendémiaire an IV, « Un administrateur a exposé que l'Assemblée administrative du départe- ment, réunie le 10 décembre 1790, ordonna la sup- pression du canton qui était établi à Château-Amoux, que la nouvelle composition du canton qu'elle arrêta excita des réclamations de la part de cette Commune et de celles qui formaient l'arrondissement de ce can- ton, que leur réunion au canton de Volonne les expo- sait à être frustrées du droit de voter dans les As- semblées primaires, parce qu'elles en étaient séparées par la rivière de la Durance dont le passage dans les temps de crues était intercepté ; et qu'il est de toute justice d'avoir égard aux différentes pétitions qui ont été présentées par les communes, et sur lesquelles il est surprenant qu'il n'ait pas été plutôt (sic) prononcé. Sur quoi, les Administrateurs du département des Basses-Alpes, considérant que le droit de voter est un des plus précieux pour l'homme libre ; considérant que la suppression du canton de Château-Amoux expose cette commune et celles qui formaient l'arrondissement de ce chef-lieu de canton à ne pas exercer ce droit, par rapport au débordement de la Durance ; considérant qu'il conste par un procès-verbal dressé par lesd. communes le 7 janvier 1791 (vieux stile) que cet obstacle les priva de la faculté d'assister à l'Assemblée primaire tenue dans la Commune de Volonne, chef-lieu de ce canton auquel elles ont été réunies par l'Assemblée administrative tenue en 1790 (v. s.) ; considérant que l'importance des commu- nes qui formaient, d'après la première division du territoire français, le canton de Château-Arnoux, s'op- posait à leur réunion à celui de Volonne ; considérant qu'un des principaux avantages qu'assurait la ire division était le raprochement des citoyens des Juges à l'élection desquels ils ont le droit de concourir, ce serait priver les communes réclamantes de cet avantage que de laisser subsister la nouvelle division faite par l'Administration ; considérant que le rétablissement de ce canton n'est nullement préjudiciable à celui fixé à Volonne ; Le Canton est rétabli avec les mêmes communes, , Aubignosc, Châteauneuf-Val-St.-Donat et Consonoves lesquelles ne feront plus partie du canton Sisteron et Volonne. » (Arch. dép. L. 117, pages 25 et 26.) C'est donc le 30 vendémiaire an IV, jeudi 22 octobre 1795, que Château-Arnoux reconquit son titre. La question est tranchée d'une façon précise. Le 19 vendémiaire an V, 9 octobre 1796, avis est donné au citoyen Motet de sa nomination à la place de commissaire du pouvoir exécutif près l'adminis- tration cantonale de Château-Arnoux. (Arch. dép. L. 187, page 69.) Mais voici le grabuge ! Le 26 pluviôse an V, 14 février 97, lettre menaçante aux administrateurs des cantons de Château-Arnoux et Volonne : « L'Ad- ministration centrale est instruite, citoyens, de la division prête à s'élever entre les communes de Châ- teau-Arnoux et Volonne ; elle en connait assez les détails pour penser que ce sont les ennemis du bon ordre et des deux communes, qui cherchent, par des manœuvres qui leur sont familières, à aigrir les citoyens, à troubler la tranquillité. Nous vous écri- vons pour que vous redoubliez de zèle et de surveil- lance, et afin que vous vous serviez de votre autorité pour conserver la tranquillité dont le dépôt vous est confié. Vous vous rendriez coupables d'une faiblesse im- pardonnable et vous trahiriez la confiance de vos concitoyens, si vous hésitiez de dénoncer au juge de paix tous ceux, quels qu'ils soient, qui tenteraient de troubler l'ordre, qui formeraient des attroupements et qui attenteraient à la sûreté publique et indivi- duelle... Sur votre réponse, l'Administration centrale enverra une force armée capable de faire respecter l'autorité dans votre canton, de faire rassurer les bons citoyens sur les entreprises des méchants. Dès qu'elle aura reçu les éclaircissements que vous leur donnerez, elle se décidera, s'il le faut, à ordonner le déplacement du, bâteau afin d'empêcher les méchants d'abuser de la facilité des communications. Salut et fraternité. » (Arch. dép. L. 188, page 46.) C'est amusant de confronter les pièces administratives. En 1795, il faut rétablir le canton de Château-Arnoux, parce que les électeurs de la rive droite ne peuvent se transporter sur la rive gauche ! En 1797, il y a trop de facilité de communications entre les deux rives. Et le moyen de passer la Durance n'a pas changé du tout entre les deux dates ! Vérité en l'an IV, erreur en l'an VI. Comique ! La loi du 28 pluviôse an VIII, 17 février 1800, relative à la division du territoire français, amena la suppression du canton de Château-Arnoux. Pei- pin qui avait été rattaché à Sisteron, en 1791, lors de la première suppression du canton de Château- Arnoux, rattaché à celui-ci en 1795, demeura acquis, en 1800, à Volonne. Le canton de Turriers avait été organisé en 17 91. L'arrêté du 27 vendémiaire an X, 18 mars 1802, réduisit le nombre des Justices de paix du départe- ment des Basses-Alpes, supprima les cantons de Mi- son, Claret et Saint Geniez, créa celui de Barcilon- nette, de Vitrolles qui comprenait Esparron et Vi- trolles. La division de l'an X subsiste encore, sauf les modifications suivantes : le 13 janvier 181 o, le canton de Barcikmnette fut rattaché aux Hautes- Alpes ; la commune de Consonoves fut annexée, en 1805, à Mallefougasse, canton de Saint-Etienne-les- Orgues ; la commune de Jarjayes fut supprimée par ordonnance royaLe du 28 octobre 1832 et réu- nie à Noyers ; la commune de Chardavons fut en- globée dans celle de Saint Geniez, par décret impérial du 15 septembre 1859. La commune de Piousin avait été absorbée par Montfort, en 1791. En juillet 1790, les braves gens de Salignac rêvè- rent de voir leur village devenir chef-lieu de canton. Leur curé rédigea une adresse assez habile aux dé- putés chargés d'organiser le département. — (Sis- teron- journaf publia l'adresse dans son numéro du 21 décembre 1912) — Salignac resta et reste dépen- dant de Volonne. Combien de temps durera encore la division admi- nistrative actuelle ? CHAPITRE II

Résumé des principales lois votées contre l'Église catholique.

Les encyclopédistes avaient bataillé, au cours du XVIIIe siècle, contre l'Église, avec la parole et avec la plume. Leur programme était résumé par Voltaire dans le mot haineux qu'il répétait souvent : écrasons l'infâme. La Révolution, préparée par eux, devait essayer d'écraser le catholicisme. Elle n'y réussit pas, mais elle accumula des ruines, elle détruisit de nom- breux chefs-d'œuvre, elle fit couler le sang avec abondance. Dans la nuit du 4 août 1789, avec un enthousiasme irréfléchi, et sans les transitions nécessaires, tous les privilèges furent abolis ; les droits féodaux et la dîme devaient être rachetés. Mais le 10 août, Mira- beau plaida contre Siéyès pour la suppression pure et simple de la dîme, et laissa entrevoir la confisca- tion des biens ecclésiastiques, avec, comme compen- sation, un salaire accordé aux membres du clergé. Le lendemain, les députés de cet ordre, comprenant que la partie était perdue, ne voulurent pas prolonger la discussion, et renoncèrent à réclamer le rachat. Il fut conclu que la dîme continuerait à être payée jusqu'à ce que fût votée la loi qui pourvoirait aux besoins du culte. Comment arriverait-on à percevoir un impôt qui était déclaré en principe aboli ?... J'ai écrit : les députés de cet ordre. Le mot n'est pas exact. Depuis le 27 juin, jour où le roi avait in- vité les représentants de la noblesse et du clergé à délibérer en commun avec les représentants du tiers- état, la distinction entre les trois ordres avait disparu. Les Curés étaient venus les premiers se join- dre aux députés du peuple. Ils en furent assez mal récompensés. Les applaudissements qui les avaient accueillis, firent place assez vite à des mesu- res vexatoires, puis à la persécution violente. Le 10 octobre 1789, commença la discussion sur le sort qui serait réservé aux biens d'église. Ils étaient considérables, mais très inégalement répartis. Il y avait des évêchés très riches et des évêchés pauvres, appelés dédaigneusement « évêchés crottés » ; par- mi ces derniers : Digne, , Glandéves, etc. Il y avait des abbayes à gros revenus, Saint Waast et autres ; et des couvents d'hommes, surtout de fem- mes, dont les occupants avaient peine à joindre les deux bouts. Les curés et les vicaires de chez nous, alors comme aujourd'hui, jouissaient d'une situation très modeste, et pas du tout enviable, matériellement parlant. L'ensemble des biens ecclésiastiques avait été apprécié à 3 milliards. Le budget de l'Etat se trouvait en mauvaise posture. Les ministres des fi- nances qui se succédaient rapidement, — notre épo- que ressemble étrangement à celle là 1 — ne savaient plus comment s'y prendre pour garnir la caisse du fisc. Depuis longtemps, l'Etat regardait avec un œil d'envie du côté de l'Eglise. Louis XIV n'avait-il pas écrit dans ses Mémoires : « Les rois ont naturelle- ment la disposition pleine et libre de tous les biens, tant des séculiers que des ecclésiastiques, pour en user comme sages économes, c'est-à-dire selon les besoins de leur Etat. » (tome l, page 209). Chose curieuse, le premier qui proposa d'abolir la propriété du clergé, ce fut un évêque, Talleyrand, titulaire d'Autun. Si l'État, dit-il en résumé, se charge de subvenir aux besoins des prêtres et d'acquitter les fondations, il peut prendre les terres. Mirabeau sui- vit : les ministres du culte auront le logement et un traitement minimum de 1200 livres, et les biens se- . ront déclarés propriété de la nation. Barnave renché- rit sur Mirabeau. Malouet essaya d'une demi-mesure. « Nous avons rallié naguère à nous, dit-il, les minis- tres de l'Eglise au nom du Dieu de paix ; pouvons- nous aujourd'hui nous faire leurs spoliateurs ? » Voici son plan : Une commission ecclésiastique déter- minera combien d'évêchés, de curés, de monastères, de chapitres, de séminaires sont vraiment utiles, et quels biens fonds leur sont strictement nécessaires. Toutes les institutions dont le maintien ne s'impose pas, seront supprimés, et leurs propriétés acquises a l'État. Camus qui deviendra bientôt un ennemi de la religion, l'abbé Maury défendirent les droits de l'Église. A la reprise de la discussion, le 30 octobre, Thouret, Treilhard, reprirent la thèse de Mirabeau, qui lui même reparut à la tribune. Maury fut cinglant et dur à l'adresse des spoliateurs. Mgr de Boigelin, archevêque d'Aix, plus conciliant, offrit un subside extraordinaire du clergé à la chose publique, et de- manda à discuter la somme... Mais Le Chapelier et Mirabeau réussirent à faire décréter, le 2 novembre, par 568 voix contre 346, que les biens d'église se- raient mis à la disposition de la nation. Le décret fut sanctionné par l,e roi. L'application devait être faite peu-à-peu. En Décembre, l'Assemblée Constituante créa la caisse dite de l'extraordinaire, destinée à recevoir les offrandes de la contribution patriotique. La con- tribution donna peu. Il fallait alimenter l'extraordi- naire. On décida de vendre partie des domaines de la couronne et partie des domaines ecclésiastiques jusqu'à concurrence de 400 millions ; on résolut de lancer des bons à intérêt, gagés sur les biens à confisquer ; voilà l'origine des assignats. Le 13 novembre avait été prescrit l'inventaire des propriétés déclarées à la disposition de la na- tion. Le 5 janvier 1790, décret de mise sous séques- tre de ce que possédaient les bénéficiers résidant hors de France. Le 9 avril, Chasset demanda que les Directoires de département devinssent adminis- trateurs des biens d'église et que les membres du clergé fussent payés en argent. Maury dit à ses collègues : « Vous avez fait de remarquables pro- grès dans la conquête du bien d'autrui. » Le 14 avril, la motion Chasset passe. Les ventes commenceront bientôt. Pour encourager les acheteurs, il fut stipulé qu'ils n'auraient à payer, le jour de l'acte, qu'une portion du prix, variant entre 12 et 30 o,/o ; que le reste serait réglé en 12 annuités, sans intérêt à courir. Les immeubles affectés aux fondations qui avaient été laissés à leur affectation par la loi de 90, furent décrétés de bonne prise le 10 février 17 91 ; de même les biens des ordres militaires, primitivement épar- gnés, subirent la confiscation, de par les lois des 17 mars et 19 septembre 1792 ; les palais épisco- paux eurent le même sort, le 19 juillet 1792 ; les maisons des religieuses, le 17 août ; les biens des fabriques le 19 août ; les biens des hôpitaux et des établissements de charité, déclarés jusque là intan- gibles, furent soumis à la vente par les lois des 19 mars 1793 et 23 messidor an II. Ainsi, tout y passa peu à peu.